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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 23 - Témoignages du 3 février 2015


OTTAWA, le mardi 3 février 2015

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, auquel a été renvoyé le projet de loi C-18, Loi modifiant certaines lois en matière d'agriculture et d'agroalimentaire, se réunit aujourd'hui, à 17 h 5, pour examiner le projet de loi.

[Traduction]

Kevin Pittman, greffier du comité : Honorables sénateurs, en tant que greffier du comité, il est de mon devoir de vous informer de l'absence inévitable du président et du vice-président, et de présider à l'élection d'un président suppléant.

Je suis prêt à recevoir des nominations.

La sénatrice Tardif : J'aimerais proposer le sénateur Maltais.

M. Pittman : Y a-t-il d'autres nominations?

L'honorable sénatrice Tardif propose que l'honorable sénateur Maltais soit président de ce comité.

Consentez-vous, honorables sénateurs, à adopter cette motion?

Des voix : D'accord.

M. Pittman : J'invite l'honorable sénateur Maltais à prendre place au fauteuil.

Le sénateur Ghislain Maltais (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : Je vous souhaite la bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Français]

Je suis le sénateur Maltais, du Québec, président suppléant du comité. J'inviterais les membres du comité à se présenter, en commençant à ma gauche.

[Traduction]

La sénatrice Tardif : Bonjour. Je m'appelle Claudette Tardif, et je représente la province de l'Alberta.

Le sénateur Enverga : Bonjour. Je suis le sénateur Tobias Enverga, de l'Ontario.

Le sénateur Plett : Bonsoir. Je m'appelle Don Plett, et je suis un sénateur du Manitoba.

Le sénateur Oh : Sénateur Oh, de l'Ontario.

La sénatrice Unger : Betty Unger, de l'Alberta.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le président suppléant : Merci beaucoup. Étant donné que nous recevons un nombre élevé de témoins aujourd'hui, il serait apprécié que les sénateurs s'efforcent de poser des questions concises et que les témoins y répondent de manière précise et succincte, dans la mesure du possible.

Notre premier groupe de témoins est constitué de M. Jim Wickett, président de la Western Canadian Wheat Growers' Association, de Mme Deb Hart, du sous-comité des pommes de terre de semence, du Conseil canadien de l'horticulture, et de Mme Erin Armstrong, directrice des Affaires industrielles et réglementaires chez Canterra Seeds.

Monsieur Wickett, je vous cède maintenant la parole.

[Traduction]

Jim Wickett, président, Western Canadian Wheat Growers Association : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant votre comité. Je m'appelle Jim Wickett. Je suis président de l'association, et j'exploite une ferme à Rosetown, en Saskatchewan.

Les producteurs de blé appuient fermement le projet de loi C-18. À notre avis, la « Loi sur la croissance dans le secteur agricole » proposée aura pour principal avantage d'engendrer des investissements qui nous fourniront un plus grand choix de variétés végétales. Les phytogénéticiens du Canada, tant privés que publics, seront en mesure de s'inspirer de la génétique végétale du monde entier. Cela nous permettra d'avoir accès à de nouvelles variétés qui contribueront à accroître notre production et notre rentabilité.

La mesure législative nous permettra de sélectionner de nouvelles variétés, sans nous priver d'aucun choix. Permettez-moi de vous expliquer ce que j'entends par là.

À l'heure actuelle, 80 variétés de blé sont autorisées à faire partie du blé de mouture de qualité supérieure dans l'Ouest canadien. Je peux choisir de cultiver sur mes terres n'importe laquelle de ces 80 variétés.

Quarante-trois de ces 80 variétés sont protégées par des certificats d'obtention végétale détenus par des sélectionneurs de végétaux. Si je décide de cultiver l'une de ces variétés, je dois payer des redevances au titulaire du certificat qui la protège. Le paiement de ces redevances favorise l'innovation. Cela donne au sélectionneur l'occasion de récupérer les fonds qu'il a investis et de profiter de son invention. Les sélectionneurs privés n'ont aucun avantage à investir dans la production de nouvelles variétés s'il leur est impossible de tirer profit de cette production.

Je paie des redevances chaque fois que j'achète des semences d'une variété protégée par un certificat d'obtention végétale. Toutefois, en règle générale, je peux utiliser les grains que je tire de la production de cette variété pour ensemencer mes champs autant de fois que je le souhaite. C'est comme lorsque je télécharge une chanson sur iTunes. Après avoir payé 99 cents, je peux écouter la chanson aussi souvent que je le désire. Je ne peux pas donner ou vendre cette chanson téléchargée à qui que ce soit, mais j'ai le droit de la faire jouer à ma guise.

Les nouvelles variétés de semences protégées par des certificats d'obtention végétale sont traitées de la même manière. Je paie des redevances la première fois que je les achète, mais je peux habituellement les réutiliser dans mon exploitation agricole autant de fois que je le souhaite, sans avoir à verser de nouvelles redevances.

Il est important de noter que je ne suis pas tenu de cultiver une variété protégée par un certificat d'obtention végétale. À l'heure actuelle, le blé de mouture de qualité supérieure compte 37 variétés non protégées. Ces variétés appartiennent au domaine public, ce qui veut dire que je peux les cultiver sans payer de redevances d'une sorte ou d'une autre. Ces 37 variétés font maintenant partie du domaine public soit parce que le sélectionneur a omis de présenter une demande de certificat d'obtention végétale en premier lieu, soit parce que le certificat d'obtention végétale, d'une durée maximale de 18 ans, a expiré, ou soit parce que le sélectionneur a renoncé à ses droits avant la date d'expiration de son certificat.

Pour récapituler, je précise que, si je souhaite produire du blé de mouture de qualité supérieure dans l'Ouest canadien, je peux choisir de cultiver n'importe laquelle des 43 variétés protégées par un certificat d'obtention végétale et de payer les redevances requises, ou je peux choisir de cultiver n'importe laquelle des 37 variétés appartenant au domaine public et de ne payer aucune redevance. Le choix m'appartient.

Il convient de noter que la grande majorité des variétés de blé cultivées ont été sélectionnées par des institutions publiques. La nouvelle mesure législative ne nous prive d'aucune de ces variétés. Cependant, elle ouvre la porte à de nouveaux acteurs, qui ont commencé à investir en prévision de l'adoption du projet de loi et de la modernisation de notre Loi sur la protection des obtentions végétales. Le projet de loi nous donnera accès à un plus grand choix de variétés supérieures à cultiver dans nos exploitations agricoles.

Nous croyons qu'il est important de noter que l'adoption de la mesure législative n'entraînera pas nécessairement l'adoption d'un régime de redevances de fin de chaîne, comme certains agriculteurs l'affirment. La mesure législative autorise la mise en œuvre d'un tel système, mais, à ce jour, les membres de l'industrie n'ont nullement convenu de s'engager dans cette voie. Les producteurs de blé sont disposés à étudier la notion de redevances de fin de chaîne, mais, pour le moment, ils ne se prononcent ni en faveur de cette idée ni contre elle.

Si un régime de redevances de fin de chaîne est mis en œuvre, il s'appliquera uniquement aux nouvelles variétés, et non à l'ensemble des variétés existantes, qu'elles soient protégées par un certificat d'obtention végétale ou qu'elles appartiennent au domaine public. Cette question semble avoir semé la confusion dans l'esprit de bon nombre de gens. Par conséquent, nous pensions qu'il était important de la clarifier.

En résumé, le projet de loi C-18 crée un environnement commercial qui permettra aux sélectionneurs de végétaux, petits et grands, canadiens et étrangers, d'investir davantage dans la sélection de variétés de blé au Canada. De mon point de vue, cela signifie que je bénéficierai de plus d'occasions de me procurer des variétés qui accroîtront la rentabilité de mon exploitation agricole.

La mesure législative nous offre le meilleur des deux mondes. Elle continuera de nous permettre d'utiliser des variétés éprouvées, tout en favorisant notre accès à de nouvelles variétés. Tous les agriculteurs seront libres de choisir les variétés qui offrent le meilleur rendement pour leur exploitation agricole.

Pour cette raison, les producteurs de blé vous exhortent à appuyer sans réserve cette mesure législative.

Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître. Je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions.

Le président suppléant : Merci, monsieur.

Deb Hart, représentante du Sous-comité des pommes de terre de semence, Conseil canadien de l'horticulture : Bonsoir. Merci, monsieur le président, merci, mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Deb Hart. J'ai le plaisir d'être ici pour représenter le Conseil canadien de l'horticulture et le Conseil canadien de la pomme de terre afin de vous parler des modifications à la Loi sur la protection des obtentions végétales proposées dans le projet de loi C-18, Loi sur la croissance dans le secteur agricole

Le Conseil canadien de l'horticulture (CCH) est une association nationale volontaire sans but lucratif, qui représente le secteur canadien dynamique et diversifié qu'est l'horticulture. Les membres du CCH cultivent, produisent et emballent plus de 120 cultures horticoles de fruits et de légumes. Depuis 1922, le CCH s'engage à défendre les intérêts de ses membres.

Le Conseil de la pomme de terre du Canada représente les près de 1 300 producteurs de pommes de terre du Canada, qui génèrent collectivement une valeur à la ferme d'environ 1,1 milliard de dollars annuellement. La production de pommes de terre au Canada est vraiment une industrie nationale, comptant pour 37 p. 100 de la superficie de semences récoltées dans les provinces de l'Ouest, pour 13 p. 100 en Ontario et au Québec, et pour 49 p. 100 dans le Canada atlantique. Actuellement, plus de 50 p. 100 de la production totale de pommes de terre au Canada, y compris les pommes de terre fraîches et celles de transformation, s'effectue à l'ouest de Thunder Bay, en Ontario.

Durant la dernière période de végétation, 18 000 hectares, ou 48 000 acres, de semences parmi les 50 variétés les plus importantes ont été produites au Canada. Plus de la moitié de ces variétés, soit 30, sont répertoriées sur le site web des obtentions végétales, comme des variétés qui sont soit entièrement protégées, soit en train de le devenir.

Les variétés non protégées cultivées pour l'industrie de la transformation en Amérique du Nord représentent la plus importante superficie cultivée au Canada, et la plupart des variétés protégées cultivées proviennent d'autres pays. Les sociétés internationales se rendent compte des avantages liés à la culture des semences au Canada, qui sont attribuables à nos importantes superficies arables permettant des rotations sur plusieurs années, à nos sources d'eau illimitées et à nos hivers longs et froids qui empêchent les ravageurs d'y survivre. Cependant, une plus grande production de variétés de semences protégées au Canada est déconseillée en raison de l'actuelle Loi sur la protection des obtentions végétales.

En 1990, le Canada a mis en œuvre cette loi, administrée par l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui respectait la Convention internationale de 1978 pour la protection des obtentions végétales (UPOV). Néanmoins, la Convention a été révisée en 1991. Le Canada l'a signée avec la ferme intention de la ratifier en modifiant la Loi sur la protection des obtentions végétales. Toutefois, il ne l'a toujours pas fait, et il est l'un des seuls pays développés à ne pas être signataire de l'UPOV de 1991. Au cours d'une séance antérieure, quelqu'un a signalé que la Norvège et la Nouvelle-Zélande sont les deux autres pays développés qui ne l'ont pas ratifiée non plus.

De la production de semences aux pommes de terre de transformation en passant par les pommes de terre fraîches destinées aux consommateurs, s'il n'a pas accès à l'UPOV de 1991, le secteur de la pomme de terre ratera les possibilités que lui procureraient la mise en place de nouveautés végétales améliorées et des investissements par des partenaires internationaux.

La difficulté qu'a le Canada à protéger les variétés nouvelles ou privées comme le font les pays signataires de l'UPOV de 1991 a des répercussions négatives sur l'intérêt national et international pour la mise au point et la protection de nouvelles variétés au Canada et sur l'investissement à cet égard. Les pays ayant ratifié l'UPOV de 1991 sont plus disposés à investir dans les pays qui l'ont ratifiée eux aussi et à s'aligner sur eux.

Si le Canada ratifie l'UPOV de 1991, l'industrie de la pomme de terre aura aussi accès plus facilement à des variétés nouvelles et novatrices qui contribueront à sa réussite et à sa compétitivité.

À l'heure actuelle, le seul sélectionneur de pommes de terre du secteur public, M. Bizimungu, de Fredericton, est limité par des compressions budgétaires. Au cours des 10 dernières années, on a lancé le Programme de mise en circulation accélérée, qui comporte deux phases, afin d'accélérer la mise au point des nouvelles variétés publiques. La première phase permet aux intéressés d'obtenir des semences de sélectionneur pour effectuer des essais pratiques non exclusifs pendant deux ans. Dans la deuxième phase, Agriculture Canada appelle des entreprises à présenter des soumissions monétaires pour obtenir trois années supplémentaires d'essais exclusifs. À la fin de la période d'essai, il est possible de faire renouveler le permis pour les variétés mises au point par Agriculture Canada. Ce processus peut permettre de réduire de moitié le processus d'enregistrement et assure un plus grand nombre de variétés pour le secteur canadien. Beaucoup de nouvelles variétés d'Agriculture Canada sont protégées en vertu de la Loi sur la protection des obtentions végétales, et elles entraînent le réinvestissement plus rapide des fonds dans le programme d'amélioration à mesure que la production de semences augmente.

Au Canada, les obtenteurs privés de pommes de terre ont formé leur propre organisation, le Canadian Private Potato Breeders Network. Avec l'annonce du projet de loi C-18, on encouragera encore davantage les programmes privés d'obtentions végétales. Les obtenteurs privés du Canada ont mis au point de nombreuses variétés améliorées et novatrices adaptées aux zones de production et aux exigences canadiennes. Les obtenteurs privés canadiens voudraient jouir de la même loi sur la protection des obtentions végétales que celle dont leurs collègues de l'étranger disposent actuellement.

Si le Canada ratifie l'UPOV de 1991, cela permettra à notre industrie de soutenir la concurrence des autres régions productrices de pommes de terre sur la scène internationale, encouragera les obtenteurs internationaux à introduire de nouvelles variétés au Canada et donnera à nos obtenteurs canadiens publics et privés la possibilité de recourir à de nouvelles caractéristiques génétiques pour leurs propres programmes de sélection.

J'ai récemment assisté à une réunion aux États-Unis, où les sociétés internationales de production de pommes de terre ont exprimé leur frustration à l'égard du programme de protection actuel du Canada. Elles admettent les avantages et les possibilités qu'entraîne le fait de les cultiver au Canada, mais ont indiqué qu'elles investiraient plutôt dans des pays où l'UPOV de 1991 est en vigueur, dont fait partie notre voisin du sud, les États-Unis.

En conclusion, bien que je travaille pour l'industrie de la pomme de terre de l'Alberta, je parle aujourd'hui au nom de l'industrie nationale de la pomme de terre. Les pommes de terre font partie des quelques produits à être cultivés dans toutes les provinces. Les membres de notre industrie nationale sont très proches et unissent leurs efforts. La question de la protection des obtentions végétales fait l'objet d'un débat national depuis de nombreuses années. Si nous voulons que notre industrie demeure viable et concurrentielle, nous avons besoin d'outils visant à accroître la production et à promouvoir les investissements étrangers. J'espère que le comité conviendra que les modifications proposées à la Loi sur la protection des obtentions végétales profiteront à l'industrie agricole canadienne et lui permettront d'être un chef de file concurrentiel à l'échelle internationale.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité ce soir. Je suis impatiente de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir.

Le président suppléant : Merci beaucoup, madame Hart.

Erin Armstrong, directrice, Affaires industrielles et réglementaires, Canterra Seeds : Au nom de Canterra Seeds, j'aimerais vous remercier de l'occasion qui m'est donnée de parler du projet de loi C-18 et, en particulier, des articles qui traitent de l'UPOV de 1991, ainsi que de l'importance que revêt la mesure législative pour la création d'un milieu qui attirera des investissements dans des initiatives. Ces initiatives engendreront un plus grand nombre d'innovations et de possibilités pour les agriculteurs canadiens.

Je m'appelle Erin Armstrong, et je suis directrice des Affaires industrielles et réglementaires à Canterra Seeds, une entreprise de semences établie à Winnipeg dont la priorité est d'offrir des semences contrôlées pour les cultures de l'Ouest canadien.

L'entreprise Canterra Seeds a été fondée par 19 producteurs de semences il y a 19 ans. Aujourd'hui, Canterra Seeds appartient à plus de 200 actionnaires, dont la majorité sont des producteurs de semences contrôlées et des détaillants agricoles de l'Ouest du Canada. Nos actionnaires produisent et vendent des semences contrôlées pour des variétés que Canterra Seeds achète en leur nom. Nous travaillons avec la plupart des espèces cultivées dans l'Ouest canadien, y compris les cultures de céréales, de blé, d'avoine, d'orge, de canola et de légumineuses, ainsi que les cultures spéciales.

Canterra Seeds croit que les sélectionneurs privés et publics ont chacun leur rôle à jouer dans l'industrie. Les caractéristiques génétiques associées à nos semences continuent de provenir principalement des programmes d'amélioration du secteur public canadien. De plus, nous mettons en œuvre un programme de présélection des variétés dans l'ensemble des Prairies, afin d'évaluer de nouvelles variétés de céréales et de légumineuses produites par nos nombreux partenaires du secteur privé dans le domaine de la sélection des végétaux, dans le but de commercialiser celles qui réussissent à franchir les étapes prévues par le système canadien d'enregistrement des variétés.

Ces variétés offrent aux agriculteurs de l'Ouest canadien de nouveaux choix et de nouvelles possibilités en matière de rendement accru, des possibilités et des choix auxquels ils n'auraient pas eu accès s'ils avaient été entièrement tributaires des programmes d'amélioration du secteur public de l'Ouest canadien. Cela dit, notre accès aux variétés est limité parce que les sélectionneurs sont préoccupés par le fait qu'au Canada, la Loi sur la protection des obtentions végétales ne respecte pas l'UPOV de 1991.

L'UPOV de 1991 est reconnue dans le monde entier comme un moyen efficace de protéger les droits de propriété intellectuelle des sélectionneurs de végétaux. Cette protection profite aux sélectionneurs du secteur tant public que privé. Canterra Seeds a toujours appuyé fermement l'intention du Canada de réexaminer la Loi sur la protection des obtentions végétales en vue de reconnaître les termes de l'UPOV de 1991. Au cours des réunions de l'industrie des semences qui ont eu lieu en Europe l'automne dernier, on m'a demandé quel était le statut de l'UPOV de 1991 au Canada encore plus souvent qu'on m'a interrogé à propos de l'état des récoltes. Le monde entier observe le Canada pour déterminer s'il modifiera sa loi afin de la faire coïncider avec les lois de la plupart des autres pays du monde.

J'aimerais vous donner deux exemples de l'incidence que le projet de loi C-18 et l'UPOV de 1991 auront sur nos activités.

Premièrement, nous étions très heureux d'accueillir le ministre Ritz lorsqu'en décembre 2013, il est venu à Winnipeg pour annoncer la présentation du projet de loi C-18. Dans les jours qui ont suivi l'annonce, j'ai reçu un appel d'un membre du personnel d'une entreprise européenne de sélection des végétaux que nous connaissons depuis de nombreuses années. Il a amorcé la conversation en disant que, maintenant que le Canada se prenait en main, lui et ses collègues souhaitaient nous envoyer des végétaux afin que nous les examinions. Au cours de la dernière campagne de végétation de 2014, nous avons inclus pour la première fois des végétaux provenant de ce programme. C'est une occasion qui n'était pas offerte aux Canadiens avant la présentation du projet de loi C-18. Ce partenaire est maintenant convaincu que, si nous commercialisons au Canada des variétés provenant de leurs programmes, il sera en mesure de protéger ses droits de propriété intellectuelle et d'être rémunéré pour l'utilisation de ses végétaux. Si le projet de loi C-18 n'est pas adopté, nous perdrons ce partenaire avant même d'avoir eu la chance d'évaluer entièrement la place que leurs végétaux pourraient occuper dans l'Ouest canadien.

Autre exemple, voilà quelques années déjà que nous intensifions notre collaboration avec un autre de nos partenaires dans l'hybridation des céréales. Ce programme en plein essor pourrait voir sa croissance s'accélérer si le projet de loi C-18 est adopté pour mettre à jour notre Loi sur la protection des obtentions végétales.

Cette croissance est le fruit de nos efforts constants, mais nos objectifs ne pourront être atteints que si le Canada adhère à l'UPOV 91 et en applique toutes les dispositions. Cette initiative exigera d'importants investissements ainsi que le développement d'une nouvelle gamme de matériel de reproduction au bénéfice des agriculteurs de l'Ouest canadien.

L'adoption du projet de loi C-18 et la mise à jour de la Loi sur la protection des obtentions végétales en fonction des modalités de l'UPOV 91 créeront un environnement propice aux investissements, ce qui se traduira par un accès accru à des outils, des technologies, des ressources et du matériel génétique dont nous ne disposons pas actuellement. Ce sont les agriculteurs qui en sortiront gagnants en acquérant la capacité de produire des récoltes capables de soutenir la concurrence sur les marchés internationaux.

La modification de la Loi sur la protection des obtentions végétales va en outre enchâsser le droit des agriculteurs de conserver leur propre production pour s'en servir comme semence sur leur ferme, un droit dont la loi en vigueur ne traite pas. Cela fera également en sorte que les obtenteurs pourront utiliser librement les variétés protégées à des fins de recherche et d'hybridation afin d'assurer le développement continu de variétés toujours plus performantes.

Cela dit, le recours aux obtentions végétales n'est pas une obligation. C'est une décision qui revient aux sélectionneurs et à leurs représentants. Les agriculteurs peuvent aussi choisir d'utiliser ou non des variétés qui sont protégées par des obtentions végétales. S'ils décident de ne pas le faire, ils se privent simplement du rendement accru que permettent ces variétés protégées.

L'obtention végétale est l'un des importants outils disponibles dans le cadre de nombreux programmes de sélection. En adoptant le projet de loi C-18 et en mettant ainsi à jour la Loi sur la protection des obtentions végétales afin de se conformer à l'UPOV 91 et de se mettre au diapason de la plupart des autres pays du monde, on fera en sorte que le Canada devienne un endroit où l'on peut investir au bénéfice des sélectionneurs et des agriculteurs. Pour que notre industrie agricole puisse continuer à soutenir la concurrence sur les marchés internationaux, nous avons absolument besoin de nouveaux investissements dans la sélection végétale.

Je vous remercie de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions.

Le président suppléant : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.

La sénatrice Tardif : Un grand merci pour tous ces renseignements que vous nous fournissez. Il apparaît évident que vous êtes tous les trois entièrement favorables au projet de loi C-18, mais certains autres intéressés ont émis des réserves. Je viens tout juste de recevoir une lettre d'un citoyen canadien qui m'exprime ses préoccupations. Permettez-moi de vous en lire un extrait :

[...] Je suis consterné par les répercussions du projet de loi C-18 pour ces agriculteurs et l'avenir de notre secteur alimentaire.

Le projet de loi C-18 est la plus récente attaque des grandes entreprises de production de semences à l'endroit des petits agriculteurs en raison de l'ambiguïté qu'il laisse planer quant au « stockage » des semences. Les grandes entreprises de sélection végétale réclament le droit exclusif de stocker des semences en vertu de cette même loi. Ainsi, les sélectionneurs vont écarter toute concurrence et inévitablement prendre le contrôle de notre alimentation.

Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Wickett : À mon sens, la seule différence entre un grand agriculteur et un petit agriculteur est le nombre de sacs de semences qu'il charge dans son camion. Tout le reste est pareil; que vous cultiviez un millier d'acres ou bien 100 000, c'est exactement la même chose. La taille de la ferme n'a aucune importance.

La sénatrice Tardif : Est-ce que quelqu'un d'autre voudrait nous dire ce qu'il pense des préoccupations exprimées par certains agriculteurs à ce sujet?

Vous représentez les entreprises semencières, madame Armstrong.

Mme Armstrong : J'ai l'impression que ces commentaires et ces réserves qui ont été exprimés résultent de certains malentendus que nous avons tenté de dissiper dans nos observations relativement aux conséquences de tout cela.

La sénatrice Tardif : Pendant combien de temps un agriculteur peut-il conserver des semences?

Mme Armstrong : Ses propres semences?

La sénatrice Tardif : Non. Supposons qu'il a acheté des semences d'une variété protégée. Pendant combien de temps peut-il les conserver?

Mme Armstrong : Si c'est pour sa propre utilisation, aussi longtemps qu'il le veut.

La sénatrice Tardif : En Australie, on leur accorde une année. Est-ce que les entreprises de sélection végétale ont l'intention d'imposer cette limite d'un an?

Mme Armstrong : Pas à ce que je sache. Le système australien est très différent du nôtre.

La sénatrice Tardif : Oui, mais ils ont recours à une formule de redevances de fin de chaîne, ce qui pourrait arriver ici en application du projet de loi C-18.

Quelle distinction faites-vous entre le stockage et la conservation des semences?

Mme Armstrong : C'est en dehors de mon champ d'expertise, mais je dirais qu'on les stocke dans le but de les vendre et qu'on les conserve pour les utiliser soi-même.

La sénatrice Tardif : Un agriculteur peut stocker, ensiler et emballer ses semences aussi longtemps qu'il le veut et vous n'y voyez aucun problème?

Mme Armstrong : Pas si c'est pour sa propre utilisation.

La sénatrice Tardif : La convention UPOV 91 est assortie de directives d'orientation à l'intention des gouvernements qui doivent interpréter les obligations qu'elles leur imposent. Une fois qu'il adhère à l'UPOV 91, un gouvernement peut suivre les indications fournies quant à l'application du privilège de l'agriculteur. On recommande de permettre la conservation des semences pour le blé, l'orge et l'avoine, par exemple, mais pas pour les légumes, les fruits, le soya, le canola et les lentilles. Est-ce que cela pourrait vous causer des difficultés dans l'industrie horticole, pour utiliser cet exemple?

Mme Hart : Pas pour les pommes de terre. Contrairement à d'autres produits dont on peut emmagasiner les semences pendant deux ou trois ans, la pomme de terre est une récolte d'une seule saison, ce qui fait que le problème ne se pose pas dans notre secteur.

La sénatrice Tardif : Qu'en est-il du vôtre, monsieur Wickett?

M. Wickett : Si je puis me permettre un correctif, lorsque je me porte acquéreur d'une obtention végétale pour des lentilles — et la plupart proviennent de l'Université de la Saskatchewan — je peux réutiliser la semence autant de fois que je le désire.

La sénatrice Tardif : Vous comprenez bien que les gouvernements qui adhèrent à l'UPOV 91 reçoivent des recommandations sur la manière d'interpréter leurs obligations, et certaines semences ne pourraient pas être exemptées en vertu du privilège de l'agriculteur, comme le canola. Est-ce pour vous une source de préoccupation?

M. Wickett : C'est le cas actuellement avec le canola et le soya, deux plantes que je cultive sur ma ferme. J'ai l'option de faire de la culture à pollinisation libre en n'utilisant pas les caractéristiques développées par les sélectionneurs, qu'il s'agisse de la variété Round-Up Ready ou de quelque chose de semblable. C'est moi qui décide de cultiver les variétés sélectionnées. Elles offrent un rendement nettement supérieur qui compense amplement les coûts engagés annuellement pour l'achat des semences.

Mme Armstrong : Je pense qu'il faut bien faire la distinction entre les variétés protégées en vertu d'une obtention végétale et celles qui renferment des caractéristiques brevetées, une forme de protection totalement différente. Dans le cas du canola par exemple, il y a un grand nombre de produits ayant une caractéristique brevetée qui influe sur la façon dont ils sont utilisés et vendus. Ce n'est pas du tout la même situation pour les obtentions végétales.

La sénatrice Tardif : Le projet de loi exempterait un agriculteur de l'application de la Loi sur la protection des obtentions végétales en faisant référence à ce qui se passe sur son exploitation. D'après vous, qu'est-ce qu'on entend exactement par « son exploitation »? Est-ce que cela inclut les terres louées, ou seulement celles dont il est propriétaire ou au titre desquelles il a contracté une hypothèque? Qu'est-ce qui est pris en considération pour l'application des obtentions végétales?

M. Wickett : Je ne sais pas trop ce que vous voulez savoir concernant ce qui peut se passer sur mon exploitation. Vous voulez dire ce que je peux y semer?

La sénatrice Tardif : C'est cela; ces produits au titre desquels vous devez payer des redevances.

M. Wickett : Les redevances sont payées sur les semences.

La sénatrice Tardif : C'est exact. Mais est-ce que vous pouvez, par exemple, bénéficier du privilège de l'agriculteur pour des terres qui sont louées?

M. Wickett : Tout à fait. C'est le cas des deux tiers de ma superficie cultivée.

La sénatrice Tardif : C'est ce que vous comprenez? Il n'y a pas de définition à ce sujet.

M. Wickett : Pour autant que je sache, le fait qu'une terre soit louée n'a aucune conséquence.

La sénatrice Tardif : Je vais en rester là pour l'instant.

Le sénateur Plett : J'aimerais poursuivre dans le sens de la première question de la sénatrice Tardif concernant le stockage, l'ensilage et l'emballage des semences. Saviez-vous que ce problème avait été soulevé du côté de la Chambre des communes et qu'un amendement avait été apporté pour répondre à la préoccupation exprimée par la sénatrice Tardif?

M. Wickett : Non, je l'ignorais.

Le sénateur Plett : D'accord. Je voulais seulement que cela soit bien clair.

J'ai une question pour les deux témoins qui sont à mes côtés. D'une manière générale, est-ce que les agriculteurs canadiens — tant du côté des horticulteurs que des producteurs de blé — appuient ce projet de loi? C'est manifestement le cas pour vous deux, mais est-ce la même chose pour les agriculteurs que vous représentez?

M. Wickett : La question a été soulevée lors de notre congrès et nos membres ont exprimé un soutien bien senti. De fait, je ne connais personne qui s'y oppose.

Mme Hart : Il ne fait aucun doute que l'industrie horticole appuie cette initiative. Comme je l'indiquais, nous discutons de ces questions depuis bien des années déjà. Notre programme public d'hybridation ne peut compter que sur un seul sélectionneur, ce qui limite nos capacités. De nombreuses entreprises étrangères attendent simplement d'avoir l'occasion de venir au Canada pour y introduire de nouvelles variétés en collaboration avec notre programme de sélection végétale. Nous sommes donc entièrement favorables à cette démarche.

Le sénateur Plett : Certains ont fait valoir que le privilège de l'agriculteur n'est pas octroyé à un nombre suffisant d'entre eux. J'ai d'ailleurs lu aujourd'hui que c'était le cas des horticulteurs. Est-ce bien vrai?

Mme Hart : Je peux vous parler seulement de la situation pour les pommes de terre. Nous ne sommes pas touchés, car nos récoltes se limitent à une seule saison. Je présume que c'est un peu la même chose pour les autres produits horticoles et que ce commentaire reflète l'opinion d'une faible majorité.

Le sénateur Plett : Cela n'a pas d'impact sur votre industrie?

Mme Hart : Dans une moindre mesure que pour d'autres.

Le sénateur Plett : Je crois vous avoir entendu dire que Canterra Seeds est installée à Winnipeg. S'agit-il du siège social de l'entreprise?

Mme Armstrong : Oui.

Le sénateur Plett : Vous n'êtes donc pas l'un de ces vilains conglomérats multinationaux établis aux États-Unis, comme certains voudraient nous le faire croire?

Mme Armstrong : Non.

Le sénateur Plett : Que répondriez-vous à ceux qui prétendent que le régime des obtentions végétales est structuré d'abord et avant tout pour bénéficier à Monsanto, DuPont Pioneer, Bayer CropScience, pour ne nommer que quelques-unes de ces multinationales? Est-ce que Canterra en profite dans la même mesure?

Mme Armstrong : Bien sûr que oui. C'est ce que j'essayais de faire valoir dans ma déclaration préliminaire. Notre entreprise emploie un total de 27 personnes. Nous sommes loin de ce qu'on pourrait qualifier d'entreprise nationale, et je ne vous parle même pas des multinationales. Comme je l'indiquais, nous en bénéficierions en ayant accès au matériel de reproduction provenant de sélectionneurs de toute la planète. Nous serions ainsi mieux à même d'utiliser ce matériel pour mettre sur le marché des variétés qui produiraient de bons rendements et rapporteraient gros aux agriculteurs de l'Ouest canadien.

Je veux insister sur le fait que ce serait avantageux non seulement pour les petites entreprises privées, mais aussi pour les programmes publics de sélection végétale qui toucheraient des redevances accrues tout au moins dans la même mesure que les sélectionneurs privés. Ce serait donc avantageux pour tous les sélectionneurs, peu importe leur taille, et qu'ils soient publics ou privés.

Le sénateur Plett : Alors de nombreuses entreprises canadiennes en bénéficieraient?

Mme Armstrong : Oui.

Le sénateur Plett : Merci.

Vous travaillez auprès des agriculteurs. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du Programme de paiement anticipé?

M. Wickett : Le Programme de paiement anticipé est un outil formidable. Je souhaiterais même que l'on en élargisse la portée. Étant donné la taille des exploitations agricoles actuelles, le prix des intrants et toutes les autres dépenses à engager, les plafonds établis sont trop bas pour certains agriculteurs. Nous sommes toutefois conscients de la position dans laquelle se trouve le gouvernement fédéral et nous respectons ses décisions. C'est tout de même un programme formidable et nous ne voudrions certes pas que l'on en limite l'efficacité.

Le sénateur Plett : Madame Hart, est-ce que les agriculteurs de votre secteur peuvent bénéficier de ce programme?

Mme Hart : Certainement. C'est le cas actuellement pour l'industrie de la pomme de terre. Je sais que les producteurs de ma province en tirent assurément parti. Avec les coûts d'exploitation qui ne cessent de grimper, cette aide est souvent la bienvenue pour se rendre jusqu'à la saison suivante. À n'en pas douter, ce sera avantageux pour eux. Je peux vous assurer que tous les changements dont j'ai entendu parler concernant ce programme seront très bien accueillis.

Le sénateur Plett : Ma dernière question porte sur un sujet déjà abordé par Mme Hart, si je ne m'abuse. Il est important que le Canada puisse suivre le rythme imposé par d'autres pays. Comme vous le savez, nous sommes l'un des trois pays développés à ne pas avoir adhéré à l'UPOV 91. Certains ont fait valoir que d'autres pays nous ont simplement damé le pion et que nous ne devrions pas nous contenter de suivre la parade. Dans le contexte actuel où nous avons conclu toutes ces ententes commerciales, je présume que nous n'avons d'autre choix que d'aller de l'avant. Si nous n'adhérons pas à l'UPOV 91, nous allons certes prendre du retard sur la scène internationale.

Vous semblez tous acquiescer.

Mme Armstrong : Je suis d'accord. Ce n'est pas seulement au Canada que nous sommes défavorisés. Compte tenu de la mondialisation des marchés, nos agriculteurs ne pourront pas être prospères sans des cultures offrant des rendements concurrentiels.

Le sénateur Plett : J'ai une toute dernière question que j'ai déjà posée la semaine dernière à trois témoins qui étaient tout aussi favorables que vous l'êtes à ce projet de loi. Est-ce qu'il y a quelque chose dans le projet de loi C-18 qui ne vous plaît pas? Sans les citer textuellement, je vous dirais qu'ils ont tous répondu que ce qu'ils trouvaient surtout regrettable concernant ce projet de loi, c'est qu'il n'avait pas encore été adopté. Êtes-vous du même avis?

Merci.

Le président suppléant : Une question supplémentaire, sénatrice Unger?

La sénatrice Unger : Oui, ma question s'adresse à Mme Armstrong.

Vous avez parlé des redevances. Pouvez-vous nous expliquer comment ces redevances sont perçues et payées, et nous indiquer quel montant cela peut représenter?

Mme Armstrong : Les redevances sont payées ou perçues sur la vente des semences contrôlées, en fonction des différentes sélections. La cote d'amélioration génétique utilisée dans le commerce est celle de semence certifiée. Il en existe des plus élevées. Lorsque cette semence contrôlée est vendue, la redevance s'applique. Elle est perçue par la personne ou l'entreprise qui vend la semence, puis remise à l'organisation responsable de la sélection végétale. Selon les modalités retenues, elle peut être versée directement ou non. Pour les variétés dont nous détenons les droits, ces redevances nous sont payées et nous les transférons aux sélectionneurs. Le montant à payer varie en fonction de la popularité de la variété, mais cela peut représenter plusieurs millions de dollars.

La sénatrice Unger : Est-ce que vous touchez une certaine somme au titre de ces redevances qui vous passent entre les mains?

Mme Armstrong : Nous sommes rémunérés pour les services que nous offrons aux agriculteurs et aux obtenteurs de semences.

La sénatrice Unger : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'aimerais remercier nos trois invités. Monsieur Wickett, vous avez clairement indiqué que vous étiez en faveur du projet de loi C-18. Vous savez que, dans le cadre législatif en matière d'obtention végétale dans les principaux pays partenaires du Canada, plusieurs se conforment déjà à ce qu'on appelle l'UPOV 91. Plusieurs partisans du projet de loi C-18 ont dit que cela permettra aux agriculteurs canadiens d'accéder à différentes variétés de semences qui proviennent parfois d'autres pays, et que cela favorisera la recherche et l'innovation.

J'aimerais que vous nous donniez des exemples de variétés de semences qui proviendraient d'autres pays et qui pourraient être utiles aux agriculteurs canadiens. Du même coup, en quoi ces variétés seront-elles novatrices pour notre agriculture?

[Traduction]

M. Wickett : Merci pour la question. Je pourrais vous donner comme exemple toute la récolte de blé et de blé dur dans l'Ouest canadien. Une proportion d'à peine 5 p. 100 de la récolte de blé dur dans l'Ouest canadien a été classée cette année dans la catégorie 1. C'est la fusariose de l'épi qui en est responsable. C'est un champignon dont personne ne veut. Il existe ailleurs dans le monde des variétés qui y résistent. Les Européens ont une longueur d'avance sur nous en la matière, et les États-Unis font encore mieux. Nous n'avons d'autre choix que d'épandre des produits chimiques. Nous disposons d'une période d'à peine trois à cinq jours pour ce faire. Si la pluie nous empêche d'accéder à nos terres pendant cette période, nous sommes vraiment dans le pétrin. Il nous faut donc avoir accès dès maintenant à ces nouvelles variétés; cela a déjà trop traîné.

Cette maladie ne va pas disparaître d'elle-même. Je pense qu'elle peut survivre dans le sol pendant sept ans. Nous avons besoin de nouvelles variétés capables d'y résister.

Je crois que nous avions 4,5 millions d'acres de blé dur, celui qu'on utilise pour les pâtes, et la différence de prix entre la catégorie 1 et le grade 4 ou 5 s'établissait à 5 $ le boisseau avec un rendement moyen de 50 boisseaux à l'acre. Le calcul est simple. Un manque à gagner de 250 $ l'acre pour 4,5 millions d'acres, ça fait énormément d'argent.

Le sénateur Ogilvie : Je tiens à tous vous remercier, et particulièrement M. Wickett, de nous avoir expliqué aussi clairement l'importance que revêtent les obtentions végétales pour que les agriculteurs canadiens puissent soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux et avoir accès aux innovations les plus récentes dans leur domaine.

J'ai participé à la mise au point du premier programme d'obtentions végétales alors que j'étais membre du Comité consultatif national de la biotechnologie. Aucune protection semblable n'était accessible au Canada, et nous avons mis les bouchées doubles pour y parvenir. Me voilà maintenant étonné de me retrouver au sein d'un comité qui doit constater que nous accusons à nouveau un retard à combler sans faute pour que nos agriculteurs ne soient pas défavorisés par rapport à leurs concurrents.

J'ai une question pour vous, madame Hart. J'essaie de comprendre ce que vous entendez par superficie de semences récoltées au début de la deuxième page de vos notes d'allocution. Vous indiquez qu'on en trouve 50 p. 100 dans le Canada atlantique et 13 p. 100 en Ontario et au Québec. Vous ajoutez toutefois que plus de 50 p. 100 de la production totale de pommes de terre au Canada s'effectue à l'ouest de Thunder Bay. J'en déduis que la productivité doit être beaucoup plus élevée à l'ouest de Thunder Bay, car il doit y avoir un facteur qui explique un rendement plus élevé malgré une superficie cultivée inférieure. Est-ce qu'il y a quelque chose qui m'échappe?

Mme Hart : Désolée, c'est sans doute la façon dont je l'ai exprimé. J'ai d'abord indiqué les pourcentages correspondant à la superficie de semences récoltées au Canada, mais pour ce qui est de la production totale, tant pour les pommes de terre fraîches destinées à la consommation que pour celles qui seront transformées en frites et en croustilles, et en incluant les semences, plus de 50 p. 100 s'effectue effectivement à l'ouest de Thunder Bay. Je n'ai peut-être pas été assez claire.

Le sénateur Ogilvie : Je vois. Les premiers pourcentages donnés correspondent donc uniquement à la production de semences destinées à la vente, et non la production totale.

Mme Hart : Oui.

Le sénateur Ogilvie : Je croyais que cela pouvait être l'explication, mais je voulais en être absolument certain. Merci beaucoup.

Mme Hart : Désolée encore une fois.

Le sénateur Moore : Merci à nos témoins d'être présents aujourd'hui.

Monsieur Wickett, vous avez parlé des redevances de fin de chaîne. D'autres témoins nous ont indiqué que ce projet de loi n'en traite pas. Si on devait un jour appliquer une telle formule, ce sont les agriculteurs qui devraient payer cette redevance. Croyez-vous que les agriculteurs devraient obtenir ou acquérir un droit de propriété intellectuelle au titre d'une semence issue de ces efforts de recherche?

M. Wickett : Vous pensez à la recherche publique?

Le sénateur Moore : Je pense aux sommes versées par les agriculteurs au titre d'une redevance de fin de chaîne qui sont réinvesties dans la recherche. Pensez-vous qu'ils devraient acquérir des droits de propriété sur les fruits de cette recherche?

M. Wickett : Je ne crois pas. Comme je l'indiquais dans mes remarques préliminaires, lorsque j'écoute une chanson, je n'ai pas droit à une part sur les ventes de l'album.

Le sénateur Moore : Mais vous n'avez pas contribué à la production de cette chanson.

M. Wickett : Non.

Le sénateur Moore : C'est toute la différence.

M. Wickett : Je pourrais envisager une formule fondée sur des redevances de fin de chaîne, si nous pouvions revoir le rôle joué par les commissions. Il y a actuellement un droit qui est prélevé et remis aux commissions du blé des différentes provinces. L'argent ainsi perçu auprès de nos agriculteurs est réinvesti dans la recherche. Les producteurs de blé n'ont pas pris position concernant les redevances de fin de chaîne. Tout dépend de la manière dont on les percevra et de l'utilisation qu'on en fera.

Le sénateur Moore : Il y a un de nos témoins de la semaine dernière qui nous a indiqué — et je ne sais plus trop si c'était en Nouvelle-Zélande ou en Australie — qu'une entité avait été mise en place par les agriculteurs pour acquérir un certain pourcentage des droits de propriété intellectuelle au titre des variétés qui étaient créées. Les sommes ainsi récupérées sont ensuite réparties entre les agriculteurs qui ont contribué. Je trouvais que c'était une excellente idée, car cela motive les agriculteurs à maintenir leur niveau de productivité en sachant qu'ils obtiendront quelque chose en retour. C'est un modèle que vous pourriez sans doute envisager si l'occasion vient à se présenter au Canada.

Madame Armstrong, en réponse à une question de la sénatrice Tardif, vous avez indiqué que les sommes sont perçues par le détaillant au moment de la vente. Il encaisse les recettes de la vente d'une semence contrôlée pour les transférer ensuite aux sélectionneurs, et le détaillant est indemnisé pour ses services. Est-ce que l'indemnisation correspond à un pourcentage du prix de vente ou prend-elle la forme d'un montant forfaitaire annuel qui serait négocié pour chaque produit? Comment est-ce que cela fonctionne?

Mme Armstrong : Mon commentaire se voulait plutôt général, sans viser explicitement les détaillants, car les semences contrôlées peuvent être vendues suivant différentes formules. J'essayais simplement de faire valoir que, peu importe la formule utilisée, les redevances allaient revenir à l'obtenteur, que ce soit une entreprise, une organisation ou un individu. Je voulais souligner que toutes les ventes ne se font pas par l'intermédiaire de détaillants.

Le sénateur Moore : Ne disiez-vous pas que c'est l'entité qui perçoit et transfère les sommes qui est indemnisée? Je crois que c'est ce que vous avez indiqué. Vous avez dit qu'ils sont rémunérés pour leurs services. En fonction de quoi cette rémunération est-elle établie?

Mme Armstrong : Je pense que la question portait sur notre entreprise qui produit des semences. Nous fournissons des services et des produits et nous sommes rémunérés en conséquence, ce qui n'a rien à voir avec les redevances qui sont versées à l'obtenteur.

Le sénateur Moore : Lorsque vous percevez ces sommes pour les faire parvenir ensuite à l'obtenteur, vous ne touchez aucune portion des redevances?

Mme Armstrong : Pas pour les redevances.

Le sénateur Enverga : Merci pour vos exposés. J'ai appris certaines choses aujourd'hui.

Nous nous apprêtons à adhérer à l'UPOV 91, et vous indiquez que nous avons bien du chemin à faire. Nous avons en effet pris beaucoup de retard par rapport à d'autres pays pour ce qui est de la sélection végétale. Est-ce bien ce que vous avez dit, monsieur Wickett? Est-ce que les variétés que vous cultivez sont loin d'être aussi performantes que celles qu'on utilise ailleurs dans le monde? Est-il possible pour nous de rattraper le temps perdu?

M. Wickett : Pour ce qui est de la lutte contre certaines maladies comme la fusariose, nous accusons effectivement du retard, mais nous pouvons combler cet écart. Il faut simplement que nous ayons accès au matériel génétique disponible ailleurs dans le monde.

Le sénateur Enverga : Vous dites que nous allons simplement acheter les semences de ces gens-là pour pouvoir les planter et les réutiliser dans nos fermes, n'est-ce pas?

M. Wickett : Je ne sais pas exactement comment les choses vont se passer. Je suis un producteur, et non un sélectionneur. Je crois toutefois comprendre que des universités de partout sur la planète sont particulièrement actives dans l'échange de matériel génétique.

Mme Armstrong : J'ajouterais que nous pourrions selon moi sortir gagnants sur deux tableaux. Tout d'abord, certaines variétés utilisées ailleurs dans le monde pourraient donner de bons résultats au Canada. Les sélectionneurs qui ont créé ces variétés qui souhaitent actuellement les vendre chez nous pourraient désormais le faire. Il y a aussi la possibilité que les sélectionneurs eux-mêmes les utilisent pour créer des variétés encore plus performantes. Il y a certains obtenteurs étrangers qui ne veulent pas envoyer leur matériel génétique au Canada, même à des fins d'hybridation.

Le sénateur Enverga : Vous voulez dire qu'il y a certaines variétés auxquelles nous n'avons pas accès au Canada et qui pourraient assurément nous intéresser?

Mme Armstrong : Oui.

Le sénateur Enverga : Comment pouvons-nous les rendre accessibles au Canada? Est-ce que l'UPOV 91 nous offre cette possibilité?

Mme Armstrong : Je donne souvent l'exemple de cette entreprise européenne de sélection végétale qui accepte maintenant, sur la seule foi de la possibilité que l'UPOV 91 soit mise en œuvre au Canada, de nous envoyer son matériel génétique pour que des tests soient effectués. Elle ne l'aurait pas fait auparavant. Elle n'aurait pas envoyé son matériel à qui que ce soit à des fins d'hybridation. Il y a donc différents moyens. Cela pourrait se faire par le truchement d'une entreprise comme la nôtre, d'un programme public ou d'un autre intermédiaire. Mais l'entreprise doit d'abord décider si elle souhaite que son matériel se retrouve au Canada pour ensuite choisir le mode de transmission qu'elle utilisera.

Le sénateur Enverga : Maintenant que nous nous apprêtons à entériner l'UPOV 91, j'entends dire qu'il y aura davantage d'investissements. Est-ce que notre production agricole va augmenter?

M. Wickett : L'absence de variétés résistant aux maladies, par exemple, a réduit de 20 p. 100 le potentiel de rendement dans mon secteur pour cette année. En outre, la production est classée dans des catégories inférieures. Nous sommes passés des deux catégories supérieures à la catégorie 5 et au grade d'échantillon. Un produit qui obtient ce dernier grade ne peut même pas être utilisé à des fins fourragères. Seulement pour la dernière récolte, les sommes ainsi perdues par notre pays sont phénoménales.

Mme Armstrong : J'aimerais ajouter une précision. Il y a trois axes de rendement, si on peut les appeler ainsi, où des gains peuvent être réalisés : la résistance aux maladies touchant les différents types de récoltes; la performance agronomique; et la qualité du produit fini, toujours selon le type de récolte. C'est donc à ces différents titres que des gains sont envisageables.

Pour ce qui est des investissements à consentir, un témoin nous signalait la semaine dernière qu'une entreprise avait effectué une percée en établissant une toute nouvelle station pour la sélection végétale. Ce n'est qu'un exemple, mais il illustre bien les possibilités qui pourraient s'offrir si ce projet de loi est adopté.

Mme Hart : Je suis tout à fait d'accord avec ce que Jim et Erin viennent de dire, mais j'encouragerais aussi l'établissement de partenariats — et je pense tout particulièrement à notre industrie — avec les États-Unis et leurs programmes d'obtentions végétales. On pourrait certes ainsi compter sur davantage de matériel à utiliser pour la production.

Le sénateur Moore : Monsieur Wickett, vous avez parlé de cette maladie qui a coûté cher aux producteurs canadiens lors de la dernière récolte. Existe-t-il un pesticide ou un produit phytosanitaire quelconque que nous aurions pu utiliser, mais que nous n'avons pas pu nous procurer du fait que nous n'adhérons pas à l'UPOV? Y a-t-il un traitement pour cette maladie et est-ce que d'autres pays y ont accès? Comment se fait-il que nous n'ayons pas pu utiliser ce qui se fait de mieux dans les circonstances?

M. Wickett : Il existe des fongicides. Je disais que l'on ne disposait que de trois à cinq jours pour en faire l'épandage. C'est une maladie assez récente qui se déplace un peu plus vers l'Ouest chaque année. Il faut sans doute penser que les agriculteurs ne sont pas trop au fait du moment où elle s'attaque aux récoltes, un des aspects fondamentaux. Au cours des dernières années, certains programmes ont permis de concevoir des variétés qui résistent dans une certaine mesure à la maladie. Une de ces variétés pourrait donc être efficace si on l'utilisait dans les bonnes conditions.

Le sénateur Moore : Mais la situation de l'an dernier n'avait en fait rien à voir avec l'UPOV. J'ai l'impression qu'il s'agissait simplement d'avoir le produit et de l'épandre au moment voulu.

Le sénateur Enverga : J'ai encore une brève question. Maintenant qu'on ouvre les valves en modifiant la Loi sur la protection des obtentions végétales, presque tous les agriculteurs vont devenir eux-mêmes sélectionneurs. Est-ce que cela va créer de nouveaux problèmes aux producteurs de semences? Si je suis agriculteur et que je mets au point une nouvelle variété, est-ce que j'entre en concurrence avec les producteurs de semences actuels? Ce que vous offrez n'est désormais plus aussi intéressant.

Mme Armstrong : C'est une question intéressante. Je ne sais pas si tous les agriculteurs vont automatiquement devenir des sélectionneurs. C'est une possibilité. Je ne suis pas sûre de savoir exactement où vous voulez en venir.

Le sénateur Enverga : À l'heure actuelle, lorsque vous développez un caractère plus performant pour une semence, vous pouvez l'enregistrer et devenir fournisseur. Est-ce ainsi que les choses vont fonctionner?

Mme Armstrong : Je ne crois pas qu'il y ait de lien direct. Notre régime d'homologation des variétés est une question d'un tout autre ordre. Les mesures proposées vont permettre au sélectionneur — qu'il s'agisse d'un agriculteur, d'une entreprise ou d'un programme public — de protéger ses droits de propriété intellectuelle lorsqu'il conçoit une nouvelle variété, et d'obtenir une indemnisation lorsque cette variété est utilisée par des exploitations agricoles, quelle qu'en soit la taille.

Le sénateur Oh : Merci à tous les trois.

Le projet de loi C-18 permettra d'harmoniser la Loi sur la protection des obtentions végétales avec les normes internationales édictées dans l'UPOV 91. Il modifie entre autres la liste des droits exclusifs accordés au titulaire d'un certificat d'obtention. Pouvez-vous nous expliquer la différence entre les droits actuels des titulaires d'un certificat d'obtention et ceux qui seront accordés par le projet de loi C-18? Est-ce que les agriculteurs pourront bénéficier rapidement du projet de loi C-18 en augmentant leur rentabilité et leur production?

Mme Armstrong : Il y a deux ou trois choses que je pourrais vous dire. Différents changements interviendront si ce projet de loi est adopté. Il y aura notamment des répercussions sur la durée de la protection accordée aux différentes variétés. Pour les cultures de grande production, cette période passera par exemple de 18 à 20 ans. On officialise en outre la possibilité pour les agriculteurs de conserver leur propre production pour s'en servir comme semence dans leur exploitation agricole. On s'assure de plus que les obtenteurs puissent se servir des variétés protégées à des fins de sélection végétale. On prévoit également une indemnisation pour les obtenteurs qui n'ont pas la possibilité de percevoir des redevances au moment de la vente des semences. Ils peuvent ainsi être rémunérés suivant d'autres modalités lorsqu'on utilise leur matériel génétique.

Quant à savoir combien de temps il faudra pour que les agriculteurs voient leur situation s'améliorer, je peux vous dire que nous avons déjà procédé aux tests préliminaires sur le matériel fourni par ce partenaire dont je vous parlais. Si le projet de loi n'est pas adopté, il va reprendre son matériel, nos essais seront interrompus et il n'y aura pas d'utilisation possible au Canada. S'il est adopté, ce matériel génétique figurera parmi ceux qui pourront désormais être à l'origine de nouvelles variétés pouvant se retrouver sur le marché d'ici quelques années. D'autres programmes de sélection végétale pourront aussi utiliser du matériel génétique auquel ils n'ont pas accès actuellement. Je pense que tout cela se fera assez rapidement.

M. Wickett : Je crois que les bénéfices pour les agriculteurs se feront sentir assez rapidement. D'énormes moyens technologiques sont maintenant disponibles pour isoler différentes caractéristiques génétiques. La production se fait en Nouvelle-Zélande en partenariat avec le programme de l'Université de la Saskatchewan. Dès qu'une nouvelle variété est récoltée ici à l'automne, on l'envoie en Nouvelle-Zélande pour qu'elle soit replantée.

Il faut souvent une dizaine d'années pour qu'une nouvelle variété devienne disponible sur le marché; je pense que nous pouvons réduire ce délai de moitié.

La sénatrice Tardif : Au cours des dernières années, on a diminué le soutien financier pour la recherche et les infrastructures des programmes publics de sélection végétale, et le projet de loi C-18 met davantage l'accent sur la contribution du secteur privé.

Monsieur Wickett, craignez-vous que les producteurs canadiens de semences puissent être incités à ne pas concevoir de semences mieux adaptées génétiquement au contexte canadien?

M. Wickett : Vous croyez qu'ils ne le feront pas?

La sénatrice Tardif : Oui, parce qu'ils vont miser sur les investissements privés. La semaine dernière, le professeur Gray de l'Université de la Saskatchewan nous a fait part de préoccupations en ce sens. Si les investissements du secteur privé ne rapportent pas à court et à moyen terme alors que les programmes du secteur public sont de moins en moins généreux, cela pourrait réduire le rendement pour les investisseurs privés et miner la volonté de créer de nouvelles variétés adaptées à la situation au Canada. Si j'ai bien compris, la culture du canola, à titre d'exemple, a été appuyée avec beaucoup d'efficacité par les programmes publics de sélection végétale. Si nous coupons dans ces programmes et que l'investissement privé ne rapporte pas à court et à moyen terme, il y aura un manque à combler.

M. Wickett : Je peux certes envisager un partenariat entre certaines petites entreprises et les universités. Celles-ci possèdent le savoir-faire, la technologie et les installations dont ne disposent pas toutes les entreprises. On pourrait passer à la production à plus grande échelle, comme on le fait en Nouvelle-Zélande; je ne pense donc pas que la situation soit problématique.

Certaines des nouvelles commissions qui ont vu le jour en Saskatchewan — elles amorcent à peine leur deuxième année — sont censées se livrer à la sélection végétale, principalement dans le domaine public. Pour une raison ou une autre, la commission provinciale a décidé de ne pas verser les fonds prévus, mais c'est de là que devrait venir le financement.

La sénatrice Tardif : Ne vous inquiétez-vous pas du fait que les entreprises semencières canadiennes pourront désormais faire venir de l'étranger des semences destinées à la vente sans avoir nécessairement toute l'information voulue quant à leur efficacité dans les conditions climatiques que nous connaissons au Canada?

M. Wickett : Pas du tout. Il n'y a pas un agriculteur qui va ensemencer toutes ses terres avec un produit inconnu. On peut commencer par une parcelle pour voir comment les choses se déroulent. Le bouche-à-oreille va faire rapidement son effet. Si une variété n'offre pas le rendement souhaité, personne ne va l'acheter.

Le sénateur Plett : Je serai bref. Je vais regrouper deux questions pour en faire une seule.

Mme Armstrong nous a parlé des membres de Canterra. J'aimerais savoir si la Canadian Wheat Growers Association et le Conseil canadien de l'horticulture ont eux aussi des membres. Sur quelles bases s'appuient les avis et le soutien que vous exprimez devant nous? Si vous avez effectivement des membres, pouvez-vous nous fournir quelques chiffres à ce sujet?

M. Wickett : Il y a des droits d'adhésion à payer pour devenir membre de notre association. Nous comptons actuellement près de 1 000 membres, des agriculteurs de tout l'Ouest canadien. Nous avons un conseil d'administration et une assemblée générale annuelle. Nous tenons aussi des réunions tout au long de l'année pour tâter le pouls de nos membres. Nous recevons sans cesse d'eux toutes sortes de messages que nous prenons en considération. C'est le conseil d'administration qui décide de la position à prendre.

Le sénateur Plett : Des exploitations agricoles de toutes tailles, je présume?

M. Wickett : Oui, de 1 000 acres à peine jusqu'à 30 000 ou 40 000.

Mme Hart : Le Conseil canadien de la pomme de terre a des représentants dans toutes les provinces à l'exception de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse. L'adhésion se fait sur une base volontaire. La plupart des provinces ont leur propre organisation qui dépêche des représentants à l'échelon national. Ce sont ces gens-là — notre conseil d'administration — qui représentent l'ensemble de l'industrie au Canada. Ce sont eux qui appuient le projet de loi C-18. Ce sont eux qui ont approuvé les propos que j'ai tenus ici.

Nous avons également des membres associés et des représentants d'entreprises internationales, et ils sont aussi favorables à ce projet de loi.

Le sénateur Plett : Merci beaucoup.

Le président suppléant : Merci, madame Armstrong, monsieur Wickett et madame Hart pour les excellents renseignements que vous avez fournis aux membres du comité.

[Français]

Honorables sénateurs, nous reprenons nos travaux. Nous entendrons tout d'abord Mme Delaney Ross Burtnack. La parole est à vous.

[Traduction]

Delaney Ross Burtnack, présidente et chef de la direction, Canadian Association of Agri-Retailers : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de vous présenter aujourd'hui le point de vue de la Canadian Association of Agri-Retailers (CAAR) concernant le projet de loi C-18.

Je m'appelle Delaney Ross Burtnack et je suis présidente et chef de la direction de la CAAR. Nous formons un réseau de soutien digne de confiance pour les agriculteurs canadiens en réunissant des détaillants agricoles de toutes tailles ainsi que des fabricants d'intrants agricoles, des experts en agronomie, des entreprises de transport et d'autres fournisseurs de services appuyant les détaillants agricoles partout au Canada.

Nous voulons ajouter notre voix aux appuis déjà exprimés en faveur du projet de loi C-18, notamment par l'Association canadienne du commerce des semences, CropLife Canada, l'Institut canadien des engrais ainsi que les nombreux producteurs et groupes de l'industrie qui forment l'organisation Partenaires en innovation, et féliciter le gouvernement du Canada pour ce pas en avant qui va dans le sens de l'innovation et nous permet de tendre vers notre objectif d'améliorer l'industrie agricole au pays.

Les amendements contenus dans le projet de loi C-18 visent neuf lois, notamment la Loi sur la protection des obtentions végétales, et constituent une démarche critique pour générer des investissements dans le domaine de l'innovation agricole et pour garantir la place du Canada comme chef de file en agriculture dans l'avenir.

Notre association, CAAR, ainsi que nos entreprises membres reconnaissent le rôle important que joue l'innovation dans la réussite des agriculteurs canadiens, innovation qui leur garantit les outils de production culturale les plus efficaces et les plus sûrs disponibles. Au fur et à mesure que la demande internationale augmente, laquelle exige une plus grande production avec moins de ressources et une transparence et une traçabilité accrues, l'innovation deviendra encore plus importante, et l'innovation dans les variétés de semences jouera un rôle critique pour ce qui est de la capacité du secteur agricole canadien de répondre à la demande future. Nous remercions le gouvernement du Canada d'avoir rendu la Loi sur la protection des obtentions végétales conforme à la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales de 1991, convention qu'a signée le Canada en 1992 et qui ne vient que tout récemment d'entrer en vigueur. Grâce à cette démarche, le Canada se retrouvera sur un pied d'égalité avec ses partenaires commerciaux du monde et encouragera les investissements tant recherchés dans le domaine de l'élaboration de nouvelles variétés, ce qui permettra une productivité alimentaire accrue et une production plus efficace.

Nous étions heureux de noter que le rapport sénatorial publié en juin 2014, L'innovation agricole : un élément clé pour nourrir une population en pleine croissance, reconnaissait le rôle important du gouvernement fédéral pour ce qui est de créer un environnement qui favorise la recherche et l'innovation au Canada, ainsi que le besoin de renforcer et d'améliorer le cadre réglementaire afin que le secteur agricole et agroalimentaire puisse profiter pleinement de la recherche et de l'innovation. Il est encourageant de constater que la valeur des modifications prévues par le projet de loi C-18, pour ce qui est d'attirer et de conserver les investisseurs et l'innovation au Canada, a été reconnue par le Sénat dans la recommandation 8 du rapport. On y indique effectivement qu'il faudrait mettre à jour la Loi sur la protection des obtentions végétales de 1990 afin de répondre aux normes prévues par la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales de 1991.

En tant que conseillers fiables des agriculteurs canadiens, les membres de CAAR œuvrent pour défendre les droits de leurs clients, y compris le droit inhérent de chaque agriculteur d'avoir le choix d'investir dans les technologies semencières les plus récentes et les plus performantes disponibles sur le marché, ou encore d'utiliser ses propres graines comme semences pour la prochaine saison. CAAR est en faveur des améliorations proposées à la loi actuelle dans le projet de loi C-18 qui permettront de garantir de façon explicite le droit de nos clients d'utiliser des graines produites dans leur exploitation, tout en protégeant les sociétés qui investissent des sommes considérables dans les technologies semencières.

De plus, CAAR est heureux de constater les amendements proposés qui renforceront la compétitivité des intrants agricoles au Canada. Le CAAR a comme mission d'agrandir le secteur canadien des détaillants d'intrants agricoles, et nous sommes d'accord avec l'évaluation faite par l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui indiquait que les amendements proposés dans le projet de loi C-18 visant l'alimentation animale, les semences, les engrais, le bétail et les végétaux renforceraient la sûreté des intrants agricoles, réduiraient le fardeau administratif pour notre secteur, favoriseraient la croissance économique du secteur agricole et multiplieraient les échanges de produits agricoles.

CAAR a noté cependant que selon certains amendements, il se pourrait que l'on exige de la part des particuliers ou des entités des enregistrements ou des licences afin qu'ils puissent s'adonner à certaines activités liées aux engrais, aux aliments et à d'autres produits. Il se peut que ces dispositions ne concernent que la loi habilitante et que des changements ne soient pas apportés au système, mais de tels changements pourraient avoir une incidence négative sur les détaillants, surtout si une entreprise doit se procurer plusieurs licences. Si le gouvernement souhaite adopter un système d'enregistrement ou de licences, nous aimerions nous joindre à toutes les parties concernées, y compris d'autres acteurs industriels comme l'Institut canadien des engrais et les détaillants d'engrais, d'aliments et d'autres produits qui seraient touchés par un tel système, afin de collaborer avec le gouvernement pour évaluer l'incidence totale de tels changements, et ce, avant qu'un système de licences ou d'enregistrement ne soit créé et mis sur pied.

Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de vous parler aujourd'hui, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président suppléant : Merci beaucoup, madame Burtnack.

Messieurs Jones et Van Akum, vous êtes les prochains.

David James, membre, Partners in Innovation Coalition : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs. Je suis heureux de représenter aujourd'hui Partners in Innovation afin de vous parler des amendements proposés à la Loi sur la protection des obtentions végétales contenus dans le projet de loi C-18, « Loi sur la croissance dans le secteur agricole ».

Je m'appelle David Jones et je représente le Canadian Potato Council et le Conseil canadien de l'horticulture. Les droits des sélectionneurs végétaux sont extrêmement importants pour nos secteurs, et nos deux organisations font partie de la Partners in Innovation Coalition.

Partners in Innovation est une coalition informelle réunissant 20 organisations provinciales, régionales et nationales du Canada. Ces organisations réunies en coalition représentent la vaste majorité des agriculteurs du Canada et constituent presque l'ensemble de la production culturale du pays. Nous nous sommes réunis sous Partners in Innovation pour deux raisons : premièrement, pour montrer clairement aux décideurs que la majorité des agriculteurs et des filières de production sont en faveur du besoin de mettre à jour la Loi sur la protection des obtentions végétales du Canada, et deuxièmement, pour nous assurer que les agriculteurs, les décideurs et le public disposent de renseignements clairs et exacts sur les amendements proposés.

Même si chacun des membres de la Partners in Innovation Coalition a son avis quant à certaines des autres dispositions prévues par le projet de loi C-18, nous sommes d'accord pour soutenir les amendements proposés à la Loi sur la protection des obtentions végétales du Canada la rendant conforme à la convention internationale la plus récente, celle de 1991.

Il n'était pas possible pour tous nos membres d'être ici aujourd'hui, mais chacune des régions, chacune des filières de production a fourni des raisons claires pour son soutien à l'égard des amendements à la loi. Je vous en fournirai que quelques exemples.

Tout d'abord, voici l'avis du président de la BC Grain Producers Association :

La modernisation de la Loi sur la protection des obtentions végétales favorisera la recherche dans le secteur céréalier et encouragera les investissements et la compétitivité grâce aux nouvelles variétés.

Voici l'avis du président de la Canadian Canola Growers Association :

Il est essentiel d'améliorer notre capacité de recherche afin d'attirer davantage d'investissements dans les nouvelles sélections végétales. Nos exploitations demeureront ainsi durables sur le plan agronomique, écologique et économique, autant aujourd'hui que dans l'avenir.

Voici l'avis du président de Mustard 21 Canada :

En rendant la Loi sur la protection des obtentions végétales conforme à la Convention internationale de 1991, le secteur canadien de la moutarde sera davantage en mesure [...] d'encourager la sélection végétale innovatrice. Le Canada pourra ainsi [...] conserver sa place comme fournisseur numéro 1 de moutarde de grande qualité.

Voici l'avis du président du Atlantic Grains Council :

Grâce à la mise à jour de la Loi sur la protection des obtentions végétales du Canada, nous espérons que des variétés de semences étrangères deviendront disponibles dans notre région, ce qui aidera les agriculteurs de l'Atlantique à faire face aux défis agronomiques propres à notre région.

Et enfin, voici ce que le président du Conseil canadien de l'horticulture avait à dire :

Alors que les agriculteurs travaillent pour que leur production réponde aux besoins d'une population mondiale croissante, il devient de plus en plus important qu'ils disposent des outils nécessaires afin de continuer à intensifier leur production. Les nouvelles variétés constituent un élément important de cette croissance. Il faut absolument que notre Loi sur la protection des sélections végétales corresponde aux lois de nos partenaires commerciaux à l'étranger.

J'espère ainsi avoir indiqué clairement que le secteur des cultures appuie fortement les améliorations proposées à la protection des sélections végétales, et même les juge nécessaires, afin que nos agriculteurs puissent obtenir des variétés nouvelles et améliorées, mises au point ici au Canada ou à l'étranger. Pour comprendre l'importance de ces amendements, il suffit de constater les dernières nouvelles intéressantes apprises depuis que le gouvernement a annoncé les changements proposés.

On a commencé récemment la construction d'un nouveau centre de recherche et de sélection des céréales à Saskatoon, et des sociétés semencières canadiennes ont constitué de nouveaux partenariats avec des sélectionneurs internationaux afin de pouvoir fournir des variétés améliorées aux agriculteurs canadiens. Déjà, on travaille pour conclure d'autres partenariats. Dans chacun des cas, on n'aurait pas pris de décisions dans ce sens si le gouvernement ne s'était pas engagé à mettre à jour la loi pour qu'elle soit conforme à la convention internationale de 1991.

Je vais maintenant vous parler de quatre des idées erronées les plus communes par rapport aux amendements proposés.

Tout d'abord, les droits des sélectionneurs végétaux ne constituent pas en soi des brevets. Au contraire des brevets, les droits des sélectionneurs prévoient l'obligation pour les sélectionneurs de rendre leurs variétés protégées disponibles à d'autres sélectionneurs à des fins de recherche et de création de nouvelles variétés. De plus, les amendements proposés à la Loi sur la protection des obtentions végétales feront en sorte que les agriculteurs pourront conserver les graines qu'ils produisent afin de s'en servir comme semences dans leurs propres exploitations.

Deuxièmement, les amendements proposés ne donneront pas lieu à des redevances de fin de chaîne ou à des redevances qui pourraient être perçues sur tout autre produit mis à part la semence. Les dispositions de la loi sont très claires, le sélectionneur peut seulement être rémunéré pour le produit récolté s'il peut prouver que les semences ont été acquises de façon illégale.

Troisièmement, quel que soit le nom donné à la pratique, les amendements prévus dans le projet de loi C-18 confirment la capacité des agriculteurs de conserver les graines produites dans leur exploitation, de les nettoyer, de les conditionner et de les entreposer afin de s'en servir comme semences dans leurs propres exploitations. Ce que l'on appelle le privilège accordé aux agriculteurs dans la marge est une dérogation accordée aux agriculteurs par rapport aux droits des sélectionneurs, dérogation qui est prévue clairement dans la loi et ne peut être retirée sans modification de celle-ci.

Quatrièmement, les grandes sociétés semencières ne seront pas les seules à profiter de la mise à jour des droits des sélectionneurs. En fait, 50 p. 100 de toutes les variétés de semences protégées sont le fruit du travail d'établissements publics.

J'espère que ces points répondront à certaines de vos questions sur les amendements proposés aux droits des sélectionneurs. À titre de conclusion, au nom des 20 organisations qui constituent la Partners in Innovation Coalition, je vous remercie de m'avoir écouté aujourd'hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président suppléant : Merci beaucoup, monsieur Jones.

Monsieur Van Akum, c'est à votre tour.

Henry Van Akum, président, Grain Farmers of Ontario : Merci beaucoup de m'avoir donné la possibilité de vous parler des amendements proposés contenus dans le projet de loi C-18.

Je m'appelle Henry Van Akum. Je suis producteur de maïs, de soja et de blé de l'Ontario, et je suis également le président de Grain Farmers of Ontario. Nous représentons plus de 28 000 producteurs de céréales en Ontario.

Mon organisation est également membre de la Partners in Innovation Coalition, et nous sommes tout à fait en faveur des amendements proposés. Nous croyons qu'ils apporteront de grands avantages à long terme aux agriculteurs du Canada.

Nous devons pouvoir utiliser des variétés récentes et améliorées afin d'être concurrentiels au Canada et à l'étranger. La mise à jour de la Loi sur la protection des obtentions végétales attirera des investissements et permettra la création de nouvelles variétés qui seront produites par des sélectionneurs ici au pays et à l'étranger. On a déjà constaté ce phénomène lorsque le Canada a commencé à protéger les droits des sélectionneurs au début des années 1990.

À l'époque, le secteur des légumineuses a pu alors mettre la main sur de nouvelles variétés. Or, 89 p. 100 de ces nouvelles variétés avaient été créées à l'extérieur du Canada. De plus, les sélectionneurs céréaliers du gouvernement du Canada ont constaté une hausse considérable des revenus qu'ils ont perçus des nouvelles variétés et les rendements céréaliers ont grimpé de 11 à 22 p. 100.

Les oléagineux représentaient 61 p. 100 des demandes de protection des obtentions végétales. Les investissements dans la recherche ont triplé pendant les 10 années qui ont suivi la mise en application de la protection des obtentions végétales et les surfaces de production ont progressé de 70 p. 100. Mais au fur et à mesure que le Canada a commencé à accuser un retard par rapport aux autres pays, nous avons encore une fois perdu la possibilité d'obtenir le germoplasme et les variétés mises au point à l'étranger.

L'Association européenne de semences a indiqué dans une lettre au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire que les sociétés européennes ne vendraient pas de variétés au Canada parce que notre loi en la matière n'était pas conforme à la convention internationale de 1991. Certaines sociétés semencières se voyaient refuser des variétés qu'elles souhaitaient évaluer au Canada, et les grandes sociétés de sélection végétale ont choisi d'investir ailleurs plutôt qu'au Canada.

Les amendements proposés encourageront tous les sélectionneurs, les petits et les grands, du secteur public et du secteur privé, canadiens et étrangers, à investir dans la création de nouvelles variétés végétales pour le compte des agriculteurs canadiens. Sachez que 50 p. 100 des droits des sélectionneurs végétaux sont accordés aux acteurs publics, comme Agriculture et Agroalimentaire Canada, les gouvernements provinciaux et les universités.

Je vous rappelle que les droits des sélectionneurs ne constituent pas en soi des brevets. Au contraire des brevets, les droits dont jouissent les sélectionneurs les obligent à rendre leurs variétés protégées disponibles à d'autres sélectionneurs à des fins de recherche et de création de nouvelles variétés.

De plus, au contraire des brevets, les amendements proposés aux droits des sélectionneurs par le Canada feront en sorte que les agriculteurs pourront conserver les graines produites afin de s'en servir comme semences dans leurs propres exploitations. La loi actuelle est muette sur cette pratique qui consiste à conserver des graines de variétés protégées pour s'en servir comme semences. Le projet de loi prévoit clairement cette pratique. Il indique que les agriculteurs n'ont pas besoin d'obtenir la permission du sélectionneur pour produire, reproduire et conditionner les graines de variétés protégées afin de s'en servir comme semences dans leurs propres exploitations. Puisque cette possibilité est prévue dans le projet de loi, on ne pourra l'enlever sans modifier la loi, et quant à moi, c'est une bonne garantie.

À mon avis, l'un des aspects les plus importants de ce projet de loi, c'est qu'il contribue à créer les conditions qui permettront de stimuler et de favoriser l'innovation et le perfectionnement génétique des cultures ici au Canada, car au cours des dernières années, les rendements et la croissance potentielle n'ont pas progressé. Grâce aux conditions économiques qui permettent d'obtenir des améliorations de rendement ainsi que des traits agronomiques et une résistance à la maladie, les agriculteurs canadiens verront les avantages concrets des amendements proposés.

Mon association, Grain Farmers of Ontario ainsi que moi-même, producteur de maïs, de soja et de blé, sommes en faveur de la conformité à la convention internationale de 1991 et nous vous remercions de vos efforts continus dans ce sens. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président suppléant : Merci beaucoup, monsieur Van Akum.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à M. Van Akum. Vous êtes producteur de semences. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de la compagnie Monsanto, au Brésil, qui avait commercialisé une variété de soja autoprotectrice qui pouvait se protéger contre les insectes nuisibles. Par contre, lors de la commercialisation de cette variété de plantes, des redevances très élevées étaient prélevées. Les agriculteurs brésiliens ont alors préféré acheter leur propre insecticide pour protéger leurs cultures.

Est-ce que des problèmes semblables sont survenus, au Canada, dans le cas de nouvelles variétés de semences? Si oui, comment le problème des prélèvements élevés de redevances aurait-il pu être évité? Évidemment, là, c'est Monsanto qui l'a fait.

[Traduction]

M. Van Akum : J'ai suivi ce que vous venez de décrire au Brésil, mais je ne peux vous répondre qu'à partir de mes expériences ici au Canada. C'est sûr que grâce à la liberté et aux privilèges dont je jouis comme agriculteur au Canada, je suis libre de choisir les semences que je veux pour mon exploitation. Nous avons profité des investissements privés considérables et de la création de nouvelles technologies, notamment pour ce qui est du maïs et du soja. Des traits biotechnologiques ont été ajoutés aux semences et les agriculteurs sont nombreux à les acheter.

En tant qu'agriculteur, j'analyse moi-même chacun de mes investissements pour savoir quel en sera le résultat sur la stabilité économique de mon exploitation. J'ai fait le choix de semer des variétés qui ont des redevances et des frais liés à la semence. Mais, au final, mes revenus sont nettement supérieurs grâce au rendement de ces semences.

Pour ce qui est de moi et de nombreux autres agriculteurs au Canada, nous avons adopté ces technologies et nous les avons trouvées très rentables.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Jones, madame Ross Burtnack, avez-vous quelque chose à ajouter au sujet des redevances sur les variétés de semences? Non? Merci.

[Traduction]

La sénatrice Tardif : Merci d'être venus aujourd'hui.

Vous êtes tous membres de la Partners in Innovation Coalition. En écoutant vos déclarations, j'ai clairement compris que vous êtes en faveur des amendements proposés à la Loi sur la protection des obtentions végétales et des normes prévues par la convention internationale de 1991.

J'ai déjà posé cette question, mais avez-vous des préoccupations quant à la réglementation, car le gouvernement pourrait prendre des décrets qui permettraient au ministre de prévoir un règlement qui changerait alors la nature du privilège de l'agriculteur?

M. Van Akum : Nous n'y voyons aucune raison de nous préoccuper. Le privilège de l'agriculteur, tel qu'il est décrit dans le projet de loi, sera d'autant plus confirmé, car autrefois la loi était muette à ce sujet.

Nous sommes tout à fait à l'aise avec l'environnement qui sera ainsi créé. Nous avons hâte que les agriculteurs du Canada puissent profiter des nouvelles variétés.

La sénatrice Tardif : De plus, il s'agit d'incorporation par renvoi, ce qui permet au ministre d'incorporer des dispositions provenant même de tierces parties, c'est-à-dire des dispositions qui n'ont pas fait l'objet des délibérations d'un comité et n'ont pas été soumises au Parlement à des fins de débat. Est-ce que ce scénario vous inquiète, c'est-à-dire qu'on puisse apporter de tels changements? Il s'agirait de dispositions provenant de tierces parties, de références, de documents externes, même de source étrangère, qui pourraient être incorporés pour modifier la loi en vigueur?

M. Van Akum : Notre étude du projet de loi n'a pas soulevé ces préoccupations.

La sénatrice Tardif : Il reviendrait alors aux agriculteurs de se tenir au courant de ces changements, car vous n'en seriez pas forcément informés si vous vous fiiez aux sources publiques. Comment souhaitez-vous que le gouvernement procède et vous fasse participer au dialogue?

M. Jones : Je crois que si le gouvernement voulait apporter des changements, il devrait obtenir l'approbation des groupes de producteurs concernés, qui y donneraient alors leur accord.

La sénatrice Tardif : Lorsqu'on vous a consulté, des promesses ont-elles été faites? Avez-vous reçu certaines promesses?

M. Jones : Pas à ma connaissance.

La sénatrice Tardif : Vous n'avez donc pas reçu de promesses quant à des consultations? Non? D'accord.

J'ai une question pour Mme Burtnack de la Canadian Association of Agri-Retailers. Vous avez indiqué dans le dernier paragraphe de votre exposé que vous étiez préoccupée par les amendements concernant l'enregistrement et les licences, dans l'éventualité où les entreprises seraient obligées de se procurer plusieurs licences. Pourriez-vous nous en dire plus?

Mme Burtnack : Oui, c'était un commentaire général quant à la possibilité que l'on exige l'enregistrement ou des licences dans certains cas prescrits par la loi. Nous nous sommes exprimés en termes généraux, il ne s'agissait pas d'une préoccupation particulière, parce que je ne sais pas à quoi ressemblerait un tel système. Nous demandons cependant au gouvernement que si l'amendement reste tel quel et si on prévoit un tel système, il faudrait alors que les détaillants et toutes les parties concernées fassent partie de la prise de décisions concernant le système et participent à son élaboration. Bon nombre des détaillants que je représente vendent de l'engrais et des semences, et certains vendent des aliments. Il se peut que ces détaillants aient à se procurer plusieurs licences ou encore à s'enregistrer plus d'une fois. Les formulaires à remplir et le barème de droits à appliquer deviennent un fardeau si la même entreprise doit effectuer les mêmes démarches plusieurs fois. Voilà notre préoccupation; la Canadian Association of Agri-Retailers y voit un fardeau possible pour les détaillants, selon la structure du système. Nous voulions tout simplement le mentionner et demander que si un tel système devait voir le jour, nous aimerions participer à son développement.

Le sénateur Plett : J'ai quelques questions. Je vous remercie de votre soutien, mais c'est difficile de poser des questions à des gens qui sont du même avis que nous et qui donnent les mêmes réponses que nous le faisons depuis longtemps. Je vous remercie cependant de votre soutien.

Monsieur Jones, vous nous avez décrit la composition de votre organisation, et je demanderais à Mme Burtnack et à M. Van Akum de faire la même chose.

Mme Burtnack : La Canadian Association of Agri-Retailers est une association nationale. Nous comptons quelque 600 entreprises parmi nos membres. Nous entretenons des rapports avec les employés individuels de ces entreprises également. Sur ces 600 entreprises, quelque 400 sont des détaillants. Environ 150 des entreprises sont des fournisseurs, qui offrent des produits chimiques, des semences, des engrais, des produits agronomiques et des services bancaires et autres aux détaillants. Les entreprises adhèrent à CAAR essentiellement pour pouvoir soutenir les détaillants et réseauter et communiquer avec eux. Environ 50 de nos membres sont des associations sœurs et d'autres groupes avec qui nous collaborons afin de nous assurer que nous aidons les détaillants à être aussi au fait que possible de l'actualité dans notre secteur.

Le sénateur Plett : Merci.

M. Van Akum : Grain Farmers of Ontario est une association provinciale de producteurs qui a l'autorité de prélever des droits auprès des agriculteurs en Ontario sur le maïs, le soja et le blé vendus. Quelque 28 000 agriculteurs de l'Ontario sont membres de notre organisation et payent des droits sur leurs ventes.

Ces agriculteurs de l'Ontario, répartis dans 15 districts provinciaux, élisent 150 délégués. Ces 150 délégués élisent à leur tour 15 administrateurs qui constituent notre conseil. Nos délégués participent activement à l'élaboration de politiques et à la direction de notre organisation. Nous avons donc bien consulté nos délégués dans toute la province avant d'avoir décidé que notre organisation était en faveur du projet de loi.

Le sénateur Plett : Monsieur Van Akum, vous nous avez dit que vous cultivez du maïs, du soja et du blé. Est-ce que le privilège de l'agriculteur s'appliquerait à ces trois cultures?

M. Van Akum : Ce privilège ne s'applique pas vraiment au maïs et au soja, car pour ces deux cultures, j'utilise des variétés modifiées génétiquement. J'ai signé un accord de licence lorsque j'ai acheté les semences de la société indiquant que je ne réutiliserais pas les graines comme semences. Cependant, dans le cas du blé, les variétés que j'utilise ne font pas l'objet d'une telle protection, et je peux réutiliser les graines comme semences.

Le sénateur Plett : Votre situation s'applique-t-elle à tous les producteurs de maïs et de soja, ou est-ce que certains agriculteurs ne signent pas l'accord dont vous nous avez parlé?

M. Van Akum : De tels accords sont très courants. J'estime que 95 p. 100 du maïs et 70 p. 100 du soja produits en Ontario en font l'objet.

Le sénateur Plett : Ma collègue, la sénatrice Tardif, a soulevé une préoccupation quant au gouverneur en conseil et aux décrets. J'ai une première question à vous poser à ce sujet : a-t-on consulté vos organisations pendant le processus? Les organisations ou encore certains agriculteurs ont-ils participé à la rédaction du projet de loi? Est-ce que certaines de vos idées ont été retenues?

M. Jones : Le Conseil canadien de l'horticulture et le Canadian Potato Council militent depuis de nombreuses années pour que ces amendements soient adoptés afin que nous soyons conformes à la convention internationale de 1991. Nos membres en sont certainement en faveur. Nous demandons depuis de nombreuses années que ces amendements soient adoptés. Nous souhaitons vivement que les amendements nécessaires soient adoptés pour que nous soyons conformes à la convention internationale de 1991.

Le sénateur Plett : Madame Burtnack?

Mme Burtnack? Nous n'avons pas vraiment été consultés, mais nous étions au courant. Nous travaillons de près avec l'Association canadienne du commerce des semences, et je sais que cette association a beaucoup participé à la rédaction du texte. Le gouvernement nous a tenus au courant des développements. La rédaction dépasse quelque peu notre mandat, mais c'est clair que nous voulons participer et être au courant. Je dirais que nous avons été informés et également consultés. Notre rôle ne consistait pas forcément à rédiger les amendements, mais nous étions certainement en faveur.

Le sénateur Plett : J'ai posé la question, car le ministre est venu témoigner et il a clairement indiqué que les amendements étaient le fruit d'un processus de consultation. M. Van Akum a déjà répondu à ma question en partie. Vous trois, seriez-vous à l'aise compte tenu des promesses faites par le ministre? Ces promesses s'appliqueraient également aux ministres qui lui succéderont. Êtes-vous plus ou moins à l'aise avec les promesses faites, selon lesquelles des amendements ne seront pas apportés sans consultation?

M. Van Akum : Oui, notre organisation est tout à fait à l'aise. Le Canada a de bons antécédents en ce qui concerne la consultation des parties intéressées avant la prise de décisions.

Je suis le président de notre organisation depuis presque trois ans. Au tout début de mon mandat, nous avons pris rendez-vous avec des représentants du gouvernement pour expliquer notre position vis-à-vis des politiques, et pour encourager le gouvernement à être conforme à la convention internationale de 1991 en ce qui concerne la protection des obtentions végétales. Nous y voyions les avantages possibles, et nous étions également d'avis que ce serait une façon d'accélérer et de stimuler l'innovation dans le domaine de la création des variétés qui pourrait nous aider à lutter contre les maladies ou encore à augmenter les rendements. Nous travaillons sur ce dossier depuis quelque temps déjà et nous avons eu la possibilité de nous exprimer.

Mme Burtnack : Je dirais que le processus que j'ai observé, c'était que l'Association canadienne du commerce des semences a travaillé directement avec le ministre en ce qui concerne la rédaction du libellé et même les premières ébauches de certaines listes de cultures. Le processus a permis une grande participation et il y a eu des échanges fort utiles; le tout a été très positif. Le fait que tout cela se passe en parallèle du processus de publication dans la Gazette et ainsi de suite permet d'accélérer le travail. L'expérience de l'Association canadienne du commerce des semences, en ce qui concerne sa collaboration avec le ministre et le dialogue, était idéale, et si c'est la procédure qui sera suivie à l'avenir, on pourrait s'assurer que les besoins de chaque intervenant sont satisfaits dans la dernière version des amendements.

Le sénateur Plett : Monsieur Jones, si le ministre apportait de façon unilatérale des modifications à la Loi sur la protection des obtentions végétales, le Canada ne respecterait plus la convention internationale de 1991, n'est-ce pas?

M. Jones : Non, les amendements qui sont proposés sont conformes à la convention internationale de 1991, et nous sommes en faveur.

Le sénateur Plett : Admettons que ce projet de loi soit adopté aujourd'hui ou encore la semaine prochaine. Si le ministre voulait de son propre gré apporter certains changements de façon unilatérale, il s'écarterait de toute évidence de la convention internationale de 1991 et le Canada n'y serait plus partie, n'est-ce pas?

M. Jones : C'est exact, et nous ne serions plus conformes aux normes internationales.

La sénatrice Tardif : J'ai une autre question pour donner suite à l'intervention du sénateur Plett sur un changement apporté de façon unilatérale par le ministre et notre conformité à la convention internationale de 1991. Les agriculteurs de certains pays ne jouissent pas du privilège de l'agriculteur, tandis que d'autres pays comme le Canada prévoient un privilège de l'agriculteur modifié. D'autres pays accordent le plein privilège aux agriculteurs. Il y a des variations du type de dérogation prévue dans les diverses lois sur la protection des obtentions végétales. Je tenais à le préciser.

M. Jones : Pour l'instant, la loi est muette quant au privilège de l'agriculteur, donc c'est une démarche positive que de le confirmer dans la loi afin que les agriculteurs puissent conserver les graines et s'en servir comme semences. À l'heure actuelle, ce droit est implicite et n'a pas été précisé.

La sénatrice Tardif : Je comprends bien, mais la loi prévoit également des modifications au moyen d'un décret.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de vos exposés. D'après ce que j'ai entendu, même des derniers témoins, vous êtes enthousiastes à l'égard du projet de loi C-18 et tout le monde souhaite qu'il soit adopté dès que possible. J'ai déjà posé cette question, mais d'après vous, qu'avons-nous perdu en raison du retard? Avez-vous raté certaines possibilités d'innovation ou d'investissement? Pensez-vous que les amendements auraient dû être apportés il y a des années déjà? Qu'avons-nous perdu jusqu'à présent, et que se passerait-il si le projet de loi connaissait un retard quelconque?

M. Van Akum : Je peux répondre à votre question, et je vous en remercie d'ailleurs.

Je crois qu'il est difficile d'évaluer de façon précise quelle sera l'incidence d'un retard. Je pourrais dire cependant qu'avec chaque campagne agricole qui passe sans que nous ayons créé les conditions nécessaires pour faciliter le développement de nouvelles variétés plus performantes, nous risquons des baisses de rendements et des pertes à cause de certaines maladies qui pourraient être contrées grâce aux améliorations génétiques.

On y voit donc le besoin de créer les conditions nécessaires qui faciliteront le développement de nouvelles variétés plus performantes que nous pourrions utiliser dans nos exploitations.

Le sénateur Enverga : Y a-t-il une façon de quantifier ou de chiffrer vos pertes en raison de l'absence de ces conditions?

M. Van Akum : Je peux vous donner la perspective d'un agriculteur en Ontario. Cette année, j'ai consacré 500 acres au blé, et le blé n'est pas ma culture principale. Si j'avais la possibilité de récolter cinq boisseaux de plus par acre, mais je n'étais pas en mesure de le faire parce que la variété ne donnait pas ces rendements, les pertes totaliseraient 25 000 boisseaux de blé à 6 $ le boisseau. C'est beaucoup d'argent.

Le sénateur Enverga : Monsieur Jones?

M. Jones : L'une des grandes pertes, c'est la compétitivité. Je travaille dans le secteur de la pomme de terre. Nous sommes en concurrence directe avec les États-Unis. Comme les États-Unis offrent une protection aux sélectionneurs que nous n'offrons pas, ils peuvent se procurer des variétés européennes plus récentes et améliorées, ce qui n'est pas le cas au Canada. Notre compétitivité en souffre, alors que nous voulons nous trouver sur un pied d'égalité avec d'autres pays.

Mme Burtnack : Oui, je suis d'accord, mais le problème est difficile à quantifier. J'y constate également une perte, mais c'est la perte des occasions. Nous avons raté des occasions d'être concurrentiels, comme l'a dit M. Jones. Si nos concurrents cultivent une variété de plus grande qualité, au rendement plus élevé et ayant une meilleure résistance aux maladies, ou encore une variété qui possède des propriétés uniques et nos concurrents peuvent ainsi s'accaparer d'un marché avant nous, il devient alors difficile pour le Canada d'essayer de se tailler une place sur ce marché si nos concurrents y sont déjà présents depuis un ou trois ans comme fournisseurs. Avec le temps, les occasions sont perdues.

Sur le plan agronomique, il faut également savoir que les traits ajoutés à certaines variétés pour ce qui est de la résistance aux maladies ou aux ravageurs ont tendance à disparaître avec le temps. Au fur et à mesure que les ravageurs deviennent plus résistants, les traits présents dans ces cultures deviennent moins efficaces. Plus on consacre d'années à mettre au point des nouvelles variétés qui résistent bien aux ravageurs, plus on est perdant à cause du rendement des variétés moins efficaces.

Le sénateur Enverga : Nous allons donc rassembler vos témoignages et adopter le projet de loi, avec, espérons-le, l'accord de tous les intervenants. Quel est l'échéancier prévu? Comment pouvez-vous rattraper le temps perdu? Avez-vous un échéancier pour déterminer le temps qu'il vous faudra pour rattraper vos concurrents?

M. Van Akum : En parlant avec certaines sociétés semencières présentes en Ontario, j'ai appris que le fait même de savoir que le Canada pense adopter ces amendements a attiré l'attention des sociétés semencières, qui seront capables de fournir de nouveaux traits plus intéressants dont on pourrait se servir pour créer de meilleures variétés pour les agriculteurs canadiens. Il faudrait donc prévoir une période de cinq à sept ans pour la création de ces variétés, leur mise au point et leur vente aux agriculteurs canadiens. La création et le développement des variétés ne se passent pas du jour au lendemain. À long terme, cependant, il faut absolument pouvoir mettre la main sur le meilleur matériel génétique possible pour créer des variétés.

Le sénateur Enverga : Il faudra donc mettre de cinq à sept années pour se rattraper. Pensez-vous que le gouvernement devrait agir dès qu'une nouvelle convention internationale sur la protection des obtentions végétales est conclue, admettons en 2012 ou en 2015? Sommes-nous trop lents?

M. Van Akum : Il faut toujours guetter les occasions possibles, mais il faut également réfléchir aux changements et à leur incidence.

M. Jones : Dans le secteur de la pomme de terre, nous pourrons bénéficier de nouvelles variétés européennes des Pays-Bas, par exemple, le plus grand obtenteur de variétés de pommes de terre. Viendrait ensuite l'élaboration de variétés adaptées à un climat canadien.

La sénatrice Tardif : Si j'ai bien compris, seules les semences enregistrées peuvent être conservées par les agriculteurs. Pensez-vous que les sociétés semencières pourraient vendre leurs semences librement afin de continuer à prélever les redevances ou d'empêcher d'autres sociétés ou agriculteurs à réutiliser les semences?

M. Jones : Les sociétés peuvent seulement vendre des variétés enregistrées. Si une variété ne figure plus au registre, on ne peut vendre ces semences certifiées. Je ne crois pas que ce scénario se présentera.

Nous avons vu au fil des ans que les variétés ont en fait une courte durée de vie. Les droits des sélectionneurs durent typiquement de quatre à six ans, car il y a un tel renouvellement des variétés, comme dans le cas du blé. La Crop Science Society of America a publié une étude l'année dernière indiquant que la hausse du rendement du blé ne représente que moins de 1 p. 100 par année. Il n'y a aucune volonté d'utiliser les variétés plus anciennes, car le secteur évolue tellement rapidement. Les avantages de l'adoption de nouvelles variétés sont tels que les producteurs n'ont aucune raison de cultiver les variétés plus anciennes.

Mme Burtnack : Je suis du même avis. Je ne connais pas si bien que ça la filière des semences, mais je suis d'accord avec M. Jones pour dire que l'enregistrement est nécessaire et que le retrait du registre serait contre-productif pour les sociétés semencières. Je peux voir comment vous êtes arrivée à cette conclusion, mais ce n'est pas une bonne pratique commerciale que de retirer ces produits du registre. C'est avantageux d'offrir des semences certifiées et de les vendre telles quelles, car ces semences sont accompagnées de certaines garanties et d'attentes pour ce qui est des traits et des qualités, ce qui représente davantage de valeur pour les sociétés.

Le président suppléant : Merci beaucoup, madame Burtnack, qui avez témoigné de Winnipeg.

Je remercie également M. Jones et M. Van Akum d'être venus aujourd'hui.

[Français]

Le président suppléant : Nous reprenons nos travaux. Nous accueillons, par vidéoconférence, du Syndicat national des agriculteurs, M. Terry Boehm, président du Comité du commerce des semences. Nous accueillons également M. Devlin Kuyek, à titre personnel, auteur du livre Main basse sur les semences : brevets et autres menaces à la biodiversité agricole du Canada, ainsi que Mme Diana Bronson, directrice exécutive au Réseau pour une alimentation durable, qui est accompagnée de M. Pat Mooney.

Je cède la parole aux représentants du Réseau pour une alimentation durable.

Diana Bronson, directrice exécutive, Réseau pour une alimentation durable : Merci, monsieur le président, de votre invitation à venir témoigner devant vous aujourd'hui pour vous exprimer notre point de vue.

[Traduction]

Le Réseau pour une alimentation durable est une coalition nationale qui a trois objectifs : éradiquer la faim, promouvoir les aliments sains et sûrs, et établir des systèmes alimentaires durables. Nous souhaitons promouvoir la possibilité d'une politique nationale en matière d'alimentation pour le Canada qui aurait ces trois d'objectifs, c'est-à-dire éradiquer la faim, promouvoir les aliments sains et sûrs et établir des systèmes alimentaires durables pour le bienfait de tous.

C'est l'une de nos organisations membres qui témoignera pour nous aujourd'hui. Le Syndicat national des cultivateurs est membre du Réseau pour une alimentation durable, et M. Pat Mooney, du ETC Group, qui travaille dans le domaine des politiques en matière de semences depuis presque quatre décennies, est un expert international sur la question de la protection des obtentions végétales.

Mon message aujourd'hui est très général. Nous pensons que ce projet de loi constitue une occasion ratée de légiférer dans le domaine agricole et d'orienter la politique alimentaire dans la direction que les Canadiens souhaitent. Je vous fournirai une seule statistique tirée des sondages sur l'opinion publique du ministère de l'Agriculture : 86 p. 100 des Canadiens veulent acheter plus d'aliments produits localement, et pourtant notre politique agricole a comme seul objectif d'accéder aux marchés de l'exportation et d'utiliser davantage de technologie et d'innovation. Nous ne sommes pas contre ces objectifs, mais nous croyons qu'il faut également tenir compte des politiques durables que recherchent les Canadiens.

Sur ce, je vais maintenant céder la parole à Pat Mooney.

Pat Mooney, membre, Réseau pour une alimentation durable : Monsieur le président, merci de m'avoir invité aujourd'hui. J'ai eu un peu le sentiment de déjà-vu en écoutant certains des témoignages plus tôt cet après-midi. J'ai participé aux discussions et à l'élaboration de la loi en 1977, lorsqu'elle a été proposée par le ministre de l'Agriculture de l'époque. Il fut intéressant de constater ce qui a été proposé à ce moment-là, ce qui a été promis et les mises en garde exprimées si nous n'adoptions pas de lois sur la protection des obtentions végétales.

Il convient donc de nous demander ce qui s'est passé depuis. Qu'en est-il des promesses et des mises en garde initiales sur ce qui se passerait si nous n'adoptions pas cette loi? Quelle incidence cela a-t-il aujourd'hui? J'ai entendu les mêmes arguments cet après-midi que ceux que j'ai entendus dans les années 1970 et 1980.

À l'époque, on nous a dit que l'une des grandes préoccupations, c'était que si nous n'avions pas de loi, nous serions des laissés-pour-compte, le secteur public en pâtirait et nous perdrions les investissements étrangers ainsi que les variétés étrangères. Or, ce sont toutes des choses que vous avez entendues aujourd'hui. En fait, je vous dis bien franchement que pas grand-chose a changé.

Certes, il y a eu quelques changements. Il n'y a pas davantage de sociétés semencières qui travaillent avec nous sur le marché, alors qu'en 1977, 7 000 sociétés semencières se consacraient à la sélection végétale commerciale et à la vente de semences, et pas une seule société ne détenait ne serait-ce que 1 p. 100 du marché des semences à l'échelle mondiale. De nos jours, 3 sociétés détiennent 54 p. 100 du marché commercial mondial des semences. Les 10 sociétés les plus importantes occupent 75 p. 100 de ce même marché. Il y a donc eu un rétrécissement énorme du nombre de sociétés qui vendent des semences partout au monde, et non seulement au Canada.

En ce qui concerne les programmes publics d'obtentions végétales, nous avons constaté une baisse importante au Canada et à l'échelle mondiale sur le plan de la mise au point d'obtentions végétales par le secteur public, ce qui est contraire à ce qu'on avait prétendu. Je n'ai pas les plus récentes données pour le Canada, mais des rapports rendus publics il y a quelques semaines aux États-Unis révèlent qu'au cours des 20 dernières années, les programmes publics d'obtentions végétales aux États-Unis ont connu une baisse d'environ 33 p. 100.

Pour ce qui est des variétés qui ont été développées, franchement, les grands obtenteurs se sont concentrés sur une poignée de cultures. Nous ne voyons absolument aucune diversification des espèces. En réalité, l'année passée, le Fonds fiduciaire mondial pour la diversité des cultures, qui est associé à l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, a indiqué que de 1961, année de la signature de la convention de l'UPOV, à 2009, il y a eu en fait un effondrement du nombre de variétés offertes aux populations des pays industrialisés, de l'ordre de 36 p. 100. Il s'est donc encore une fois produit le contraire de ce qui avait été prétendu.

Nous voyons les menaces faites, selon lesquelles en l'absence de ces mesures législatives, nous perdrons l'accès aux variétés d'autres pays. J'aimerais beaucoup voir la liste de ces variétés, car je sais que quand nous nous sommes penchés là-dessus, dans les années 1970 et 1980, dans des entreprises différentes, nous avons généralement constaté, les rares fois où nous avions accès aux listes, que le tiers des variétés énumérées n'était habituellement pas soumises à la protection des obtentions végétales du tout. Elles étaient mortes. Elles ne faisaient plus partie de certifications. Nous avons constaté aussi qu'environ le tiers des variétés énumérées — quand elles étaient sur une liste — étaient réellement accessibles. C'était tout simplement d'autres règlements, d'autres règlements phytosanitaires et d'autres choses qui en rendaient l'accès difficile. Ce n'était pas vraiment à cause des mesures législatives ou d'une protection sous forme de monopole.

En général, ce que nous ne voyons pas, c'est la réalisation des promesses de bienfaits que nous apporterait la protection des obtentions végétales. Ce que nous voyons, ce sont des commentaires généraux sur ce qui est requis, ce qui est espéré, ce que nous voudrions qu'il se produise, mais nous ne voyons aucun de ces bienfaits dans le sillage des mesures législatives ici ou à l'étranger. Je pense que nous devrions évaluer cela plus étroitement que nous ne l'avons fait jusqu'à maintenant.

Nous constatons en fait une réelle uniformité des espèces qui n'existait pas avant dans certains cas. Par exemple, les mesures législatives ont été adoptées aux États-Unis à compter de 1970 parce qu'on se préoccupait de l'helminthosporiose du Sud qui menaçait les récoltes de maïs aux États-Unis et qui y a en réalité causé la dévastation des récoltes de maïs. On nous avait dit que la protection des obtentions végétales aux États-Unis ferait grimper en flèche le travail de sélection du maïs. Eh bien, non. Nous avons trois entreprises qui contrôlent 85 p. 100 du marché du maïs aux États-Unis. Les grands obtenteurs des États-Unis nous disent que les récoltes de maïs sont plus uniformes maintenant qu'en 1970, et que le risque de maladie aujourd'hui est supérieur à ce qu'il était en 1970.

Franchement, quand nous parcourons la liste des promesses et des avertissements, nous ne voyons aucune valeur à ce projet de loi et nous vous recommandons d'y renoncer.

Le président suppléant : Merci beaucoup.

[Français]

Devlin Kuyek, à titre personnel : Bonjour et merci, monsieur le président.

[Traduction]

En plus du livre qui a été mentionné, je suis aussi l'auteur de l'ouvrage Good Crop/Bad Crop, qui demeure, je pense, le seul à consigner l'histoire complète de la politique sur les semences au Canada. Je suis aussi très au fait des débats qui ont eu lieu dans les années 1990 au sujet de la protection des obtentions végétales.

Je travaille également avec une organisation internationale qui se concentre sur les semences et la biodiversité en agriculture. Nous avons analysé de près les incidences de l'application de l'UPOV de 1991 dans d'autres pays.

Je vais limiter mes commentaires aujourd'hui aux aspects du projet de loi C-18 qui portent sur la Loi sur la protection des obtentions végétales.

Je crois qu'il est très évident, malgré tout ce qui a été dit, que l'intention de quiconque cherche à s'orienter vers l'UPOV 91 pour créer le privilège de l'agriculteur est de limiter encore plus la capacité de l'agriculteur de préserver ses semences et sa production, que cela se fasse graduellement ou immédiatement. C'est depuis le début ce qui découle de l'UPOV 91 et du privilège de l'agriculteur. C'est un tremplin vers le brevetage.

Dans le contexte canadien, il est très difficile de comprendre pourquoi on chercherait à donner plus de pouvoirs aux semenciers, et pourquoi on s'efforcerait de limiter une pratique traditionnelle des agriculteurs alors qu'il y a déjà tant d'autres menaces.

En plus de la Loi sur la protection des obtentions végétales de 1990, qui avait déjà beaucoup limité ce que les agriculteurs pouvaient faire avec les semences, il y a les brevets sur les transgènes, comme on l'a déjà mentionné, ce qui fait que bon nombre des semences issues de la biotechnologie qui sont vendues sont des semences brevetées. Les agriculteurs ne peuvent préserver les semences de leurs récoltes. Ils sont aussi menacés si leurs récoltes sont contaminées par les semences transgéniques, car ces récoltes deviennent alors la propriété du détenteur du brevet.

Certains contrats de producteurs comportent des limitations très strictes. L'un des derniers agriculteurs à avoir pris la parole a mentionné certains des contrats de producteurs qui sont maintenant imposés aux agriculteurs et qui les empêchent de préserver les semences. Ils sont maintenant une pratique courante. En Ontario, par exemple, moins du tiers des variétés de maïs offertes seraient vendues sans contrats de producteurs, ce qui empêcherait les agriculteurs de préserver les semences.

Il y en a même pour les cultures sans OGM. La vente de semences dans le cadre du système de préservation de l'identité, lequel est de plus en plus omniprésent, empêche les agriculteurs de conserver les semences.

Les semenciers se concentrent aussi énormément sur la mise au point d'hybrides. Le canola est une variété mise au point par le secteur public et est une spectaculaire histoire de réussite pour les programmes publics de sélection au Canada. Environ 90 p. 100 des variétés disponibles sont maintenant des variétés hybrides, et les agriculteurs ne peuvent en préserver les semences. C'est la même chose avec le maïs et d'autres cultures, dans les cas où les semenciers réussissent à mettre au point des hybrides.

Au Québec, de nombreux agriculteurs estiment que c'est un problème énorme. Ils ne peuvent préserver les semences, car ils ne peuvent obtenir d'assurance-récolte s'ils utilisent les semences qu'ils ont préservées. Les agriculteurs réclament la mise au point de protocoles démontrant la qualité des semences préservées par les agriculteurs, mais cela aussi, c'est bloqué.

Les agriculteurs subissent déjà énormément de pressions et de menaces, puisqu'ils s'exposent à des poursuites s'ils cherchent à préserver des semences, et sont surveillés par des détectives privés.

On justifie de serrer la vis aux agriculteurs et de les empêcher de préserver et de produire des semences par deux grands arguments. L'un est lié à la recherche, au développement et à l'innovation. On se dit que plus on perçoit de redevances, plus l'argent sera canalisé vers la recherche et le développement ou vers la sélection végétale. Je pense qu'on va un peu loin. Encore là, la plupart des entreprises qui percevront des redevances se trouveront à l'extérieur du Canada. Elles ne vont pas faire de sélection végétale au Canada. Il est utopique de croire que cet argent servira à faire de la sélection végétale au Canada. Cet argent peut être consacré à n'importe quelle autre activité qu'une entreprise comme Monsanto pourrait choisir. Quoi qu'il en soit, cela produit l'effet contraire sur la recherche et le développement.

J'ai beaucoup parlé avec des sélectionneurs du secteur public, quand je menais ma recherche, et les sélectionneurs partout dans le monde estiment que ce qui importe le plus pour leurs propres programmes de sélection, c'est l'accès libre et ouvert à d'autre matériel génétique. C'est ce qu'on bloque. C'est la plainte la plus importante, concernant la Loi sur la protection des obtentions végétales — qu'elle entraverait les programmes publics de sélection, puisque ces programmes ne fonctionnent pas grâce à des redevances. Ils s'appuient sur la recherche collective et la diffusion des connaissances, et c'est une démarche progressive selon laquelle chaque sélectionneur travaille avec des variétés mises au point auparavant et y ajoute des éléments, petit à petit. C'est ce que les droits de propriété intellectuelle empêchent, et c'est ce qui est problématique pour les programmes publics de sélection.

Les programmes publics représentent le roc sur lequel repose le système canadien des semences depuis des dizaines d'années, et c'est toujours le cas aujourd'hui. Comme d'autres témoins l'ont signalé, ces programmes publics sont en baisse. Il y a encore des variétés publiques qui sont mises au point, et un très grand nombre de variétés de grande qualité que l'on continue d'employer, mais n'importe quel sélectionneur du secteur public au Canada vous parlera des graves contraintes qui leur sont imposées et des réductions que leurs programmes ont subies. Cela exerce aussi d'énormes pressions sur les agriculteurs qui ont toujours pu compter sur ces variétés publiques et qui les ont multipliées, les ont utilisées dans leurs propres champs, les ont partagées avec leurs voisins et échangées contre d'autres semences. Il y a toujours eu ce solide programme public qui incluait véritablement les agriculteurs, à la base.

Avec ces deux modèles différents, il y a de la recherche et du développement, mais les résultats sont très différents. Pour les grands semenciers qui dominent l'industrie, l'accent a été mis sur les OGM. Ils se concentrent sur l'intégration de caractéristiques qui sont étroitement liées à la vente de leurs produits. Ils font donc même des semences qui produisent leurs propres pesticides, mais ils ne font pas beaucoup de travail fondamental de sélection. Ils ne se penchent pas sur des aspects comme la résistance aux maladies, sur le plan des caractéristiques d'utilisation finale, alors que ce sont des aspects sur lesquels le secteur public se concentre réellement.

Ils ne tiennent pas non plus compte des autres objectifs possibles d'un programme public, comme l'environnement, la façon dont les variétés peuvent soutenir les collectivités rurales et ce que les consommateurs souhaitent.

J'ai une dernière chose à soulever rapidement, si vous me le permettez, monsieur le président. Ce qu'on prétend pour justifier ce projet de loi, c'est qu'il nous permettra d'être conformes à l'UPOV 91. Il est important de souligner qu'il existe divers modèles. Les États-Unis ont des brevets sur les végétaux. L'UE ne permet pas les OGM sur le marché. Le Chili a adopté une loi semblable à l'UPOV 91, puis l'a abrogée devant l'opposition généralisée. Il y a diverses tendances ailleurs dans le monde. Il y a des différences entre les pays.

Ce n'est pas parce qu'une chose fonctionne dans l'UE et aux États-Unis, qui ont des marchés des semences très différents, qu'il faut nécessairement l'appliquer au contexte canadien.

Cependant, ce qui se produit, c'est qu'on cherche à faire adopter un modèle unique. On pousse ce modèle de l'UPOV 91 partout dans le monde, surtout dans le cadre d'accords commerciaux. Souvent, ce sont les pays des plus grosses multinationales qui cherchent à l'imposer, l'UE et les États-Unis en particulier, et ils imposent l'UPOV 91 à des joueurs nettement plus faibles, dans le cadre de tels accords commerciaux. Par exemple, en Afrique, 90 p. 100 des semences sont préservées et mises au point par les agriculteurs. L'Afrique n'a que faire de l'UPOV. L'UPOV ne représente qu'une menace. On cherche à forcer la main de ces pays et à les convaincre d'accepter l'UPOV 91 par l'intermédiaire d'ententes de partenariat économique avec l'Europe.

C'est ce qu'on fait en ce moment : on cherche à forcer la main du Canada. Quant à nos mesures législatives, oui, l'industrie dirait qu'il y a un décalage par rapport à d'autres pays, et c'est la raison pour laquelle je pense qu'on cherche à convaincre le Canada d'adopter l'UPOV 91. Je pense qu'il serait dommage de nous lancer dans une chose qui ne répond pas aux intérêts des Canadiens et d'adopter l'UPOV 91.

[Français]

Le président suppléant : Nous nous excusons auprès de M. Boehm, car nous avons perdu la communication. Étant donné la tempête, je ne crois pas que nous serons en mesure de la retrouver. La première question sera posée par le sénateur Plett.

[Traduction]

Le sénateur Plett : J'espère que nous pourrons rétablir la connexion.

Nous avons entendu un bon nombre de témoins, ces dernières semaines, et c'est la première fois, aujourd'hui, que nous avons des témoins qui n'appuient pas le projet de loi. Et le soutien des autres témoins n'était pas faible. J'ai posé la question encore une fois aujourd'hui. Quelle est votre plus grosse préoccupation? Ce qu'on m'a répondu, c'est « que la loi ne soit pas adoptée assez vite ».

Nous avons entendu des témoins ici et à la Chambre des communes : la Western Barley Growers Association, la Canadian Wheat Growers Association, la Alberta Wheat Commission, Canterra Seeds, l'Association canadienne du commerce des semences, Keystone Agricultural Producers, la Prairie Oat Growers Association, Partenaires en innovation, les Producteurs de grains du Canada, le Conseil canadien de la pomme de terre et la Fédération canadienne de l'agriculture. Le président de Céréales Canada a témoigné, de même que les Grain Farmers of Ontario. Mark Eyking, le porte-parole libéral en matière d'agriculture, dit que le projet de loi semble excellent et qu'il peut en appuyer beaucoup d'aspects.

C'est tout le monde, partout — les agriculteurs, les gens d'affaires, les semenciers. Canterra Seeds était ici, tout à l'heure. Je ne sais pas si vous étiez ici et si vous l'avez écoutée. Il y a eu beaucoup de commentaires, dans les dernières minutes, et j'ai lu le mémoire du Syndicat national des cultivateurs. J'espérais pouvoir interroger M. Boehm sur certains de ses commentaires. J'ai lu quelque chose qui mentionnait essentiellement les grandes exploitations agricoles par rapport aux petites fermes familiales, et on disait que les dispositions du projet de loi C-18 et de l'UPOV s'appliquaient également à tous. L'Association canadienne du commerce des semences a témoigné devant le comité de la Chambre des communes et a indiqué que seuls 5 des 100 obtenteurs membres de l'association étaient des multinationales. Nous avons entendu Canterra Seeds — une petite entreprise comptant 27 personnes — et cette entreprise appuie le projet de loi. Ce ne sont donc pas que les multinationales; ce n'est pas que Monsanto. Ils l'appuient.

Le rendement de nos cultures augmente chaque année grâce aux innovations. La Loi sur la protection des obtentions végétales mise là-dessus. Je veux savoir comment vous pouvez expliquer que des agriculteurs soient venus nous dire : « S'il vous plaît, adoptez ce projet de loi; c'est une bonne chose pour nous. »

La réalité, c'est que nous savons que quand vous avez de grandes exploitations agricoles et qu'il y a un problème avec la culture, vous avez un gros problème. Si vous avez 100 acres, ce n'est pas un gros problème. Je suis du Manitoba. C'est la capitale canadienne du porc, et quand une maladie se déclare dans une porcherie, de nos jours, c'est un problème grave à cause de la taille de l'exploitation.

La réalité, c'est que nous voulons suivre le rythme des autres pays. Nous voulons exporter, et nous essayons de poursuivre dans ce domaine. Dans quelques années, nous devrons nourrir encore je ne sais combien de milliards de personnes de plus, et nous devons augmenter nos cultures. Mais nous sommes là à nous inquiéter que les multinationales prennent le contrôle alors que les petits exploitants disent que ce n'est tout simplement pas vrai.

Je sais que j'ai fait bien des commentaires, sans poser beaucoup de questions, mais allez-y, je vous prie, monsieur Mooney.

M. Mooney : Merci, sénateur.

Je suis aussi du Manitoba, et je pense que le nombre d'associations de l'industrie qui parlent de cela importe peu. La réalité, c'est qu'encore une fois, ces entreprises ont 54 p. 100 du marché mondial des semences commerciales. La réalité demeure que, si vous regardez les intrants agricoles en général — et c'est pourquoi vous obtenez les témoignages de CropLife et de l'industrie des fertilisants aussi —, six entreprises représentent collectivement 75 p. 100 de toute la recherche qui se fait.

Le sénateur Plett : Dites-moi ce qu'il y a de mal avec cela — pas qu'elles ont cela. Dites-moi ce qu'il y a de mal à ce que nous ayons cela. Est-ce que cela vous complique la vie? Est-ce qu'il y aura par conséquent moins de nourriture sur ma table et sur celle du Canadien moyen à cause de cela?

M. Mooney : Oui. Je pense que nous voyons une baisse de l'innovation. Quand il y a un oligopole sur le marché, il n'y a pas beaucoup d'innovation. Rien ne motive à l'innovation. Tout motive à faire de la publicité.

Le sénateur Plett : Mais les rendements augmentent chaque année.

M. Mooney : Ils augmentent très lentement, en réalité. Ce ne sont pas des augmentations importantes. Nous obtenons 1 p. 100 de blé par année, ce qui n'est pas beaucoup. Les agriculteurs à eux seuls, en Afrique, obtiendront une augmentation du rendement de près de 1 p. 100 simplement en préservant leurs semences et en les semant de nouveau, en les adaptant et en choisissant les meilleures semences chaque année. Ce n'est pas impressionnant. Vous entendez beaucoup de platitudes sur qui innovera et comment, ce qui laisse présumer généralement que la protection des obtentions végétales ou de la propriété intellectuelle sera bénéfique. On ne vous donne pas les données qui disent réellement ce qui en ressort. Que tirons-nous de cela, exactement? Nous obtenons de meilleures augmentations du rendement dans le secteur public, par exemple, par l'intermédiaire du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale. Les rendements obtenus sont nettement supérieurs à ceux dont on nous a parlé aujourd'hui.

Le sénateur Plett : Mon père a fait un peu d'agriculture. Mon grand-père en avait fait un peu plus — de petites fermes — et ils obtenaient de 10 à 15 boisseaux l'acre. Maintenant, monsieur, je ne cherche pas à deviner votre âge, mais à voir la couleur de vos cheveux, vous et moi sommes peut-être proches en âge. De 15 boisseaux l'acre, la production est passée à 70 ou 80 boisseaux l'acre. Ce n'est pas 1 p. 100.

M. Mooney : Et ce n'est pas non plus grâce à la protection des obtentions végétales; c'était avant l'adoption de la loi. La montée en flèche des rendements s'est produite dans les années 1960 et 1970, et même vers la fin des années 1950, avant qu'on adopte quelque loi que ce soit au Canada ou aux États-Unis.

Le sénateur Plett : Mais la protection des obtentions végétales ne va pas empêcher les rendements d'augmenter. Vous dites qu'elle ne va pas améliorer les rendements, mais elle ne va pas les freiner.

M. Mooney : Nous n'avons plus les augmentations de rendement que nous avions, et nous constatons une plus grande uniformité des cultures qu'avant, comme je l'ai signalé avec le maïs.

Le président suppléant : Monsieur Mooney, sénateur Plett. Sénateur Plett, des questions brèves, je vous prie.

Le sénateur Plett : Oui, c'est un débat. Je le sais, monsieur le président.

Le président suppléant : Monsieur Mooney, des réponses brèves, je vous prie. Pas de débat. C'est d'accord?

Le sénateur Plett : Je vous sais gré de cela, monsieur le président. Toutes mes excuses.

M. Mooney : Je vous fais mes excuses aussi.

Le sénateur Plett : Je vais essayer de me maîtriser. Je vais simplement terminer en disant ceci : les agriculteurs et les producteurs agricoles de notre pays soutiennent ce projet de loi, et je crois qu'en tant que gouvernement, il nous incombe de faire ce que les Canadiens veulent que nous fassions. Je ne vois pas d'efforts de la part des Canadiens pour nous empêcher d'adopter le projet de loi C-18. C'est le contraire que je vois.

[Français]

Le président suppléant : Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Kuyek?

M. Kuyek : Oui, s'il vous plaît.

Le président suppléant : Allez-y, monsieur.

[Traduction]

M. Kuyek : J'aimerais simplement dire que le Syndicat national des cultivateurs n'a pu faire son exposé aujourd'hui, mais que je connais la position de M. Boehm et de son syndicat. Ils sont fermement opposés au projet de loi C-18, en particulier aux dispositions relatives à la Loi sur la protection des obtentions végétales. Vous avez un mémoire qui énonce en détail leur critique, alors vous avez des membres de la communauté agricole qui s'opposent au projet de loi.

J'aimerais aussi mentionner que...

Le sénateur Plett : J'aimerais maintenant poser une question.

[Français]

Le président suppléant : Monsieur Kuyek, si le Syndicat national des cultivateurs veut se faire entendre, il devra nous faire parvenir un mémoire sur sa position. On me dit que nous l'avons reçu et que les sénateurs en ont pris connaissance. Alors, ce soir, c'est de votre point de vue que nous aimerions surtout entendre parler.

[Traduction]

M. Kuyek : J'ajouterai une petite chose. Je disais qu'une organisation agricole a émis une critique, et je voulais aussi dire que je pense qu'il y a une différence entre des entreprises qui multiplient des semences ou produisent des semences généalogiques et des entreprises qui font de la sélection végétale comme telle. Je pense que ce que nous disons généralement, c'est que nous allons constater une baisse de la sélection végétale au Canada. Cela ne signifie pas nécessairement que vous allez voir une baisse du nombre de semenciers. Ce sont deux choses différentes. Je pense qu'il faudrait principalement encourager la sélection végétale au Canada.

La sénatrice Tardif : Je vous remercie de votre présence. Votre perspective est certainement très différente de ce que nous avons entendu de la part des autres témoins. Vous présentez un point de vue complètement différent en disant du projet de loi C-18 qu'il est une réelle source de préoccupations.

Monsieur Kuyek, vous avez dit que les semenciers utilisent de plus en plus les contrats. De plus en plus de semenciers au Canada vendent leurs semences exclusivement dans le cadre de contrats avec les agriculteurs. Comment est-ce problématique, d'après vous?

M. Kuyek : Quand le nombre de variétés disponibles hors contrat diminue et que les contrats que les agriculteurs sont forcés de signer pour avoir accès aux variétés qu'ils achètent les empêchent de préserver des semences, vous forcez les agriculteurs, premièrement, à payer davantage chaque année, et vous compromettez la tradition de longue date de préservation des semences. Vous minez donc ce dont le gouvernement dit se préoccuper, soit le privilège des agriculteurs. Les contrats détruisent cela automatiquement. De plus en plus, les entreprises qui font de la sélection végétale dans le secteur privé veulent pour la plupart faire signer des contrats chaque fois qu'elles vendent des semences.

La sénatrice Tardif : Monsieur Mooney, vous avez dit que le nombre de variétés de semences diminue — qu'il a diminué. Pourriez-vous nous expliquer cela et nous dire pourquoi?

M. Mooney : Si c'est ce que j'ai dit, je me suis mal exprimé. Ce n'est pas le nombre de variétés; la qualité des variétés diminue légèrement, à n'en pas douter, et leur nombre n'augmente pas au même rythme qu'avant. En réalité, le nombre de cultures sélectionnées est en baisse. Nous constatons une forte concentration pour une poignée de cultures, dans les grandes entreprises. Quarante-cinq pour cent de toute la recherche en agriculture réalisée dans le secteur privé à l'échelle mondiale porte sur une culture : le maïs. C'est là que toute l'attention se porte. Souvent, elles disent être des entreprises de maïs, et elles font un peu d'autres choses aussi. Il y a donc une réelle concentration pour très peu de cultures.

Il y a aussi une grande uniformité génétique des variétés sur le marché. Trois entreprises — Monsanto, Syngenta et DuPont Pioneer — comblent 85 p. 100 du marché du maïs, par exemple, et il n'y a vraiment pas de variation génétique entre les variétés. C'est le même matériel génétique qui est sans cesse utilisé, ce qui se traduit par une grande vulnérabilité à la maladie.

La sénatrice Tardif : Vous avez dit quelque chose que je n'ai pas très bien compris à propos du matériel génétique. Vous avez dit que le projet de loi C-18 aurait pour effet de faire disparaître l'accès libre et ouvert au matériel génétique.

M. Mooney : Les entreprises rendent leur matériel génétique beaucoup plus privé. Avant les mesures législatives sur les droits de propriété intellectuelle, il y a eu une époque où le matériel génétique circulait assez librement entre le secteur public et le secteur privé — et il y avait beaucoup plus d'activité dans le secteur public, bien sûr. Maintenant, le protectionnisme s'installe; les entreprises ne veulent pas divulguer le matériel avec lequel elles travaillent et elles rendent difficile l'accès à cette information.

M. Kuyek : Des sélectionneurs de végétaux du secteur public m'ont souvent dit qu'ils avaient l'habitude de discuter avec d'autres sélectionneurs de leurs travaux, de leurs variétés, de leur matériel génétique — c'était donnant-donnant —, mais que maintenant, la haute direction leur donne comme directive d'être en règle sur le plan de leurs droits de propriété intellectuelle, avant de songer à divulguer de l'information. Ils avaient de la difficulté à obtenir du matériel génétique d'autres sélectionneurs qui voulaient assurer la protection de leurs propres droits de propriété intellectuelle. Cela entrave nettement la culture de partage entre sélectionneurs, et ils en sentent vraiment les effets.

La sénatrice Tardif : Craignez-vous que le projet de loi C-18 encourage moins les sélectionneurs du secteur public à soutenir la recherche et l'infrastructure?

M. Kuyek : Absolument. Je pense que c'est là l'intention. Je crois que le soutien accordé au secteur privé l'a été au détriment du secteur public. Il y a une forte baisse, depuis 1990. Quand le gouvernement a adopté la Loi sur la protection des obtentions végétales, en 1990, il a promis qu'il n'y aurait pas de baisse du soutien au secteur public, et cela était un facteur essentiel pour obtenir l'appui des agriculteurs alors. Ce n'est pas ce qui s'est produit.

Il y a une contradiction entre la sélection dans le secteur public et la sélection dans le secteur privé. Le secteur public offre des variétés à faible coût que les agriculteurs peuvent utiliser librement, et les coûts demeurent bas. Les entreprises du secteur privé offrent des variétés sur lesquelles elles veulent obtenir des redevances. Elles ne veulent donc pas que les agriculteurs préservent les semences, ce qui est nettement plus coûteux pour les agriculteurs. Il faut une solution de rechange à faible coût — cela a été dit pendant les discussions sur la Loi sur la protection des obtentions végétales de 1990, et les agriculteurs ont été très clairs à ce sujet. Ils ont dit que, pour que le secteur public demeure fort, il ne peut y avoir de secteur privé. Je crois qu'il en est ainsi pour bien des cultures.

Je pense que ce projet de loi a pour but d'accélérer la poursuite du déclin du secteur public et de passer plus de choses au secteur privé. Comme M. Mooney l'a souligné, le secteur privé n'est contrôlé que par un petit nombre d'entreprises qui font la sélection des végétaux, et leurs intérêts ne correspondent pas nécessairement à ceux du public canadien. Ils ont des objectifs bien précis qui sont surtout liés à la vente de leurs pesticides.

M. Mooney : Il manque cruellement de données au Canada sur ce qui s'est produit dans le sillage de la loi, alors je suis obligé de m'adresser à d'autres pays.

Pour vous donner un exemple des coûts, en 1977, quand Eugene Whelan a pour la première fois proposé le projet de loi, selon la règle générale, il était possible de mettre au point une nouvelle lignée de blé pour environ 1 million de dollars au maximum — pas plus que cela — et vous aviez toute une série, une succession de variétés sur le marché. Aujourd'hui, d'après l'USDA, il faut environ 136 millions de dollars pour créer une nouvelle variété végétale, modifiée génétiquement. Environ 20 millions de cela sont liés à la réglementation, et il en coûte plus de 100 millions pour réaliser cela. Mais nous ne voyons quand même pas d'augmentation des rendements, ou des bienfaits. Tout ce que nous voyons, ce sont des coûts bien plus élevés pour les agriculteurs.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je voudrais aborder avec vous le Programme de paiement anticipé. On sait que le projet de loi C-18 va modifier ce programme. L'une des façons de le faire sera en élargissant la variété de produits agricoles admissibles. Il va ensuite clarifier la définition de « producteur admissible », ce qui est une bonne chose. Il va également moderniser les exigences du Programme de paiement anticipé; encore une fois, ce n'est pas mauvais. Le projet de loi tentera par la suite d'améliorer l'accès au programme. Finalement, il réduira la lourdeur administrative, ce qui est aussi un élément positif.

J'aimerais entendre vos commentaires sur les changements proposés dans le projet de loi. Selon vous, quelle incidence auront-ils sur les agriculteurs et sur les institutions financières?

Le président suppléant : On a pu rétablir la communication avec M. Boehm; nous allons lui donner la chance de faire sa présentation et vous pourrez répondre à la question du sénateur Dagenais par la suite. Merci.

[Traduction]

Terry Boehm, président, Comité du commerce des semences, Syndicat national des cultivateurs : Je suis Terry Boehm. Je suis un céréaliculteur depuis mes débuts. Je produis des céréales et des oléagineux au sud-ouest de Saskatoon, sur mon exploitation agricole de 4 000 acres.

Les semences sont d'une très grande importance pour moi, ainsi que pour les membres de notre organisation, le Syndicat national des cultivateurs — le plus grand organisme agricole à participation volontaire au Canada. Les gens ont réellement choisi d'y adhérer.

Diverses organisations comparaissent devant le comité du Sénat et affirment représenter de très nombreux agriculteurs de toutes sortes — des producteurs de canola, et cetera. Je produis du canola, du lin, du blé, des lentilles, de la moutarde, de l'orge, du seigle — toutes sortes de cultures.

J'aimerais dire que de nombreux agriculteurs, dont je suis, estiment ne pas être bien représentés par ces organisations qui ont parlé en faveur de l'amélioration de la protection des obtentions végétales, de l'UPOV 91, et qu'elles ne représentent pas les points de vue d'une partie importante des agriculteurs, malgré ce qu'elles affirment.

Depuis longtemps, les agriculteurs canadiens et les gouvernements conçoivent des institutions afin de rééquilibrer le pouvoir. Les agriculteurs se sont battus contre les compagnies de chemin de fer et les entreprises céréalières. Nous avons la Loi sur les grains du Canada, la Commission canadienne des grains, la gestion de l'offre, la Commission canadienne du blé qui offre un guichet unique, les coopératives de blé et toute une gamme d'autres mécanismes qui rééquilibrent le pouvoir et réduisent l'exploitation des agriculteurs. C'est parce qu'on a reconnu qu'il était important de rééquilibrer le pouvoir, non seulement pour les agriculteurs, mais aussi pour l'économie du pays dans son ensemble.

En ce moment, avec cette loi, les semences seront enlevées aux agriculteurs et aux citoyens à cause d'une série de droits exclusifs accordés aux sélectionneurs de végétaux, et c'est bien sûr pour produire et reproduire du matériel de multiplication, pour conditionner, vendre, importer, exporter et utiliser à répétition du matériel de propagation, pour l'entreposer et pour autoriser conditionnellement ou inconditionnellement de tels actes. N'importe qui peut comprendre qu'il s'agit du contrôle total sur les semences.

Mais il y a plus pour les sélectionneurs de végétaux. Ils ont le droit de percevoir des redevances à n'importe quel point dans le système des semences et le système alimentaire. Personne n'a de droits en cascade si aucune redevance n'est perçue au moment de la vente des semences. Bien entendu, il devient alors possible de percevoir des redevances de fin de chaîne sur la récolte entière de l'agriculteur. Les sélectionneurs de végétaux ont maintenant la possibilité de détenir des brevets et de bénéficier de la protection des obtentions végétales pour la même variété, ainsi qu'une protection à plus long terme.

L'un des gains importants de ce projet de loi réside dans le concept de la variété « essentiellement dérivée », selon lequel le titulaire d'une vieille variété peut soutenir qu'une nouvelle variété est essentiellement dérivée de la vieille et revendiquer des droits sur la nouvelle variété — les droits exclusifs que j'ai mentionnés tout à l'heure. Bien entendu, le critère déterminant qu'une variété est « essentiellement dérivée » est un peu flou, mais nous nous attendons à ce que cela soit résolu en cour, dans le sillage de batailles sans fin devant les tribunaux, entre autres.

Qu'est-ce que les agriculteurs et les citoyens obtiennent? Le privilège de préserver et de réutiliser des semences sur leurs propres terres et de conditionner ces semences. Il y a eu une discussion sur l'entreposage. Le Syndicat national des cultivateurs a soulevé avec vigueur le problème de l'entreposage. Si vous ne pouvez entreposer des semences, comment pouvez-vous exercer le privilège des agriculteurs ou conserver des semences? Le problème, c'est que même avec la modification de la loi, le droit exclusif d'entreposer des semences appartient toujours, selon l'article 5,1, aux sélectionneurs de végétaux. Nous croyons donc que lorsque les choses se corseront, les agriculteurs devront encore mener de coûteuses batailles juridiques contre les grands conglomérats de sélection végétale.

Le ministre a comparu devant le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes et a admis que le privilège des agriculteurs pourrait être retiré ou modifié en tout temps par une modification réglementaire. Encore là, nous ne voyons pas comment le privilège des agriculteurs peut être garanti dans de telles circonstances.

Toute la question des droits est inversée. Le sélectionneur obtient une longue liste de droits exclusifs, et l'agriculteur obtient un privilège, lequel est conditionnel et pourrait être révoqué. En plus de l'UPOV, notre commissaire des obtentions végétales a déclaré dans une présentation récente que le privilège des agriculteurs devrait faire l'objet de limites raisonnables, qui pourraient porter sur le volume des semences détenues, le type de variété, le nombre de cycles de reproduction, la rémunération, la proportion du matériel récolté, et cetera.

Nous pensons que ce projet de loi ne cherche pas à favoriser l'innovation, mais à accorder de nouveaux outils puissants servant à enlever de la richesse aux agriculteurs en consolidant de plus en plus un groupe d'entreprises qui font de la sélection de végétaux et de la vente de semences.

En ce qui concerne le canola, les entreprises ont utilisé des brevets semblables à bien des égards à ce que donne la protection des obtentions végétales — et en réalité, les droits des sélectionneurs de végétaux dépassent même le pouvoir des brevets, compte tenu en particulier de la liste des droits exclusifs —, et les brevets ont servi à empêcher les agriculteurs de réutiliser les semences sur environ 97 p. 100 des 20 millions d'acres semés l'année passée. Si l'on prend le prix moyen de 11 $ la livre, cela représente environ 1,078 milliards de dollars annuellement en ventes de semences de canola.

L'Association canadienne du commerce des semences, qui représente ceux qui vendent les semences de canola, affirme qu'environ 80 millions de dollars, ou 8 p. 100 ont été réinvestis dans la mise au point de variétés. Nous aimerions bien savoir ce qui fait croire aux agriculteurs ou à d'autres, s'il existe un privilège des agriculteurs fonctionnel selon lequel les agriculteurs peuvent préserver et réutiliser des semences, que les entreprises privées investiraient dans la mise au point de variétés.

Bien entendu, il y a une autre façon d'innover, et c'est de réinvestir dans les programmes publics de sélection de végétaux et de miser sur la coopération des agriculteurs et des sélectionneurs de végétaux. Le Syndicat national des cultivateurs a produit un document intitulé Fundamental Principles of a Farmers Seed Act. On y énumère un certain nombre de choses qui devraient servir de principes de base, concernant les semences, pour le public canadien.

Le président suppléant : Monsieur Boehm, pourriez-vous conclure votre exposé, de sorte que les sénateurs puissent avoir le temps de poser des questions?

M. Boehm : Oui. Je suis prêt à conclure.

De nombreuses organisations sont complaisantes. Elles estiment que c'est juste, pertinent, et que l'argent sera réinvesti. En gros, rien ne nous prouve que la promesse implicite selon laquelle de nombreuses variétés magiques seront mises au point grâce à cette loi se réalisera. Cependant, nous perdrons le contrôle et l'autonomie, et nous devrons compter sur d'autres pour avoir des semences. Au bout du compte, ils contrôleront les semences, le système alimentaire et les gens, grâce à ce système alimentaire.

Je vais m'arrêter là. Nous avons exprimé beaucoup d'autres préoccupations dans notre mémoire concernant des avances de fonds et l'incorporation par renvoi. Nous sommes particulièrement préoccupés par ces éléments, mais aussi par un certain nombre d'autres dispositions dans ce projet de loi omnibus.

Merci de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui.

Le président suppléant : Monsieur Mooney, pourriez-vous répondre au sénateur Dagenais?

M. Mooney : À mon avis, M. Boehm a très bien répondu à la question en parlant de ses préoccupations, que je partage. Bien que le projet de loi contienne certaines clarifications qui peuvent être constructives et utiles, je ferais tout de même valoir qu'un des points qui n'ont pas été mentionnés est le fait de faire passer les monopoles exclusifs de 18 à 20 ans.

Le point dont M. Boehm a parlé concernant « essentiellement dérivée » nous préoccupe beaucoup. Cela veut dire qu'on peut considérablement prolonger la durée de la protection possible d'une variété quand on passe d'une génération à l'autre. Vous verrez une très longue ligne de contrôle.

Je m'inquiète aussi du fait que, même si nous bénéficions de la bonne volonté et des bonnes intentions des ministres d'aujourd'hui, qui disent que certaines choses ne seront pas faites au moyen de l'adoption d'une réglementation, l'UPOV 91 prévoit une certaine flexibilité dans le sens qu'elle permet d'apporter des modifications par voie réglementaire. J'ai entendu des ministres précédents, notamment celui qui a présenté cette loi en 1977, dire qu'ils veilleraient à la protection du programme public d'obtentions, par exemple. À cette époque, il n'y avait pas le privilège des agriculteurs — il y avait les droits des agriculteurs. À l'époque, le ministre a dit que les agriculteurs auraient toujours le droit de conserver et d'échanger des semences. Cela n'est plus le cas. La bonne volonté d'un gouvernement ne veut pas dire qu'il y en aura indéfiniment, et cela m'inquiète aussi.

Le président suppléant : Sénateur Dagenais, avez-vous terminé?

[Français]

Le sénateur Dagenais : Disons que ce n'était peut-être pas la réponse à laquelle je m'attendais.

Le président suppléant : Mais c'est la réponse que vous avez eue.

Le sénateur Dagenais : En tout cas, c'est celle que nous allons prendre.

[Traduction]

La sénatrice Tardif : Je suppose qu'il y a tellement de questions, mais si peu de temps pour les aborder.

Monsieur Boehm, vous avez dit que vous avez des préoccupations concernant l'incorporation par renvoi et, dans votre mémoire, vous avez mentionné que vous avez des préoccupations concernant les évaluations effectuées à l'étranger. Pourriez-vous nous expliquer brièvement pourquoi ces dispositions vous inquiètent?

M. Boehm : À notre avis, les dispositions relatives à l'incorporation par renvoi constituent une menace considérable à l'endroit de nos capacités scientifiques au Canada, de nos capacités réglementaires et de nos processus démocratiques parce que ces dispositions stipulent que des documents pourraient être incorporés par renvoi, que des modifications pourraient être effectuées et que l'on ne serait plus tenu de publier ces choses dans la Gazette du Canada. Des tierces parties pourraient faire ces choses sans passer par nos organismes de réglementation ou nos gouvernements à cause du fait que les documents étrangers pourront être incorporés.

En ce qui concerne l'utilisation des résultats d'évaluations effectuées à l'étranger, nous craignons que les sociétés feraient une sélection minutieuse des études menées à l'étranger pour choisir celles qui présentent leur produit sous le jour le plus favorable, et que ces études seraient acceptées au Canada au moyen de ces mécanismes sans avoir été vérifiées par nos organismes de réglementation et nos propres chercheurs. Nous sommes donc d'avis que cela minerait réellement nos capacités. Ce projet de loi vise à alléger les formalités transfrontalières au détriment de nos intérêts nationaux et à favoriser les intérêts des sociétés étrangères en étendant leurs marchés pour offrir essentiellement les mêmes produits partout.

[Français]

La sénatrice Tardif : Madame Bronson, quel lien faites-vous entre votre livret intitulé Du pain sur la planche; une politique alimentaire populaire pour le Canada et le projet de loi?

Mme Bronson : Ce livret a été produit à la suite d'une consultation tenue auprès de 3 500 personnes pendant trois ans. Il s'agit d'une véritable consultation démocratique tenue dans toutes sortes de secteurs. Le livret propose une vision alimentaire tout à fait contraire à la vision proposée dans le projet de loi C-18. Il suggère qu'on devrait étudier les questions de l'équité et de la faim de concert avec les questions qui relèvent de la production agricole, des méthodes de production plus durables et des questions de santé. On examine trop souvent ces différents aspects en vase clos.

[Traduction]

On dirait qu'il n'existe aucun lien entre eux; pourtant, ils sont fondamentalement liés. La crise en matière de santé au pays est liée au montant de glucose que les gens consomment. Les taux d'incidence du diabète et les taux d'obésité au pays sont liés au genre de nourriture que nous produisons. Selon nous, la contradiction principale qui est au cœur de l'absence de politique alimentaire au Canada en ce moment, c'est qu'aucun lien n'a été établi entre les deux. Nous sommes témoins du nombre croissant de fusions de sociétés dans le secteur de la vente au détail, tout comme M. Mooney a souligné que c'est le cas dans le secteur des semences. Cela se produit dans le secteur de la viande. Cela se fait dans de nombreux secteurs différents de l'économie alimentaire au moment même où nous assistons à la fragmentation des politiques. Nous avons le ministère de l'Environnement, le ministère de la Santé et le ministère de l'Agriculture, qui ne communiquent pas nécessairement entre eux et qui ne sont pas nécessairement cohérents.

Nous proposons que tous ces ministères, tous les ordres de gouvernement et tous les intervenants — à savoir l'industrie, des agriculteurs, des diététistes, des banques d'alimentation et des centres communautaires — se réunissent pour élaborer une politique alimentaire pour le Canada. Nous proposons aussi que le gouvernement réaffirme le rôle fondamental qu'il doit jouer dans l'élaboration des politiques au pays. À mon avis, voilà ce qui est escamoté dans le projet de loi.

Nous avons entendu parler du déclin des obtentions végétales dans le secteur public et des conséquences du fait que le gouvernement ne travaille pas dans l'intérêt de la population. Nous avons substitué un genre de monde fantaisiste — où nous sommes absolument enchantés par la technologie, l'innovation, les marchés d'exportation et la concurrence — aux valeurs qui sont chères aux Canadiens, à savoir que personne ne devrait souffrir de la faim, que tout le monde devrait avoir accès à des aliments sains, que nos collectivités rurales devraient avoir des économies dynamiques et que les gens devraient pouvoir bien gagner leur vie dans le secteur agricole.

La sénatrice Tardif : Monsieur Kuyek, vous avez écrit un livre sur le sujet de la privatisation de la biodiversité agricole du Canada. Est-ce que les droits de propriété intellectuelle sont la seule façon de stimuler l'innovation?

M. Kuyek : Non, et nous en avons la preuve dans le secteur des semences. Si vous regardez n'importe quel pays au monde, vous verrez qu'on y fait preuve d'innovation et que les innovations ont été introduites bien avant qu'on ait accordé des droits de propriété intellectuelle.

Les droits de propriété intellectuelle remplissent une fonction très simple et très précise, celle de transformer les semences en marchandises. Par conséquent les certificats d'obtention sont une façon de transformer les semences en marchandises, de transformer de ce qui était un bien public en un bien privé pour en tirer des revenus. Cela fonctionne peut-être pour Monsanto, Pioneer et d'autres sociétés productrices de semences, mais ce n'est certainement pas la seule façon d'innover.

Les obtentions végétales dans le secteur public donnent d'excellents résultats au pays. Partout dans le monde, on voit des systèmes de semences d'agriculteurs donnant d'excellents résultats qui répondent aux besoins de leur collectivité et de leur pays. J'essayais de souligner le fait qu'il existe différents modèles d'innovation, et que chacun d'entre eux donne des résultats différents. Les résultats auxquels on peut s'attendre d'un programme public d'obtentions et les résultats auxquels on peut s'attendre d'un programme d'obtentions qui est mené par un agriculteur sont différents de ceux auxquels on peut s'attendre d'un programme d'obtentions qui est entre les mains d'un petit nombre de fabricants de pesticides.

La sénatrice Tardif : Monsieur Boehm, souhaitez-vous dire quelque chose?

M. Boehm : Je vous remercie. À mon avis, M. Kuyek a très bien résumé la question.

Toutefois, ce que nous voyons, c'est que les droits de propriété intellectuelle, dont les certificats d'obtention feront partie, sont renforcés par des accords commerciaux internationaux et des mesures d'application, notamment dans l'AECG, qui font en sorte qu'il est encore plus difficile pour les agriculteurs et les obtenteurs du secteur public de faire des affaires sans craindre de faire l'objet d'un litige. Selon moi, tous ces mécanismes font en sorte que leur situation est encore plus problématique.

Il y a plus d'un siècle, pendant la conférence de Paris de 1888, je crois, il y a eu un grand débat sur la propriété industrielle, donc essentiellement sur la propriété intellectuelle. Les participants sont arrivés à la conclusion que ces mécanismes ne devraient pas être utilisés pour des semences ou des produits d'origine agricole parce que cela mènerait à la monopolisation et au contrôle de l'approvisionnement alimentaire. À mon avis, ils sont arrivés à la bonne conclusion, mais maintenant nous avons perdu le bon sens d'antan et nous nous engageons dans cette voie.

La sénatrice Tardif : Merci.

Le président suppléant : Pour terminer, le sénateur Plett aimerait poser une brève question.

Le sénateur Plett : Non, en fait, il s'agit de plusieurs questions, monsieur le président, parce que M. Boehm n'était pas ici plus tôt. Je crois comprendre que j'ai le droit de lui poser deux ou trois questions, alors c'est ce que je vais faire.

Monsieur Boehm, j'aimerais vous donner l'occasion de parler, étant donné que vous sentez que vous avez été désavantagé pour une partie de votre exposé. Je vais donc vous donner l'occasion de parler des modifications au Programme de paiement anticipé, parce que j'ai lu dans votre mémoire que vous nous recommandez de ne plus permettre aux agriculteurs d'emprunter de l'argent. Il s'agit d'un programme de paiement anticipé, mais j'ai lu dans votre mémoire que :

Ceci n'est pas viable. L'amélioration de l'accès au crédit est une solution de fortune qui ne fera qu'exacerber le problème de la dette quand les taux d'intérêt seront supérieurs à leurs niveaux actuels qui n'ont jamais été aussi bas.

Préconisez-vous que les banques ne devraient plus prêter de l'argent aux agriculteurs non plus? Nous voulons faciliter les choses pour eux, pas les rendre plus difficiles.

M. Boehm : Non, essentiellement, dans cette section de notre mémoire, nous parlons du fait que le nombre d'agriculteurs a considérablement diminué. Il y a un peu plus de 200 000 agriculteurs au Canada, et nous avons une dette d'environ 90 milliards de dollars, qui augmente beaucoup avec le temps. Au cours des trois dernières années, je crois que la dette a augmenté de 10 milliards de dollars.

Ce qui préoccupe le syndicat des agriculteurs depuis longtemps, c'est qu'il est difficile d'attirer des gens au secteur agricole compte tenu du fait que les coûts sont refilés aux agriculteurs, notamment le coût du transport et des semences. Nous considérons que le fait de bonifier le Programme de paiement anticipé sans tenir compte de facteurs comme la taille des exploitations agricoles et le nombre de personnes qui sont encore dans le secteur agricole, entre autres, ne s'attaque pas aux causes fondamentales, notamment à l'augmentation de la dette des exploitations agricoles.

Bien sûr, les exploitations agricoles ont toujours eu recours au crédit, même dans notre pays, mais nous considérons que ce projet de loi va exacerber le problème de l'endettement. À notre avis, nous devrions envisager tous les moyens possibles de réduire le niveau d'endettement des exploitations agricoles au lieu de le dissimuler derrière l'amélioration du Programme de paiement anticipé.

Le sénateur Plett : Vous êtes certainement le premier témoin à avoir recommandé cela. En fait, les agriculteurs nous disent plutôt qu'il serait peut-être bon d'augmenter un peu la limite, certainement pas de la diminuer.

La dernière fois que nous nous sommes vus, vous et moi, vous comparaissiez au sujet d'un autre merveilleux projet de loi, aussi appelé C-18, qui portait sur la Commission du blé. J'ai aussi eu le plaisir de parrainer celui-là. Bien sûr, les agriculteurs de l'Ouest du Canada ne cessent de nous remercier pour ce projet de loi.

À l'époque, je vous ai posé une question, et j'ai posé la même question à tous les témoins d'aujourd'hui. Je vous poserai donc la même question. Je vous avais demandé de nous donner le nombre de membres du Syndicat national des cultivateurs, et vous n'étiez pas en mesure de me répondre. Je me demande si, au cours des dernières années, vous avez eu la possibilité de faire le calcul du nombre de vos membres et si vous pourriez me donner une réponse aujourd'hui.

M. Boehm : Malheureusement, je ne siège plus au conseil d'administration du Syndicat des cultivateurs. Je suis l'ancien président, alors je n'ai plus accès à ces chiffres. Toutefois, je sais que le nombre de membres augmente, tout particulièrement parmi les jeunes agriculteurs d'un bout à l'autre du pays.

Le sénateur Plett : Si je vous disais que vous aviez un peu moins de 200 membres, que diriez-vous?

M. Boehm : Eh bien, nous pourrions nous lancer dans un système d'enchères par écrit, mais...

Le sénateur Plett : Non, j'aimerais que vous me donniez une réponse. Vous étiez le président.

M. Boehm : ...si nous parlions de la Western Canadian Wheat Growers, je pourrais vous donner un nombre précis. Le nombre de membres du SNC est exponentiellement supérieur à celui-là.

Le sénateur Plett : Vous ne témoignez pas à titre personnel, vous témoignez au nom d'une organisation, au nom d'un syndicat. Vous avez des membres.

M. Boehm : C'est exact.

Le sénateur Plett : J'aimerais savoir, puisque vous ne témoignez pas à titre personnel, combien de personnes vous représentez? Aujourd'hui, un témoin nous a dit qu'il représente 1 000 membres. Combien de membres représentez-vous?

M. Boehm : Nous représentons des milliers de membres d'un bout à l'autre du pays.

Le sénateur Plett : Merci, monsieur le président.

Le président suppléant : Merci beaucoup, monsieur Boehm. Je suis désolé pour les problèmes techniques. Ce n'était pas de notre faute.

Merci beaucoup, monsieur Kuyek, monsieur Mooney et madame Bronson pour les renseignements utiles que vous nous avez fournis.

(La séance est levée.)


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