Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 24 - Témoignages du 19 février 2015
OTTAWA, le jeudi 19 février 2015
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour étudier les priorités du secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, chers témoins, bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, et je préside le comité. Je vais maintenant demander aux sénateurs de se présenter.
La sénatrice Merchant : Bonjour et bienvenue. Je m'appelle Pana Merchant, et je viens de la Saskatchewan.
La sénatrice Tardif : Sénatrice Claudette Tardif, de l'Alberta.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Maltais : Bonjour, Ghislain Maltais, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Unger : Bonjour. Je m'appelle Betty Unger, et je viens de l'Alberta.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Bonjour, Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le président : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. Merci aux témoins d'avoir accepté notre invitation à venir présenter leurs opinions, leurs commentaires et leurs recommandations au comité. Le comité poursuit son étude sur les priorités du secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le secteur agricole et agroalimentaire canadien est un élément important de la grande économie du pays. En 2012, il comptait pour un emploi sur huit au Canada et près de 6,7 p. 100 du PIB, et plus de 2,1 millions de personnes travaillaient dans ce secteur. À l'échelle internationale, il comptait pour 3,6 p. 100 des produits agroalimentaires exportés en 2012.
[Français]
En 2012, le Canada s'est classé cinquième parmi les exportateurs de produits agroalimentaires les plus importants au monde.
[Traduction]
Des accords de libre-échange ont été conclus ou sont déjà en vigueur entre le Canada et divers autres pays. Il y a actuellement 10 accords de libre-échange en vigueur, et le Canada en a conclu un avec la République de Corée. Il vient de conclure les négociations avec l'UE, et il négocie en ce moment avec 11 autres pays ou groupes de pays. Plusieurs de ces accords et négociations concernent des activités liées au secteur agricole et agroalimentaire canadien.
Honorables sénateurs, nos témoins de ce matin sont Rod Scarlett, directeur général du Conseil canadien du miel, ainsi que Andrew Morse, gestionnaire, Commerce et protection des végétaux à Flowers Canada Growers.
Le greffier m'a indiqué que M. Scarlett allait présenter un exposé, puis M. Morse, et ensuite les sénateurs leur poseront des questions.
Rod Scarlett, directeur général, Conseil canadien du miel : J'aimerais remercier les sénateurs membres du comité de l'invitation à venir témoigner aujourd'hui, mais aussi pour leur travail concernant les abeilles, au sujet duquel nous attendons ses recommandations.
J'aimerais vous faire un petit compte rendu de la situation de l'industrie. Nous avons des chiffres pour 2014. Le nombre d'apiculteurs a beaucoup augmenté au Canada. Il y en a maintenant 8 777, et ils produisent environ 81 millions de livres de miel, dont la valeur est d'environ 200 millions de dollars. Le nombre de colonies aussi a augmenté en 2014, et il est maintenant de 694 000. De plus, les abeilles jouent un rôle crucial dans le secteur du canola, qui compte pour 7 milliards de dollars, et leur travail de pollinisation a permis de produire des bleuets, des canneberges et d'autres fruits, des fourrages et des légumes d'une valeur à la ferme de 700 millions de dollars.
La Table ronde sur la santé des abeilles passe actuellement en revue les chiffres concernant la contribution de la pollinisation à l'économie, et elle établit également des prévisions relativement à la demande de pollinisation. Il semble toutefois presque assuré que le potentiel de croissance est très élevé dans le secteur apicole.
Il est intéressant de constater que la quantité de miel consommée au pays est presque le double de la quantité que nous exportons. En 2013, le Canada a exporté environ 26 millions de livres de miel, dont 20 millions de livres aux États-Unis. Le Japon venait au second rang et a importé cette année-là environ 5 millions de livres de miel canadien.
Cela m'amène à mon premier sujet de préoccupation en ce qui concerne les marchés internationaux, c'est-à-dire l'étiquetage et la désignation des produits alimentaires génétiquement modifiés en Europe. En 2010-2011, c'était l'Europe qui venait au deuxième rang relativement aux importations de miel en provenance du Canada. Cependant, une série d'événements imprévus ont fait en sorte qu'aucun miel canadien n'a été vendu à l'Europe depuis, sinon très peu.
D'abord, comme la majeure partie du miel produit au Canada est destinée à l'exportation et vient du canola, nous nous sommes retrouvés au milieu du débat sur les OGM en Europe. Les tribunaux ont décidé que le pollen était un élément constitutif du miel, qu'il était génétiquement modifié et qu'il devait être étiqueté en tant qu'OGM. Ensuite, il a fallu que le canola génétiquement modifié soit autorisé pour la consommation humaine, processus qui a pris du temps. En gros, il a fallu cinq ans pour clarifier les choses, mais il y a encore de l'incertitude en ce qui concerne l'étiquetage et le contenu génétiquement modifié intentionnel et non intentionnel. C'est une définition avec laquelle nous avons encore de la difficulté. Nous n'avons pas encore obtenu de précisions à cet égard.
Ce qui vient rendre les choses encore plus troubles, c'est l'arrivée de la luzerne génétiquement modifiée au Canada. Présentement, comme il n'y a pas de marché en Europe pour ce produit, on n'a pas l'intention de le faire autoriser pour la consommation humaine. C'est compréhensible, mais, si des traces d'OGM venaient à être découvertes dans le miel en provenance du Canada, les exportations vers l'Europe seraient compromises indéfiniment.
À l'hiver 2014, de grandes quantités de miel canadien destinées au Japon ont été retenues au port en raison de nouvelles préoccupations relatives à la salubrité et du manque de coordination de la part du gouvernement canadien, pourrait-on dire. La tylosine est un médicament vétérinaire utilisé pour lutter contre la loque américaine résistante chez les abeilles. Essentiellement, ce qui s'est produit, pour l'expliquer de façon simple, c'est que le Japon a récemment ramené sa limite maximale de résidus à zéro pour la tylosine si le pays exportateur n'a pas établi sa propre LMR.
Pour des raisons qu'on ignore, les fonctionnaires canadiens n'ont fait aucun commentaire lorsque l'avis concernant les changements apportés au Japon a été publié. Au Canada, l'ARLA a produit son avis de changement touchant la LMR pour la consommation humaine, mais le processus n'a pas été mené à terme. Nous sommes dans une zone grise : nous n'avons pas de LMR, et celle du Japon est de zéro. Les apiculteurs utilisent cependant la tylosine depuis longtemps.
Le problème est assez complexe, mais les producteurs de miel sont très préoccupés par la possibilité que les pays étrangers continuent de publier leur propre LMR pour les produits alimentaires et que le miel, qui est un produit parmi tant d'autres, soit négligé par les agents de commerce international du Canada, l'ARLA et l'ACIA. Il faut que le gouvernement du Canada intervienne et prête attention à ce problème. Le gouvernement ne devrait pas laisser les producteurs et les exportateurs de miel démêler la myriade de LMR en vigueur à l'échelle internationale.
Les ventes de miel en provenance de la Chine ont augmenté récemment au pays. Comme les membres du comité le savent sans doute, cela soulève des préoccupations importantes en Amérique du Nord, surtout sur le plan de la qualité, mais les prix inquiètent aussi beaucoup les apiculteurs. Il est possible d'acheter du miel chinois pour environ la moitié du prix du miel produit au Canada, et les producteurs chinois ne sont pas soumis aux mêmes exigences relatives à la salubrité des aliments. Ce qui s'est passé récemment a poussé certains membres du secteur apicole à demander la prise de mesures antidumping.
Je vous ai parlé de certaines des préoccupations actuelles de l'industrie concernant le commerce international, mais nous prenons des mesures pour accroître la salubrité et la traçabilité des aliments, depuis un certain temps. Mis à part l'élaboration et la mise en œuvre d'un programme national de biosécurité des abeilles, l'industrie était fière de mettre sur pied l'an dernier le Programme canadien de salubrité, de qualité et de suivi pour l'industrie apicole, le programme CSQSIA. Le document contient des lignes directrices générales en matière de salubrité des aliments pour la production et la transformation primaire du miel brut et des produits du miel connexes. C'est un programme à participation volontaire que le CCM encouragera tous les apiculteurs à suivre. Nous mettons actuellement au point une plate-forme d'information visant à mettre en lumière les points communs entre le programme CSQSIA et les programmes de biosécurité des abeilles. Nous prévoyons la diffuser à l'échelle nationale.
J'aimerais en dernier lieu aborder brièvement la question des améliorations durables des capacités de production de la chaîne d'approvisionnement. Il y a des divergences d'opinions importantes en ce moment pour ce qui est de la façon dont l'industrie devrait envisager l'accroissement de ses capacités de production. La Table ronde sur la santé des abeilles se penche sur certains des éléments liés à la santé des abeilles, par exemple les soins qu'on leur prodigue et leur nutrition, les organismes nuisibles et les pathogènes qui les touchent, l'utilisation de pesticides à l'intérieur et à l'extérieur des ruches, l'environnement et l'entourage. Pour l'instant, les apiculteurs canadiens sont très dépendants des fournisseurs de reines des États-Unis et des fournisseurs d'abeilles en paquets de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie. L'industrie devra continuer de promouvoir les approvisionnements canadiens et d'en créer, ainsi que de chercher à diversifier ses approvisionnements internationaux.
Enfin, la plupart des apiculteurs commerciaux recourent à des travailleurs étrangers temporaires pendant au plus huit mois par année, donc vraiment de façon temporaire. Les travailleurs canadiens ne sont habituellement pas intéressés ou disponibles vu qu'il s'agit d'emplois à court terme. Les modifications apportées au Programme des travailleurs étrangers temporaires, surtout la règle des quatre arrivés, quatre partis, viennent compromettre le succès de nombreuses exploitations commerciales et créent une pression indue sur la chaîne d'approvisionnement.
Là-dessus, je tiens à remercier les membres du comité, et c'est avec plaisir que j'approfondirai ces questions ou d'autres préoccupations avec vous.
Andrew Morse, gestionnaire, Commerce et protection des végétaux, Flowers Canada Growers : Bonjour. Merci de prendre en considération le point de vue du secteur de la floriculture dans le cadre de l'étude très intéressante et importante que vous menez. Je m'appelle Andrew Morse, et je m'occupe de la santé des plantes et du commerce international auprès de Flowers Canada Growers.
Flowers Canada Growers est une association professionnelle nationale représentant les gros producteurs de fleurs coupées, de plantes en pot, de plantes de garniture et de matériel de multiplication. Nous représentons plus de 300 entreprises agricoles familiales à l'échelle du pays. Le secteur de la floriculture contribue grandement à l'agriculture canadienne, avec des ventes à la ferme de 1,4 milliard de dollars. Nous estimons que la floriculture compte pour plus de 3 milliards de dollars dans le PIB du Canada.
Notre secteur emploie également 20 000 personnes, et nos produits agricoles comptent parmi les rares à générer des revenus de taxe de vente provinciale ou de TPS. Le secteur de la floriculture est très diversifié, et il produit des milliers d'espèces florales, de toutes sortes de façons, dans certains cas entravées par d'importants obstacles à la réussite. Dans mon exposé, je vais mettre en lumière certains de ces obstacles en ce qui a trait à l'accès au marché.
À l'heure actuelle, la majeure partie de la production floricole est axée sur les plantes en pot, mais cela n'a pas toujours été le cas. Dans le passé, la production de fleurs coupées comptait pour une importante proportion des activités du secteur. La concurrence accrue livrée par des pays comme la Colombie et l'Équateur a forcé beaucoup de producteurs de fleurs à réorienter leurs activités. La production de plantes en pot a crû énormément parce qu'elle faisait l'objet de plus d'obstacles au commerce international et donc de moins de concurrence à l'échelle nationale et internationale.
La concurrence dans le marché des fleurs coupées s'est accrue encore davantage avec la conclusion de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie, au détriment de nombreux producteurs de plantes ornementales. La concurrence a poussé le Canada à abandonner en grande partie la production de certaines fleurs coupées comme les roses et les œillets. Je ne suis pas en train de dire que les producteurs de fleurs du Canada ont complètement abandonné les fleurs coupées. Je dis plutôt qu'ils se sont concentrés sur les produits périssables qui sont plus difficiles à transporter sur de longues distances. Ils ont donc tendance à vendre leurs produits surtout sur les marchés du Canada et des États-Unis. Nous pensons qu'il n'y a pas beaucoup de possibilités pour nous d'exporter des produits au-delà de la partie continentale des États-Unis. La majeure partie des fleurs coupées que nous produisons ne se transportent pas bien, et les restrictions des pays étrangers concernant les substrats de culture nous empêchent d'exporter des plantes en pot au- delà des États-Unis.
Les États-Unis demeurent un marché important pour les producteurs de fleurs du Canada. L'an dernier, nous avons exporté des produits d'une valeur de plus de 300 millions de dollars vers les États-Unis. Notre succès sur le marché américain est attribuable en grande partie à trois facteurs : la production de très gros volumes de produits de très grande qualité; la production à proximité des grands marchés du nord-est et du nord-ouest des États-Unis; et notre capacité de fournir rapidement nos produits à nos clients américains, souvent en moins de 24 heures.
Nous estimons que la meilleure façon pour nous d'accroître les exportations serait de vendre encore plus de produits aux États-Unis. Les principaux obstacles au maintien de la présence du secteur floricole canadien sur les marchés américains tiennent notamment à la réglementation. Souvent, nous parlons du fait que la floriculture est un secteur de juste-à-temps. Pour réussir, il est absolument essentiel que nous fournissions rapidement nos produits à nos clients américains.
Il peut être difficile pour les producteurs de fleurs de respecter les échéances de leur clientèle lorsqu'ils doivent attendre que l'ACIA leur délivre les certificats phytosanitaires nécessaires à l'exportation. Le Programme canadien de certification des serres, le PCCS, offre une solution systématique qui permet d'accélérer le processus d'exportation et de faciliter l'accès du Canada au marché américain. C'est un programme qui a été extrêmement bien accueilli par les producteurs et les exportateurs de fleurs en pot du Canada.
Il faut savoir que le PCCS est en train d'être repensé par l'ACIA et l'APHIS sous la conduite du Conseil de coopération en matière de réglementation. Sans accès à ce programme, les exportateurs de produits floricoles du Canada seraient bloqués par l'incapacité de l'ACIA de leur délivrer rapidement les certificats phytosanitaires dont ils ont besoin. Un seul producteur de fleurs de la région du Niagara peut avoir besoin de plus de certificats phytosanitaires en une journée qu'un bureau de l'ACIA au complet est capable d'en émettre. Le maintien de l'accès au programme est une priorité très importante pour notre association.
Nous comptons sur l'ACIA pour travailler pour nous et maintenir des programmes comme le PCCS. Souvent, des plantes peuvent être exclues du programme à la demande de notre partenaire commercial. Dans certains cas, nous voyons cela comme un obstacle non tarifaire aux échanges. Nous comptons sur l'ACIA pour régler ces problèmes rapidement et s'assurer que notre accès au marché n'est pas bloqué. À l'heure actuelle, les ressources de l'ACIA sont limitées, ce qui réduit sa capacité de régler les problèmes liés à la floriculture. Nous sommes très reconnaissants du travail que l'organisation a fait jusqu'à maintenant pour maintenir notre accès au marché, et c'est avec plaisir que nous continuerons de collaborer avec elle à l'avenir.
Nous sommes par ailleurs aux prises avec plusieurs difficultés au chapitre de la production auxquelles nos concurrents étrangers ne feront pas face. L'exigence de Santé Canada à l'égard des données relatives aux résidus foliaires à faible adhérence, les RFFA, pour l'homologation de certains pesticides utilisés en serre est différente de celles de bien d'autres pays, dont les États-Unis. Les entreprises spécialisées dans la protection des cultures choisissent souvent de ne pas faire homologuer leurs produits pour l'utilisation en serre au Canada en raison des coûts supplémentaires qu'engendreraient les études et de la faible taille perçue du marché. Concrètement, cela a réduit l'accès des producteurs du Canada à de nouveaux pesticides plus sécuritaires et a réduit leur capacité de lutte antiparasitaire, comparativement aux producteurs des autres pays. C'est clairement un facteur qui nuit à notre compétitivité. Les producteurs de fleurs du Canada se voient forcés, dans certains cas, d'utiliser des produits dépassés et à l'efficacité limitée pour lutter contre les parasites et les maladies.
En outre, le recrutement et le maintien en poste d'une main-d'œuvre fiable demeurent un défi crucial pour les producteurs de fleurs. Beaucoup de serres de floriculture sont situées dans des collectivités rurales où l'accès à un marché du travail robuste est limité. Notre secteur dépend des ventes liées à plusieurs fêtes, notamment la Saint- Valentin, Pâques, la fête des mères et Noël. Nos besoins en main-d'œuvre sont donc en grande partie saisonniers. Ce caractère saisonnier de nos activités et le fait qu'elles se déroulent dans des collectivités rurales disposant de moyens de transport en commun limités entraînent des difficultés au chapitre du recrutement et du maintien en poste de travailleurs canadiens. Beaucoup de serres du Canada ont besoin d'avoir accès à des travailleurs étrangers temporaires pour surmonter cette difficulté.
Pour conclure, je voudrais dire que le secteur de la floriculture est formé d'un ensemble très diversifié d'entreprises agricoles familiales dont les membres travaillent sans relâche à l'amélioration de la qualité de vie de millions de gens. Je n'ai pas parlé de salubrité des aliments, mais nous aimons quand même penser que les fleurs nourrissent l'âme.
Nous sommes très reconnaissants des efforts déployés par le gouvernement canadien pour nous aider à faire valoir les fleurs un peu partout au Canada et aux États-Unis. Nous espérons que la collaboration visant à faire connaître notre produit ailleurs dans le monde se poursuivra. Merci beaucoup de m'avoir invité à venir témoigner aujourd'hui. Je vais essayer de répondre à toutes vos questions.
La sénatrice Tardif : Merci à vous deux d'être venus ce matin. Monsieur Scarlett, vous avez dit dans votre témoignage que le Canada fait face à d'importants obstacles aux échanges avec l'Union européenne en raison de ses exigences d'étiquetage des produits génétiquement modifiés. Vous avez aussi parlé du fait que le Japon applique une politique de tolérance zéro concernant la tylosine, et, si je comprends bien, une cargaison de miel en provenance de l'Alberta a été refusée en 2014. Pouvez-vous me dire si d'autres pays ont refusé l'entrée de miel provenant du Canada en raison de la présence de résidus de tylosine, et si nous appliquons des restrictions similaires aux autres pays?
M. Scarlett : Pour autant que je sache, il n'y a pas eu d'autres cas de pays ayant refusé une cargaison de miel canadien à cause de la tylosine. C'est que chaque pays établit sa propre LMR. C'est l'une des difficultés qui se posent dans le cas de notre produit, ou en fait, de tout produit alimentaire : cela varie d'un pays à l'autre.
Jusqu'à il y a un an de cela, le Japon autorisait une teneur de 0,1 partie par milliard, je crois, mais il s'agit peut-être de million. Maintenant, il ne tolère plus la présence de tylosine si le pays n'a pas sa propre LMR. Nous n'en avions pas à l'époque, et nous n'en avons toujours pas, parce que l'ARLA tarde à en établir une; nous nous sommes donc simplement retrouvés dans une mauvaise situation sans recevoir d'avis de la part des fonctionnaires. Il n'y a pas eu de cargaisons ailleurs, pour autant que je sache.
Dans le cas des OGM aussi, nous nous retrouvons en quelque sorte dans la même situation parce que l'événement n'a pas été signalé. Nous ne connaissons toujours pas la démarche de l'Union européenne. Il est clair que l'accord de libre-échange a eu des répercussions, puisque certains pays de l'Union européenne vont maintenant permettre la culture de produits génétiquement modifiés alors que d'autres ne la permettront pas; mais cela n'a pas encore permis de clarifier les choses pour ce qui est de l'étiquetage.
La sénatrice Tardif : Que peut faire le gouvernement canadien pour vous venir en aide dans cette situation précise?
M. Scarlett : Pour ce qui est des limites maximales de résidus, les LMR — et la tylosine n'est qu'un exemple —, un élément de plus en plus important du commerce international, c'est l'établissement de niveaux de salubrité des aliments par les gouvernements pour leur population. Cela devient un peu un pseudo-obstacle aux échanges.
Nous avons besoin d'aide parce que nos exportations, même si elles peuvent être modestes vers certains pays, dépendent du fait que nos bureaux à l'étranger réagissent aux avis publiés par l'OMC au sujet des LMR. Il semblerait qu'on souhaite que les producteurs et les exportateurs sachent ce qui se passe dans les pays concernés. Jetez un coup d'œil sur les listes en question. À titre d'exemple, la semaine dernière, la Chine a ajouté 150 produits à ses LMR. Si on ne sait pas ce qui entre dans la composition d'un produit alimentaire, c'est vraiment difficile à comprendre.
Il faut que les agents de commerce canadiens sachent ce que contiennent nos produits alimentaires; et les producteurs de miel doivent savoir ce qu'on peut s'attendre à retrouver dans le miel. Certaines choses qui s'y retrouvent sont naturelles. Il y a deux ans, c'était le benzaldéhyde et l'acide butanoïque, qui se retrouvent naturellement dans le miel, mais certains pays ont établi des LMR à l'égard de ces substances. Cela exige des efforts, mais nous devons travailler là-dessus en collaboration avec le Conseil canadien du miel et les associations provinciales.
La sénatrice Tardif : Merci d'avoir expliqué cela si clairement.
Monsieur Morse, vous avez parlé de l'accès aux certificats phytosanitaires requis pour l'exportation. Qu'entendez- vous par là?
M. Morse : Le certificat phytosanitaire est en quelque sorte le passeport d'une plante. Il faut habituellement avoir un certificat phytosanitaire pour traverser la frontière. C'est une procédure normalisée à l'échelle internationale.
La sénatrice Tardif : Avez-vous de la difficulté à accéder à ces certificats?
M. Morse : Il faut un certificat phytosanitaire pour chaque espèce. Comme nous cultivons de nombreuses espèces, nous avons besoin de beaucoup de certificats phytosanitaires pour chaque cargaison. Un producteur qui exporte 400 espèces a besoin de beaucoup de certificats phytosanitaires, ce qui fait que les choses peuvent devenir compliquées. Le Programme canadien de certification des serres pour l'exportation de plantes cultivées en serre vers les États-Unis est une façon de procéder systématique qui permet essentiellement au producteur d'expédier ses plantes à l'aide d'un autocollant plutôt que du passeport. Il s'agit d'un programme bilatéral créé par le Canada et les États-Unis, qui respecte les mêmes exigences.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je remercie nos deux invités de leur présence. Monsieur Scarlett, vous avez mentionné que vous aviez organisé une table ronde nationale et mis en œuvre un plan d'action national afin d'obtenir de meilleurs résultats en ce qui concerne la santé des abeilles. De toute évidence, vos objectifs sont ambitieux. Vous avez accordé la priorité à deux domaines : le contrôle de la varroase et la promotion de moyens pour réduire l'exposition des abeilles aux pesticides à l'extérieur et l'intérieur de la ruche. J'aimerais savoir où en sont vos deux projets.
[Traduction]
M. Scarlett : Nous avons fait des progrès considérables dans la lutte contre le varroa. Nous tentons de faire enregistrer au plus vite, d'urgence, un produit appelé HopGuard. Nous savons qu'un autre produit devrait suivre le même processus, l'an prochain, probablement, et c'est une bonne chose, en ce qui concerne les produits. Nous avons également travaillé avec l'Association canadienne des apiculteurs professionnels pour dresser une liste des techniques de lutte contre ce problème qui n'utilisent pas de produits chimiques; nous allons donc aborder ce sujet à notre prochaine table ronde, le 5 mars.
En ce qui concerne les pesticides utilisés dans les ruches et à l'extérieur des ruches, il est certain que les produits utilisés à l'intérieur permettent un meilleur contrôle du varroa. Nous aurons une liste presque complète des pratiques exemplaires de gestion à l'intention des apiculteurs, à l'occasion de notre réunion du 5 mars, à laquelle participe toute l'Amérique du Nord. Cela nous donnera un bon cadre de travail pour l'utilisation des pesticides dans les ruches, pour le contrôle du varroa et un peu pour l'utilisation des pesticides à l'extérieur des ruches.
Notre association, de concert avec l'Association canadienne du commerce des semences, a annoncé un programme assez important, à notre avis, touchant la réduction à un faible niveau du traitement des semences à l'échelle du Canada. Il est certain que cela ne concerne pas l'utilisation prophylactique du traitement des semences, mais il réduit l'exposition. Je crois que la table ronde obtient des résultats à un rythme remarquable.
La sénatrice Merchant : J'aimerais poser à M. Scarlett une question de plus touchant l'incident au Japon. Combien a coûté, pour l'industrie des producteurs de miel, ce qui s'est passé il y a environ deux mois? Quand espérez-vous avoir réglé le problème, si ce n'est pas demain?
M. Scarlett : Il est difficile de savoir à quel moment il pourra être réglé, parce que, pour commencer, il faut que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire impose la limite maximale de résidus de tylosine au Canada. Lorsque ce sera fait, nous communiquerons avec les Japonais et leur dirons que nous avons imposé une limite de résidus et nous leur demanderons de négocier un changement de leurs plates-formes de réglementation pour qu'elles correspondent aux nôtres. Je n'ai aucune idée du temps qu'il faudra pour en arriver à cette étape, en travaillant avec le gouvernement japonais.
Il est difficile de déterminer le coût. Nous avons envoyé un avis à presque tous les distributeurs commerciaux de miel pour les aviser du fait que, s'ils envoient des produits au Japon, ces produits ne devront contenir aucun résidu de tylosine. J'ignore combien de cargaisons ont été refusées en conséquence des changements.
La sénatrice Merchant : Pourrais-je vous poser une question sur le programme de salubrité, de qualité et de traçabilité que vous avez conçu? Pourriez-vous nous en parler un peu?
M. Scarlett : Le programme touche une dizaine de bonnes pratiques de gestion pour les apiculteurs et la production de miel. Il porte sur les soins à donner aux abeilles et sur les problèmes des installations. Ce programme est probablement plus sévère encore que les programmes de sécurité des aliments de l'ACIA. Pour le moment, c'est un programme volontaire, bien sûr. Nous visons à ce que tous les producteurs de miel l'appliquent d'ici quatre ou cinq ans. Cela devrait donner aux consommateurs et aux nations exportatrices une certaine confiance concernant le fait que nous avons mis en place un programme qui est probablement inégalé ailleurs dans le monde.
La sénatrice Merchant : Monsieur Morse, qui sont vos compétiteurs? Vous avez dit que les États-Unis sont un gros marché. Qui sont vos compétiteurs, là-bas?
M. Morse : Dans les marchés canadien et américain, cela dépend beaucoup, évidemment, du produit. Pour les fleurs coupées, en grande partie, les principaux concurrents sont surtout la Colombie, l'Équateur, les Pays-Bas et également les États-Unis. Pour les plantes en pot, cependant, étant donné les restrictions sur le transport des substrats de culture, les États-Unis sont notre seul compétiteur.
On peut examiner la question d'une façon beaucoup plus précise, jusqu'à examiner le cas de chaque fleur; certaines sortes de fleurs sont beaucoup cultivées au Canada. J'ai parlé, par exemple, du fait que nous nous concentrons vraiment sur les plantes ou les fleurs qui résistent mal à l'expédition, en l'occurrence les tulipes et les gerberas. C'est pour cette raison, justement, que le Canada est un très grand producteur de ces deux types de fleurs.
La sénatrice Merchant : Pouvez-vous offrir un prix compétitif, par rapport aux fleurs qui viennent de Colombie?
M. Morse : Pour certaines fleurs oui, pour certaines autres, non. Tout dépend du produit, et cela ne tient pas seulement à la valeur du produit, à son prix, cela dépend également de sa qualité. Le gerbera du Canada, par exemple, est unique au monde. Si vous voulez un très beau gerbera, vous devrez probablement en choisir un qui vient du Canada.
La sénatrice Merchant : Puis-je vous poser une question sur le programme des travailleurs temporaires? Avez-vous, de ce côté-là, des problèmes que vous n'aviez jamais eus avant?
M. Morse : Je ne suis pas très au courant du Programme des travailleurs étrangers temporaires, mais je peux dire que c'est un programme essentiel, pour nous. De nombreuses installations doivent beaucoup y recourir en raison du caractère très saisonnier de l'activité et du fait qu'il est difficile de trouver des travailleurs canadiens prêts à faire ce travail. Ces travailleurs assurent une certaine stabilité, parce qu'ils sont prêts à faire le travail et qu'ils font du bon travail.
[Français]
Le sénateur Maltais : Monsieur Scarlett, vous êtes directeur général du Conseil canadien du miel. Combien de producteurs le conseil regroupe-t-il au Canada?
[Traduction]
M. Scarlett : Ils étaient 8 777 en 2014.
[Français]
Le sénateur Maltais : De St. John's, TerreNeuve, à Victoria, cela comprend toutes les provinces et les territoires?
[Traduction]
M. Scarlett : Cela ne comprend pas Terre-Neuve, pour le moment. Une association vient tout juste de voir le jour, dans cette province. Cela comprend toutes les provinces à l'exclusion de Terre-Neuve.
[Français]
Le sénateur Maltais : Est-ce que les problèmes de pesticide sont égaux à la grandeur du Canada ou estce qu'il y a des différences entre certaines provinces? Par exemple, le NouveauBrunswick estil égal à l'Alberta quant au problème des pesticides?
[Traduction]
M. Scarlett : Il est certain, sénateur, que ces problèmes varient d'une province à une autre. Les pesticides sont un volet d'un certain nombre d'autres enjeux qui touchent la santé des abeilles. Nous voyons, dans les Prairies, disons, une bien plus grande utilisation de pesticides par épandage aérien qu'au Québec ou en Ontario. Il y a un peu de variation selon les cultures, également. Il y a une différence.
[Français]
Le sénateur Maltais : Vous avez parlé de la sévérité du gouvernement japonais en ce qui concerne le taux de pesticides contenus dans le miel. Estce que le Japon est un important importateur de miel du Canada?
[Traduction]
M. Scarlett : Il l'est. À l'heure actuelle, c'est le second importateur en importance de miel du Canada, mais c'est également un marché haut de gamme. La valeur de nos exportations au Japon est plus élevée que dans n'importe quel autre pays du monde.
[Français]
Le sénateur Maltais : Estce que le marché américain est un marché important?
[Traduction]
M. Scarlett : C'est notre plus gros marché, et de très loin. Comme je l'ai dit, nous exportons quelque 26 millions de livres de produit, et 20 millions sont destinés aux États-Unis. Une bonne partie des produits viennent des Prairies, et c'est un grand marché.
[Français]
Le sénateur Maltais : Cela signifie que les 6 millions qui restent peuvent être destinés au Japon, à l'Europe, à la Corée ou à la Chine. Ces 6 millions se répartissent entre d'autres pays du monde? Ainsi, le Japon est un marché relatif; il est important, mais peut-être pas aussi important que les ÉtatsUnis.
[Traduction]
M. Scarlett : Ce marché représente 5 millions sur ces 6 millions, et comme nous ne pouvons pas exporter vers l'Europe, il y a 20 millions qui vont aux États-Unis; les États-Unis ont pu combler cet écart. L'Europe était un autre marché haut de gamme. Mais nous avons perdu ce marché haut de gamme. Il n'a pas été remplacé, et les produits vont donc vers les États-Unis.
[Français]
Le sénateur Maltais : Monsieur Scarlett, on comprend que les apiculteurs du Canada doivent lutter d'une façon constante contre les producteurs de pesticide. Quelle est votre relation avec les agriculteurs en ce qui a trait aux problèmes que vous éprouvez en tant qu'apiculteur?
[Traduction]
M. Scarlett : Je crois que le Conseil canadien du miel a pris position; nous ne sommes pas opposés aux producteurs de produits chimiques ou agrochimiques ni en désaccord avec eux. En fait, nous devons travailler de concert avec eux pour faire en sorte que leurs produits sont aussi peu nocifs pour les abeilles que possible, et, en même temps, qu'ils respectent tout ce que nous faisons dans le secteur agricole dans son ensemble. Il y a, dans le secteur de l'apiculture, un groupe qui affirme que les responsables, ce sont les gros méchants fabricants de produits chimiques, mais, la plupart des gens, je crois, reconnaissent que nous devons travailler de concert avec eux, parce que ce sont eux qui nous fournissent les produits grâce auxquels nous pouvons lutter contre le varroa dans les ruches. Nous ne pouvons pas, d'une part, les condamner et, d'autre part, les encourager à travailler avec nous pour mettre au point des produits.
[Français]
Le sénateur Maltais : Nous avons reçu comme témoins quelques fabricants de pesticides, dont Monsanto, qui nous ont expliqué en long et en large que la majorité de leurs pesticides était même bons pour la santé des abeilles. Êtes-vous d'accord?
[Traduction]
M. Scarlett : En réalité, c'est très relatif. Je ne sais s'il existe un pesticide qui soit bon pour la santé des abeilles, mais, je peux dire, c'est qu'il y en a qui sont plus efficaces pour atténuer les risques pour les abeilles, et, ce que nous essayons de faire, c'est de travailler de manière concertée pour atténuer ce risque, tout en reconnaissant que les agriculteurs doivent pouvoir produire des cultures agricoles et que les producteurs de fruits doivent pouvoir produire des fruits. Et ils doivent tous également faire de l'argent. Nous voulons tout simplement faire partie de la solution, non pas du problème.
[Français]
Le sénateur Maltais : Estce que vous représentez aussi ce qu'on appelle les apiculteurs urbains, ceux qui ont de petites ruches dans les villes? Nous avons eu des représentants de Toronto, de Montréal, et cetera. Estce que c'est un facteur important pour vous?
[Traduction]
M. Scarlett : Ils sont probablement les plus nombreux, parmi nos membres, mais, sur le plan des colonies, ils ne représentent qu'une infime partie. C'est une question difficile. Les associations urbaines ne sont pas toutes membres de l'association provinciale, ils ne sont donc pas vraiment des membres, mais ils ont leur importance.
Le sénateur Enverga : Merci de cet exposé. J'ai entendu dire que l'Europe n'accepte pas notre miel, parce qu'il pourrait contenir certains sous-produits des OMG. En tant qu'apiculteur, est-ce que vous isolez les abeilles qui produisent du miel de fleurs sauvages, pour nous offrir du miel de mûres? Est-ce que vous pouvez le vendre, de cette façon, aux Européens?
M. Scarlett : Il est certainement possible de le faire. On en vend encore un peu, en Europe, et il y a des exemples d'apiculteurs qui peuvent le faire, mais le problème, c'est que, aujourd'hui, les tests permettent de déceler des parties par milliard, et cette science est relativement nouvelle.
Il y a beaucoup de cultures génétiquement modifiées. Il ne s'agit pas seulement du canola. On ne pas garder les abeilles en cage. Donc, s'il n'y a pas de culture génétiquement modifiée dans un rayon de 5 milles, par exemple, on peut donner l'assurance que le pollen ne contient pas d'OMG, et le produit peut être vendu. Mais le marché devient en conséquence beaucoup plus restreint, parce qu'il faut en produire suffisamment pour qu'il soit rentable d'envoyer une cargaison. Si le marché canadien répond de toute manière à l'offre, est-ce que cela vaut la peine d'expédier? C'est ici que le facteur économique entre en jeu.
Le sénateur Enverga : Y a-t-il des régions, au Canada, où il n'y a aucune culture OMG? Nous pourrions peut-être y installer nos ruches.
M. Scarlett : De 65 à 70 p. 100 du miel du Canada sont produits dans les Prairies, et il y a, là-bas, 19 millions d'acres de canola, seulement du canola. Il existe peut-être des régions de ce type, mais pas suffisamment pour produire des volumes suffisants de miel à exporter.
Le sénateur Enverga : Je vois que les producteurs de fleurs envoient la plus grande partie de leurs produits vers les États-Unis. Vous dites que 2 p. 100 de la production est exportée et que 98 p. 100 de cette production va vers les États- Unis. Où vont les autres 2 p. 100? Est-il possible d'exporter davantage vers ces pays en particulier?
M. Morse : Le seul débouché, en réalité, pour l'exportation vers d'autres pays, concerne les produits spécialisés, mais on parle de très petits volumes. Nous expédions certains produits. Nous faisons au Canada la sélection des pivoines, qui sont expédiées à d'autres floriculteurs. Je crois que la Hollande est la seconde destination en importance. Une bonne partie de ces produits deviennent, au bout du compte, du matériel de multiplication, et ce sont des espèces sélectionnées au Canada. Vous me demandez s'il est possible d'en faire plus? C'est difficile à dire.
Nous avons mené des études, pour cerner nos autres marchés potentiels, et nous avons constaté qu'il serait possible d'exporter des fleurs coupées en Scandinavie. Nous savons qu'il y a au moins deux ou trois personnes, en Colombie- Britannique, qui exportent des fleurs sauvages au Japon.
Le sénateur Enverga : Quand vous expédiez des produits vers ces pays, est-ce qu'ils y sont multipliés, et deviennent- ils éventuellement des compétiteurs? Est-ce que ça peut se passer comme ça?
M. Morse : Je ne suis pas vraiment au courant. Je crois que les redevances nous seraient quand même versées. Si la sélection a été faite ici, c'est quand même nous qui détiendrions les droits. Je ne suis pas tout à fait sûr, mais je peux vous revenir là-dessus.
Le sénateur Enverga : J'ai une autre question au sujet d'UPOV 91. Nous le faisons déjà. Nous avons fait beaucoup de progrès. Nous pouvons bientôt l'appliquer. Quelles seront les incidences sur votre secteur des fleurs?
M. Morse : Il est certain que cela touchera notre secteur, car nous avons produit un très grand nombre d'espèces générant des redevances. Il ne s'agit pas seulement de notre secteur, cela concerne également les pépinières et les autres groupes qui y sont étroitement liés, et c'est pourquoi cela nous touche. Nous serions l'un des plus grands secteurs touchés, vu l'importance des redevances. Malheureusement, je n'ai pas beaucoup d'information sur l'UPOV 91 sous la main, mais je peux certainement vous revenir là-dessus.
Le sénateur Enverga : Pensez-vous que cette aide sera appréciable?
M. Morse : En termes généraux, je crois que cela nous aidera à avoir accès à de nouveaux matériaux de multiplication et à de nouvelles variétés. Il est très important pour notre secteur, également, d'avoir accès aux variétés. Les consommateurs sont capricieux. Ils veulent de nouvelles fleurs qui soient jolies, intéressantes, et qui ont l'air parfaites. Si nous ne pouvons pas accéder aux nouvelles variétés, nous allons nous laisser dépasser par nos compétiteurs, qui ont accès à toutes les variétés qu'ils veulent. Je crois que l'UPOV 91 nous aidera à accéder aux nouvelles variétés que certains sélectionneurs et producteurs ne voulaient pas, auparavant, envoyer au Canada.
Le président : Monsieur Morse, si vous désirez fournir des informations supplémentaires pour répondre aux questions des sénateurs, je vous prierais de les communiquer au greffier, qui les distribuera aux membres du comité.
Sur ce, en souhaitant une bonne nouvelle année à la Chine, voici le sénateur Oh.
Le sénateur Oh : Bonne année, tout le monde.
Nous avons parlé plus tôt du problème du miel au Japon. Agissons-nous de la même manière avec les pays qui exportent au Canada quant au problème des LMR?
M. Scarlett : Le Canada a établi ses propres LMR, donc, essentiellement, la réponse est oui, mais une partie du problème tient au fait que les pays n'ont pas tous les mêmes limites. Les limites varient d'un pays à un autre, elles dépendent de ce qui est considéré comme sûr, dans ce pays, et des tests que le pays peut effectuer. Le Japon n'a pas la capacité d'effectuer des tests au-delà d'un certain niveau. Il envoie bon nombre de ses produits en Italie, qui effectue les tests. Le Canada a la même capacité que l'Italie. Nos tests peuvent déceler des niveaux infimes. Tout dépend du pays qui importe, du pays qui exporte et de leurs capacités, quand il s'agit de déterminer quelles limites seront établies.
Le sénateur Oh : Savez-vous où en est rendue la première cargaison qui a été bloquée au Japon? Se trouve-t-elle encore au port ou a-t-elle été renvoyée au Canada?
M. Scarlett : Je sais qu'elle est restée bloquée dans le port pendant une très longue période, parce qu'il nous fallait trouver un importateur canadien prêt à la rapporter. On ne peut tout simplement la renvoyer. Essentiellement, pourquoi voudriez-vous renvoyer le miel canadien au Canada, et comment allez-vous faire de l'argent par ce moyen?
Le sénateur Oh : Je sais que le Japon est un marché de produits de spécialités. Les Japonais paient un prix fort, y compris pour le sirop d'érable. Ils consomment beaucoup de notre sirop d'érable de qualité supérieure, et j'espère que le problème sera réglé le plus vite possible.
J'aimerais vous poser une question au sujet des fleurs. Je viens de revenir de l'Équateur, un pays qui exporte des quantités énormes de roses dans le monde entier. C'est une région éloignée; il nous a fallu beaucoup de temps pour arriver en Équateur. Nous avons un meilleur réseau, ici, et nous devrions donc pouvoir exporter davantage que l'Équateur. Pourriez-vous commenter cette situation?
M. Morse : L'Équateur produit surtout des fleurs qui peuvent facilement être transportées et qui sont faciles à produire. Les roses peuvent être expédiées dans le monde entier et durent assez longtemps, dans une boîte. C'est très sûr. Si vous retournez même 20 ans en arrière, vous constateriez qu'il y avait bien plus de producteurs de roses au Canada.
Malheureusement, il y a une énorme différence entre la production de roses au Canada et la production en Équateur. En raison du climat, il coûte beaucoup plus cher de produire une rose au Canada. Du côté de la main- d'œuvre, les travailleurs de ce secteur coûtent beaucoup plus cher. En ce qui concerne les pesticides, l'Équateur a beaucoup plus facilement accès à des produits de protection des cultures que le Canada. Au total, l'Équateur dispose d'un bien plus grand nombre d'outils pour cette production que le Canada, à l'heure actuelle. C'est pourquoi nous nous concentrons sur les plantes plus difficiles à expédier sur de longues distances.
En outre, il y a un autre aspect qu'il est assez difficile de changer, c'est la quantité de lumière, qui est véritablement essentielle à la production. Nous pouvons l'augmenter à l'aide de lampes, mais cela coûte très cher. Il coûte beaucoup plus cher de produire ce produit au Canada que dans certains autres pays, et c'est pourquoi de nombreux cultivateurs se sont tournés vers d'autres produits qui nous procurent un avantage compétitif ou qui sont beaucoup plus concurrentiels.
La sénatrice Unger : Merci d'être venus, messieurs. Monsieur Morse, certains produits importés par les États-Unis sont désignés NAAARP. De quels parasites les États-Unis essaient-ils de se débarrasser par cette désignation NAAARP?
M. Morse : NAAARP désigne les produits non autorisés — en attente d'une analyse des risques phytosanitaires; selon cette exigence, aucun végétal ne peut entrer aux États-Unis tant qu'il n'a pas été déterminé qu'il est sans danger, qu'il peut être importé et qu'il ne transporte aucun parasite.
Quant à nommer un parasite en particulier, je ne peux pas le faire, car cette liste comprend plusieurs centaines de végétaux, dont plusieurs sont produits par notre secteur, et qu'un parasite est visé par le règlement pour chaque végétal. Ce n'est pas une interdiction absolue. On dit fondamentalement ceci : « Nous ne savons pas s'il existe un risque. L'ACIA et l'USDA doivent prendre le temps de mener une étude préalable. »
Il est important de souligner que le Canada a également établi une liste des produits NAAARP, qui ressemble beaucoup à la liste des États-Unis. Toutefois, cela pose un défi relativement à l'accès du matériel de multiplication. Un bon nombre des végétaux que nous produisons sont créés à partir de boutures ou d'autre matériel de multiplication qui proviennent de toutes les régions du monde. Lorsque ces végétaux se retrouvent sur la liste des produits NAAARP, nous ne pouvons plus avoir accès aux nouvelles variétés issues de ce produit, et nous ne pouvons plus les expédier vers les États-Unis.
La sénatrice Unger : Est-ce que le Canada et les États-Unis ont tenté de collaborer pour dresser une liste similaire, de façon à éliminer cet obstacle au commerce?
M. Morse : Ce pourrait être extrêmement difficile. Il en a été question, d'un côté et de l'autre. J'ignore si le Canada reçoit un avis avant la publication de la liste, mais la liste est toujours publiée avant d'être appliquée. Je crois que les responsables travaillent actuellement à la troisième version de la liste. La deuxième liste n'est toujours pas appliquée, et la première ne l'a été que récemment.
L'ACIA préfère utiliser une liste similaire, de façon à réduire la confusion. La situation devient vraiment compliquée lorsque les États-Unis permettent l'importation d'un végétal en provenance de tous les pays sauf deux ou trois et que le Canada permet l'entrée à ce végétal s'il provient de tous les pays sauf deux ou trois, et que les deux ou trois pays en question ne sont pas les mêmes. Il devient compliqué de s'assurer de ne pas importer un végétal d'un endroit qui ne peut pas exporter vers un pays où vous voudriez exporter.
La sénatrice Unger : J'ai reçu il y a des années un bouquet de roses de l'Équateur. J'ai été abasourdie de voir combien de temps les roses duraient. Je me suis demandé ce qu'il y avait dans l'eau — c'était extraordinaire. Elles étaient magnifiques. J'admire la persévérance des producteurs canadiens, qui font face à de si nombreux défis.
M. Morse : Merci.
La sénatrice Unger : Monsieur Scarlett, j'aimerais revenir sur les commentaires que vous avez formulés au sujet du miel en provenance de la Chine et du fait que ce pays a ajouté, comme vous l'avez dit, 150 produits à la liste des produits visés par une LMR. Comment avez-vous réagi? Qui a évalué tous ces produits?
M. Scarlett : Oui, la Chine a ajouté 150 nouveaux produits à sa liste des limites maximales de résidus. Elle a été publiée en anglais tout juste la semaine dernière. Elle sera communiquée aux différentes associations, qui pourront la commenter. Eh bien, tout cela est assez difficile, parce qu'il ne s'agit pas de questions techniques seulement; il faut avoir un diplôme en sciences pour savoir de quoi il est question. J'espère qu'elle sera distribuée aux apiculteurs de notre province, qui saisissent mieux les aspects scientifiques et que nos bureaux du commerce international connaissent certains de ces produits et savent où ils se trouvent. Notre association étudiera la liste, et je ferai de mon mieux.
La sénatrice Unger : Est-ce que votre organisation demande à ce que cette liste soit décodée? Est-ce que le miel dont il est question peut entrer au Canada?
M. Scarlett : Notre organisation demande de l'aide afin de déchiffrer les innombrables enjeux liés à la limite maximale de résidus.
Le problème lié au miel provenant de la Chine n'est pas très différent du problème japonais ou de ce qui se passe dans d'autres pays. Taïwan a fait à peu près la même chose. Chacun de ces pays ajoute constamment des choses à ses listes en matière de salubrité alimentaire, comme le fait le Canada; il s'agit simplement d'essayer de se tenir au fait.
Les petites organisations qui produisent des produits alimentaires, par exemple les producteurs de sirop d'érable, n'ont pas le personnel ni l'expertise nécessaires pour gérer tout ça tout le temps.
La sénatrice Unger : Je trouve intéressant le fait que le Japon envoie son miel en Italie. Est-ce dû à la LMR?
M. Scarlett : C'est à des fins d'analyses.
La sénatrice Unger : Pourquoi ne l'envoie-t-il pas au Canada, si nous pouvons l'analyser? Combien de temps cela prend-il réellement?
M. Scarlett : Pour être clair, ils ont des installations au Japon où ils analysent certaines choses. Nous avons de nombreuses installations au Canada, mais ce ne sont pas toutes les installations qui peuvent effectuer toutes les analyses. Ils envoient peut-être en Italie les produits pour lesquels ils n'ont simplement pas la capacité ou l'expertise voulue pour atteindre un certain degré d'analyse.
Le président : J'ai entendu M. Morse parler du certificat phytosanitaire comme étant un passeport pour les produits canadiens. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit exactement de cela; et nous devons continuer de l'utiliser. J'ai aussi entendu M. Scarlett dire qu'il faut que le gouvernement participe de façon continue au processus.
Si le comité me le permet, je vais poser une question concernant l'institut canadien du sirop d'érable et son lien avec les États-Unis. Le Canada compte pour 95 p. 100 de la production mondiale de sirop d'érable. L'industrie a demandé au gouvernement de mettre en place un meilleur étiquetage et une meilleure traçabilité, question nous avons étudiée au sein du comité, en ce qui a trait aux LMR provenant d'autres pays.
Si on parle d'un meilleur étiquetage et d'une meilleure traçabilité, le Conseil canadien du miel envisagerait-il que les gouvernements mettent en place un tel mécanisme, sachant que le certificat phytosanitaire constitue notre passeport, afin de permettre à l'industrie d'augmenter sa part de marché à l'échelle internationale? Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
M. Scarlett : C'est une excellente suggestion. Notre industrie, mais aussi d'autres petites industries existantes, n'ont simplement pas la capacité. L'industrie du sirop d'érable a évolué afin de créer cela. Si nous pouvions créer un type semblable d'institution dotée d'un tel degré d'expertise, ce serait merveilleux.
La sénatrice Tardif : Monsieur Morse, vous avez dit que la floriculture compte de façon importante sur l'ACIA afin qu'elle règle un certain nombre de problèmes, mais que ses ressources limitées ont miné sa capacité de le faire. Pouvez- vous élaborer à ce sujet et nous dire exactement de quel genre de limitations de ressources vous parlez?
M. Morse : Nous travaillons en étroite collaboration avec la Direction de la protection des végétaux et de la biosécurité végétale, plus particulièrement avec la Division de l'horticulture et même le groupe responsable de la culture en serre au sein de l'ACIA. Je crois comprendre que la Division de l'horticulture a subi une réduction importante de son budget et qu'elle a perdu 25 p. 100 de son personnel. Si moins de personnes travaillent à surmonter les obstacles relatifs à des programmes comme le PCCS, il est difficile d'aller de l'avant avec les priorités.
J'ai dressé une liste d'un certain nombre de défis que nous avons surmontés, mais nous avons un effectif limité pour s'occuper de ces choses. Je peux lui donner une liste d'une, deux ou trois choses, et, si nous sommes chanceux, peut-être qu'il pourra s'en occuper. Il s'agit maintenant simplement d'établir un ordre de priorité.
La sénatrice Tardif : Je peux comprendre que le fait de perdre 25 p. 100 de son personnel peut représenter tout un défi, particulièrement quand il faut composer avec les problèmes que vous avez cernés.
M. Morse : Selon ce que je comprends, c'est une perte de 25 p. 100. Je peux vérifier cela pour le comité.
Le sénateur Enverga : Quand on pense au miel, on pense à la pollinisation et aux fleurs. Collaborez-vous parfois ensemble afin de produire du meilleur miel et de meilleures fleurs?
M. Scarlett : Je peux dire que nous n'avons pas collaboré avec Flowers Canada en particulier. Nous commençons à travailler d'un peu plus près avec le Conseil canadien de l'horticulture, mais pas avec Flowers Canada Growers.
M. Morse : Flower Canada Growers, en particulier, ne veut pas que des abeilles aient accès aux fleurs avant l'expédition, parce qu'une fois qu'une fleur a été pollinisée, elle meurt habituellement.
La sénatrice Unger : Monsieur Scarlett, nous avons entendu parler de nombreux problèmes concernant la santé des pollinisateurs. Il semble qu'on peut ramener cela à cinq enjeux précis. Ce matin, selon moi, vous avez mis au jour un ensemble complet de nouveaux enjeux ou problèmes. Sur le grand totem des enjeux, où se situeraient ces problèmes, selon vous? Où classeriez-vous les obstacles commerciaux sur l'échelle de gravité des enjeux auxquels font face les producteurs de miel?
M. Scarlett : Pour les producteurs de miel, je crois que la salubrité alimentaire constituera une préoccupation de plus en plus importante, encore plus que la santé des abeilles elle-même, puisque s'il est impossible de vendre son produit, il est inutile d'avoir des abeilles. Ces enjeux commerciaux sont extrêmement importants pour les producteurs de miel, extrêmement importants.
Le président : Messieurs les témoins, merci beaucoup d'avoir fait part de vos opinions et de vos points de vue au comité.
Mesdames et messieurs les sénateurs, notre deuxième groupe de témoins se compose de Ron Lemaire et Jane Proctor, respectivement président et vice-présidente, Gestion des politiques et des enjeux, de l'Association canadienne de la distribution de fruits et légumes. Monsieur Lemaire, vous ferez l'exposé, et nous poursuivrons avec les questions.
Ron Lemaire, président, Association canadienne de la distribution de fruits et légumes : Bonjour, honorables membres du Comité permanent de l'agriculture et des forêts. Au nom de l'Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, j'aimerais vous remercier de nous donner l'occasion de vous parler aujourd'hui des priorités relatives à l'accès au marché international pour le secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
L'ACDFL est une association sans but lucratif existant depuis 90 ans qui représente plus de 800 entreprises membres au sein d'une chaîne d'approvisionnement qui contribue à hauteur de 11,4 milliards de dollars au PIB réel et qui soutient environ 148 000 emplois au Canada.
L'ACDFL croit en une philosophie de marché libre réduisant les éléments qui nuisent au commerce et qui permet une prospérité économique et donne le choix aux consommateurs. Nous suivons une approche fondée sur les systèmes alimentaires et travaillons en collaboration avec un large éventail de partenaires, y compris le gouvernement et le secteur de la santé, afin d'établir des partenariats innovateurs procurant des avantages mutuels.
En 2013, les recettes monétaires agricoles ont atteint approximativement 4,2 milliards de dollars au Canada, dont 2 milliards de dollars provenaient de produits exportés. De nombreuses raisons expliquent ce haut pourcentage d'exportations, y compris un fort rendement, un accès facile au marché et les fluctuations du dollar canadien.
L'industrie canadienne des fruits et légumes apprécie l'engagement du gouvernement à augmenter les débouchés commerciaux par l'entremise d'accords de libre-échange. Nous encourageons le gouvernement à continuer de travailler à réduire les obstacles au commerce et à établir de meilleures relations avec nos partenaires commerciaux potentiels. À mesure que de nouveaux accords sont négociés, il est important que toutes les industries soient traitées de façon équitable et qu'aucun secteur ne soit privilégié.
Au moment d'établir des accords ou d'observer des relations commerciales établies depuis longtemps, il faut tenir compte d'enjeux importants comme les barrières non tarifaires créées sous le couvert de la protection des végétaux ou de la salubrité alimentaire. La salubrité alimentaire est essentielle à l'industrie des fruits et légumes, et il est primordial que tous doivent respecter les mêmes normes. Il est aussi important que les mesures visent réellement à fournir des aliments salubres aux consommateurs et ne servent pas de prétexte à un certain protectionnisme.
De même, la protection des végétaux est essentielle pour protéger les espèces végétales et notre environnement national, mais les décisions doivent être fondées sur des faits scientifiques et des risques et ne doivent pas servir de prétexte au protectionnisme intérieur favorisé par des règlements excessivement contraignants.
Pour que nous soyons en mesure de récolter les produits nécessaires pour le marché, la main-d'œuvre est essentielle. L'accès à la main-d'œuvre constitue un enjeu croissant au sein du secteur horticole. En réalité, la majorité des Canadiens ne sont pas intéressés par le travail difficile qui doit être effectué sur les fermes de culture fruitière et maraîchère. Le Programme des travailleurs agricoles saisonniers a bien fonctionné et est en place pour fournir de la main-d'œuvre supplémentaire aux agriculteurs. Le programme fait l'objet d'un examen annuel par l'industrie et le gouvernement.
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires sert de complément au Programme des travailleurs agricoles saisonniers et fournit de la main-d'œuvre supplémentaire qui n'est pas assujettie à ce programme. Malheureusement, le volet agricole a été touché par les changements apportés au Programme des travailleurs étrangers temporaires, qui est plus large, ce qui a causé des difficultés importantes à certaines de nos fermes canadiennes. En particulier, les fermes du Québec, l'année passée, ont vu des millions de dollars de fruits et de légumes pourrir dans les arbres et sur les fermes, en grande partie à cause de la difficulté à obtenir des visas pour les travailleurs par l'entremise du Programme des travailleurs étrangers temporaires.
Les producteurs canadiens ont vu leurs homologues américains perdre de nombreux millions de dollars de fruits et légumes chaque année à cause de l'absence d'un programme de travailleurs étrangers et de l'incapacité de mettre en place une réforme de l'immigration. Nous ne voulons pas que ce même problème devienne un enjeu habituel au Canada aussi.
Afin d'améliorer de façon viable l'industrie des fruits et légumes au Canada, il est important de tenir compte de notre besoin continu en matière de recherches et d'investissement collaboratifs qui rassemble l'industrie et le gouvernement afin d'élaborer de nouvelles variétés pour répondre aux besoins en constante évolution du marché, tant national qu'international. Il existe une préoccupation : en raison de la fermeture des stations de recherche d'Agriculture Canada, nous avons observé un impact négatif sur la recherche et l'innovation, et il est important que nous envisagions de nouveaux modèles en place qui peuvent répondre à ce besoin.
De plus, des processus plus rationalisés permettant un accès plus rapide aux nouvelles technologies sont aussi importants et permettraient à l'industrie canadienne d'être concurrentielle. Cela constitue un enjeu particulier en ce qui concerne la lutte antiparasitaire. Étant donné que les cultivateurs américains ont accès à un plus large éventail de produits de protection des récoltes à un coût moins élevé que leurs homologues canadiens, nous avons certaines préoccupations.
L'industrie canadienne des fruits et légumes exerce ses activités dans un environnement mondial, et il est important que les exigences concernant la salubrité alimentaire et la traçabilité respectent les normes acceptées à l'échelle internationale. Cela permet d'assurer l'uniformité et d'utiliser des outils communs comme des termes normalisés pour les produits et les entités, et des protocoles normalisés pour la tenue de dossiers et les rappels.
L'ACDFL et l'industrie canadienne des fruits et légumes jouent un rôle de chef de file mondial pour ce qui est de l'élaboration de normes afin que l'on puisse assurer une intégration harmonisée de la traçabilité et de la salubrité alimentaire. Il est crucial que les normes élaborées par l'industrie soient examinées dans le cadre de l'élaboration de tout règlement. Le gouvernement peut apprendre de l'industrie, et nous espérons que leurs processus respectifs n'auront pas des résultats redondants ou contradictoires.
L'industrie a été encouragée par les efforts de l'Agence canadienne de l'inspection des aliments, qui a élaboré des programmes de reconnaissance des initiatives en matière de salubrité alimentaire élaborées par l'industrie. Au moment où nous nous dirigeons vers un nouvel environnement réglementaire avec la mise en œuvre imminente du règlement d'application de la Loi sur la salubrité des aliments au Canada, l'ACIA devrait maintenant défendre ses propres programmes rigoureux de reconnaissance. Cela signifie que des programmes qui ont fait l'objet de cette analyse rigoureuse devraient être reconnus comme respectant les exigences en matière de salubrité alimentaire à l'échelle tant nationale qu'internationale.
La salubrité des aliments est un enjeu important pour tous les Canadiens aussi. Aucun autre produit alimentaire n'offre le contenu nutritionnel et les bienfaits pour la santé qu'une alimentation riche en fruits et légumes peut fournir. Pourtant, le Canada est le seul pays du G7 qui n'a pas de système national de consommation de fruits et légumes. C'est pourquoi l'ACDFL travaille avec nos partenaires du secteur de la santé, y compris l'Association canadienne de santé publique, la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC et la Société canadienne du cancer, afin d'élaborer une politique nutritionnelle nationale relative aux fruits et légumes pour le Canada. Une telle politique permettrait au gouvernement fédéral d'exercer un leadership qui respecte les champs de compétence provinciaux et soutient les initiatives en place dans l'ensemble du pays, à l'échelle provinciale, territoriale et communautaire, qui réussissent à augmenter la consommation de fruits et légumes et à perfectionner les compétences alimentaires des Canadiens.
Même si les entreprises canadiennes de fruits et légumes continuent d'explorer de nouveaux marchés et de nouveaux débouchés commerciaux, en réalité, les États-Unis sont de loin la destination la plus importante de nos exportations, et il est très probable que cette situation ne change pas. L'industrie des fruits et légumes au Canada et aux É.-U. est solidement intégrée, et la nature hautement périssable de produits frais peut limiter les occasions d'envoyer les produits outre-mer. En 2013, 87 p. 100 des exportations canadiennes de fruits et légumes étaient à destination des États-Unis, pour une valeur approximative de 1,74 milliard de dollars.
Pour conclure, il y a un dernier élément dont j'aimerais parler, et c'est le manque de protection des paiements pour les vendeurs de fruits et légumes dans le cas de faillites au Canada, ce qui cause un risque financier disproportionné pour les entreprises de fruits et légumes. Cela a coûté aux entreprises canadiennes exportant aux États-Unis notre accès préférentiel établi depuis longtemps à la protection offerte en vertu de la Perishable Agricultural Commodities Act, aussi connue sous le nom de PACA, qui a fait l'objet d'une abrogation le 1er octobre 2014.
Cela aura des conséquences importantes pour l'industrie des fruits et légumes frais au Canada, et les factures impayées augmenteront pour les entreprises canadiennes qui exportent vers les États-Unis. Dans le passé, la seule menace de recours en vertu de la PACA était suffisante pour régler la majorité des litiges, et cela assurait le paiement des factures. Maintenant, afin de soumettre une réclamation officielle contre un mauvais payeur, une entreprise canadienne doit verser un cautionnement de deux fois supérieur à la valeur de sa réclamation. L'entreprise risque de ne pas pouvoir avoir accès à ces liquidités pendant une période pouvant aller jusqu'à un an et, en plus de cela, perdre le montant qu'on lui devait déjà. Pour de nombreuses entreprises, cela n'est pas faisable, et elles sont forcées d'accepter un montant inférieur à celui qui leur est dû.
Nous pouvons observer que cela arrive déjà à des entreprises canadiennes. À l'automne, une ferme de la C.-B. a envoyé des bleuets à un acheteur au Michigan qui a par la suite déclaré qu'il y avait eu des problèmes avec l'envoi et qui demandait un prix réduit. L'acheteur n'a pas respecté les modalités établies et n'a pas documenté ou soutenu sa déclaration. Pour une facture originale d'environ 128 000 $, l'agriculteur a été forcé d'accepter seulement environ 60 000 $, perdant ainsi une somme d'environ 67 000 $.
L'industrie canadienne demande la création d'une fiducie statutaire réputée limitée qui fournirait une protection financière aux vendeurs de fruits et légumes au Canada advenant une faillite. Les actifs disponibles pour les créanciers de la fiducie seraient limités spécifiquement aux créditeurs des fruits et légumes et à toute somme d'argent et à tout stock découlant de la vente des fruits et légumes. Une fiducie n'a pas besoin d'un financement ou d'une administration provenant du gouvernement. Cette solution respecterait aussi les exigences américaines; l'existence d'un système canadien comparable permettrait de rétablir notre accès préférentiel à la PACA.
Les caractéristiques uniques et l'environnement financier volatile du secteur des fruits et légumes frais signifient qu'une solution unique est nécessaire pour garantir le succès. Des modèles provenant d'autres industries dont les activités, dans le cas qui nous occupe, sont très différentes, ne fonctionnent simplement pas. Le fait de cibler la faillite par l'entremise d'une fiducie réputée constitue la mesure de réduction des dépenses la plus efficace qui s'offre à nous et la façon de fournir une protection des paiements au plus grand nombre d'entreprises possible dans le secteur des fruits et légumes.
Au nom de notre industrie, je vous remercie, et je serai plus qu'heureux de répondre à vos questions.
La sénatrice Tardif : Je vous remercie, monsieur Lemaire, de votre exposé. Vous avez soulevé un si grand nombre d'éléments intéressants que je ne sais pas par où commencer. Je souhaite aborder l'enjeu des barrières commerciales non tarifaires. Vous avez dit être inquiet du fait que, dans de si nombreux cas, nous utilisons les exigences en matière de salubrité des aliments relatives à la protection des végétaux comme prétexte pour le protectionnisme national. Connaissez-vous des cas spécifiques dont vous pourriez nous parler?
M. Lemaire : Nous avons entendu dire plus tôt que les mesures phytosanitaires constituaient un passeport qui permet de nous assurer que nos produits peuvent circuler. Toutes les fois où nous devons nous soumettre au processus d'inspection ou d'examen, nous voulons nous assurer que nous sommes protégés dans le contexte national canadien. Nous voulons aussi nous assurer que nous avons des normes et des systèmes en place afin de pouvoir exporter vers d'autres pays. Il s'agit d'un enjeu à l'échelle mondiale ainsi qu'à l'échelle nationale étant donné que nous voulons nous assurer que nos systèmes de salubrité des aliments sont reconnus à l'échelle nationale et internationale, que nos données scientifiques sont à jour et pertinentes, que nous n'effectuons pas de suivis relatifs à des problèmes parasitaires qui étaient peut-être pertinents il y a 15 ans et qui entravent toujours le commerce de nos produits.
Par exemple, on pourrait mentionner l'envoi de poivrons de serre au Japon et le besoin de trouver une façon d'établir que nous n'avons pas de problème parasitaire relativement à ces poivrons afin que nous puissions envoyer facilement des poivrons de la C.-B. sur le marché japonais.
La sénatrice Tardif : Merci de votre exemple. Une autre chose me préoccupe : la proposition que vous avez faite de mettre sur pied une fiducie comme plan de faillite individuel. Nous venons de terminer notre étude du projet de loi C- 18, Loi modifiant certaines lois en matière d'agriculture et d'agroalimentaire. Il existe une protection, un programme de paiements anticipés grâce auquel les gens peuvent emprunter jusqu'à 100 000 $ sans intérêts afin de couvrir leurs besoins. N'y a-t-il rien de semblable en place pour les producteurs de fruits et légumes?
M. Lemaire : Il s'agit d'un scénario unique. Le secteur des fruits et légumes privilégie les paiements comptants. Les produits sont hautement périssables et traversent un système très rapidement. Le défi auquel nous faisons face actuellement au Canada est le suivant : si je suis un agriculteur et que je vends mes produits à quelqu'un dans une autre partie du pays, le produit a été reçu par cet acheteur. Si le budget de l'acheteur est trop serré — nous travaillons avec des marges très serrées et nous sommes sous-capitalisés, donc, l'accès à un capital accru afin de pouvoir mobiliser des fonds constitue un défi — ce qui est susceptible d'arriver si l'entreprise en question ne peut pas répondre à ses obligations financières, elle déclare faillite. Il est impossible d'avoir accès au produit. Le produit a passé par leur système, et il est maintenant vendu ou pourri, il est donc impossible d'établir l'inventaire. À cause du processus prévu dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité actuellement, le vendeur de fruits et légumes n'est pas reconnu. Même si la LFI, aux articles 81.1 et 81.2, reconnaît l'agriculteur, la définition d'agriculteur est très limitée. L'agriculteur est une personne qui est directement liée à la culture du sol, et les échéanciers relatifs à la perception sont contraignants.
Même si le modèle actuel est sous-tendu par les meilleures intentions du monde en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, il ne soutient pas le secteur dans la façon dont les affaires sont menées ou le sont depuis 70 ans dans le secteur des fruits et légumes. Le défi auquel nous faisons actuellement face est que les vendeurs de fruits et légumes, dans l'éventualité d'une faillite, n'obtiennent rien dans de nombreux cas.
La sénatrice Tardif : Dernièrement, l'exigence aux É.-U. ou au Canada concernant l'exemple relatif à la C.-B. que vous avez donné a-t-elle changé? Y a-t-il eu un changement qui rend les choses plus difficiles? Je crois me souvenir qu'une disposition problématique qui a été adoptée vous touche.
M. Lemaire : Pendant de nombreuses années, l'industrie et le gouvernement ont cherché une solution pour structurer ce que nous appelons les trois piliers d'un programme de protection financière. En premier lieu, il faut s'assurer que nous avons un mécanisme de règlement des différends, que le gouvernement du Canada a aidé à créer avec l'industrie en 2000. Le nom de cette organisation est la CRD, la Corporation de règlement des différends. Les vendeurs de fruits et légumes, les entreprises, les agriculteurs et les détaillants sont membres de la CRD. Advenant un différend concernant les modalités de vente, la CRD peut intervenir et fournir des services de médiation et d'arbitrage ainsi que des conseils concernant un règlement.
Un modèle semblable, fondé sur une relation de réciprocité, est utilisé aux États-Unis sous le régime de la Perishable Agricultural Commodities Act, la PACA. Cependant, il y a de cela 30 ans environ, on a établi, en vertu de la PACA, une fiducie réputée visant à protéger les producteurs de fruits et de légumes en cas de faillite. Les Canadiens ont bénéficié de cette mesure, car le Canada et les États-Unis sont des partenaires commerciaux si importants l'un pour l'autre que nous nous sommes vu accorder un accès privilégié. Si je vendais des produits aux États-Unis, tout ce que j'avais à faire, c'était d'acquitter des frais administratifs de 100 $ de manière à ce que je puisse déposer une réclamation en vue de tenter de récupérer ce qui m'était dû. Toutefois, nous n'avions pas accès au volet relatif aux faillites. Le Canada ne dispose pas d'un modèle semblable à celui que les États-Unis ont adopté sous le régime de la PACA.
Pendant des années, nous avons tenté de trouver une solution. Le 1er octobre 2014, les États-Unis ont finalement déterminé qu'ils ne bénéficiaient pas d'une réciprocité, et ils ont donc révoqué notre accès privilégié au modèle découlant de la PACA. Après 70 années d'échanges commerciaux et d'utilisation du modèle, ils ont décidé que nous ne pouvions plus recourir à cet outil. Nous pouvons l'utiliser de la même façon que le font les autres pays, à savoir en déposant la garantie d'une valeur équivalente au double du montant réclamé, ce que bon nombre d'entreprises ne peuvent pas se permettre.
La sénatrice Tardif : Je savais que votre association avait essuyé une perte cruciale, mais j'avais oublié de quoi il s'agissait précisément.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Bonjour à nos deux invités. Monsieur Lemaire, vous avez soulevé une question qui m'interpelle. Vous avez mentionné la difficulté de trouver des travailleurs pour les producteurs et le fait que vous êtes obligés d'aller chercher des travailleurs étrangers. Peut-être que des Canadiens sont disponibles, mais qu'ils ne veulent pas faire ce travail. Le problème est le même aux États-Unis, et je sais, pour avoir voyagé souvent là-bas, que les Américains font souvent appel à de la main-d'œuvre cubaine et mexicaine; en effet les Américains ne veulent pas faire ce travail.
J'ai visité un producteur l'été dernier, et j'ai appris qu'il y a un autre problème lié au fait que les travailleurs qui viennent de l'étranger restent parfois pour une période de quatre à cinq mois puis retournent dans leur pays; ils peuvent revenir une deuxième fois, mais pas une troisième fois. Les producteurs se demandaient s'il n'y aurait pas lieu de modifier les lois. De fait, quand ces travailleurs viennent ici, ils acquièrent une certaine expérience, ils deviennent parfois chefs d'équipe; ce sont de bons employés, et les producteurs veulent pouvoir les réengager. Ils reviennent une deuxième fois, mais il y a ensuite toute la question des visas. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, car je pense que vous avez des choses à dire.
M. Lemaire : Oui, c'est un problème pour l'industrie.
[Traduction]
Le principal problème tient à l'ensemble de compétences requises pour cueillir des fruits et des légumes. Pour acquérir ces compétences, une personne doit suivre une formation. Si la personne chargée de dispenser une telle formation à deux ou trois employés embauchés pour une période déterminée de l'exploitation agricole est un travailleur étranger qui est incapable de revenir ici pour fournir ces services de façon continue, l'agriculteur doit assumer un fardeau lié aux coûts supplémentaires de la formation et aux difficultés posées par le fait de trouver de nouveaux travailleurs en mesure de fournir ces services. Ce qu'on ne prend pas en considération, c'est que ce sont les consommateurs qui font les frais de tout ce temps supplémentaire. L'agriculteur doit investir dans la formation des cueilleurs et assumer les pertes liées aux produits laissés dans les champs par des employés incompétents. Tous ces éléments entrent en ligne de compte lorsqu'il est question du besoin fondamental de travailleurs étrangers qualifiés capables de faire le travail que les Canadiens ne veulent pas faire.
La difficulté liée aux visas est extrêmement frustrante. Bon nombre de travailleurs arrivent au Canada munis d'un visa leur permettant de travailler au sein d'une exploitation agricole donnée. Cependant, il se peut que les services de ces travailleurs soient requis par une kyrielle d'exploitations agricoles. On tente d'envoyer des travailleurs étrangers dans de multiples exploitations, mais ils ont besoin d'une multitude de visas de manière à pouvoir passer légitimement d'une exploitation agricole à l'autre au Canada. La délivrance de ce type de visa à des exploitations agricoles a posé des difficultés au Québec. Je crois comprendre que, dans certains cas, au bout du compte, on a laissé pourrir dans les champs des fruits et des légumes d'une valeur totale d'environ 30 millions de dollars.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ce que je comprends, c'est qu'une des solutions possibles serait d'obtenir des visas qui leur permettraient de travailler chez plusieurs agriculteurs, et de pouvoir renouveler ces visas même après deux ans. Je sais que d'autres travailleurs originaires de pays latins souhaiteraient également venir travailler au Canada, et qu'il y a des listes d'attente. Je comprends que c'est la formation qui constitue un problème, car il faut prévoir tout de même une période de formation.
[Traduction]
M. Lemaire : Voilà précisément la solution. Il s'agirait de délivrer à l'intention des travailleurs étrangers des visas qui leur permettent de travailler dans de nombreuses exploitations agricoles, de veiller à ce que ces visas puissent être prolongés au-delà de deux ans et de faire en sorte que la procédure d'obtention du visa n'impose pas un fardeau administratif aux agriculteurs, vu que, là encore, ce sont les consommateurs qui feraient les frais de tous ces coûts administratifs supplémentaires. Ce serait là les solutions idéales.
Le président : Je tiens à préciser que le gouvernement a mis en place un système d'entrée express à l'intention des travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole. Avez-vous des commentaires à formuler là-dessus afin d'éclairer la suite des choses?
M. Lemaire : Je n'ai pas de commentaires à faire à ce moment-ci. Nous pourrons transmettre des observations supplémentaires au comité. Nos membres ne m'ont fait part d'aucun problème particulier. S'ils ont éprouvé des problèmes, ils ne nous les ont pas mentionnés. Je peux mener une recherche pour déterminer s'il y a eu des problèmes.
Le président : Je vous prie de le faire et de transmettre l'information que vous aurez recueillie au greffier du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
La sénatrice Unger : J'aimerais obtenir des renseignements à propos du marché du travail au Québec. Avez-vous des statistiques à nous fournir en ce qui concerne le taux de chômage dans cette province?
M. Lemaire : Je ne suis pas en mesure de vous fournir de but en blanc des statistiques concernant le marché du travail québécois. Il s'agit d'un problème qui touche non seulement le Canada, mais aussi les États-Unis. Même dans les régions où le taux de chômage est plus élevé qu'ailleurs, il est extrêmement difficile d'amener les personnes sans emploi à faire le travail manuel lié aux récoltes et à travailler dans une exploitation agricole.
La sénatrice Unger : Si nous avons besoin de travailleurs étrangers temporaires, c'est parce que les travailleurs canadiens refusent de faire ce type de travail.
M. Lemaire : C'est exact.
La sénatrice Merchant : J'ai quelques questions à poser au sujet du programme des travailleurs temporaires, qui a fait les manchettes au cours des six derniers mois. Est-ce que la situation s'est aggravée? Le cas échéant, j'aimerais que vous nous expliquiez en quoi elle s'est dégradée. Êtes-vous simplement aux prises avec les mêmes problèmes que vous éprouvez depuis un certain temps? J'aimerais que vous nous parliez uniquement de la situation au sein de votre industrie.
M. Lemaire : Au sein de notre industrie, nous avons éprouvé un véritable problème au cours de la plus récente période de récolte, surtout au Québec. Ce n'est pas uniquement dans cette province qu'on entend parler des processus administratifs et des difficultés connexes. Il s'agit là d'un problème qui touche l'ensemble du secteur. Cela dit, le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, au titre duquel on peut embaucher des travailleurs en provenance des Caraïbes, est révisé chaque année. Ce programme est extrêmement bien administré et fonctionne très bien.
Là encore, cela nous ramène à ce que j'ai dit à propos des solutions efficaces et simplifiées qu'a trouvées notre industrie. Lorsque le gouvernement a collaboré avec l'industrie pour adopter quelques-unes de ces solutions, cela a donné lieu à des résultats très fructueux. Le Programme des travailleurs agricoles saisonniers est un excellent exemple de collaboration qui nous a permis de trouver des travailleurs qualifiés et de faire en sorte qu'ils puissent venir au pays et s'intégrer à la collectivité. Dans la plupart des cas, lorsqu'ils arrivent au Canada, ces travailleurs s'installent dans la collectivité et y dépensent de l'argent. Ils font partie intégrante des collectivités rurales du Canada, et ils constitueront dans l'avenir un élément fondamental de la chaîne qui mène nos produits jusque dans l'assiette des Canadiens.
La sénatrice Merchant : Merci de ces commentaires. J'aimerais maintenant vous poser une question à propos du commentaire que vous avez fait à propos de la fermeture des stations de recherche agricole. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et nous fournir des renseignements à jour? Ces fermetures ont-elles lieu en ce moment ou se sont- elles produites il y a de cela de nombreuses années? Comme cela a des répercussions sur vous, quelles mesures pouvez- vous prendre ou prenez-vous pour vous assurer de mettre un frein à cela, ou peut-être même pour que de nouvelles stations ouvrent leurs portes?
M. Lemaire : L'Association canadienne de la distribution de fruits et de légumes représente tous les éléments constitutifs de la chaîne d'approvisionnement, des producteurs aux exploitants de services d'alimentation en passant par les expéditeurs et les détaillants. Depuis que des modifications ont été apportées aux stations de recherche et que des stations ont fermé leurs portes, nous avons constaté que les membres de l'industrie ont commencé à investir de façon plus active. Par exemple, des détaillants travaillent à présent en collaboration avec des producteurs en vue de mettre au point des variétés qui répondent à ce que seront, d'après eux, les besoins du consommateur de demain. De tels investissements interentreprises en recherches sont le fruit de la concurrence qui règne au sein du marché et des modifications apportées au chapitre du financement de la recherche par le gouvernement.
Dans le cadre de la Table ronde canadienne sur la chaîne de valeur de l'horticulture, le Conseil canadien de l'horticulture gère des fonds destinés à des groupes de recherche et visant des produits particuliers. À ce moment-ci, il semble que nous devrions envisager d'investir dans cette solution prometteuse en matière de développement futur, là encore en veillant à ce que le Conseil canadien de l'horticulture puisse comprendre clairement les besoins des producteurs primaires de ce secteur très précis et offrir le financement adéquat, du point de vue tant des entreprises que, si possible, du gouvernement, si des fonds sont disponibles, vu qu'ils ne sont pas alloués aux stations de recherche.
La sénatrice Merchant : Comment cela fonctionne-t-il? Outre le gouvernement, quelles sont les sources de financement? Vous devez avoir besoin de financement supplémentaire. Que faites-vous pour l'obtenir, et de quel montant s'agit-il?
M. Lemaire : D'après ce que je crois comprendre, le financement provient à parts égales du gouvernement et de l'industrie. Les fonds proviendront des diverses entreprises, qu'il s'agisse d'associations ou de groupements de producteurs spécialisés, par exemple les producteurs de pommes de terre, de pommes ou de bleuets. Il est important que le mécanisme soit fondé sur la collaboration. L'industrie ne demande aucunement que le financement provienne intégralement du gouvernement, mais il faut que le gouvernement offre un certain type de soutien pour assurer l'existence d'une démarche stabilisée en matière de recherche à l'échelle nationale de manière à ce que cela ne devienne pas également un élément de propriété au sein d'un marché où les relations interentreprises engendrent de la recherche aux fins de la concurrence. Les fonds proviennent du programme Cultivons l'avenir 2.
La sénatrice Tardif : Combien de stations de recherche agricole ont fermé leurs portes au Canada?
M. Lemaire : Je n'ai pas cette information sous la main, mais je pourrai la transmettre au comité.
La sénatrice Tardif : Vous pourriez faire cela? Nous vous en saurions gré. Merci.
[Français]
Le président : Avant de donner la parole au sénateur Maltais, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux participants du Programme d'études des hauts fonctionnaires parlementaires.
[Traduction]
Je vous souhaite la bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, et je vous remercie d'avoir choisi de faire l'expérience d'un témoignage devant nous. Vous êtes entre de bonnes mains, cela ne fait aucun doute.
[Français]
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que vous êtes entre bonnes mains avec Mme Mireille Aubé. Je tiens à remercier Mme Aubé et son groupe de leur participation à notre comité.
[Traduction]
Ces parlementaires proviennent de diverses assemblées législatives provinciales du pays et de parlements nationaux étrangers. Nous vous souhaitons la bienvenue à notre réunion. Nous sommes très fiers que vous soyez ici ce matin. Si vous avez des commentaires à formuler avant de partir, veuillez en aviser le greffier.
[Français]
Le sénateur Maltais : C'est tout à fait normal que ces gens aient choisi le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, puisque c'est grâce à nous, à nos témoins et à nos agriculteurs que les Canadiens peuvent manger.
Monsieur Lemaire, où est situé votre bureau?
M. Lemaire : Ici, à Ottawa.
Le sénateur Maltais : Estce que le problème des barrières tarifaires est encore présent?
Je vais vous poser une question qui m'intrigue. Le Québec et l'Ontario font beaucoup de commerce interprovincial. Vous savez sans doute que le Québec est le plus grand producteur de tomates de serre, et l'Ontario, le plus grand producteur de concombres. Nous avons visité des usines de tomates. Nous avons vu de gros camions partir avec des tomates et revenir avec des concombres et de la laitue pendant la période hivernale.
Il ne semble pas y avoir de barrières tarifaires. Ils travaillent jour et nuit. Nous avons pu le constater en visitant les usines. Estce qu'ils ont des problèmes avec les deux gouvernements? Comment estce que cela fonctionne?
[Traduction]
M. Lemaire : L'industrie des fruits et des légumes a de la chance puisque le Comité de l'agriculture de la Chambre se penche actuellement sur la question des obstacles au commerce à l'intérieur du Canada. On constate des problèmes en ce qui concerne le vin et d'autres produits. Dans le secteur des fruits et des légumes frais, les échanges commerciaux entre les provinces sont très nombreux et très dynamiques. Les problèmes auxquels nous faisons face ne sont généralement pas liés à des obstacles en particulier, hormis un problème concernant les organismes nuisibles ou un autre ayant trait à la taille des conteneurs. En tant que Canadien, j'ai le droit de vendre et d'expédier des tomates ou des concombres d'une province à l'autre, pour autant que le produit que j'expédie soit exempt d'organismes nuisibles et qu'il ne provienne pas d'une zone réglementée qui dépend du produit.
[Français]
Le sénateur Maltais : Nous avons également visité une entreprise moyenne au Nouveau-Brunswick qui est spécialisée dans la pomme de terre frite. Cette entreprise dessert Québec, Montréal et Toronto. Est-ce que ces gens font face à des barrières tarifaires? Ils partent du Nouveau-Brunswick, traversent le Québec, et se rendent en Ontario. Trois provinces sont concernées par ce dossier. Est-ce qu'il y a des problèmes entre elles? Est-ce qu'elles doivent obtenir des permis spéciaux?
[Traduction]
M. Lemaire : En ce qui concerne les pommes de terre transformées, je vous dirai que notre organisation s'occupe exclusivement de l'industrie des produits frais. Nous ne nous occupons pas des exigences commerciales applicables à l'industrie des produits transformés. Je n'ai donc pas de réponse à vous fournir en ce qui a trait au marché des pommes de terre transformées et des pommes de terre frites.
Pour ce qui est des ventes de pommes de terre d'une province à l'autre, je soulignerai qu'il y a des zones réglementées de production de pommes de terre. Avant qu'on puisse expédier des pommes de terre provenant de ces zones, on doit s'assurer qu'elles sont exemptes d'organismes nuisibles. Il s'agit là d'un exemple d'obstacle avec lequel l'industrie des produits frais doit composer. Il s'agit d'un obstacle davantage lié à la présence d'organismes nuisibles.
L'une des difficultés qui nous préoccupent concerne l'expédition de pommes en Colombie-Britannique. Les pommes en provenance du Québec et de l'Ontario qui sont expédiées en Colombie-Britannique doivent être inspectées par l'ACIA, qui doit s'assurer qu'elles sont exemptes d'un certain organisme nuisible. Si j'ai bien compris, d'après ce que nos membres nous ont dit, cet organisme n'a pas été décelé depuis de nombreuses années et, pourtant, on mène encore une inspection découlant d'une exigence instaurée il y a de cela belle lurette.
Une fois qu'elles ont été inspectées, ces pommes sont placées dans des camions scellés qui ne pourront pas être rouverts avant qu'ils n'aient atteint la Colombie-Britannique. Si cela pose un problème pour l'industrie, c'est que nos marges de profit sont faibles et que nous devons trouver des moyens de faire des économies au chapitre du transport de notre produit, vu les coûts élevés liés au transport et aux processus connexes, et que, dans bien des cas, nous tentons de regrouper de nombreux produits différents au sein d'un même chargement. Ainsi, nous pourrions expédier en Colombie-Britannique des pommes et d'autres produits en provenance de l'Ontario ou du Québec, ou expédier un chargement de pommes qui s'arrêterait en Ontario et en Alberta avant d'atteindre la Colombie-Britannique, ce qui nous permettrait de faire des économies.
À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas faire cela, en raison de l'exigence relative à l'inspection et au camion scellé, et ce, même si les producteurs me disent qu'ils n'ont aucun problème d'organismes nuisibles.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je me suis peut-être mal exprimé. L'industrie que nous sommes allés visiter, le président du comité et moi, envoie des pommes de terre rondes à une petite manufacture de frites à Québec. Il en est de même pour Montréal et Toronto, selon les besoins des restaurateurs et selon les commandes. Le chargement qui quitte le Nouveau- Brunswick contient des pommes de terre rondes, qui sont transformées en frites à destination. Donc, il ne devrait pas y avoir de barrières tarifaires, soit au Québec ou en Ontario, puisque c'est permis.
[Traduction]
M. Lemaire : Il faut obtenir une exemption ministérielle afin de pouvoir expédier en vrac des pommes et des pommes de terre. Il s'agit de chargements de 50 kilogrammes et plus pour ce qui est des pommes de terre, et...
Jane Proctor, vice-présidente, Gestion des politiques et des enjeux, Association canadienne de la distribution de fruits et légumes : ... de chargements d'un poids maximal de 200 kilogrammes pour ce qui est des pommes.
M. Lemaire : Pour expédier ces chargements en vrac du Nouveau-Brunswick vers le Québec, on doit obtenir une exemption ministérielle. D'aucuns avanceront qu'il s'agit là d'un obstacle, vu les coûts supplémentaires qu'entraîne l'obligation de placer le produit dans de plus petits emballages avant de l'expédier dans une autre province. Le délai administratif découlant d'une demande d'exemption tient au fait qu'il faut que l'industrie approuve la demande et au fait que l'industrie et le ministre doivent convenir d'un commun accord que le produit peut être expédié.
Nous savons que le gouvernement se penche sur les conteneurs normalisés et envisage d'apporter des modifications à ce chapitre. De plus amples consultations doivent être menées. Pour faire en sorte de ne créer aucune disparité ni aucune difficulté pour l'industrie, nous devons donner l'occasion à ses membres de participer à ces consultations.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je suis un fervent abolitionniste des barrières tarifaires, si vous aviez une recommandation à faire au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts pour abolir ces barrières tarifaires au Canada. Il y a beaucoup de paperasse dans notre pays. Si on enlevait celleslà, tout en conservant la sécurité alimentaire, la traçabilité — il est possible de le faire aujourd'hui avec les moyens dont nous disposons —, ce serait bien.
En tant que représentant de l'Association canadienne de la distribution de fruits et légumes, pourriez-vous préparer une recommandation et l'envoyer à notre comité afin que nous puissions l'analyser comme nous l'avons fait avec les vins? C'est un début. Nous pourrons peut-être le faire avec d'autres denrées. Dans le cas des vins, c'est notre comité qui s'en est chargé. C'est une demande viticole dans l'ensemble du pays. C'est une difficulté à laquelle font face les producteurs, les acheteurs et les vendeurs de fruits et légumes.
M. Lemaire : J'ai une recommandation à présenter, en effet.
[Traduction]
Au Canada, nous avons besoin d'une harmonisation entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. La Loi sur la salubrité des aliments au Canada et son règlement d'application seront adoptés au plus tard en 2015, du moins nous l'espérons. La salubrité des aliments et la traçabilité sont des questions de première importance. Nous devons nous assurer que les provinces sont sur la même longueur d'onde sur le plan de la salubrité des aliments et que — pour faire suite à votre commentaire touchant l'imposition d'un fardeau supplémentaire à l'industrie — on ne crée pas d'exigences supplémentaires, de manière à ce qu'un producteur du Québec ne soit pas tenu par son client d'exécuter un certain protocole en matière de salubrité des aliments et qu'il doive en plus exécuter un autre protocole exigé par la réglementation fédérale, et un protocole différent prévu par la réglementation provinciale.
La même chose vaut pour l'étiquetage. Nous devons veiller à harmoniser la réglementation en la matière, de manière à ce que les pommes de terre emballées au Québec puissent être expédiées dans d'autres régions du pays, et à ce que les pommes de terre emballées en Ontario puissent être expédiées au Québec. Cela nous évitera d'avoir à jeter un bon produit ou à le réemballer parce qu'il ne répond pas à certaines exigences applicables dans une région donnée.
L'harmonisation est un élément clé. La politique doit être harmonisée. La traçabilité est un élément important pour nous tous, comme l'est le fait de veiller à l'harmonisation des réglementations à l'échelle interprovinciale, fédérale et, surtout, internationale, vu que nous évoluons au sein d'un marché mondial. Les Canadiens veulent de plus en plus de produits, non seulement des produits provenant d'ici et des produits de plus en plus variés, mais aussi des produits provenant d'un peu partout dans le monde. Nous devons nous assurer de ne pas compliquer la plate-forme commerciale au sein de laquelle nous fonctionnons en ce moment.
[Français]
Le sénateur Maltais : Nous serons heureux de recevoir votre recommandation. Je vous remercie.
[Traduction]
La sénatrice Unger : Monsieur Lemaire, combien de producteurs votre organisation représente-t-elle?
M. Lemaire : Il s'agit d'une question intéressante. Ce nombre oscille entre 8 500 et 10 000 producteurs, et il comprend également les très petits producteurs. Notre organisation représente les producteurs et les expéditeurs. Au sein de l'industrie, notre secteur est de taille petite à moyenne, et il comporte aussi de grandes entreprises et des multinationales. Les producteurs et les expéditeurs que nous représentons achètent des produits de bon nombre de ces quelque 8 500 petites et moyennes exploitations agricoles, et ils regroupent leurs produits et les vendent sur le marché. Le volet en aval, constitué de ces petites exploitations agricoles, est représenté par l'entremise de nos producteurs et expéditeurs qui achètent et réemballent leurs produits et les soutiennent.
La sénatrice Unger : Est-ce que d'autres organisations comme la vôtre représentent des producteurs au Canada?
M. Lemaire : Le Conseil canadien de l'horticulture représente les producteurs primaires. Ce conseil regroupe d'autres associations qui représentent des producteurs de toutes les régions du pays. Nous travaillons en étroite collaboration avec lui. Jusqu'au début des années 2000, notre organisation et le Conseil canadien de l'horticulture étaient dirigés par un même groupe de personnes. Ces gens se chargeaient de diriger les deux organisations. En 2000, nous avons séparé nos activités. À l'heure actuelle, la vice-présidente exécutive du conseil est Anne Fowlie, et son président est Keith Kuhl, un cultivateur originaire du Manitoba. Nous travaillons en étroite collaboration avec le Conseil canadien de l'horticulture de façon à assurer l'intégration et à faire des gains d'efficience.
La sénatrice Unger : J'ai une autre brève question à vous poser. Vous avez dit que l'ACIA devait soutenir ses propres normes rigoureuses. Pourriez-vous nous fournir des explications là-dessus?
M. Lemaire : Je vais demander à Jane de formuler également des commentaires à ce sujet, vu qu'elle travaille personnellement sur ce dossier.
Nous sommes très heureux que l'ACIA ait accepté d'examiner les normes de l'industrie en matière de salubrité des aliments et d'établir rigoureusement si elles cadrent avec des critères qu'elle pourrait ensuite reconnaître. Ainsi, des programmes de l'industrie, par exemple CanadaGAP — programme répondant aux normes de la GFSI — sont reconnus non seulement ici, au Canada, mais également à l'échelle mondiale, et permettent de vendre des produits tant au pays qu'à l'étranger.
Le problème avec lequel nous sommes aux prises tient à ce que nous avons constaté que, au fil du temps, des changements au chapitre de l'interprétation sont survenus dans le cadre du processus relevant de l'ACIA, et que cela a créé des problèmes au chapitre de l'application de quelques-uns de nos systèmes. Je vais demander à Jane de vous fournir de plus amples renseignements à ce sujet.
Mme Proctor : Merci. L'ACIA dispose, comme Ron l'a mentionné, d'un programme très rigoureux de reconnaissance de programmes de ce genre. Ce qui nous préoccupe, surtout dans un contexte où toutes sortes de dispositions réglementaires découleront de la Loi sur la salubrité des aliments au Canada, c'est que nous encourageons vivement l'ACIA à soutenir, comme nous le disons, ces programmes — en d'autres termes, à les défendre. Elle les a reconnus. Il s'agit d'un processus très rigoureux, qui met également les provinces à contribution. Les programmes sont examinés de très près. À notre avis, si on a fait cela, et si des fonctionnaires et l'industrie ont investi énormément de temps pour faire cela, il serait souhaitable que vous défendiez tout cela et affirmiez : « Nous avons exécuté notre processus rigoureux et nous savons qu'il s'agit d'un bon programme, comme le programme CanadaGAP, lequel englobe à présent le programme relatif au réemballage et au commerce en gros, de sorte qu'il sera exécuté entièrement dans les exploitations agricoles. » Il faut non seulement le défendre au pays et en reconnaître la validité au moment où l'on élaborera des dispositions réglementaires et fixera les critères qui devront être respectés, mais également — ce qui est tout aussi important — le défendre à l'échelle internationale, comme Ron l'a mentionné. Lorsque nous fonctionnons de façon rigoureuse, lorsque nous avons la certitude que nous disposons de programmes de qualité supérieure qui répondent aux principes HACCP et aux normes strictes établies dans le cadre de la GFSI — la Global Food Safety Initiative —, nous pourrons défendre ces programmes auprès de nos partenaires commerciaux du monde entier et affirmer : « Oui, nous pouvons défendre ces programmes, vu que nous les avons reconnus à l'issue d'un processus rigoureux. Il s'agit de programmes légitimes. La salubrité de nos aliments, en l'occurrence de nos fruits et légumes, ne soulève aucune préoccupation. » Si je ne m'abuse, d'autres programmes en matière de salubrité des aliments du secteur feront également l'objet d'un examen.
Ainsi, si nous nous apprêtons à faire cela et à déployer de grands efforts à cet égard en collaboration avec le gouvernement et l'industrie, nous devons nous assurer de soutenir le programme, de le défendre et d'en faire la promotion partout dans le monde.
Le sénateur Enverga : Je vous remercie de votre exposé. Vous avez mentionné beaucoup plus tôt que l'un de nos problèmes tenait à ce que nous ne disposions d'aucun régime national de consommation. En fait, cela me surprend, mais j'aimerais que vous nous en disiez davantage sur le problème que cela vous pose. Nous menons actuellement une étude sur l'obésité, et je me demande s'il serait possible d'établir un lien entre cette étude et celle qui nous occupe en ce moment.
M. Lemaire : Les fruits et légumes frais représentent l'arme la plus efficace contre les maladies chroniques et l'obésité. À l'heure actuelle, au Canada, une foule d'activités intéressantes sont menées dans le cadre de divers programmes provinciaux et municipaux. À l'échelon fédéral, nous ne disposons d'aucun régime ni d'aucun plan semblable à celui instauré au sein de l'UE. Ce plan soutient l'exécution de programmes de promotion de la consommation de fruits et de légumes dans tous les pays membres de l'UE.
Ici, compte tenu des problèmes liés aux champs de compétence qui surgissent lorsqu'on tente de mettre quelque chose en place à l'échelle du pays, il faudrait que le gouvernement fédéral prenne l'initiative d'élaborer un modèle stratégique auquel les provinces pourront adhérer et qu'elles pourront adopter.
Comment soutenir et exécuter des programmes provinciaux à l'échelle fédérale tout en s'assurant d'éviter les chevauchements et de créer de nouvelles dépenses au sein du système? Une foule d'excellentes activités sont déjà en cours. Nous devons trouver le moyen de les mettre à profit et de multiplier les réussites sur le marché, mais comment?
Des programmes fédéraux de cette nature ont existé dans le passé. Nous nous rappelons tous de ParticipACTION, programme fructueux qui a changé toute une génération. Les enfants d'aujourd'hui ont un excès de poids, ils sont inactifs et ils ne disposent pas des compétences en matière d'alimentation qui leur permettront de bien manger dans l'avenir. Il s'agit d'un problème. Il prendra des proportions épidémiques, et nous devons trouver une solution. Les fruits et les légumes constituent l'un des éléments clés de cette solution.
Le sénateur Enverga : À vous écouter parler, on dirait que vous dites qu'il n'y a pas suffisamment de demande pour votre produit. Est-ce exact? Si nous décidions de créer une politique en la matière, auriez-vous la capacité de répondre à la demande qui en découlerait?
M. Lemaire : Nous aurions la capacité de le faire. Le problème tient au fait de comprendre comment préparer cela, de prendre conscience de l'absence de compétences en matière d'alimentation, de comprendre pourquoi on devrait consommer ces produits et de savoir comment les entreposer. Il y a toute une gamme de problèmes. Depuis deux ans, nous organisons un sommet sur la santé auquel participent des intervenants du secteur de la santé et des membres de l'industrie des fruits et des légumes pour tenter de cerner les obstacles à la consommation. Quelles sont les meilleures mesures à prendre pour trouver des solutions afin d'accroître la consommation? Au cours des deux dernières années, à l'issue de ce sommet, nous sommes arrivés à la conclusion qu'un cadre stratégique fédéral constituait un point de départ indispensable. Ce cadre stratégique pourrait ensuite soutenir des programmes provinciaux et municipaux déjà en cours et éventuellement d'autres programmes qui pourraient être créés.
Ainsi, les compétences en matière d'alimentation sont essentielles. Pour créer une demande, on doit comprendre comment préparer les aliments.
Le sénateur Enverga : Merci. Vous serez peut-être le prochain témoin qu'entendra l'autre comité.
M. Lemaire : Je serais heureux de l'être.
Le sénateur Oh : Je vous remercie d'être ici aujourd'hui. J'ai une question à vous poser. L'AECG aura pour effet de supprimer le tarif imposé par l'UE sur des légumes et des fruits frais comme les fraises et les pommes, de même que sur des fruits surgelés ou transformés comme les cerises édulcorées et les pommes de terre surgelées. Selon vos estimations, combien cela rapportera-t-il à vos membres? J'aimerais également que vous nous disiez si vous êtes prêts à vous conformer à la procédure d'expédition.
M. Lemaire : Cela variera d'une collectivité à l'autre. Chaque nouveau débouché constitue une occasion. Le marché mondial est très concurrentiel. Cela nous ramène à ce que j'ai dit à propos de la nécessité de la recherche, de l'innovation et de l'investissement par l'industrie et le gouvernement. Si nous n'adaptons pas, par exemple, nos variétés de pommes en fonction des besoins de l'Europe, si nous ne nous assurons pas que nos protocoles en matière de salubrité des aliments et de traçabilité sont en place, notre percée sur le marché européen n'aura pas l'ampleur qu'elle pourrait avoir.
Par conséquent, à ce moment-ci, il est difficile d'avancer que cette possibilité d'exportation se traduira pour l'industrie par des retombées de tant ou tant de millions ou de milliards de dollars. Cette réponse, seul le temps nous la fournira, et l'élément important tient aux éléments de base que nous mettons actuellement en place pour nous assurer que nous sommes en mesure d'expédier nos produits, compte tenu de leur nature périssable. Par comparaison avec les bleuets, les pommes ou d'autres produits de base essentiels capables de survivre à l'expédition, les fraises n'offriront peut-être pas dans l'immédiat les possibilités que peuvent offrir d'autres produits.
Il n'est pas possible d'affirmer que tous les membres du secteur des fruits et des légumes connaîtront une croissance, mais on peut assurément avancer que, si nous offrons aux consommateurs européens le produit qu'ils souhaitent obtenir, si ce produit est de qualité, si son prix est convenable et s'il a satisfait à des protocoles judicieux en matière de salubrité des aliments et de traçabilité, des occasions se présenteront assurément à eux.
C'est ce qui se produit, par exemple, en Asie et au Japon. Il s'agit là d'un énorme débouché. Les cerises et les pommes du Canada sont énormément en demande parce que ces produits font partie des meilleures cerises et des meilleures pommes produites dans le monde, et que nous avons été en mesure de créer ces débouchés grâce aux bons mécanismes de salubrité des aliments et de traçabilité et grâce à de judicieuses activités d'innovation liées aux produits que nous expédions dans ces pays. Il y a une occasion à saisir, mais nous avons encore du travail à faire afin d'y parvenir.
Le sénateur Oh : Je suis certain que vous vous en tirerez bien. Le marché asiatique raffole des produits qui portent une feuille d'érable.
M. Lemaire : C'est exact.
Le président : Avant de conclure, le comité aimerait, par l'entremise du président, vous signaler qu'il a pris en considération les observations que vous avez formulées dans le passé à propos des recommandations contenues dans son rapport de 2014 en ce qui a trait à l'innovation au sein d'Agriculture Canada par opposition à l'innovation sur les marchés internationaux.
Au cours d'une comparution précédente, vous aviez formulé une observation à propos de la recommandation 19, qui était rédigée en ces termes : « Le comité recommande qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada améliore la qualité des renseignements stratégiques sur les marchés mis à la disposition des intervenants du secteur afin de répondre de manière appropriée à leurs besoins. »
La réponse du gouvernement a été la suivante : « Le gouvernement est d'accord avec la recommandation du comité voulant qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) rende plus facilement accessibles les données stratégiques sur les marchés pour les intervenants du secteur afin de répondre plus efficacement à leurs besoins. AAC diffuse de l'information sur les marchés depuis 1905 et ajuste périodiquement son programme pour répondre aux besoins du secteur. »
Je crois que quelques-unes des recommandations ou des observations que vous avez faites ce matin trouveront assurément leur expression dans notre prochain rapport.
M. Lemaire : Je remercie le comité. Les membres de notre industrie sont extrêmement reconnaissants au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts du travail qu'il fait pour soutenir et susciter l'innovation et le changement. Comme nous sommes conscients du fait qu'il s'agit d'un travail de collaboration, nous vous savons véritablement gré de l'ensemble du travail que vous avez accompli, et nous nous réjouissons à l'idée de contribuer également, au besoin, à vos travaux à venir. Merci beaucoup.
Le président : Comme vous l'avez mentionné, cela va dans les deux sens. À mesure que nous irons de l'avant, le Canada doit continuer à être le meilleur pays du monde en matière de salubrité des aliments.
M. Lemaire : Tout à fait.
Le président : Cela dit, je vous remercie, honorables sénateurs. La séance est levée.
(La séance est levée.)