Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 21 - Témoignages du 25 novembre 2014
OTTAWA, le mardi 25 novembre 2014
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 55, pour poursuivre son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Traduction]
Je vais présenter les témoins en bonne et due forme, mais à titre de président du comité, je vous remercie, au nom de tous les sénateurs, d'avoir accepté notre invitation à venir nous faire part de vos opinions sur l'ordre de renvoi que nous avons reçu du Sénat du Canada.
[Français]
Mon nom est Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité.
[Traduction]
J'aimerais débuter en demandant aux sénateurs de se présenter.
La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.
La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, de l'Alberta.
Le sénateur L. Smith : Larry Smith, de Montréal.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de Toronto.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Rivard : Michel Rivard, du Québec.
[Traduction]
Le président : Ce soir, le comité continuera son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Le secteur agricole et agroalimentaire canadien joue un rôle important dans 1'économie canadienne.
[Français]
En 2012, un travailleur sur huit au pays, soit plus de 2,1 millions de personnes étaient employées directement dans ce secteur qui a d'ailleurs contribué à près de 6,7 p. 100 du produit intérieur brut.
[Traduction]
Au niveau international, le secteur agricole et agroalimentaire canadien était responsable de 3,6 p. 100 des exportations mondiales de produits agroalimentaires en 2012. Cette année-là, le Canada a été le cinquième plus important exportateur de produits agroalimentaires au monde.
Ce soir, nous accueillons, comme premier groupe, des représentants des producteurs d'œufs du Canada : Peter Clarke, président, et Tim Lambert, chef de la direction. Nous accueillons aussi des représentants des Producteurs de poulet du Canada : Mike Dungate, directeur exécutif, et Yves Ruel, directeur du commerce et des politiques.
Le greffier m'a informé que c'était au président de décider qui, des producteurs d'œufs et des producteurs de poulet, témoigneraient en premier. Je demande donc à M. Lambert de commencer, suivi de M. Dungate. Nous passerons ensuite à la période de questions.
Tim Lambert, chef de la direction, Les producteurs d'œufs du Canada : Merci de nous avoir invités à participer à votre étude sur les priorités du secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire en matière d'accès aux marchés internationaux. Les producteurs d'œufs du Canada représentent plus de 1 000 fermes familiales de production d'œufs au Canada.
L'une des questions que l'on se pose s'agissant de l'accès aux marchés internationaux est celle de savoir quelle est la place de la gestion de l'offre et de notre système dans le programme commercial du gouvernement. La question de la gestion de l'offre est aussi pertinente aujourd'hui, et peut-être même plus, qu'elle l'était lorsque l'on a commencé en 1972. C'est une politique axée sur le marché intérieur qui nous permet de produire des œufs pour les Canadiens, des œufs qui figurent parmi les meilleurs au monde en termes de fraîcheur, de qualité, de salubrité des aliments et de bien-être des animaux. En outre, l'un des principaux arguments que nous voulons faire valoir sur ce point est que, dans les marchés internationaux, les cycles d'expansion et de ralentissement sont monnaie courante et qu'il est profitable d'avoir un marché national stable.
La stabilité des collectivités rurales illustre souvent ce point. À titre d'exemple, il y a un certain nombre d'années, l'industrie du porc traversait une période très difficile, mais elle s'en tire beaucoup mieux aujourd'hui, tout comme l'industrie du bœuf. Sans une saine gestion de l'offre dans le secteur agricole canadien, par exemple en ce qui concerne les œufs, les produits laitiers, la dinde, le poulet et les œufs d'incubation, il arrive que dans certaines collectivités, des entreprises comme le cabinet de vétérinaire ou le concessionnaire de machinerie agricole ferment leurs portes en l'absence de la provenderie locale; vous avez peut-être été témoins de situations semblables. Malgré cela, bon an, mal an, des producteurs d'œufs, de produits laitiers et de poulet achètent des aliments pour animaux et de la machinerie grâce à la stabilité du marché national.
Nous nous percevons comme une valeur sûre année après année, tel un portefeuille financier. Cet investissement permet de miser davantage sur les exportations de certains biens de consommation. Nous estimons que la gestion de l'offre joue un rôle crucial dans l'avenir du secteur agricole canadien de façon très dynamique et progressive.
Nous pensons que cette approche équilibrée a produit de bons résultats, et qu'elle a du sens lorsque l'on considère la volatilité mondiale des prix en agriculture; la difficulté que les producteurs qui ne sont pas soumis à la gestion de l'offre éprouvent pour maintenir la viabilité de leurs exploitations; la croissance démographique mondiale qui rend encore plus urgente la production d'aliments domestiques salubres et sécuritaires; et la possibilité d'un déclin sur les marchés d'exportation ou l'effondrement d'un marché d'exportation. Nous pensons que la force continue de notre système aide les produits canadiens à faire face à ces hauts et ces bas.
Étant donné que la gestion de l'offre est profitable pour une série de produits agricoles, les producteurs canadiens améliorent leurs programmes régulièrement et continuellement. Ils réinvestissent en permanence, qu'il soit question de salubrité alimentaire ou de soins des animaux à la ferme. En fait, nous estimons que la gestion de l'offre et la capacité de fonctionner dans cette structure sont plutôt un privilège qu'un droit. En conséquence, nous prenons très au sérieux le contrat social que nous avons conclu avec la société canadienne et nous cherchons des façons de faire le meilleur travail possible, pas seulement le minimum. À titre d'exemple, nous avons récemment investi dans un système complet de traçabilité des œufs; si nous l'avons fait, ce n'est pas que la loi nous y obligeait, mais bien que c'était ce qu'il convenait de faire dans notre industrie.
En outre, nous gardons les emplois au pays. Comme notre secteur de la production d'œufs est dynamique, nous sommes aussi assurés d'avoir un secteur de la transformation qui soit viable. Au lieu de laisser ces emplois partir à l'étranger, nous transformons ici au Canada les œufs qui servent à la fabrication des pâtes ou à la confection des sandwiches petit déjeuner ou des produits de boulangerie-pâtisserie.
À l'heure actuelle, un producteur sur cinq soumis à la gestion de l'offre dans le secteur de la production des œufs est ce qu'on appelle un jeune producteur; ce sont des jeunes qui choisissent le domaine. Pratiquement chaque province est dotée d'une politique sur les jeunes producteurs ou les nouveaux venus — des façons d'amener de nouveaux producteurs à se soumettre à la gestion de l'offre et de les aider à s'établir. Par conséquent, nous constatons que l'âge moyen des producteurs diminue au fil du temps. En fait, le fils de Peter Clarke, Jeff, a repris l'entreprise familiale. Les jeunes d'aujourd'hui ont beaucoup plus d'options qui s'offrent à eux que les générations précédentes. C'est très stimulant de voir que ces personnes choisissent la vie à la ferme. L'industrie n'est pas réservée aux gens qui se trouvent déjà dans l'industrie; grâce aux programmes destinés aux nouveaux venus, nombre de gens de différentes sphères de la société optent pour une carrière dans notre secteur.
Le rapport de 2013 du Conference Board du Canada intitulé Cultivating Opportunities : Canada's Growing Appetite for Local Food parle de l'intérêt grandissant pour les aliments locaux. Nous avons une production dans chaque province, de Terre-Neuve-et-Labrador à Vancouver et sur l'île. Nous avons même une ferme dans les Territoires du Nord-Ouest, à Hay River. En règle générale, les Canadiennes et les Canadiens peuvent se procurer des œufs frais de qualité produits localement, et ce, à longueur d'année, à des prix très raisonnables et stables.
J'aimerais insister sur un point qui est mentionné de temps à autre dans les médias. Nous ne fixons pas le prix au détail des œufs. En fait, nous fixons le prix-plancher que les producteurs reçoivent.
Au fur et à mesure que le gouvernement fait avancer son programme de commerce international, les producteurs d'œufs du Canada l'appuient dans ses efforts en prenant toutes les mesures possibles pour continuer de bâtir une industrie de calibre mondial axée sur le marché intérieur, et nous sommes reconnaissants du soutien que nous offrent tous les ordres de gouvernement. Nous nous voyons comme des partenaires très constructifs dans toutes les sphères d'activité agricole. Nous savons que dans bien des marchés commerciaux, un produit n'a pas été échangé contre un autre, et nous croyons que cela peut continuer et que nous pouvons rester un partenaire dynamique dans le secteur agricole canadien.
Mike Dungate, directeur exécutif, Producteurs de poulet du Canada : Merci de nous inviter aujourd'hui pour partager nos points de vue sur les priorités d'accès au marché international, non seulement pour nous, mais aussi pour tout le secteur agroalimentaire canadien. Les Producteurs de poulet du Canada sont un organisme national qui représente 2 700 producteurs de poulet dans l'ensemble des provinces. Nos décisions sont prises par un conseil d'administration auquel siègent des producteurs, des transformateurs, des surtransformateurs et des restaurateurs. Nos décisions prennent en compte tous les aspects de la chaîne de valeur.
Même si les poulets ne sont pas les plus gros animaux d'élevage, il n'en est pas de même pour leur incidence sur l'économie. Elle se fait sentir tant en milieu rural qu'urbain et touche l'ensemble de la chaîne de valeur. J'y reviendrai dans un instant.
Nous soutenons 56 000 emplois sur les fermes et dans les usines de transformation. Nous générons 2,4 milliards de dollars en recettes monétaires agricoles et contribuons à hauteur de 6,5 milliards de dollars au produit intérieur brut du Canada. Nous payons 1,3 milliard de dollars en recettes fiscales. Nous faisons une contribution positive à l'économie et nous achetons 2,4 millions de tonnes de nourriture pour animaux par année.
L'industrie du poulet est un exemple de réussite pour ce qui est de la croissance et de la valeur ajoutée. Nous avons des producteurs dans chaque province. Nous avons plus de poulaillers aujourd'hui qu'en 1978, année où nous avons fondé les Producteurs de poulet du Canada. La taille moyenne des fermes a augmenté de 25 p. 100 depuis 2000, et la production a augmenté de plus de 20 p. 100 au cours de ces 15 années. Nous ne consolidons pas nos entreprises de façon dramatique pour prendre de l'expansion; nous faisons croître l'industrie pour ce faire. Voilà pourquoi le nombre de poulaillers reste stable.
Nous accordons une importance capitale à la valeur ajoutée, alors nous n'exportons pas d'oiseaux vivants. Pour chaque oiseau produit dans nos poulaillers, nous avons des œufs d'incubation. Ils passent par des couvoirs; ils viennent dans nos poulaillers; ils vont dans une usine de transformation. Quarante pour cent de ces oiseaux sont ensuite surtransformés dans une autre usine. On ajoute de la valeur tout au long de la chaîne.
Nous innovons et investissons dans notre avenir. Vingt-cinq pour cent des producteurs sont dans l'industrie depuis 10 ans ou moins. Il en va de même pour les producteurs d'œufs. Vingt pour cent des producteurs ont construit de nouveaux poulaillers au cours des cinq dernières années. Quinze pour cent des producteurs ont procédé à une importante mise à niveau de leurs installations et la valeur moyenne de ces rénovations est d'environ un demi-million chacune. Il s'agit d'une contribution importante.
Du côté de la transformation, des usines toutes neuves ont été construites au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse au cours des deux dernières années, tandis que deux autres ont été construites à Saskatoon et à Lethbridge, respectivement, au cours des cinq dernières années. Nous avons la capacité de prendre de l'expansion.
Vous voulez parler des exportations. Nous nous voyons comme une plate-forme permettant au secteur agricole canadien d'exporter. Comme M. Lambert l'a mentionné, nous sommes un élément clé de ce portefeuille d'investissement global. Votre conseiller en investissement ne vous dirait pas d'investir tout votre fonds de retraite dans des fonds de marchés émergents, car ils sont très risqués et non viables. Il voudrait plutôt diversifier votre portefeuille en fait, par exemple, de marchés et de types d'investissements pour qu'il soit équilibré.
Nous pensons qu'il s'agit de la même politique efficace que pour le secteur agricole canadien. Nous représentons 20 p. 100 de la gestion de l'offre dans ce secteur. C'est un bon pourcentage. C'est une base solide qui permet de survivre aux ralentissements économiques, comme dans le secteur du porc dont il a été question tout à l'heure. Si vous étiez une provenderie et que vous dépendiez exclusivement de l'industrie du porc, vous n'auriez peut-être pas survécu à ce ralentissement économique, mais si vous faisiez affaire à des producteurs d'œufs, des producteurs de poulet et d'autres producteurs à ce moment-là, vous avez été en mesure de faire face à certains de ces hauts et de ces bas grâce à une clientèle diversifiée. Nos producteurs savent que la diversification est primordiale. Seulement un tiers des producteurs de poulet ne produisent que du poulet. Quarante pour cent d'entre eux cultivent le maïs, le blé ou le soya; 20 p. 100 élèvent des bovins; et 15 p. 100 cultivent du canola. Ils exportent, mais ils comprennent quelle partie de leur exploitation est destinée à l'exportation et quelle partie représente une portion stable de leur investissement. En fait, 34 p. 100 des revenus de ménage proviennent de l'extérieur de la ferme. C'est une réalité du secteur agricole au Canada. Une importante partie des revenus provient de l'extérieur de la ferme.
Mon ancien président, originaire de Lethbridge, était un exploitant de parc d'engraissement de bovins. Il avait coutume de dire qu'il pouvait être plus dynamique avec son entreprise sachant qu'il avait certaines rentrées d'argent grâce à ses poulets. Lorsque le marché a baissé, il n'a pas eu à liquider son troupeau de bovins et à en subir les conséquences. Il a pu laisser passer la tempête et prendre des mesures plus énergiques avec son exploitation de bovins.
Nous appuyons d'autres producteurs en achetant 2,4 millions de tonnes d'aliments pour animaux par année, pour vous donner un autre point de vue.
Je pense qu'il faut aussi trouver un équilibre entre les industries céréalière et animalière. Lorsque le prix des aliments pour animaux est élevé, les cultures céréalières ont tendance à être fructueuses. Lorsque le prix des aliments pour animaux baisse, ce sont les industries animalières qui le sont; il faut les mettre en balance.
En résumé, nous nous voyons comme un élément clé de la solution pour améliorer l'économie rurale canadienne — en fait, pour améliorer l'économie canadienne dans son ensemble.
Nous offrons des avantages importants aux Canadiens mêmes, par exemple la salubrité des aliments. Nous avons un programme obligatoire de salubrité des aliments à la ferme reconnu par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Nous avons un programme obligatoire de soin des animaux. Nous avons un programme de traçabilité que nous avons mis en place grâce notre réglementation en matière de gestion de l'offre. Nous savons où se trouvent tous nos poulets et toutes nos fermes. Nous savons s'il y a ou non des oiseaux dans une ferme donnée; nous savons quel âge ils ont. Chaque fois qu'un problème surgit, nous pouvons le retracer immédiatement.
Pour ce qui est de la raison qui nous amène ici aujourd'hui, monsieur le président : la gestion de l'offre et le commerce sont tout à fait compatibles. Que personne ne dise le contraire. Depuis le cycle d'Uruguay, le Canada a négocié ou mis en œuvre 42 accords de libre-échange. Chacun de ces accords a donné accès aux contingents hors taxes des produits soumis à la gestion de l'offre et nous a donné accès à d'autres marchés. Nous avons accès à nos produits en franchise de droits. Lorsque tout le monde parle de droits de 238 p. 100 pour le poulet, personne ne les paie, mais le Canada est le cinquième pays importateur de poulet dans le monde, et les droits à payer se situent entre 0 et 5,4 p. 100. C'est ce que nous avons négocié dans l'accord de libre-échange et ce modèle nous a réussi. Nous nous attendons d'ailleurs à ce que le gouvernement continue de le suivre avec le Partenariat transpacifique; en fait, nous croyons qu'il le fera.
Nous sommes le troisième marché en importance pour les exportations de poulet des États-Unis, et quand vous le placez dans le contexte du Partenariat transpacifique, le Canada importe plus de poulet que les États-Unis, le Pérou, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Brunéi et la Malaisie combinés. Alors lorsque les Américains ou les Néo-Zélandais veulent nous parler d'accès, nous sommes prêts à défendre notre bilan. La Nouvelle-Zélande ne permet pas du tout l'importation de poulet. Elle n'impose aucun droit sur le poulet et n'accepte aucune importation. Voilà ce dont nous avons besoin. Il s'agit d'une barrière non tarifaire. C'est ce que nous avons besoin de négocier. Vous pouvez voir notre tarif. C'est la raison pour laquelle ils en parlent. J'admire beaucoup les aptitudes du haut-commissaire de la Nouvelle-Zélande pour les relations publiques.
Il faut donc respecter les règles du jeu. Nous sommes tous favorables au commerce fondé sur des règles et sur la science pour obtenir l'accès que nous méritons pour nos exportateurs, mais pour pouvoir aussi garantir aux Canadiens que les produits qu'ils voient sur les tablettes de leurs magasins respectent les normes canadiennes.
J'aimerais mentionner rapidement trois questions non résolues que nous avons. La première porte sur la volaille de réforme. Il s'agit de vieilles pondeuses. Leur importation n'est pas contrôlée, mais nous importons plus de viande de volaille de réforme des États-Unis qu'ils n'en produisent. Je ne sais pas comment cela est possible, mais c'est ce qui se produit.
Le président : C'est une bonne question.
M. Dungate : Parce qu'ils importent du poulet et le déclarent comme de la volaille de réforme, ils frustrent le système canadien, le gouvernement canadien, de recettes fiscales en évitant de payer des taxes et en minant un commerce fructueux.
Il y a également ce qu'on appelle un mélange défini de spécialité. Monsieur Mockler, nous avons eu droit à une petite présentation la semaine dernière à notre réception. Si l'on ajoute une sauce, ce n'est plus du poulet. On n'a qu'à ajouter un petit sachet de sauce, et le produit n'est plus considéré comme étant du poulet. C'est un autre aspect à considérer.
Pour terminer, on a le Programme de report des droits. On avait un excellent programme au ministère des Affaires étrangères, à savoir le Programme d'importation pour la réexportation. Le produit devait arriver, être traité et quitter le pays dans un délai de trois mois. En fait, il offrait de nombreuses occasions d'affaires incroyables pour les entreprises canadiennes, sauf que le ministère des Affaires étrangères a chassé du programme les fraudeurs. Les entreprises se sont tournées vers un programme de report des droits de l'ASFC et peuvent maintenant réexporter le poulet pour quatre ans. Je ne sais pas si l'un de vous accepterait de manger du poulet conservé pendant quatre ans. Personnellement, je ne voudrais pas. En fait, les entreprises ne le réexportent pas. Nous craignons qu'elles ne contournent les règles et qu'elles laissent le produit sur le marché canadien.
Nous avons un système de gestion de l'offre en évolution qui, d'après moi, est aussi pertinent aujourd'hui qu'il l'était il y a 40 ans. Nous contribuons de façon considérable à la santé globale de l'industrie agricole et à l'économie, et plus particulièrement dans les régions rurales du Canada. Nous appuyons un système commercial fondé sur des règles et nous défendons notre bilan pour ce qui de l'accès aux marchés que nous offrons.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Dungate.
La sénatrice Tardif : Merci de vos exposés très informatifs.
Vous vous êtes prononcé très clairement, et je dirais même avec véhémence, sur l'importance de maintenir le système de gestion de l'offre actuel. Notre comité a entendu d'autres témoins, dont le Conference Board du Canada, qui ont cependant fait valoir qu'il faut moderniser le système de gestion de l'offre pour permettre à l'industrie de tirer plus efficacement parti des marchés commerciaux internationaux. J'essaie de comprendre. Comment peut-on établir un équilibre entre l'accès aux marchés internationaux et le maintien du système de gestion de l'offre en place au pays?
De plus, j'aimerais également vous poser une autre question sur la transition de pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande vers une déréglementation de leur système de gestion de l'offre. Quelle a été l'incidence de cette transition sur leurs industries?
M. Lambert : Ce sont là de bonnes questions. Je vais répondre à la deuxième question en premier. Nous jouons un rôle très actif au sein de notre association commerciale internationale, la Commission internationale des œufs. Elle compte probablement 50 ou 60 membres, dont l'Australie.
À l'heure actuelle, les consommateurs australiens paient plus pour une douzaine d'œufs que les Canadiens. Nous avons pris part à des réunions du PTP il n'y a pas si longtemps et nous avons fait quelques recherches. Nous nous sommes rendus à quelques points de vente et avons découvert qu'ils paient plus cher. Que s'est-il passé? Lorsque l'Australie a procédé à la déréglementation, on a enregistré initialement une baisse des prix à la consommation à court terme, mais avec le temps, les revenus des agriculteurs ont chuté. Les prix ont graduellement grimpé à des niveaux plus élevés que jamais. C'est une question de concentration de la vente au détail. Les consommateurs avaient l'habitude de payer plus cher. Donc, ce qui s'est passé à long terme, c'est un transfert de richesse des fermes familiales vers les riches multinationales. C'est ce qui s'est produit.
Les agriculteurs dans ce pays et ailleurs — il y avait certaines formes de gestion de l'offre en Europe — nous ont dit de ne jamais laisser tomber ces systèmes puisque la déréglementation n'améliore pas la situation des agriculteurs.
Comment peut-on établir un équilibre? Je pense que cela tient en grande partie de ce dont Mike et moi-même avons discuté. J'ai trouvé excellent l'exemple que Mike a donné d'une personne qui élevait du bétail et devait respecter un contingent sur le poulet. Cette stabilité est nécessaire pour favoriser les exportations.
Le fait de devoir renoncer à un produit pour en obtenir un autre n'est pas un accord avantageux. Ce n'est pas une bonne affaire commerciale, à mon avis. Nous avons toutefois signé de nombreux accords commerciaux sans renoncer à la gestion de l'offre. Pourquoi serions-nous obligés d'y renoncer? Pour le Conference Board du Canada, je pense que c'est un peu malhonnête parce qu'il représente un grand nombre de ces multinationales. Et que veulent-elles? Des meilleurs prix et plus de profits.
Comme c'est très souvent le cas, c'est une question d'équilibre. Il ne faut pas aller trop loin dans une direction; il faut trouver un juste milieu.
M. Dungate : Le partenaire clé dans le PTP, c'est le Japon. Nous avons déjà des accords de libre-échange avec les États-Unis, le Mexique et le Pérou. En fait, le Canada ne voulait pas faire partie du PTP lorsqu'il n'y avait que les États-Unis. Pourquoi? Nous avions déjà le meilleur accès possible aux marchés américains. Tout ce que nous obtiendrons en signant un PTP sans le Japon, c'est un meilleur accès pour nos concurrents au principal marché, les États-Unis. Le Japon est le partenaire clé. Nous travaillons de façon bilatérale avec les Japonais.
Je ne me soucie vraiment pas de ce que disent les Néo-Zélandais. Ils n'ont rien à offrir au Canada, car ils veulent avoir accès à nos marchés. C'est leur problème. Que nous offriront-ils en retour? Ils n'ont rien à nous offrir. C'est un petit marché qui est très éloigné de nous.
La clé du succès pour nous, c'est le Japon, où nous voulons avoir un accès aux marchés. Si nous nous concentrons sur ce dont nous avons besoin pour ce qui est des possibilités d'exportation, nous pouvons adapter notre gestion de l'offre en tenant compte de nos options. Si nous écoutons la Nouvelle-Zélande qui dit que nous devons éliminer tous les tarifs douaniers mais qu'elle maintiendra toutes les barrières non tarifaires pour elle-même, alors c'est une autre histoire.
Je vais vous donner un autre exemple : le Brésil. Les États-Unis et le Brésil exportent 75 p. 100 de tout le poulet dans le monde. Le Brésil exporte du poulet dans plus de 100 pays, dont le Canada. Il n'exporte pas vers les États-Unis. Pourquoi? Ce n'est pas à cause des tarifs douaniers. C'est parce que les États-Unis disent qu'il y a des cas de la maladie de Newcastle au Brésil. Une centaine de pays acceptent le poulet du Brésil, mais pas les États-Unis. Toutes les usines canadiennes qui importent du poulet du Brésil ne peuvent pas exporter vers les États-Unis. C'est le jeu auquel se livrent les Américains.
Quand ces pays nous parlent d'accès, je leur parle des marchandises que nous importons davantage qu'eux. Ne pensez pas aux tarifs douaniers et aux gens qui essaient de brandir un drapeau pour vous distraire. Il ne faut pas perdre de vue l'objectif. Nous voulons avoir un accès réel. Nous offrons cet accès.
Peter Clarke, président, Les producteurs d'œufs du Canada : J'ajouterais simplement que si l'on veut parler de modernisation dans les exploitations agricoles, nos fermes sont parmi les plus modernes au monde, que ce soit les programmes ou le type d'opérations que nous avons. Nous pouvons nous mesurer à n'importe quel autre pays. Nous disposons de la technologie la plus avancée disponible.
De plus, si vous voulez parler des différents programmes, notre Programme de salubrité des aliments à la ferme, notre Programme pour la sécurité alimentaire et notre programme de retraçage n'ont pas leur égal. Comme Tim l'a indiqué tout à l'heure, un programme de retraçage est une initiative que nous avons décidé de mettre en place; nous n'avons pas été obligés de le faire. Si ces programmes ne sont pas mis en œuvre pour relever certains de nos défis, je vous prierais de m'expliquer leur raison d'être.
La sénatrice Tardif : Merci infiniment.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma première question concerne les producteurs d'œufs. Vous savez qu'il y a un prix minimum pour les producteurs d'œufs, mais pas pour la vente aux consommateurs. On sait que la situation est différente pour les produits laitiers en matière de gestion de l'offre, et vous l'avez souligné tantôt. Croyez-vous que, pour faire du commerce international, vous ayez une position plus avantageuse ou moins avantageuse que les producteurs laitiers?
[Traduction]
M. Lambert : C'est la production d'œufs, pour les œufs en coquille. Ce n'est pas vraiment un produit qui présente de nombreuses possibilités d'exportation sur de longues distances. Donc, 5 p. 100 de notre marché est aux États-Unis. Il n'y a pratiquement aucune importation. Si nous tentions d'exporter nos œufs, de façon réaliste, les États-Unis seraient le seul pays où nous pourrions le faire. Les seuls autres produits qui pourraient être exportés seraient les œufs transformés de moindre valeur tels que de la poudre d'œufs déshydratés et des blancs d'œufs.
La production d'œufs est une forme très locale d'agriculture, peu propice à une croissance axée sur l'exportation.
Juste pour mettre le tout en contexte, le Canada compte quelque 23 millions de pondeuses, alors qu'aux États-Unis, l'entreprise appelée Cal-Maine Foods en compte 27 millions. Si nous démantelions la gestion de l'approvisionnement du secteur ovocole, la production d'œufs disparaîtrait rapidement du Canada et les œufs viendraient des États-Unis.
Comparativement au secteur de la production laitière, les occasions d'exportation y sont rarissimes. L'industrie n'est tout simplement pas structurée ainsi.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Vous allez m'expliquer cela. J'ai visité une compagnie qui fait l'extraction du blanc d'œuf. Il s'agit d'une grosse compagnie au Canada. Est-ce la même chose pour le blanc d'œuf, peut-on le congeler et le vendre plus loin?
[Traduction]
M. Lambert : Il pourrait exister de plus petits marchés où on pourrait vendre des produits uniques, mais de façon générale, ce serait très limité.
Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. J'ai écouté quand il a été question des problèmes relatifs au respect des règles du jeu et à la volaille de réforme. Il y a quelques semaines, nous parlions des éleveurs de bovins et de porcs, qui semblent aux prises avec des problèmes de main-d'œuvre. Ils veulent des travailleurs étrangers temporaires. Qu'en est-il de votre industrie? Est-ce un problème ou non pour vous?
M. Clarke : Ce n'est pas un problème dans notre industrie; nous ne sommes donc pas à la recherche d'un plus grand bassin de main-d'œuvre au pays.
M. Dungate : Pour notre part, le seul problème que nous avons concernant les travailleurs étrangers temporaires, c'est que nous avons des gens pour attraper les oiseaux afin de les mettre dans les camions. Il s'agit généralement d'équipes qui travaillent sur les exploitations. Mais comme ces travailleurs sont embauchés par l'usine de transformation, ils ne sont pas considérés comme des travailleurs agricoles. C'est cette distinction que nous avons fait remarquer au Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Ces travailleurs affirment en outre qu'ils doivent parler anglais ou français, alors que la plupart d'entre eux parlent espagnol.
Ce sont les deux seuls problèmes que nous avons à cet égard.
Le sénateur Enverga : Vous avez indiqué que vous n'exportez pas de poulets vivants. Est-ce parce que vous voulez garder les gènes au Canada ou pour une autre raison?
M. Dungate : Non, je dis seulement que nous n'exportons pas d'animaux vivants. Comme nous leur ajoutons de la valeur ici, il n'est pas nécessaire de les exporter ailleurs. Nous nous en occupons ici et nous sommes préparés à cette fin. La génétique n'entre pas en ligne de compte. Dans l'industrie du poulet, la génétique se gère en fait à l'échelle mondiale. Il n'existe dans le domaine que cinq grandes entreprises de génétique environ dans le monde.
Le sénateur Oh : Merci, messieurs. Ma question revient sur le problème de la volaille de réforme. Nous importons actuellement 106 millions de kilos de volailles de réforme des États-Unis. Quelle incidence cela a-t-il sur l'industrie locale de la volaille de réforme?
M. Dungate : C'est environ 10, voire 4 p. 100 du marché; donc environ 40 millions de ces volailles de réforme sont des produits traditionnels qui devraient être libres de droits de douane. Nous ne tentons pas d'arrêter les activités régulières, mais de mettre fin aux agissements de ceux qui fraudent la population canadienne.
Quand on concocte un pâté ou une soupe, on utilise de la volaille de réforme, et c'est le processus dans lequel cette volaille est utilisée. Maintenant, 62 p. 100 de la volaille de réforme arrive sous la forme de poitrines désossée sans peau. Ce n'est pas de la volaille de réforme, mais un produit de première qualité. Quand nous voyons cette volaille arriver, nous nous disons que des gens font passer du poulet régulier pour de la volaille de réforme juste pour avoir plus de poulets et bafouer les règles. Du point de vue économique, nous avons estimé que cette pratique coûte environ 9 000 emplois, 600 millions de dollars en PIB et 66 millions de dollars en taxes impayées.
Le sénateur Oh : Savez-vous si les McCroquettes sont faites de volailles de réforme?
M. Dungate : Il y a très peu de volaille de réforme. Il s'agit de vieilles pondeuses qui ne pondent plus ou de vieux poulets d'élevage, et ce sont principalement ces derniers qui posent problème. Comme ce ne sont pas de jeunes poulets à griller, ils devront être attendris à un moment donné.
Je vais maintenant vous donner un truc de magasinage. Si l'étiquette indique que le produit est « assaisonné » ou « peut contenir des œufs », alors vous savez que vous n'achetez pas un bon poulet jeune et frais. Vous achetez de la volaille de réforme.
Le sénateur Oh : Qu'en est-il du prêt-à-manger servi par McDonald's? Cette chaîne utilise-t-elle beaucoup de volailles de réforme?
M. Dungate : Elle n'en utilise pas. Elle en a déjà utilisé pour ses McCroquettes, mais du point de vue de la qualité, elle utilise maintenant du poulet à griller. C'est principalement parce que lorsqu'on utilise des poulets plus âgés, les os sont plus fragiles, et la chaîne s'inquiétait des fragments d'os. Pour des raisons de sécurité, McDonald's utilise de jeunes poulets à griller.
[Français]
Le sénateur Rivard : Messieurs les témoins, merci beaucoup pour vos présentations. De la présentation des producteurs d'œufs, je retiens l'exemple que vous nous avez relaté, à savoir qu'en Australie, où la réglementation de la gestion de l'offre a été abolie, les œufs ont coûté plus cher à une certaine période.
J'aimerais qu'on parle des États-Unis. Pour nous, à l'heure actuelle, et tant que l'accord de libre-échange avec l'Europe ne sera pas en vigueur — pas avant quatre ou cinq ans —, le plus gros client et le plus gros fournisseur du Canada en matière de biens et de services sont les États-Unis.
On parle du prix des œufs en Australie, mais qu'en est-il des prix de détail aux États-Unis pour le poulet et pour les œufs? Selon vous, si le prix est comparable, est-ce que l'industrie des œufs et du poulet est subventionnée aux États-Unis, ou est-ce plutôt un libre marché comme au Canada?
[Traduction]
M. Lambert : Oui, c'est une autre bonne question. Tout dépend de la région des États-Unis. On peut trouver différents marchés, où les œufs sont moins chers, alors que dans certaines grandes villes, comme New York ou Los Angeles, les œufs sont aussi chers ou même plus chers. C'est très variable. Fait intéressant à souligner, la plupart des produits sont moins chers aux États-Unis. C'est simplement un fait. C'est le cas pour des produits auxquels on ne s'attendrait pas, comme le ketchup. L'usine de Heinz vient de fermer au Canada, et le prix du ketchup est 65 p. 100 plus élevé chez nous. Pour les céréales — il se cultive beaucoup de grains ici — l'écart est de 15 p. 100. Les couches sont près de 32 p. 100 plus chères au Canada. Quant aux grignotines, l'écart est de 36 p. 100. Nos coûts de main-d'œuvre, notre structure fiscale et nos filets de sécurité sociale sont différents. Notre population compte 33 millions d'habitants, disséminés dans un vaste pays où les défis que posent le climat et la distribution sont bien plus considérables. L'État de la Californie compte autant d'habitants que le Canada en entier. Les économies d'échelle sont donc complètement différentes. Malgré tout, les prix de nos œufs sont extrêmement concurrentiels par rapport à ceux qui ont cours aux États-Unis.
En vérité, c'est un autre argument avancé par ceux qui sont de l'autre côté du débat. Mais il ne tient tout simplement pas la route.
[Français]
Le sénateur Rivard : Merci pour ces réponses. Vous faites d'excellentes comparaisons, mais je reviens à ma question initiale. Le gouvernement américain, d'une façon ou d'une autre, subventionne-t-il l'industrie des producteurs d'œufs ou des éleveurs de poulet?
[Traduction]
M. Lambert : Je ne peux dire ce qu'il en est pour le poulet ou la dinde, mais la production de l'industrie ovocole n'est pas directement subventionnée aux États-Unis. Les producteurs peuvent se prévaloir de subventions pour le grain et de nombreux autres programmes pour leurs intrants. Mais la production d'œufs comme telle n'est pas subventionnée.
En outre, il ne faudrait jamais perdre de vue le fait qu'aux États-Unis, il y a des subventions qui doivent être déclarées aux termes des accords commerciaux. Mais le gouvernement offre des subventions substantielles pour des choses comme l'eau et la construction de canaux et de pipelines par l'Army Corps of Engineers pour acheminer l'eau en Californie, lesquelles ne sont jamais déclarées. En réalité, il serait difficile d'aller au fond des choses concernant les subventions accordées aux producteurs aux États-Unis. Je ne pense pas qu'il y ait de subvention directe pour la production d'œufs. Il y a toutefois beaucoup de subventions indirectes.
M. Clarke : En outre, l'industrie américaine est bien plus grande que la nôtre. Par exemple, on compte 300 millions d'oiseaux dans ce pays. En vertu de la Loi agricole des États-Unis, les producteurs peuvent recevoir du financement pour un certain nombre de choses, come M. Lambert l'a indiqué, et il est parfois difficile de faire des recherches approfondies pour connaître les détails. Mais l'industrie ovocole des États-Unis peut se prévaloir de la Loi agricole.
Le président : Les Américains ont une définition de leur loi agricole.
Le sénateur L. Smith : J'ai écouté la question de la sénatrice Tardif sur la gestion de l'approvisionnement et je m'en souviens, car j'ai lu quelque chose à ce sujet une dizaine de fois dans les documents moi aussi. En ce qui concerne les œufs et les poulets, dites-vous que nous bénéficions d'un avantage concurrentiel en raison de la durée de conservation ou du coût de transport? Quel avantage concurrentiel avons-nous sur les importateurs? Avec ces nouveaux accords commerciaux, avez-vous une capacité d'exportation ou approvisionnez-vous essentiellement le marché local, c'est-à-dire le marché canadien? J'aimerais enfin savoir quel type d'occasions de croissance s'offrent à vous dans vos industries respectives?
M. Dungate : Au chapitre des exportations, nous sommes le huitième exportateur de poulets du monde. Il faut mettre les choses en contexte. Le Brésil et les États-Unis exportent 75 p. 100 des poulets du monde. Seulement 10 p. 100 de la production de poulets environ est exportée. Pourquoi? C'est un marché du frais. Si notre industrie disparaît, comment se procurera-t-on du poulet frais? Le fera-t-on venir par camion du Sud-Est des États-Unis? Le poulet est la viande dont la durée de conservation est la plus courte; il ne voyage donc pas aussi bien que d'autres produits d'exportation. C'est une chose qu'il faut garder à l'esprit.
Nous sommes désavantagés du point de vue du coût en raison de l'endroit où nous vivons. Nous avons des granges entièrement isolées que nous devons chauffer en hiver et climatiser en été au lieu d'avoir une installation à même le sol, constituée d'un toit posé sur des poteaux entourés d'un rideau et de broche à poule, comme on peut le faire aux États-Unis et au Brésil.
Nous avons des points de vue complètement différents en ce qui concerne le coût de production. Si nous voulons avoir un marché du frais et générer un profit de nos activités, nous ne pouvons affronter face à face la concurrence au chapitre du coût. La situation varie d'une région du monde à l'autre. Nous exportons donc, mais nous exportons de la viande rouge. Nos deux plus gros marchés extérieurs sont les Philippines et Taïwan. Les consommateurs préfèrent la viande rouge en Asie. En Amérique du Nord et en Europe, c'est la viande blanche qui l'emporte. Presque toutes nos importations sont de la viande blanche et toutes nos exportations sont de la viande rouge. C'est ainsi que nous équilibrons le marché. Les États-Unis font de même. Ils exportent environ 17 p. 100 de leur production entièrement sous forme de viande rouge. Ils n'importent pas. Nous avons relativement la même préférence sur le marché. En raison de l'immigration au Canada, la viande rouge gagne en popularité, et nous en profitons. Nous venons d'instaurer un nouveau programme de marché de spécialité pour la poule soie et le poulet taïwanais que nous produisons. Comme il s'agit d'une production spéciale, on nous a accordé un quota supplémentaire à cette fin.
Pour ceux qui prétendent que nous n'évoluons pas, vous avez peut-être vu la semaine dernière dans notre communiqué que nous venons de signer un nouvel accord, selon lequel 55 p. 100 de la croissance future au pays s'effectuera en fonction de facteurs relatifs à l'avantage comparatif plutôt qu'en fonction d'un fondement historique à compter de juillet. Nous évoluons avec notre temps. Ceux qui affirment que nous sommes déconnectés ne suivent pas ce qui se passe dans notre industrie.
Le sénateur L. Smith : Qu'en est-il de vos prix pour le consommateur?
M. Dungate : Nos prix sont concurrentiels. Cela nous ramène à la question du sénateur Rivard. Nous ratissons les magasins d'Ottawa tous les six mois. Pour la même coupe de poulet, le prix peut varier de 250 p. 100 d'un magasin à l'autre, et je ne parle pas de Whole Foods, où le poulet se vend 40 $ le kilo. J'ignore qui a l'argent pour acheter ce poulet, mais je peux vous dire que cet argent ne va pas dans les poches des agriculteurs. C'est une coupe différente pour un magasin différent, et ce n'est pas toujours le même commerce qui affiche le prix élevé. Le principal facteur qui détermine le prix du poulet, c'est l'endroit et le moment où on l'achète. Regardez les circulaires. Chaque jeudi, les commerçants annoncent les prix de la viande; on peut ainsi voir où on peut acheter du poulet à bon prix.
M. Lambert : Les ventes d'œufs de notre industrie ont augmenté de 21 p. 100 au cours des sept dernières années, et c'est un produit très mature. Nous affichons une croissance moyenne de 3 p. 100 chaque année, alors que la population du Canada croît de 1,8 p. 100 environ par année. Cette croissance est attribuable à l'intérêt accru que suscite l'alimentation riche en protéines. Elle est également le résultat de l'innovation dont l'industrie fait preuve en proposant aux consommateurs canadiens divers choix, comme des produits biologiques, élevés en liberté ou en plein air, ou traditionnels.
Vous avez posé une question sur le marché local. C'est largement un marché local. Mais l'innovation foisonne dans notre industrie en raison de sa stabilité et de sa rentabilité. Voici un exemple simple : M. Clarke et moi-même étions à Halifax la semaine dernière afin de rencontrer un spécialiste de l'environnement de l'Université Dalhousie. Nous envisageons d'établir une chaire de recherche en sciences de l'environnement et en génie afin de prendre tous les systèmes utilisés dans la production d'œufs, comme la qualité de l'air et de l'eau et l'utilisation de fumier pour produire de l'énergie — des énergies renouvelables — afin de rendre cette forme très efficace de production agricole locale encore plus écologique, efficace et durable sur le plan de l'environnement. On n'y arrivera pas si on ne s'intéresse qu'au produit le moins cher à importer au pays. Les choix de ce genre exigent d'énormes compromis.
[Français]
Le président : Merci, sénateur Smith. Nous allons maintenant donner la parole au sénateur Robichaud, puisque c'est l'avant-dernière réunion à laquelle il va être présent pour pouvoir poser des questions; il ne fait aucun doute que nous le verrons jeudi matin aussi.
Le sénateur Robichaud : Comme on dit par chez nous, je vais « toffer la run »!
[Traduction]
Le président : Le sénateur prend sa retraite du Sénat. Il a fait une contribution inestimable à notre comité.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Merci, monsieur le président. Parlez-moi un peu de ce qu'on dit du poulet de réforme, car je ne comprends pas — en anglais, c'est spent fowl, n'est-ce pas? Où se situe la responsabilité du contrôle de ces importations, et comment se fait-il qu'il y en ait autant qui arrive sur le marché et qui vous vole, en fait, cette partie du marché?
M. Dungate : Le contrôle des importations de poulet de réforme est la responsabilité de l'ASFC, et il s'agit vraiment d'un contrôle effectué à la frontière. Nous avons réalisé une recherche nous-mêmes; nous avons dépensé un quart de million de dollars pour en arriver à élaborer un test d'ADN. C'est incroyable, le test fonctionne très bien. On ne détermine pas seulement s'il s'agit de poulet de réforme ou de poulet grillé, mais on en détermine aussi la génétique et la race. Nous tenons également un dialogue avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments au sujet d'un projet pilote que nous pourrions mettre en œuvre avec elle afin d'effectuer des tests sur les importations. Donc, cela nécessite la coopération des deux agences, et nous apprécions le soutien que nous apporte le ministre Ritz. Le ministère de l'Agriculture nous appuie entièrement, mais nous éprouvons quelques difficultés avec l'AFSC pour mettre en œuvre un programme. Voilà sur quoi nous travaillons.
Le sénateur Robichaud : Actuellement, ce sont les agents aux postes frontaliers qui contrôlent, n'est-ce pas? Ils ne peuvent pas y goûter, parce que c'est cru, je suppose.
Yves Ruel, directeur du commerce et des politiques, Producteurs de poulet du Canada : Comme vous le dites, le problème est que les deux produits, à l'œil nu, sont à peu près identiques. Que ce soit une poitrine de jeune poulet de chair que nous produisons ou une poitrine désossée de poule pondeuse qui a vécu sa vie de pondeuse pendant 50 à 60 semaines, pour un agent d'inspection à la frontière, les deux se ressemblent exactement.
Le sénateur Robichaud : Pour moi aussi, d'ailleurs.
M. Ruel : Tout à fait. Le problème est lié aussi au fait que, lorsque ces produits seront vendus au Canada, ils le seront sous l'appellation « poulet ». Ainsi, même le consommateur ne voit pas la différence. C'est comme si du veau et du bœuf étaient appelés de la même façon; or, ce sont deux produits complètement différents.
Nous avons travaillé au développement du test d'ADN pour créer un outil que les agents d'inspection pourraient utiliser. Nous sommes en train, comme l'expliquait M. Dungate, de travailler avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui inspecte le produit à l'importation. Quand les agents de l'ACIA vérifient si le produit est sain et salubre avant de le laisser entrer sur le marché canadien, ils pourraient prendre des échantillons de viande pour faire le test d'ADN, et ils sauraient alors s'il s'agit de d poulet ou de poule. Quand on importe de la poule, le produit n'est pas soumis au contrôle des importations, tandis que pour le poulet, on doit avoir des permis d'importation.
Le sénateur Robichaud : Une fois que l'Agence canadienne d'inspection des aliments inspecte, il est trop tard, puisque le produit a déjà traversé la frontière et qu'il est déjà rendu quelque part au pays, n'est-ce pas?
M. Ruel : Il est certain que, à l'aide d'un tel test, un importateur pourrait faire passer un produit une fois, mais pas deux, parce que s'il se fait prendre à importer du poulet plutôt que de la poule, l'ASFC va lui réclamer le tarif hors quota et il va être pénalisé. Il aura donc un incitatif réel à ne pas le faire une deuxième fois s'il se fait prendre. C'est un produit qui est quand même propre à la consommation, mais c'est une façon de contourner les règles tarifaires qui fait en sorte qu'on produise moins de poulet au Canada. Quand on parle d'opportunités de croissance, ç'en est une car, au cours des dernières années, 100 millions de kilos de poulet de réforme ont été importés au Canada. On peut évidemment penser que, de cette quantité, un bon pourcentage était du poulet, mais qu'il portait l'appellation de poulet de réforme.
Le sénateur Robichaud : Il faudra combien de temps pour mettre en place ce système de test d'ADN avec l'ASFC et l'Agence canadienne d'inspection des aliments? Il va falloir que tout le monde joue son rôle.
M. Ruel : Le test est fonctionnel présentement. Il a été validé d'un point de vue scientifique. Il reste à en déterminer le fonctionnement avec les différentes agences environnementales, l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Agence des services frontaliers du Canada. L'ACIA a accès au produit et l'inspecte déjà. L'ASFC est responsable de faire respecter les barèmes tarifaires, donc de veiller à ce que le produit soit classifié sous la bonne ligne tarifaire. En outre, il reste à veiller à la coordination entre les agences et à envisager comment elles peuvent intégrer cela aux outils à leur disposition pour voir à ce que le produit soit bien classifié à l'importation. Pour nous, le plus vite sera le mieux. Évidemment, ce ne sont malheureusement pas des choses qui se font en une journée.
Le sénateur Robichaud : Malheureusement. Avez-vous une idée du temps que cela pourrait prendre? Parce que l'industrie canadienne y perd, en attendant.
M. Ruel : Nous sommes en cours de discussions avec l'ACIA pour réaliser un projet pilote, pour savoir comment leurs agents pourraient physiquement prendre ces échantillons et faire les tests. J'imagine qu'il faudra quelques mois avant que ce soit mis en place dans le cadre d'un projet pilote.
[Traduction]
M. Dungate : Nous avons mis au point le test, qui est simple et facile à réaliser afin de ne pas engorger la frontière. Il n'est pas nécessaire de retenir les expéditions à la frontière pour confirmer le test. Comme ce n'est pas une question de salubrité des aliments, le chargement peut partir. Nous voulons que l'ASFC applique la bonne classification tarifaire. Nous sommes conscients qu'on s'efforce de favoriser le commerce entre les États-Unis et le Canada et qu'il ne faut pas contrecarrer les efforts à la frontière. Nous considérons que nous avons conçu un test très simple, et il n'est pas nécessaire de retenir les expéditions. Elles peuvent quand même partir.
M. Clarke : Pour éclaircir un peu les choses, les volailles de réforme de notre industrie ovocole ne se retrouvent normalement pas sur les marchés dont M. Dungate a parlé. Elles seraient normalement transformées davantage, puis intégrées aux aliments pour animaux de compagnie ou, dans certains cas, utilisées comme aliment dans l'industrie du vison.
Le sénateur Robichaud : Elles ne se retrouvent pas sur le marché?
M. Dungate : C'est ce qu'on appelle poules légères pondeuses, parce qu'il s'agit d'une race d'oiseaux plus maigre. Les poulets de réforme utilisés pour l'élevage de poulets de chair sont de gros oiseaux, et leur chair sera utilisée dans la chaîne alimentaire. Elle se retrouvera dans les hot-dogs et les saucisses de Francfort, alors que les poules légères requièrent plus de transformation parce qu'elles n'ont pas autant de chair sur l'os.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Chez nous, quand on veut faire un bon bouillon de poulet, un fricot de poulet, par exemple, il faut une poule d'un certain âge.
Combien d'argent avez-vous reçu pour développer ce test, parce que c'est vous qui l'avez développé, n'est-ce pas?
M. Dungate : C'est nous. Nous avons dépensé un quart de million de dollars pour développer ce test. Nous sommes prêts à donner le test. Nous travaillons avec une compagnie canadienne qui a l'occasion, maintenant, de vendre le test. Cela pourrait intéresser un détaillant qui veut savoir directement ce qu'il achète d'un fournisseur.
Le sénateur Robichaud : C'est bon. Merci, monsieur.
[Traduction]
Le président : Nous parlons de mélanges définis de spécialité. J'ai vu la présentation que vous avez faite la semaine dernière, au cours de laquelle on m'a présenté ce produit particulier. Pourriez-vous nous apporter des éclaircissements pour nous permettre de formuler certaines recommandations dans notre rapport? Monsieur Dungate, je veux que vous nous expliquiez encore ce qu'il en est, puis que vous répondiez aux deux questions suivantes : Que peut-on faire pour surmonter ce problème? Qu'a fait l'ACIA à ce sujet?
C'était dans l'exposé que M. Dungate a prononcé au sujet du respect des règles.
M. Dungate : C'est exact. Nous avons apporté quelques boîtes, si vous voulez que nous vous les montrions.
Le président : Vraiment?
M. Dungate : Oui.
Le président : Pourriez-vous simplement les faire circuler, s'il vous plaît?
M. Dungate : Avec plaisir. M. Ruel va simplement vous montrer deux ou trois boîtes. Quiconque se procure ces boîtes croit n'acheter que du poulet. Mais le problème, c'est que le seul fait d'ajouter un paquet de sauce... Le consommateur n'aime peut-être pas certaines sauces non plus; il y a une question de santé ici.
Le président : Restons-en à la sauce et au produit; veuillez s'il vous plaît répondre aux deux questions.
M. Dungate : Si l'on ne fait qu'ajouter de la sauce au produit... Les fabricants ajoutent justement un paquet de sauce. En fait, la sauce représente 40 p. 100 du poids dans certains cas. Mais avec cet ajout, le produit n'est plus considéré comme du poulet. Pour autant que le fabricant ajoute 13 p. 100 du poids — le produit pourrait contenir 87 p. 100 de poulet et 13 p. 100 seulement de sauce —, le produit n'est plus considéré comme du poulet d'importation contrôlée. Il devient plutôt un mélange défini de spécialité.
Notre problème, c'est qu'au moment de négocier le cycle d'Uruguay en 1994, nous ne pouvions pas placer la sauce sous la catégorie « autre produit ». C'est la règle que nous avions négociée. Il fallait aussi que le consommateur cuisine le produit, qui devait être à cuir, être partiellement cuit ou être préfrit.
Tout ce que nous demandons, c'est une solution simple. Le Canada n'a besoin ni de revenir en arrière ni de s'adresser à l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, afin de changer quoi que ce soit. Nous n'aurions qu'à appliquer l'annexe de l'OMC et sa définition d'un « mélange défini de spécialité », selon laquelle il ne suffit pas d'ajouter un paquet de sauce pour qu'un produit soit considéré comme un tel mélange.
À l'origine, la catégorie de mélange défini de spécialité a été prévue pour les repas congelés. On peut par exemple y retrouver du poulet, un dessert, des pommes de terre et des légumes. Je comprends qu'il s'agit d'un mélange. Mais on n'a jamais prévu que l'ajout d'un paquet de sauce puisse permettre à un produit de se qualifier à ce titre.
Encore une fois, nous n'essayons pas de mettre un terme aux règlements en matière d'importation qui existent depuis 1994 et que nous avons négociés auprès de l'OMC, ni d'en étendre la portée. Nous tentons simplement d'appliquer les règles en place. Si les fabricants créent des produits novateurs que les gens veulent, et qu'ils remplissent le poulet de brocoli, de fromage et ainsi de suite, il en sera ainsi. Nous n'essayons pas de mettre des bâtons dans les roues aux entreprises légitimes. Nous voulons plutôt arrêter les fraudeurs et leur dire qu'ils doivent respecter les règlements.
[Français]
Le président : Sénateur Robichaud, vous voulez poser une question complémentaire.
Le sénateur Robichaud : On dit qu'il faut respecter les règles, mais comment se fait-il qu'on ne les respecte pas et qu'on laisse ces produits entrer?
M. Ruel : C'est une excellente question. Comme M. Dungate le mentionnait, dans les engagements pris par le Canada auprès de l'OMC, la définition de ces mélanges définis de spécialité indique que la sauce ne devrait pas être admissible dans le contenu du 13 p. 100.
Le sénateur Robichaud : Je comprends cela.
M. Ruel : Malheureusement, dans les barèmes tarifaires canadiens, il y a une différence; la sauce est décrite comme si elle comptait pour les autres produits qui ne sont pas du poulet. Il y a donc une erreur dans la définition selon laquelle la sauce peut se qualifier pour définir les produits qui ne sont pas contrôlés à l'importation, qui sont des mélanges définis de spécialité. Nous sommes donc plus généreux que ne l'exigent nos engagements auprès de l'OMC.
Le sénateur Robichaud : Nous sommes bons pour cela.
M. Ruel : J'imagine par contre que, à l'époque, en 1995, personne n'aurait pensé que quelqu'un, aujourd'hui, ferait preuve d'assez de créativité pour faire des emballages comme ceux-là, où tout ce qu'on fait, c'est de mettre un sac d'ailes de poulet et un sac de sauce dans la même boîte. Ce n'est pas un mélange de produits, mais plutôt de l'emballage créatif.
Le sénateur Robichaud : D'accord.
[Traduction]
Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, étant donné l'heure qu'il est et les autres témoins qui doivent comparaître, nous allons terminer par une dernière question de la sénatrice Beyak.
La sénatrice Beyak : Merci beaucoup, messieurs. L'image de marque du Canada est un puissant outil de marketing dans le monde. Des témoins nous ont affirmé que tous les citoyens sont prêts à payer plus en échange de la qualité produite au Canada, compte tenu de la pureté de notre eau, de nos terres, de l'air et des aliments pour le bétail. Considérez-vous que le secteur du poulet a un avenir? Je sais que nous avons parlé d'exportations et du faible pourcentage d'aujourd'hui, mais je constate dans le monde que l'image du Canada et sa qualité sont de plus en plus reconnues et importantes, lorsque la commercialisation est convenable. Y avez-vous pensé pour l'avenir?
M. Dungate : En fait, nous venons tout juste de lancer notre propre marque provenant d'un producteur canadien. C'est déjà fait. Nous venons de lancer la marque, et elle sera distribuée chez Sobeys et, dans l'Ouest canadien, chez Federated Co-ops. Maple Lodge Farms vient d'accepter aujourd'hui de faire la transformation, et nous avons aussi Yorkshire Valley Farms. Nous reprenons ce concept, et ce sont les Canadiens qui veulent savoir si le poulet qu'ils achètent a été produit au Canada.
Nous souhaitons lutter contre le phénomène notamment pour veiller à ce que nous favorisions et appuyions la marque. Les gens savent que les produits canadiens riment avec soins appropriés des animaux d'élevage et respect de l'environnement. Nous constatons que c'est très bien reçu.
Nous allons nous en tenir à l'emplacement actuel de notre meilleur marché au Canada. Plus tard, nous verrons si nous pourrons en tirer parti ailleurs.
M. Lambert : Votre question portait sur le poulet, mais nous importons pour notre part des États-Unis, et la même réflexion s'applique. Un nombre grandissant de consommateurs se plaignent et se demandent pourquoi ils achètent ou voient des œufs américains dans les commerces de détail. Vous avez donc raison. À l'échelle nationale, les Canadiens veulent eux aussi des produits canadiens sur les tablettes.
Le président : Messieurs les témoins, vos propos ont été fort instructifs et enrichissants.
[Français]
Honorables sénateurs, nous reprenons la séance avec le deuxième groupe de témoins.
[Traduction]
Chers témoins, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation et de venir nous faire profiter de vos points de vue, de vos recommandations et de votre professionnalisme.
[Français]
Nous recevons ce soir, de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, Mme Claire Citeau, directrice exécutive.
[Traduction]
Nous recevons aussi M. Ron Davidson, directeur du commerce international et des relations gouvernementales du Conseil des viandes du Canada; et M. Phil de Kemp, président de l'Association de l'industrie brassicole du Canada. Mesdames et messieurs les sénateurs, on nous informe que c'est Mme Citeau qui va prononcer l'exposé, après quoi nous passerons aux questions.
[Français]
Madame Citeau, la parole est à vous.
Claire Citeau, directrice exécutive, Alliance canadienne du commerce agroalimentaire : Merci de nous avoir invités ce soir à parler, de la part des membres de l'ACCA, des priorités d'accès aux marchés internationaux.
[Traduction]
L'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire est une coalition d'organisations nationales et régionales qui soutiennent un commerce international plus ouvert et équitable en agriculture et agroalimentaire. Parmi les membres de l'ACCA, on compte des agriculteurs, des producteurs, des transformateurs et des exportateurs appartenant aux principaux secteurs qui reposent sur des échanges commerciaux, comme le bœuf, le porc, les céréales, les oléagineux, le sucre et le malt. Ensemble, les membres de l'ACCA sont responsables de 80 p. 100 des exportations canadiennes en agriculture et en agroalimentaire, qui totalisent 46 milliards de dollars d'exportations annuelles et emploient directement un demi-million de personnes.
Puisque de nombreux membres de l'ACCA ont déjà comparu devant votre comité, ou le feront dans les prochaines semaines, mes observations porteront surtout sur les questions commerciales, étant donné que c'est notre mandat.
Pour commencer, permettez-moi de préciser que le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire du Canada dépend du commerce, et que nos exportations agroalimentaires sont essentielles aux économies nationale, provinciales et rurales. Je vais vous donner quelques chiffres pour illustrer mes propos. Au pays, 9 fermes sur 10 sont tributaires des exportations, ce qui représente environ un quart de million de fermes réparties dans toutes les provinces.
Le Canada est également le cinquième exportateur agroalimentaire en importance au monde, après les États-Unis, l'Europe et le Brésil. Les produits agricoles et agroalimentaires représentent près de 10 p. 100 du commerce de marchandises total du Canada.
Nous exportons 50 milliards de dollars par année de produits agricoles et agroalimentaires, et environ la moitié de notre production est exportée soit comme produit primaire, soit comme aliment transformé et boisson. Nous exportons la moitié de notre bœuf et de nos bovins, la moitié de notre blé, 60 p. 100 de nos porcs, et plus de 70 p. 100 de notre canola.
Compte tenu de l'importance des enjeux, il est essentiel que le Canada identifie de nouveaux débouchés commerciaux pour que notre secteur puisse se diversifier, dépende moins des marchés actuels, et ait un meilleur accès aux marchés où nos producteurs peuvent obtenir une meilleure valeur en échange de leurs produits.
Nous félicitons le gouvernement d'avoir préparé le terrain en concluant cette année l'Accord de libre-échange entre le Canada et la Corée, qui devrait représenter annuellement plus de 800 millions de dollars d'exportations de produits agroalimentaires canadiens. Nous avons bon espoir que l'accord entrera en vigueur le 1er janvier 2015, ou avant, pour que nous cessions de perdre notre avantage tarifaire au profit de nos concurrents, comme les États-Unis et l'Europe.
Nous sommes également très heureux de la conclusion, cet automne, des négociations de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, ou AECG. Cet accord offrira de nouveaux débouchés importants aux producteurs agroalimentaires canadiens dans un des rares marchés d'exportation au monde à valoir des milliards de dollars. C'est une occasion en or, et nous pourrons en profiter bien avant nos concurrents. Lorsque l'accord sera pleinement en vigueur, il devrait représenter chaque année quelque 1,5 milliard de dollars d'exportations supplémentaires vers l'Union européenne.
Comme ces accords le montrent, un commerce libre et équitable est la priorité absolue afin d'assurer l'accès concurrentiel des produits agricoles et agroalimentaires canadiens dans le monde. Dans le contexte actuel de la libéralisation concurrentielle des échanges, les pays se font concurrence pour être les premiers à s'assurer un accès libre, ou du moins préférentiel aux principaux marchés du monde. Par conséquent, la réussite de nos marchés extérieurs dépend désormais aussi de la négociation rapide d'un accès préférentiel aux marchés que nos concurrents ciblent également. Autrement dit, tout accord de libre-échange que les principaux marchés du monde négocient avec nos concurrents avant de le faire avec le Canada nous place dans une situation désavantageuse.
Le Canada doit continuer à cibler et à négocier des accords commerciaux complets et intéressants qui offrent des avantages importants et nous permettent de conserver notre position par rapport à nos concurrents mondiaux. Dans cette optique, les priorités du Canada en matière de commerce devraient à l'avenir viser trois grands volets.
Premièrement, nous devons négocier et conclure des accords multilatéraux tels que le Partenariat transpacifique, ou PTP, qui pourrait favoriser le développement régional du commerce. Le PTP est un accord exhaustif et ambitieux qui met l'accent sur le commerce au sein de la région en pleine croissance de l'Asie-Pacifique. Le secteur visé par le PTP représente 40 p. 100 du commerce mondial et constitue une partie intégrante des chaînes de valeur mondiales. L'accord pourrait améliorer la position concurrentielle de nos économies et favoriser les chaînes d'approvisionnement régionales en permettant la production, la transformation et la circulation de produits et d'ingrédients entre les pays membres.
Sans entente plurilatérale avec tous les pays de la région, le PTP pourrait même réduire la compétitivité de nos exportateurs si certains pays obtenaient un meilleur accès aux marchés que d'autres.
En deuxième lieu, nous devons négocier activement et fermement des accords commerciaux bilatéraux déterminants avec les principaux marchés, tels que la proposition d'accord de partenariat économique entre le Canada et le Japon. Même si nous espérons bénéficier d'un meilleur accès au marché japonais grâce au PTP, le Canada devrait rapidement pouvoir conclure un accord bilatéral si les négociations du PTP n'aboutissent pas assez vite. Le Canada a tout intérêt à ce que l'issue des négociations avec le Japon soit positive. Il s'agit de notre troisième marché d'exportation et de la troisième économie en importance au monde. C'est aussi un marché prioritaire pour notre secteur agricole et agroalimentaire, puisque le pays dépend des importations pour nourrir sa population.
Troisièmement, on devrait continuer à mettre l'accent sur la conclusion d'accords commerciaux qui surmontent les barrières non tarifaires. Alors que les accords de libre-échange mettent souvent l'accent sur les tarifs, ils doivent absolument comporter des volets pour veiller à ce que la réglementation soit fondée sur la science et propose des solutions qui réduisent au minimum les obstacles techniques au commerce.
Pour terminer, l'industrie agroalimentaire canadienne repose sur l'exportation. Les membres de l'ACCA espèrent une ratification rapide des mesures législatives qui permettront la mise en œuvre des accords de libre-échange du Canada avec l'Europe et avec la Corée. Le commerce libre et équitable est la priorité absolue pour que l'industrie agricole et agroalimentaire du Canada puisse prendre de l'expansion. Les exportateurs agroalimentaires canadiens exigent un programme commercial agressif qui leur assure un accès concurrentiel aux plus grands marchés du monde.
[Français]
Le président : Merci beaucoup, madame Citeau, c'était très bien présenté. Nous avons une question de la sénatrice Tardif qui sera suivie du sénateur Dagenais.
La sénatrice Tardif : Merci beaucoup, madame Citeau, c'est toujours un plaisir de voir une Albertaine occuper un poste comme le vôtre. Dans votre présentation, vous avez indiqué ce qui suit, et je vais le lire en anglais.
[Traduction]
Vous avez dit que la troisième priorité est de « continuer à mettre l'accent sur la conclusion d'accords commerciaux qui surmontent les barrières non tarifaires. » Pouvez-vous nous donner des exemples de barrières non tarifaires que les pays doivent surmonter?
Mme Citeau : J'inviterais mes directeurs à donner des exemples concrets dans le secteur de la viande.
Ron Davidson, directeur, Alliance canadienne du commerce agroalimentaire : Il y a de nombreux exemples dans le secteur de l'alimentation et de l'agriculture. On parle généralement de barrières sanitaires et phytosanitaires; le mot sanitaire s'applique surtout au secteur de l'élevage, alors que phytosanitaire cible les usines de transformation. En outre, il existe des obstacles techniques au commerce pouvant prendre bien d'autres formes. Permettez-moi de commencer par les barrières sanitaires.
On parle ici de toutes les mesures que nous devons prendre afin de prouver à nos consommateurs et à chaque pays que nos aliments sont salubres. Il peut s'agir de tout, y compris de la façon dont nous produisons le bétail. Par exemple, nous utilisons au Canada des produits qui favorisent la croissance, mais qui ne sont pas acceptés dans d'autres pays, même si nous avons la preuve scientifique internationale qu'ils sont tout à fait sécuritaires. Voilà une barrière non tarifaire. Par exemple, nous pouvons utiliser différents produits dans les usines de transformation de la viande afin d'éliminer les bactéries qui pourraient se retrouver sur la viande.
Dans la situation actuelle, nous utilisons au Canada un produit du nom d'acide lactique qui sert à nettoyer la carcasse. On l'applique sur le bœuf afin d'éliminer toute trace de bactérie. Nous employons également de l'eau chaude recyclée. En préparation de l'accord avec l'Europe, nous avons obtenu l'approbation pour l'acide lactique, mais attendons toujours celle concernant l'eau chaude recyclée. Ce ne sont que deux exemples de barrières non tarifaires parmi tant d'autres. Je pourrais en parler longtemps, car il y en a un millier. Phil a peut-être quelque chose à ajouter du côté des usines.
Phil de Kemp, directeur, Alliance canadienne du commerce agroalimentaire : Nous pourrions en parler longtemps. Du côté des céréales et des oléagineux, et certainement en ce qui a trait à la valeur ajoutée, il y a des problèmes relatifs aux organismes génétiquement modifiés, ou OGM. On commence à en entendre beaucoup plus parler, et j'imagine que la question ne fera que gagner en importance dans les années à venir, surtout en ce qui a trait à la découverte d'une présence en faible quantité dans une cargaison, par exemple. Puisque nous nous basons sur la science, nous n'y voyons aucun problème, mais certains pays refusent catégoriquement ce genre de produit. Leur décision n'est pas fondée sur des données scientifiques, mais plutôt sur ce qu'ils croient être dans l'intérêt public.
L'autre volet se rapporte aux limites maximales de résidus, qui a trait aux niveaux d'herbicides et de pesticides qu'on peut retrouver dans une cargaison de céréales. Généralement, le Codex Alimentarius, qui ressemble à l'ONU pour les organisations, détermine les niveaux que tout le monde devrait respecter. Mais encore une fois, nous constatons maintenant que certains pays imposent leur propre niveau, qui est inférieur au niveau déterminé, et parfois non fondé sur des données scientifiques. Si les pays n'ont pas de critère, ils adoptent automatiquement un niveau par défaut, qui est encore plus bas. La technologie d'aujourd'hui permet très bien de déceler jusqu'à près d'un millième de milliardième de partie.
Alors, où est la limite? Ce n'est pas tellement un problème dans le secteur de l'orge de brasserie, comme le sénateur Smith en a certainement fait l'expérience à l'époque de la minoterie. Cela devient vraiment un problème de taille, pour y avoir moi aussi travaillé il y a de nombreuses années. Voilà le genre de barrières non tarifaires qui existent, et même Mike Dungate en a parlé à propos de la maladie de Newcastle. Il y a des solutions, et c'est tout ce qui reste aux pays, qu'un nouvel accord de l'OMC soit conclu ou non. Nous avons encore cet accord, de même que le vieil accord du Cycle d'Uruguay. Au moins, l'OMC peut en quelque sorte servir de tribunal et vérifier si ces problèmes commerciaux sont fondés sur la science, et ainsi de suite. Mais la procédure est longue et coûteuse, et c'est notre seul recours à l'heure actuelle.
La sénatrice Tardif : Je vous remercie de ces explications. J'allais justement aborder la question de la faible présence d'OGM, car je sais que l'Europe applique la tolérance zéro. C'est probablement un sujet de discorde dans les négociations de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne. Puis-je vous poser des questions sur l'étiquetage du pays d'origine? Est-ce considéré comme une barrière non tarifaire?
M. Davidson : Oui, il s'agit d'une barrière non tarifaire. Évidemment, nous nous sommes adressés à maintes reprises à l'OMC et nous avons eu gain de cause. Je parle surtout au nom des producteurs qui ont mené cette bataille. Comme vous le savez, les négociations se poursuivent, et les États-Unis risquent de porter de nouveau la décision en appel. Cela peut s'éterniser. Cette situation dure depuis 2008.
C'est là le problème. Malgré de solides accords internationaux qui nous amènent à prendre des décisions fondées sur des données scientifiques, les grands pays ont les moyens de gagner du temps.
Nous avons vécu la même chose avec l'Europe concernant les hormones de croissance chez les bovins. En fait, nous avons remporté les négociations de l'OMC, mais au final, le pays qui ne veut pas modifier ses lois peut dire : « D'accord, nous allons payer. Nous paierons pour les dommages. » Et c'est ce qui s'est produit avec l'Europe. Nous avons obtenu un quota pour le bœuf sans hormones, pour ainsi dire, qu'ils ont utilisé comme paiement, étant donné qu'ils n'ont pas voulu modifier leurs règles. Par conséquent, au bout du compte, s'ils continuent ainsi, ils devront payer, mais rien ne les oblige à changer les règles.
La sénatrice Tardif : J'ai une question complémentaire. Y a-t-il d'autres pays avec qui vous avez négocié ou conclu des accords qui ont cette exigence relative à l'inscription du pays d'origine sur l'étiquette?
M. Davidson : Les Européens sont favorables à la philosophie qui sous-tend l'étiquetage indiquant le pays d'origine. Ce type d'étiquetage peut être utile si on donne de l'information pertinente aux consommateurs, mais si on le fait, on doit s'assurer de perturber le moins possible le commerce. Dans ce cas particulier, l'OMC a conclu que les éléments d'information que l'industrie devait fournir dépassaient largement tout ce que les consommateurs pouvaient en retirer.
Il s'agit d'un dossier très compliqué, sur lequel travaillent de nombreux spécialistes du droit international, et sachez que la situation avec les États-Unis est un problème qui va bien au-delà de tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci à nos trois invités.
J'aimerais revenir à l'Institut canadien des politiques agroalimentaires. Selon une personne qui y travaille, on dit que les entreprises agroalimentaires canadiennes doivent se différencier de leurs compétiteurs en ce qui concerne la qualité, afin de bénéficier d'une plus-value de leurs produits sur la vente. Comment, d'après vous, les agriculteurs et les transformateurs d'aliments canadiens peuvent-ils se différencier de leurs compétiteurs internationaux?
[Traduction]
M. de Kemp : Je vais parler au nom des producteurs de malt qui approvisionnent l'industrie de la bière partout dans le monde.
Au sein de notre industrie, d'une part, il y a la qualité, et d'autre part, les variétés. Vous allez probablement en entendre parler au cours des prochains jours par Brian Otto, qui est censé témoigner devant votre comité. Notre industrie fait partie du Conseil de l'orge du Canada et d'une chaîne de valeur au sein de laquelle nous collaborons très étroitement avec les chercheurs sur l'orge et les variétés.
La qualité n'a pas la même signification pour tout le monde. Dans l'industrie de la bière, ce sont les caractéristiques de l'orge et tout le processus chimique entourant la germination, la quantité d'extrait de malt et ce qu'on appelle les bêta-glucanes qui auront une incidence sur la qualité de la bière. L'orge brassicole du Canada est reconnue comme un grain de première qualité dans le monde en raison de ses attributs, et ce n'est pas parce qu'il est plus beau ou plus ventru. La qualité peut signifier différentes choses.
Quant au blé, le Canada a une image de marque très solide en raison de sa teneur en protéines. Le sénateur Smith en sait plus que n'importe qui ici, étant donné qu'il est dans l'industrie de la minoterie depuis de nombreuses années.
Le problème avec les denrées, c'est qu'elles sont banalisées. Les gens pensent que le blé n'est que du blé, l'orge n'est que de l'orge et le porc n'est que du porc. Oui et non. Ce qui est important, lorsqu'il est question de qualité, si vous voulez pénétrer un marché, et il y a quelques jours, un représentant de Canada Beef Inc., qui a déjà siégé à mon conseil, a dit quelque chose de très logique : si vous voulez conquérir un nouveau marché à l'étranger, que ce soit la Chine ou la Corée, vous devez bien connaître votre partenaire. Ne travaillez pas simplement sur la marque. Travaillez sur ce que vous croyez être une caractéristique de bonne qualité et donnez-la au fournisseur, qui la distribuera dans le système et établira son prix. Vous voulez contrôler cela. Vous voulez contrôler votre partenaire ainsi que le magasin, et indiquer les raisons qui justifient le prix que vous souhaitez obtenir. Si vous renoncez à cela, vous renoncez à beaucoup.
Pour revenir à la question de la qualité, on ne peut pas plaire à tout le monde et on ne peut pas exporter dans tous les pays. Ce n'est pas possible. On doit bien choisir ses marchés parce que la capacité actuelle au Canada est limitée. Évidemment, nous aimerions l'accroître, mais notre capacité est étroitement liée au transport, et le transport des céréales et des oléagineux est un tout autre dossier sur lequel on se penche dans le cadre de l'examen de la Loi sur les transports au Canada.
[Français]
Le sénateur Rivard : J'aimerais vous exposer une mise en situation.
Dans votre mémoire, vous soulignez le fait que les retombées économiques pour le secteur agroalimentaire sont de 1,5 milliard de dollars par année et que l'on souhaite que ce soit mis en œuvre le plus tôt possible. Faisons une comparaison avec l'accord de libre-échange conclu avec nos voisins américains. On traitait avec un pays et, ensuite, le Mexique s'y est joint, mais on parlait d'un pays et d'une langue, soit l'anglais.
Dans le cas de l'Union européenne, les négociations ont été amorcées il y a six ans et, d'après ce que j'ai appris la semaine dernière, on parle de quatre ou cinq ans encore avant que l'accord soit mis en œuvre. Il faut penser qu'on traite avec 28 pays de l'Union européenne; actuellement, l'industrie de la traduction se trouve sur une mine d'or, parce qu'il y a 22 langues différentes. Ensuite, il faut que l'entente soit ratifiée par les 28 pays.
Pendant les six années au cours desquelles ont duré les négociations, à un moment ou à un autre, l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire a-t-elle été consultée, ou bien, comme tout le monde, vous n'avez été informé que lorsqu'on a annoncé qu'il y avait un accord de principe?
[Traduction]
M. Davidson : Dans le cas de l'AECG, je peux vous dire que les industries de l'élevage et de la viande ont été consultées. Nous n'avons pas vu de texte comme tel, mais en ce qui a trait à notre participation aux négociations, je vous dirais qu'à chaque étape, nous avions une bonne idée du déroulement des négociations et, à mesure qu'elles avançaient, nous avions le sentiment de savoir où se dirigeait l'éventuel accord.
En ce qui concerne les consultations, nous ne pouvons répondre que de façon positive. Nous sommes satisfaits des consultations que nous avons eues.
[Français]
Le sénateur Rivard : Je sais, entre autres — parce que c'est connu de tous —, que l'industrie automobile a été très impliquée dans les négociations, ainsi que les producteurs de vin, de cidre, et cetera. Je croyais donc que vous auriez été consultés durant toutes les négociations. Je comprends que, à l'heure actuelle, vous n'ayez pas été mis au courant mieux que nous, politiciens, de l'accord final. On sait qu'un accord de principe a été signé entre le président Barroso et le premier ministre du Canada, mais on ne connaît pas le détail de l'entente; on devrait le savoir dans les prochains mois.
Je comprends donc que votre organisation n'a pas été consultée, n'est-ce pas?
[Traduction]
M. Davidson : Oui, l'alliance a été consultée, et nous, en tant que membres de l'alliance, avons participé de près aux négociations. Pour être honnête avec vous, nous avons pris connaissance du texte lorsqu'il a été divulgué en Europe. Nous ne l'avions pas vu auparavant. Nous avions une petite idée de ce qui allait se trouver dans cet accord alors, au fur et à mesure que les négociations évoluaient, nous étions satisfaits des discussions.
Nous aurions préféré un résultat plus ambitieux, naturellement, parce que nous n'avons pas obtenu tout ce que nous espérions avoir, mais cela fait partie de tous les accords.
[Français]
Mme Citeau : L'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire a donc bien été consultée.
[Traduction]
M. de Kemp : Non seulement nous avons été consultés, mais je tiens aussi à féliciter nos négociateurs et certainement Steve Verheul. Il était à Agriculture Canada. Non seulement on nous a consultés, mais on nous a aussi donné beaucoup d'information. Évidemment, on ne nous a pas communiqué tous les petits détails car il y a toujours une question de confidentialité. N'empêche qu'en ce qui a trait aux nuances et au déroulement, l'alliance et un grand nombre de nos membres se sont rendus en Europe pour rencontrer les négociateurs et aussi les représentants des divers pays de l'Union Européenne, du moins dans le secteur de la viande et du porc. Par conséquent, nous n'avons pas seulement été consultés, nous avons fait partie du processus dès le début.
La sénatrice Beyak : Je vous remercie d'être ici ce soir et de nous informer. J'ai demandé aux producteurs qui étaient présents ce soir ce qu'il en était de l'exportation du poulet et des œufs, et je conviens que les œufs sont fragiles et j'ignore à quoi ressemblerait le marché à l'étranger. Toutefois, pour ce qui est du poulet et des produits laitiers, en particulier le fromage, il me semble qu'il y a un marché énorme là-bas, et les témoins des industries bovine et porcine qui ont comparu se disaient très emballés. Y a-t-il moyen que les produits assujettis à la gestion de l'offre, comme le fromage et les produits laitiers, aboutissent sur ce marché, ou a-t-on raison d'être préoccupés?
Mme Citeau : En principe, nous ne représentons pas ces produits, alors nous préférons laisser les représentants parler en leur nom.
La sénatrice Beyak : Je ne voulais pas vous mettre sur la sellette, mais dans le cadre des négociations commerciales, y a-t-il un moyen de faire la promotion de ces produits, de leur qualité, de l'image de marque du Canada, ou de lever les restrictions qui leur sont imposées?
Je crois que de façon générale, le Canada jouit d'une très bonne réputation à l'échelle internationale, et nous comptons miser là-dessus pour vendre nos denrées et nos produits alimentaires à l'étranger. Encore une fois, je ne peux pas parler des produits que nous ne représentons pas.
M. Davidson : Il y a de nombreux pays qui n'imposent pas de tarifs élevés sur les produits alimentaires. Par exemple, si on prend l'industrie laitière, dont vous venez de parler, sachez que la Nouvelle-Zélande est un petit pays et un énorme exportateur de produits laitiers.
Comme Mike Dungate l'a dit, nous exportons un important volume de poulets, étant donné la nature de la consommation au Canada, où nous préférons la viande blanche, et nous exportons dans près de 30 pays. Il y a des marchés pour tous les produits agricoles et alimentaires, mais si on veut s'imposer sur le marché international, il faut être concurrentiel.
Nous avons parlé de l'image de marque. L'image de marque est importante. J'ai travaillé au sein de cinq ambassades au cours de ma carrière, et l'image de marque du Canada est reconnue. Nous ne voulons peut-être pas nous l'admettre, mais l'Australie est également extrêmement solide pour défendre son image de marque. Les États-Unis dépensent des sommes considérables pour promouvoir la leur, et ils considèrent qu'ils y arrivent. Nous sommes donc en concurrence. Dans l'industrie de la viande, nous avons Bœuf Canada Inc. et Canada Porc International, qui font la promotion de notre image sur la scène internationale.
Il existe un grand marché alimentaire international. Il n'y a pas énormément de pays qui exportent autant de produits alimentaires dans le monde. Nous sommes peut-être le quatrième ou cinquième exportateur en importance. Il y en a très peu. Nous occupons une position avantageuse. Nous avons les terres ou l'espace et l'eau dans notre pays, heureusement. Nous avons la technologie, les connaissances et les agriculteurs. Nous bénéficions donc d'un avantage.
C'est pourquoi les producteurs de porc et de bœuf se sont montrés aussi enthousiastes. Nous sommes aux prises avec certaines difficultés ici à l'heure actuelle, particulièrement en ce qui a trait à la main-d'œuvre, dans les fermes et les usines de transformation, et ces problèmes freinent nos exportations.
Nous avons bon espoir que nous réussirons à les surmonter parce que, visiblement, nous perdons des possibilités d'exportation et de valeur ajoutée. N'empêche que les possibilités sont là, et c'est pourquoi nous sommes en faveur du commerce international car nous comptons bien en tirer profit.
Le sénateur Enverga : Merci pour votre exposé. Ces marchés ont beau s'ouvrir à nous, mais encore faut-il être prêts à livrer la marchandise. Croyez-vous que nous serons en mesure de tirer parti de ces nouveaux accords commerciaux, notamment le PTP et l'AECG? Sommes-nous prêts à nous lancer sur ces marchés et à soutenir la concurrence?
Mme Citeau : Est-ce que l'industrie est prête? Oui, la capacité est là et, dans le cas de la Corée, par exemple, même si nous avons perdu une part de marché, étant donné que nos concurrents ont accédé à ce marché avant nous, certaines de nos relations commerciales ont été maintenues en prévision de la mise en œuvre de l'accord. Par conséquent, aussitôt que l'accord sera ratifié, nous espérons que nos exportations vers ce marché connaîtront une augmentation.
C'est la même chose en Europe. Il faudra du temps pour la traduction, les détails juridiques et la mise en œuvre de l'accord, mais les possibilités sont là. Ce qui est intéressant avec le marché européen, c'est que nos entreprises peuvent obtenir une plus grande valeur pour certains de leurs produits.
Dans d'autres marchés, en Asie, par exemple — et c'est particulièrement le cas du secteur de l'élevage bovin —, les entreprises réussissent à vendre des parties de l'animal pour lesquelles il n'y a pas de marché ici en Amérique du Nord. Selon les marchés, il y a différentes possibilités que le secteur peut exploiter.
Parmi la multitude d'accords de libre-échange que nous avons négociés avec d'autres pays, le plus important est sans contredit l'ALENA, que nous avons conclu avec les États-Unis et le Mexique. L'accord avec l'Europe, je l'espère, sera mis en œuvre au cours des deux prochaines années. C'est ce que nous souhaitons. L'accord avec la Corée du Sud est le premier accord négocié dans la région de l'Asie. Nous sommes optimistes que le PTP aboutira. Dans le contexte du PTP, nos yeux sont rivés sur le Japon, mais ce qu'il faut savoir, c'est que nos concurrents — l'Europe, les États-Unis, l'Australie, le Brésil, entre autres — négocient également des accords de libre-échange avec ces marchés importants.
Pas plus tard que la semaine dernière, l'Australie a annoncé un accord de libre-échange avec la Chine, qui est notre deuxième marché d'exportation prioritaire, avec qui nous devrions aussi envisager sérieusement un accord. L'Australie a annoncé, au début de l'été, un accord de libre-échange avec le Japon, et nous n'en sommes pas encore là. Je crois que c'est le genre d'égalité qu'il faut rechercher si nous voulons concurrencer avec les autres pays.
Le sénateur Enverga : Quels sont les principaux défis que le Canada devra relever pour livrer concurrence aux autres pays? Sommes-nous désavantagés par rapport à nos concurrents?
M. de Kemp : Dans quel sens?
Le sénateur Enverga : Pour soutenir la concurrence.
M. de Kemp : Actuellement?
Le sénateur Enverga : Aujourd'hui et...
M. de Kemp : Nous serons certainement désavantagés dans le cas de la Chine, étant donné la suppression immédiate des droits de douane sur l'orge et l'orge de brasserie. Ce sera difficile. Lorsque Claire a parlé de l'Australie, sachez que les Australiens ont été extrêmement audacieux et ont en quelque sorte réussi à passer devant tout le monde.
Nos négociateurs ont fait un excellent travail en ce qui a trait à la Corée et à l'AECG, mais nous prenons du retard, particulièrement sur ce grand marché asiatique. Le jeu se joue en Asie, et la Corée est importante puisqu'elle représente la porte d'entrée vers l'Asie; il s'agit du premier accord. Bien entendu, nous sommes confrontés à des défis parce que certains de nos concurrents ont accès à ces marchés.
Au Japon, c'est un peu différent sur le plan démographique, parce qu'il n'y a pas d'immigration. Il y a de moins en moins d'habitants, et la population est de plus en plus vieillissante, alors c'est comme essayer de rivaliser pour une part du gâteau car le gâteau ne grossira pas.
Vous devez connaître votre client, la valeur du produit, en particulier, et la valeur que vous pouvez y ajouter ici au Canada.
En ce qui a trait à la Chine, la situation sera différente pour beaucoup de gens et, dans le cas des céréales, des oléagineux et de la valeur ajoutée, on a dit plus tôt que nous n'étions pas des entreprises de premier ordre. Je suppose que c'est la gestion de l'offre qui utilise cette expression, alors j'imagine que nous n'en sommes pas. Nous employons un grand nombre de gens, il y a beaucoup de valeur ajoutée et nous payons beaucoup de taxes également.
À titre d'information, sachez que nous achetons seulement pour 70 millions de dollars d'orge de brasserie que nous transformons en malt pour Labatt, Molson ou peu importe. Cette quantité d'orge brassicole cultivée par des agriculteurs canadiens génère, à l'échelle fédérale et provinciale, près de 4,1 milliards de dollars de taxes, et ce, seulement sur la bière — et avec seulement 70 millions de dollars. Nommez-moi une autre industrie où on obtient un tel rendement. Vous ne verrez même pas ça dans l'industrie des sables bitumineux, et on parle seulement d'orge ici.
[Français]
Le sénateur Robichaud : J'écoutais justement un discours prononcé au Sénat, cet après-midi, au sujet de l'entente avec la Corée, qui examinait les ententes commerciales que nous avions signées depuis un bon bout de temps. Or, il était démontré que nous avions été les perdants, en ce sens que nos exportations avaient diminué et que nos importations avaient augmenté, selon les données en question.
Dans l'industrie que vous représentez, nos exportateurs sont-ils prêts à saisir l'occasion au lieu que ce soit les importateurs qui profitent de ces ententes?
Mme Citeau : La réponse est oui.
Le sénateur Robichaud : Vous êtes sûrs que nous gagnerons, que nous exporterons beaucoup plus que nous n'importerons? Je l'espère. Je parle d'autres ententes qui ont été signées et pour lesquelles ce n'était pas le cas. Je ne peux pas vous dire si elles concernaient l'industrie agroalimentaire, par contre. Il y a des secteurs dans lesquels nous n'étions pas gagnants. Alors, si on peut gagner dans ce cas-ci, ce sont nos producteurs canadiens qui profiteront des retombées.
J'entendais un rapport de Statistique Canada selon lequel l'indice des prix à la consommation avait augmenté d'un certain pourcentage, et que l'un des facteurs était le prix du bœuf et du porc.
Maintenant que nous avons signé des ententes concernant des produits qu'ils vont acheter, quel effet pensez-vous que cela aura sur le prix du bœuf et du porc pour le consommateur canadien?
[Traduction]
M. Davidson : Les secteurs du bœuf et du porc font des affaires à l'échelle mondiale et, honnêtement, le prix fixé au Canada dépend plus de ce qui se passe à la bourse de Chicago qu'ailleurs. Notre marché est ouvert aux produits de l'étranger. Nous exportons à plus de 100 pays partout dans le monde; nous évoluons réellement dans un marché mondial.
Si le prix du bœuf et du porc est plus élevé en ce moment, c'est parce que les producteurs canadiens ont connu des temps très difficiles au cours des dernières années, lorsque le prix des céréales s'est mis à augmenter plus vite que le prix de la viande. Ils ont alors perdu de l'argent et beaucoup ont quitté le secteur. Le nombre de producteurs porcins qui sont disparus depuis quelques années est effarent.
Mais nous évoluons dans un marché mondial, et le prix sur le marché mondial est élevé en ce moment. Ce n'est pas qu'à cause de la situation au Canada.
Il y a des incitatifs en ce moment en raison du prix des céréales et du prix de la viande. Cela va prendre plus de temps pour le bœuf que pour le porc, mais vous allez voir que nous allons recommencer à produire plus, et que les prix vont monter puis redescendre, parce qu'ils ne sont pas réglementés. Par conséquent, lorsque le prix augmente, nous produisons plus; lorsqu'il diminue, certains producteurs réduisent leur production.
Nous allons donc accroître nos exportations. Notre industrie en dépend. Nous devons exporter nos produits, comme Mme Citeau l'a dit, à hauteur de 60 p. 100 pour le bœuf et de 50 p. 100 pour le porc. Nous n'avons pas le choix. Toute l'industrie est touchée au Canada. Le secteur de la transformation de la viande représente environ 65 000 emplois au Canada, ce qui équivaut à 26 p. 100 des emplois en transformation alimentaire.
Le sénateur Robichaud : Je n'en doute pas.
M. Davidson : Nous sommes solides, nous exportons nos produits vers une centaine de pays. Nous sommes concurrentiels et nous allons faire circuler nos produits pour tirer le meilleur avantage possible de chaque produit, là où il peut être le plus rentable dans chacun de ces marchés.
Je sais qu'il y a des études. Il y a cependant une chose que vous pourriez demander aux chercheurs, puisque leurs études n'en parlent pas, c'est ce qui se passerait si nous n'avions pas d'entente commerciale avec ces pays. La situation ne serait peut-être pas tellement mieux non plus. Peut-être aurions-nous perdu notre part du marché de toute façon. Si le Canada est un partenaire commercial international et qu'il met l'accent sur les exportations, notre avenir dépend de notre aptitude à rester concurrentiels. Il faut être concurrentiel. Nous le sommes dans l'industrie de la viande en ce moment et nous avons le pouvoir de le rester.
Le sénateur Robichaud : Je sais que vous faites de l'excellent travail et que nous voulons exporter nos produits. Je prends ici le point de vue du consommateur. Si je dois payer plus cher pour ce que j'ai déjà... et j'expose la situation parce que tous ceux qui s'opposent à la gestion de l'offre lancent toujours à ceux qui sont pour qu'elle coûte cher aux consommateurs canadiens parce qu'ils exercent un certain contrôle sur le produit, mais les deux positions se défendent. C'est pourquoi je les mentionne. Oui, c'est toujours mentionné au sujet de la gestion de l'offre, mais si nous intensifions le commerce et qu'il en coûte plus cher aux consommateurs canadiens, c'est fantastique. Cela fait partie de la donne quand on fait des affaires. Voyez-vous ce que je veux dire?
M. Davidson : Le fait que nous ayons signé des accords commerciaux avec d'autres pays n'aura pas vraiment d'incidence sur les prix au Canada, parce que dans un marché ouvert, le prix est établi en fonction du marché international. Le prix va donc monter et descendre dans le monde en fonction de l'augmentation et de la diminution de l'offre à l'échelle internationale.
C'est tout à l'avantage du consommateur. En période de sécheresse ou de problèmes nationaux de tout ordre, le marché ouvert assurera la sécurité alimentaire dont on a besoin. Il peut y avoir des variations de prix à court terme, mais à long terme, il est préférable pour les consommateurs que le marché soit mondial et qu'ils puissent acheter les produits au moment où ils en ont besoin.
Bien sûr, c'est également mieux pour les consommateurs en raison du nombre d'emplois qui se créent ici parce que notre industrie exporte beaucoup.
Le sénateur Robichaud : Je ne conteste pas l'argument de l'emploi. Je ne suis pas plus avancé.
Le sénateur L. Smith : Ce qui me frappait quand j'étais dans le secteur de la mouture et de la vente de céréales et que nous vendions nos produits à l'échelle internationale, c'est que j'avais toujours l'impression que le Canada avait un avantage concurrentiel. En tant que Canadiens, nous avions l'avantage d'être bien accueillis, d'être polyvalents, d'apprendre des langues étrangères, parce que nous étions en concurrence contre les grands producteurs américains en Asie. Quand on sait parler japonais au Japon, qu'on a des cartes d'affaires de qualité et qu'on rivalise contre les gros bonnets américains qui se contentent de dire : « Vous savez, on ne parle pas japonais à Archer Daniels, au Kansas ». J'ai toujours trouvé que nous avions un grand avantage concurrentiel pour la vente. Les aspects techniques de nos produits et notre avantage climatique constituent un atout énorme. Nous avons de l'eau, nous avons un meilleur climat, nous pouvons produire du meilleur blé au Canada qu'aux États-Unis, dont le climat est de plus en plus aride. Je ne pense pas me tromper en disant cela, même si je ne suis plus dans l'industrie.
Nous avons donc des avantages concurrentiels sur le plan technique et sur le plan climatique. Mais pour la vente, il ne faut pas oublier ou nier que nous jouissons d'un autre avantage concurrentiel sur le plan culturel, parce que les Canadiens sont ouverts, polis et font ce qu'il faut pour pouvoir vendre.
Je sais que Labatt a connu beaucoup de succès quand elle s'est mise à vendre de l'amidon de blé et du gluten au Japon. Il lui a fallu cinq ans pour construire une relation commerciale, parce qu'il faut comprendre la culture des autres pays, parce qu'on passe bien souvent par de grandes entreprises de distribution, qui ont des relations locales. Au Japon, personne ne vous fera confiance, et il faut cinq ou six ans avant de pouvoir y vendre ses produits. Nous savons reconnaître les forces de notre culture par rapport à la leur.
Est-ce toujours vrai aujourd'hui, dans la façon de faire des affaires? Je vois les yeux de Phil briller.
M. de Kemp : Absolument. J'ai présidé l'industrie de la meunerie juste après votre départ d'Ogilvie, et c'est Gord Harrison qui est là maintenant.
Je me suis rendu au Japon et en Corée cette année, en partie pour entretenir les relations à long terme que nous avons avec les deux pays pour le malt, mais aussi parce que je devais essayer de limiter un peu les dégâts attribuables aux problèmes de transport, bien honnêtement.
Vous dites qu'il faut beaucoup de temps pour établir un marché et vous parlez de l'ouverture du Canada, du mélange culturel et tout et tout. Je me rappelle d'un commentaire qui m'avait été fait en Corée il y a 20 ans, lorsque nous avons commencé à y vendre du malt. Un homme d'affaires de la plus grande brasserie qui s'y trouve, qui appartenait à l'époque à Coca-Cola, si je ne me trompe pas, parlait un anglais impeccable. Je lui ai demandé où il avait étudié, et il m'a nommé une université aux États-Unis, puis il m'a dit une chose que j'ai trouvée assez fascinante. La culture n'est pas la même en Corée qu'au Japon, et il me disait qu'une grande partie des relations professionnelles et autres naissent de rencontres à l'université, quand ils vont étudier là-bas. Pour le Canada, c'est un peu différent.
Cette question ne fait pas partie de l'objet de cette séance, mais j'estime très important de reconnaître — je pense qu'on le fait de plus en plus — que le Canada attire des étudiants étrangers, parmi les plus brillants. On peut espérer que ces personnes retournent ensuite dans leur pays et qu'elles garderont des liens avec les personnes qu'elles ont rencontrées à l'école.
On entend souvent parler des fraternités ou des anciens amis d'école, quand les gens ont fréquenté l'école privée, une école secondaire privée et qu'ils gardent des liens ensuite. C'est la même chose ici. C'est la façon dont les États-Unis utilisent ces liens. Notre façon de faire est un peu différente, mais nous aurions probablement le meilleur des deux mondes si nous misions à la fois sur l'aspect culturel et sur les échanges.
Le président : Très bon point.
Je remercie nos témoins. Vous nous avez donné beaucoup matière à réflexion.
Sur ce, honorables sénateurs, nous allons prendre quelques instants pour délibérer à huis clos afin de régler une petite question.
(La séance se poursuit à huis clos.)