Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 3 - Témoignages du 5 décembre 2013
OTTAWA, le jeudi 5 décembre 2013
Le Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 4, pour étudier la teneur du projet de loi C-15, Loi remplaçant la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest afin de mettre en oeuvre certaines dispositions de l'Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources des Territoires du Nord-Ouest et modifiant ou abrogeant la Loi sur les terres territoriales, la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest, la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, d'autres lois et certains décrets et règlements.
Le sénateur Grant Mitchell (vice-président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le vice-président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je suis Grant Mitchell. Je représente la province de l'Alberta au Sénat et je suis vice-président du comité. Le sénateur Neufeld, président du comité, regrette de ne pas pouvoir assister à la réunion aujourd'hui.
[Traduction]
Je souhaite la bienvenue à mes collègues sénateurs, aux gens qui nous regardent à cette heure matinale ou en rediffusion, ainsi bien sûr à nos témoins, aux membres du personnel et aux autres personnes ici présentes.
Permettez-moi d'abord de vous présenter des gens qui appuient très efficacement le travail de notre comité. À ma droite, Sam Banks et Marc LeBlanc de la Bibliothèque du Parlement, et à ma gauche, Lynn Gordon, notre greffière.
En commençant à ma droite avec la sénatrice Frum, je demanderais aux sénateurs de se présenter à tour de rôle afin que les gens sachent bien qui nous sommes et d'où nous venons.
La sénatrice Frum : Linda Frum de l'Ontario.
Le sénateur Sibbeston : Nick Sibbeston des Territoires du Nord-Ouest.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, de la province de Québec.
La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
Le sénateur Black : Doug Black, de l'Alberta.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal au Québec.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, province de Québec.
[Traduction]
Le vice-président : Nous amorçons aujourd'hui notre étude de la teneur du projet de loi C-15, Loi remplaçant la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest afin de mettre en œuvre certaines dispositions de l'Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources des Territoires du Nord-Ouest et modifiant et abrogeant la Loi sur les terres territoriales, la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest, la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, d'autres lois et certains décrets et règlements. Ce projet de loi a été déposé à la Chambre des communes le 3 décembre 2013.
Je rappelle à tous que ce projet de loi dont le titre abrégé est « Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest » renferme 240 pages divisées en quatre parties qui ont notamment pour effet de promulguer et de modifier différentes lois. Notre greffière vous a transmis par voie électronique une copie du projet de loi et du cahier d'information préparé par Affaires autochtones et Développement du Nord Canada pour l'étude article par article. Si vous n'avez pas ces documents en main ou si vous avez besoin de quoi que ce soit, veuillez le signaler à la greffière.
C'est avec grand plaisir que nous accueillons pour le premier segment de notre séance l'honorable Bernard Valcourt, ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord depuis 2013 et député de Madawaska—Restigouche au Nouveau-Brunswick.
Monsieur le ministre, nous vous remercions vivement de votre présence aujourd'hui. Nous savons très bien à quel point votre horaire est chargé jour après jour et nous sommes conscients des écueils que vous avez dû surmonter dans la négociation de cette entente. Compte tenu de l'importance de cette réalisation, tant pour vous que pour nous, nous vous sommes d'autant plus reconnaissants d'avoir pris le temps d'être des nôtres aujourd'hui.
J'aimerais aussi prendre un instant pour présenter les gens qui vous accompagnent et les féliciter pour l'excellente séance d'information technique qu'ils ont présentée collectivement à bon nombre de sénateurs lundi soir. Il s'agit de Paula Isaak, directrice générale, Direction générale des ressources naturelles et de l'environnement; Tara Shannon, directrice, Politiques en matière de ressources et de programmes; et Wayne Walsh, directeur, Négociation et dévolution, Territoires du Nord-Ouest.
Du ministère de la Justice, nous accueillons également Tom Isaac, avocat-conseil principal, Négociations, Affaires du Nord et interlocuteur fédéral.
Monsieur le ministre, vous connaissez très bien le fonctionnement de nos comités. Nous allons écouter attentivement ce que vous avez à nous dire, après quoi les sénateurs pourront vous poser leurs questions.
[Français]
L'honorable Bernard Valcourt, C.P., député, ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien : Je vous remercie de votre accueil, monsieur le président, et merci de m'avoir invité à témoigner devant le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles à propos du projet de loi C-15, Loi remplaçant la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest afin de mettre en œuvre certaines dispositions de l'Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources des Territoires du Nord-Ouest et modifiant ou abrogeant la Loi sur les terres territoriales, la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest, la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, d'autres lois et certains décrets et règlements au moment où le comité entreprend son pré- examen de cet important projet de loi.
Comme beaucoup d'entre vous le savent, le dépôt de ce projet de loi s'est fait attendre longtemps. Ce projet de loi fera entrer en vigueur l'Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et ressources des Territoires du Nord- Ouest ce qui complète le processus fédéral de transfert des responsabilités amorcé il y a plus de 40 ans lorsque le siège du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a déménagé à Yellowknife, en 1967.
[Traduction]
Personne ne connaît mieux ce périple que deux membres de ce comité : les sénateurs Patterson et Sibbeston, qui sont tous deux anciens premiers ministres des Territoires du Nord-Ouest. Je suis très heureux que le sénateur Patterson ait accepté de défendre cet important projet de loi au nom du gouvernement du Canada pendant tout le processus au Sénat. Je profite de l'occasion pour l'en remercier. Son expertise et son leadership seront inestimables pour ce comité et nous aideront à atteindre notre objectif commun de mettre en œuvre ce projet de loi à temps, afin de respecter la date d'entrée en vigueur visée du 1er avril 2014 pour le transfert des responsabilités.
Comme les sénateurs Patterson et Sibbeston le savent très bien, de nombreux gouvernements successifs ont tenté sans succès de conclure une entente sur le transfert des responsabilités pour les terres et les ressources. C'est grâce à l'inlassable leadership du premier ministre, Stephen Harper, et du premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, Bob McLeod, que nous sommes ici aujourd'hui.
Je sais que le prochain témoin devant le comité sera le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest qui est ici ce matin. J'ai pu m'entretenir avec lui à Yellowknife et à Inuvik plus tôt cette année, à l'occasion de la conclusion et de la signature de l'Entente sur le transfert des responsabilités, de même que plus tôt cette semaine, alors qu'il m'a réitéré l'importance de ce projet de loi pour les résidants et l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest. Voilà ce qu'il m'a dit : « Le transfert des responsabilités marque une étape historique du développement politique et économique des Territoires du Nord-Ouest. »
Je parle de ma visite à Yellowknife avec le premier ministre, quelques jours après mon assermentation, alors que j'ai eu le privilège d'accompagner le premier ministre McLeod et les membres du gouvernement des Territoires du Nord- Ouest pour la conclusion finale de l'entente de principe. Voici donc ce qu'a dit le premier ministre McLeod :
Le transfert des responsabilités marque une étape historique du développement politique et économique des Territoires du Nord-Ouest... Il s'agissait d'une priorité à long terme des citoyens et de l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest qui fera en sorte que la population des Territoires pourra profiter du développement responsable de l'énorme potentiel du Nord sur le plan des ressources. Le transfert des responsabilités facilitera la transformation de l'économie des Territoires du Nord-Ouest, de même que la création d'emplois et de possibilités pour nos citoyens et tous les Canadiens, notamment si celui-ci s'appuie sur un système réglementaire efficace et efficient qui encourage l'investissement, tout en veillant au développement durable des ressources.
En effet, notre gouvernement et le premier ministre actuel sont résolus à faire en sorte que le Nord et ses communautés jouissent de la forte croissance économique que connaît la région.
[Français]
Certes, les Territoires du Nord-Ouest regorgent de ressources naturelles et leur commercialisation générerait d'importants revenus et créerait un nombre considérable d'emplois pour les habitants du Nord et les Canadiens en général.
En complétant le transfert des responsabilités, nous devons nous assurer que nous léguons un processus réglementaire et décisionnel efficient et efficace afin de profiter des possibilités d'exploitation des ressources, tout en cernant et en atténuant, bien sûr, les éventuels risques environnementaux découlant de tels projets. Malheureusement, l'actuel régime de réglementation visant à évaluer les risques et à déterminer les avantages éventuels de l'exploitation des ressources dans les Territoires du Nord-Ouest n'est pas en mesure de répondre aux besoins présents et futurs des résidents des Territoires du Nord-Ouest.
[Traduction]
Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest convient qu'afin que les résidants du Nord puissent profiter pleinement du transfert des responsabilités en matière de terres et de ressources après avril 2014, il est impératif qu'un régime réglementaire moderne et efficace soit en place. Comme l'a dit le premier ministre des Territoires plus tôt cette semaine, son gouvernement a toujours souhaité un cadre réglementaire efficace et efficient. C'est pourquoi la Loi sur le transfert des responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest comprend des changements importants à la Loi sur les terres territoriales, la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest, afin de favoriser un cadre plus responsable, plus efficient et plus efficace en ce qui concerne la gestion des ressources dans les Territoires du Nord-Ouest.
Un des principaux changements serait l'établissement de délais fermes aux fins de l'examen et de l'évaluation des projets proposés. Il est essentiel que les évaluations et les examens réglementaires soient assujettis à des délais, car cela fournit de la clarté, de la prévisibilité et de la transparence à l'égard des processus et des décisions connexes.
Les délais proposés sont en harmonie avec les processus d'évaluation environnementale mis en œuvre dans le reste du pays, par exemple ceux qui ont trait à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (2012) et à la Loi sur l'aménagement du territoire et l'évaluation des projets au Nunavut. Une telle uniformité augmentera la confiance des investisseurs et attirera à l'avenir des investissements dans les Territoires du Nord-Ouest.
Nous n'avons pas décidé du jour au lendemain des changements qu'on apporterait. Le projet de loi actuellement à l'étude par le comité est le fruit d'un processus rigoureux combinant la tenue d'études, de consultations et de discussions avec les habitants du Nord, les groupes autochtones et d'autres intervenants.
[Français]
En 2005, vous vous en rappellerez, la vérificatrice générale du Canada a indiqué que le climat d'investissement dans les Territoires du Nord-Ouest était incertain, en grande partie à cause de la complexité du régime de réglementation. En 2007, notre gouvernement a nommé M. Neil McCrank, pour examiner le régime de réglementation dans les Territoires du Nord-Ouest et y apporter des changements, en particulier à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie.
Puis en 2010, mon prédécesseur, Chuck Strahl, ancien ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien, a annoncé le plan d'action pour l'amélioration des régimes de réglementation dans le Nord, qui a cerné des changements législatifs afin d'améliorer les régimes de réglementation dans le Nord, notamment grâce à la création de l'Office des droits de surface des Territoires du Nord-Ouest. Le comité a d'ailleurs eu l'occasion d'examiner ces points le printemps dernier dans le cadre du projet de loi C-47, la Loi sur l'emploi et la croissance dans le Nord.
Avec ce projet de loi devant vous aujourd'hui, nous remplissons la dernière obligation en suspens du gouvernement afin d'assurer le transfert complet des responsabilités sur les terres et les ressources aux Territoires du Nord-Ouest. Des lois seront abrogées à la suite de l'entrée en vigueur du projet de loi dont il est question aujourd'hui et des lois de remplacement seront élaborées dans les Territoires du Nord-Ouest.
De plus, en 2010, le gouvernement a nommé M. John Pollard afin de mener un processus de consultation axé sur la restructuration proposée des offices des terres et des eaux, en vertu de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Et à la lumière du plan d'action visant à améliorer les régimes de réglementation dans le Nord, on a élargi les discussions afin d'inclure d'autres modifications de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, ainsi que de la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest et de la Loi sur les terres territoriales.
Ces consultations auprès de tous les offices touchés par les modifications proposées des parties intéressées de l'industrie, ainsi que des représentants du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, de même qu'auprès des organisations autochtones bénéficiant ou non d'un accord sur une revendication territoriale dans les territoires, ont contribué à forger la présente version du projet de loi.
[Traduction]
En conclusion, monsieur le président, nous savons que les habitants du Nord sont désireux d'assumer les obligations et d'exercer de manière responsable les pouvoirs cédés dans le cadre du transfert. Ils sont conscients des avantages et des risques éventuels de l'exploitation des ressources, et comprennent que des régimes de réglementation modernes et efficaces sont des outils essentiels pour équilibrer les préoccupations d'ordre environnemental et économique.
Tandis que les membres du comité mènent leur examen du projet de loi C-15, je les encourage à reconnaître que les Territoires du Nord-Ouest sont sur le point d'entrer dans une nouvelle ère. Celle-ci verra le territoire occuper la place qui est naturellement la sienne en tant que partenaire à part entière de la prospérité du pays.
Monsieur le président, je vais maintenant faire de mon mieux pour répondre à toutes les questions du comité. Comme tous les ministres doivent parfois le faire, je pourrai compter sur le soutien des collaborateurs compétents qui m'accompagnent.
Le vice-président : Merci beaucoup pour cet exposé fort intéressant.
Comme vous l'avez mentionné, monsieur le ministre, notre comité a la chance de pouvoir compter sur deux anciens chefs de gouvernement des Territoires du Nord-Ouest qui ont participé directement au processus. Je vais donc commencer avec eux en donnant la préséance au sénateur Patterson qui est le parrain de ce projet de loi au sein de notre comité.
Le sénateur Patterson : Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux remercier le ministre pour ses aimables commentaires au sujet du sénateur Sibbeston et de moi-même, et sa reconnaissance du fait que nous vivons aujourd'hui l'aboutissement d'un très long processus.
Ses bonnes paroles ne me font toutefois pas perdre de vue le fait qu'il y a 25 ans déjà, alors que je faisais partie du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, nous avions signé une entente habilitante en vue de la négociation d'un accord pour le Nord avec l'administration Mulroney, dont le ministre Valcourt faisait partie, sans toutefois que cela se concrétise. Je suppose que cela fait partie des efforts qui ont été déployés en vain dans la quête de cet objectif de longue date pour les gens des Territoires du Nord-Ouest.
Il y a déjà des pouvoirs qui nous ont été conférés dans d'autres domaines, comme celui de la santé, mais c'est assurément le plus important transfert de responsabilités comparables à celles des provinces dont ont pu bénéficier les Territoires du Nord-Ouest. Il s'agit donc d'une entente historique et je me sens très privilégié d'avoir pu jouer un rôle dans le processus, aussi humble soit-il.
Je tiens à féliciter le ministre Valcourt et ses collaborateurs qui ont fait progresser le dossier jusqu'au résultat que l'on connaît aujourd'hui. L'entente de principe a en effet été conclue il n'y a pas si longtemps alors que tous ont convenu de la nécessité de mettre les bouchées doubles. Nous vous sommes donc très reconnaissants, monsieur le ministre, pour les efforts que vous avez déployés dans ce dossier parallèlement à vos autres importantes responsabilités au sein du gouvernement canadien.
Il convient en outre de souligner la contribution des ministres Duncan et Strahl. J'ai travaillé avec ces deux ministres qui ont su maintenir ce dossier au rang des priorités pour le gouvernement du Canada, avec l'appui de notre premier ministre. Je les remercie donc également.
Monsieur le ministre, quels devraient être selon vous les avantages concrets de la mise en œuvre de cette entente de transfert des responsabilités pour les résidants du Nord et l'ensemble des Canadiens?
M. Valcourt : Si nous avons travaillé en faveur de ce transfert des responsabilités, c'est que nous reconnaissions l'importance primordiale que revêt pour le Canada l'évolution politique et économique des gens du Nord et la gouvernance du territoire. Ainsi, vous vous souviendrez sans doute que l'adoption de la Stratégie pour le Nord a été l'une des premières mesures prises par le premier ministre et notre gouvernement lors de son arrivée au pouvoir en 2006. Au cœur de cette stratégie, on retrouve effectivement la souveraineté et le développement socioéconomique, mais aussi la gouvernance et le transfert aux territoires de pouvoirs comparables à ceux des provinces. Nous voulions de cette manière permettre aux citoyens du Nord de devenir les véritables architectes de leur propre développement.
Voyons comment les choses se passent au Yukon. C'est le 10e anniversaire du transfert des responsabilités à ce territoire. Depuis lors, le PIB a augmenté à chaque année. Plus question de se tourner vers le passé; on envisage l'avenir avec optimisme.
Cette entente va donner un nouvel élan aux Territoires du Nord-Ouest. Dans ce contexte, il faut bien prendre conscience de l'importance du régime réglementaire qui est blâmé pour la stagnation des Territoires du Nord-Ouest en comparaison des autres territoires. Cette loi lui procurera maintenant un cadre environnemental concurrentiel. Je pense que nous pouvons compter sur l'énergie et la résilience des gens des Territoires du Nord-Ouest qui vont s'atteler à relever ce défi et prendre en charge leur propre développement, ce qui sera bénéfique pour nous tous, Canadiens.
Le sénateur Patterson : Merci, monsieur le ministre. J'aurais une question supplémentaire très précise.
On ne peut apporter de changements sans se heurter à une certaine résistance. Comme vous le savez, monsieur le ministre, des réserves ont été exprimées dans les Territoires du Nord-Ouest relativement à la création d'un office unique, comme c'est le cas chez nous au Nunavut, qui en remplacera plusieurs à l'échelle régionale. Je suis persuadé que notre comité sera saisi de préoccupations à cet effet dans le cadre de son étude du projet de loi, notamment en provenance des gouvernements autochtones de la vallée du Mackenzie.
Pourriez-vous nous parler des dispositions qui ont été prises pour assurer une représentation régionale dans le cadre du processus décisionnel, surtout pour ce qui est de la formation des comités prévus par la loi? Je crois que vous avez eu un rôle à jouer en la matière. Il y a eu des consultations, et je pense que le gouvernement a procédé à certains aménagements.
M. Valcourt : Merci de soulever la question, sénateur, car vous entendrez certes des intervenants remettre en question cette décision d'instaurer un office unique pour l'ensemble du territoire.
Je peux vous assurer que le tout respecte entièrement les ententes conclues avec ces groupes relativement aux revendications territoriales globales. J'ai en main l'accord avec les Tlichos. On peut ainsi constater au paragraphe 22.4.1 de cet accord, sous la rubrique Office des terres et des eaux pour une zone plus vaste, que cette possibilité a été envisagée lors des négociations menant à la conclusion des ententes sur les revendications territoriales. On peut donc y lire que si la législation établit un autre office des terres et des eaux ayant compétence dans une zone plus vaste englobant l'office élargi, cet office exerce les pouvoirs, et cetera.
Ce n'est donc pas quelque chose de nouveau. Il existe actuellement quatre offices des terres et des eaux pour la vallée du Mackenzie. Trois d'entre eux agissent à titre de comités régionaux pour l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie dans les zones visées par les revendications des Gwich'in, des Sahtu et des Wek'èezhìi. C'est l'Office de la vallée du Mackenzie qui est responsable des projets touchant plus d'une zone à la fois ainsi que celle où les revendications n'ont pas été réglées.
Le nouvel office restructuré continuera de prendre des décisions objectives et de solliciter la contribution des parties prenantes aux fins de son examen des demandes de permis d'utilisation des terres et des eaux présentées par les promoteurs, en tenant compte des intérêts régionaux en matière de développement et de protection de l'environnement.
Lors de nos consultations, nous avons entendu les représentants de ces offices s'interroger sur le maintien d'une telle protection. Le nouvel office restructuré n'aura pas de comités permanents. Pour répondre aux préoccupations soulevées, des modifications ont toutefois été apportées pour permettre au président d'établir des comités restreints chargés d'étudier les demandes soumises à l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie. Toujours dans la foulée des observations entendues lors des consultations, le projet de loi exige que le président nomme un représentant désigné par la région au sein du comité restreint lorsqu'il se penche sur une demande ne concernant que la région. Certains craignaient que leurs préoccupations ne soient pas entendues ou exprimées, malgré l'objectivité des membres de l'office qui ne représentent pas un parti, mais sont là pour s'acquitter de leurs responsabilités en effectuant une évaluation ou un examen objectif. Nous avons donc apporté cette modification pour dissiper ces craintes.
Le sénateur Sibbeston : Je remercie le ministre d'avoir souligné aussi aimablement le rôle que nous avons joué. Je ne sais pas trop comment je pourrais le critiquer après cela.
M. Valcourt : C'était le but visé.
Le sénateur Sibbeston : La relation entre le gouvernement fédéral et celui des Territoires du Nord-Ouest a évolué au fil des ans. Lorsque je suis entré en scène en 1970 à titre de jeune élu au sein de ce qui était alors le conseil territorial, on y retrouvait 10 représentants élus et 4 membres désignés par voie de nomination. Le gouvernement — la branche exécutive — était constitué du commissaire, du sous-commissaire et du commissaire adjoint. D'importants progrès ont donc été réalisés depuis par les gens du Nord qui peuvent désormais compter sur un gouvernement responsable.
Comme je le dis toujours, l'établissement d'un gouvernement responsable n'est pas une sinécure. Il ne suffit pas d'écrire de belles lettres et d'être gentil avec les fonctionnaires fédéraux. Il faut être vraiment déterminé et savoir mettre son poing sur la table au besoin.
Cette entente de transfert des responsabilités est la dernière étape dans la pleine émancipation des résidants du Nord. On leur confie la gestion de leurs terres et de leurs ressources. La volonté en ce sens du gouvernement fédéral est fort louable, mais je constate un certain paternalisme. C'est un peu comme un père qui donne une voiture à son fils en lui disant qu'il est désormais mature et responsable. Il peut toutefois en même temps garder le contrôle de la clé ou lui imposer certaines restrictions en lui disant qu'il ne peut pas conduire le soir ou faire monter des filles dans la voiture.
Je considère que c'est l'office restructuré en vertu de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie qui sera l'instance suprême qui supervisera le développement dans le Nord. C'est essentiellement cet office qui tranchera relativement à tous les projets de développement dans le Nord. Je constate que le gouvernement fédéral ne laisse pas aller tous les pouvoirs et conserve un certain contrôle de la situation. Il pourra nommer les membres de l'office et le ministre pourra imprimer une orientation politique.
L'initiative semble louable à bien des égards, car nous en sommes rendus au point où le Nord doit assumer le plein contrôle de ses ressources mais vous tenez, dans votre rôle de ministre, à conserver certains pouvoirs. C'est comme si vous ne croyiez pas les gens du Nord capables de prendre toutes les décisions. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est? Dites-moi que ce n'est pas vrai.
M. Valcourt : C'est exactement ce que je vais vous dire : ce n'est pas vrai.
D'abord et avant tout, permettez-moi de souligner que c'est une condition qui a été acceptée lorsque nous avons négocié l'entente de transfert des responsabilités avec les Territoires du Nord-Ouest. Comme vous pouvez le constater à l'article 3.17 de cette entente, si je ne m'abuse, le Canada a convenu de maintenir la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie au sein de la législation fédérale, car c'est un véhicule qui nous permettra de continuer à gérer les terres fédérales que nous allons conserver de même que les sites contaminés que nous voulons remettre en état. Il a toutefois été convenu que certains des pouvoirs prévus dans cette loi seront délégués. On indique par exemple à l'article 3.17 que nous allons déléguer les pouvoirs relatifs à l'approbation de la délivrance de permis d'utilisation des eaux, à la détention de garanties, au contrôle de l'utilisation appropriée des terres et des eaux, à la désignation d'inspecteurs, à la surveillance des effets cumulatifs de l'utilisation des terres et des eaux, et à la coordination des décisions d'évaluation environnementale prises en vertu de la loi.
Le transfert des responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest a été accepté. Mais à la demande du premier ministre McLeod, le gouvernement et moi avons convenu durant les consultations de transférer plus de responsabilités dans l'entente. Par exemple, j'ai accepté de déléguer le pouvoir d'imposer les sanctions administratives pécuniaires, dont les sanctions pour violation des certificats d'exploitation, et la prise de décisions ministérielles sur la prolongation des délais, mais pas sur la prolongation des délais accordée par le gouverneur en conseil pour l'exploitation des terres domaniales ou privées. J'ai accepté de transférer les responsabilités relatives aux inspections et aux certificats, à l'approbation des permis d'utilisation des eaux de type B, que vous connaissez, et aux études régionales. J'ai accepté de déléguer encore plus de responsabilités, et nous nous sommes engagés dans l'entente à examiner le tout dans cinq ans.
Je pense qu'au nom des contribuables et de tous les citoyens, le gouvernement du Canada doit servir l'intérêt du pays. Nous allons examiner tout le fonctionnement dans cinq ans, mais compte tenu du transfert de toutes ces responsabilités supplémentaires, vous conviendrez avec moi, sénateur, que les gens là-bas n'estimeront pas que nous agissons de façon paternaliste avec eux, bien au contraire.
Le sénateur Sibbeston : Merci.
Un des aspects uniques de ce projet des gouvernements du Canada et des Territoires du Nord-Ouest, c'est la participation et le rôle des gouvernements autochtones du Nord. Je pense que c'est un facteur important. En Alberta, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, les groupes autochtones ne joueraient jamais un rôle important dans un projet fédéral. Pouvez-vous dire ce que vous en pensez aux Canadiens et décrire l'importance des rôles que vont jouer les gouvernements et les communautés autochtones?
M. Valcourt : Tous les bénéficiaires sont bien sûr au cœur de ce projet, en vertu de plusieurs accords de revendications territoriales. Comme vous le savez, sénateur, nous poursuivons présentement les négociations sur deux autres parties du territoire avec quatre groupes. Nous espérons que le transfert de responsabilités nous aidera à conclure un accord sur ces terres.
Le respect total du principe de cogestion est essentiel à ce projet et se reflète dans tous les accords de revendications territoriales conclus avec les groupes autochtones concernés. Nous nous sommes assurés de respecter l'esprit et la lettre de ces accords dans l'élaboration du projet. Même s'il y aura un conseil pour tout le territoire, les diverses parties sont représentées de manière proportionnelle et vont continuer de participer à la cogestion. Par exemple, l'accord des Tlichos leur permet de nommer un représentant. Ce principe existe et est entièrement respecté.
Il est essentiel de prendre en compte l'étendue des terres et des ressources contrôlées par les parties autochtones, qui participent toutes à l'entente sur le transfert des responsabilités. Comme vous l'avez souligné, ce projet ne pourrait pas se réaliser dans les provinces, car elles possèdent toutes les terres. Dans le cas présent, les Autochtones sont des partenaires privilégiés du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et ils conservent leur intégrité en tant que peuple.
Le sénateur Sibbeston : Je signale également qu'un aspect fondamental de l'entente, c'est que le fédéral et le gouvernement des Territoires vont se partager les recettes et les redevances de l'exploitation des ressources dans le Nord. Le gouvernement fédéral va conserver 50 p. 100 des revenus et laisser le reste au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. C'est important de savoir qu'une partie des 50 p. 100 qui restent sera ensuite partagée avec les gouvernements autochtones.
M. Valcourt : En effet. Cela me fait plaisir de vous l'entendre dire.
J'ai témoigné la semaine dernière devant le Comité permanent des affaires autochtones de la Chambre des communes. Dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2013-2014, un paiement unique de 20 millions de dollars est versé au gouvernement, et 4 millions sont accordés aux parties autochtones; c'est du jamais vu. Nos partenaires autochtones des Territoires du Nord-Ouest vont recevoir 4,6 millions de dollars par année.
Comme l'a dit le sénateur, les Canadiens doivent comprendre que le contexte des Territoires du Nord-Ouest et de tout le Nord est très particulier. Le Nord représente très bien l'identité canadienne, compte tenu du mode de gouvernance et du rôle que jouent les parties autochtones.
Le sénateur Black : Je vous félicite de renforcer clairement notre pays, monsieur le ministre ainsi que votre équipe et mes collègues sénateurs. Je suis fier de ma participation modeste à ce travail important.
Si le vice-président le permet, j'ai quatre questions à vous poser.
Le vice-président : Nous avons 20 minutes avec le ministre, mais nous sommes impatients d'entendre vos quatre questions.
Le sénateur Black : Mes questions seront brèves, et je suis certain que les réponses du ministre le seront tout autant.
Vous avez indiqué que des terres fédérales seront conservées dans les Territoires du Nord-Ouest. Ce régime réglementaire va-t-il s'appliquer aussi aux projets qui pourraient se concrétiser sur les terres fédérales?
M. Valcourt : Oui.
Le sénateur Black : M. Neil McCrank, un ami que nous avons en commun, a réalisé un excellent travail et a recommandé dans son rapport de créer l'équivalent dans le Nord d'une organisation de gestion des grands projets à Ressources naturelles Canada. L'agence CanNor remplit-elle ce rôle?
M. Valcourt : Oui, dans une certaine mesure. Pour reprendre l'expression, CanNor est en perpétuel développement, en perpétuel devenir. Elle s'adapte aux besoins avec le temps et continue de jouer un rôle, mais les gens du Nord doivent savoir qu'il ne remplacera jamais les responsabilités transférées.
Le sénateur Black : Monsieur le ministre, le nouveau conseil lié à ce nouveau projet aura bien sûr besoin de ressources supplémentaires pour garantir un processus réglementaire opportun et efficient, les services de traduction, et cetera. Pouvez-vous nous assurer que les ressources nécessaires au fonctionnement efficient du conseil seront disponibles?
M. Valcourt : Oui. Comme convenu durant les négociations avec les Territoires du Nord-Ouest et comme le stipule la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, le fédéral paie les frais de tous les conseils. L'expérience montre jusqu'ici que nous fournirons les ressources nécessaires et payerons pour tous les conseils prévus par cette loi.
Le sénateur Black : Enfin, M. McCrank recommande dans son rapport de 2008 que le gouvernement précise son rôle et celui des autres acteurs pour répondre à l'exigence de consulter et d'accommoder les Autochtones.
Je viens de l'Alberta et participe activement depuis un certain temps à l'industrie de l'énergie. Les gens sont encore très préoccupés par la consultation autochtone. En réponse au rapport de M. McCrank et de manière plus générale, pouvez-vous me dire comment le gouvernement du Canada précise les rôles et renforce la confiance des investisseurs dans ce projet?
M. Valcourt : Les modifications proposées au régime réglementaire permettent de garantir la consultation prévue dans l'entente sur la revendication territoriale globale, mais aussi de veiller à ce que les promoteurs comprennent de mieux en mieux l'importance des consultations adéquates avec les groupes autochtones au début des projets. Nous espérons que le régime réglementaire plus efficient et plus efficace va clarifier et optimiser grandement le processus de consultation.
Nous apprenons et faisons des progrès. M. Eyford va produire un rapport aujourd'hui sur le mandat que lui a confié le premier ministre, concernant l'énergie sur la côte de la Colombie-Britannique. Nous allons examiner ses recommandations, car l'obligation de consulter s'applique partout au pays, pas seulement dans cette province. Les expériences et ces recommandations nous aideront à tenir des consultations adéquates et à offrir des accommodements, si possible.
Le sénateur Black : Dois-je comprendre que votre ministère et vous avez l'intention d'examiner les expériences réalisées et les recommandations du rapport que M. Eyford va déposer aujourd'hui pour peut-être donner des précisions aux entreprises canadiennes, concernant les exigences de consultation autochtone?
M. Valcourt : Je pense que les responsabilités transférées au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest vont jouer un rôle beaucoup plus important à l'avenir. Tous les projets qui relèvent de son champ de compétences devront faire l'objet de consultations. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest va probablement faire respecter cette obligation avec un soin jaloux.
Le premier ministre et moi avons convenu de continuer à collaborer, malgré le transfert de responsabilités. Nous tiendrons des réunions trimestrielles pour examiner les progrès accomplis. Nous ferons tout en notre pouvoir pour que le transfert des responsabilités profite aux gens des Territoires du Nord-Ouest et aux Canadiens.
Le sénateur Black : Merci et félicitations, monsieur le ministre.
La sénatrice Frum : Bienvenue et merci, monsieur le ministre. Félicitations de tout le travail ardu que vous avez abattu pour élaborer ce projet de loi.
Vous avez dit que l'Accord de transfert au Yukon d'attributions a maintenant 10 ans. Cet accord comporte-t-il des différences majeures par rapport à la présente entente? Pouvez-vous commenter ces différences?
M. Valcourt : C'est une question difficile. Je dirais qu'en général, cette entente ressemble beaucoup à l'accord du Yukon. S'il y a des particularités, elles concernent le modèle de gouvernance des Territoires du Nord-Ouest. Je demanderais à Wayne d'apporter des précisions, si nécessaire.
[Traduction]
Wayne Walsh, directeur, Négociation et dévolution Territoires du Nord-Ouest : Oui, le ministre a raison. Le cadre est principalement le même. Les particularités de chaque entente s'expliquent par les différences qui existent entre les deux territoires. La principale différence, c'est que, contrairement à l'accord avec le Yukon, l'entente avec les Territoires du Nord-Ouest ne porte pas sur la foresterie, car les responsabilités ont déjà été transférées. Concernant le pétrole et le gaz, les responsabilités sont transférées aux Territoires du Nord-Ouest, tandis qu'elles l'avaient déjà été avant l'accord avec le Yukon.
En raison de la géographie, les ressources extracôtières chevauchantes sont sans commune mesure. Les ressources terrestres et maritimes des Territoires du Nord-Ouest constituent une particularité de l'entente sur le transfert des responsabilités.
Enfin, les approches de décontamination des décharges sont différentes de celles du Yukon pour deux raisons. Nous avons tiré des leçons de nos expériences, et le régime réglementaire n'est pas le même, en raison des revendications territoriales différentes dans les Territoires du Nord-Ouest. En somme, ce sont les principales différences, mais je ne pense pas qu'elles donnent des résultats différents dans la pratique.
Senator Frum : Est-ce que d'autres mesures liées au transfert des responsabilités seront prises après l'entrée en vigueur de l'entente?
M. Valcourt : Nous allons examiner la mise en œuvre de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et les progrès réalisés dans cinq ans. Je dirais que c'est la prochaine étape.
Il faudra bien sûr appliquer les parties et articles divers du projet de loi et garantir leur interaction cohérente. En fait, la mise en œuvre est la prochaine étape, qui se terminera avec l'examen dans cinq ans.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Comme le vice-président du comité, je souligne que les représentants de votre ministère et du ministère de la Justice nous ont donné d'excellentes informations, l'autre soir. Je remercie les représentants de votre ministère de cette séance très utile.
Nous sommes privilégiés d'étudier ce projet de loi qui va changer le pays. Je tiens aussi à vous féliciter de tous les efforts consacrés pour que l'entente sur le transfert des responsabilités soit un succès cette fois-ci.
Dans la même veine que la dernière question de la sénatrice Frum, j'aimerais savoir qui participe aux dernières étapes de la mise en œuvre et comment nous allons nous y prendre. Quelles sont les dernières mesures qu'exige le transfert des responsabilités, et quels obstacles devrez-vous surmonter pour la mise en œuvre d'ici le 1er avril, qui est la date butoir?
M. Valcourt : Je profite de l'occasion pour féliciter les responsables qui vous ont fourni des informations sur le projet de loi, car les premiers ministres McLeod et Harper nous ont joué un tour et ont devancé le processus, qui devait s'amorcer en 2015. Depuis que les premiers ministres ont convenu d'accélérer la mise en œuvre, nos employés travaillent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Nous devons tous féliciter les responsables territoriaux et fédéraux de l'excellent travail qu'ils ont accompli.
D'ici le 1er avril, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a beaucoup de pain sur la planche. Il doit passer par tout le processus visant à adapter certaines lois pour qu'elles correspondent aux modifications du projet. Son entrée en vigueur exigera la mise à jour des modifications qui concernent, par exemple, le conseil. Nos partenaires autochtones devront aussi appliquer des modifications en conséquence. Si le projet est adopté comme nous l'espérons, tous les intervenants seront mis à contribution pour mettre en œuvre les dispositions de la loi.
Ce sera une période occupée, à partir de maintenant jusqu'au 1er avril 2014, puis par la suite avec la mise en œuvre des changements.
La sénatrice Seidman : Je vais peut-être renvoyer la question au premier ministre plus tard.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je partage les mêmes sentiments, c'est-à-dire que c'est un privilège d'être impliqué dans le processus d'adoption de ce projet de loi. Je dois aussi mentionner que nous sommes très privilégiés parce que notre comité compte parmi ses membres au moins deux sénateurs qui connaissent très bien le sujet.
Nous en sommes au début de l'étude, notre compréhension va donc s'approfondir avec le temps. Le principe de départ, c'est la décentralisation afin de donner des responsabilités aux gens qui connaissent mieux les détails de leurs territoires. C'est un concept méritoire et souvent avantageux pour l'administration. Cependant, comme nous l'avons appris de d'autres instances de décentralisation, si les responsabilités ne sont pas bien réparties, si ce n'est pas bien fait, c'est souvent néfaste et cela n'atteint pas les objectifs visés.
Pouvez-vous nous dire quels sont les deux ou trois éléments très importants dont il faut tenir compte pour avoir une excellente mise en œuvre, afin qu'on puisse dire, dans 5 ou 10 ans, que c'était une bonne décision et que tout le monde était gagnant?
M. Valcourt : Je n'ai pas de conseil à donner, bien sûr. Vous parlez de la mise en œuvre, il s'agit plutôt d'un transfert de responsabilités. Donc si j'étais à votre place, je voudrais m'assurer de bien comprendre l'entente sur le transfert. L'objectif du projet de loi est de mettre en place, à travers un cadre législatif, l'entente sur le transfert qui a été conclue et signée en juin par le premier ministre et moi-même.
Comme les sénateurs Sibbeston et Patterson le disaient, c'est un exercice qui s'est étalé sur près de 40 ans. L'entente sur le transfert a été conclue suite à des sessions de négociations, d'études et d'analyses monstres. Elle est vraiment au cœur de ce projet de loi. On veut donc s'assurer que les provisions de l'entente sont bien reflétées dans le projet de loi.
L'autre aspect important, c'est le transfert des responsabilités en matière de ressources naturelles et des eaux intérieures. On vise le développement économique. Cette région regorge de ressources naturelles, que ce soit le gaz, l'huile ou les minerais. La question est de savoir si les Territoires du Nord-Ouest auront un régime réglementaire compétitif tout en respectant nos obligations en vertu des ententes globales. Est-ce que l'investisseur va regarder les Territoires du Nord-Ouest et dire : « Non, je suis mieux d'aller investir au Yukon, au Nunavut ou en Alberta parce que les régimes sont plus efficients? Est-ce que ce régime répond aux attentes des investisseurs qui veulent un régime qui respecte l'environnement, mais qui assure aussi le développement? » Ce sont les principales questions.
Le sénateur Massicotte : Votre point est qu'il faut que la loi englobe l'entente comme telle. Quand on parle de l'entente, quels ont été les deux points les plus importants qui ont été les plus difficiles à négocier entre les parties?
M. Valcourt : Je n'étais pas à la table de négociations, mais si j'avais à deviner, je dirais sans doute que cela portait sur la délégation des pouvoirs en vertu de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Également, je suis certain, sans que personne ne me l'ait dit, qu'il y a aussi la question des transferts en argent, de même qu'en ressources humaines. À ce chapitre, je veux rassurer les sénateurs. Il y a au-dessus de 130 employés dans l'appareil fédéral, puis ces gens changent d'employeur. Donc, il était important, sur le plan de la gestion de nos ressources humaines, que ces gens acceptent le changement. Ils deviennent des employés des Territoires du Nord-Ouest. Ils ont reçu des offres et cela s'est fait avec succès. Selon ce que je comprends — le premier ministre pourra vous le dire tout à l'heure —, la très grande majorité ont accepté d'occuper ces fonctions pour le compte du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, ce qui assure la mémoire corporative d'abord, et c'est important.
[Traduction]
Le sénateur Massicotte : Monsieur Walsh, êtes-vous aussi de cet avis? Vous vouliez ajouter quelque chose, je crois.
M. Walsh : Je suis d'accord avec le ministre. La question des ressources humaines a posé plusieurs problèmes parce que nous avons deux systèmes différents, et je crois que les deux gouvernements voulaient s'assurer qu'on respecte pleinement les employés.
Le sénateur Massicotte : C'est ce qui a été le plus difficile?
M. Walsh : Cela a été difficile parce que nos deux systèmes sont simples, mais c'était complexe de comparer les différents régimes de rémunération et d'avantages sociaux. Ce fut un défi sur le plan technique, mais pas nécessairement sur le plan des négociations.
L'autre point qui a été difficile à régler est la façon dont allaient être gérés les sites d'enfouissement. Le principe de base sur lequel nous nous sommes entendus assez rapidement était que le Canada allait conserver la responsabilité des mesures correctives liées aux sites d'enfouissement sous supervision fédérale, mais nous aurions pu adopter différents modèles et mécanismes pour ce faire. C'était davantage une question de nature technique.
Par exemple, il y a la définition simple de ce qui constitue un site d'enfouissement et qui détermine dans quelle mesure nous allons remédier à la surveillance, et à quel moment il convient de transférer les sites d'enfouissement décontaminés au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest; ce sont toutes des considérations très techniques, et nous avons étudié différentes solutions avant de prendre une décision.
Je dis que cela a été difficile parce qu'il y avait des répercussions sur d'autres volets de l'entente, mais cela a pu se régler assez rapidement. Je dirais cependant que ce fut les deux plus grands défis que nous ayons eu à relever.
Le vice-président : Nous abusons de l'évidente générosité du ministre, alors ce sera la dernière question. Sénatrice Ringuette, je vous prierais d'être brève et d'aller droit au but. Merci.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Merci, monsieur le ministre, d'être ici. Dans votre présentation, vous avez dit « ce qui complète le processus fédéral de transfert des responsabilités ». Donc, il y a un transfert des responsabilités qui devient plafonné à un système de cogestion sur le plan des responsabilités. Cela m'inquiète lorsqu'on dit que cela « complète le processus ».
Ma deuxième question porte sur le fait que le gouvernement fédéral a annoncé la vente de propriétés de la Couronne à des entités privées, pas à des entités gouvernementales. Est-ce que l'entente que nous avons devant nous prévoit un protocole selon lequel le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest pourra être le premier acquéreur si le gouvernement fédéral décide de se défaire de certaines propriétés de la Couronne?
M. Valcourt : Concernant votre première question, lorsqu'on parle de cogestion, il ne faut pas se méprendre. En vertu des ententes globales qui sont conclues entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et, par exemple, les Tlicho, il y a un régime de cogestion en ce qui a trait à l'environnement et à la gestion des ressources. C'est le régime de cogestion dont je parle. Il n'y aura pas de cogestion des terres et des ressources sur les Territoires du Nord-Ouest avec le gouvernement fédéral et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. La cogestion va s'exécuter aux endroits où on a des règlements, selon ce qui avait été prévu. Donc, il n'y a pas de cogestion fédérale avec les Territoires du Nord-Ouest.
La deuxième question est vraiment technique. Les terres fédérales qui vont, pour la plupart, demeurer sous la responsabilité du gouvernement fédéral, ce sont des parcs nationaux, mais je pense que c'est une question technique. Est-ce qu'il y a un droit de premier refus? C'est ce qu'on nous demande dans le cas où on voudrait se départir d'un capital fédéral dans le territoire.
[Traduction]
M. Walsh : L'entente porte sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, mais elle prévoit aussi le transfert de tout ce qui est nécessaire à l'exercice de ces responsabilités. Nous avons parlé des ressources humaines tout à l'heure. L'entente prévoit également le transfert des biens, soit les immeubles, les camions, les entrepôts, bref, tous les biens requis pour assumer ces fonctions et que nous avons actuellement en inventaire. Cela comprend les outils de TI, les dossiers... tout. C'est en grande partie à cela que nous allons nous consacrer d'ici le 1er avril.
L'entente est muette à propos de ce qui va suivre le transfert des responsabilités ou le 1er avril. Donc, si dans un an ou dans cinq ans le gouvernement du Canada ou le ministère des Affaires autochtones décide qu'il n'a plus besoin d'un certain bien, il va s'en défaire conformément aux lignes directrices actuelles du Conseil du Trésor.
Le vice-président : Merci beaucoup.
Le temps est écoulé. Vous avez été très généreux de votre temps. Monsieur le ministre, merci à vous et à vos représentants pour cette excellente séance d'information. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Je le répète, nous avons pris un peu de retard. Je vais être légèrement moins indulgent envers mes collègues cette fois- ci, simplement pour que nous puissions reprendre le rythme. Nous ne voulons pas abuser du temps que nous accorde le premier ministre.
Là-dessus, je vous souhaite la bienvenue à la deuxième partie de cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-15. Nous venons tout juste de terminer un échange fort intéressant avec le ministre et ses représentants. J'ai maintenant le grand plaisir d'accueillir l'honorable Bob McLeod, premier ministre des Territoires du Nord-Ouest.
Bienvenue, monsieur McLeod. Nous sommes très heureux de vous recevoir en cette occasion porteuse d'espoir. Vous devez être très fier d'avoir participé si activement à l'édification d'une nation, comme nos collègues l'ont indiqué. C'est sans doute implicite pour vous. Il s'agit d'un moment historique et c'est un grand honneur pour nous de partager ce moment avec vous et votre beau territoire.
Vous êtes également accompagné de deux de vos collègues : Michael Miltenberger, ministre de l'Environnement et des Ressources naturelles; et Shaleen Woodword, sous-ministre adjointe, mise en œuvre de la dévolution.
Merci encore une fois de votre présence. Si vous avez une déclaration préliminaire à faire, nous serons heureux de l'entendre. Nous passerons ensuite aux questions.
L'honorable Bob McLeod, premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, gouvernement des Territoires du Nord- Ouest : Merci, monsieur le président. Je tiens également à remercier deux sénateurs qui ont contribué à concrétiser ce projet : les sénateurs Patterson et Sibbeston.
Honorables sénateurs, merci de m'avoir invité à témoigner devant le Comité sénatorial de l'énergie. C'est un plaisir pour moi d'être ici afin de discuter du projet de loi C-15, la Loi sur le transfert des responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest. Le transfert des responsabilités liées aux terres publiques, aux ressources et aux eaux est une priorité pour l'Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest depuis de nombreuses années. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest travaille de près avec le gouvernement du Canada dans la négociation du transfert de ces importantes responsabilités et l'élaboration de plans de mise en œuvre pour que la transition se fasse en douceur le 1er avril 2014.
Le transfert des responsabilités promet de nous propulser dans une ère nouvelle de prospérité et de possibilités pour la population des Territoires du Nord-Ouest. Soutenu par un régime réglementaire efficace et intégré, le transfert des responsabilités donnera à la population du Nord les outils et les pouvoirs nécessaires pour développer de façon responsable le riche potentiel du territoire en fait de ressources naturelles, promouvoir les investissements et le développement économique, et gérer les terres et l'environnement de manière durable.
Le transfert des responsabilités sera le point culminant d'une évolution politique qui a commencé par la création du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, en 1967. Pour la première fois de l'histoire, la population des Territoires du Nord-Ouest bénéficiera des mêmes droits à l'autodétermination et au contrôle des affaires territoriales qui sont conférés à leurs compatriotes canadiens des provinces et du Yukon. Le transfert des responsabilités viendra concrétiser la promesse faite il y a 46 ans, et ce, grâce à l'amélioration continue d'une assemblée législative entièrement élue et représentative de la population, et qui a su assumer sans réserve les responsabilités que le Canada lui a confiées.
À l'approche de sa 50e année d'existence, notre gouvernement a la ferme intention de s'affirmer comme membre à part entière de la Confédération, défendant le point de vue et les priorités uniques du peuple autochtone, qui représente près de 50 p. 100 de notre population et qui participe activement à la vie politique, sociale et économique du territoire.
Les Territoires du Nord-Ouest comptent sept gouvernements régionaux autochtones, et nous sommes fiers d'entretenir des liens officiels de gouvernement à gouvernement avec eux. Nous travaillons de concert avec nos partenaires des gouvernements autochtones pour tous les processus décisionnels gouvernementaux. Le consensus fait partie intégrante de notre façon de gouverner, mais aussi de notre culture.
Lorsque nous avons conclu l'entente sur le transfert des responsabilités avec le ministre Valcourt en juin dernier, cinq des sept gouvernements autochtones se sont joints au nôtre comme cosignataires, et nous continuons à travailler avec les deux autres. C'est ainsi que nous fonctionnons. C'est toujours grâce à des partenariats continus, solides et respectueux avec les gouvernements autochtones que nous arrivons à créer des collectivités fortes, à établir une confiance et un respect mutuels et à obtenir la bonne volonté nécessaire à l'établissement d'une société territoriale durable.
Le transfert des responsabilités nous permettra de consolider davantage ces partenariats. Nous établissons un conseil intergouvernemental qui réunira les gouvernements public et autochtones afin d'assurer une plus grande collaboration, ainsi qu'une meilleure coordination des décisions concernant l'utilisation des terres et le développement à l'échelle du territoire.
Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a également offert de partager avec les gouvernements autochtones jusqu'à 25 p. 100 des revenus tirés de l'exploitation des ressources à la suite du transfert des responsabilités. C'est du jamais vu au Canada, mais cela témoigne bien de notre engagement à veiller à ce que l'ensemble de la population des Territoires du Nord-Ouest profite des avantages du développement à l'échelle du territoire. Nous croyons que les Territoires du Nord-Ouest peuvent servir d'exemple au Canada, car la population autochtone soutient activement le développement des ressources par sa participation clé à la prise de décisions, en plus de recevoir sa juste part des retombées positives.
En 1904, le premier ministre Wilfrid Laurier a dit que le XXe siècle serait celui du Canada, une phrase désormais célèbre. Pourquoi a-t-il dit cela? Parce que le Canada avait tout ce qu'un jeune pays pouvait désirer : croissance démographique, développement industriel accru et immigration, en vue d'intensifier l'agriculture dans les Prairies et de consolider la souveraineté du Canada. On construisait des chemins de fer dans le cadre de l'un des premiers mégaprojets unificateurs à voir le jour au pays. Le Canada semblait être à l'abri des conflits et des tensions qui faisaient rage en Europe et en Extrême-Orient. C'était un pays en plein essor.
Aujourd'hui, il ne fait aucun doute pour moi que le XXIe siècle appartient au Nord. De plus en plus, le Nord est au centre du développement des ressources, une mine de richesses que le monde réclame et dont il a besoin. Autrefois « arrière-pays », le Nord est devenu le moteur économique et le carburant de la prospérité de notre pays. Les redevances perçues grâce aux activités d'extraction minière et pétrolière paient les garderies, les hôpitaux et les écoles dans le sud. Elles permettent de maintenir l'emploi et de favoriser la prospérité partout au Canada, car les travailleurs, de plus en plus mobiles, se trouvent des emplois bien rémunérés dans les collectivités du Nord.
À ce que je me souvienne, jamais un tel potentiel et un tel avenir de prospérité ne s'est présenté à la population de notre territoire. Nous sommes les intendants d'une grande étendue de la masse terrestre du Canada. Nous sommes aux premières lignes des changements climatiques; nous en constatons les effets avant les scientifiques, les satellites et les statisticiens. Nous sommes aussi les gardiens du savoir traditionnel, des connaissances transmises de siècle en siècle à des gens qui savent et qui comprennent comment gérer une société et une économie de manière durable et dans le respect de chacun. Nous allons assurer un développement équilibré des ressources afin de créer de l'emploi et de protéger l'environnement.
Le transfert des responsabilités liées à la gestion des terres et des ressources conférera aux gens du Nord de nouveaux pouvoirs qui leur permettront de diriger l'économie du territoire et de veiller à ce que ses résidants puissent tirer profit du développement. Nous aurons de nouveaux pouvoirs pour gérer les terres et l'environnement selon les besoins et les priorités de la population du Nord.
Le transfert des responsabilités signifie également l'accès à de nouveaux revenus et à de nouvelles mesures d'autonomie fiscale dont le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest peut se servir pour investir dans la population de son territoire, l'économie et l'environnement.
À n'en pas douter, c'est une entente décisive pour les Territoires du Nord-Ouest. Le transfert des responsabilités est la clé d'une nouvelle ère de prospérité.
Nous aspirons à un avenir où les priorités du Nord sont prises en compte dans les décisions concernant le développement des ressources et la gestion environnementale. Nous connaissons nos terres. Nous savons ce qui est important pour nous. Nous avons tout intérêt à assurer la viabilité à long terme de notre territoire. Notre système intégré de cogestion nous permettra de protéger le bien-être économique, social et culturel de notre population.
Le projet de loi C-15 constitue un jalon important pour les Territoires du Nord-Ouest, mais ce n'est qu'un début. Il y a encore beaucoup de chemin à faire, et nous attendons impatiemment l'examen quinquennal, sur lequel nous nous sommes entendus, ainsi que le transfert plus complet des pouvoirs aux Territoires du Nord-Ouest.
Nous devrons également continuer d'améliorer la réglementation. Notre gouvernement a toujours appuyé un cadre réglementaire efficient et efficace qui favorise l'investissement, protège l'environnement, respecte les revendications territoriales et permet aux communautés et aux régions d'être entendues.
Nous savons tous que cet aspect du projet de loi suscite des préoccupations. Cependant, nous sommes confiants qu'en travaillant avec nos partenaires des gouvernements autochtones, dans le cadre de tribunes comme le conseil intergouvernemental que nous sommes en train d'établir et notre partenariat continu avec le Canada, nous pouvons dissiper les préoccupations et mettre en place un système qui stimule la prospérité et défend les intérêts publics.
L'heure est venue d'agir. Il est temps que les Ténois prennent leurs propres décisions concernant notre économie, notre environnement et notre société. Le transfert des responsabilités est essentiel au bien-être et à la prospérité à long terme des Ténois et des Canadiens, et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest appuie l'adoption rapide de ce projet de loi.
Monsieur le président, nous répondrons volontiers aux questions du comité.
Le vice-président : Je vous remercie, monsieur le premier ministre, pour vos propos très inspirants, à la mesure de l'importance du dossier à l'étude.
Je tiens à préciser que M. Miltenberger est également ministre des Finances des Territoires du Nord-Ouest.
Je vais me montrer un peu plus rigoureux à l'endroit de mes collègues et leur demander de se limiter à deux questions chacun pour la première série de questions. S'il nous reste du temps, je serai heureux d'entreprendre une deuxième série de questions.
Nous sommes très privilégiés d'avoir deux anciens chefs de gouvernement, maintenant un troisième, parmi nous aujourd'hui, et je vais céder la parole au sénateur Sibbeston.
Le sénateur Sibbeston : Merci.
Monsieur le premier ministre, vous avez dit, dans votre déclaration, que nous connaissons nos terres, nos habitants et notre situation. J'ai toujours eu l'impression que nous pouvions accomplir de plus grandes choses dans le Nord que le gouvernement fédéral. Par exemple, en disposant du même budget, le gouvernement fédéral construirait une maison, alors que nous pourrions en construire trois, et ainsi de suite.
J'estime que le transfert des responsabilités est une décision sensée et responsable. Le gouvernement fédéral a toujours considéré les gens du Nord comme une colonie. À l'instar de l'Empire britannique qui percevait le Canada comme une colonie avant 1867, le gouvernement fédéral semble en faire autant avec les régions éloignées des Territoires du Nord-Ouest. Il s'est toujours montré paternaliste à notre égard.
J'aimerais que le premier ministre nous parle de l'état de la société ténoise. Quand j'ai fait mon entrée en politique en 1970, je me souviens que nous avions 10 représentants élus et 4 représentants nommés ainsi que le commissaire, qui était l'exécutif. On s'est toujours fait dire que le gouvernement fédéral agissait ainsi parce que nous, les gens du Nord, n'étions pas suffisamment instruits pour faire quoi que ce soit. Nous sommes si peu capables d'accomplir des choses que le gouvernement doit nommer des personnes pour venir nous aider.
Les choses ont bien changé depuis les années 1970. Nous avons un gouvernement responsable qui fonctionne par consensus, ce qui est un peu mieux que le système des partis politiques qu'on retrouve ailleurs au pays. À cet égard, nous avons une longueur d'avance.
Que pourriez-vous nous dire au sujet de l'état actuel de la société ténoise? Faites comprendre aux Canadiens que le transfert des responsabilités est une bonne décision et que les gens du Nord peuvent gérer leurs propres ressources de manière responsable.
M. McLeod : Merci, sénateur. Je conviens que nous avons fait beaucoup de chemin et que nos gouvernements autochtones sont les plus importants propriétaires fonciers des Territoires du Nord-Ouest. La culture et les gens ont évolué, n'empêche qu'il s'agit d'une population qui dépend encore largement de la terre.
Dans les années 1970, je me souviens d'avoir parlé à des amis qui sont partis ailleurs parce qu'ils envisageaient un avenir meilleur. Quand le pipeline de la vallée du Mackenzie a été construit, les gouvernements autochtones et les conseils de bande n'avaient même pas d'endroit où conserver leurs documents et leurs dossiers. Maintenant, les communautés et les gouvernements autochtones ont évolué au point où ils peuvent interagir avec des multinationales. Des sociétés multinationales viennent dans les Territoires du Nord-Ouest pour exploiter des mines de diamants et toute autre forme d'entreprise. La majorité des entreprises des Territoires du Nord-Ouest sont détenues et exploitées par des sociétés autochtones, peu importe le domaine — que ce soit des compagnies aériennes, des hôtels, des entreprises de camionnage et de construction. Il n'y a rien qui nous fait peur. Notre population est capable de se débrouiller, et nous en bénéficions. C'est d'ailleurs pourquoi nous misons sur le développement; nous pouvons profiter des retombées.
Nous continuons de sensibiliser les gens à l'importance de l'éducation. Nous avons travaillé avec tous les gouvernements autochtones et les citoyens des Territoires du Nord-Ouest à ce chapitre. Nous continuons dans ce sens. Par rapport à il y a 10 ans, où peut-être seulement 100 Autochtones poursuivaient des études postsecondaires, on en compte maintenant entre 1 500 et 2 000. Cela fait partie de l'évolution des Territoires du Nord-Ouest. Nous estimons qu'avec ces pouvoirs, nous serons en mesure de contrôler le rythme du développement, de façon à maximiser les retombées pour toute la population.
Cela se traduit également par la pratique continue d'un mode de vie. Par exemple, l'an dernier, les trappeurs ont gagné plus d'argent que jamais dans toute l'histoire du piégeage des Territoires du Nord-Ouest. Il est donc très important de préserver cet aspect de notre mode de vie traditionnel.
Le sénateur Sibbeston : Monsieur le président, je tiens à féliciter le premier ministre pour le rôle qu'il a joué dans tout ce processus. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest négocie non seulement avec le gouvernement fédéral, mais aussi avec les gouvernements territoriaux. Dans le Nord, divers groupes autochtones ont présenté des revendications territoriales depuis les années 1980. D'énormes progrès ont été réalisés; les peuples autochtones ont utilisé les fonds, les terres et les ressources à leur disposition pour se tenir debout et prendre leur place dans tous les aspects de la société nordique. Le premier ministre a non seulement l'appui de ses collègues, mais aussi de cinq gouvernements autochtones jusqu'à présent. Il en reste deux. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Comment comptez-vous mettre ces deux groupes de votre côté afin qu'ils appuient cette entente?
M. McLeod : Je dois attribuer le mérite à notre gouvernement. Lorsque nous avons été élus en tant que 17e assemblée législative, avant même d'avoir un premier ministre ou un Cabinet, le caucus voulait rencontrer tous les gouvernements autochtones, ce que nous avons fait. Nous estimions qu'il était très important pour notre gouvernement d'établir de meilleures relations avec les gouvernements autochtones. Nous avons adopté une stratégie d'engagement autochtone fondée sur le respect, la reconnaissance et la responsabilité.
Quand nous avons été élus, deux gouvernements autochtones étaient en faveur du transfert des responsabilités. Mes collègues et moi avons rencontré les représentants des gouvernements autochtones à maintes reprises. J'ai moi-même eu quelque 160 rencontres avec eux. Après un certain temps, nous sommes passés de deux à cinq gouvernements. Nous poursuivons nos discussions avec les deux gouvernements autochtones qui n'ont pas encore signé. Les Premières Nations Dehcho étaient sur le point de le faire. Nous avons établi un petit groupe de travail, composé de hauts fonctionnaires, afin de discuter, sous toutes réserves, d'une façon de régler certaines questions territoriales complexes. Nous avons réalisé de grands progrès et nous sommes très près d'obtenir une signature. Le grand chef a indiqué qu'elles devraient signer d'ici un mois.
La Première Nation Tlicho veut établir un processus semblable. Nous rencontrerons les représentants au cours du prochain mois pour discuter de cette possibilité. Ils sont très intéressés à signer une entente également.
Il est important pour nous que tous les gouvernements autochtones signent l'entente sur le transfert des responsabilités. Quand nous en serons là, nous pourrons accomplir de grandes choses. Lors de mes rencontres avec les représentants des gouvernements autochtones, je dis toujours à quel point il serait formidable d'aller ensemble à Ottawa pour régler ces litiges en suspens. Je devrai changer mon discours et dire qu'ils pourront désormais venir ensemble à Yellowknife pour trouver une solution aux problèmes qui perdurent.
Le sénateur Patterson : Je tiens à féliciter le premier ministre McLeod. Vous êtes celui qui a réussi, grâce à l'appui de son cabinet, là où d'autres ont échoué. C'est donc un moment historique pour nous, les gens du Nord.
Par ailleurs, j'aimerais que vous traitiez de certaines inquiétudes que le comité pourrait avoir. Tout d'abord, et je vais peut-être exagérer, on craint que tous les pouvoirs et toute l'influence se retrouvent à Yellowknife, et qu'il ne reste plus rien pour les régions et les petites communautés. Des préoccupations de cette nature pourraient être exprimées au comité.
Pourriez-vous nous décrire ce que vous avez fait, dans le cadre de cet accord, pour répondre à ces préoccupations? Comment votre gouvernement s'y prend-il pour s'assurer que cet accord aura aussi une incidence positive sur les régions et les petites communautés et non pas uniquement sur Yellowknife?
M. McLeod : Je suppose qu'en engageant les gouvernements autochtones très tôt dans le processus de transfert, nous avons appris que pour obtenir leur appui, il fallait leur démontrer que les régions et les communautés pourraient également bénéficier de ces postes et de ces ressources. Nous avons entrepris ce que nous appelons une approche de décentralisation en trois étapes. La première étape consistait à cerner les programmes et les services existants que nous avons décentralisés vers les régions et les communautés.
La deuxième étape faisait partie du processus de transfert des responsabilités dans lequel nous avons reconnu qu'au moins 300 emplois du gouvernement du Canada seraient transférés au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Chose certaine, les gouvernements autochtones s'attendaient à ce qu'une grande part de ces emplois revienne aux communautés en dehors de Yellowknife. Nous avons évalué que 90 emplois seraient créés à l'extérieur de Yellowknife.
Le 1er avril, lorsque cet accord sera mis en œuvre — c'est-à-dire à la date du transfert —, nous amorcerons la troisième étape de la décentralisation où nous déterminerons les postes, les programmes et les services qui seront décentralisés.
Par le passé, chaque fois qu'on parlait de décentralisation, on disait que c'était impossible car les communautés n'avaient pas les maisons, ni l'espace de bureau. En travaillant avec le ministre des Finances, nous avons trouvé une source de financement qui nous permettra de construire jusqu'à 100 maisons au cours des trois prochaines années dans diverses communautés. Nous déterminerons les programmes et les services qui seront décentralisés et nous fournirons des locaux à ces communautés. Nous aurons donc un plan pour déplacer ces postes.
De plus, dans le cadre de l'entente de transfert des responsabilités, nous nous sommes engagés à ne pas déplacer, pendant deux ans, les postes des employés fédéraux qui étaient déjà dans le Nord.
Nous avons donc un plan de décentralisation. Le ministre des Finances dirige la décentralisation, et nous avons été en mesure de maintenir... même si certains de nos gouvernements autochtones croient que nous aurions dû envoyer davantage de postes dans les régions, nous devons reconnaître qu'il faut effectuer le transfert des responsabilités et ensuite évoluer.
Le sénateur Patterson : J'ai une très brève question à cet égard, monsieur le président.
Évidemment, le système en place doit continuer de fonctionner sans interruption, et je crois que les ressources humaines sont essentielles. Je crois que vous avez offert des emplois aux employés fédéraux. Pourriez-vous nous dire comment cela s'est déroulé? Je pense que la date limite pour répondre était tout récemment, et c'est pourquoi le projet de loi doit progresser vers le 1er avril. Comment les choses se sont-elles déroulées? Quel a été le taux d'acceptation parmi les employés fédéraux? Pouvez-vous nous en parler?
M. McLeod : Merci d'avoir posé la question. Nous avons pris un engagement envers le gouvernement du Canada lorsque nous lui avons demandé d'accélérer le transfert des responsabilités de 2015 à 2014. Nous nous sommes engagés à effectuer un transfert harmonieux.
Pour y arriver, nous avons passé beaucoup de temps à apprendre de l'expérience du territoire du Yukon et de ses réussites ou de ses échecs. L'une des choses mentionnées, c'est qu'il est extrêmement important de communiquer avec les employés fédéraux qui seront transférés. Manifestement, nous voulions que de nombreux employés fédéraux — ou tous — affectés au transfert des responsabilités soient transférés, car nous avons besoin de leur expérience et de leur expertise pour exécuter ces programmes. Nous avons aussi reconnu qu'ils ne se déplaceraient pas tous, et que nous devions être en mesure d'organiser un concours si c'était le cas.
Nous avons offert des emplois à tous les employés fédéraux touchés. Ils avaient jusqu'au 2 décembre pour nous dire s'ils acceptaient de travailler pour notre gouvernement. Je suis très heureux de vous annoncer que presque 100 p. 100 des offres d'emploi ont été acceptées par les employés fédéraux visés par un transfert. Je crois qu'on a seulement fait deux offres aux conjoints réinstallés qui étaient en Ontario et qui n'ont pas accepté l'offre d'emploi.
Nous ne nous attendions pas à ce taux d'acceptation, et nous sommes donc très heureux que presque 100 p. 100 des employés fédéraux aient accepté de travailler pour le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.
La sénatrice Frum : Monsieur le premier ministre, j'aimerais aussi vous féliciter de votre leadership.
Dans votre exposé, vous avez mentionné qu'à la fin de la période d'examen quinquennal, vous aimeriez qu'on procède à un transfert complet des responsabilités. Pourriez-vous expliquer brièvement à quelles responsabilités vous faites référence?
M. McLeod : Je parlais surtout de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Le gouvernement fédéral continuera de financer cette loi. Il prendra certaines des décisions. Il va aussi nous déléguer des pouvoirs. Nous voulons que toutes ces responsabilités soient transférées au gouvernement des Territoires du Nord-Ouest — la responsabilité de faire des nominations au conseil, la responsabilité d'établir les orientations et d'élaborer des politiques, et cetera.
Manifestement, il y a encore d'autres choses que nous aimerions examiner, comme les sites de gestion des déchets. Le gouvernement fédéral, même dans cinq ans, devrait toujours être responsable du nettoyage des sites de déchets qui ont été établis sous sa gouverne.
Ce sont les choses qui, selon nous, seraient transférées après l'examen dans cinq ans. Pour nous, il semble que le dossier est toujours en suspens.
La sénatrice Frum : Il est clair que les offices des terres et des eaux sont partie intégrante de votre structure de gouvernance et ils seront maintenant combinés. Étant donné que je suis sénatrice pour le centre de Toronto, pourriez- vous m'expliquer les fonctions de ces offices?
M. McLeod : La Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie prévoit deux offices. Le premier est l'Office d'examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie et il s'occupe surtout des évaluations environnementales, et cetera. Les offices des terres et des eaux s'occupent des permis, par exemple le permis d'utilisation des terres, le permis d'utilisation des eaux, et cetera.
Lorsqu'un promoteur fait une demande d'approbation du développement, le projet doit passer par un processus d'évaluation environnementale. Une fois le projet approuvé, le promoteur doit obtenir tous les permis nécessaires pour lancer la construction et le projet.
Le sénateur Black : Monsieur le premier ministre, ce matin, j'ai posé une question sur l'obligation de consulter au ministre fédéral. Mes collègues de l'industrie espéraient que le projet de loi apporterait des éclaircissements sur les exigences imposées à l'industrie dans le cadre de l'obligation de consulter les collectivités des Premières Nations. Pouvez-vous faire des commentaires à cet égard?
M. McLeod : C'est une partie très importante pour notre gouvernement et pour les gouvernements autochtones. Nous nous fondons également sur la jurisprudence, et si les gouvernements ne suivent pas, les tribunaux devront intervenir. Nous avons une abondante jurisprudence qui nous aide à orienter nos consultations.
Nous collaborons étroitement avec l'industrie pour l'aider dans les différents processus. De plus, nous travaillons sur un cadre de consultation que nous partagerons avec l'industrie, et nous l'avons mis au point en collaboration avec les gouvernements autochtones.
Nous nous attendons à ce que les exigences soient très claires, non seulement pour l'industrie, mais aussi pour les gouvernements et toutes les personnes qui souhaitent exercer des activités dans les Territoires du Nord-Ouest.
Le sénateur Massicotte : Monsieur le premier ministre, je crois que vous êtes sur le point d'accomplir quelque chose d'historique pour votre peuple et pour tout le Canada, et je suis certain que cela n'a pas toujours été facile. J'aimerais donc vous féliciter et féliciter votre équipe.
Le sénateur Sibbeston a souligné que deux de vos collectivités ne participent pas à ce projet, et que vous espérez qu'elles le feront bientôt. Comme le ministre l'a souligné ce matin, l'un des objectifs principaux du transfert des responsabilités, la décentralisation, vise à favoriser l'activité économique. Lorsqu'on examine votre structure, on constate que vous aurez essentiellement sept collectivités qui travailleront, comme vous le dites, de gouvernement à gouvernement. Quant à vous, vous exercerez le pouvoir qui vous est « transféré », et il y aura évidemment le gouvernement fédéral qui détient 50 p. 100 des intérêts dans toutes les ressources.
Cette situation ralentira-t-elle le processus au point où vous ne pourrez plus faire concurrence aux pays dont le processus d'approbation est plus rapide? Je sais que le projet de loi propose certaines échéances. Qu'en pensez-vous? Et comment veillerons-nous à ce que ce ne soit pas que des paroles en l'air, comme c'est souvent le cas à Ottawa?
M. McLeod : À notre avis, le transfert des responsabilités se déroulera plus dans le Nord qu'à Ottawa. Les résidants du Nord prendront les décisions. Selon notre expérience, les gouvernements autochtones qui ont réglé des revendications territoriales sont plus ouverts au développement, car ils contrôlent les ressources et les décisions. Nous travaillerons ensemble, et les améliorations apportées à la réglementation, les échéances, et d'autres choses accéléreront certainement la prise de décisions.
La participation des gouvernements autochtones accélérera également le processus. Par exemple, le pipeline de la vallée du Mackenzie, même s'il a pris du temps, appartient au tiers aux gouvernements autochtones.
Je crois que vous constaterez que le cadre de réglementation deviendra de plus en plus efficace.
Le sénateur Massicotte : Dans votre exposé, je crois que vous avez dit que les collectivités autochtones obtiendraient 25 p. 100. S'agit-il de 25 p. 100 de votre 50 p. 100 ou de 25 p. 100 de 100 p. 100 des redevances?
M. McLeod : Non, c'est 25 p. 100 de ce que nous percevons et conservons. Il s'agirait donc de 25 p. 100 de 50 p. 100.
Le sénateur Massicotte : Cela fait donc 12,5 p. 100.
Lorsque vous parlez des « redevances », y a-t-il des déductions? S'agit-il des recettes nettes provenant du projet? Lorsque vous dites que les gouvernements autochtones obtiennent le tiers des intérêts du pipeline de la vallée du Mackenzie, je présume qu'il s'agit de la proportion nette de tous frais et de toute dette. Est-ce exact?
M. McLeod : Oui, c'est tout compris.
Le sénateur Massicotte : Mais les redevances sont fondées sur les revenus. Il n'y a pas de déduction des dépenses dans ce cas-ci.
M. McLeod : Oui, c'est exact.
Le sénateur Massicotte : Ce sont deux choses différentes. L'une concerne le tiers en tant que propriétaire du projet, et l'autre est fondée sur 12,5 p. 100 de... fondée sur les revenus tirés de cette exploration.
M. McLeod : C'est exact.
Le sénateur Massicotte : En ce qui concerne ces enjeux, quelles devraient être nos préoccupations? Quel enjeu est absolument essentiel pour que, dans 10 ans, nous considérions qu'il s'agit d'une grande réussite? Sur quel enjeu devrions-nous absolument nous pencher lorsque nous examinons le projet de loi?
M. McLeod : Je crois qu'il faudra vérifier si nous travaillons bien ensemble et si nous favorisons un développement équilibré.
Vous devez aussi reconnaître que le gouvernement du Canada sera toujours un acteur très important, car nous sommes seulement 43 000 habitants sur un territoire de 1,7 million de kilomètres carrés. Le gouvernement du Canada a toujours un rôle à jouer.
Nous avons un déficit d'infrastructure très important. À notre avis, on ne peut s'attendre à ce que nous participions largement aux projets d'édification d'une nation. Nous comprenons donc que le gouvernement a un rôle à jouer. Par exemple, nous voulons construire la route de la vallée du Mackenzie. Le gouvernement fédéral est toujours responsable de la construction de la nouvelle route, et cetera.
Il y a toujours la question de la limite d'emprunt imposée par le gouvernement fédéral. Le gouvernement du Canada gère la limite d'emprunt. Nous ne la fixons pas nous-mêmes. Par exemple, nous projetons un développement hydroélectrique important et la construction de lignes de transport d'énergie, mais selon la définition de « dette » de notre gouvernement, même s'il s'agit d'une dette qui se repaie elle-même, elle est soumise à la limite d'emprunt.
C'est le genre de choses que nous devons déterminer.
Le sénateur Massicotte : Vous avez organisé de nombreuses audiences publiques. Qui étaient vos critiques les plus sévères? Quelles étaient leurs préoccupations et selon eux, qu'est-ce qui ne va pas avec le projet de loi?
M. McLeod : Il faut plus de ressources.
Le sénateur Massicotte : Pour l'infrastructure? Ou des limites plus élevées?
M. McLeod : Ils veulent plus d'argent pour que nous l'investissions dans les programmes, plus de programmes pour...
Le sénateur Massicotte : Du gouvernement fédéral.
M. McLeod : Oui, plus d'argent pour les dépenses en immobilisations, et cetera.
Le sénateur Massicotte : Est-ce ce que tout le monde demande?
Le sénateur Wallace : Monsieur le premier ministre, vous avez souligné que l'un des objectifs principaux du transfert des responsabilités était que les Territoires du Nord-Ouest profiteraient d'un niveau d'autodétermination et de contrôle sur les affaires territoriales qui ressemblerait à celui des provinces. L'évolution du processus de transfert des responsabilités nous amène-t-elle vers ce résultat, c'est-à-dire qu'au bout du compte, les Territoires du Nord-Ouest auront les mêmes pouvoirs et les mêmes responsabilités que les provinces, ou en raison de circonstances uniques aux Territoires du Nord-Ouest, y aura-t-il des différences importantes?
M. McLeod : Nous nous le sommes demandé. Beaucoup de gens, dans les Territoires du Nord-Ouest, se posaient la même question : Pourquoi ne formons-nous pas une province?
Nous avons examiné méticuleusement le problème. La principale différence entre le financement d'une province et celui d'un territoire est, pour le territoire, l'existence d'une formule de financement convenue avec le gouvernement du Canada. Si nous options pour le programme de péréquation, nous recevrions beaucoup moins d'argent du gouvernement du Canada, au moins les deux tiers de moins.
Ensuite, d'après la Constitution, pour créer une province, il faut l'aval de la moitié des cinq provinces les plus peuplées. À sa création, en 1905, l'Alberta comptait 100 000 habitants et elle n'avait pas le droit de prélever de redevances. Je pense que c'est deux ans plus tard qu'elle a obtenu le droit de prélever la totalité des redevances. Si une telle occasion s'offrait à nous, nous la saisirions au bond.
Le sénateur Wallace : Monsieur le premier ministre, pourriez-vous nous en dire plus sur les conseils intergouvernementaux dont font partie, dans les Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement et les gouvernements autochtones? Comment fonctionnent-ils? Quels sont leurs pouvoirs et leur autorité? Est-ce un autre ordre de gouvernement ou est-ce vraiment un organisme consultatif?
M. McLeod : Après la fin de toutes les négociations sur les revendications territoriales, sur l'autonomie, une certaine confusion subsistait chez les gouvernements autochtones. Certains estimaient qu'ils obtiendraient autant de terres qu'ils en revendiquaient et que, une fois l'autonomie acquise, ils en obtiendraient davantage. Il a bien fallu leur faire comprendre à tous qu'une fois une revendication réglée, ils n'obtiendraient pas plus de terres. L'autonomie ne vise pas à procurer plus de terres, mais à prendre en charge les programmes et les services. Certains gouvernements autochtones estiment certainement que les terres et les eaux leur appartiennent à eux en totalité.
Donc, par l'entremise du conseil intergouvernemental, nous collaborerons avec eux pour aménager ensemble toutes les terres. Ils auront leurs terres, tout comme le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest disposera des terres qui restent. Nous établirons des plans concertés d'utilisation du sol qui nous orienteront dans son utilisation responsable et durable. Voilà ce qu'est pour nous ce mécanisme.
Nous avons envisagé un certain nombre de modèles. Est-ce que ce serait l'Union européenne, par exemple, ou un conseil de la fédération? Les gouvernements autochtones et nous avons convenu d'instituer le conseil intergouvernemental pour s'occuper des terres et de l'aménagement.
La sénatrice Seidman : Toutes mes félicitations, monsieur le premier ministre. Comme promis, je vous pose la même question qu'à M. le ministre Valcourt. Il reste trois mois et quelques semaines avant le 1er avril, et je voudrais savoir ce qui reste à négocier pour parachever l'entente et le transfert de responsabilités. Qui sont les joueurs au cours des dernières étapes? Reste-t-il à régler des problèmes qui vous préoccupent?
M. McLeod : Merci. C'est une question qui, pour nous, est très importante.
Nous planifions le transfert de responsabilités depuis longtemps. Nous négocions cette entente depuis plus de 12 ans. Depuis deux ans, nous nous préparons au transfert le 1er avril 2014. Quand, après mon élection, j'ai rencontré pour la première fois le premier ministre, nous avons dit que c'était pour discuter du transfert de responsabilités. Il m'a dit que cela arriverait d'ici 2015. Nous avons répondu que nous ne pouvions pas attendre si longtemps. Il nous a demandé pourquoi. Parce que, d'ici là, nous serons en campagne électorale. Le gouvernement fédéral prévoit des élections en octobre 2015. La loi en vigueur nous oblige à tenir des élections le même mois, de sorte que si c'était là le délai, nous nous retrouverions au beau milieu des élections. Notre gouvernement a vraiment insisté pour que le transfert ait lieu le 1er avril 2014.
Après qu'il a acquiescé, nous avons commencé à nous préparer à une transition en douceur. Nous avons déjà abattu beaucoup de travail. L'organisation, que nous avons conçue, est approuvée. Nous avons négocié avec nos syndicats un processus de transfert de 275 employés. Nous avons également dû nous préparer à nous doter de lois calquées sur toutes les lois fédérales. Notre assemblée législative doit adopter 27 lois et règlements et, manifestement, l'adoption du projet de loi C-15 par le Parlement fédéral est indispensable. Nos bureaux doivent être prêts. Il faut des locaux pour que tout le nouveau personnel puisse commencer à travailler le 1er avril. Il nous reste encore toute l'information à saisir. Les technologies de l'information dont nous héritons du gouvernement fédéral doivent être compatibles avec nos systèmes.
Nous devons rassurer l'industrie en lui promettant d'être prêts à fonctionner le 1er avril. C'est pourquoi nous avons élaboré une stratégie de développement minéral et une stratégie de développement des possibilités économiques. Nous sommes aussi allés rencontrer les représentants de l'industrie et nous avons collaboré à toutes les étapes avec les gouvernements autochtones. Ils ont participé à la mise en œuvre.
Nous avons déjà lancé un concours pour pourvoir les postes vacants. Nous avons prévu, avec l'administration fédérale, qui doit rester en poste jusqu'au 1er avril, que si, entre-temps, elle embauche des employés occasionnels, ils deviendront nos employés à cette date. Nous nous préparons à prendre la relève le 1er avril.
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup et je vous souhaite la meilleure chance possible pour le 1er avril.
Le vice-président : Il est à peine plus de 10 heures. Le temps que vous avez promis de nous accorder est maintenant écoulé. Si vous avez un moment, je voudrais vous poser une question, monsieur le premier ministre.
J'aimerais avoir une idée de la capacité de votre gouvernement d'entreprendre, par exemple, des évaluations environnementales. C'est une responsabilité nouvelle et immense, je pense. Pouvez-vous nous donner une idée des capacités de votre gouvernement à cet égard et de votre confiance de pouvoir vous acquitter de cette obligation.
M. McLeod : Nous aurons la capacité de nous en acquitter. Je cède la parole au ministre de l'Environnement pour vous répondre.
Michael Miltenberger, ministre de l'Environnement et des Ressources naturelles, gouvernement des Territoires du Nord-Ouest : Merci, monsieur le président. Notre système, déjà en place, continuera de fonctionner. En ce qui concerne le pétrole et le gaz, nous allons promulguer nos propres règlements. Nous conclurons des ententes de soutien technique avec l'Office national de l'énergie. L'Alberta pourrait nous fournir de l'aide. Nous allons continuer de collaborer avec les offices des terres et des eaux actuels, à mesure que nous transformerons le régime réglementaire. Nous ne brûlerons pas les étapes, mais nous serons prêts. Tout arrivera en temps opportun.
Comme l'a dit le premier ministre, la raison d'être de cette opération est de rapprocher le centre de décision des régions et des collectivités, de le placer dans le Nord, à Yellowknife, alors qu'il se trouve à Ottawa, à plusieurs milliers de kilomètres. Nous prévoyons une amélioration générale de l'opportunité des mesures et de la capacité de répondre à l'industrie et de la rassurer.
Le vice-président : Merci. Je vais clore la séance par quelques remarques et par une requête peut-être peu orthodoxe, mais importante.
D'abord, je tiens à vous féliciter pour la concision de vos réponses. Vous êtes des témoins modèles. Nous devrions faire parvenir l'enregistrement de vos excellents témoignages à tous les témoins éventuels. Je l'apprécie énormément.
Monsieur le premier ministre, nous vous remercions beaucoup, vous et vos adjoints, d'être venus. Vos témoignages ont été extrêmement instructifs et exceptionnellement utiles.
Ma demande peu orthodoxe est la suivante : cette séance n'est peut-être pas une réunion des Pères de la Confédération, mais on pourrait la considérer comme une réunion de famille étendue sur le transfert des responsabilités. Seriez-vous d'accord pour qu'on tire une photo de notre groupe autour de vous, pour commémorer votre passage ici, aujourd'hui?
Ne bougez pas, nous irons vous rejoindre pour cela. Merci beaucoup. Mais, avant, je lève la séance.
(La séance est levée.)