Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 23 - Témoignages du 29 janvier 2015
OTTAWA, le jeudi 29 janvier 2015
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 4, pour poursuivre son étude du projet de loi C-18, Loi modifiant certaines lois en matière d'agriculture et d'agroalimentaire.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Traduction]
Je m'appelle Percy Mockler Je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter, en commençant par la gauche, s'il vous plaît.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, sénateur du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Bonjour. Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Tardif : Bonjour. Claudette Tardif, de l'Alberta.
Le sénateur Plett : Je m'appelle Don Plett, du Manitoba.
[Français]
Le sénateur Rivard : Michel Rivard, de la province de Québec.
[Traduction]
Le sénateur Oh : Bonjour. Sénateur Oh, de l'Ontario.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, sénateur de l'Ontario.
La sénatrice Unger : Betty Unger, de l'Alberta.
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le président : Merci.
Je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation à comparaître et à nous faire part de leurs observations et de leur point de vue alors que nous poursuivons notre étude du projet de loi C-18, Loi modifiant certaines lois en matière d'agriculture et d'agroalimentaire. Le projet de loi vise à moderniser le cadre législatif canadien en matière d'agriculture, à soutenir l'innovation dans le secteur agricole canadien et à accroître les débouchés sur les marchés mondiaux.
Aujourd'hui, pour notre premier groupe d'experts, nous accueillons Mme Patty Townsend, chef de la direction de l'Association canadienne du commerce des semences, et M. Dennis Prouse, vice-président aux Affaires gouvernementales chez CropLife Canada. Par vidéoconférence, en provenance de Winnipeg, nous entendrons M. Humphrey Banack, qui est vice-présidente de la Fédération canadienne de l'agriculture. Merci d'avoir accepté notre invitation.
J'invite maintenant les témoins à faire leurs exposés. Je vous rappelle que conformément aux instructions qui vous ont été fournies par le greffier, la durée des exposés est fixée à cinq minutes. Après votre exposé, nous passerons aux questions des sénateurs.
Le greffier m'informe que le premier intervenant sera M. Banack, suivi de Mme Townsend et de M. Prouse.
Monsieur Banack, la parole est à vous.
Humphrey Banack, vice-président, Fédération canadienne de l'agriculture : Bonjour. Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci.
Je suis très heureux de témoigner au comité aujourd'hui au nom de la Fédération canadienne de l'agriculture pour vous parler du projet de loi C-18, Loi sur la croissance du secteur agricole. Je m'appelle Humphrey Banack. Je suis un producteur de céréales et d'oléagineux du centre de l'Alberta et je suis vice-présidente de la Fédération canadienne de l'agriculture.
La FCA représente, par l'intermédiaire des organisations qui en sont membres, plus de 200 000 familles agricoles de partout au Canada, et elle a comme objectifs de promouvoir les intérêts des producteurs agricoles et agroalimentaires et de veiller à ce qu'une industrie agricole et agroalimentaire viable continue de se développer au Canada. Nous croyons que le projet de loi C-18 contribuera à une industrie agricole plus dynamique au Canada en modernisant plusieurs lois visant l'agriculture. Nous soulèverons quelques aspects sur lesquels il faudrait, d'après nous, se pencher. Étant donné le temps qui m'est accordé, je vais me concentrer principalement sur les changements à la Loi sur la protection des obtentions végétales et sur le Programme de paiement anticipé, mais je suis prêt à répondre aux questions sur tout aspect du projet de loi.
Le Canada a signé l'UPOV de 1991, mais était malgré cela l'un des rares pays développés du monde à ne pas l'avoir ratifiée en modifiant ses lois. Cela a limité l'investissement dans le développement de variétés et empêché les producteurs canadiens d'un vaste éventail de secteurs d'avoir accès aux produits les plus à jour et novateurs. Essentiellement, la question est la nécessité de veiller à ce que les agriculteurs canadiens soient concurrentiels et qu'ils n'accusent pas de retard par rapport aux agriculteurs d'autres pays.
Nous croyons que le projet de loi établit un bon équilibre entre la possibilité pour les obtenteurs de tirer un rendement de leurs investissements en R-D et la possibilité pour les agriculteurs de conserver, entreposer et conditionner des semences pour leur propre usage.
Même si des préoccupations ont été soulevées au sujet des effets de l'UPOV de 1991 sur la diversité des obtenteurs au Canada, les observations sur la scène internationale indiquent que la mise en œuvre de l'UPOV de 1991 entraînera une augmentation de la diversité des obtenteurs canadiens.
J'aimerais aussi signaler que 45 p. 100 de toutes les variétés agricoles faisant en ce moment l'objet de la protection des obtentions végétales ont été conçues au sein d'établissements publics. Je dois signaler que nous sommes toujours préoccupés par l'abandon du financement public pour le développement de variétés de base, car cela pourrait très bien réduire la présence de nouvelles variétés financées par l'État et la concurrence offerte par les entités publiques.
Cependant, la protection accrue des obtentions végétales représente une plateforme pour de nouveaux développements emballants pour les producteurs et les établissements publics. Avec le projet de loi qui franchit maintenant les étapes à la Chambre, nous entendons déjà parler d'un nouveau centre de recherche et de partenariats entre des entreprises canadiennes et des obtenteurs étrangers. Nous continuons d'entendre parler de groupes qui explorent des initiatives d'obtention menées par des producteurs, au Canada. Cependant, nous croyons qu'il faut, dans cette veine, plus de financement des partenariats entre les producteurs et le secteur public à l'avenir.
Nous estimons que la mise à niveau de la protection des obtentions végétales est une étape nécessaire à la compétitivité à long terme de l'agriculture canadienne. J'aimerais parler de deux éléments particuliers des changements annoncés à la Loi sur la protection des obtentions végétales, soit les redevances de fin de chaîne et le privilège de l'agriculteur.
Comme on l'a déjà dit, le projet de loi C-18 ne prévoit pas de redevances de fin de chaîne au Canada. Il crée plutôt un cadre législatif qui permet la prise de règlements visant l'adoption de redevances de fin de chaîne. Ce qui compte principalement pour nous, c'est que les producteurs jouent un rôle important dans les processus de réglementation futurs grâce à une solide consultation qui garantira l'adoption de redevances raisonnables, avec l'appui de l'industrie.
De même, nous n'estimons pas que l'expression « privilège de l'agriculture » pose problème, tant que le texte législatif comporte les protections nécessaires. Dans cette veine, nous avons été heureux d'entendre le ministre et le comité permanent recommander une modification qui préciserait la notion de privilège, de façon à ce que l'entreposage de semences par les agriculteurs pour multiplication future soit inclus.
Étant donné le vaste éventail de produits touchés par cette mesure législative, nous reconnaissons qu'il faut l'autorité réglementaire nécessaire pour modifier le privilège si c'est souhaitable et accepté par tous au sein de l'industrie. C'est un aspect important, et nous sommes d'avis qu'il faudrait l'aborder de façon plus directe.
Tout règlement visant le privilège de l'agriculteur ou l'établissement de redevances de fin de chaîne exigera une solide consultation. Nous croyons que ce processus devrait exiger la consultation du Comité consultatif sur la protection des obtentions végétales précisé dans la loi. Ce comité consultatif doit compter des producteurs parmi ses membres, et nous croyons que la consultation de ce comité garantira l'appui de l'industrie à l'égard de toute modification.
J'aimerais maintenant parler des modifications au Programme de paiement anticipé. Les membres de la Fédération canadienne des agriculteurs étaient heureux des modifications apportées dans le projet de loi C-18, car ils réduisent les formalités administratives entourant l'obtention d'une avance, améliorent l'accès au programme pour les nouveaux produits et les nouvelles formes de sécurité et donnent aux producteurs plus de latitude concernant la mise en marché de leurs produits.
La capacité de rembourser les avances sans preuve de vente est une modification importante qui permettra aux producteurs de mettre leurs produits en marché quand cela répond à leurs besoins plutôt qu'à ceux du programme. Nous étions heureux de voir le gouvernement accorder un sursis à la mise en défaut aux producteurs touchés par les problèmes de transport en 2013-2014. Ces changements offriront à ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas expédier leur produit à l'avenir une flexibilité dont ils ont grandement besoin en ce qui a trait aux délais de remboursement.
De même, les accords pluriannuels réduiront le fardeau administratif inutile pour les producteurs et les agents d'exécution qui devaient remplir les mêmes formulaires année après année. Conjuguée aux modifications qui permettent à un agent d'exécution d'offrir des avances sur de multiples produits, cette mesure contribuera à simplifier l'accès pour tous les producteurs.
Les producteurs profiteront de ces modifications, mais nous pensons que la mise en place d'agents d'exécution dans de nouvelles régions devrait exiger l'approbation des producteurs touchés, par l'intermédiaire de leurs groupes de producteurs.
L'un des avantages de la présence d'agents d'exécution plus petits dans de nombreuses régions, c'est qu'ils agissent en tant que fournisseurs de services possédant une connaissance approfondie des règlements locaux et de la dynamique des secteurs auxquels ils accordent des avances. Nous devons veiller à ce que la simplification du programme ne se traduise pas par une réduction de la participation.
Les règlements devraient exiger des agents d'exécution qu'ils consultent les producteurs avant toute expansion et imposer des directives qui garantissent que les agents d'exécution connaissent la réglementation pertinente d'une province en particulier, par exemple, concernant la mise en marché collective au Québec, ce qui peut avoir des incidences diverses sur la prestation du programme.
Même si nous sommes heureux du vaste éventail d'améliorations apportées par le projet de loi au Programme de paiement anticipé, nos membres étaient déçus de constater que le plafond n'a pas été modifié. La dernière augmentation du plafond remonte à 2006, mais le coût des intrants agricoles a beaucoup augmenté depuis. De plus en plus d'exploitations agricoles affichent des ventes de 800 000 $, ou plus. C'est le cas de mon exploitation agricole. Par exemple, mes coûts liés au fertilisant, au transport ferroviaire, à la terre et à la protection des cultures dépassent maintenant 100 000 $, et mes frais d'exploitation annuels se rapprochent de 800 000 ou 900 000 $. Bien que cela représente un pourcentage relativement faible des exploitations agricoles du pays, elles sont responsables d'une partie importante de la production canadienne.
Pour les producteurs qui reçoivent déjà des avances de près de 400 000 $, les difficultés relatives au transport et le refus des banques d'augmenter la dette des exploitations agricoles illustrent les avantages de l'augmentation du plafond, au moment des semis. Si l'on veut maintenir l'utilité du programme à l'avenir, il est nécessaire d'augmenter les plafonds des avances sans intérêts et des avances avec intérêts de manière à tenir compte des augmentations des coûts des intrants agricoles.
Au nom de la Fédération canadienne de l'agriculture, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. Je serai ravi de répondre à vos questions après les autres exposés.
Le président : Merci. Nous passons maintenant à Mme Patty Townsend.
Patty Townsend, chef de la direction, Association canadienne du commerce des semences : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, merci beaucoup. Je pense qu'il y aura une certaine répétition aujourd'hui. Je remarque que la Fédération canadienne de l'agriculture et l'Association canadienne du commerce des semences sont toutes les deux membres d'un groupe appelé Partners in Innovation, qui témoignera au comité la semaine prochaine, d'après ce que je crois savoir. Notre association est l'un des 20 organismes qui se sont regroupés pour appuyer les modifications proposées à la Loi sur la protection des obtentions végétales. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour vous présenter le point de vue de l'Association canadienne du commerce des semences au sujet du projet de loi C-18. Nous avons présenté un mémoire détaillé, dans les deux langues officielles. Je me contenterai donc de souligner quelques points.
L'Association canadienne du commerce des semences compte 130 entreprises membres dont les activités sont liées à tous les aspects des semences, comme l'amélioration des plantes, la création de caractères et de variétés, la production, la transformation, l'emballage, la mise en marché, la vente et le commerce. Nos membres représentent 50 cultures distinctes et sont différents les uns des autres. Il peut s'agir de petits détaillants de semences, d'entreprises multinationales, d'entreprises de mise en marché et d'emballage de semences biologiques de légumes et de fines herbes, voire de géants de la biotechnologie. Les membres de l'association ont des intérêts très diversifiés, mais ils travaillent de concert au sein de l'association pour appuyer notre mission, soit de promouvoir l'innovation et le commerce dans le domaine des semences.
En 2012, les membres de l'ACCS du secteur privé ont investi au Canada près de 110 millions de dollars en sélection des végétaux, en recherche et en création de variétés. Cette somme représente presque 6 p. 100 de leurs ventes intérieures combinées et constitue une hausse de plus de 90 p. 100 par rapport à 2007. Nos membres ont indiqué vouloir continuer à accroître leurs investissements dans leurs secteurs d'investissement habituels — le maïs, le canola et le soja — où les outils de protection de la propriété intellectuelle sont beaucoup plus puissants, mais aussi dans des cultures comme les céréales où les investissements du secteur privé sont habituellement très faibles. Cela découle directement du climat d'optimisme, lequel résulte en partie de la présentation du projet de loi C-18.
Les modifications proposées à la Loi sur les semences, la Loi relative aux aliments du bétail et la Loi sur les engrais dans le projet de loi C-18 permettraient l'utilisation des données de sources internationales dans les processus d'approbation, ce qui accélérerait l'approbation des produits novateurs pour les agriculteurs et les consommateurs tout en protégeant la santé et la sécurité des humains, des animaux et de l'environnement. Les semences font l'objet d'une réglementation considérable. Plus de 12 mesures législatives — et leurs règlements connexes — touchent directement notre secteur.
Nous sommes favorables à la disposition du projet de loi C-18 sur l'incorporation par renvoi. Cela permettrait le retrait de certains éléments de la loi, la liste des types de cultures visés par l'enregistrement des variétés, par exemple, et leur incorporation par renvoi à la réglementation. Cela aiderait à améliorer l'efficacité de l'industrie, car elle pourrait ainsi mieux répondre aux besoins en matière de variétés. Toutefois, cela n'exclut pas l'obligation de fournir les raisons pour lesquelles l'industrie convient de la nécessité d'un tel changement. Cela empêcherait aussi les disparités entre certains règlements existants. À titre d'exemple, notons l'Arrêté sur les graines de mauvaises herbes que l'on trouve dans la liste des organismes nuisibles réglementés au Canada, où certaines espèces potentiellement envahissantes sont actuellement visées par un règlement, mais pas l'autre.
Bien que de nombreux éléments du projet de loi C-18 puissent être avantageux pour l'industrie des semences, celui dont nous avons le plus besoin — pour lequel nous avons milité le plus longtemps — est l'article qui modifiera la Loi sur la protection des obtentions végétales du Canada. Cet élément du projet de loi C-18 a déjà un effet positif. L'harmonisation de la loi canadienne à la plus récente convention de l'Union internationale pour la protection des obtentions végétales incitera les sélectionneurs de végétaux et les créateurs de variétés à investir au Canada. Lorsque Bayer CropScience Canada, l'un de nos membres, a commencé la construction de ses nouvelles installations de sélection de céréales en Saskatchewan, des représentants qui ont assisté à la cérémonie d'inauguration des travaux ont clairement indiqué que cela n'aurait pas été possible sans la promesse de présenter le projet de loi C-18.
Cela incitera aussi les sélectionneurs de végétaux internationaux à envoyer leurs nouvelles variétés, leurs variétés supérieures, au Canada. Il y a un peu plus d'un an, les gens de l'European Seed Association nous ont clairement fait savoir, par écrit, qu'ils n'enverraient pas leurs variétés au Canada parce qu'elles ne bénéficieraient pas des mêmes protections que dans les autres pays. Après l'annonce du projet de loi C-18, un certain nombre de nos sociétés membres ont annoncé des accords importants avec des sociétés d'amélioration génétique européennes en vue de l'importation de nouvelles variétés au Canada.
J'ai discuté de ces enjeux avec beaucoup d'agriculteurs et de groupes d'agriculteurs dernièrement. En terminant, j'aimerais parler de deux idées fausses qui semblent circuler au sujet des modifications.
Premièrement, comme M. Banack l'a indiqué, les modifications proposées n'empêcheront pas les agriculteurs de conserver le grain qu'ils produisent sur leur ferme, de le nettoyer, de l'entreposer et de l'utiliser comme semis sur leurs terres. Peu importe le nom qu'on lui donne, l'exception accordée aux agriculteurs relativement à la protection des obtentions végétales fait partie intégrante de la mesure législative proposée et ne pourrait être modifiée que par une modification législative.
Deuxièmement, comme M. Banack l'a également indiqué, les sélectionneurs de végétaux ne pourront percevoir des redevances sur le grain livré, que l'on appelle une redevance de fin de chaîne, dès la mise en œuvre de la mesure législative. Comme c'est le cas actuellement, les sélectionneurs de végétaux ne pourront percevoir des redevances que sur le matériel de multiplication, la semence. Aux termes des dispositions du projet de loi portant sur les produits de la récolte, si le sélectionneur peut prouver, en vertu du droit civil, que les semences ont été acquises illégalement, qu'il y a infraction à la protection des obtentions végétales, il pourrait alors, en vertu du droit civil, chercher à être indemnisé sur le matériel récolté, mais cette indemnisation pourrait ne pas se limiter aux redevances.
C'est avec plaisir que je répondrai aux questions.
Le président : Nous passons à M. Dennis Prouse.
Dennis Prouse, vice-président, Affaires gouvernementales, CropLife Canada : Je vous remercie de l'invitation à témoigner aujourd'hui. C'est avec plaisir que je présente, au nom des membres de notre organisme, des observations sur le projet de loi C-18, la Loi sur la croissance dans le secteur agricole proposée. Je serai heureux de répondre à vos questions.
CropLife Canada est l'association professionnelle qui représente les fabricants, les concepteurs et les distributeurs de solutions phytoscientifiques, y compris des produits antiparasitaires et des biotechnologies végétales utilisés en agriculture, en milieu urbain et dans le domaine de la santé publique. Notre mission est de permettre à l'industrie phytoscientifique de faire profiter les agriculteurs et les consommateurs des avantages de ces innovations. Nous faisons la promotion de pratiques agricoles durables et nous sommes déterminés à protéger la santé humaine et l'environnement.
Nous travaillons également avec un certain nombre de groupes intéressés, dont ceux que vos deux précédents témoins représentent. Nous sommes à cet égard très fiers du fait que tous les grands groupes de producteurs agricoles du Canada sont membres de notre partenariat GrowCanada.
Comme vos deux témoins précédents, nous appuyons sans réserve le projet de loi C-18. Nous espérons que le Sénat l'adoptera dès que possible. Nous sommes particulièrement heureux de voir qu'il sera possible de modifier la Loi sur la protection des obtentions végétales, une ouverture qui est l'une des pierres d'assise du projet de loi. Nous sommes en outre particulièrement emballés par les mesures du projet de loi qui autorisent l'Agence canadienne d'inspection des aliments de prendre en compte des examens, des données et des analyses provenant de l'étranger durant le processus d'approbation ou d'enregistrement de nouveaux produits au Canada. Après tout, ce sont deux choses que l'on attendait depuis longtemps. La même version de la Loi sur la protection des obtentions végétales s'applique au Canada depuis son adoption, en 1990. Or, cette loi n'est conforme qu'à la convention de l'UPOV de 1978 et non aux mises à jour qui y ont été apportées en 1991. Pour ajouter à ce qu'a dit M. Banack, je veux dire que la Nouvelle-Zélande et la Norvège sont les seuls deux autres pays développés qui ne se sont pas conformés à la convention de l'UPOV de 1991.
Comme Mme Townsend l'a souligné, cette non-conformité n'est pas sans conséquence. Elle décourage l'importation au Canada de variétés végétales mises au point à l'étranger. Corollairement, elle incite à investir à l'étranger.
Comme nous l'avons déjà signalé à votre comité auparavant, l'innovation en agriculture est une réalité à laquelle on ne peut échapper, et elle est en cours à l'échelle mondiale. À mesure que les obstacles techniques tombent et que les coûts des données baissent, le rythme de l'innovation s'accélère. Il s'agit donc d'établir si le Canada fournira un environnement propice à cette innovation. À cet égard, le projet de loi C-18 est un pas dans la bonne direction, une démarche attendue depuis longtemps pour redresser la situation.
Le fait de soutenir le développement de nouvelles variétés végétales n'intéresse pas seulement les entreprises. Il procure des avantages directs aux agriculteurs canadiens, qui utilisent l'innovation à la fois pour augmenter le rendement et pour améliorer la viabilité des pratiques agricoles. Seul un cadre législatif moderne pour la protection de la propriété intellectuelle — un cadre qui permettra au Canada de se mettre au diapason de ses partenaires commerciaux internationaux — peut encourager le type d'investissement propice à l'innovation.
Comme l'a dit Mme Townsend, la seule présentation du projet de loi C-18 a déjà eu un effet positif dans l'investissement et dans l'innovation. Je ne vais pas répéter les points qu'a soulevés Patty, mais je dirai seulement que nous appuyons fortement cela également, et que nous trouvons que c'est encourageant.
Les conséquences de ne pas prendre ces mesures sont claires. Les avantages, comme l'augmentation des rendements ou l'amélioration de la résistance aux maladies, profitent aux agriculteurs qui nous font concurrence sur les marchés mondiaux. Je crois que c'est le problème qu'il est essentiel de comprendre.
Monsieur le président, il importe aussi de souligner que les universités, les ministères gouvernementaux et les petits obtenteurs indépendants — qui sont de plus en plus nombreux — profitent aussi de la conformité à la convention de l'UPOV de 1991. Près de la moitié des demandes relatives aux droits d'obtention présentées au Canada viennent d'institutions publiques, et les redevances continueront de leur être versées. Il y a également la question des semences conservées par l'agriculteur, dont ont parlé les deux témoins précédents. Il est important de souligner que la version actuelle de la loi ne dit absolument rien à ce sujet. Le projet de loi C-18 traite de cette question de façon explicite, comme on vous l'a déjà dit.
Voilà les enjeux abordés par le projet de loi C-18 concernant les droits relatifs aux obtentions végétales. Évidemment, un certain nombre de témoins importants vous en ont parlé.
L'un des éléments les moins débattus du projet de loi C-18, et qui, pourtant, mérite notre attention à notre avis, c'est la partie qui donne à l'ACIA le pouvoir de prendre en compte des examens, des données et des analyses provenant de l'étranger durant l'approbation ou l'enregistrement de nouveaux produits au Canada.
L'un des très grands défis que devra relever l'ACIA pour la suite des choses, c'est de simplifier et de moderniser le processus d'approbation. Nous savons que le nombre de demandes d'approbation soumises à l'examen de l'ACIA continuera d'augmenter. Voilà pour la bonne nouvelle. Elle témoigne avec éloquence de l'esprit de modernisation et de la confiance qui soufflent sur le Canada.
La difficulté est d'assurer que ces approbations et ces homologations sont traitées en temps opportun et avec une certaine prévisibilité. Le Canada doit travailler avec d'autres pays pour adhérer à des normes mondiales liées à une réglementation fondée sur la science. Il est absolument inutile que le Canada recueille un deuxième jeu de données, qu'il procède à un nouvel examen et qu'il fasse une autre analyse lorsque tout cela a déjà été fait par un autre pays possédant des normes conformes aux nôtres. C'est un gaspillage et un dédoublement de procédures qui peuvent être éliminés et qui devraient être éliminés. En donnant ce pouvoir à l'ACIA de manière explicite, le projet de loi fait en sorte que les consommateurs canadiens seront beaucoup mieux servis, et que le Canada deviendra, avec son régime de réglementation prévisible, prompt et fondé sur la science, un endroit de plus en plus attrayant pour investir et faire des affaires. Vous nous entendrez souvent employer l'expression « fondé sur la science ». C'est une disposition dictée par le gros bon sens que nous appuyons sans réserve.
Monsieur le président, le Canada est l'un des grands producteurs et exportateurs agricoles de la planète, et nous croyons qu'il est absolument nécessaire de procéder à une modernisation de son cadre législatif pour encourager l'investissement et l'innovation. Le statu quo sera grandement nuisible aux agriculteurs et aux consommateurs canadiens ainsi qu'à l'économie du pays dans son ensemble.
Le potentiel agricole du Canada est immense. La population mondiale en croissance guette avec impatience l'essor des exportations agroalimentaires de qualité provenant du Canada. Nous avons les terres, le climat et les gens pour répondre à ce besoin. Il n'y a jamais eu de meilleurs moments que maintenant pour le secteur agricole canadien. Or, la réalisation de notre plein potentiel ne pourra se faire que si nous continuons à progresser et à nous moderniser afin de rester à la hauteur de nos concurrents à l'échelle internationale. Le projet de loi C-18 est un pas important dans cette direction.
Merci, monsieur le président.
Le président : Merci, monsieur Prouse.
C'est la sénatrice Tardif qui posera des questions en premier. Ce sera au tour du parrain du projet de loi, le sénateur Plett, par la suite.
La sénatrice Tardif : Je vous remercie de vos exposés.
De toute évidence, vous appuyez le projet de loi en général, et probablement très fortement. Toutefois, vous n'avez soulevé aucune préoccupation. Je sais que vous représentez un certain nombre d'organismes. Pouvez-vous nous faire part des préoccupations que vous avez entendues de leur part? Je suis certaine que des gens en ont.
Mme Townsend : Je vais commencer, car je pense que ma réponse sera assez brève.
Nous n'avons aucune préoccupation à l'égard du projet de loi. Le gouvernement a fait de très bonnes consultations et nous a tous inclus depuis tout au long du processus pour les éléments qui étaient très importants pour nous. Nous croyons que nous avons bien transmis le point de vue de nos membres au sujet de la formulation des modifications concernant la protection des obtentions végétales et la question de l'acceptation et de la prise en compte de données provenant de l'étranger. Pour ce qui est des dispositions du projet de loi qui touche le secteur des semences, nous n'y voyons que des avantages.
M. Prouse : De plus, sur le plan de l'innovation, les choses ont changé plus rapidement au cours des trois dernières années que durant les décennies précédentes. Un nombre considérable de mesures ont été prises. La seule préoccupation dont les intervenants me font part chaque semaine au téléphone, c'est qu'ils craignent que le projet de loi ne soit pas adopté à temps. C'est la seule préoccupation que j'entends.
La sénatrice Tardif : Monsieur Banack?
M. Banack : Nous appuyons sans réserve les mesures concernant la protection des obtentions végétales.
En ce qui concerne la partie du projet de loi qui porte sur le Programme de paiement anticipé, nous recevions habituellement des avances de fonds avant nos ventes. Il a toujours été difficile d'avoir accès à des fonds et à du capital d'exploitation, et les changements apportés sont donc très appréciés et reçoivent un fort soutien. Nous devons nous assurer que nous comblons les besoins et nous continuons à demander des avances plus importantes. C'est notre plus grande préoccupation, c'est-à-dire qu'il faut que les avances de fonds soient plus importantes de sorte qu'elles répondent aux besoins de liquidités de mon exploitation et des exploitations de tous nos membres.
La sénatrice Tardif : Monsieur Banack, dans votre exposé, vous avez mentionné qu'on est préoccupé par la réduction du financement public, par l'abandon du financement public pour la recherche, et que cela pourrait réduire la concurrence. Voudriez-vous en dire plus à ce sujet?
M. Banack : Nous assistons à une diminution du financement public depuis le milieu des années 1990. Le financement a baissé de façon spectaculaire, dans un rapport de un pour un — la contribution équivalente disponible pour nous, les obtenteurs publics, aujourd'hui. Nous croyons que le système public d'obtention a beaucoup de mesures novatrices et importantes à prendre pour concevoir des produits novateurs propres au système agricole canadien.
La capacité d'avoir des technologies internationales est quelque chose d'absolument extraordinaire. Cela nous donne des outils, mais nous devons faire certaines choses pour que nos produits soient différents. Pour que nous puissions accéder aux marchés internationaux, nous devons trouver un créneau. De plus, nous travaillons dans un climat différent par rapport à bon nombre de pays. Il est important de développer le système public d'obtentions pour faire en sorte qu'au moins, nous ne descendons pas davantage. Ces dernières années, des centres d'amélioration des plantes et des centres de recherche ont fermé leur porte, et les fermetures se poursuivent. Nous sommes très préoccupés par ces pertes.
La sénatrice Tardif : Êtes-vous préoccupé par la possibilité que le gouvernement, par l'intermédiaire du gouverneur en conseil, puisse adopter des règlements qui modifieraient les privilèges qui sont actuellement exemptés dans ce qui est proposé dans la Loi sur la protection des obtentions végétales?
M. Banack : Oui, je suppose que les décrets nous posent problème, car nous croyons que cela doit être géré par l'industrie, ou du moins que l'industrie doit être consultée, pour ce qui est de tout changement. Nous espérons que par le lobbying et la collaboration avec le gouvernement, nous pourrons nous assurer que les décrets reflètent les besoins de nos producteurs.
La sénatrice Tardif : Je vous pose la même question au sujet de l'incorporation par renvoi. Vous savez que dans ce cas, il n'y a pas nécessairement de publication dans la Gazette du Canada et qu'il n'y aurait pas de débat public au Parlement. Cela vous inquiète-t-il?
M. Banack : Oui, chaque fois que des mesures sont prises sans avoir fait l'objet de consultations auprès de nos membres de même que d'un examen public approfondi, c'est inquiétant pour nous. Cependant, comme je l'ai déjà dit, nous espérons que dans le processus de consultation qui a été établi par le comité concernant la protection des obtentions végétales, nous pourrons avoir notre mot à dire à cet égard et participer. C'est préoccupant pour nous, et nous surveillerons la situation au fur et à mesure.
La sénatrice Tardif : Merci.
Le président : Madame Townsend, vous avez indiqué que vous vouliez prendre la parole.
Mme Townsend : Je veux ajouter quelques observations au sujet des modifications réglementaires et de l'incorporation par renvoi.
Un processus est très clairement défini concernant les changements dans la réglementation. Nous l'avons suivi à un certain nombre de reprises, dont récemment, au sujet de modifications sur l'enregistrement des variétés, et nous travaillons toujours au dossier de l'Arrêté sur les graines de mauvaises herbes.
Il nous a fallu trois ans pour apporter des changements à l'enregistrement de variétés en raison des nombreuses consultations et du consensus qui avait besoin d'être prouvé avant que les modifications réglementaires puissent être apportées, même sans, ou avant même, le processus lié à la Gazette.
À l'heure actuelle, l'Arrêté sur les graines de mauvaises herbes et les dispositions sur les espèces envahissantes auxquels j'ai fait référence dans mon exposé sont incompatibles. Certains ravageurs qui font partie de la liste des organismes nuisibles réglementés ne sont pas inclus dans l'Arrêté sur les graines de mauvaises herbes, que nous appliquons pour nous assurer que nous n'avons pas de graines de mauvaises herbes nuisibles. Les deux sont incompatibles présentement parce qu'il nous a fallu quatre ans pour apporter les modifications réglementaires à l'Arrêté sur les graines de mauvaises herbes pour le rendre conforme aux listes des organismes nuisibles réglementés.
L'incorporation par renvoi ne fait que les retirer de la réglementation et qu'éliminer le processus de la Gazette, mais elle ne fait pas disparaître le processus de justification, d'évaluation des répercussions économiques et de démonstration du consensus avant qu'un changement soit apporté.
Le sénateur Plett : Je remercie nos trois témoins.
Monsieur Prouse, vous avez dit que ce qui vous préoccupe le plus, c'est que le projet de loi soit adopté à temps. Nous ferons tout notre possible pour dissiper vos craintes.
M. Prouse : Merci, sénateur.
Le sénateur Plett : C'est difficile de poser des questions à trois témoins qui appuient le projet de loi sans réserve et qui n'ont rien de négatif à dire. J'en suis ravi.
J'aimerais vous lire un court passage du document d'information de l'Association canadienne du commerce des semences. C'est vraiment intéressant à lire.
Le Canada a signé la convention en 1992 en signalant son intention de la ratifier. Un projet de loi a été présenté à la Chambre des communes en 1997, mais il n'a pas été adopté.
Par conséquent, comme nous l'avons entendu aujourd'hui, le Canada fait partie des trois pays développés membres de l'UPOV dont les lois ne respectent pas les normes établies dans la convention la plus récente.
Bien entendu, il y aura toujours des choses à améliorer, quelles que soient les mesures législatives que nous adoptons. Si nous n'adoptons pas de mesures tant que les choses ne sont pas comme il se doit, nous tirerons toujours de l'arrière et nous ferons toujours partie des deux ou trois pays développés qui n'ont pas encore signé.
Monsieur Banack, j'aimerais revenir un instant sur le paiement anticipé. Dans une autre vie, j'étais un petit entrepreneur. Je n'étais pas agriculteur, mais j'ai travaillé avec des agriculteurs toute ma vie. À ma connaissance, la disponibilité de liquidités a toujours été un enjeu pour eux, et je crois qu'aucun montant de financement public n'arrivera à résoudre complètement cela.
Je crois que la plupart d'entre nous le savent, mais ce n'est peut-être pas le cas des gens qui nous regardent, et j'aimerais donc que vous m'expliquiez en quoi les avances de fonds dont traitent ces mesures législatives contribuent à améliorer vos activités.
M. Banack : Les avances de fonds constituent une partie très importante de nos activités. Notre industrie a des marges bénéficiaires faibles. Nos marges sont beaucoup plus faibles que celles de bon nombre d'autres industries au Canada qui contribuent au PIB. Cela tient en partie au fait que nous avons des liquidités et des factures à payer pour des coûts de production qui remontent à six ou sept mois et pour lesquelles des intérêts commencent à s'accumuler. Nous devons les régler rapidement après la récolte. Le Programme d'avances en espèce nous permet de puiser dans notre avance de deux façons : une avance printanière après l'ensemencement ou une avance post-récolte, soit après la récolte et le stockage. Cela nous permet d'avoir accès à des capitaux, de gérer nos comptes et de profiter des signaux du marché.
Dans notre cas, les prix du marché chutent toujours à l'automne lorsque les agriculteurs essaient de lancer les produits dans le système pour payer les factures. Les conditions de l'offre et la demande font chuter les prix durant cette période. Les avances constituent un élément très important dans ce secteur.
En ce qui concerne les modifications apportées dans le cadre du projet de loi, chaque fois que je veux une avance de fonds, je dois m'adresser à ma banque et à mon agrofournisseur, de sorte qu'ils puissent certifier qu'ils comprennent que j'obtiens une avance. Grâce aux changements que le projet de loi contient, je bénéficierai d'une période de cinq ans durant laquelle nous aurons conclu un accord. Ce sera bon pour une période de cinq ans. Ainsi, lorsque je prendrai cette avance, le processus sera plus facile et plus simple; je n'aurai plus à m'adresser à ma banque et à mon agrofournisseur. Ils concluent un accord facilement et cela ne leur pose pas de problème parce qu'ils comprennent que l'avance de fonds aide mon entreprise à maintenir ses liquidités et leur assure un paiement. C'est l'un des éléments les plus importants du projet de loi, à mon avis.
Comme je l'ai déjà dit, l'avance de fonds de 100 000 $ est fort bien accueillie dans certaines de nos activités, notamment mon exploitation agricole. Mais la vérité, c'est que la somme devrait être plus importante afin de mieux répondre aux besoins de nos activités.
À elle seule, mon exploitation agricole réalise pratiquement 1 million de dollars de ventes au cours de l'année. Les 100 000 $ représentent donc une partie importante des fonds. Le coût des intrants avoisine les 600 000 à 700 000 $. Il faut un grand soutien commercial afin d'avoir l'argent nécessaire pour produire la récolte.
Le sénateur Plett : J'aimerais faire suite à la question de la sénatrice Tardif à propos de vos préoccupations concernant certains éléments modifiés par décret du gouverneur en conseil. Si les avances de fonds sont trop modestes, un décret du gouverneur en conseil qui en augmenterait la valeur pourrait donc être une bonne chose.
M. Banack : En effet. Le décret du gouverneur en conseil constitue toujours un volet important de la question. Comme Patty l'a indiqué, les procédures actuelles peuvent être très coûteuses, et nous ne voulons pas le statu quo. Nous aimerions que le système soit bien plus clair, mais voulons nous assurer que les décrets du gouverneur en conseil reflètent bel et bien les besoins des producteurs.
Le sénateur Plett : Madame Townsend ou monsieur Prouse, pourriez-vous nous parler un peu plus du privilège accordé aux agriculteurs, en termes simples? J'aimerais savoir ce qu'il représente en ce qui a trait à la protection des obtentions végétales, du fait que les agriculteurs ne seront pas pénalisés s'ils ressèment les semences de l'année précédente.
Mme Townsend : Je vais commencer. Je connais la réponse par cœur.
Pour commencer, comme Dennis l'a dit, les dispositions actuelles de la Loi sur la protection des obtentions végétales ne prévoient aucun privilège, droit ou exception pour les agriculteurs. L'Union internationale pour la protection des obtentions végétales, ou UPOV, parle en fait d'une exception à la protection des obtentions végétales. Elle ne dit rien. Au fond, les agriculteurs peuvent le faire puisque rien ne l'interdit.
Le nouveau projet de loi enchâsse cette pratique dans la loi au moyen de l'article proposé 5.2, qui précise le certificat d'obtention donnant un pouvoir au sélectionneur. Le sélectionneur doit donc autoriser l'agriculteur à faire toutes sortes de choses, y compris la production, la reproduction, l'entreposage, l'importation, l'exportation, l'emploi répété à des fins de vente, la publicité pour vente, le matériel de multiplication ou les semences. L'article proposé 5.2 prévoit une exception pour les agriculteurs ayant trait à la plupart des protections des obtentions végétales, la production, la reproduction, l'entreposage ou la conservation et la manutention des semences de variétés protégées, s'ils emploient les semences sur leur propre exploitation agricole. C'est ce que précise l'article.
D'ailleurs, l'expression « privilège accordé aux agriculteurs » se retrouve dans la marge à titre de référence et ne fait pas partie de la loi même. Elle n'a vraiment aucune incidence sur le fait que la pratique soit enchâssée dans les dispositions législatives.
M. Prouse : Contrairement au mythe — certains des détracteurs du projet de loi C-18 prétendent que le texte établit un précédent —, tout ce que font les dispositions, c'est d'enchâsser le droit de conserver une semence, conformément à notre signature de la convention de l'UPOV de 1991. Elles ne font que consolider ce qui avait déjà été convenu. Le projet de loi C-18 ne trace donc aucune nouvelle frontière. À écouter certains représentants d'organisations non gouvernementales, on pourrait croire que le projet de loi introduit quelque chose de tout à fait nouveau, mais c'est faux.
Mme Townsend : La convention de l'UPOV n'exige aucune exception pour l'agriculteur et stipule que c'est facultatif. Certains pays européens ne permettent pas aux agriculteurs de conserver la semence d'une variété protégée pour leur propre exploitation agricole, mais le Canada a décidé de le faire. C'est une pratique dont nos agriculteurs ont besoin, et c'est pourquoi la loi le précise désormais.
Le sénateur Plett : Et bien des agriculteurs conservent habituellement environ 10 p. 100 des récoltes de l'année précédente pour ressemer l'année suivante.
Mme Townsend : Tout dépend de l'agriculteur et de la culture. Il y a de plus en plus d'agriculteurs étant donné la grande vitesse des changements technologiques, comme Dennis l'a dit. Puisque les agriculteurs veulent avoir le nouveau produit, ils achètent la nouvelle semence chaque année.
Le sénateur Moore : Je vous remercie d'être avec nous. Je suis nouveau au sein du comité et je connais peu le sujet à l'étude, mais je trouve que l'expression « privilège accordé aux agriculteurs » est intéressante. Pourriez-vous en expliquer la signification en termes clairs? J'ignore ce qu'elle représente. Je me demande toujours ce que le mot « privilège » peut bien inclure.
Mme Townsend : C'est amusant, car au moment de l'élaboration du projet de loi, nous avons beaucoup discuté du nom que nous allions donner au concept. Je sais que certaines organisations préféreraient parler de « droit », alors que d'autres aiment le mot « privilège ». À mon sens, peu importe si vous l'appelez « Bob », car cette terminologie ne fait pas partie de la loi. Il s'agit d'un simple point de référence permettant de trouver la partie du projet de loi qui explique l'exception dont bénéficient les agriculteurs entourant l'emploi du fruit de leur production sur leur propre exploitation agricole — dans le cas des variétés végétales protégées. Ma réponse ressemblait peut-être à une blague, mais peu importe comment nous nommons le concept. Le fait est que c'est enchâssé à la loi et qu'il s'agit d'une exception à la protection des obtentions végétales.
Le sénateur Moore : Y a-t-il donc une personne qui accorde ce privilège? L'agriculteur doit-il obtenir l'approbation de quelqu'un?
Mme Townsend : Non. C'est la loi qui accorde le privilège. Ainsi, disons que vous produisez une variété et la protégez au moyen d'un certificat d'obtention, puis que j'achète des semences de cette variété, j'ai ensuite parfaitement le droit...
Le sénateur Moore : Vous êtes l'agriculteur?
Mme Townsend : C'est exact, et vous êtes l'entreprise de semences ayant développé une variété. Vous avez investi pour créer cette variété, et avez choisi de la protéger au moyen d'un certificat d'obtention. Le mot « choisi » est important, car rien ne vous oblige à protéger vos variétés de cette façon ou par tout autre mécanisme de protection de la propriété intellectuelle. Vous protégez donc la semence, puis je l'achète. En fait, je peux produire des récoltes à partir de cette semence, conserver la semence, la nettoyer, l'entreposer et l'employer comme semence au sein de mon exploitation agricole au cours des années à venir, si je décide de le faire. Nul besoin de demander la permission à qui que ce soit. Puisque c'est dans la loi, vous ne pouvez pas, en tant que sélectionneur, venir me dire que je vais à l'encontre de votre protection.
Le sénateur Moore : N'était-ce pas déjà ainsi?
Mme Townsend : En effet. Ce n'était tout simplement pas dans la loi auparavant. C'était permis simplement parce que la loi ne l'interdisait pas.
Le sénateur Moore : Quel est l'envers de la médaille, que nous devons intégrer à la loi? À mes yeux, cela semblait simplement faire partie du milieu agricole.
Mme Townsend : Je pense qu'on craignait que cette exception entourant la protection des obtentions végétales soit en quelque sorte perdue lorsqu'on modifierait la loi. L'enchâsser dans la loi fait en sorte qu'il n'y a aucune perte.
Le sénateur Moore : Ultérieurement, la disposition donnera-t-elle aux sélectionneurs un certain pouvoir de persuasion à l'endroit des agriculteurs?
Le président : Avant de vous laisser répondre à cette question de suivi, madame Townsend, j'ai remarqué que M. Banack voulait commenter.
M. Banack : Merci.
En tant que producteur de céréales canadien, il me semble que la convention de l'UPOV de 1991 modifie la source de financement de l'entreprise de semences. Aujourd'hui, lorsque j'achète une semence certifiée au Canada, comme nous le faisons chaque année à des fins de reproduction et d'emploi sur notre exploitation agricole, nous versons une redevance d'emploi au moment de l'achat. Le certificat d'obtention dit que la convention de l'UPOV de 1991 changera la donne de sorte que la redevance soit perçue sur le produit de la récolte; voilà où les semences conservées par l'agriculteur entrent en ligne de compte. Lorsque je produis la semence, je dois déclarer le nom de la variété, après quoi la redevance sera versée au sélectionneur en question.
Patty hoche la tête pour signifier que ce ne sera pas ainsi.
Le sénateur Moore : Pourriez-vous expliquer à nouveau?
Mme Townsend : Veuillez m'excuser, mais ce n'est pas ainsi, Humphrey. Il y a une confusion, et c'est une partie du problème. Je vais prendre quelques secondes pour expliquer.
Pendant que le projet de loi faisait l'objet de discussions, des procédures suivaient leur cours. Puisque les gens ont compris qu'il fallait des fonds supplémentaires pour investir dans la sélection de variétés et dans la recherche, bien des démarches ont été entreprises au Canada pour essayer de trouver une façon de faire. Cela avait malheureusement lieu au même moment que les discussions entourant le projet de loi.
Le projet de loi ou la convention de l'UPOV de 1991 ne prévoient rien qui permette à un sélectionneur de percevoir une redevance sur quoi que ce soit d'autre que le matériel de multiplication ou la semence. Le seul cas qui justifierait une compensation serait si la semence a été obtenue illégalement et que le sélectionneur n'a pas pu recueillir sa redevance. S'il peut prouver en droit civil qu'il n'a pas pu percevoir la redevance sur la semence ou le matériel de multiplication, il pourra recevoir une compensation sur le produit de la récolte.
La convention de l'UPOV de 1991 ne change rien à la source de compensation du sélectionneur. Si c'était pour arriver, tout ce que fait le projet de loi, c'est de permettre au ministre d'adopter un règlement visant à modifier le tout, suivant le souhait du milieu, du ministre et du gouvernement en place. Le libellé de la convention et du projet de loi disent très clairement que le sélectionneur ne peut percevoir une redevance que sur le matériel de multiplication.
Le sénateur Moore : Monsieur le président, peut-être M. Banack pourrait-il expliquer son point de vue.
Le président : Monsieur Banack, avez-vous quoi que ce soit à ajouter?
M. Banack : Comme je l'ai dit, nous utilisons actuellement des semences certifiées chaque année sur notre exploitation agricole. Nous achetons une bonne quantité de semences de céréales certifiées. C'est le cas de l'ensemble de nos semences de canola, puisque la quantité est petite. La question s'applique largement à nos céréales dans l'Ouest canadien, puisque nous employons un bien plus important volume de semences compte tenu de notre productivité. Le privilège accordé aux agriculteurs entre en ligne de compte à un moment où les semences conservées par l'agriculteur représentent une bonne partie de ce que nous cultivons. Ce privilège constitue une partie importante de la question.
Or, le système de redevance fonctionne. Nous y sommes très ouverts, car nous avons remarqué que la création de nouvelles variétés nécessite de l'argent, et que nous devons pouvoir y contribuer en utilisant ces semences. Nous croyons le faire dans un cadre commercial. Chez nous, nous ne semons pas une seule variété sur l'ensemble de la terre. Nous cultivons différentes variétés pour déterminer laquelle nous convient le mieux, et c'est celle que nous continuerons à soutenir au moyen des redevances.
Le président : Merci.
Le sénateur Moore : Je ne suis pas certain que la réponse de Mme Townsend ait répondu à vos préoccupations.
M. Banack : Oui. Nous croyons que les redevances sur le produit de la récolte s'appliquent si le gouvernement choisit cette voie, comme le dit la convention de l'UPOV de 1991. Nos agriculteurs reconnaissent cette possibilité et le besoin de verser une redevance sur nos semences et le matériel que nous reproduisons et utilisons sur notre exploitation agricole. Dans le secteur du canola, nous avons constaté d'immenses progrès depuis que nous utilisons bien plus de semences certifiées. Si elles ne peuvent pas percevoir de redevances sur le produit de la récolte, les entreprises auront beaucoup de mal à créer les semences et à les introduire au système canadien.
Le sénateur Moore : Je comprends la propriété intellectuelle et sa valeur, ainsi que la valeur de la recherche visant à améliorer le produit et la productivité des semences, mais vous dites que vous devez payer à nouveau. Lorsque vous achetez des semences, est-ce écrit sur le sac? Comment connaissez-vous vos droits et obligations?
M. Banack : Les droits et obligations sont précisés dans la loi. Lorsque j'achète une semence certifiée, suivant les règles actuelles, une partie du coût est versée en redevances au sélectionneur. Ces règles seront précisées dans des lois à venir et par décrets qui préciseront exactement les modalités de perception des redevances.
Le sénateur Moore : Comment obtenez-vous l'information?
M. Banack : J'imagine que c'est par les entreprises de semences, ainsi que par l'Association canadienne du commerce des semences et ses membres. Lorsque j'achète une semence, on me dit exactement comment la redevance sera versée.
Le sénateur Moore : Vous avez dit tout à l'heure que vous devriez payer la redevance à nouveau sur...
M. Banack : Pas à nouveau.
Le sénateur Moore : Qu'avez-vous dit?
M. Banack : Ce sont des redevances ponctuelles.
Le sénateur Moore : Vous craignez que le gouverneur en conseil ne change la donne. Vous avez dit une chose qui a incité Mme Townsend à répondre; j'ignore ce que c'était ou si la réponse vous a convenu.
M. Banack : Je pense que Mme Townsend a répondu qu'il y aurait bel et bien des redevances sur le produit de la récolte. Je crois que le sélectionneur pourra décider s'il souhaite percevoir des redevances sur le produit de la récolte. Pour autant qu'elles soient recueillies une fois, nous n'avons plus d'inquiétudes.
Mme Townsend : Pour commencer, la convention de l'UPOV de 1991 ne prévoit pas non plus de redevances sur le produit de la récolte. Il incombe à chaque pays membre de décider s'il souhaite mettre en place un système de redevances sur le produit de la récolte ou tout autre système. Il existe des systèmes dans le monde où une part des redevances est perçue sur les semences conservées par l'agriculteur. Il existe toutes sortes d'exemples, mais le projet de loi ne précise rien à cet égard. Le sélectionneur n'a le droit de recueillir une redevance sur le matériel de multiplication qu'au moment où il vend la semence.
Par ailleurs, cela fait partie de la marge de bien des entreprises, dont le système est plutôt intégré, qui s'occupent de la sélection, de la recherche, de la création de variétés et de la mise en marché. Puisqu'elles s'occupent du développement et reçoivent une compensation, elles ne s'imposent aucune redevance. Cela fait partie de leur marge.
Là où les choses se corsent, c'est lorsqu'on certifie les variétés d'une autre entité. Par exemple, lorsqu'Agriculture Canada conçoit une variété et qu'elle octroie un permis à une de nos sociétés membres pour la multiplication et la distribution, ces sociétés versent une redevance à Agriculture Canada, et l'information est rendue publique.
Le sénateur Ogilvie : Permettez-moi de poursuivre avec une question ultime. Nous allons peut-être clarifier un problème ayant fait l'objet d'un grand débat public, où les agriculteurs sont mécontents de ne pas pouvoir récolter leurs propres semences, les réutiliser, et ainsi de suite. Vous avez expliqué qu'ils auront désormais ce droit.
La question ultime par rapport aux redevances est la suivante : lorsque les agriculteurs récoltent une semence de leurs propres récoltes, qu'ils la nettoient, l'entreposent et l'utilisent l'année suivante, s'exposent-ils au versement de redevances additionnelles?
Mme Townsend : Absolument pas.
Le sénateur Ogilvie : J'avais bien compris, mais c'est ce qui inquiétait le grand public par le passé. Merci.
Monsieur Prouse, je suis tout à fait d'accord avec le principe entourant votre déclaration générale, à propos de mettre un terme au chevauchement des essais pour l'obtention des approbations, ce qui peut retarder le processus. Si un produit a fait l'objet d'essais complets dans un autre pays, pourquoi recommencer tous ces essais? La situation est la même dans d'autres secteurs, comme les produits pharmaceutiques.
Du point de vue historique, il y a de bonnes raisons à cela, de même qu'un intérêt national, qui n'est pas nécessairement une raison productive de réaliser des essais supplémentaires. Je suis donc tout à fait d'accord pour dire qu'on ne devrait pas dédoubler les essais lorsque ces derniers sont réalisés dans un pays dont les normes correspondent à nos exigences. Il a toujours été facile pour nous de le faire. Certains pays étaient généralement fiables, et nous en connaissons probablement encore qui le sont toujours. Nous ne pouvons toutefois pas en être complètement certains, pour ce qui est de la réalisation concrète des essais dans ces pays.
Par conséquent, dans l'objectif d'accepter les décisions en matière d'approbation des autres pays, qu'envisageriez-vous comme mécanisme pour nous permettre d'effectuer des contrôles aléatoires ou délibérés des semences produites dans ces endroits pour veiller à ce qu'ils respectent nos normes, sans que nous soyons obligés de franchir toutes les étapes du processus d'approbation?
M. Prouse : Les données sont ce qu'elles sont.
Le sénateur Ogilvie : Est-ce que la source des données est fiable? Voilà la question.
M. Prouse : En règle générale, elle est vérifiée et les données sont recueillies par le demandeur. Le processus en soi est contesté par certains. Vous avez sans doute entendu que les recherches sont toujours effectuées par les entreprises. D'un autre côté, pourquoi les contribuables devraient-ils supporter le coût de travaux servant à aider une personne qui veut présenter une demande? Généralement, la majorité des travaux sont effectués par le demandeur. Il accepte le même ensemble de données, et voilà justement le point que nous faisons valoir : les évaluations ont déjà été effectuées. Franchement, nous avons confiance dans le professionnalisme des membres de la direction d'une organisation comme l'ACIA et leur capacité de déterminer les pays qui, à leur avis, ont un système réglementaire fondé sur la science qui est acceptable.
Il est vraiment difficile de former une coalition de pays disposés à accepter et à appuyer une réglementation basée sur la science et les échanges commerciaux fondés sur des règles. Comme vous y avez fait allusion, un certain nombre de pays utilisent un système de réglementation comme barrière non tarifaire. Voilà ce que nous essayons d'éliminer. Il s'agit en partie d'une question commerciale et en partie d'une question de faciliter l'innovation au Canada. À notre avis, nous avons une occasion en or de faire du Canada un lieu de prédilection pour faire des innovations dans le cadre d'un système de réglementation simplifié. Nous avons une occasion en or.
Mme Townsend : J'aimerais ajouter quelque chose. Dans le cas du secteur des semences, où nous développons de nouvelles variétés de semences, nous devons suivre certains processus. Par exemple, s'il s'agit d'un nouveau produit alimentaire, nous devons faire des évaluations de produits innovants et déterminer son innocuité pour les humains, les animaux et l'environnement. Dans le cas de l'enregistrement des variétés, nous devons nous assurer qu'il s'agit bel et bien d'une nouvelle variété et qu'elle sera supérieure ou égale à ce qui existe déjà sur le marché. Il existe de nombreux processus internationaux. Par exemple, au Canada, aux États-Unis et au Mexique, nous nous entraidons en examinant les données les uns des autres. Parfois, nous générons des données ensemble.
Un autre point que j'aimerais faire, c'est que, dans ce monde de biotechnologies et d'autres technologies de pointe, très souvent, une même entreprise génère les données dans différents pays en fonction des règles de chaque pays. L'acceptation des données qui ont été générées dans un autre pays ne veut pas dire qu'elles sont générées différemment étant donné que les mêmes évaluations sont effectuées. L'International Seed Federation m'a dit qu'environ 80 p. 100 des paquets de semences générées qui attendent des autorisations dans différents pays sont les mêmes dans la plupart des pays.
Le sénateur Ogilvie : Dans votre domaine, vous avez une méthode d'évaluation très rapide. Si la première récolte ne donne pas les résultats escomptés, vous savez ce qui s'est passé.
Je vais m'en tenir à cela. Merci beaucoup de vos exposés.
Le sénateur Enverga : Merci de vos des exposés.
Le principal objectif du projet de loi, c'est d'encourager les investissements dans les recherches au Canada qui augmenteront le rendement des cultures, qui accroîtront la résistance des cultures aux organismes nuisibles et aux maladies et qui permettront de répondre aux exigences liées au commerce mondial, comme vous l'avez mentionné. Vous êtes tous favorables au projet de loi. Pourriez-vous quantifier ou peut-être évaluer les occasions ratées? L'UPOV 91 est en place depuis un certain temps déjà. Avons-nous perdu des occasions? Si nous retardons davantage l'harmonisation, combien d'autres occasions perdrons-nous?
Mme Townsend : Pour ce qui est de l'UPOV 91, je peux vous donner de très bons exemples. Des responsables de deux ou trois PME se sont rendus outre-mer, ont investi beaucoup d'argent, ont rencontré un certain nombre d'obtenteurs et sont parvenus à des arrangements avec eux pour amener leurs variétés au Canada. Or, environ une semaine plus tard, ils ont rappelé les responsables des PME pour leur dire qu'ils ne savaient pas qu'ils n'étaient pas conformes à l'UPOV 91, et que, par conséquent, ils n'allaient pas leur envoyer leurs variétés. Un certain nombre d'entreprises de l'Ontario ont ainsi raté l'occasion d'utiliser certaines nouvelles variétés.
Juste après que le projet de loi C-18 ait été déposé, une entente a été conclue entre un de nos membres et un très grand obtenteur pour amener de nouvelles variétés au Canada, qui sont présentement en train d'être mises sur le marché. Par conséquent, ils ont perdu cette occasion-là.
L'industrie de la pomme de terre éprouve des difficultés et tire de l'arrière. Elle ne peut pas obtenir de variétés résistant à la brûlure et aux virus qui sont mis au point en Europe, étant donné que les Européens ne les enverront pas au Canada jusqu'à ce que nous nous conformions à l'UPOV 91.
M. Prouse : De plus, pour vous montrer un peu pourquoi l'environnement d'innovation compte, il y a deux ans, nous avons vu une entreprise membre transférer la plus grande partie de sa division de recherche de l'Allemagne à Raleigh, en Caroline du Nord, au Research Triangle Institute. Pourquoi? Les dirigeants étaient frustrés par l'environnement réglementaire en Europe, et ils ont vu une meilleure occasion; 300 emplois clés en recherche ont donc quitté l'Europe pour aller aux États-Unis.
Chaque jour, ces multinationales décident où investir dans le monde. Où voulons-nous que les innovations se fassent? Comme je l'ai dit dans mon exposé, des innovations se font tous les jours. Les décisions relatives à ces investissements sont prises tous les jours, et il est essentiel de rendre le Canada le plus attrayant possible pour que la recherche se fasse ici, et non ailleurs. Les innovations en agriculture vont de l'avant et continuent de faire des progrès. Nous pouvons être à l'avant-garde de ces recherches ou nous pouvons tirer de l'arrière. Voilà des décisions stratégiques que nous sommes appelés à prendre.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question sera brève et s'adresse à M. Banack. J'aimerais vous entendre au sujet des difficultés qu'éprouvent les producteurs avec les institutions financières traditionnelles et au sujet de l'endettement moyen des producteurs.
[Traduction]
M. Banack : Aujourd'hui, l'endettement moyen des producteurs au Canada, des exploitations agricoles canadiennes, est bien supérieur à 70 milliards de dollars, et il ne cesse d'augmenter, tout comme la valeur de nos produits, de nos intrants et de nos immobilisations augmente.
L'endettement des agriculteurs du pays, surtout des jeunes agriculteurs, est énorme et c'est la raison pour laquelle le Programme de paiement anticipé est d'une importance critique. Leur ratio d'endettement peut être de 70 ou 80 p. 100. Le programme est très important pour eux. Ils doivent avoir des flux de trésorerie, car ils sont essentiels à la gestion de ces dettes.
Les exploitations agricoles qui sont établies au Canada depuis plus longtemps ne profitent pas toujours du Programme de paiement anticipé. Le programme a un très faible taux de participation; seulement 20 ou 25 p. 100 des agriculteurs au Canada, environ, y participent, mais pour ceux qui en ont besoin, surtout les jeunes agriculteurs, le programme est très important parce qu'il contribue à augmenter leur flux de trésorerie et à la gestion de leur taux d'endettement élevé.
La sénatrice Tardif : J'aimerais faire un court commentaire et poser une brève question concernant le privilège accordé aux agriculteurs. Dans les pays où des droits ont été accordés aux obtenteurs jusqu'à l'adoption de l'UPOV 91, il y a eu bien des manières de gérer le privilège accordé aux agriculteurs. Certains pays accordent tout simplement les privilèges aux agriculteurs, certains n'accordent aucun privilège aux agriculteurs et d'autres adoptent une version modifiée, comme le Canada le propose. La version modifiée veut dire qu'elle peut être modifiée par des règlements à une date ultérieure. J'aimerais donc soulever cette question d'avoir la possibilité d'y apporter des changements au moyen de règlements.
Pour revenir aux redevances en fin de chaîne, j'ai posé une question au ministre quand il a comparu devant le comité en décembre concernant la possibilité pour les obtenteurs de tirer un revenu des grains récoltés, pas seulement des semences vendues. Dans sa réponse, le ministre a indiqué que cela pourrait seulement être le cas si cet écart avait été précisé d'emblée dans le contrat. De plus, il faudrait que tous les détails aient été résolus dans le cadre d'une entente commerciale.
Monsieur Banack, est-ce que vous êtes préoccupé par le fait qu'il incombe maintenant à l'agriculteur de négocier un bon contrat avec les entreprises de semences pour déterminer quand les redevances seront perçues?
M. Banack : Je suppose que l'obtenteur proposera aux agriculteurs de négocier quand les redevances seront perçues. Nous, les agriculteurs, nous avons la possibilité de faire cela en tout temps; ce ne seront pas les seules semences à notre disposition. Par conséquent, compte tenu des arrangements commerciaux que nous avons conclus relativement à d'autres produits, nous croyons que ce sera équitable.
Ces négociations peuvent être effectuées de façon équitable parce que, à l'heure actuelle, je peux choisir parmi 15 ou 20 différentes variétés de semences pour récolter du blé de force roux de printemps sur ma ferme. Parmi ces 15 ou 20 variétés, je peux négocier au meilleur de mes capacités pour l'une d'entre elles. Je crois que je pourrai continuer de faire cela à l'avenir, tant et aussi longtemps que nous ne sommes pas limités à seulement une ou deux variétés. S'il existe des choix, nous devrions être capables de conduire des négociations judicieuses.
La sénatrice Tardif : Je vais m'en tenir à cela, monsieur le président.
Le président : Madame et messieurs les témoins, nous vous sommes reconnaissants de vous être déplacés pour nous faire part de vos opinions.
J'invite maintenant le deuxième groupe de témoins à s'avancer.
Chers témoins, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation de comparaître pour nous faire part de vos opinions, de vos recommandations et de vos idées. De la Canadian Cattlemen's Association, nous accueillons M. Ryder, le gestionnaire des relations fédérales provinciales et, par vidéconférence, le président, M. Dave Solverson.
Monsieur Solverson, merci de participer par vidéoconférence.
De la Canadian Canola Growers Association, nous accueillons aussi Mme Jan Dyer, la directrice des Relations gouvernementales et, de l'Université de la Saskatchewan, M. Richard S. Grey, un professeur du Département de politique, de commerce et d'économie des ressources biologiques.
Le greffier m'a informé que M. Solverson sera le premier à faire un exposé, suivi de Mme Dyer et de M. Gray. On m'a également informé qu'on vous a indiqué de ne pas dépasser cinq minutes, afin de permettre aux sénateurs de vous poser des questions sur le projet de loi C-18.
Monsieur Solverson, je vous invite à faire votre exposé.
Dave Solverson, président, Canadian Cattlemen's Association : Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs, je vous salue de Calgary.
Comme il a été mentionné, je suis Dave Solverson, le président de la Canadian Cattlemen's Association. Ryder Lee, l'un des membres clés de notre bureau à Ottawa, se trouve parmi vous.
Je suis éleveur-naisseur à Camrose, en Alberta, et je suis également éleveur de bovins d'engrais et engraisseur. Nous menons nos activités de façon un peu différente, car nous nous occupons de nos veaux jusqu'à la fin. Cela me permet de bien comprendre les défis liés à chaque étape de la production. Avec mes partenaires, je participe également à la production de cultures céréalières, et j'ai donc été exposé aux bons et aux mauvais côtés de ce type d'agriculture au Canada.
Le projet de loi C-18 vise un large éventail de lois. Certaines des modifications intéressent manifestement les éleveurs de bétail, notamment les mises à jour au Programme de paiement anticipé. D'autres ne présentent pas un intérêt aussi évident. Je commenterai les deux types de modifications.
Les modifications à la Loi sur la protection des obtentions végétales sont positives. En effet, les producteurs de bétail canadiens dépendent des innovations et des améliorations apportées aux céréales fourragères et aux fourrages. Nous croyons que la mise à jour à l'UPOV 91 encouragera les investissements dans le développement des semences au Canada. Les protections offertes par ce projet de loi ne visent pas seulement les entreprises, mais également les institutions, notamment les universités et les gouvernements, qui mettent au point de nouvelles variétés de semences. Deux de nos concurrents principaux, les États-Unis et l'Australie, ont adopté l'UPOV 91, et nous espérons être en mesure de les suivre.
Certains changements globaux apportés à plusieurs lois méritent des commentaires. Premièrement, il y a la capacité d'incorporer par renvoi. Deuxièmement, on permet l'utilisation de documents produits à l'étranger. Troisièmement, on permet au ministre de tenir compte de renseignements tirés d'une évaluation ou d'un examen mené par le gouvernement d'un autre pays.
Nous avons souvent constaté que le processus de modification réglementaire nécessite beaucoup de temps, ou qu'il chevauche des processus d'approbation rigoureux relevant d'autres compétences. À notre avis, les changements prévus seront positifs sur le plan de l'innovation et des processus réglementaires en général. Le projet de loi prévoit des exigences en matière de transparence et d'accessibilité. On pourra juger de l'efficacité de ces mesures lorsqu'elles auront été mises en œuvre. Toutefois, le fait que le projet de loi prévoit ces mesures est déjà un bon premier pas dans la bonne direction, et nous participerons à la mise à l'essai des pouvoirs conférés par ces changements.
Nous sommes davantage préoccupés par la mise en œuvre de la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire que par les pouvoirs conférés par le projet de loi. On propose d'imposer de nouvelles pénalités financières de 5 000 $ pour les infractions mineures, de 15 000 $ pour les infractions graves, et de 25 000 $ pour les infractions très graves. Toutefois, une interprétation possible serait que chaque infraction peut entraîner une amende minimale de 5 000 $. On n'a pas établi de continuum clair pour les infractions mineures, graves et très graves. Les consultations sur la modernisation actuellement menées par l'ACIA visent l'observance et l'application de la loi fondées sur le risque, ce qui laisse croire qu'une infraction mineure qui pose peu de risques pour la santé des humains ou des animaux n'entraînerait pas une pénalité de 5 000 $. Cela revient à la mise en œuvre. Nous n'avons pas d'amendement à suggérer au comité à cet égard, mais nous tenions à ajouter cette préoccupation au compte rendu.
Nous déployons beaucoup d'efforts, notamment pour appuyer les transporteurs de bétail certifiés et transmettre des communications concernant la prise de décisions avant l'étape du transport. Quand les choses tournent mal, nous sommes en faveur de mesures d'application qui servent de dissuasion.
En ce qui concerne le Programme de paiement anticipé dont les représentants des éleveurs et engraisseurs de l'Alberta et d'autres encore vous ont déjà parlé, la CCA appuie les modifications législatives contenues dans le projet de loi C-18. Le fait d'accorder le pouvoir d'ajouter des animaux reproducteurs est une modification positive, et la modification de certaines dates permettra dorénavant à la loi de mieux suivre la production bovine. Nous appuyons également le fait d'habiliter les administrateurs à gérer tous les différents genres d'entreprises agricoles qui existent aujourd'hui.
Nous continuerons de collaborer avec l'AAC sur ce dossier. Ses représentants ont bien mené les consultations sur la partie du projet de loi C-18 qui porte sur le PPA. Nous y participerons au fur et à mesure que les règlements seront rédigés pour mettre en œuvre les pouvoirs conférés par la loi.
Une des choses sur lesquelles nous continuerons d'enquêter, c'est la capacité d'ajouter le Western Livestock Price Insurance Program à la liste des programmes que les producteurs peuvent utiliser comme garantie dans le cadre du Programme de paiement anticipé. Nous aimerions que le programme d'assurance des prix devienne un programme national.
Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître. Je suis reconnaissant de l'occasion de témoigner, et je regrette de ne pas pouvoir être à Ottawa pour vous parler en personne.
En terminant, j'aimerais dire que, à mon avis, les modifications prévues aux termes de ce projet de loi sont positives et qu'elles devraient améliorer les opérations gouvernementales dans les secteurs stratégiques visés par le projet de loi. Ces modifications s'alignent sur d'autres améliorations que nous observons sur le plan de l'accès au marché, que nous avons fortement appuyées.
À l'heure actuelle, notre principale préoccupation concerne notre capacité de soutenir la concurrence dans les domaines visés par ce projet de loi et celui de l'accès au marché. Les pénuries de main-d'œuvre sur les exploitations agricoles, et surtout dans les usines de transformation, nuisent à notre capacité de profiter pleinement des changements positifs que nous avons observés jusqu'ici et auxquels nous nous attendons dans un avenir rapproché. Nous aurons besoin de plus de travailleurs canadiens pour répondre aux nouveaux besoins des marchés, notamment ceux de la Chine et de l'Union européenne. Si nous ne pouvons pas attirer plus de travailleurs canadiens et étrangers motivés et compétents sur les exploitations agricoles et dans les usines, nous continuerons de rater des occasions offertes sur le marché et engendrées par les améliorations prévues dans le projet de loi C-18. C'est d'ailleurs déjà ce qui arrive aujourd'hui.
Merci.
Le président : Merci, monsieur Solverson. Je tenais simplement à vous dire qu'il fait froid à Ottawa. Par ailleurs, en visite à Washington cette semaine, le comité a parlé de l'étiquetage indiquant le pays d'origine.
M. Solverson : Parfait.
Le président : Cela dit, nous passons maintenant à Mme Dyer.
Jan Dyer, directrice des relations gouvernementales, Canadian Canola Growers Association : Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité sénatorial. Je vous remercie de m'avoir invitée à vous parler aujourd'hui du projet de loi C-18, Loi sur la croissance dans le secteur agricole. Je vais me pencher plus particulièrement sur les amendements proposés à la loi sur les programmes de commercialisation agricole et sur les conséquences qu'ils auront sur le programme des avances en espèces.
La Canadian Canola Growers Association, dont l'acronyme est CCGA, représente 43 000 producteurs de canola et elle est gouvernée par un conseil d'administrateurs agriculteurs représentant toutes les provinces situées entre l'Est de l'Ontario et l'Ouest de la Colombie-Britannique. Nous sommes également le plus grand administrateur du Programme de paiement anticipé au Canada, offrant du financement pour plus de 20 cultures différentes au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique.
Certaines des modifications contenues dans le projet de loi C-18 devraient favoriser l'innovation en agriculture et accélérer les prises de décisions gouvernementales. Nous saluons particulièrement le gouvernement pour sa proposition de modifier la Loi sur la protection des obtentions végétales afin de la rendre conforme à I'UPOV 91, la norme internationale adoptée par d'importants concurrents du Canada, tout en prévoyant une exemption autorisant les agriculteurs à conserver des semences pour leur propre usage.
La mise en œuvre de I'UPOV 91 a constitué pour beaucoup d'agriculteurs un objectif à long terme, puisque cela a permis au Canada de rendre ce secteur propice aux investissements et d'accroître l'accès des agriculteurs aux nouvelles variétés de semences novatrices.
En ce qui a trait aux modifications proposées à la Loi sur les programmes de commercialisation agricole, la LPCA, les agriculteurs bénéficieront d'un Programme de paiement anticipé plus utile et plus adapté aux besoins. Les dispositions permettant aux administrateurs d'avancer des fonds sur tout produit, tout en offrant des demandes d'avances pluriannuelles ainsi que l'élargissement des critères d'admissibilité des producteurs sont des exemples de l'utilité du projet de loi pour les agriculteurs.
Le PAE est un outil important et unique de gestion des risques fournissant aux agriculteurs les liquidités à un moment opportun et leur offrant la flexibilité de vendre leurs grains lorsque les conditions du marché sont favorables. De plus, le programme offre des options sans intérêt et des taux concurrentiels, ajoutant ainsi un autre outil facilitant la gestion des opérations pour les agriculteurs.
Nous sommes bien placés pour savoir l'importance du programme, particulièrement pour les agriculteurs qui s'établissent et ceux qui ont besoin d'options de financement et de commercialisation souples. Les changements proposés vont améliorer l'accessibilité au programme et rationaliser son administration.
Les défis relatifs à la logistique du grain qui se sont présentés durant la dernière année de récolte ont mis en lumière l'importance du programme. La crise de liquidités, provoquée par des retards importants dans les possibilités de vente, a entraîné une augmentation substantielle de la demande et du montant total des fonds avancés aux agriculteurs. Dans le cadre des programmes administrés par la CCGA, nous avons avancé près de 1,6 milliard de dollars — soit 50 p. 100 de plus que l'année d'avant — pour que les agriculteurs puissent faire face aux problèmes de logistique survenus l'an dernier. Plus de 12 500 agriculteurs en ont bénéficié comparativement à un peu moins de 10 000 l'année précédente. Nous pensons donc que le programme a vraiment comblé une lacune l'an dernier, en permettant aux agriculteurs de surmonter les problèmes de commercialisation des grains.
En accédant l'an dernier au financement dans le cadre du programme, les agriculteurs ont été en mesure d'obtenir l'hiver dernier les fonds nécessaires pour acheter leurs semences et les intrants agricoles. Le programme a fourni un financement provisoire crucial jusqu'à ce que les mouvements de céréales reprennent au printemps et que les fermiers reçoivent les recettes de leurs récoltes.
La CCGA appuie les amendements proposés à la LPCA et se réjouit à la perspective d'en faire bénéficier les agriculteurs pour la prochaine saison.
Nous encourageons le Comité à étudier et à appuyer intégralement le projet de loi C-18 et nous espérons vraiment qu'il sera adopté rapidement. Le temps est au cœur de l'enjeu puisque, normalement, les nouvelles demandes en vertu du programme sont faites à partir du 1er mars, ce qui permet aux agriculteurs d'obtenir leurs avances le 1er avril. L'adoption en temps opportun du projet de loi permettra aux agriculteurs de se prévaloir de la plupart des nouvelles dispositions du programme pour la prochaine saison de croissance.
Je vous remercie de cette occasion que vous nous avez donnée de nous entretenir avec vous et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci, madame Dyer.
La présidence donne maintenant la parole à M. Gray.
Richard S. Gray, professeur, Département de la politique, du commerce et de l'économie des ressources biologiques, Université de la Saskatchewan : Merci, monsieur le président. C'est pour moi un plaisir de m'entretenir avec le comité au sujet du projet de loi C-18. Je vous remercie beaucoup de cette possibilité que vous m'offrez de témoigner.
Je m'appelle Richard Gray et j'enseigne l'agroéconomie à l'Université de Saskatchewan. Je m'occupe également d'une ferme familiale à Indian Head, en Saskatchewan.
Depuis 12 ans, je fais de la recherche sur l'économie de l'innovation agricole. De 2003 à 2013, j'ai dirigé le Canadian Agricultural Innovation and Regulation Network. Cela m'a donné l'occasion d'étudier les systèmes de financement de la recherche agricole au Royaume-Uni, en France et en Australie, tous pays signataires de l'UPOV 91. C'est à partir de cette recherche que je ferai quelques brèves observations.
Le projet de loi C-18 comporte de nombreux changements à la législation. Je limiterai toutefois mes observations au renforcement de la protection des obtentions végétales prévu aux articles 5 et 5.1 du projet de loi C-18. À mon avis, les dispositions du projet de loi élargissent considérablement les droits de l'obtenteur et jettent les bases de redevances annuelles pour l'utilisation des variétés.
L'article 5 du projet de loi élargit les droits de l'obtenteur en lui permettant, outre la multiplication des semences, le conditionnement, la vente, l'exportation, l'importation et l'entreposage des aliments du bétail. L'article 5.1 du projet de loi élargit les droits de l'obtenteur de la semence à tout produit de la récolte obtenue par l'utilisation non autorisée de semences. Les dispositions du projet de loi permettront à l'obtenteur de faire appliquer une convention de droit d'utilisation comportant des dispositions relatives au versement d'une redevance de fin de chaîne sur la vente du produit de la récolte.
Ainsi, l'agriculteur qui achète de la semence enregistrée peut être tenu de signer un contrat dans le cadre d'une convention d'achat. Le contrat peut interdire la vente de la semence et préciser que l'agriculteur paiera à l'obtenteur une redevance, mettons de 1,00 $ la tonne, au moment de la vente de la variété ou du produit de la récolte. Si l'agriculteur change d'avis et décide de procéder à la vente d'un produit sans verser de redevance, l'obtenteur pourra se prévaloir des dispositions des articles 5 et 5.1 du projet de loi pour faire appliquer la convention. En outre, l'obtenteur pourra poursuivre les marchands de grains lorsque la redevance n'a pas été versée. C'est pratiquement de cette façon que les redevances de fin de chaîne ont été instaurées et appliquées dans l'Ouest de l'Australie en 1994.
Pour être clair, même si l'agriculteur conserve le droit de réutiliser de la semence, il peut être tenu de verser une redevance de fin de chaîne aux termes d'un contrat de licence. Ce sont les termes d'un contrat privé.
Les dispositions des articles 5 et 5.1 du projet de loi, qui sont conformes au cadre de l'UPOV 91, sont controversées. Je suis toutefois tout à fait favorable à ce changement et ce, pour deux raisons. Premièrement, ces droits offrent aux obtenteurs publics et privés un mécanisme qui leur permet d'avoir des recettes supplémentaires. Étant donné l'absence d'appui offert à la recherche publique et les rendements élevés de la recherche, le projet de loi permettra d'obtenir des ressources très attendues pour la sélection végétale.
Deuxièmement, le projet de loi C-18 confirme l'élément très important de l'UPOV 91 qui donne à d'autres obtenteurs le droit d'utiliser des variétés enregistrées dans leur propre programme de sélection. Cette disposition obligatoire fait en sorte que les firmes désireuses d'utiliser des obtentions végétales pour protéger la vente de leurs variétés doivent communiquer les caractéristiques génétiques de leurs produits à tous ceux qui souhaitent développer de nouvelles variétés. Cela empêche expressément l'utilisation des obtentions protégées pour monopoliser la sélection des végétaux et la phytogénétique.
Si je suis favorable à ces dispositions, j'aurais toutefois une réserve et je proposerais une suggestion pour rendre le projet de loi C-18 encore plus utile.
Premièrement, il ne faut pas s'attendre à ce que le projet de loi C-18 suscite une pluie d'investissements privés dans la recherche sur le blé, l'orge ou d'autres cultures à pollinisation libre semblables. L'Australie a instauré les redevances de fin de chaîne en 1994. Étant donné que les nouvelles variétés étaient en concurrence avec les anciennes libres de redevances, les taux de redevances ont augmenté très lentement. Il a fallu attendre 16 ans avant qu'elles ne soient suffisamment élevées pour financer complètement un programme de sélection. Pendant cette longue période de transition, l'Australie a heureusement maintenu l'appui à la fois public et des producteurs.
Le Royaume-Uni n'a pas eu cette chance. En 1987, le gouvernement a retiré totalement le financement de la sélection du blé. Étant donné la difficulté de toucher des revenus sur les redevances, le système sous-financé de la recherche privée s'est rapidement effondré et il lui a fallu 15 ans pour récupérer. Si le projet de loi C-18 est adopté, il faudra attendre des années avant que les redevances soient suffisamment élevées pour financer l'industrie privée de la sélection du blé.
La deuxième leçon importante nous vient de France. Dans ce pays, tous les agriculteurs paient une redevance de 0,7 euro la tonne de blé vendu. Ce taux uniforme est négocié entre les groupes d'agriculteurs et l'industrie des semences. Quatre-vingt-cinq pour cent des redevances sont reversés aux obtenteurs en fonction des variétés qu'ils ont vendues et 15 p. 100 servent à financer l'industrie publique des obtentions végétales.
Ce système de redevances, que l'on pourrait utiliser au Canada, comporte quatre grands avantages.
Premièrement, la collecte des redevances et l'administration du régime sont très simples puisque toutes les variétés font l'objet de la même déduction. De cette façon, les agriculteurs n'ont aucun intérêt à mentir sur les variétés qu'ils vendent.
Deuxièmement, la structure, qui s'applique uniformément à toutes les variétés de blé, permet d'obtenir des revenus supplémentaires immédiats pour les sélectionneurs de blé actuels et nouveaux. Contrairement à l'Australie, il n'aura pas fallu attendre 16 ans pour atteindre des niveaux commerciaux. Si nous tenons vraiment à renforcer la sélection du blé au Canada, c'est le coup de pouce qu'il nous faut.
Troisièmement, tant que les taux de redevances sont négociés avec les organisations agricoles, ceci ne risque pas d'atteindre les niveaux astronomiques que nous avons pu constater dans le cas du maïs hybride et du canola.
Enfin, selon la recherche menée récemment par K. Bolek, un de mes étudiants au doctorat, des taux de redevances uniformes favorisent l'adoption de nouvelles variétés, ce qui profite aux agriculteurs. Nous estimons que le recours à des redevances uniformes de fin de chaîne en Australie augmenterait d'environ 1 p. 100 la récolte de blé moyenne, ce qui est suffisant pour pouvoir payer toutes les redevances. Si l'on établit un même prix pour toutes les variétés, les agriculteurs ne tarderont pas à adopter celles qui sont les meilleures.
Pour résumer, monsieur le président, il est grand temps que le Canada se conforme à l'UPOV 91. Toutefois, pour régler les problèmes sous-jacents à la sélection, il faut aller plus loin en adoptant un système de redevances de fin de chaîne négocié et uniforme.
C'est là que se terminent mes observations. Je serais heureux de répondre à toutes les questions du comité.
Le président : Je vous remercie beaucoup de votre exposé, monsieur Gray.
Nous allons maintenant passer aux questions. Je donne la parole à la sénatrice Tardif, puis au parrain du projet de loi, le sénateur Plett.
La sénatrice Tardif : Merci beaucoup d'être venu témoigner.
J'aimerais vous poser une question, monsieur Gray, mais d'autres que vous peuvent aussi y répondre. On nous a beaucoup parlé des redevances de fin de chaîne et, selon le dernier groupe de témoins, il n'était pas possible d'en faire la collecte. Pensez-vous, d'après votre interprétation du projet de loi, que les produits récoltés puissent faire l'objet de redevances de fin de chaîne et que cela dépendrait du contrat signé entre l'agriculteur et les entreprises de semences? Est-ce qu'il est possible, d'après vous, que cette mesure nuise aux agriculteurs, ainsi qu'à la recherche d'innovations?
M. Gray : C'est tout à fait possible en effet. Aux termes de la loi actuelle, on peut toujours avoir un contrat pour la vente de semences, mais si quelqu'un d'autre en prend possession, vous n'avez pas de contrat avec ce dernier. Le projet de loi donne à l'obtenteur le droit de contrôler toute utilisation non autorisée de la semence, où qu'elle se trouve dans la chaîne. Ainsi, même si un voisin, par exemple, cultive la semence, l'obtenteur pourrait avoir le contrôle de l'utilisation non autorisée du matériel récolté. Cela assujettit les contrats à une convention, aux termes de laquelle une redevance est applicable et doit être payée. D'après ce que je comprends de la loi, ces dispositions pourraient facilement faire l'objet d'un contrat. Ce serait un contrat négocié entre les agriculteurs et l'entreprise de semences. C'est exactement ce que l'on a fait en Australie. C'est de cette façon que la mesure a été mise en œuvre. C'est donc une possibilité.
Je pense que c'est une mesure positive. Si l'on souhaite des mesures incitatives ou des ressources destinées aux obtentions végétales, il est important de pouvoir les financer et, une façon raisonnable de le faire, est de payer en fonction de la proportion de la variété utilisée ou de l'utilisation d'une culture donnée. Je pense qu'il s'agit d'un moyen raisonnable pour mettre sur pied un système de collecte qui servira à financer la recherche. J'y vois là une possibilité avantageuse.
La sénatrice Tardif : Seules les semences enregistrées peuvent être conservées par les agriculteurs. Serait-il alors possible, d'après vous, que les entreprises commencent à désenregistrer leurs semences pour pouvoir continuer de collecter les redevances ou pour empêcher les agriculteurs de s'adresser ailleurs et limiter ainsi la concurrence?
M. Gray : À ce que je sache, une entreprise qui désenregistrerait ses semences s'exclurait du marché et n'en tirerait aucun revenu.
La sénatrice Tardif : Les semences seraient alors du domaine public, ce qui pourrait — je suppose — encourager les agriculteurs à produire moins de semences, en limitant ainsi les choix.
M. Gray : C'est exact et c'est possible, mais je dirais qu'à un moment donné, les variétés deviennent périmées. Elles sont sujettes aux maladies et présentent d'autres problèmes. Il est important à mon avis que le vendeur ou l'obtenteur puisse décider qu'une semence ne l'intéresse plus. Cela est certes une possibilité, mais qui n'est pas très problématique.
La sénatrice Tardif : J'aimerais poser une question à M. Solverson, de la Canadian Cattlemen's Association. Vous avez affirmé que la Loi sur les sanctions administratives pécuniaires pourrait poser problème. Pensez-vous que les agriculteurs comprendraient vraiment la différence entre une infraction légère, grave et très grave?
M. Solverson : Non, je ne pense pas que l'on comprenne vraiment les différences.
La sénatrice Tardif : C'est un souci pour vous, donc.
M. Solverson : Oui.
La sénatrice Tardif : Que pensez-vous des montants? Sont-ils justes?
M. Solverson : Nous sommes en faveur de sanctions pécuniaires lorsqu'il y a abus. J'ai mentionné par exemple le cas rare, où des animaux ont été transportés alors qu'ils n'auraient pas dû l'être. Nous sommes en faveur de puissants dissuasifs pour ce genre de choses. Pour tout autre acte de cruauté envers les animaux, nous pensons qu'un puissant dissuasif au moyen d'amende est préférable à la réglementation de toute l'industrie, que l'on punirait ainsi pour quelques actes commis. Nous sommes donc en faveur d'un puissant dissuasif sous forme de sanction pécuniaire.
La sénatrice Tardif : Mais vous vous inquiétez de la façon dont les sanctions pourraient être administrées.
M. Solverson : Oui, nous ne savons pas exactement ce qui serait considéré comme une infraction légère, grave ou très grave.
Ryder Lee, gestionnaire des relations fédérales-provinciales, Canadian Cattlemen's Association : Cela couvre d'autres types de transport. Les agences d'inspection des aliments s'intéressent entre autres à la traçabilité, s'agissant par exemple d'un bovin qui a perdu son étiquette d'oreille. Si on la retrouve, on peut considérer qu'il s'agit d'une infraction aux règles de la traçabilité. Dans une vente aux enchères, tous les animaux sont censés avoir une étiquette. Si vous en perdez une, vous êtes techniquement hors-jeu. On peut alors imposer soit un avertissement, soit une infraction légère. Si l'on s'en tient à la lettre du règlement, l'infraction légère est sanctionnée par une amende de 5 000 $, ce qui est disproportionné par rapport au risque que cela présente pour le régime de sécurité alimentaire. C'est une question d'application du règlement.
S'agissant des montants prévus dans la loi et la permission accordée, c'est bien. Nous sommes favorables à ce que les sanctions soient renforcées de façon à ce qu'elles soient dissuasives par rapport à la gravité de l'infraction et non pas un simple coût pour l'entreprise, mais lorsque les infractions présentent peu de risques, alors...
La sénatrice Tardif : Merci.
Le sénateur Plett : Merci à tous les témoins de leur présence. J'ai une question pour chacun d'eux, monsieur le président, et j'essaierai d'être bref.
Monsieur Solverson et monsieur Lee, vous avez probablement répondu à ma question dans votre réponse à la sénatrice Tardif, mais j'aimerais avoir une précision. Ce qui vous inquiète à propos des sanctions pécuniaires, c'est que vous ne savez pas exactement comment elles fonctionnent, même si vous pensez qu'elles sont bonnes en soi, n'est-ce pas?
M. Solverson : Oui, je suis d'accord avec ce que vous dites. L'exemple qu'a donné Ryder à propos de l'étiquette d'oreille perdue susceptible d'entraîner une amende élevée est parfait. C'est simplement la mise en œuvre du règlement qui nous inquiète, plutôt que l'infraction elle-même.
Le sénateur Plett : Merci. Lorsque j'ai posé la question, M. Lee a hoché la tête de haut en bas, ce que j'interprète comme un oui. Merci.
Monsieur Gray, je ne suis pas sûr de vous avoir bien compris. Je vais vous lire un texte et vous me direz si c'est ce à quoi vous faisiez allusion lorsque vous parliez du Royaume-Uni. Je sais que vous avez parlé des redevances de fin de chaîne, mais je pense que tout cela revient à la protection des obtentions végétales.
J'ai ici un document de l'Association canadienne des producteurs de semences. Vous avez mentionné le Royaume-Uni, c'est pourquoi je veux vous en lire un extrait. La protection des obtentions végétales a été accordée au Royaume-Uni en 1964. Vingt-trois ans plus tard, en 1987, la British Plant Breeding Society a publié son examen des avantages de ladite protection. Le rapport indique et je cite :
Les variétés améliorées d'herbes et de trèfle ont augmenté la rentabilité de la production de lait et de viande. S'agissant de la productivité des céréales, les statistiques officielles font état d'une augmentation accrue du rendement du blé depuis 1964, dont au moins 60 p. 100 sont dus à l'utilisation de nouvelles variétés. Pour l'orge et l'avoine, les pourcentages sont respectivement de 30 et de 25 p. 100. Ces améliorations ont profité à l'économie nationale; en effet, alors que le Royaume-Uni était un importateur net de céréales en 1964 — avec une autosuffisance de seulement 60 p. 100 — il est en 1987 un exportateur net, avec plus de 10 millions de tonnes vendues à l'étranger.
Ne disiez-vous pas que la protection des obtentions végétales avait été négative pour le Royaume-Uni?
M. Gray : Pour en revenir à cette période, jusqu'en 1987, le programme de l'institut d'obtentions végétales de l'Université de Cambridge était financé par l'État, et c'était un chef de file dans ce domaine. Il avait environ 80 p. 100 du marché de toutes les variétés de blé et au fil du temps, il y a eu une augmentation remarquable des rendements des variétés.
Lorsque le gouvernement a vendu l'institut au secteur privé, ce dernier n'avait pas assez d'argent pour la recherche privée et finalement, la recherche s'est fragmentée. Les recettes des redevances n'étaient pas suffisantes pour financer une industrie entièrement privée. C'est alors que les progrès ont cessé et qu'ils n'ont vraiment repris qu'en 2005. Si vous examinez les rendements britanniques, vous verrez qu'ils se sont alors complètement effondrés.
Le sénateur Plett : Jusqu'en 2005, après quoi ils ont repris.
M. Gray : Et ils ont repris à partir de là.
Le sénateur Plett : Merci, monsieur, de cette précision.
Madame Dyer, vous avez dit que vous étiez le plus grand administrateur du Programme de paiement anticipé. Je voudrais seulement avoir une précision. Nous proposons une loi qui renforce le Programme de paiement anticipé; or, vous êtes déjà le plus grand administrateur de ce programme. Nous avons déjà le Programme de paiement anticipé. Pouvez-vous simplement me dire en quoi cette loi l'améliore?
Mme Dyer : La loi permettra d'offrir aux agriculteurs un plus grand choix d'administrateurs. Nous sommes certes le plus grand administrateur, mais cela ne veut pas dire que nous sommes une immense organisation qui administre tous les programmes. Il y a un autre grand administrateur en Ontario.
Aujourd'hui au Manitoba, par exemple, si quelqu'un veut un paiement anticipé sur le blé, le canola ou le maïs, il peut s'adresser à nous pour le blé et le canola, mais il doit se tourner vers les producteurs de maïs du Manitoba pour obtenir le paiement anticipé pour cette céréale.
Le sénateur Plett : Est-ce que la loi changera cela?
Mme Dyer : Oui, elle permettra aux agriculteurs de décider. Un agriculteur pourrait préférer l'approche administrative des producteurs de maïs du Manitoba et leur confier toute sa production; il pourrait aussi nous la confier ou continuer comme il l'entend.
Le sénateur Plett : Et obtenir des paiements anticipés pour toutes les récoltes?
Mme Dyer : Oui, la loi rendra les choses plus souples pour les agriculteurs. Ils n'auront pas à s'adresser à des administrateurs différents. Ils n'auront pas à se tourner vers les banques. C'est donc un domaine où il y aura plus de flexibilité.
La loi elle-même comporte diverses dispositions. Elle précise les entités juridiques lorsque l'entreprise comprend plus d'un partenaire susceptible d'obtenir des paiements anticipés. Les règles sont désormais claires. La loi prévoit par ailleurs des ententes pluriannuelles. Comme le soulignait un témoin du premier groupe, il faut aujourd'hui conclure chaque année une nouvelle entente relative aux paiements anticipés.
Désormais, si vous êtes un client habituel et que vous vous adressez à nous chaque année, vous pouvez obtenir un paiement anticipé pluriannuel. Vous pouvez le faire une fois tous les cinq ans et nous continuerons de renouveler votre paiement anticipé. Les agriculteurs auront beaucoup moins de paperasserie et beaucoup plus de flexibilité sur les modes de remboursement et les choix de récoltes.
Ils peuvent quand même aujourd'hui choisir leur administrateur s'ils préfèrent ses modes de demandes en ligne et sa manière de traiter ces dernières. Mais ils auront désormais beaucoup plus de choix.
Le sénateur Moore : Je tiens à remercier les témoins d'être ici. J'ai une question à poser à M. Gray à propos des redevances de fin de chaîne.
Selon votre recherche, lorsque ces types d'arrangements sont en place, sont-ils précisés à l'agriculteur au moment où celui-ci achète les semences et est-ce que l'agriculteur signe un contrat?
M. Gray : Oui, il signe un contrat. J'ai parlé à la personne qui a mis en œuvre la mesure dans l'Ouest de l'Australie. On reprend plus ou moins l'outil dont se sert Microsoft pour les logiciels : si vous ouvrez le contenant, vous acceptez le contrat de licence. Lisez-le donc bien attentivement, car en ouvrant ce contenant de semences, vous acceptez les termes de l'entente.
Les agriculteurs le savent très bien et c'est spécifié sur les sites Web publics et à d'autres endroits. Pour chaque variété, par exemple la variété de blé Wyalkatchem d'Australie, ils paient une redevance de 3,50 $ la tonne de produits récoltés. Les producteurs connaissent le prix de la variété des mois avant que la semence ne soit disponible. Le prix ne change pas. Une fois que la variété est mise sur le marché, la redevance est maintenue à 3,50 $ la tonne pour toute sa durée de vie. Le prix ne change pas d'une année à l'autre et on ne peut pas le changer. Tous les termes du contrat doivent être précisés au moment de l'achat initial.
Le sénateur Moore : Les agriculteurs sont donc liés pour toute la vie de la semence.
M. Gray : Les agriculteurs acceptent de traiter la semence d'une certaine façon et de récolter le produit. Ils pourraient évidemment cesser de cultiver la variété, auquel cas ils signeraient une autre entente, qui les lierait aux termes du contrat initial.
Le sénateur Moore : Qu'arrive-t-il si la quantité récoltée n'est pas celle à laquelle s'attendait l'agriculteur?
M. Gray : C'est là l'un des grands avantages de la redevance de fin de chaîne. L'agriculteur paie en réalité selon la quantité de tonnes produites et vendues. S'il cultive 100 tonnes, il paiera la redevance d'importation sur 100 tonnes; s'il en cultive 1 000, il paiera pour cette quantité. Si une année la récolte est désastreuse, il ne paiera pas beaucoup de redevances, voire aucune, dans le cas d'une perte totale. Si la récolte est excellente cette année-là, il paiera davantage de redevances, mais il aura beaucoup plus de recettes pour pouvoir s'en acquitter. C'est une sorte d'assurance pour les producteurs, qui paient le plus de redevances lorsque les récoltes sont bonnes.
Le sénateur Moore : Si une récolte n'est pas aussi importante que l'agriculteur ne l'avait espéré, et sans qu'il en soit la cause, peut-il bénéficier d'une forme de dédommagement ou d'un remboursement de la part du vendeur de semences?
M. Gray : Non, je le redis, les variétés sont bien testés, et cetera, avant d'être mises sur le marché, mais elles ne font l'objet d'aucune garantie. On ne peut pas en effet prévoir qu'il y aura de la pluie une année donnée.
La seule chose que je peux dire est que si les rendements ne sont pas bons, l'obtenteur aura moins de redevances, car il n'aura pas produit autant. Si les rendements sont bons, l'obtenteur aura davantage de redevances. Les incitatifs sont nombreux pour les bonnes variétés.
Le sénateur Moore : Dans la mesure où la redevance de fin de chaîne provient des agriculteurs, ces derniers obtiennent-ils des parts de la propriété intellectuelle découlant de la recherche subventionnée, ou bien une réduction? Qu'en retirent-ils?
M. Gray : Cela dépend essentiellement du régime de sélection et du mode d'organisation. En Australie, par exemple, il y a un autre fonds qu'alimentent les agriculteurs au titre de la Grain Research Development Corporation, et qui leur appartient plus ou moins. Cette société a des parts dans les entreprises de sélection. Si ces dernières font de l'argent, ils en profitent.
Le sénateur Moore : Les agriculteurs?
M. Gray : Oui.
Le sénateur Moore : Bien.
La sénatrice Tardif : Ce n'est pas le cas chez nous.
Le sénateur Moore : Est-ce que l'on prévoit que cette mesure fera partie du programme canadien?
M. Gray : Pour l'instant, il y a des prélèvements des producteurs. Ainsi, les Saskatchewan Pulse Growers et la Saskatchewan Wheat Development Commission financent tous les deux des programmes d'obtentions végétales. Ces groupes ne sont pas propriétaires des variétés, mais ils pourraient l'être. Il s'agit de savoir s'ils souhaitent y prétendre et en avoir la propriété. Si la Saskatchewan Wheat Development Commission finançait une variété et affirmait vouloir en avoir possession, elle pourrait en récupérer les redevances.
Le sénateur Moore : Mais ce n'est pas prévu.
M. Gray : C'est une option qu'ils pourraient avoir. Je pense que l'industrie du blé particulièrement, mais aussi beaucoup d'autres industries, cherchent à établir leur mode de gestion future. C'est donc ce genre d'options qu'elles étudient.
Le sénateur Enverga : Merci de vos exposés.
Ma question porte sur la protection des obtentions végétales, qui est administrée par le Bureau de la protection des obtentions végétales. Le Bureau offre une protection juridique aux obtenteurs de nouvelles variétés. Le projet de loi renforce davantage leurs droits. Il confirme leurs privilèges, en autorisant explicitement les agriculteurs à utiliser les semences provenant de leurs récoltes. De quelle façon le renforcement de ces protections profitera à votre secteur? Est-ce qu'il vous sera utile?
M. Gray : De nombreuses recherches ont été menées sur le taux de rendement des investissements dans la génétique des cultures et un ratio coûts-avantages de 20/1 n'est pas rare. Chaque dollar dépensé rapporte environ 20 $. Ce mécanisme offrira aux obtenteurs des revenus supplémentaires qui pourront être réinvestis dans les obtentions végétales et que les producteurs récupéreront sous forme de rendements plus élevés. Le fait que la loi permette d'élargir la base de ressources mise à disposition des obtenteurs sera utile puisque ceux-ci investiront davantage dans la recherche.
Mme Dyer : Le secteur du canola est différent de celui de certaines cultures à pollinisation libre. Environ 90 p. 100 du canola est en fait constitué de semences hybrides, ce qui fait que nous avons déjà un système de récupération de la plus-value lorsque nous achetons la semence.
Pour nous, il importe davantage de s'assurer que des investissements se font au Canada, que notre cadre législatif attire les investissements des entreprises qui produisent des semences et que de nouvelles sources de recherche et de technologie s'installent au Canada. C'est un avantage important pour nous et nous considérons ce cadre réglementaire essentiel pour s'assurer que les entreprises investissent chez nous et que nous ayons des technologies pérennes.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Ma question s'adresse à Mme Dyer.
Le projet de loi modifiera les programmes de paiements anticipés, et il clarifiera aussi la définition des producteurs admissibles. En outre, il modernisera les critères d'admissibilité aux programmes de paiements et réduira certainement les formalités administratives.
Quelle incidence auront ces modifications sur les producteurs de canola, entre autres?
[Traduction]
Mme Dyer : Je pense que ce sont les témoins du premier groupe qui ont parfaitement répondu à cette question. Il n'y a pas beaucoup de gens dans l'industrie qui ont recours au Programme de paiement anticipé, mais ceux qui le font en ont réellement besoin. Ce sont habituellement de jeunes agriculteurs, ou des gens dont la cote de solvabilité n'est pas établie ou qui ont un besoin pressant de liquidités. Dans le premier groupe de témoins, M. Humphrey Banack a dit, je crois, que 20 p. 100 des membres de l'industrie auraient recours aux paiements anticipés. Je ne suis pas sûre du pourcentage exact, mais ce programme est réellement important pour une partie des producteurs qui n'ont pas accès à de larges crédits commerciaux et qui s'en servent comme liquidités.
On a vu l'an dernier l'exemple parfait d'une situation où les gens ne pouvaient tout simplement pas vendre leurs céréales. En raison de la situation dans les transports, les silos n'acceptaient plus de céréales à livrer et les gens sont restés coincés. Ils avaient des factures à payer, mais ne pouvaient pas vendre leurs céréales. Ils avaient besoin d'avances pour pouvoir payer ces factures et acheter leurs intrants pour l'année suivante.
Même dans les années où la situation est normale, des particuliers ont recours aux programmes de cette façon-là. Ils prennent un paiement anticipé au lieu de vendre leurs céréales à n'importe quel prix pour payer leurs factures. Ils commercialisent leurs céréales au moment où c'est le plus profitable pour eux, conservent leurs liquidités et achètent des intrants pour la saison suivante.
Ainsi, les changements apportés au programme visent vraiment à rendre plus souples les formalités de demande, afin que ce groupe de gens puisse continuer de s'en prévaloir, de profiter de crédits sans intérêt ou à faible intérêt qu'ils ne pourraient obtenir des banques commerciales pour des montants modestes. Enfin, les changements visent à augmenter le nombre de gens qui ont recours au programme. Comme je l'ai dit, les entreprises agricoles sont beaucoup plus diverses qu'autrefois. S'agissant des entités juridiques dont peuvent se prévaloir les agriculteurs, il y a beaucoup plus d'ententes multipartites. Il n'y a plus simplement un seul agriculteur qui exploite une entreprise pour lui-même. Les règles vont rendre beaucoup plus souples les types d'opérations couvertes par le programme.
Elles visent à rendre le programme plus accessible et plus utile aux agriculteurs. Je peux donc voir qu'il sera beaucoup plus utilisé à l'avenir. Il s'agit d'un programme beaucoup plus pertinent. Même cette année, beaucoup plus de personnes que par le passé ont présenté une demande et reçu une partie des paiements anticipés. Comme je l'ai mentionné, les utilisateurs apprécient vraiment la souplesse maximale que leur offre le programme.
Le président : Monsieur Solverson, avez-vous des commentaires à formuler?
M. Solverson : J'aimerais dire quelques mots au sujet du Programme de paiement anticipé. Je pense que les modifications apportées fonctionneront très bien dans notre industrie et qu'elles permettront une collaboration étroite avec les producteurs qui utilisent déjà l'assurance des prix.
Par le passé, les agriculteurs et les éleveurs ont vendu leurs bêtes au même moment tous les ans. Le fait de pouvoir assurer leur bétail grâce au Programme d'assurance des prix du bétail dans l'Ouest leur a donné suffisamment confiance pour garder leur bétail, en rester propriétaires plus longtemps et y ajouter de la valeur. Cependant, cela a parfois fait en sorte qu'ils aient des problèmes de liquidités. Le fait de pouvoir parallèlement tirer parti du Programme de paiement anticipé leur sera très utile.
J'aimerais aussi signaler que la CCA est très favorable aux changements apportés aux droits des phytogénéticiens. La recherche limitée sur les céréales fourragères a rapidement fait en sorte que nous ne soyons plus concurrentiels face aux États-Unis. Le rendement du maïs est passé de 100 à 200 boisseaux l'acre, surtout grâce à la recherche, tandis que nos céréales fourragères ont stagné. Pour nous, ces changements sont très positifs, car ils pourraient nous permettre d'attirer des chercheurs privés.
La sénatrice Tardif : Monsieur Gray, vous avez dit que nous devrions avoir des attentes prudentes en ce qui touche l'expansion de la recherche relative à des cultures comme le blé et l'orge, que si l'on en juge par la recherche que vous avez trouvée au Royaume-Uni et peut-être en Australie, il fallait un certain temps pour commencer à recevoir du financement privé. Nous avons vu baisser le financement public de la recherche au cours des dernières années. Si l'on ne commence pas à recevoir de financement privé, comment pouvons-nous être assurés que les travaux de recherche nécessaires seront menés pour promouvoir ces nouvelles variétés de graines?
M. Gray : Mes mises en garde expresses — et vous les avez très bien formulées — étaient que nous avons vu les lignées, disons de blé, qui sont mises à l'essai et qui ont diminué graduellement, et si nous ne compensons pas avec de la recherche privée ou de la recherche financée par des producteurs de quelque façon que ce soit, nous allons voir ce que M. Solverson a qualifié de stagnation du rendement de l'orge au fil du temps. Le rendement du blé n'a pas été spectaculaire non plus. Nous risquons vraiment d'empirer beaucoup une situation qui n'est déjà pas reluisante si nous réduisons encore le financement public de la recherche avant que la recherche privée ne soit en mesure de générer suffisamment de revenus. Je pense donc que vous avez d'abord besoin du modèle de revenus. Il vous faut voir les investissements privés avant que le gouvernement prenne des mesures concrètes pour faire place au secteur privé. Il vous faut voir ces revenus ou cet investissement.
La sénatrice Tardif : Ou continuer de financer la recherche publique.
M. Gray : Oui, tout à fait.
La sénatrice Tardif : Et maintenir en poste à Agroalimentaire Canada les personnes qui font une partie de la recherche dont nous avons besoin.
M. Gray : Oui, certainement.
Le sénateur Plett : J'aimerais que M. Gray, Mme Dyer et M. Solverson, s'il le souhaite, répondent à cette question. M. Solverson vient de dire que la recherche, l'innovation et un meilleur travail ont permis d'accroître le rendement du maïs et de passer de 100 à 200 boisseaux. Êtes-vous d'accord pour dire que le Canada est un chef de file en matière d'innovation, si vous voulez, pour les agriculteurs et les gens d'affaires qui veulent améliorer leurs propres produits? Êtes-vous d'accord pour dire que nos entreprises et nos agriculteurs ne ménageront aucun effort pour rester concurrentiels face aux États-Unis et que, compte tenu des débouchés et d'une partie des protections que leur confère le projet de loi, tout porte à croire que l'on bénéficiera des investissements privés et des investissements des producteurs dont on a besoin?
M. Gray : Encore une fois, j'aimerais vous faire une mise en garde en ce qui touche certains secteurs.
Dans le cas du canola hybride, les agriculteurs disposent d'un modèle depuis un certain nombre d'années. Dans les faits, il a généré beaucoup de revenus, et ils ont fait des investissements semblables à ceux qu'ils avaient faits pour le maïs.
L'arrivée des hybrides a stimulé de 35 p. 100 le rendement du canola, c'est donc dire que les nouvelles variétés étaient de beaucoup supérieures aux anciennes. Cela a permis d'en demander un prix plus élevé qu'auparavant. Le rendement du blé n'a pas augmenté de 35 p. 100. Il augmentera lentement et graduellement. Il n'y aura pas de paiements de redevances élevés ou de sources de revenus importantes pour le blé tant et aussi longtemps que les gains seront lents et graduels.
À un moment donné, peut-être dans 16 ans, au fur et à mesure que ces taux augmentent, nous en arriverons au point où une entreprise peut s'attendre à avoir un retour d'investissement raisonnable dans le secteur du blé. Mais tant et aussi longtemps que toutes ces variétés libres existeront, et elles sont assez bonnes, personne ne fera fortune à cultiver le blé.
Le président : Madame Dyer, aimeriez-vous dire quelque chose?
Mme Dyer : Je crois que Richard a très bien saisi la situation. Côté esprit d'entreprise, les producteurs de canola sont très avant-gardistes au plan technologique.
Richard a présenté un bon argument : il nous faut faire attention à la façon dont nous mettons en œuvre la mesure législative et veiller à ne pas délaisser toute notre recherche publique parce que nous en avons besoin. Les producteurs de canola produisent aussi du blé, alors nous devons être conscients de notre façon de mettre en place cette mesure. Nous avons des leçons à en tirer en prenant pour exemple des pays qui s'en sont mieux sorti que d'autres. Cela nous ramène à la façon dont nous mettons en œuvre rétroactivement cette mesure législative et d'autres politiques qui nous aideront à atteindre plus rapidement notre but en ce qui touche d'autres denrées.
Le président : Monsieur Solverson, avez-vous quelque chose à ajouter avant que je termine avec un commentaire?
M. Solverson : Je suis d'accord avec les mises en garde de M. Gray. Mon grand-père avait coutume de dire que « le meilleur temps pour planter un arbre, c'était il y a 20 ans, et le deuxième meilleur temps, c'est aujourd'hui ». Si nous commençons un nouveau type de recherche aujourd'hui, cela ne peut que nous être profitable.
Le président : Votre père était un sage homme.
Nous sommes sensibles à cette question, tout comme les membres de la Canadian Cattlemen's Association. Les membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se sont rendus cette semaine à Washington, D.C. Nous sommes rentrés au bercail à 23 heures hier. Notre délégation est allée d'un bureau à l'autre avec des membres du Congrès et des sénateurs. Nous avons porté à leur attention le problème que nous occasionne la mention obligatoire du pays d'origine sur l'étiquette. Monsieur Solverson, nous continuerons de suivre cette question de très près.
(La séance est levée.)