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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 25 - Témoignages du 10 mars 2015


OTTAWA, le mardi 10 mars 2015

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Chers témoins, nous allons vous accueillir officiellement dans quelques minutes.

Je m'appelle Percy Mockler et je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. J'aimerais que tous les sénateurs se présentent.

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, Saskatchewan.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, Ontario.

La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, Alberta.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bon après-midi. Je suis le sénateur Ghislain Maltais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Tannas : Scott Tannas de l'Alberta.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, Ontario.

Le sénateur Ogilvie : Kevin Ogilvie, Nouvelle-Écosse.

Le président : Je vous remercie, honorables sénateurs.

Le comité poursuit son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

[Français]

Le secteur agricole et agroalimentaire canadien joue un rôle important dans l'économie canadienne.

[Traduction]

En 2012, un travailleur sur huit au pays représentant plus de 2,1 millions de personnes était employé dans ce secteur qui a d'ailleurs contribué à près de 6, 7 p. 100 au produit intérieur brut.

Au niveau international, le secteur agricole et agroalimentaire canadien était responsable de 3,6 p. 100 des exportations mondiales des produits agroalimentaires en 2012. Et en effet, en 2012, le Canada a été le cinquième plus grand exportateur de produits agroalimentaires au monde.

Pour nos premiers témoins, nous accueillons de 1'Association des vignerons du Canada M. Dan Paszkowski, président et chef de la direction.

[Français]

Nous accueillons aussi Mme Beth McMahon, vice-présidente, Affaires publiques et gouvernementales.

[Traduction]

Et de Spirits Canada, M. Jan Westcott, président et chef de la direction.

[Français]

Nous accueillons aussi M. CJ Hélie, vice-président exécutif.

[Traduction]

Merci d'avoir accepté notre invitation à venir partager vos points de vue avec nous, vos recommandations et vos idées sur l'accès aux marchés.

J'invite maintenant les témoins à prendre la parole. Selon le greffier, le premier à faire une présentation préliminaire sera M. Westcott, suivi par M. Paszkowski.

Monsieur Westcott, vous avez la parole.

Jan H. Westcott, président et chef de la direction, Spirits Canada : Je vous remercie. Je suis heureux d'avoir cette occasion de témoigner. Je m'appelle Jan Westcott et je vous présente mon collègue CJ Hélie, vice-président exécutif de notre association. Nous sommes le seul organisme national qui représente les intérêts des manufacturiers et exportateurs canadiens de spiritueux distillés. Nous sommes très heureux de comparaître aujourd'hui pour partager nos points de vue et perspectives sur l'étude du Comité sur les priorités du secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Pour vous donner un contexte, les fabricants de spiritueux canadiens obtiennent presque 100 p. 100 de tous leurs intrants agricoles localement. Les spiritueux canadiens sont fabriqués à partir d'une gamme de grains de céréales, notamment, l'orge, le maïs, le seigle et le blé, qui sont tous cultivés ici au Canada. En fait, un de nos membres est le plus gros acheteur de grains de seigle dans l'Ouest du Canada et l'Association des Grain Farmers of Ontario nous dit que nous sommes le quatrième plus gros acheteur de maïs en Ontario. Nous achetons également beaucoup de maïs dans les provinces du Québec et du Manitoba.

Les fabricants de spiritueux canadiens transforment ces céréales de haute qualité en whisky, vodka et autres spiritueux appréciés des consommateurs adultes du monde entier. L'an dernier, plus de 600 millions de dollars de spiritueux ont été exportés, ce qui représente deux tiers de toutes les exportations canadiennes de boissons alcooliques dépassant de loin la valeur combinée de la bière, du cidre et des exportations de vin.

Les produits phares de l'industrie que sont le whisky et le rye canadiens ont représenté près de 400 millions de dollars de nos ventes internationales et plus de 100 millions de dollars en liqueurs qui étaient la deuxième catégorie en importance. En outre, quelque 70 millions de dollars de spiritueux en vrac ont été vendus à l'étranger pour être utilisés comme une base pour diverses marques de spiritueux, principalement dans des pays ayant une capacité de production agricole limitée et allant au-delà de leurs besoins immédiats en matière de production alimentaire.

Les États-Unis restent le marché international principal de l'industrie. Les whiskies canadiens sont bien établis aux États-Unis et le renouvellement de l'intérêt des consommateurs américains essentiellement pour des whiskys et plus particulièrement pour du rye, qui est notre point fort, offre des possibilités de croissance très importantes à court et à moyen terme.

Une préoccupation majeure pour ce qui est de l'accès au nouveau et dynamique marché américain des spiritueux découle de la congestion aux postes frontaliers clés du Québec, de l'Ontario et de l'Alberta. C'est pour cette raison que nous sommes très heureux du leadership assuré par le gouvernement du Canada en ce qui touche la réalisation du projet d'un nouveau pont international à Detroit, c'est-à-dire juste à côté de nos grandes installations de Windsor en Ontario et d'Amherstburg. J'aimerais signaler en passant que notre distillerie de Windsor, la Hiram Walker & Sons Distillery, est la plus importante en Amérique du Nord.

Passons maintenant aux accords de libre-échange. Les accords de libre-échange récemment négociés offrent des possibilités d'accès à des marchés auparavant fermés ou difficiles du point de vue commercial. Par exemple, l'ALE Canada-Colombie reconnaît officiellement le whisky canadien et le rye canadien comme produits distinctifs du Canada. Cette protection juridique pour nos produits phares rassure les producteurs canadiens que leurs investissements pour éduquer les Colombiens sur la catégorie et leur marque ne sont pas compromis. L'accord exige également que la Colombie élimine son tarif punitif d'importation de 20 p. 100 en 12 étapes annuelles progressives, ce qui signifie que le whisky canadien entrant en Colombie à partir du 1er janvier de cette année est désormais soumis à un droit d'importation de 12 p. 100 plutôt que de 20 p. 100. Nous faisons donc du progrès.

Parallèlement, l'ALE avec la Colombie met également en lumière les risques et les coûts liés à l'exploitation d'un nouveau marché. Les négociateurs commerciaux canadiens ont réussi à faire en sorte que la Colombie s'engage à harmoniser ses droits d'accise internes, conformément à ses obligations de traitement national dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de l'accord, soit d'ici août 2013.

Toutefois, nous avons largement dépassé cette date et les spiritueux canadiens ainsi que ceux provenant d'autres pays font toujours l'objet de droits d'accise plus élevés que ceux imposés sur les spiritueux produits en Colombie.

Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les agents commerciaux canadiens ici à Ottawa ainsi qu'à Bogota, à Genève et à Paris qui ont tous été très utiles et fait preuve de diligence pour inciter et cajoler la Colombie à respecter ses obligations en vertu de l'ALE. Grâce en grande partie aux efforts déployés par le gouvernement canadien, nous sommes heureux de signaler que le gouvernement fédéral colombien a déposé un projet de loi le mois dernier qui mènerait à l'élimination des droits d'accise sur cinq ans, soit d'ici 2019, soit, comme vous le savez, six ans après le délai négocié par le Canada. Tout cela pour dire qu'à certains égards la signature d'un ALE n'est que la première étape dans la réalisation de réels progrès commerciaux sur un marché international donné.

Un accord de libre-échange Canada-Corée est entré en vigueur le 1er janvier de cette année. Les agents commerciaux canadiens ont réussi avec brio l'élimination immédiate du tarif d'importation de 20 p. 100 imposé par la Corée sur le rye canadien en plus d'obtenir que le whisky canadien et le rye canadien soient reconnus et protégés à titre d'indication géographique du Canada. C'est important parce que le marché coréen du whisky est le septième au monde.

Ces éléments clés sont essentiels quant à notre capacité à rebâtir nos ventes en Corée, qui ont littéralement été coupées en deux en raison d'accords de libre-échange antérieurs conclus entre la Corée et les États-Unis et la Corée et l'Union européenne.

Nous avons également un vif intérêt dans les négociations en cours avec le Partenariat transpacifique et nous espérons qu'une réelle libéralisation du commerce aura lieu, plus particulièrement avec Singapour et le Vietnam, deux pays qui selon nous représentent un potentiel d'exportation important pour nos entreprises et avec lesquels nous n'avons pas d'ALE bilatéraux à l'heure actuelle.

J'ai mentionné plus tôt combien nous comptons sur le travail effectué par les agents commerciaux d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement ici à Ottawa et dans leurs bureaux à l'étranger pour ce qui est de lutter contre les barrières commerciales touchant nos exportations. Certaines de ces barrières sont visées directement dans divers accords bilatéraux. D'autres font l'objet de discussions ou de consultations avec les gouvernements étrangers et leurs organismes, qu'il s'agisse de commerces, de services frontaliers, d'échanges commerciaux, de questions de santé ou de finances. Ces professionnels nous ont largement appuyés. Leur professionnalisme, leur savoir-faire et leur dévouement sont vraiment exceptionnels.

Cela dit, une tendance inquiétante se dessine ici au Canada sous la forme de nouvelles mesures protectionnistes provinciales touchant le marché des spiritueux et conçues pour protéger et appuyer les producteurs provinciaux locaux. Ces mesures ont des répercussions considérables : elles affaiblissent l'efficacité du Canada à faire face à des mesures semblables imposées par des gouvernements étrangers. Il est difficile d'aller à l'étranger et de dénigrer les obstacles limitant la libre circulation des marchandises quand nos propres gouvernements agissent de façon contraire ici au Canada. Nous estimons que le Canada doit pleinement adopter le principe de libre-échange dans notre propre pays si nous voulons, en tant que nation, vraiment réussir à l'échelle internationale.

Je vais m'arrêter là et je serai heureux de répondre à vos questions. Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup. Il ne fait aucun doute que les sénateurs auront des questions pour vous.

Monsieur Paszkowski, voulez-vous faire votre présentation? Nous procéderons ensuite aux questions posées par les sénateurs.

Dan Paszkowski, président et chef de la direction, Association canadienne des vignerons : Merci, monsieur le président. Merci à tous les sénateurs.

L'Association canadienne des vignerons, mieux connue sous le nom d'ACV, est le porte-parole de l'industrie canadienne du vin. Nos membres représentent plus de 90 p. 100 du vin produit et vendu dans les marchés canadiens et internationaux. Ils contribuent aux activités de toute la chaîne de valeurs : culture et raisin, gestion agricole, récolte du raisin, production du vin, embouteillage, ventes au détail, recherche et tourisme.

L'industrie canadienne du vin regroupe 500 établissements viticoles et 1 300 vignobles indépendants qui génèrent des retombées économiques de 6,8 milliards de dollars pour l'économie nationale. Nous produisons deux types de vin : des vins canadiens de marque, fabriqués à partir de raisins canadiens à 100 p. 100, dont la valeur économique s'élève à 3,7 milliards de dollars, et des vins de coupage fabriqués à partir de raisins canadiens et importés dont la part de marché totalise 3,1 milliards de dollars.

Le raisin et le vin sont d'excellents exemples de réussite de l'industrie canadienne de l'agroalimentaire à valeur ajoutée. De la plantation des vignes à l'embouteillage, en passant par la culture du raisin et la fabrication du vin, les retombées de notre industrie ne se limitent pas loin de là à la vente chez le producteur et à la création d'emplois; nous contribuons grandement au tourisme, à la vente au détail et aux chiffres d'affaires des bars et des restaurants de partout au Canada. En fait, l'industrie nationale du vin est de maintenir plus de 31 000 emplois et amène chaque année plus de 3 millions de visiteurs dans les établissements viticoles canadiens.

En septembre dernier, l'industrie canadienne du vin a lancé sa stratégie d'exportation « Rouge et Blanc ». La vision que nous avons du Canada est celle d'un pays reconnu mondialement comme le premier producteur de vin de qualité en climat frais. Cette stratégie met en lumière les débouchés qui s'offrent aux producteurs canadiens dans les marchés internationaux. Compte tenu de la taille et des ressources limitées de notre industrie, nous avons axé nos efforts d'exportation sur les régions métropolitaines les plus prometteuses : New York, San Francisco, Hong Kong, Tokyo, Séoul et Londres.

À l'heure actuelle, nous exportons plus de 40 millions de litres de vin, principalement vers les États-Unis et la Chine. Comme notre industrie est encore jeune, 10 p. 100 seulement des vignerons canadiens exportent. Les raisons de cette situation ont aussi à voir, en bonne partie, aux économies d'échelle ainsi qu'à l'investissement et aux inventaires requis pour pénétrer de nouveaux marchés et s'y maintenir. C'est pourquoi notre stratégie met l'accent, en premier lieu, sur le développement des exportations interprovinciales, lesquelles généreront les investissements nécessaires au développement des exportations internationales.

Commençons par la bonne nouvelle : le vin devient peu à peu la boisson alcoolisée préférée des Canadiens. Le vin compte maintenant pour 30 p. 100 du marché des boissons alcoolisées, par rapport à 18 p. 100 en 1995. Malheureusement, les vins canadiens représentent seulement 30 p. 100 des ventes totales de vin au pays, nos concurrents étrangers accaparent 70 p. 100 du marché national. À 30 p. 100, aucun autre pays producteur de vin n'a de part aussi faible dans son marché intérieur.

Je tiens à préciser que notre industrie appuie fermement le libre-échange et qu'elle travaille sérieusement avec le gouvernement fédéral et les viticulteurs d'autres pays pour régler la question des barrières tarifaires et non tarifaires au commerce. Cependant, si nous voulons profiter des nouvelles possibilités d'exportation, comme celles créées par l'Accord de libre-échange Canada-Corée, nous devons garder à l'esprit quelques réalités importantes sur notre marché intérieur.

Le Canada est l'un des trois marchés du vin en plus forte croissance dans le monde. Tous les grands pays producteurs de vin investissent des dizaines de millions de dollars pour renforcer leurs ventes au Canada; la réduction ou l'élimination des droits d'importation font du Canada un marché plus rentable et les vins importés représentent 80 p. 100 de la croissance totale des ventes de vin depuis 10 ans au Canada.

Les exportations sont certes une priorité et un élément important du développement de l'image de marque du Canada, mais l'industrie canadienne du vin ne peut pas sous-estimer l'importance de détenir une plus grande part du marché intérieur. Le succès au Canada améliorera notre rentabilité, il consolidera les bases des entreprises viticoles canadiennes et contribuera à la force et à la durabilité des exportations.

L'industrie canadienne du vin a comme objectif de faire passer de 30 à 50 p. 100 la part du marché intérieur détenue par les vins canadiens. Atteindre cet objectif sera bénéfique non seulement pour l'industrie viticole, mais pour tout le Canada : chaque hausse de 1 $ des ventes de vin canadien entraîne des effets bruts de 3 $ sous la forme de revenus, de taxes, d'emplois et de salaires dans la chaîne de valeur de l'industrie.

Pour que notre industrie puisse exploiter tout son potentiel, nous recommandons que les mesures suivantes soient prises : financer une campagne de promotion des vins canadiens dans le marché intérieur afin de favoriser la sensibilisation, le développement de relations et la croissance de l'activité touristique; mettre en place un système de taxes d'accise dégressif grâce auquel le contenu canadien en raisin utilisé dans les vins vendus au Canada serait exempté de la taxe d'accise; resserrer la collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces en vue d'éliminer les barrières interprovinciales au commerce du vin.

En conclusion, l'industrie canadienne du vin est jeune, mais elle se développe dans l'un des marchés de vente au détail du vin en plus forte croissance au monde. Nous voulons faire passer la valeur de cette industrie de 6,8 à 10 milliards de dollars d'ici cinq ans. Grâce au soutien fidèle du gouvernement fédéral, nous atteindrons cet objectif.

Notre industrie est résiliente. Beaucoup avaient cru que l'ALENA allait signer notre arrêt de mort. Vingt-cinq ans plus tard, je suis fier de dire que ces prophètes de malheur avaient tort. À l'échelle mondiale, le Canada est un petit producteur, mais depuis une dizaine d'années, les ventes de vin au pays ont augmenté de 20 millions de litres, ce qui représente des retombées économiques d'environ 800 millions de dollars par année. Les exportations, pour leur part, sont passées de 1 million à 42 millions de litres en 10 ans. C'est un énorme progrès.

Si elles sont adoptées, nos trois recommandations aideront l'industrie à profiter de nouveaux débouchés et à devenir plus concurrentielle au Canada et à l'étranger, tout en continuant d'assurer un bon rendement des investissements pour les Canadiens.

La sénatrice Tardif : Merci pour vos exposés des plus intéressants et informatifs.

En juin 2012, le Sénat du Canada a adopté le projet de loi C-311, et il a obtenu la sanction royale. Je m'en souviens, parce que j'avais parlé en faveur de ce projet de loi. Ce projet de loi s'intitulait « Loi modifiant la Loi sur l'importation des boissons enivrantes », et il faisait en sorte qu'il était maintenant légal d'apporter du vin d'une province à l'autre pour usage personnel. Je pense que cela a été très bien reçu par l'industrie viticole, parce que le fait qu'il était interdit de transporter du vin d'une province à l'autre réduisait l'accès pour les consommateurs et c'était perçu comme un obstacle au commerce interprovincial. Qu'est-ce qui a changé depuis l'adoption de cette loi? Y a-t-il eu des changements? La situation s'est-elle améliorée?

Monsieur Paszkowski, vous avez dit qu'il faut augmenter la part du marché canadien à l'étranger tout en augmentant notre part du marché ici au pays.

M. Paszkowski : J'ai témoigné devant le Comité permanent de l'agriculture de la Chambre des communes sur cette question il y a quelques semaines. Il y a eu quelques petits changements depuis que le projet de loi a été adopté à l'unanimité dans les deux Chambres.

La Colombie-Britannique a ouvert son marché au commerce interprovincial. Le Manitoba a fait de même. La Nouvelle-Écosse a annoncé qu'elle ouvrira ses frontières avant la fin de 2015. Dans toutes les autres provinces, il y a eu des discussions entre les Régies des alcools et les gouvernements provinciaux pour permettre aux consommateurs de transporter une caisse de vin dans la province à condition que ce soit pour leur usage personnel.

La plupart des provinces n'ont pas respecté l'esprit du projet de loi C-311, mais nous osons espérer que davantage de progrès auront lieu.

Dans votre province, il y a eu une permission touchant la livraison de vin, et ce changement a été apporté en 2014. Pour ce qui est de la province de l'Alberta, elle permet le transport du vin, peu importe la quantité, à condition que le consommateur le transporte lui-même, mais il est maintenant interdit que le vin soit livré par messagerie à partir d'une région viticole à destination d'une autre province.

Terre-Neuve poursuit actuellement Fedex qui a livré dans la province du vin en provenance de la Colombie-Britannique. Le procès aura lieu au cours des prochaines semaines.

La sénatrice Tardif : À l'heure actuelle, c'est un secteur réglementé par les provinces. Par exemple, en Alberta est-ce que ce serait l'Alberta Gaming and Liquor Commission qui réglementerait ce secteur? Est-ce cette commission qui établirait les divers paramètres?

M. Paszkowski : C'est exact. L'amendement apporté à la loi fédérale a permis le transport du vin. Cela a été étendu à la bière et aux spiritueux il y a environ trois ou quatre semaines, de sorte que le transport du vin au-delà des frontières provinciales n'enfreint plus la loi fédérale ni le Code criminel. Il incombe aux provinces d'établir les règlements pour permettre la libre circulation du vin.

La sénatrice Tardif : Monsieur Westcott, vous avez dit que vous aimeriez voir l'abolition des barrières interprovinciales au commerce, puisque cela vous permettrait de mieux réussir à l'échelle internationale. Pouvez-vous nous donner davantage d'explications à ce sujet?

Vous avez parlé des mesures protectionnistes provinciales. S'agit-il du genre de barrières au commerce que nous étudions comme les coûts de transport qui ne sont pas couverts? Est-ce le genre de choses que vous évoquez ou bien s'agit-il d'éléments différents?

M. Westcott : Nous avons d'importantes distilleries commerciales dans quatre provinces. Nous en avons trois en Alberta, une à Calgary, une à Lethbridge et l'autre à High River. Nous avons une distillerie de très grande taille au Manitoba et nous en avons cinq en Ontario et trois au Québec. Par conséquent nos installations sont réparties d'un bout à l'autre du pays, mais nous ne sommes pas présents dans toutes les provinces.

Dan a mentionné le fait que la Colombie-Britannique a ouvert ses frontières pour accepter le vin. Je vais vous présenter un seul exemple.

Il y a deux ans, l'État de Washington aux États-Unis a privatisé son système de régie des alcools et a imposé les changements nécessaires à cette privatisation. L'État disposait d'une régie des alcools différente de ce que l'on peut voir en Ontario ou au Québec ou même dans certaines provinces, mais il s'agissait d'un système de réglementation centralisé. Un des changements qui a été apporté faisait en sorte que si vous expédiez du vin vers l'État de Washington, si ce vin était expédié à partir de l'extérieur des États-Unis, vous ne pouviez que l'expédier à un distributeur et non à un détaillant. Si vous étiez à l'intérieur des États-Unis et que vous faisiez des expéditions d'un État à un autre, vous pouviez acheminer le vin directement aux détaillants. Cela contrevenait à un certain nombre d'accords commerciaux signés par les États-Unis. Grâce à de nombreuses initiatives et activités de lobbying menées par diverses parties et échelonnées sur environ un an, l'État de Washington a changé les lois afin que tous aient le même accès au marché. C'est important à comprendre parce que, comme je l'ai dit, les États-Unis représentent un très grand client pour le whisky et d'autres spiritueux canadiens. Nos compagnies membres qui sont propriétaires de distilleries en Alberta, au Manitoba, en Ontario et au Québec peuvent expédier leurs produits directement à un détaillant dans l'État de Washington.

Mais elles ne peuvent pas faire la même chose en Colombie-Britannique. Si je suis un producteur en Colombie-Britannique, et peu importe que je produise de la bière, du vin ou d'autres spiritueux, je peux expédier mes produits directement à un détaillant. Mais si je produis à l'extérieur de cette province, c'est interdit.

Nous avons ici un exemple de possibilités qui permettraient d'expédier vers un État américain, mais cette même possibilité n'existe pas au Canada. Cela représente du travail supplémentaire. Cela signifie un accès plus réduit au marché. Cela représente moins de choix pour les consommateurs. C'est difficile de faire fructifier son entreprise lorsque des limites lui sont imposées. Voilà ce que nous constatons.

Je ne veux pas cibler la Colombie-Britannique, parce que ce n'est pas la seule province qui agit ainsi, mais c'était pratique pour mon exemple. Tout juste à côté de la Colombie-Britannique, nous avons un certain nombre de distilleries qui produisent du whisky à partir de céréales cultivées en Alberta, mais il nous est interdit d'expédier ces produits à des détaillants de la Colombie-Britannique.

Je suis d'accord avec Dan. Nous devons tenir compte de ces barrières parce qu'elles lient les mains de l'industrie canadienne et l'empêchent de croître au Canada même, et cela illustre les différences de traitement que nous constatons.

La sénatrice Tardif : Merci pour votre explication.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Westcott, les barrières tarifaires canadiennes interprovinciales ne semblent pas vous toucher beaucoup. Les spiritueux de vos producteurs sont faits d'abord pour le Canada. Toutes les provinces s'approvisionnent à vos usines. On importe très peu de spiritueux de l'étranger. Qu'il s'agisse de rye, de vodka, de gin ou de produits Seagram, par exemple, vous n'éprouvez pas de problèmes en ce qui a trait au marché. Les sociétés des alcools des provinces, qu'elles soient de la Colombie-Britannique ou de Terre-Neuve, sont obligées de faire appel à vous. Elles achètent vos produits en grande partie parce que les Canadiens les aiment. C'est pourquoi les sociétés des alcools des provinces s'approvisionnent chez vous. Je suis convaincu que les traités de libre-échange auront des effets bénéfiques pour vous. Je vous le souhaite, parce que c'est une industrie fort importante et qui fait partie du plan agricole canadien. Je vous félicite pour ce travail.

Monsieur Paszkowski, vous n'avez pas la même chance. Vos produits des vignerons se limitent, en grande partie, à chacune des provinces. Je trouve depuis longtemps qu'il s'agit d'une aberration; le fait d'avoir, dans un même pays, 10 ou 11 barrières tarifaires ne fait pas de sens. Le libre-échange devrait commencer chez nous. Cette situation crée des problèmes. Par exemple, la Société des alcools du Québec n'achète pas beaucoup de vin de la Colombie-Britannique. La Société des alcools de la Colombie-Britannique n'achète pas non plus beaucoup de vin de glace exporté du Québec. Les gens de la Colombie-Britannique ne connaissent pas ce vin. Les sociétés des alcools à travers le pays ont un marché qu'ils protègent. Je ne sais pas de quelle province vous êtes originaire, mais je vous mets au défi de trouver une bouteille d'excellent vin de la Colombie-Britannique au Québec ou en Ontario, vous risquez de chercher longtemps — et vous verrez que c'est pire encore au Nouveau-Brunswick et ailleurs.

Au cours des prochains mois, vous devriez travailler sur l'abolition des barrières tarifaires. Vous pourrez ainsi faire connaître votre vin. S'il est bien connu, vos ventes augmenteront et vous serez en mesure de faire compétition aux vins qui viennent de l'Amérique du Sud et du Chili, entre autres. Ma question est longue, car il y a longtemps que j'y réfléchis.

CJ Hélie, vice-président exécutif, Spirits Canada : Monsieur le sénateur, il n'est pas vrai que nous avons accès aux marchés dans toutes les provinces comme les producteurs locaux. Au Québec, nous sommes bien à la SAQ. Toutefois, notre part de marché au Québec représente la moitié de ce que nous devrions avoir, car les vins embouteillés au Québec peuvent être vendus dans les dépanneurs et les épiceries. Cela réduit les ressources financières à notre disposition pour le développement au Canada et à l'extérieur. Dans les régies, nous sommes bien traités. Cependant, dans cinq ou six provinces, le marché est accessible à d'autres produits et ne l'est pas pour les spiritueux.

Le sénateur Maltais : Les vins québécois ne sont vendus à la Société des alcools du Québec que depuis un an. Avant, ils étaient disponibles soit dans les dépanneurs ou directement auprès du producteur. C'était la seule façon de s'en procurer. Depuis un an, ils sont vendus à la SAQ. Sauf erreur, je crois qu'il en va de même pour l'Ontario. J'ai vu certains étalages et j'ai parlé à des producteurs. Bien sûr, il arrive que nous prenions un petit verre de temps à autre, et nous parlons d'abord à nos producteurs canadiens. Le Québec avait accusé beaucoup de retard. Ce qui m'intrigue, c'est que l'on ait encore ces barrières tarifaires. J'aimerais entendre M. Paszkowski sur cette question, car elle est drôlement importante pour l'avenir des producteurs de vin au Canada.

[Traduction]

M. Paszkowski : Je suis tout à fait d'accord avec le sénateur. Si on examine les statistiques, elles sont probantes. Les vins de notre association, qui sont des vins de première qualité représentent une part de marché de 6 p. 100 des ventes au Canada. Si on ajoute à cela les vins du Québec et ceux de la Nouvelle-Écosse, nos vins de haute qualité, nos meilleurs vins, représentent une part de marché de 10 p. 100 des ventes. Dans 10 administrations sur 13 au Canada, notre part de marché est moins de 4 p. 100. Au Québec, à la SAQ, nos vins de haute qualité ont une part de marché inférieure à un quart de 1 p. 100. Il s'agit de la province la plus grande consommatrice de vin au Canada et ce sont les régies des alcools dans ce cas-ci qui ne nous offrent pas les débouchés nécessaires.

Je ne dis pas que nous ne travaillons pas bien avec les régies des alcools, mais il est important pour nous de sensibiliser davantage les Canadiens sur les vins canadiens. Quand on songe que l'Union européenne dépense 200 millions de dollars américains annuellement pour faire la promotion de ses vins dans des pays tiers. Ce montant est jumelé par les États membres, ce qui représente 400 millions de dollars par année.

Au Canada, pour appuyer la promotion dans le marché domestique, le gouvernement fédéral nous donne quelques dollars. Nous proposons 7 millions de dollars par année pendant cinq ans pour informer les Canadiens sur le vin, ce qui encouragera les sociétés des alcools à offrir nos produits et à bien les vendre parce que les Canadiens en sauront plus à leur sujet, et donc les produits ne resteront pas sur les tablettes.

Voilà un aspect important : éliminer les barrières à la livraison directe au client. Si chaque province les éliminait, il n'y aurait pas de pertes importantes de revenus pour les gouvernements provinciaux et les sociétés des alcools, parce qu'il s'agirait d'une quantité limitée de vins de haute qualité à prix élevé. Cependant, cela intéressera les consommateurs qui connaissent le vin et développera la demande pour le vin dans les sociétés des alcools. Cela aura un effet positif non seulement sur l'industrie canadienne du vin, mais sur toute l'économie canadienne.

Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, avec 3 millions de touristes qui visitent nos vignobles chaque année, une contribution de 1,2 milliard de dollars à l'économie nationale, nous pouvons continuer de grandir. On ne s'arrêtera pas, mais nous avons besoin d'un peu d'aide.

M. Westcott : J'aimerais parler de la définition d'une barrière interprovinciale. On produit beaucoup de spiritueux au Québec et on en exporte beaucoup, mais on ne peut que les vendre dans les SAQ au Québec, comparativement à la bière et au vin qui se vendent dans 15 à 17 000 endroits — si vous n'êtes pas du Québec, cela constitue un énorme obstacle. Je comprends ce que vous dites, mais cela constitue un obstacle à l'investissement pour les distillateurs en Alberta ou au Manitoba. Je reconnais que c'est en place depuis très longtemps, mais c'est emblématique du genre de problème que nous avons. Disons que je produis du whisky, que je dois mettre en barils pendant de nombreuses années pour qu'il prenne de l'âge avant que je puisse le vendre. Lorsque je vais au Québec, qui représente 23 à 24 p. 100 de la population du pays — et 14 p. 100 des ventes de spiritueux — c'est un énorme obstacle à essayer de vendre au Québec. Je ne veux pas cibler une province en particulier, elles le font toutes, mais cela devient très difficile de justifier des investissements dans le marché canadien.

Surtout, cela prive les industries canadiennes — l'industrie du vin, de la bière et des spiritueux — de revenus pour faire croître leurs activités, au Canada ou à l'étranger, ce qui est plutôt notre cas. Soixante-dix pour cent de ce que nous produisons au Canada quitte le pays, et nous en sommes fiers, mais il faut avoir de l'argent dans ses poches pour faire cela.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je suis d'accord en partie avec ce que vous avez dit, mais il ne faut pas oublier l'histoire non plus. La première distillerie canadienne était située au Québec. Les Québécois sont des buveurs de bière, parce qu'ils ont été les premiers à rencontrer les anglophones après la conquête, et ils étaient des buveurs de vin au départ, étant d'origine latine. La Société des alcools du Québec, dans les années 1800, s'est emparée quelque peu de la vente des spiritueux, laissant la bière au libre marché des épiceries et autres. Lorsque le vin est arrivé au Québec, c'est la SAQ qui s'en est emparée.

Ce que vous dites, c'est que le monopole que vous avez au Québec, c'est le même que celui que vous avez dans les autres provinces également. N'essayez pas d'aller vendre votre rye au dépanneur du coin de la rue, ici, en ville. La LCBO ne vous permettra pas de le faire. Cependant, je constate une chose, c'est que le mode de distribution des distillateurs de spiritueux est réservé uniquement au gouvernement dans chacune des provinces.

Le président : Très bon commentaire, sénateur Maltais. Un autre commentaire, monsieur Hélie?

M. Hélie : Il faut connaître la vraie histoire. Il fut un temps pas si lointain où les spiritueux avaient une part de marché plus grande au Québec que les bières et les vins. C'est seulement après que les vins et bières embouteillés au Québec sont entrés dans les dépanneurs et les épiceries que le marché des spiritueux s'est réduit pour tomber sous la barre de celui de la bière et du vin.

Le sénateur Maltais : Je crois que les spiritueux se retrouvent également dans les dépanneurs au Québec.

M. Hélie : Non. Il y a des produits à base de malt et de vin, qui se présentent comme des spiritueux, mais qui n'en sont pas.

Le président : Monsieur Hélie, si vous voulez poursuivre la conversation par la suite, vous serez le bienvenu. Nous allons passer à une autre question de la part des sénateurs.

[Traduction]

La sénatrice Merchant : MM. Westcott et Paszkowski ont parlé de la frustration à la frontière américaine. Peut-être pouvons-nous changer de sujet. Qu'aimeriez-vous que le gouvernement fédéral fasse pour régler les problèmes de transport dont vous avez parlé tous les deux?

M. Westcott : Nous envoyons le produit fini par camions vers les États-Unis et les camions passent la frontière à divers endroits; ils passent par l'Alberta, l'Ontario et le Québec, surtout, mais pas seulement. Lorsqu'il y a des problèmes sur le pont — je prendrai l'exemple de Windsor. Je vis à Oakville et il y a une grande usine de traitement de la viande Maple Leaf. Elle envoie 50 camions par jour vers Windsor pour passer la frontière. Lorsqu'il y a un problème, on peut voir ces camions bloqués sur 2 milles de long en direction du pont.

Presque tout le monde est passé à la livraison juste à temps. La plupart des distributeurs et des détaillants ne conservent pas beaucoup de stocks, et s'il y a des problèmes à la frontière, il peut y avoir des ruptures de stock dans un magasin aux États-Unis. Les consommateurs sont ce qu'ils sont : s'ils veulent aller acheter quelque chose qui n'est pas là, ils sortent du magasin ou achètent quelque chose d'autre. On investit beaucoup pour les intéresser à notre marque et pour qu'ils deviennent un de nos clients. Si le produit n'est pas sur les tablettes parce que le camion n'a pas pu passer la frontière, cela coûte très cher. On a perdu cette vente-là. On peut même perdre le consommateur, et cetera. Alors régler ces goulots d'étranglement est essentiel.

Il resterait quatre ou cinq ans avant l'achèvement du nouveau pont à Windsor. Il s'agit d'une infrastructure essentielle. Il y a des problèmes, quoique pas aussi graves, pour se rendre aux États-Unis à partir du Québec et ailleurs le long de la frontière.

Nous sommes ravis que le Canada porte attention à ces choses. Nous sommes très contents que le gouvernement collabore avec les Américains pour éliminer une grande partie du fardeau administratif qui a été imposé à nos produits après les attaques du 11 septembre. Ce n'est pas seulement pour nous, mais pour tous ceux qui traversent la frontière. Il faut plus de ce genre d'efforts pour nous aider à envoyer nos biens de l'autre côté de la frontière, que ce soit le whisky, le vin ou le bœuf. Même si nos produits sont très bons, s'ils ne peuvent pas traverser la frontière rapidement et sans trop d'exigences administratives de la part des Américains, c'est frustrant et nous sommes perdants.

M. Paszkowski : Madame la sénatrice, nous n'exportons pas autant de vin vers les États-Unis que Jan exporte des spiritueux, alors nous n'avons pas vraiment de problème de transport. Je dirai que nous pouvons livrer directement notre vin dans presque tous les États aux États-Unis, mais nous ne pouvons pas faire la même chose au Canada. Alors nous avons plus facilement accès à nos clients aux États-Unis qu'à nos clients canadiens.

Dans un autre ordre d'idées, autour de l'an 2000, le gouvernement canadien, de concert avec l'industrie, a créé le Groupe mondial du commerce du vin. C'est un groupe de pays producteurs de vin — le Canada, les États-Unis, le Chili, l'Argentine, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud et la Géorgie — qui se réunit deux fois par année pour voir quels sont les obstacles au commerce et à l'accès aux marchés. Cela fait plus de 15 ans que nous collaborons, et nous avons mis en place des accords logiques sur les pratiques, sur l'étiquetage, qui ont tous très bien réussi à réduire les coûts du commerce international et à éliminer les différences qu'il y avait entre les parties, grâce à la négociation. Si nous avons un problème de transport, nous le soulevons dans ce Groupe mondial du commerce du vin pour régler le tout très rapidement avec les États-Unis.

La sénatrice Merchant : Ma deuxième question concerne la valeur du dollar canadien. J'ai remarqué aujourd'hui que le dollar canadien est passé sous les 80 ¢ et on prévoit même qu'il pourrait tomber à 69 ¢. Quel est l'effet pour votre industrie?

M. Westcott : C'est mieux que si c'était un mouvement inverse. Pour être franc, la stabilité est essentielle. Les grandes fluctuations n'aident personne.

Certaines personnes croient au Canada que lorsque le dollar canadien descend beaucoup, qu'il est très facile de vendre nos produits aux États-Unis et ailleurs. J'aimerais que cela soit vrai. Bien sûr, cela nous aide, mais ce n'est pas une panacée comme certains semblent le penser.

Les États-Unis sont un marché extrêmement concurrentiel. Ils ont leur propre industrie des spiritueux qui est solide, et qui produit différents genres de whiskies ou de bourbons américains, et c'est hautement concurrentiel. Dans l'ensemble, je pense que cela nous donne un petit avantage, mais sa valeur est surestimée.

Soyons francs : nos clients sont les grands distributeurs et les grandes chaînes de détaillants des États-Unis ou les sociétés des alcools. Il y a aux États-Unis 18 États où on trouve des sociétés des alcools semblables à ce que l'on a en Ontario et au Québec. Nous négocions avec elles les ventes, et c'est certainement utile, mais cela ne règle pas tout.

Souvent, lorsque l'on vend quelque chose à quelqu'un, à moins que ce soit un marché extrêmement fort, on ne peut pas dicter toutes les conditions. Souvent, les gens achètent notre produit et paient en dollars canadiens. Nous ne profitons pas d'un dollar plus bas parce que nous sommes payés en dollars canadiens, tout comme on voit certaines sociétés des alcools au Canada qui insistent pour être payées ou facturées en monnaies locales plutôt qu'en monnaies étrangères. Il est clair que cela nous aide, mais cette aide n'est pas aussi grande que certaines personnes pensent.

M. Paszkowski : Cela a certainement un effet sur l'industrie, parce que même si nous ne sommes pas un grand exportateur, mais que nous exportons quand même, surtout le vin de glace, nous sommes aussi un important importateur de vin en gros, que nous mélangeons au contenu canadien et qui est vendu avec un bon rapport qualité-prix à moins de 10 $ la bouteille. Donc, la valeur du dollar a un effet sur nous. Ce n'est pas un sujet dont se plaignent vraiment nos membres. C'est quelque chose avec lequel nous devons vivre. Et je peux vous donner un exemple.

Un de nos membres les plus importants nous a dit récemment que tout changement de 1 p. 100 de la valeur du dollar canadien représente environ 350 000 $ pour son chiffre d'affaires. Il y a donc un effet sur les petites entreprises.

Le sénateur Ogilvie : La question du commerce à l'intérieur du Canada par rapport à celui à l'étranger est fascinante, non seulement pour vous, les producteurs, mais aussi pour les consommateurs de votre secteur. Par le passé, cela était compliqué parce que les producteurs de bière et de vin ont protégé avec force leur territoire. Cela crée une situation complexe, et je trouve toujours fascinant de voir comment il est facile pour une partie d'un secteur de l'industrie de bloquer une loi ou d'autres bonnes intentions en matière de commerce libre. Je ne m'attarderai pas sur ce sujet; nous en avons beaucoup discuté.

Monsieur Westcott, à la fin de votre document, il y a quelques photos et on voit le titre « Droits d'accise fédérale disproportionnés nuisent à la croissance des exportations ». On voit les chiffres pour les trois grandes catégories. Pourriez-vous me les expliquer plus en détail?

M. Westcott : Bien sûr. Commençons avec une prémisse. Nous faisons tous la même chose. Les membres de Dan et les miens, et si notre collègue Luke Harford de l'industrie de la bière était ici, nous faisons tous la même chose. Nous prenons des matières brutes canadiennes, nous les transformons en biens de consommation, nous y ajoutons beaucoup de valeur grâce à notre marque de commerce — nous ne sommes pas dans le secteur des matières premières — et nous vendons ces produits aux Canadiens ou nous les exportons partout dans le monde. Nous faisons virtuellement tous la même chose.

Il y a trois filières, mais en fait, nous utilisons presque les mêmes procédés. Nous commençons avec un produit agricole que nous écrasons ou broyons; puis nous le faisons cuire ou fermenter pour en tirer de l'alcool. C'est ce que l'on fait pour le vin, la bière ou les spiritueux.

Dans notre cas, nous achetons des céréales, nous les broyons, nous en faisons un moult, nous les faisons cuire et nous produisons de la bière. Nous sommes donc dans le secteur de la bière. Nous y ajoutons une étape, la distillation, et nous produisons des spiritueux.

Surtout pour des raisons historiques, les taxes d'accise fédérales sur les spiritueux pour un volume équivalent d'alcool est d'environ 20 ¢. Il s'agit de boissons standards, et donc une once et demie de spiritueux représente 40 p. 100; je pense qu'un verre de vin de table de 5 onces est à 12 p. 100; une bouteille de 12 onces de bière est à 5 p. 100. Tous contiennent exactement 17,01 millilitres d'alcool pur.

En 2006, le gouvernement du Canada a eu la prévoyance d'éliminer les droits d'accise sur le vin produit à 100 p. 100 de raisins canadiens, de fruits canadiens. Nous l'en avons félicité, et cela a favorisé la croissance de l'industrie canadienne du vin, qui réussit bien et qui a pu réinvestir cet argent. Nos droits d'accise sont environ du double de ceux sur la bière. Comme je l'ai dit, il n'y a aucune taxe d'accise sur le vin canadien fait à partir de raisins canadiens.

Là où je veux en venir, c'est que presque 100 p. 100 des matières premières pour nos produits, que ce soit l'orge, le seigle, le maïs ou le blé, sont canadiens. Nous n'achetons pas de céréales à l'étranger. Personne n'a fixé ces taux au cours des dernières années, ils sont là depuis longtemps. Par contre, cela signifie que la taxe d'accise est si élevée que les marges bénéficiaires brutes dans le secteur des spiritueux au Canada sont parmi les plus faibles au monde. Alors nous faisons beaucoup moins d'argent au Canada qu'ailleurs dans le monde.

Nous faisons partie d'un secteur mondial. Les mêmes qui sont propriétaires de l'entreprise qui produit Crown Royal ou Wiser's ou Gibson's possède des distilleries en Écosse, aux États-Unis et en Irlande, et ils font beaucoup plus d'argent. Imaginez qu'à une table où on discute de capital mondial mon patron — qui est le président de Corby's qui produit Wiser's — lève sa main et dise : « J'aimerais investir dans une franchise canadienne de whiskey et cette marque parce que je veux développer mes marchés. » Les autres le regarderont et diront : « C'est très bien, Patrick, mais nous pouvons faire beaucoup plus d'argent en envoyant ces fonds vers l'Écosse, l'Irlande ou les États-Unis. » C'est un problème, voilà ce que nous disons.

Il a été possible d'aider avec succès l'industrie canadienne du vin. Nous sommes l'une des rares industries au pays dont les taxes ont augmenté au cours des huit ou neuf dernières années.

Le sénateur Moore : Il y a sept ou huit ans, je siégeais au Comité des banques, et nous avons étudié les obstacles au commerce interprovincial et les raisons pour les éliminer. À l'époque, si je me souviens bien, il y avait un accord en place entre la Colombie-Britannique et l'Alberta. Ces provinces avaient négocié un accord commercial entre elles. Plus tard, je pense que l'Ontario s'y est jointe. Il n'y a évidemment pas de lien géographique, mais je pense que la province l'a fait. De toute façon, en fin de compte, cela représentait un avantage de 5 milliards de dollars par année pour ces deux provinces.

Alors j'ai été un peu surpris lorsque vous avez dit qu'il restait des obstacles et qu'il y avait une distillerie en Alberta qui ne pouvait pas envoyer ses produits en Colombie-Britannique. Je pensais que les obstacles avaient été éliminés. Est-ce que l'accord n'incluait pas ces produits, s'appliquait-il seulement à la certification des métiers? Je pensais que c'était à tout.

M. Westcott : Je pense que vous parlez du New West Partnership Trade Agreement entre la Colombie-Britannique, l'Alberta et la Saskatchewan, c'est un excellent accord. Mais voici ce qui se passe : les gens signent des accords et ensuite les oublient, et mettent en place des pratiques qui violent les accords. Au moins dans ces provinces, il y a une structure qu'ils peuvent utiliser pour dire aux autres qu'elles ne respectent pas l'accord signé.

Nous n'avons pas encore vu ça. Il y a eu des consultations. Je ne veux pas dire que c'étaient des différends, parce que je ne pense pas que cela ait été aussi loin, mais il y avait un cadre pour que les gens puissent discuter et dire que l'autre ne respecte pas l'accord.

Le sénateur Moore : Quel était l'accord qu'elles ne respectaient pas? Était-ce d'être ouvertes au commerce?

M. Westcott : Oui, entre ces trois provinces.

Le sénateur Moore : C'est ce que je pensais.

M. Westcott : C'est un accord de libre-échange. Il prévoit un mécanisme pour que les provinces se parlent et, si nécessaire, pour régler les différends et imposer des sanctions.

Dans les accords canadiens en commerce international, nous n'avons rien pour vraiment régler les différends parce qu'il n'y a pas de sanction. Il n'y a pas de lien. Les régions du pays ne produisent pas la même chose. On produit du whisky dans certaines régions, et des spiritueux, et ailleurs, on produit du vin. Dans certaines régions, il y a des homards. Si l'Ontario traitait les homards de la même façon que certaines provinces traitent le whisky ou le vin provenant de l'Ontario, tout le pays se désagrégerait. Pour la plupart des produits, on ne voit pas les choses comme ça, mais pour l'alcool on le fait, en partie parce que les provinces font tant d'argent avec l'alcool. Quand le gouvernement s'en occupe, cela devient sa créature.

Le sénateur Moore : Alors pour tout clarifier, où vont ces trois provinces? Trouvez-vous cela encourageant? Est-ce qu'il y aura un consensus pour comprendre la valeur du commerce libre comme elles avaient dit qu'elles allaient le faire, ou est-ce que vous et votre industrie essayez d'encourager cela?

M. Westcott : C'est intéressant. Le gouvernement fédéral a joué un bon rôle de chef de file pour convaincre tout le monde d'éliminer les obstacles. Que cela soit pour le mouvement de la main-d'œuvre ou l'approvisionnement, c'est pareil.

Il y a six ou sept mois, les premiers ministres des provinces, lors du Conseil de la fédération, ont dit qu'ils allaient agir. Ils ont formé un comité. Trois ou quatre provinces en faisaient partie. Six mois plus tard, le comité ne s'est même pas réuni.

Je trouve cela en partie encourageant parce qu'il y a des exemples comme l'accord commercial pour les provinces de l'Ouest. Certaines autres provinces ont dit qu'elles aimeraient s'y joindre ou faire quelque chose de semblable, mais il est difficile de faire bouger les provinces dans cette direction.

Sénateur Moore : Comme marchand de vin, est-ce que vous avez des observations à faire à ce sujet?

M. Paszkowski : Le New West Partnership Trade Agreement est positif. L'alcool a toujours été traité de façon un peu différente. Il y a différents systèmes pour les sociétés des alcools et différentes marges bénéficiaires. Par exemple, en Alberta, la marge pour le vin est de 3,45 $ par litre, alors qu'en Colombie-Britannique, la marge est d'environ 170 p. 100. Transporter l'alcool au-delà des frontières fait peur aux gouvernements car ils perdraient des revenus puisqu'on peut acheter une bouteille de vin de 1 000 $ en Alberta pour beaucoup moins cher qu'en Colombie-Britannique, par exemple.

Des progrès ont été réalisés dans le cadre du Conseil de la fédération, lorsque les premiers ministres des provinces et territoires se sont réunis, et, j'en conviens, c'est au ralenti. La Colombie-Britannique et la Saskatchewan ont conclu un accord réciproque sur le commerce interprovincial du vin et des produits artisanaux. Par suite de la dernière rencontre à l'Île-du-Prince-Édouard, des représentants de l'Ontario, de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de la Saskatchewan se sont réunis pour élaborer un projet de loi qui permettrait le commerce interprovincial du vin et, peut-être, de tous les produits alcoolisés. C'était une avancée considérable, mais différents événements se sont produits dans certaines provinces et, depuis, on ne progresse plus. La création, par la première ministre de l'Ontario, d'un conseil consultatif, qui se penche notamment sur la vente d'alcool, a entraîné l'arrêt des discussions avec les provinces de l'Ouest sur cette question. Nous avons bon espoir de voir l'Ontario reprendre les discussions.

Les premières ministres Clark et Wynne se sont entretenues la semaine dernière. Le commerce interprovincial du vin est toujours à l'ordre du jour, car c'est une priorité pour la première ministre de la Colombie-Britannique. On progresse lentement, mais on progresse.

Le sénateur Moore : Monsieur Westcott, quel est le volume de production des distilleries artisanales? Occupe-t-elle une place importante? Elles sont certainement importantes pour l'économie des petites localités. Il y en a une à Lunenburg, et il y a aussi de petits établissements vinicoles en Nouvelle-Écosse, comme Dan le sait sans doute. Sont-ils importants?

M. Westcott : Oui, ces établissements sont importants.

Moi, j'ai travaillé à tous les aspects de l'entreprise. J'ai occupé le poste de Dan, il y a bien des années, quand les premiers petits établissements vinicoles ont vu le jour au Canada — Inniskillin, Paul Bosc chez Château des Charmes et Reif. Nous sommes passés de trois petits établissements à 600. J'ai ensuite travaillé dans le secteur de la bière où j'ai assisté à l'essor des microbrasseries, qui sont quelques centaines maintenant à l'échelle du pays. Le même phénomène est en cours actuellement dans le secteur des spiritueux. Les petites distilleries se multiplient. Elles apportent une contribution non négligeable en matière d'innovation, mais la plupart d'entre elles ne produisent que de 10 000 à 20 000 caisses par année dans un marché de quelque 16 ou 17 millions; leur part est donc encore très petite. Mais elles se multiplient et elles prennent de l'essor. Selon moi, elles joueront un rôle de plus en plus important, mais elles n'en sont encore qu'à leurs premiers balbutiements.

Le sénateur Moore : Font-elles partie de votre organisation?

M. Westcott : Non, ces distilleries sont trop petites et existent à un niveau trop local. Si nous pouvons les aider, nous le faisons, mais ce sont de très petites entreprises. Sans vouloir être péjoratif, je dirais que, dans bien des cas, ces distilleries étaient un hobby pour leurs propriétaires, lesquels sont des gens passionnés. Dans différentes régions du pays, ils produisent des alcools intéressants et de bonne qualité. C'est le marché qui déterminera si ces distilleries ont un avenir. Si les entrepreneurs fabriquent et vendent leurs produits à un prix raisonnable et que leurs produits plaisent, ils réussiront.

Le sénateur Moore : Voulez-vous ajouter quelque chose au sujet du vin?

C'est tout.

Le sénateur Enverga : Merci beaucoup de vos exposés. Nous sommes allés à Taiwan et en Corée du Sud et nous y avons cherché des vins canadiens, mais nous n'en avons pratiquement pas trouvés. Qu'est-ce qui vous empêche d'exporter dans des pays comme Taiwan ou la Corée du Sud? Est-ce une question de différence culturelle ou devons-nous promouvoir davantage la marque canadienne à l'étranger?

M. Westcott : Nous exportons dans ces deux pays. Autant la Corée que Taiwan sont des marchés importants pour nous.

Quand les États-Unis et l'Union européenne ont mis la touche finale à leurs accords de libre-échange, cela a eu une grande incidence sur nos exportations car nous n'avions pas encore conclu d'accord. De plus, nous avons signé une entente de libre-échange et il y a d'énormes débouchés pour nous dans ces pays. J'ignore ce qu'il en est pour le vin, mais je peux vous dire que ce sont deux cultures qui apprécient beaucoup le whisky. Si nous faisons des investissements et des choix de marque judicieux, nous connaîtrons beaucoup de succès dans ces pays.

M. Paszkowski : Le vin n'est pas consommé couramment en Corée et dans les autres pays d'Asie, mais la consommation de vin y est à la hausse. Au cours des 10 dernières années, les exportations de vin en Corée ont augmenté de près de 200 p. 100. Une augmentation semblable s'est produite au Japon et je pense que c'est dans ce pays qu'on trouve le plus grand nombre de sommeliers. Il y a donc des débouchés.

En Corée, l'élimination dès le 1er janvier du tarif à la valeur ajoutée de 15 p. 100 sur le vin de glace rendra certainement nos vins plus concurrentiels sur ce marché. La suppression, sur une période de trois ans, du tarif de 15 p. 100 sur tous les vins de table aidera aussi notre secteur.

Y a-t-il des différences culturelles? La jeune génération a plus de revenus et de plus en plus de femmes s'intéressent au vin en Corée et au Japon, ce qui nous offre beaucoup de possibilités.

Le sénateur Enverga : Si tout va bien, notre secteur aura-t-il la capacité voulue? Pouvons-nous atteindre ces objectifs? Pouvons-nous répondre à la demande mondiale?

M. Paszkowski : Le Canada est l'un des plus petits producteurs de vin du monde; il est plus difficile pour nous que pour nos concurrents d'avoir de grands stocks. Nous nous tournons vers les produits de créneau. Nous produisons le meilleur vin de glace au monde, en petits volumes, mais à un prix conséquent. C'est un marché très rentable pour nous. Nous pouvons répondre à la demande de la plupart des marchés.

La renommée de nos vins de table et mousseux ne fait que croître. Nous pourrons toujours offrir des vins bien particuliers, de petite production, aux consommateurs avertis un peu partout dans le monde. Nous ne pourrons jamais nous comparer à la France ou à la Californie, et nous nous concentrons donc sur des produits précis. C'est ce que prévoit notre stratégie d'exportation. Certains pays tentent de s'établir sur des continents en entier, mais nous, nous tentons d'abord de conquérir certaines grandes régions métropolitaines.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'ai simplement un commentaire. Nous savons que les provinces contrôlent le prix du vin. Je suis originaire du Québec et j'ai le privilège de travailler en Ontario depuis trois ans. Or, je me suis aperçu que, pour obtenir un vin de qualité semblable, à la LCBO on paie toujours 3 $ de moins la bouteille. Vous comprendrez qu'avant de retourner au Québec, je m'approvisionne en Ontario depuis trois ans.

En quoi la fluctuation du prix des céréales peut-elle affecter votre compétitivité au sein du marché? Le prix des céréales peut augmenter et diminuer. J'aimerais connaître l'influence que cette fluctuation peut avoir sur le marché de vos produits.

[Traduction]

M. Westcott : Les effets se font sentir mais ne sont pas énormes. J'ai connu l'époque où les prix des céréales étaient très bas, surtout pour le maïs, mais depuis quatre ou cinq ans, les prix sont très élevés.

Ce n'est pas un facteur qui influe beaucoup, pour une raison bien précise : la loi au Canada prévoit que le whisky doit vieillir au moins trois ans en baril. Presque tout le whisky aujourd'hui a cinq, six, sept ou huit ans. On investit énormément dans la transformation du distillat en whisky dans ces fûts. Hiram Walker, à l'extérieur de Windsor, a une usine de vieillissement où on trouve, je crois, 3 millions de barils, ce qui est beaucoup.

On trouve ça étonnant. Nous entretenons d'étroites relations de travail avec les céréaliculteurs de l'Ouest du Canada, de l'Ontario par l'intermédiaire des Grain Farmers of Ontario et avec nos collègues du Québec, qui sont représentés par une organisation dont j'oublie le nom.

Nous sommes heureux que les céréaliculteurs obtiennent un bon prix pour leurs produits. Cela peut sembler étrange, mais les distillateurs et maîtres distillateurs vous diront que, si les céréales ne sont pas de bonne qualité, le whisky qu'on produira ne sera pas bon. Nous savons que si les prix sont bas, les grains seront de moins bonne qualité. Si les prix sont bons et que les grains sont de meilleure qualité, ça encourage les bons céréaliculteurs à produire ce dont nous avons besoin.

Je vous donne un exemple. Ceux d'entre vous qui sont de l'ouest du Canada savent que nous avons une grande distillerie au Manitoba. Le whiskey Crown Royal vendu un peu partout dans le monde est distillé au Manitoba. Il y a six ou sept ans, une bonne partie du Manitoba s'est retrouvée sous l'eau — très peu d'eau, mais quand même. Or, c'est le Manitoba qui fournissait le maïs et une partie du seigle à la distillerie de Gimli. Soudainement, et pendant trois ou quatre ans, il n'y avait plus de céréales. Il nous a fallu environ cinq ans pour récupérer ce client, mais nous sommes très fiers de dire que presque tout le maïs et le seigle qu'achète cette distillerie sont cultivés au Manitoba, et ce, pour diverses raisons : l'approvisionnement est sûr, et les fournisseurs sont tout près, ce qui signifie de moins longues distances parcourues en camion.

Le prix des céréales a une certaine incidence mais elle n'est pas importante. Dans notre secteur, nous savons que quand le prix du grain est bon, c'est bon aussi pour l'agriculture car cela stimule la croissance.

Certains font valoir que le nombre de producteurs de seigle au Canada est en déclin, mais si le prix du seigle est élevé, cela freinera cette baisse et le passage vers le canola ou d'autres céréales. Le prix du grain n'est donc pas sans incidence, mais l'effet est généralement positif.

La sénatrice Beyak : Vous serez ravis d'apprendre que vous avez déjà répondu à ma question, mais je tiens à vous dire que j'ai été très impressionnée par vos exposés. Vous avez une connaissance exceptionnelle de votre secteur et vos remarques ont été très instructives pour moi. Je suis certaine que notre comité voudra inclure vos suggestions et recommandations dans son rapport. Merci beaucoup.

Le président : En 2014, une nouvelle norme nationale pour le vin de glace a été adoptée pour protéger les consommateurs contre les produits de contrefaçon. Étant donné que le vin de glace est la principale exportation canadienne de vin en termes de valeur en dollars, en quoi cette nouvelle norme contribue-t-elle à améliorer les exportations canadiennes de vin?

Monsieur Paszkowski, cette question s'adresse à vous.

M. Paszkowski : Nous avons travaillé à cette norme pendant près de 10 ans, et nous avons été très heureux quand le gouvernement fédéral a mis en place, en février 2014, une définition nationale du vin de glace afin de lutter contre les produits contrefaits. Dans certains pays d'Asie, comme la Chine, environ 50 p. 100 du vin de glace qui est vendu est un produit de contrefaçon.

Au Canada, le gouvernement fédéral établit la définition et les gouvernements des provinces mettent en place le processus d'homologation du vin de glace produit dans chaque province. En Ontario, en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse, cette certification est en place. Le raisin gèle sur la vigne et est cueilli à moins huit degrés Celsius, comme le prévoit la norme internationale.

Malheureusement, à l'automne de l'an dernier, le gouvernement du Québec a approuvé une norme qui permet que l'on cueille le raisin, qu'on le suspende dans des filets et qu'on le laisse à l'extérieur jusqu'à ce que la température atteigne moins huit degrés. Le raisin est ensuite écrasé et sert à la fabrication de ce qu'on appelle du vin de glace au Québec. Ce n'est pas conforme à la norme internationale ni à ce que les autres provinces considèrent comme du vin de glace. Cela a une incidence sur la réputation internationale de notre produit haut de gamme, car nous sommes le premier producteur de vin de glace au monde. Nous en discutons avec le Québec actuellement.

Le président : À titre d'information pour notre auditoire, le Canada a conclu 12 accords de libre-échange. De plus, nous avons conclu un accord, qui n'a toutefois pas encore été ratifié, avec les 28 pays de l'Union européenne. Nous négocions 11 autres ententes avec différentes régions du monde. Nous tenons aussi des discussions exploratoires avec trois pays.

Sur ce, je remercie les témoins d'être venus nous faire part de leurs points de vue.

Chers collègues, pour la deuxième partie de notre séance, nous accueillons M. Christopher Kyte, président des Fabricants de produits alimentaires du Canada. Merci d'être venu. Nous accueillons aussi M. Rory McAlpine, vice-président principal aux relations avec le gouvernement et l'industrie chez Maple Leaf. Merci d'être venu.

Monsieur McAlpine, nous avons bien aimé notre visite de l'usine Maple Leaf à Toronto. Nos salutations à votre famille.

Le greffier m'indique que M. McAlpine prendra la parole en premier. Il sera suivi de M. Kyte, puis, ce sera la période de questions.

Rory McAlpine, vice-président principal, Relations avec le gouvernement et l'industrie, Aliments Maple Leaf : Merci de m'avoir invité à participer à votre étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

J'aimerais d'abord vous donner des chiffres de l'année 2014 qui expliqueront pourquoi Maple Leaf s'intéresse aux politiques commerciales.

En 2014, nous avons exporté dans 24 pays 634 millions de dollars de viande et de porc transformés. Vous pourrez croire que cela a été une bonne année, mais permettez-moi de vous décrire rapidement ce que cachent ces chiffres.

Dans notre marché le plus rentable, le Japon, nos ventes ont baissé de 9 p. 100, mais nos profits ont diminué de 95 p. 100 en raison de coûts importants que nous avons dû assumer relativement à la diarrhée épidémique porcine en Amérique du Nord, du fait que l'UE s'est mise à exporter son porc au Japon après avoir perdu le marché russe et en raison du taux de change.

Deuxièmement, le marché de la Russie nous aurait rapporté environ 25 millions de dollars en 2014, mais par la suite de l'imposition de sanctions commerciales, ce marché nous a été interdit le 6 août. Cinquante conteneurs de porc à bord d'un navire en Russie étaient soudainement interdits d'entrée. Nous n'avons pas été indemnisés, contrairement à nos concurrents européens qui reçoivent maintenant de l'aide pour l'entreposage de la part de la Commission européenne pour compenser leurs pertes.

Nous avons été ravis que l'Accord de libre-échange Canada-Corée soit conclu en 2014 et qu'il entre en vigueur en janvier 2015. Nous avons vendu pour 16 millions de dollars de porc en Corée en 2014, mais en 2011, nos ventes avaient totalisé 75 millions de dollars. Entre-temps, les Américains avaient signé un accord de libre-échange avec la Corée et nous avons pris du retard qu'il nous faudra encore six ans à rattraper en raison du délai dans l'élimination des tarifs.

Par ailleurs, en 2014, il y a eu d'importantes perturbations dans les porcs de la côte Ouest en raison de la grève des camionneurs au port de Vancouver et du grave ralentissement qui s'en est suivi dans tous les ports de la côte Ouest américaine qui a entraîné des retards de 3 à 4 semaines et une grave congestion. Au chapitre de la logistique, la seule bonne nouvelle, c'est qu'il n'y a pas eu de grève dans le secteur ferroviaire canadien en 2014.

L'année 2014 a été plutôt sombre pour Maple Leaf en Chine. Nous avons exporté un volume raisonnable de produits vers Hong Kong, mais nous n'avons pas pu expédier nos produits directement en Chine, notre usine de Brandon ayant été radiée l'année précédente parce qu'on y avait trouvé des traces de ractopamine. Nous avons réglé ce problème, grâce au ministre Ritz et à l'ACIA, et les expéditions devraient reprendre sous peu. Mais nous avons quand même été exclus de ce marché pendant deux ans et cela a été très coûteux.

Nous avons reçu une autre bonne nouvelle en 2014, à savoir la conclusion de l'Accord commercial et économique global Canada-Union européenne. Mais est-ce vraiment une bonne nouvelle? À l'heure actuelle, le porc canadien exporté en Europe est déjà libre de droits, mais l'Europe n'importe pas de porc du Canada. Pourquoi? En raison de différents obstacles de nature technique : l'administration des quotas, l'interdiction non scientifique de certains produits de santé animale, les exigences européennes relatives aux analyses de dépistage de Trichinella. Nos produits provenant de l'usine de Brandon ne peuvent être expédiés même si cette usine est conforme aux plus hautes normes et est de calibre mondial. Nous sommes optimistes, mais il faudra régler ces questions, qui font encore l'objet de négociations.

Nous avons été déçus de devoir renoncer à nos droits exclusifs sur la marque de commerce du jambon de Parme au Canada, l'indication géographique Proscuitto di Parma étant protégée par l'accord.

Nous avons eu une bonne année aux États-Unis. Nous avons expédié quelque 5 500 chargements de porc valant environ 300 millions de dollars par camion de l'autre côté de la frontière, mais chacun de ces camions a dû s'arrêter à un centre d'inspection privé, ce qui a entraîné beaucoup de retard. Aucune violation des exigences relatives à la salubrité des aliments n'a été constatée. Il serait peu probable que ce soit le cas étant donné que la méthode d'inspection employée par les Américains équivaut à chercher une aiguille dans une botte de foin. Nous avons payé de nombreux frais, avons assumé des coûts considérables, surtout pour les tests de produits frais. Ces produits frais doivent être renvoyés au Canada dans l'attente des résultats des tests, ce qui est très coûteux pour nous.

Nous avons passé une autre année à attendre que les Américains mettent en œuvre le projet pilote de pré-dédouanement promis dans le plan d'action par-delà la frontière. Nous attendons toujours.

Enfin, sur le marché intérieur, approximativement 180 000 tonnes de porc frais, surgelé et transformé a été importé, soit deux fois plus qu'il y a 10 ans.

Tout cela pour vous montrer que le commerce mondial du porc et les défis que nous devons relever quotidiennement évoluent constamment. Les risques sont bien réels et le Canada, même s'il est le troisième exportateur de porc au monde, ne peut rien tenir pour acquis. Notre compréhension de la politique commerciale du Canada et du rôle que le gouvernement peut jouer doit refléter ces dures réalités.

Je retiens de cela trois demi-vérités et trois vérités.

Voici la première demi-vérité : le secteur agroalimentaire du Canada dépend des exportations et le succès dépend des priorités que nous nous donnons en ce qui concerne l'accès au marché international. Cela est vrai, mais n'oublions pas que pour réussir dans le secteur agroalimentaire au Canada, il faut avoir une part du marché intérieur et du marché des exportations qui soit rentable et pérenne tout en soutenant une concurrence féroce du reste du monde et en surmontant des obstacles à l'accès au marché qui changent constamment. Même si nous avons bien établi nos priorités, la bataille n'est qu'à moitié gagnée.

Comme je l'ai dit, notre succès en matière d'exportation n'a rien d'automatique. Il suffit que s'élève un nouvel obstacle commercial, que les taux de change fluctuent, que certaines préférences tarifaires soient modifiées ou que les travailleurs d'un port fassent la grève inopinément pour que nos clients étrangers s'approvisionnent ailleurs ou que nous soyons incapables d'expédier nos produits, ce qui laisse la place aux concurrents. Tout marché d'exportation rentable peut disparaître d'une année à l'autre.

Les ministres et fonctionnaires du commerce international doivent bien comprendre cet environnement changeant où la concurrence est forte. Heureusement, c'est presque toujours le cas. Nous pouvons compter sur l'excellente collaboration du gouvernement dans ces dossiers. La principale source de frustration, c'est que la bureaucratie ne suit pas le rythme rapide du monde des affaires.

Deuxième demi-vérité : la conclusion de nouveaux accords de libre-échange avec des marchés prioritaires garantira le succès continu des exportations agroalimentaires du Canada. Toute la vérité? Les accords de libre-échange sont nécessaires, mais ne suffisent pas à assurer le succès des exportations. Il nous faut aussi une capacité commerciale de calibre mondial et des compétences hors pair au sein du gouvernement et du monde des affaires.

Autrement dit, un accord commercial, même si, comme l'AECG, il donne au Canada l'avantage du premier arrivé, peut nous mettre sur la bonne voie, mais ne nous permettra pas d'avancer. Ce qui permet aux entreprises d'avancer, ce sont une chaîne d'approvisionnement concurrentielle comprenant des usines modernes de calibre mondial, la main-d'œuvre, des institutions financières compétentes et ainsi de suite. Dans le secteur public, ce sont des organisations commerciales très compétentes qui travaillent en étroite collaboration avec ceux qui prennent les décisions en matière d'économie nationale, car ces décisions ont une incidence sur notre compétitivité. Ça signifie des moyens de transport et de télécommunications modernes. Cela signifie l'élimination des obstacles réglementaires intérieurs qui nuisent à notre compétitivité.

J'ai déjà décrit comment plusieurs de ces facteurs avaient influé sur nos exportations en 2014. La plupart n'avait rien à voir avec les accords de libre-échange, et les missions commerciales ou les communiqués de presse qui les annoncent. Au chapitre de la main-d'œuvre, le gouvernement s'est fait du tort en adoptant des réformes au Programme de travailleurs étrangers temporaires qui allaient beaucoup trop loin. En raison de ces réformes et même si, pendant 10 ans, nous avons connu un succès exceptionnel dans le recrutement de travailleurs étrangers très productifs et qui devenaient pour la plupart des résidents permanents, il y a actuellement 150 postes vacants à notre usine de Brandon. Nous avons dû cesser les exportations de certains produits vers les marchés asiatiques, muter des employés qui travailleraient autrement à des activités à valeur ajoutée que réclament nos meilleurs clients et mettre en veilleuse notre projet de croissance des exportations de porc réfrigéré au Japon. Nous ne pourrons peut-être pas atteindre nos objectifs d'exportation en Chine. Il est donc hors de question pour nous de profiter des nouveaux accords commerciaux.

Voici ma dernière demi-vérité : l'accès à de nouveaux marchés d'exportation devrait être le moteur de la politique commerciale du Canada. Toute la vérité, c'est qu'il nous faut une approche raffinée, stratégique et percutante, autant offensive que défensive, en matière d'échanges commerciaux. Notre politique commerciale doit s'adapter aux changements de la compétitivité relative, maintenir les chances égales pour tous par le biais de la réglementation, protéger avec férocité l'accès préférentiel que nous accordent les accords existants, nous défendre contre les accords bilatéraux qui donnent à nos concurrents un avantage sur les marchés prioritaires et s'opposer sans relâche aux nouveaux obstacles techniques et aux pratiques commerciales déloyales.

Cela est particulièrement important dans le contexte multilatéral, surtout que l'OMC ne montre aucun signe de progrès, et dans le PTP, c'est particulièrement important pour l'accès des produits agricoles au Japon. Si les États-Unis obtiennent de meilleures conditions d'accès que le Canada et si le Canada ne conclut pas d'accords distincts Canada-Japon comprenant une disposition de la nation la plus favorisée comme celui que l'Australie a conclu, les 30 années que Maple Leaf a consacré à l'exportation de porc réfrigéré très rentable au Japon auront été inutiles.

Cette troisième vérité s'applique aussi à nos relations avec les États-Unis, ou plutôt avec le Congrès américain, dans le cadre d'un accord de libre-échange bilatéral qui, selon moi, doit être modifié. Ce n'est pas satisfaisant de diriger une entreprise en 2015 et de savoir que des douzaines de camions franchissent chaque jour la frontière entre nos deux pays, lesquels semblent s'unir facilement pour lutter contre le terrorisme mais sont incapables de faciliter le commerce bilatéral de poitrines de porc. Cela m'attriste de penser que, d'ici quelques mois, les produits agroalimentaires américains pourraient faire l'objet de tarifs de représailles parce que les États-Unis refusent de retirer une politique qui leur est nuisible, à savoir l'obligation de préciser le pays d'origine sur les étiquettes.

Pour terminer, Maple Leaf félicite le gouvernement pour son programme commercial ambitieux et pour l'énorme soutien qu'il nous fournit pour faire face aux risques que présente le monde complexe des échanges commerciaux, ainsi qu'aux possibilités qui nous sont offertes. L'énorme travail que fait le ministre Ritz est très apprécié, mais il ne faut jamais trop se laisser aller à la complaisance à l'égard de la position concurrentielle de l'industrie agroalimentaire ou de sa performance commerciale. Comme le sait si bien Chris, notre balance commerciale accuse un grave déficit sur le plan des aliments agroalimentaires ou transformés. Nous en sommes actuellement à 6,8 milliards de dollars de déficit, alors qu'il y a 10 ans, nous affichions un excédent important. Nous pouvons mieux faire en déployant des politiques commerciales visant à faire du marché agroalimentaire mondial un monde libre et équitable tout en appliquant des stratégies fondées sur la prémisse qu'il n'est ni l'un, ni l'autre.

Je vous remercie.

Le président : Monsieur Kyte, comment pourrions-nous faire mieux? Vous avez la parole.

Christopher Kyte, président, Fabricants de produits alimentaires du Canada : Y a-t-il quelqu'un qui veut se charger de mes problèmes?

Je vous remercie de nous avoir invités. Je fais les mêmes constats que Maple Leaf, sur le terrain. Mon association représente des propriétaires et exploitants de compagnies alimentaires canadiens. Nous fabriquons des produits à haute valeur ajoutée — des repas, des entrées, des pizzas, des viandes froides, toutes sortes de choses qu'on souhaite avoir dans les municipalités locales. Nous desservons les marchés national et international.

Nous avons été mêlés à un petit problème il y a quelque temps. Au fil de l'évolution de ce problème, nous avons constaté l'importance que revêt la transformation des aliments dans les collectivités. Son incidence sur le quotidien est remarquable. Nous avons eu des situations malheureuses à Leamington, mais le système de traitement des eaux usées était financé par la compagnie, de même que le réseau routier, et les équipes de baseball étaient parrainées par la compagnie. Elle tenait une place importante dans la vie locale. Dans tout le pays, il y a des situations similaires, comme dans le cas d'Otter Valley, à Tilsonburg, qui est un important employeur. De même pour Leahy Orchards, à Franklin Centre, Cavendish Farms à l'Île-du-Prince-Édouard et Bonduelle, à Tecumseh. Qu'arriverait-il si ces compagnies disparaissaient? C'est un peu le problème que nous connaissons, et Maple Leaf y a fait allusion.

Nous avons découvert non seulement l'incidence qu'ont les entreprises sur les villes et villages, mais l'énorme place qu'elles tiennent dans les communautés grandissantes. Lorsqu'une usine est délocalisée dans le Sud, les municipalités, les gens et les exploitations agricoles ne l'y accompagnent pas. Ils sont laissés pour compte. C'est un facteur des plus importants.

Trente-huit pour cent de la production agricole au Canada, en moyenne, passe par l'industrie de la transformation alimentaire. En Ontario et au Québec, c'est 65 à 70 p. 100. C'est énorme. Chaque fois que nous exportons, la communauté en bénéficie.

Je pense que vous avez rencontré Ted Bilye et David McInnes, de l'Institut canadien des politiques agroalimentaires. Je me suis un peu inspiré de leur travail alors que je me préparais pour cette audience, j'ai trouvé cela intéressant. L'Ontario a perdu 52 p. 100 des emplois dans le secteur manufacturier depuis huit ans, et 73 p. 100 de ces 52 p. 100 étaient des emplois dans la transformation des aliments. C'est effarant.

Nous avons remarqué que les États-Unis affichent une rentabilité de la R-D de 50 p. 100 supérieure à celle du Canada. La compétence y est pour quelque chose, mais aussi le coût de production, qui tient une grande place. Il en coûte de 2 à 30 p. 100 de moins pour produire la même chose aux États-Unis qu'au Canada. C'est moins coûteux aux États-Unis qu'ici. La taille des usines, évidemment, est un facteur, mais ce qui fait une différence énorme, c'est que les ingrédients, l'emballage et la main-d'œuvre coûtent 2 à 30 p. 100 de moins. Je ne dis pas qu'il faut apporter des modifications aux politiques, qui auraient des répercussions sur la façon dont on emploie les gens au Canada, mais je suis sûr que vous comprendrez l'importance de ces facteurs.

Le regroupement de la clientèle va pousser les entreprises à chercher à accroître cette clientèle. Il ne reste plus qu'environ trois grands détaillants dans le pays, et deux grands distributeurs de services alimentaires. Il nous faut donc trouver ces nouveaux clients ailleurs. Nous ne pouvons pas nous limiter au Canada.

La concurrence se déplace vers le Sud. D'après l'Institut canadien des politiques agroalimentaires, l'ICPA, 144 usines ont fermé leurs portes en huit ans. Quasiment toutes les multinationales américaines ont rapatrié le plus gros de leur production aux États-Unis. Il ne reste plus que quelques usines, comparativement à ce qu'il y en avait il y a 10 ou 15 ans.

Les multinationales américaines émigrent au Sud. Le gouvernement américain et les États font tout ce qu'ils peuvent pour inciter les usines canadiennes à aller au Sud. J'ai ici une brochure que je vous laisserai. Je vais la faire circuler. On y voit les mesures qu'ils prennent. Ils offrent d'énormes incitatifs, et 50 p. 100 des administrateurs de mon conseil ont déjà soit investi aux États-Unis ou sont sur le point de le faire. Nous ne voulons pas assister à cette hémorragie. Il faut stabiliser le monde des affaires ici.

Pour ce qui est du déficit commercial, on l'a dit, la bonne nouvelle, c'est qu'on utilisait le chiffre de 6,8 p. 100. C'est aujourd'hui 7,8 p. 100, soit une augmentation de 1 milliard de dollars en un an. Le déficit commercial a gonflé de 1 milliard de dollars. Ça me donne une idée de la viabilité probable de l'industrie alimentaire. Il faut y faire quelque chose.

Pour moi, l'exportation commence ici. Ce qu'il faut faire, c'est continuer de travailler sur l'ALENA avant de penser à l'Europe et l'Asie, à ces marchés éloignés. Ce sont des marchés de matières premières, mais pour l'industrie de la transformation à valeur ajoutée des aliments, ce qu'on veut, c'est stabiliser le marché canadien.

Le problème, c'est que personne au gouvernement ne semble prendre les choses en main, et c'est ce qui est inquiétant. C'est digne de réflexion. Qui va nous diriger pour nous sortir de ce bourbier? Ensuite, il faudra nous entendre sur la manière de surmonter les obstacles.

Mon conseil d'administration est très optimiste et positif à l'égard de nos activités, les ventes continuent de croître, mais nous avons néanmoins constaté un déclin dans notre rendement. C'est quelque peu inquiétant.

Il faut faire des investissements stratégiques, tant le gouvernement que l'industrie, pour soutenir les entreprises canadiennes. Comme je l'ai dit, on ne peut pas réduire le prix du lait ou des produits agricoles, mais il existe d'autres possibilités, comme de réorganiser les opérations pour réduire les coûts.

Pour terminer, nous sommes en quête d'investissements pour procéder à une refonte stratégique des opérations, et nous avons besoin de leadership. Qui va nous sortir de ce bourbier, quel ministère?

L'ALENA demeure notre principal marché, mais comme l'a dit Rory, il n'est pas facile de traverser aux États-Unis. La frontière leur appartient. Ils appliquent diverses mesures pour s'assurer que nous observons leurs règlements ou que nous ne trichons pas, ou tout simplement pour nous montrer qu'ils sont les maîtres chez eux. Je ne pense pas que nous devrions rendre œil pour œil, dent pour dent, mais il est difficile d'aller au sud. Par contre, quand on a une usine aux États-Unis, il est facile d'entrer au Canada. Les Américains adorent acheter des produits américains.

Si vous voulez, je pourrais vous exposer quelques réflexions. L'industrie a besoin de trois choses. Il faut d'abord les règlements appropriés, et leur application appropriée. Actuellement, personne ne surveille la frontière pour voir ce qui y est importé. Il entre au Canada bien des produits aux étiquettes trompeuses.

Deuxièmement, il faut harmoniser nos politiques et programmes avec ceux des États-Unis. On ne peut pas produire à fort prix dans un marché nord-américain.

Troisièmement, il faut un accès prévisible aux marchés. À mon avis, l'exportation aux États-Unis n'est pas prévisible, et il faudrait avoir un accès prévisible à des intrants dont les prix sont compétitifs.

Je vous remercie.

La sénatrice Tardif : J'avoue que je suis sidérée par l'énormité des défis que connaît votre industrie. Je n'étais pas au courant de ces difficultés, et je m'inquiète maintenant de voir de nouveaux défis se pointer à l'horizon.

Le 20 février, l'ACIA a annoncé la découverte d'un cas de maladie de la vache folle, dont était atteinte une vache d'une ferme de l'Alberta et, depuis lors, la Corée, Taïwan, le Pérou, la Biélorussie et la Chine ont bloqué les importations de bœuf canadien. Quelle incidence cela aura-t-il sur vos industries?

M. McAlpine : Maple Leaf ne fait pas de transformation de produits du bœuf. Nous en avons néanmoins dans certains produits, mais cet incident ne touche pas directement nos activités. Il illustre néanmoins notre vulnérabilité à ce genre de situations.

En même temps, nous avons fait d'énormes progrès dans la gestion du risque que présente l'ESB. Je crois que jusqu'à maintenant, on est assez convaincus que la situation ne sera que temporaire et sera résolue à la fin de l'enquête.

La sénatrice Tardif : Pensez-vous que cette situation pourrait avoir une incidence sur les États-Unis et les pousser à relancer la question de l'étiquetage indiquant le pays d'origine?

M. McAlpine : Absolument, puisque ces règles d'étiquetage ne sont rien de plus que du protectionnisme. On peut lier l'adoption de ces règles au cas d'ESB en 2003 et les retombées politiques qu'elles ont représentées, ou l'occasion qu'ils ont saisie d'exploiter ces règles pour limiter potentiellement l'importation de produits du Canada. Il n'y a absolument pas de doute. Cela étant dit, l'eau a coulé sous les ponts depuis, et je ne crois pas qu'il y ait d'incidence sur la situation actuelle.

Le gros problème avec le règlement sur l'étiquetage indiquant le pays d'origine, c'est simplement d'amener le Congrès à reconnaître que c'était une mesure des plus mal conçues et illégales, et avoir le courage de la changer. Mais je ne crois pas que quiconque irait dire que ce cas d'ESB est un outil pour interrompre leurs importations de bœuf canadien. Ce ne sera certainement pas un facteur dans la décision du Canada en matière de représailles si les Américains n'agissaient pas comme ils le devraient.

La sénatrice Tardif : J'espère en tout cas que vous ne vous trompez pas. Cela pourrait servir d'excuse, cependant.

Monsieur Kyte, vous avez dit, tout à l'heure que :

L'ALENA nuit à la désignation « Produit du Canada », et elle est déclassée par celle de « Produit des États-Unis ».

Qu'entendez-vous par là?

M. Kyte : Il y a quelques années, le gouvernement a décidé de façon arbitraire de changer la désignation « Produit du Canada ». Il fallait désormais qu'aucun produit ne puisse être déclaré « Produit du Canada » à moins qu'il ne soit fait à 98 p. 100 de produits du Canada, alors que l'ALENA n'en exigeait que 51 p. 100. Donc, les « produits des États-Unis » qui entrent au Canada peuvent n'avoir que 51 p. 100 d'énergie américaine, ou toute autre chose. Pour nous, il faut 98 p. 100 de contenu canadien.

Cela nous désavantage parce que la plupart des produits, comme le ketchup, les repas préparés, les plats de résistance, viennent de partout dans le monde. On ne peut pas avoir 98 p. 100 de contenu canadien, donc on ne peut pas inscrire « Produit du Canada » sur le contenu. On inscrit « Fait au Canada », ou rien, ou une adresse, ou une feuille d'érable. Les Américains peuvent avoir un produit qui contient 48 p. 100 de fèves chinoises et affirmer que c'est un « Produit des États-Unis ». Nos produits de fèves, même si ce sont des fèves canadiennes, seraient le produit de rien.

Le sénateur Tannas : Je vous remercie, messieurs, pour votre présence. Je ne suis pas un membre habituel du comité, puisque je représente un autre sénateur de l'Alberta qui est absent. Je vais donc saisir cette occasion de me renseigner un peu mieux sur quelque chose sur quoi je me suis toujours interrogé, et je compte sur l'enseignement de M. McAlpine.

J'ai toujours entendu dire qu'un éleveur de porcs, s'il a une bonne année, ne fait que s'appauvrir moins vite. On entend toutes ces blagues, comme celle selon laquelle pour arriver à avoir 1 million de dollars en élevant des porcs, il faut commencer avec un investissement de 2 millions de dollars. Maintenant, je vous entends parler de tous les malheurs que connaît votre milieu.

Est-ce que l'industrie porcine du pays connaît un problème systémique, avec tous les problèmes que vous avez exposés? On n'a pas l'impression que les entreprises de ce secteur connaissent beaucoup de succès, si on ajoute à cela tous les problèmes que connaissent clairement les producteurs primaires — comme je l'ai dit, je n'ai jamais entendu parler d'éleveurs de porcs qui aient connu une bonne année. Y a-t-il un plus grand problème, dans votre industrie à vous?

M. McAlpine : Il ne fait aucun doute que la production de bétail connaît d'énormes défis structurels, en-dehors des produits assujettis à la gestion de l'approvisionnement, et je dirais que le bœuf n'est pas tellement différent.

Cela étant dit, les éleveurs de porcs ont affiché des bénéfices record depuis un an après quatre ou cinq ans d'énormes pertes dues au très faible prix du porc, mais aussi au prix très élevé des aliments et aux fluctuations. Le problème semble venir en partie des énormes fluctuations des prix du porc et des coûts des aliments, qui éliminent toute prévisibilité des marges de profit, et le cycle des profits et pertes sur lequel on se fiait il y a deux ou trois ans semble maintenant être beaucoup plus imprévisible.

Par contre, comme je le disais, ils ont fait des bénéfices l'année dernière, mais ces bénéfices ne serviront en grande partie qu'à rembourser la dette accumulée les quatre ou cinq années précédentes. Et puis, il y a eu une énorme réduction des activités. Le secteur de la production de porcs a accusé un énorme repli, et puis il y a eu le problème du H1N1. Tout cela a eu des répercussions sur les activités, de même que la valeur du dollar, les prix des grains fourragers et les problèmes de main-d'œuvre. Tout cela a représenté bien des défis.

Je pourrais longuement parler des risques et des possibilités. Au bout du compte, nous avons divers avantages. Nous sommes encore, probablement, au troisième rang des pays où la production de porc est moins coûteuse.

Ce qu'il faut, c'est avoir les bons fondements. Nous avons perdu tous les programmes publics valables de gestion des risques des entreprises qui soutenaient l'industrie, ce qui a encore plus miné la confiance des investisseurs.

Par contre, nous avons un excellent statut zoosanitaire et une bonne génétique. Nous avons d'excellentes pratiques de gestion agricole, et dans l'Ouest du Canada, nous avons des conditions idéales à bien des égards en ce qui a trait à la culture ou à l'élevage, mais ce qu'il nous fait, c'est trouver la stabilité.

Il faut trouver un moyen de gérer les risques et de reconnaître que c'est une industrie qui absorbe énormément de capitaux. Une boucle de porcherie, de nos jours, coûte des millions de dollars. Il ne s'agit pas que de la bonne vieille ancienne porcherie. Il y faut plusieurs éléments, et les obstacles réglementaires à la réalisation de ces investissements sont assez énormes.

Maple Leaf n'aurait pas investi plus de 1 milliard de dollars en 10 ans dans ses actifs au Canada si la société n'avait pas cru pouvoir fonctionner de façon durable avec un solide approvisionnement de porcs, mais il faut trouver une solution quelconque, et nous sommes forcés de reconnaître que c'est une industrie différente de celle des cultures et, à bien des égards, de celle du bétail.

Le sénateur Tannas : Vous avez dit que nous sommes probablement au troisième rang des producteurs à faibles coûts. Qui sont les deux premiers? Qu'ont-ils de plus, ou qu'est-ce que leurs gouvernements leur donnent dont vous auriez besoin?

M. McAlpine : Ce serait l'Amérique du Sud — le Chili, le Brésil. Les États-Unis, je suppose, seraient en première place. Ils sont maintenant avantagés par des subventions pour le grain de forage, le soutien qui est donné à la production de grain aux États-Unis, et tout simplement la taille du marché et le volume de production de grain. Nous avons le problème des distances, qui touche notre base. Mais je dirais que c'est le principal facteur. C'est aussi la conséquence de la perte du soutien de stabilisation du revenu agricole qui avait été très utile lors de la dernière période de pertes, mais qui n'existe plus désormais.

Le sénateur Moore : Merci, messieurs, d'être des nôtres aujourd'hui.

À la fin de janvier, notre comité est allé à Washington et en Virginie dans le cadre d'une autre étude. Nous avons eu l'occasion, un jour, de rencontrer l'un des conseillers du président du comité agricole au Congrès. Il nous a dit que d'après le président du comité, l'étiquetage du pays d'origine était un échec et qu'il allait s'en débarrasser. Nous avons demandé ce que selon eux, le Canada devrait faire. Ils savent que nous avions une liste des représailles. Ils nous ont clairement dit — le conseiller, de même que l'avocat qui l'accompagnait — que le Canada devrait tenir le coup et maintenir sa position; s'il ne le fait pas, il se fera écraser et disparaîtra.

Qu'en pensez-vous? Ces règles sur l'étiquetage du pays d'origine sont en vigueur depuis de nombreuses années, maintenant; cela va et cela vient. Avez-vous une idée de ce que nous devrions faire? Est-ce qu'il faut user de représailles? Est-ce qu'il faut s'accrocher?

M. Kyte : Les Américains écoutent les Américains; ils n'écoutent pas tellement les Canadiens. Ce que nous pensons, c'est que le gouvernement a bien fait de prendre une position rigide à l'égard de ces règles. Cette position visait à pousser les intérêts américains à faire pression sur leur propre gouvernement. Ils ont mis un certain temps à se lancer, mais actuellement, sous la direction de la Chambre de commerce des États-Unis, d'énormes pressions sont exercées sur le gouvernement. Elles sont énormes, mais elles ne semblent pas encore réussir à percer.

Si les États-Unis arrivent à leur fin, ils auront arbitrairement modifié l'ALÉNA et pourront continuer de le faire, et après un certain temps, ils seront les seuls à être avantagés par l'accord; il ne nous sert à rien. Alors, mon conseil d'administration est en faveur de l'application de lourds tarifs sur les produits finis et l'exemption des entreprises canadiennes des intrants, et cela fonctionne bien.

M. McAlpine : Je suis tout à fait d'accord avec vous.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos deux invités. Vous parliez de la tarification sur les produits. Vous savez que, depuis le 1er janvier 2015, nous avons conclu un accord de libre-échange avec la Corée. On dit que, normalement, pour le bœuf, sur une période de 15 ans, les tarifs douaniers devraient diminuer progressivement; pour le porc, ce serait peut-être sur une période de 13 ans.

J'aimerais savoir quel impact cela aura sur le marché et si cet accès au marché coréen sera avantageux ou si, encore une fois, ce sont les Coréens qui pourront en tirer profit.

M. McAlpine : Merci pour la question.

[Traduction]

Nous allons en bénéficier, c'est sûr. Le problème, toutefois, c'est le délai. Nous y parviendrons, selon qu'il s'agit de produits de porc ou de bœuf frais ou congelés, d'ici 2022 ou 2027, quand les tarifs sur le produit canadien seront éliminés. Mais le problème, c'est qu'ils auront été éliminés sur les produits américains deux ans plus tôt, et tous les deux ans, ils auront une longueur d'avance sur nous. Il s'agit donc d'un problème de compétitivité relative de notre produit.

Cela étant dit, les acheteurs coréens ne veulent pas être dépendants d'une source unique d'approvisionnement. Ils comprennent la nécessité de diversifier, et ils apprécient la qualité des produits canadiens et savent que les règles du jeu seront tout à fait équitables. Ils ont ces relations à cœur.

Je pense que nous allons assurer une présence pendant cette période, mais notre entreprise a investi des millions de dollars dans les relations commerciales, dans un bureau à Séoul, et cet investissement a été nettement compromis. Nous nous accrochons, mais de justesse. Nous sommes très heureux du résultat, mais nous aurions souhaité qu'il arrive plus tôt.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie pour vos exposés.

Plusieurs témoins se sont dits inquiets de la pénurie de compétences et vous en avez aussi parlé — la pénurie de travailleurs spécialisés. Le gouvernement fédéral a adopté un nouveau système électronique appelé Entrée express. Que pensez-vous de l'efficacité de ce système; vous est-il utile?

M. McAlpine : Il ne nous sert à rien.

M. Kyte : Et voilà. Il ne nous sert à rien.

M. Alpine : C'est franchement très décevant, parce qu'on nous avait promis toute autre chose. On nous avait assuré qu'Entrée express se fonderait sur une correspondance des flux économiques d'immigration aux professions en très forte demande dans l'économie, et non pas sur une définition arbitraire par niveau de compétence. Le système est maintenant en vigueur, et l'entrée est uniquement fonction du niveau de compétence.

Dans le cas de la transformation de la viande, nos bouchers industriels, que nous employons par dizaines et milliers, et pour lesquels il y a des milliers de postes vacants de nos jours au Canada, ne sont pas admissibles à l'Entrée express parce qu'ils ne répondent pas à la définition du niveau de compétence B en vertu de la Classification nationale des professions. C'est, à notre avis, mal avisé.

Là encore, l'agriculture primaire est exemptée sous le volet du travailleur agricole primaire ou saisonnier, mais dès qu'on passe à l'activité de transformation, si on ne répond pas à la définition de compétence spécialisée, on n'est pas admissible.

Par conséquent, nous avons été très déstabilisés par l'incidence des changements au Programme des travailleurs étrangers temporaires, et la situation n'a pas été corrigée par ce que nous avions espéré être une approche du système d'immigration qui serait beaucoup axé sur la main-d'œuvre et l'économie de marché. En tant qu'industrie de la viande, nous sommes dans une situation difficile que nous tentons d'expliquer et à laquelle nous cherchons des solutions.

Le sénateur Enverga : Que voudriez-vous que nous suggérions à nos législateurs, ici?

M. McAlpine : Quasiment l'intégralité du secteur agricole, du secteur agroalimentaire, s'est ralliée à un groupe appelé le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture. L'industrie de la viande en fait partie. En fait, ce que nous disons, c'est qu'il faut voir les choses comme une chaîne de valeur. Il n'est pas bon d'exempter ou de fournir la main-d'œuvre à l'exploitation agricole s'il n'y a pas de main-d'œuvre pour faire la transformation. L'idée, c'est d'avoir un programme qui reconnaît les besoins de toute la chaîne de valeur, en mettant toujours l'accent, évidemment, sur le recrutement et la formation et le perfectionnement professionnel des candidats canadiens à ces emplois. Mais lorsqu'il y a des lacunes, comme c'est le cas, particulièrement dans les communautés rurales où se trouvent la plupart des usines, qui devraient être ouvertes à des programmes d'immigration qui garantissent aux travailleurs qu'ils obtiendront la permanence et deviendront des employés à long terme durables pour l'entreprise qui autrement, comme Chris l'a dit, fuit littéralement le pays.

Le sénateur Enverga : Est-ce que vous avez créé des programmes pour attirer les Canadiens?

M. McAlpine : Oui, absolument. Nous l'avons toujours fait. De fait, là où je voulais en venir, c'est qu'en vertu du programme antérieur, on ne pouvait pas obtenir d'avis sur le marché du travail pour faire venir des travailleurs étrangers à moins d'avoir épuisé toutes les autres possibilités pour trouver des employés canadiens. Dans notre cas, nous avons redoublé d'efforts à cet égard. Nous avons participé à des salons professionnels dans tout le pays. Nous faisons tout en notre pouvoir pour tenter d'attirer des travailleurs. Le problème, parfois, ce n'est pas tant de les attirer, mais plutôt de les retenir. C'est difficile. Il est certain que le travail dans l'industrie alimentaire, l'industrie de la viande, surtout, n'est pas facile, et il est très ardu de trouver des jeunes ou des Canadiens plus âgés qui puissent tenir le coup. Cela fait partie de nos démarches. Nous pouvons, c'est certain, faire plus. Il faut attirer plus de Canadiens dans l'industrie, non pas seulement pour tout de suite, mais aussi pour 10 à 20 ans. Il y a tout cela à faire.

Plusieurs choses peuvent être améliorées. Le jumelage d'emplois aux opportunités n'est pas bien effectué. Le Guichet emplois ne fonctionne pas très bien de partout. Pour bien des raisons, les gens ne souhaitent pas déménager d'une région où le chômage est élevé pour aller vers une autre où le taux est plus faible. Le travail est loin d'être accompli et ce qui reste à faire est indiqué dans de bonnes recommandations.

M. Kyte : Aucun de nos concurrents aux États-Unis n'a de problèmes de main-d'œuvre. Nous oui, et on ne peut pas fabriquer quoi que ce soit sans main-d'œuvre. C'est tout simplement impossible. Dans un monde parfait, on aurait des baguettes magiques.

D'un point de vue saisonnier, si vous examinez les entreprises faisant pousser des cultures saisonnières, vous verrez que les agriculteurs peuvent faire la récolte mais personne ne nous aide au niveau de la transformation en usine. Qu'en faisons-nous, alors? Dame nature décide quand l'asperge sera prête à être récoltée, après quoi, nous la mettons dans nos assiettes. Le processus doit être effectué en moins de 90 minutes. De même pour les petits pois. On ne peut pas charrier et entreposer les tomates n'importe où. Nous avons besoin de ces travailleurs étrangers temporaires.

Un de mes membres avait 100 postes saisonniers à pourvoir. Les postes ont été remplis, mais seules 50 personnes sont venues. La deuxième semaine, seules 35 se sont pointées et plus personne la troisième semaine. Une entreprise ne peut pas survivre dans de telles conditions.

Le sénateur Moore : Et pourquoi pas?

M. Kyte : Pourquoi ne veulent-ils plus venir? Ils n'aiment pas le travail, tout simplement. Ils venaient tous de la région. Ils ne voulaient pas se salir les mains. Et pendant ce temps, cela fait 30 ans que nous faisons travailler des étrangers qui sont heureux de pouvoir travailler dans ces usines.

Un de mes membres a créé une usine de transformation du poisson en Nouvelle-Écosse. Les trois meilleurs employés avaient tous plus de 65 ans. Que se passera-t-il quand ces trois-là ne seront plus là? Personne ne voudra venir au boulot chaque jour.

Nous avons un problème de main-d'œuvre. Nos concurrents n'en ont pas.

La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Tout comme la sénatrice Tardif, l'ampleur de ce problème me préoccupe.

Les travailleurs temporaires me donnent espoir seulement car c'est un enjeu considérable parmi tous les députés et les sénateurs. On nous en fait part partout au Canada. Ce nouvel organisme avec lequel vous travaillez, le Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, a-t-il une stratégie? Est-ce que ses membres ont saisi le ministre pour agir au plus vite?

M. McAlpine : Absolument. Il existe un plan d'action national de la main-d'œuvre pour l'industrie de l'agroalimentaire qui vient d'être mis à jour avec l'information reçue de tous les intervenants. Ce plan établit toutes ces différentes stratégies dans le contexte du renforcement des compétences et du travail des Canadiens et de l'efficacité du marché du travail. Il contient également des mesures pour aborder le sujet des travailleurs étrangers et de l'immigration. Ces recommandations sont robustes. Nous avons eu un grand nombre de réunions ces dernières semaines.

La sénatrice Beyak : Dans votre présentation, vous avez mentionné l'importance du fait que nous avons perdu l'appellation Parme que nous détenions depuis 1954. Pouvez-vous nous en dire plus pour le bien de ceux qui nous regardent?

M. McAlpine : Les appellations géographiques sont largement comprises dans le monde vinicole, où un produit est identifié de par son origine, que ce soit du champagne ou un vin. Ces appellations se sont beaucoup élargies dans l'Union européenne où il y a maintenant une longue liste de produits dont l'appellation se fait par rapport à l'origine du produit. Des viandes, des fromages et même des cornichons. Dans le cas du Proscuitto di Parma, il y a une région en Italie qui s'appelle Parme. Après que nous ayons pris possession de la marque de commerce au Canada, ils ont commencé à contrôler les normes de qualité et l'utilisation de cette appellation géographique.

Dans les accords de libre-échange, ils veulent que cette appellation soit respectée. Nous avons alors un conflit entre le droit issu d'une marque de commerce légale reconnue à l'international et des négociations qui leur donnent le droit d'avoir leur appellation coexistant avec notre marque de commerce. Cette situation nous est préjudiciable. Nous ne sommes pas d'accord et pensons que nous devons être indemnisés en conséquence, ce qui n'est pas le cas en ce moment.

La sénatrice Tardif : Je veux revenir au sujet de ma collègue, la sénatrice Beyak, qui parlait d'un point de l'AECG. L'accès au marché européen aura quels effets sur l'industrie de la transformation au Canada?

M. Kyte : Une des recommandations du plan stratégique est qu'il faut harmoniser nos coûts. Les Européens subventionnent différemment. Ils subventionnent la volaille, les produits laitiers. Tout est subventionné différemment par rapport au Canada. Il n'existe pas de plan au Canada qui nous permet d'avoir accès aux produits à un prix concurrentiel. Cela nous lésera. Protéger nos entreprises des importations et exporter nos entreprises en Europe pour certains produits sera difficile.

La sénatrice Tardif : Quel soutien pourrait fournir le gouvernement?

M. Kyte : Plusieurs choses.

Au fait, cela me rappelle qu'il faut être très prudent quand vous recevez des données de Statistique Canada sur la rentabilité de l'industrie alimentaire. Leurs données sont erronées car leur méthodologie d'obtention des données l'est aussi. Selon eux, un produit, par exemple un produit Kraft, qui est importé et revendu au Canada, est un produit fabriqué. Les produits américains jouissent de plus grandes marges que les nôtres. Ainsi, toutes les données sur la rentabilité que vous fournit Statistique Canada sont erronées. Nous n'arrivons pas à régler ce problème. Je pourrais vous fournir des études d'étalonnage.

Ce dont nous avons besoin, c'est plus de leadership d'un ministère qui s'assiérait avec l'industrie de la transformation alimentaire pour dire : « Qu'allons-nous faire pour rendre cette industrie durable? » Nous sommes en train de perdre. Notre équilibre commercial avec le reste du monde, avec l'Europe, est de 3 milliards de dollars. Est-ce que la situation va s'améliorer avec un accord de libre-échange? Seulement si les bases sont bien établies.

Le président : J'écoutais les témoins et je voudrais vous faire part de certaines informations. À Washington, le comité s'est entretenu avec des représentants du congrès, des sénateurs et leurs employés. Nous avons parlé de l'étiquetage indiquant le pays d'origine. Ce comité, le Comité permanent de l'agriculture et des forêts, a parlé de l'accord sur le bois d'œuvre Canada-États-Unis. Nous avons parlé de l'énergie. Nous avons parlé de l'oléoduc ouest-est. Nous avons aussi parlé de Keystone XL. Un sénateur ici présent, le sénateur Dagenais, a eu une réunion avec des responsables de la sécurité. Nous avons parlé de la sécurité alimentaire. Tout cela allait au-delà de notre mission principale sur la santé des abeilles, leurs impacts et défis connexes en Amérique du Nord et dans le monde entier.

Pour le procès-verbal, je voudrais dire que nous nous sommes entretenus avec des sénateurs et des représentants du congrès qui nous ont dit que cela fait des dizaines d'années qu'aux États-Unis on fait état de pénurie de main-d'œuvre et d'une population vieillissante. Ils ont dit :

Le problème s'est empiré au cours des dernières décennies. Selon les données de l'enquête annuelle National Agricultural Worker Survey, entre 1989 et 2009, la proportion de citoyens américains dans la main-d'œuvre agricole s'occupant de la production végétale a chuté de 45 à 30 p. 100. Durant cette même période, la proportion des travailleurs étrangers non autorisés a augmenté pour atteindre environ 50 p. 100, une grande augmentation par rapport aux 10 p. 100 précédents. Il n'y a pas de données de sondages comparables sur la main-d'œuvre embauchée aux États-Unis pour les producteurs laitiers et les éleveurs de bétail, mais la pénurie de main-d'œuvre est semblable.

Ma question s'adresse aux deux témoins. Vous avez parlé du regroupement des consommateurs et de la nécessité d'avoir plus de consommateurs ou clients. Vous exercez un leadership fort louable. À chaque fois que je passe par un Costco, je vais voir d'où proviennent les produits et s'il y a des produits locaux. Je fais maintenant la même chose chez Walmart. Puisque nous avons maintenant des Costco et des Walmart partout au pays, quelles répercussions ont leurs pratiques et politiques en marketing sur la vente et la consommation des aliments canadiens ici au Canada et comment permettent-elles d'offrir plus de produits de chez nous?

M. McAlpine : Il s'agit d'une question importante. Le secteur du détail au Canada, et dans une certaine mesure le secteur des services alimentaires, sont importants et assez concentrés. La devise joue bien sûr un grand rôle. La vigueur du dollar canadien était un avantage pour l'importation, mais la situation commence à changer. On connaît déjà certaines répercussions à ce niveau pour ce qui est de l'avantage relatif en termes de différence de prix entre les produits domestiques et importés.

Un des grands défis est certainement le fait que ces gros détaillants, qu'il s'agisse de Costco ou autres, ont un système de distribution régionale assez sophistiqué. Ils doivent se procurer des produits en grande quantité avec un approvisionnement prévisible et des prix à long terme. Ces détaillants s'attachent donc aux marques de commerce des grands fournisseurs et de tout ce que cela représente. Encore une fois, c'est cela qui pose problème aux fournisseurs canadiens. Maple Leaf est une entreprise relativement importante mais ne peut se comparer aux grands transformateurs de viande des États-Unis, ce qui est un problème. Nous devons faire des efforts continuels pour essayer de relever le défi et avoir une production assez grande pour répondre aux besoins de ces chaînes de détaillants.

On sent un véritable désir d'offre davantage de produits locaux. On voit plus de signaux à cet effet. On le voit quand nos supermarchés s'efforcent de présenter les produits locaux, mais cela ne peut pas remplacer l'échelle, l'efficacité et la qualité qu'ont nos compétiteurs américains.

M. Kyte : Nos membres vendent leurs produits à Costco et Walmart USA et à Costco et Walmart Canada. En fonction des ingrédients, ils peuvent décider de commercialiser des produits différents. Si les produits laitiers sont plus chers au Canada, ils vont peut-être décider de commercialiser des produits contenant des produits laitiers à Walmart ou à Costco USA. Certains de nos membres ont des produits de marque et certains font du conditionnement à forfait pour la marque des détaillants, tels que Kirkland, et nous avons donc une certaine flexibilité.

Je crois que les détaillants canadiens tels que Loblaws s'intéressent davantage aux transformateurs canadiens. C'est peut-être à cause de la faiblesse du dollar canadien, et cela nous aide en ce moment puisque nos bilans financiers ont été grandement affectés par la parité du dollar.

En discutant avec les dirigeants, j'ai compris qu'un dollar à 84 ¢ est ce qui donne le meilleur avantage puisqu'il nous permet une certaine marge de profit et on a un peu d'argent dans la poche à la fin de la journée. En dessous de 84 ¢, on est moins productifs.

Le président : Merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Une dernière question, messieurs. Vous me direz si vous avez l'information.

La semaine dernière, j'écoutais une émission sur l'économie qui traitait de la production de poulets. Un gros acheteur de poulet au Québec, les rôtisseries Saint-Hubert, voudrait du poulet sans antibiotiques, et reprochait aux éleveurs d'agir comme des cartels, comme des seigneurs. Il disait que, parce que les producteurs étaient protégés par la gestion de l'offre, ils n'avançaient pas aussi rapidement dans le dossier de la production de poulet sans antibiotiques, et que lui, de son côté, ne pouvait pas acheter à l'extérieur. Or, sa clientèle demande du poulet sans antibiotiques.

Qu'est-ce que vous pourriez me dire à ce sujet? Est-ce que les producteurs ont l'intention de le faire ou est-ce qu'ils vont se conforter avec la gestion de l'offre en se disant qu'ils sont protégés par la gestion de l'offre? Le client — soit les rôtisseries Saint-Hubert, que je connais bien, au Québec, et qui en achètent beaucoup — semble lésé par cette décision.

[Traduction]

M. McAlpine : C'est une question très opportune, car elle a encore fait l'actualité la semaine dernière, lorsque McDonald's aux États-Unis a annoncé que la compagnie allait, pour son approvisionnement en poulet, se tourner vers des produits qui n'ont pas été traités avec certaines catégories d'antibiotiques importants pour la médecine humaine.

Je vous dirai deux choses. Premièrement, notre compagnie, ainsi que de nombreuses autres entreprises dans des secteurs différents, a maintenant une production distincte d'animaux élevés sans antibiotiques. Ces produits sont déjà disponibles et représentent de 12 à 13 p. 100 de notre offre, et cette proportion continue de croître.

De façon plus générale, le secteur du poulet travaille sur plusieurs aspects, comme le font les autres groupes d'éleveurs, pour essayer de mieux gérer, réglementer et réduire l'utilisation d'antibiotiques importants pour la médecine humaine. Il existe toute une stratégie sur laquelle se sont mobilisés les provinces, la Direction des médicaments vétérinaires au niveau fédéral et les Producteurs de poulet du Canada. Le travail se fait sur plusieurs fronts.

Un élément essentiel est qu'il n'y a pas d'usage préventif d'antibiotiques de catégorie 1 dans la production du poulet au Canada. Ces antibiotiques sont les plus importants pour la médecine humaine et ils ne sont pas présents dans le poulet que nous consommons. Il existe la perception et le problème de la résistance aux antimicrobiens.

Je l'exprimerai ainsi : le secteur est en train de se modifier. Le marché a déjà commencé à évoluer et continuera à le faire.

Le président : Au nom du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, je tiens à vous remercier, monsieur McAlpine et monsieur Kyte d'avoir partagé vos observations avec nous. N'hésitez pas à nous fournir des renseignements ou observations additionnels en communiquant avec le greffier du comité.

(La séance est levée.)


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