Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 4 - Témoignages du 28 janvier 2014
OTTAWA, le mardi 28 janvier 2014
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 2, pour étudier la teneur du projet de loi C-15, Loi remplaçant la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest afin de mettre en œuvre certaines dispositions de l'Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources des Territoires du Nord-Ouest et modifiant ou abrogeant la Loi sur les terres territoriales, la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest, la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, d'autres lois et certains décrets et règlements.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je suis Richard Neufeld. Je représente la Colombie-Britannique au Sénat. Je suis le président de ce comité.
Je souhaite la bienvenue à mes honorables collègues sénateurs ainsi qu'au public ici présent ou qui nous écoute sur le Web.
Je demande aux sénateurs de bien vouloir se présenter, et je vais me lancer le premier en présentant mon vice- président, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta.
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal.
Le sénateur Black : Doug Black, de l'Alberta.
La sénatrice Frum : Linda Frum, de l'Ontario.
Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, de Montréal.
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le président : De plus, je vous présente le personnel de soutien de la Bibliothèque du Parlement qui est avec nous ce soir : Mme Sam Banks; et notre greffière, Mme Lynn Gordon.
C'est notre troisième séance d'étude préliminaire du projet de loi C-15, dont le titre abrégé est « Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest ». Il a été déposé à Chambre des communes le 3 décembre 2013.
Je suis très heureux d'accueillir M. Willard Hagen, qui, en novembre 2013, a été reconduit pour une troisième fois de suite, par le ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien à son poste de président et de directeur général de l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie. Pour son témoignage par vidéoconférence depuis Yellowknife, il est accompagné par MM. Zabey Nevitt et John Donihee, respectivement directeur exécutif et conseiller juridique de l'office.
Messieurs, merci beaucoup d'être avec nous. Monsieur Hagen, je pense que vous avez une déclaration préliminaire à faire et que tous les sénateurs en possèdent déjà une copie. Je suis sûr qu'ils l'ont tous lue. Nous avons hâte de vous entendre. Après quoi nous vous questionnerons. Vous avez la parole.
Willard Hagen, président et chef de la direction, Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie : Bonjour à tous. Monsieur le président, je vous remercie. Je suis heureux de comparaître devant le comité à titre de président de l'OTEVM. À ma gauche, vous voyez M. John Donihee, conseiller juridique de l'office. John et moi, nous nous occupons du régime de réglementation dans le Nord depuis de nombreuses années.
Après beaucoup d'années au sein du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, John est le conseiller juridique de l'office depuis 2000, lorsque la partie 4 de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie est entrée en vigueur. J'étais un homme d'affaires avant d'être élu président du conseil tribal des Gwich'in. Ma carrière à l'office a commencé en 1998, lorsque j'ai été nommé à l'Office des terres et des eaux des Gwich'in. J'ai été nommé par la suite président de l'OTEVM en 2005.
Zabey Nevitt, que vous voyez à ma droite, est le directeur exécutif de l'OTEVM. Il travaille aux comités régionaux de l'Office des terres et des eaux et, maintenant, comme cadre supérieur à l'OTEVM depuis 2005.
Je félicite les gouvernements fédéral, territorial et autochtones d'avoir conclu les accords nécessaires pour concrétiser le transfert de responsabilités. Les dispositions relatives au transfert de responsabilités que contient le projet de loi C-15 représentent une étape importante dans l'évolution constitutionnelle des Territoires du Nord-Ouest. Je milite depuis longtemps pour un meilleur contrôle du territoire et des décisions concernant nos ressources. Mes collègues à l'OTEVM et moi-même, nous nous réjouissons à l'idée de travailler avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et de prendre des décisions, ici même, dans le Nord, au sujet des terres et des eaux de notre région.
Nous savons que, durant les consultations sur les dispositions du projet de loi, les discussions sur la question de la fusion des offices des terres et des eaux ont été très animées. C'est l'un des sujets sur lesquels l'OTEVM a toujours refusé de s'engager. Nous sommes d'avis qu'il serait inapproprié pour nous de commenter les propositions touchant la structure de l'office pour lequel nous travaillons actuellement.
La structure des offices des terres et des eaux est néanmoins un sujet important, et l'OTEVM croit que les gouvernements fédéral, territorial et autochtones sont les mieux placés pour en discuter.
Pour que le comité situe bien nos recommandations dans leur contexte, je résumerai quelques-unes de nos plus récentes initiatives. Notre office s'est engagé à garantir certitude, prévisibilité et uniformité aux parties concernées par les demandes de permis d'utilisation des eaux et des terres en vertu de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. L'OTEVM contribue à l'amélioration du cadre réglementaire applicable au développement de la vallée du Mackenzie. Nos initiatives sont rendues possibles en vertu des articles 65 et 106 de la loi précitée, et nous nous appuyons sur les pouvoirs que nous confère cette loi pour accomplir notre travail.
Depuis que je suis président de l'OTEVM, nous travaillons fort pour contribuer à un système de réglementation qui soit clair, accessible et efficace. Depuis 2006, les offices des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie ont adopté un programme de normalisation et d'uniformisation pour l'élaboration de leurs politiques et procédures applicables à la délivrance de permis d'utilisation des terres et des eaux dans toute la vallée.
À titre d'exemple, notre office a mis au point une politique et des directives sur les consultations et la mobilisation; des directives sur la gestion des déchets; une politique sur la qualité de l'eau; des directives sur la fermeture et la remise en état des terres, que nous avons élaborées en consultation avec Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, AADNC; un guide sur les permis d'utilisation des terres dans toute la vallée du Mackenzie; des normes pour les soumissions du SIG, pour n'en nommer que quelques-uns.
Dans le cadre de ce programme, nous avons adopté une terminologie normalisée pour les conditions des permis d'utilisation des terres et nous sommes en voie de faire la même chose pour les permis d'utilisation des eaux. Grâce à ce travail, nous pourrons offrir une procédure uniforme et prévisible à toutes les parties concernées par le processus de développement. Ce travail nous sera également utile pour faire respecter la réglementation, le cas échéant, et il donnera lieu à des normes environnementales claires pour tous ceux qui s'intéressent au travail de l'OTEVM.
Je joins ma voix à celles d'autres observateurs et commentateurs du régime réglementaire dans la vallée du Mackenzie pour réitérer l'importance de régler les revendications territoriales et de mettre la touche finale aux plans d'aménagement du territoire. Une fois ce travail terminé, les personnes qui s'intéressent à la mise en valeur des ressources pourront planifier à plus long terme, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.
Le comité doit savoir que nous avons terminé les plans d'aménagement du territoire pour toutes les régions de la vallée du Mackenzie dont les revendications territoriales ont été réglées. Autre fait à noter, le nombre de demandes d'évaluations environnementales provenant de ces régions diminue grandement une fois qu'un plan d'aménagement du territoire est adopté. Sur les 61 demandes d'évaluation environnementale déposées depuis que la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie est entrée en vigueur, en 1998, 53 provenaient des régions de la vallée dont les revendications territoriales étaient encore en suspens et qui n'avaient pas de plan d'aménagement du territoire.
S'il est vrai qu'un cadre législatif efficace peut apporter un peu de certitude, nous pensons que la conclusion d'accords avec les Premières Nations dont les revendications territoriales et de droits ancestraux n'ont pas encore été réglés et l'adoption de plans d'aménagement du territoire pour ces régions sont tout aussi importantes pour garantir, dans une certaine mesure, de la prévisibilité en matière de développement.
Un certain nombre de dispositions du projet de loi amélioreront l'uniformité et la prévisibilité du processus réglementaire. Par exemple, l'OTEVM appuie l'adoption d'échéances pour le processus d'octroi de permis et de certificats de projet exécutoires. Des études régionales pourraient aussi être utiles dans les secteurs qui n'ont pas encore de plan d'aménagement du territoire.
Les dispositions d'exécution, améliorées et mises à jour, notamment les sanctions pécuniaires administratives, devraient encourager le respect de la loi et assurer un processus accéléré pour les rares cas où il est nécessaire de faire appliquer la loi.
Pour son examen du projet de loi et la formulation de ses recommandations, l'OTEVM s'est limité aux changements qui, selon nous, pourraient améliorer le projet de loi en augmentant la certitude, la prévisibilité et la rapidité du régime réglementaire. Les points qui suivent répondent à ces critères et pourraient améliorer le projet de loi.
La partie 3 du projet de loi modifie la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest. L'article 84 du projet de loi porte sur la responsabilité des membres d'un office. Le nouvel article 11.3 prévoit « l'immunité judiciaire pour les faits » pour les membres de l'Office des eaux des Inuvialuit.
La partie 4 modifie la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. L'article 124 porte sur la responsabilité des membres d'un office et remplace l'article 20 de la loi précitée. Ces dispositions visent à protéger les membres d'un office qui accomplissent de bonne foi leurs attributions.
Toutefois, l'article 124 procure une protection légale inférieure. En effet, il existe une différence entre « bénéficier de l'immunité judiciaire pour les faits » et « ne peuvent être retenus pour personnellement responsables des faits ». Dans notre cas, cela signifie que nos membres devront se défendre en cas de poursuite. Nous nous demandons donc pourquoi le projet de loi établit deux niveaux de protection pour des membres d'offices qui font le même travail.
Toute la procédure d'examen d'une demande de permis complexe peut prendre beaucoup de temps. Même avec les nouvelles échéances, elle pourrait prendre bien plus d'un an. Il survient des problèmes de quorum, et les mandats des membres de l'OTEVM ne durent que trois ans.
Voici un exemple, rapidement. Les nominations à l'Office national de l'énergie, qui existe depuis environ 53 ans, sont pour des mandats de cinq à sept ans, simplement pour vous donner une idée d'un autre processus réglementaire.
L'article 136 du projet de loi propose d'insérer un nouvel article 57 dans la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. S'il y a risque que le quorum ne soit pas atteint en raison de l'expiration du mandat d'un membre, le président de l'OTEVM doit écrire au ministre fédéral deux mois avant l'expiration, afin de lui demander de prolonger le mandat en question. L'absence de réponse équivaut à un acquiescement du ministre.
Nous pensons que cette approche est source d'incertitude pour l'office et le demandeur de permis, qui a peut-être investi des sommes considérables à cette fin. En cas de perte du quorum, il est fort probable qu'on doive recommencer la procédure depuis le début. Cette disposition se trouve dans les modifications proposées à la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest et dans la partie 5 de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie.
Il serait plus clair, plus simple et beaucoup plus efficace de simplement dire que, si la présence d'un membre de l'office est nécessaire au maintien du quorum et que son mandat expire pendant la procédure d'examen, son mandat est automatiquement prolongé jusqu'à ce que l'office rende sa décision. C'est là une disposition commune à bien d'autres lois qui instaurent des tribunaux administratifs.
L'une des améliorations proposées dans le projet de loi porte sur la délivrance de certificats, comme l'exige l'article 211 du projet de loi qui ajoute le nouvel article 131.3 à la loi. L'OTEVM ne comprend pas pourquoi le nouvel article 62 de la loi inséré par l'article 137 du projet de loi ne fait aucune mention des certificats. La condition selon laquelle les dispositions de la partie 5 de la loi doivent être remplies se trouve bien à l'article 62, mais nous proposons que l'obligation pour un office des terres et des eaux de respecter les certificats soit énoncée plus clairement à l'article 62.
De plus, le projet de loi ajoute manifestement plusieurs mois au temps qu'il faut pour modifier une condition à un permis d'utilisation des eaux incluse dans un certificat et recommandée par la commission d'examen — en l'occurrence, l'Office d'examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie.
Le paragraphe 224(3) du projet de loi ajoute l'article 142.21 à la loi. Modifier un certificat pourrait prendre huit mois. Ce délai s'ajoute au temps prévu pour la procédure de modification d'un permis d'utilisation des eaux, qui est de neuf mois. Si la modification répond à des impératifs opérationnels, cela signifie qu'il faut déposer la demande environ un an et demi plus tôt. Nous proposons qu'on envisage une procédure plus rapide pour les modifications qui ne présentent pas de risques environnementaux.
Le projet de loi devrait comporter une disposition qui autoriserait l'office des terres et des eaux à rejeter une demande de permis lorsque le demandeur omet à maintes reprises de fournir les renseignements nécessaires pour que l'office puisse clore la procédure. En de rares occasions, l'OTEVM a dû prendre de telles décisions, parce qu'il s'agit en effet d'un tribunal administratif qui est maître de ses procédures. Toutefois, une telle façon de faire suscite des interrogations. La loi devrait clairement donner le pouvoir de mettre fin à une procédure qui ne semble pas vouloir aboutir, sous réserve de critères énoncés dans la loi.
Pour terminer, je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, d'avoir pris le temps de m'écouter. Je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Hagen. Je vais céder la parole au vice-président du comité, le sénateur Mitchell.
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. Vous nous avez fait un excellent exposé, très clair et comportant des propositions très précises.
Je me demande si vous pouvez nous faire part de la réponse du gouvernement à la liste de changements que vous avez proposés dans votre exposé. Ils semblent très raisonnables. Par exemple, il y a les deux niveaux de protection contre les poursuites. Sans être contradictoires, ils semblent manquer de cohérence.
Que vous a-t-on répondu, pour cette proposition ainsi que pour les autres que vous avez faites?
M. Hagen : Je vous remercie de votre question. Notre directeur exécutif, M. Nevitt, fait partie du groupe qui travaille directement avec les gens d'AADNC, alors je vais lui demander de répondre.
Zabey Nevitt, directeur exécutif, Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie : Jusqu'à maintenant, l'office a transmis les recommandations au gouvernement sous forme de présentations écrites. Hier, MM. Hagen et Donihee ont aussi fait un exposé au comité parlementaire qui en faisait l'examen, et ce sont les mêmes recommandations. J'imagine qu'au fur et à mesure que le projet de loi franchit les étapes du processus législatif, nous verrons s'il y a des réactions aux recommandations.
Le sénateur Mitchell : J'ai peut-être manqué cela, mais était-ce la première fois que vous présentiez vos propositions à la Chambre, au comité de la Chambre des communes? Ou bien avez-vous présenté vos propositions et vos idées pendant le processus d'élaboration?
M. Nevitt : Oui. Pendant le travail d'élaboration du projet de loi, l'office a eu l'occasion de voir une ébauche confidentielle du projet de loi. À cette étape, nous avons fait les mêmes recommandations, par écrit, au ministère des Affaires autochtones.
Le sénateur Mitchell : Ma deuxième question porte sur la capacité. Cet aspect a été soulevé avec la dévolution — cela représente beaucoup plus de responsabilités et de travail, peut-être. Des fonctionnaires du ministère de l'Environnement et d'autres ministères pourraient être déplacés en masse. Est-ce que certains d'entre eux vont travailler pour votre office? Qu'il en soit ainsi ou pas, qu'en est-il de la capacité? Estimez-vous avoir ce qu'il faut pour faire ce que vous avez à faire?
M. Nevitt : Je vous remercie de cette question. Les gens qui ont l'expérience du travail dans le Nord savent que la capacité, en général, représente un problème constant. M. Hagen a parlé tout à l'heure de projets que nous réalisons à l'interne pour améliorer notre capacité, comme élaborer des lignes directrices, des politiques et des procédures. Le projet de loi, tel quel, peu importe comment sont conjugués les offices, inclut tous les employés et contractuels actuels dans la nouvelle structure qui sera créée, quelle qu'elle soit, alors nous allons continuer d'avoir cette capacité.
Nous travaillons fort, au sein des offices, à développer et à accroître notre capacité. Nous comptons, au sein des offices, de nombreuses personnes très professionnelles qui prennent des décisions et qui viennent de milieux divers, entre autres de l'industrie. Ces gens ajoutent à la capacité actuelle de l'office.
Le sénateur Massicotte : Toujours à ce sujet, d'après ce que je comprends, vous avez soulevé les mêmes points au moment de la préparation de l'ébauche du document, mais de toute évidence, vous estimez que la réponse n'est pas adéquate. Maintenant, vous soumettez les mêmes commentaires par écrit? J'essaie de comprendre par quel processus vous avez exprimé vos préoccupations et vos recommandations.
M. Nevitt : Je dois admettre que je connais peu le processus, alors il me manque des éléments. Je ne sais pas très bien comment toutes ces préoccupations pourraient être tenues en compte dans le processus de rédaction du nouveau projet de loi. Je peux simplement répéter que nous avons initialement fait part de nos commentaires au moyen de présentations écrites au ministère, et que nous allons faire les mêmes suggestions parce que nous estimons que cela ajouterait au projet de loi. Je ne pense pas que nous ayons autre chose à ajouter.
Le sénateur Patterson : Je souhaite la bienvenue à M. Hagen et à ses collègues. Je sais que vous êtes fort occupé, compte tenu de la séance qui a eu lieu à Yellowknife hier, et je suis vraiment ravi que vous puissiez être avec nous à Ottawa par vidéoconférence.
Je sais que M. Hagen est très versé dans le régime de réglementation des T.N.-O., qui a fait l'objet de profondes révisions au fil des années. L'étude de M. McCrank et les travaux de M. Pollard, représentant spécial du ministère, ont probablement beaucoup contribué à l'élaboration de cette nouvelle loi.
J'aimerais demander à M. Hagen de nous dire s'il a participé aux consultations, en particulier avec MM. McCrank et Pollard, comme représentant de l'office ou autrement, au cours de sa carrière. J'aurai peut-être une autre question, une fois qu'il aura répondu.
M. Hagen : Je vous remercie pour cette question, sénateur Patterson. Nous avons participé à l'étude de M. Neil McCrank. Il y a eu des ateliers, et nous lui avons fait part de nos points de vue. M. Pollard nous a également consultés. Nous avons eu l'occasion de nous exprimer. Nous avons également rencontré à de nombreuses reprises des représentants de gouvernements autochtones et, bien entendu, du ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord du Canada. Nous avons discuté avec ces gens. Nous avons été largement consultés, à l'instar des gouvernements autochtones. Il y a donc eu des échanges d'information. Nous avons reçu les documents confidentiels à la toute fin seulement, alors nous pouvions uniquement imaginer quelle en serait la teneur.
Nous n'avons pas beaucoup de critiques à formuler au sujet de la façon dont les consultations ont été menées au cours des trois dernières années.
Le sénateur Patterson : D'accord, je vais m'arrêter là pour l'instant. Merci.
Le président : J'aurais une petite question à poser. Hier, quelle a été la réaction des membres du comité de la Chambre des communes auquel vous avez présenté probablement la même information? Comment ont-ils réagi? Ont- ils formulé des commentaires au sujet de vos suggestions?
M. Hagen : Oui, ils nous ont posé beaucoup de questions. Le député néo-démocrate M. Dennis Bevington s'est largement exprimé sur le sujet. On nous a posé des questions à propos du processus, et M. Donihee a d'ailleurs répondu à l'une d'elles. John, vous pourriez peut-être parler un peu de cette question au sujet du processus.
John Donihee, conseiller juridique, Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie : Oui, certainement. Il s'agissait d'une question un peu plus technique concernant l'échéancier pour la modification des certificats. Le certificat est un nouveau concept qui sera introduit dans la loi par l'entremise de ce projet de loi. Lorsqu'un processus d'évaluation environnementale sera terminé et que le ministre aura approuvé les mesures recommandées par l'Office d'examen des répercussions environnementales, ces mesures figureront dans un certificat, et l'Office des terres et des eaux aura alors l'obligation de les mettre en œuvre. De cette façon, le processus de l'évaluation environnementale et celui de l'Office des terres et des eaux sont intégrés.
Nous avons fait savoir que ce qui nous préoccupe, c'est simplement le fait que les dispositions du projet de loi indiquent que la modification d'un certificat pourrait prendre plus de huit mois, et, d'après ce que nous avons observé, la plupart des grandes compagnies minières qui exploitent des mines dans le Nord doivent posséder un permis d'utilisation des eaux de type A afin de pouvoir mener leurs activités. Il faudra jusqu'à neuf mois pour modifier ces permis, alors lorsqu'on combine cette période à celle nécessaire pour la modification du certificat, on comprend que cela pourrait causer des problèmes aux compagnies minières. Ce ne sont pas toutes ces mesures qui concernent les activités d'une compagnie minière liées à l'environnement, et nous avons donc proposé qu'on essaie de cerner, si possible, les mesures qui ne portent pas sur l'environnement et qu'on tente de les modifier rapidement.
Les représentants et l'avocat du ministère ont immédiatement accordé leur attention à cette question. Nous sommes satisfaits de leur compréhension et du fait qu'ils se penchent là-dessus.
Le sénateur Black : Je vous remercie tous d'être présents aujourd'hui. Vous faites un travail extrêmement important. Je suis très heureux que des gens de votre calibre effectuent ce travail.
En tant qu'ancien avocat dans le secteur de l'énergie, je suis ravi de ce qui se fait en ce moment, car cela contribuera à la réussite économique des Territoires du Nord-Ouest, et c'est ce que tous les Canadiens souhaitent, bien entendu.
J'ai trois questions relativement techniques à vous poser, car je veux comprendre où il y a des chevauchements, parce que le projet de loi ne me permet pas nécessairement de le déterminer.
Je vais faire quelques suppositions, si vous me le permettez. J'ai lu des articles dans le National Post ce matin. Présumons que le gisement de gaz délaissé au large des Territoires du Nord-Ouest peut être utilisé afin de produire du gaz liquéfié sur la côte de la Colombie-Britannique.
Pouvez-vous me dire quels organismes de réglementation interviendraient dans ce cas-là et quel serait le rôle de chacun?
M. Hagen : Je vous remercie pour cette question. Je crois que Zabey et John pourraient vous répondre. En ce qui concerne le transport du gaz naturel liquéfié, il est question bien entendu de la côte de l'Arctique. Parlez-vous du transport au moyen d'un pipeline ou d'un navire?
Le sénateur Black : Je m'intéresse particulièrement au rôle que l'office jouerait en vertu de ce projet de loi. Quel est votre avis?
M. Hagen : John pourra vous répondre.
M. Donihee : Merci, sénateur. C'est une question complexe. Comme vous le savez, l'Office des terres et des eaux a la responsabilité de délivrer des permis pour l'utilisation des terres publiques et des permis pour l'utilisation des eaux ou le dépôt de déchets dans les eaux. Nous nous occupons uniquement de la vallée du Mackenzie, précisément de la partie de la vallée qui ne se trouve pas sur la côte de l'Arctique. Nous ne nous occupons pas de la région désignée des Inuvialuit, à laquelle s'applique un régime différent. Nous nous occupons donc principalement de la partie sud de la vallée du Mackenzie.
Si des activités de transport ou de construction seraient nécessaires pour extraire le pétrole et le gaz et l'expédier et que ces activités avaient une incidence sur les terres et sur l'environnement ou nécessitaient l'utilisation d'eau ou le dépôt de déchets dans les eaux, alors l'office interviendrait.
Nous ne pourrions pas participer au processus d'approbation ou d'examen d'un projet de pipeline, car, dans l'exemple que vous donnez, il s'agirait d'un pipeline transfrontalier et, en vertu de l'article 52 de la Loi sur l'Office national de l'énergie, cet office interviendrait. Tout ce qui concerne le droit de passage, si je puis m'exprimer ainsi, relève de la compétence de cet office; et tout ce qui ne concerne pas le droit de passage et qui a une incidence sur les terres et les eaux relève de notre compétence, mais seulement pour la partie de la vallée du Mackenzie qui se trouve dans les Territoires du Nord-Ouest.
Le sénateur Black : J'ai remarqué que, dans le projet de loi, il est précisé que l'office sera responsable des ressources non renouvelables. Pour ce qui est des ressources renouvelables comme le vent et l'eau, qui en aura la responsabilité? Un promoteur qui souhaite réaliser un projet d'énergie éolienne dans les Territoires du Nord-Ouest doit présenter une demande à quel office?
M. Donihee : S'il souhaite vendre l'électricité produite grâce au parc éolien, il doit s'adresser à la commission des services publics des Territoires du Nord-Ouest, qui est similaire à la commission des services publics qui existait en Alberta. C'est cette commission qui déterminerait notamment les tarifs.
S'il doit y avoir des travaux de construction qui pourraient avoir une incidence sur les terres ou les eaux, nous serions alors probablement appelés à intervenir. J'ai répondu à la partie de votre question concernant l'énergie éolienne, mais je crois que vous avez aussi parlé de l'énergie hydroélectrique?
Le sénateur Black : Un projet d'hydroélectricité vous concernerait-il?
M. Donihee : En ce moment, la production d'énergie hydroélectrique relève de la compétence du territoire; c'est lui qui en assure la gestion. Cependant, la construction d'un barrage exige la délivrance d'un permis d'utilisation des terres, et, au bout du compte, parce qu'il s'agit d'utiliser l'eau pour produire de l'électricité, il faudrait délivrer un permis d'utilisation des eaux.
Le sénateur Black : Vos explications me sont très utiles.
J'en déduis que, même si nous simplifions les choses, elles restent encore très complexes.
M. Donihee : Oui, vous avez bien raison.
La sénatrice Frum : Durant votre exposé, vous avez proposé notamment qu'on inclue dans le projet de loi des dispositions permettant de rejeter des demandes lorsque les demandeurs ne fournissent pas les renseignements nécessaires pour l'approbation.
Puisque vous faites cette suggestion, de toute évidence, c'est parce que vous avez vécu ce genre de situation et il semble que cela ait causé de la frustration. Est-ce qu'il arrive souvent que des demandeurs ne vous fournissent pas l'information dont vous avez besoin?
M. Hagen : C'est une bonne question. Nous sommes aux prises à l'heure actuelle avec certains cas de ce genre, alors je vais laisser le directeur exécutif vous répondre.
M. Nevitt : Cela s'est produit assez souvent avec les promoteurs qui s'adressent à nous. D'une part, le problème tient au fait que la description de ce dont nous avons besoin pour pouvoir prendre une décision n'est pas claire et, d'autre part, il tient au fait que des promoteurs ne fournissent aucun des renseignements nécessaires. Il est arrivé aussi que des promoteurs présentent des demandes — je ne veux pas les qualifier de frivoles, mais c'est à peu près ça — qu'ils demandent des permis et qu'ils abandonnent finalement leur projet. Tout le processus nécessaire entraîne des coûts considérables pour le contribuable.
Ce qui pourrait être ajouté au projet de loi et qui serait très utile dans ces situations, c'est le principe du recouvrement des coûts. Le gouvernement pourrait appliquer ce principe, grâce à un règlement, afin d'exiger le paiement de frais liés aux demandes de sorte que les dépenses de l'office et du gouvernement seraient d'une certaine façon remboursées. Cela permettrait sans doute d'éliminer certaines des demandes les plus frivoles.
Je le répète, pour tenter de régler le problème, nous faisons en sorte de clarifier ce que nous attendons des promoteurs. Nous veillons à ce qu'il y ait des directives claires sur ce à quoi nous nous attendons de la part des promoteurs sur le plan de la consultation et de la collaboration. Il en va de même pour les critères concernant la qualité de l'eau et des effluents. Il faut établir clairement les renseignements que doivent nous fournir les promoteurs.
C'est ce que nous faisons de notre côté. Nous souhaitons mettre en place des politiques et des directives claires, et ensuite, si un promoteur ne nous fournit pas les renseignements exigés, et que nous devons communiquer avec lui à de nombreuses reprises en vue de les obtenir, nous pourrons lui dire que nous ne pouvons entamer le processus puisque nous n'avons pas obtenu les renseignements dont nous avions besoin.
J'espère que j'ai répondu à votre question.
La sénatrice Frum : Votre réponse est très claire. J'ai du mal à comprendre qu'un promoteur consacre du temps à préparer une demande frivole mais, d'après ce que vous dites, cela se produit.
M. Hagen : Cela se produit plus souvent que vous pouvez l'imaginer, mais l'idée de recouvrer les coûts n'est pas nouvelle. L'Office national de l'énergie existe depuis 53 ans, et il applique le principe du recouvrement des coûts. Je crois que John a parlé de 85 p. 100, et si vous voulez construire un pipeline, il faut que des compagnies s'engagent à l'utiliser pour expédier leur produit, pour que vous puissiez prouver que c'est un projet viable.
C'est la façon de faire. Il est temps dans le Nord que nous mettions fin au gaspillage des deniers publics à cause de ces demandes que je qualifie de frivoles, à défaut d'un meilleur terme.
Le sénateur Wallace : Monsieur Hagen, comme vous l'avez fait remarquer, l'office s'est doté de plans d'utilisation des terres pour toutes les régions de la vallée du Mackenzie où des revendications territoriales ont été réglées, et, dans d'autres régions, comme vous l'avez souligné, des études régionales pourraient s'avérer utiles pour l'office.
J'aimerais obtenir quelques précisions là-dessus. Comment votre office va-t-il exercer ses pouvoirs dans les secteurs couverts par les études régionales, et quelle en est la portée exactement?
M. Hagen : Je précise simplement que les terres visées par la Convention définitive des Inuvialuit font partie des Territoires du Nord-Ouest, mais elles ne sont pas concernées. Cette région n'est pas assujettie à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et ne fait pas l'objet d'un plan d'utilisation. Nous n'exerçons aucun pouvoir en matière de plans d'utilisation des terres et ne les mettons pas en œuvre. Je demanderais à Zabey d'expliquer comment nous sommes liés à ces plans et aux promoteurs.
M. Nevitt : Les plans d'utilisation des terres qui s'appliquent déjà dans la vallée concernent les terres visées par des règlements, soit les régions des Gwich'in, du Sahtu et des Tlicho. Ces plans d'utilisation orientent nos décisions pour la délivrance immédiate de permis ou de licences. Ils nous indiquent si c'est possible ou non, ou quelles conditions particulières nous pourrions ajouter. Ces plans clarifient la marche à suivre.
La principale question que soulèvent les promoteurs qui s'adressent à nous, c'est de savoir si un projet peut ou non se réaliser dans une région. La réponse se trouve dans les plans d'utilisation des terres. Les questions d'accès sont déjà réglées lorsque vient le temps de délivrer un permis d'utilisation des terres ou une licence d'utilisation des eaux.
Dans les régions de la vallée qui ne sont pas encore visées par des règlements, les plans d'utilisation des terres ne sont pas terminés. Des démarches sont entamées dans la région de Dehcho pour élaborer un plan, mais il n'est pas terminé ou il ne donne pas d'orientation à l'heure actuelle. Je répète que les plans d'utilisation clarifient le contexte et signalent aux promoteurs qu'ils peuvent ou non aller de l'avant.
Nous croyons que les études régionales constituent une première mesure pour donner des certitudes. Nous savons déjà qu'il y a des questions à régler dans un certain nombre de régions des territoires, en ce qui a trait à l'utilisation traditionnelle et aux conflits potentiels avec les projets proposés.
Les études régionales permettent de planifier avec minutie l'utilisation des terres et orientent l'office, concernant la capacité de délivrer des permis ou des licences et les conditions particulières que nous pourrions imposer. Ces études visent également à clarifier le contexte pour que les promoteurs sachent déjà au début du processus s'ils pourront au moins tenter de réaliser leurs projets.
Ce n'est rassurant pour personne d'apprendre une fois le processus amorcé qu'il n'y aura finalement aucun développement dans une région.
M. Hagen : Le rapport McCrank indique aussi que les plans d'utilisation des terres pourront remplacer les offices régionaux des terres et des eaux, si ceux-ci sont éliminés. Les plans d'utilisation sont axés sur les communautés et contiennent beaucoup d'information venant des aînés et du savoir traditionnel, par exemple, sur l'emplacement des anciens cimetières. Les communautés participent beaucoup plus activement à l'élaboration des plans d'utilisation des terres qu'au processus de réglementation.
Mais lorsqu'il est terminé, le plan d'utilisation des terres devient sans doute le meilleur outil à la disposition d'un organisme de réglementation. Comme l'a dit Zabey, il précise dès le départ aux promoteurs que certaines régions sacrées pour les communautés autochtones sont protégées.
En général, le plan d'utilisation peut être modifié au fil du temps avec l'accord des trois parties.
Le sénateur Wallace : D'après ce que vous dites, les plans d'utilisation des terres sont bien plus détaillés que les études régionales. Mais si je ne m'abuse, vous avez dit aussi que ces études portent sur les plus petits litiges qui se produisent dans les régions.
J'essaie de comprendre les études régionales. À quel point vont-elles dans le détail? Permettent-elles de passer facilement à un plan d'utilisation des terres, ou y a-t-il une grande différence entre les deux?
M. Nevitt : Nous ne savons pas précisément en quoi vont consister les études régionales, mais elles visent à nous permettre de poser un certain nombre de questions. Étant donné que les plans d'utilisation des terres ne sont pas terminés dans toutes les régions, ces études constituent simplement un outil de plus pour nous. Elles seront menées par le gouvernement. Au bout du compte, c'est Affaires autochtones et Développement du Nord Canada ou le ministère responsable qui va s'en occuper.
Je doute que nous puissions dire avec certitude quel sera leur objectif final, mais tout ce que je peux dire selon la description qui a été donnée, c'est que les études régionales pourraient nous aider ainsi que les promoteurs à obtenir l'orientation nécessaire.
La sénatrice Seidman : Le site Internet de votre office semble indiquer qu'il manque 6 membres sur 20. Autrement dit, six postes sont vacants, n'est-ce pas?
M. Hagen : Je ne sais pas. Les nominations se font soudainement, et nous ne l'apprenons que le jour même. Il y en a peut-être eu d'autres, mais depuis la mise sur pied de l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie, l'opportunité des nominations pose un grand problème.
En toute équité, le blâme ne revient pas toujours au gouvernement fédéral. Il faut tenir compte des organismes de nominations, des gouvernements autochtones dans la vallée et des gouvernements territorial et fédéral. Les candidats sélectionnés ne sont pas toujours les meilleurs. Certains d'entre eux ont un casier judiciaire et sont rejetés sur le tard, parce que les vérifications de sécurité n'avaient pas été effectuées. Il aurait fallu écarter ces candidatures avant de les soumettre. Parfois, un différend fait en sorte que les gouvernements fédéral et territorial ne se communiquent pas les candidatures.
C'est un processus qui n'en finit pas. On peut rejeter le blâme de part et d'autre, mais en fin de compte, l'office en pâtit, car nous atteignons parfois à peine le quorum. Souvent, nous avons bien du mal à simplement traiter les candidatures.
C'est un problème récurrent, et nous espérons que ce nouveau projet de loi visant à créer un seul office permettra d'y porter une attention plus soutenue.
La sénatrice Seidman : Avez-vous des recommandations sur la façon d'améliorer le processus, si c'est une source de frustration? Vous dites aussi avoir peine à atteindre le quorum. Concernant les longs délais menant à la délivrance de licences importantes, vous craignez que le mandat de trois ans d'un membre se termine au cours de l'examen, vous empêche d'atteindre le quorum et exige de reprendre les démarches depuis le début.
Je crains que ce problème et celui des postes vacants nuisent à l'efficacité de l'office. Avez-vous une recommandation à faire pour apporter des améliorations?
M. Hagen : Je pense que nous pouvons tous proposer des solutions à ces deux problèmes distincts. Pour Zabey, la difficulté opérationnelle réside dans le besoin d'informer les intéressés, si nous avons à peine le quorum. John Donihee pourrait commencer.
John, vous pourriez expliquer que les changements apportés à la Loi sur l'Office national de l'énergie n'obligent pas forcément ceux qui ont reçu les témoignages à faire partie du quorum.
M. Donihee : La Loi sur l'Office national de l'énergie permet au président d'intégrer un membre à l'office durant le processus, même si cette personne n'était pas présente à l'audition des témoignages.
En général, les gens qui entendent les témoignages doivent bien sûr former le groupe de décision et faire partie du quorum. Comme l'a dit M. Hagen dans l'exposé, le quorum n'exige maintenant que trois membres. Selon le projet de loi, le quorum des conseils de cogestion doit se composer d'un membre nommé par un groupe autochtone et d'un membre nommé par le gouvernement.
La difficulté que nous rencontrons, c'est qu'au terme du mandat d'un membre, M. Hagen doit écrire au ministre. Si ce dernier répond sans délai, la question est réglée, mais au cours d'un examen, nous avons beaucoup de pain sur la planche. Il ne nous paraît pas très efficace de forcer le président du tribunal à écrire au ministre durant le processus, simplement pour s'assurer que nous ayons le quorum.
Il y a une façon bien plus simple d'y arriver, comme nous l'avons indiqué dans l'exposé que vous a présenté M. Hagen.
C'est ce qui nous préoccupe concernant l'échéance du mandat des membres. Je vais laisser mon collègue répondre à la question sur les nominations.
M. Nevitt : Une de nos principales difficultés opérationnelles, c'est de gérer la continuité de l'office et la durée des mandats des membres. Souvent, la composition de l'office change lorsque ses membres ont reçu une formation complète et possèdent toutes les compétences relatives à certains grands projets qu'ils examinent. Si une nouvelle personne est nommée, nous devons tout de suite reprendre les travaux depuis le début.
Je me suis aperçu que le mandat de trois ans des membres actuels laisse peu de temps pour mener à bien le processus en cours, mais aussi de la gestion continue d'un projet de mine de diamants, de pipeline ou d'exploration pétrolière et gazière. Ces projets se déroulent sur 15 ou 20 ans. Certains membres de l'office sont peut-être satisfaits de la durée actuelle, mais un mandat plus long aiderait beaucoup à conserver le savoir que nous avons acquis.
Très tôt dans l'étude de ce projet de loi, nous avons recommandé d'accorder des mandats plus longs aux membres de l'office. La question a été réglée en partie par les recommandations visant à prolonger le mandat des membres qui participent à un examen courant, mais des mandats plus longs dès les nominations seraient utiles.
M. Hagen : J'ajouterais qu'il faut comprendre que le Nord est un très vaste territoire avec une population de moins de 40 000 personnes, ce qui rend toujours difficile le recrutement de membres qualifiés pour l'office. Lorsqu'on déniche la perle rare, il est avantageux de pouvoir la garder, d'autant plus qu'il est très ardu de trouver qui que ce soit qui n'est pas en situation de conflit, qu'il s'agisse d'intérêts commerciaux ou politiques, étant donné les nombreux liens qui ne manquent pas d'exister au sein d'une population aussi réduite. Il faut aussi préciser que les membres travaillent à temps partiel et ne sont rémunérés que lorsqu'ils doivent évaluer une demande. Chacun a donc ses propres activités et son emploi par ailleurs, tant et si bien que l'on ne peut pas toujours faire appel à ses services au moment voulu.
L'Office national de l'énergie (ONE) peut compter sur des membres à temps plein dont le mandat dure de cinq à sept ans. Il faut réaliser qu'il s'agit d'une grande organisation qui intervient partout au Canada. Mais si on veut prendre l'ONE pour modèle, on doit constater que cette formule fonctionne bien, et ce, depuis bientôt 54 ans.
Il n'est donc pas facile de trouver des membres qualifiés. Cela ne fait aucun doute. Les gens du cabinet du ministre des Affaires autochtones seront les premiers à vous le dire. À mon avis, la façon de procéder actuelle ne fonctionne pas. Il serait préférable que nous puissions garder les membres le temps de quelques mandats.
La sénatrice Seidman : Vous avez en quelque sorte répondu à ma question, car je voulais savoir quelle serait la durée idéale d'un mandat, si trois ans c'est trop court. Vous proposeriez donc de cinq à sept ans?
M. Hagen : C'est exact. Le mandat actuel est de trois ans. Même pour une personne instruite qui a une bonne connaissance du territoire et des éléments pertinents, il faut un certain temps pour comprendre le processus réglementaire. Voilà bien des années que je travaille au sein du système à titre de président et je dois tout de même m'en remettre à notre conseiller juridique pour répondre à certaines des questions que vous me posez. C'est notre réalité. Toutes ces questions peuvent parfois devenir très compliquées, et même une personne instruite et intelligente n'en a pas trop de trois ans pour vraiment arriver à y voir clair, et c'est à ce moment-là que l'on perd bon nombre de nos membres. C'est un peu comme un portefeuille d'actions; on investit beaucoup d'argent dans une personne et il serait bon de pouvoir la garder en poste.
Le sénateur Black : Monsieur Hagen, vous avez soulevé un point fort intéressant que j'ai noté ici. J'aimerais juste m'assurer que je vous ai bien compris.
Vous avez indiqué que les revendications territoriales non réglées avec trois des groupes autochtones maintiennent un climat d'incertitude qui nuit au développement. Est-ce bien ce que vous avez dit?
J'aimerais que vous nous indiquiez dans quelle mesure vous croyez que cela peut faire obstacle à votre travail.
M. Hagen : Il faut d'abord savoir que c'est un très vaste processus qui peut devenir très complexe avec le temps. À titre d'exemple, les Dehcho ont peut-être fait la moitié du chemin dans leurs négociations en vue d'un accord sur les revendications territoriales. Il y a donc encore bien des manœuvres qui ont cours. Comme je l'indiquais dans ma déclaration préliminaire, la majorité des 83 demandes d'évaluation environnementale émanent des régions où les revendications territoriales n'ont pas été réglées.
Dans certains cas, il y a des raisons valables. Dans d'autres situations, c'est une tactique de négociation qu'on utilise. Certaines instances sont autorisées à procéder à des renvois aux fins d'une évaluation environnementale. Elles se prévalent de cette option, notamment parce que cela s'inscrit dans leur stratégie de négociation. Elles utilisent donc le régime réglementaire totalement à l'encontre des objectifs visés au départ. Ce n'est pas la norme, mais c'est une chose qui arrive et c'est ce qui explique ces statistiques.
Cela étant dit, on s'efforce, dans certains cas depuis 25 ans, de conclure des accords sur les revendications territoriales. Les reproches ne manquent donc pas de fuser. Ce n'est pas le gouvernement fédéral qui est à blâmer; je crois que les trois ou quatre derniers gouvernements élus ont essayé de conclure des ententes dans ces régions, mais que ces efforts n'ont pas porté fruit.
Reste quand même que les promoteurs ne bénéficieront jamais du niveau de certitude voulu, lequel fait partie des arguments avancés en faveur d'une structure à office unique. Il n'y aura ainsi jamais de certitude tant que les revendications territoriales ne seront pas réglées. Ce n'est pas plus compliqué que ça.
Le sénateur Black : Tout à fait. Et on peut extrapoler en ajoutant que cette incertitude accroît les risques du point de vue économique.
M. Hagen : Sans l'ombre d'un doute.
Le sénateur Mitchell : J'aimerais poursuivre dans le sens des observations du sénateur Black. Je crois que c'est un peu ce que disait également le sénateur Wallace. C'est de toute évidence un aspect qui nous intéresse.
Mis à part le fait que le processus de négociation des accords sur les revendications territoriales crée de l'incertitude, notamment en raison du recours aux évaluations environnementales parce que cette option est disponible et peut servir de levier de négociation, quels éléments d'un tel accord peuvent procurer le degré de certitude souhaité? Est-ce qu'un accord semblable est nécessairement assorti d'un plan d'aménagement du territoire? Est-ce qu'il établit certaines structures ou prévoit des engagements envers votre office, par exemple? Quelle si grande différence peut faire un accord sur les revendications territoriales?
M. Hagen : Je dirais que l'accord sur les revendications territoriales vise d'abord et avant tout à établir la propriété des terres. Par exemple, les Gwich'in pourraient se vanter de posséder 100 p. 100 de la région revendiquée. J'étais président et négociateur lorsque nous avons signé cet accord avec le gouvernement Mulroney alors au pouvoir. Je crois que nous avons bien fait notre travail, car nous avons obtenu un vote favorable dans une proportion de 94 p. 100, un taux qui n'a pas encore été battu au Canada.
Nous avons obtenu des droits fonciers et tréfonciers en fief simple sur une superficie de près de 10 000 milles carrés. Nous avons donc un propriétaire unique sans aucun intérêt de tierces parties, ce qui rend les choses très simples pour les promoteurs. Il suffit de s'adresser au propriétaire pour obtenir des concessions afin de faire de l'exploration pétrolière, et d'établir ensuite des partenariats.
Les choses deviennent donc très simples. Vous évitez tous les problèmes qui se posent dans les régions où les revendications territoriales ne sont pas réglées et où les terres appartiennent en fait à la Couronne. Il peut y avoir de nombreux intérêts en jeu, mais cela demeure bien sûr des terres autochtones qui sont revendiquées par voie de négociation. La situation est vraiment problématique dans ces régions-là.
Dans les régions où les revendications ont été réglées, avant de pouvoir conclure une entente comme ce fut le cas pour les deux grandes mines de diamants de la région des Tlicho, il faut négocier une entente sur les répercussions et les avantages de telle sorte que les Autochtones soient les principaux bénéficiaires de l'exploitation de leurs terres.
Comme M. Nevitt a participé aux négociations dans la région des Tlicho, il pourrait peut-être vous en dire plus long au sujet de quelques-unes de ces ententes sur les répercussions et les avantages, les premières à être conclues dans les Territoires du Nord-Ouest, soit dit en passant.
M. Nevitt : Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce qui vient d'être dit. Il va de soi que ces accords apportent à la Première Nation et au promoteur un degré de certitude quant aux exigences à remplir. Lorsqu'un territoire vous intéresse, vous savez qui en est propriétaire. Les choses ne sont pas toujours claires dans ces régions, car il y a une combinaison de terres appartenant à la Couronne et aux Premières Nations, mais les accords permettent de préciser tout cela.
Il faut savoir par ailleurs quel processus réglementaire va s'appliquer. C'est un autre élément qui est précisé et accepté par les parties. L'aménagement du territoire dont nous parlions tout à l'heure s'ajoute à tout cela. Ainsi, la quasi-totalité des accords vont prévoir l'élaboration d'un plan d'aménagement du territoire suivant une formule de cogestion qui va faire intervenir le gouvernement fédéral, le gouvernement ténois et les autres parties prenantes. Règle générale, ce n'est pas une seule des parties qui s'en charge. Tout le monde accepte et comprend qu'un processus de collaboration est en place.
Comme les exigences à cet effet sont souvent incluses, une autre section de l'accord sur les revendications territoriales traitera plus précisément des ententes sur les répercussions et les avantages, des modalités d'accès ou des objectifs d'emploi. Ces accords sont très détaillés. Toutes les mesures à prendre par un promoteur intéressé sont définies clairement, ce qui réduit le niveau d'incertitude.
M. Hagen : Et la certitude est d'autant plus grande que ces accords jouissent de la protection de la Constitution canadienne. Il y a des règles quant à la façon d'accéder aux terres et d'en ressortir; les gens de l'industrie les connaissent et s'en réjouissent.
Le sénateur Mitchell : Voilà qui m'aide à mieux comprendre. Merci beaucoup.
Le sénateur Patterson : Si l'on en revient aux consultations qui ont mené à ce projet de loi, je crois que tout le monde sait que M. McCrank a procédé à son examen du régime réglementaire appliqué dans le Nord dans le but de le simplifier et de le rendre plus efficient.
Ce projet de loi propose l'élimination de trois groupes d'experts régionaux pour confier toute la responsabilité réglementaire à l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie. Vous seriez le premier président de cette nouvelle instance.
Je suis persuadé que certains dirigeants autochtones régionaux vous ont fait valoir qu'ils y perdront au change avec l'adoption de ce projet de loi et la dissolution des groupes régionaux. On a parlé — et peut-être était-ce à tort et à travers — d'un super office qui serait basé à Yellowknife et moins à l'écoute des préoccupations des régions.
Monsieur Hagen, pouvez-vous nous dire comment vous répondez à ces préoccupations que vous avez sans doute entendues lors des audiences d'hier? Comment allez-vous vous assurer de continuer à représenter et à prendre en compte les points de vue régionaux?
M. Hagen : Merci pour votre question, sénateur. Certains dirigeants autochtones sont actuellement en route vers Ottawa pour témoigner devant vous jeudi, si je ne m'abuse. Ils ont exposé avec grande passion leurs arguments en faveur du maintien des conseils régionaux. Ils vont certes vous en faire part également.
Nous nous préparons en prévision de l'adoption du projet de loi C-15. Je crois que M. Nevitt fait partie d'un groupe de travail et pourrait vous indiquer comment les choses prennent forme. Le processus vient à peine de s'enclencher. Le ministère des Affaires autochtones n'a toujours pas annoncé de budget. Il nous est difficile d'obtenir la participation de toutes les régions. Il va de soi que le nouvel office comptera un membre de chaque région, mais ces membres seront au service des gens des Territoires du Nord-Ouest et de tout le Canada. Ils ne seront plus là simplement pour représenter leurs régions respectives.
Nous avons des bureaux locaux dans les régions des Gwich'in, des Sahtu et des Tlicho, et M. Nevitt travaille avec les gens du ministère à l'établissement du bureau principal à Yellowknife. Monsieur Nevitt, aviez-vous quelque chose à ajouter? Je sais que c'est un peu difficile, car le processus s'amorce à peine.
M. Nevitt : La réponse officielle serait que la démarche en est effectivement à ses premiers balbutiements. Nous attendons que le projet de loi soit adopté pour avoir une meilleure idée du moment où les changements prévus pourraient être mis en œuvre. Pour nous assurer l'apport de tous, nous nous employons à faire le nécessaire à tous les niveaux, que ce soit à l'échelle de l'Office de la vallée du Mackenzie ou au sein des groupes régionaux. Nous espérons ainsi faire en sorte que chacun ait son mot à dire dans le processus décisionnel.
M. Hagen : Sénateur, nous avons bien sûr établi d'excellentes relations de collaboration. Après une dizaine d'années dans notre rôle d'agence de réglementation, nous avons développé une grande loyauté envers les groupes d'experts régionaux et les régions elles-mêmes. Nous comprenons leurs préoccupations et nous les partageons. Nous sommes conscients de l'attachement et de la loyauté de chaque région envers son propre office, comme les dirigeants autochtones ne manqueront pas de vous le dire lors de leur témoignage.
Il y a une façon d'assurer la pleine participation des régions à ce processus, et je pense qu'il faudra simplement du temps. J'estime qu'on en viendra à constater que les régions adhèrent totalement au concept de l'Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie. Leur contribution intervient à ce niveau. Comme vous le savez, les connaissances traditionnelles sont très importantes. Vous avez été premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, lesquels englobaient alors le Nunavut. C'est une chose que ces collectivités ont à cœur. Elles ont peut-être l'impression d'être perdantes en raison de la dissolution des groupes régionaux, mais le nouveau régime prévu dans le projet de loi peut permettre de combler cette perte.
Le sénateur Patterson : Vous avez recommandé des amendements techniques que je ne suis pas sûr de bien comprendre, bien que je sois persuadé qu'ils sont mûrement réfléchis. Si l'on fait abstraction de ces considérations techniques et des points que vous avez soulevés aujourd'hui à cet effet, j'aurais une question à vous poser en tant que premier président de cet office. Votre office a participé à l'élaboration de ce projet de loi en analysant ses différentes versions. Vous avez eu votre mot à dire quant à sa forme finale. Croyez-vous vraiment être en mesure de faire fonctionner le nouveau régime?
M. Hagen : Merci pour votre question, sénateur. Il faut d'abord se dire que c'est une réalité à laquelle nous ne pouvons pas échapper. Nous devons donc nous arranger pour que ça fonctionne. Quant à savoir si cela fonctionnera très bien, on doit comprendre que cela demeure une loi fédérale, et que notre financement ne vient pas du territoire ou du processus de dévolution, mais directement du ministère des Affaires autochtones. Alors, notre efficacité à connaître un bon départ et à accomplir un travail adéquat pour desservir tout le territoire, hormis les terres visées par la Convention des Inuvialuit, dépendra des outils mis à notre disposition et, bien évidemment, du budget qui nous sera octroyé. Nous subissons des compressions année après année, mais nous comprenons la situation. Les restrictions financières sont le lot de tout l'appareil gouvernemental partout au pays. Nous acceptons cette réalité, mais cela ne nous facilite pas la tâche pour autant. Nous avons perdu certains collaborateurs compétents en raison de ces contraintes budgétaires. Si l'on poursuit dans le même sens en négligeant de nous fournir le soutien financier et les outils nécessaires, il sera très difficile pour nous de réussir à mettre sur pied cet office unique comportant de nombreuses composantes, entraînant bien des complications et se heurtant à une forte résistance.
Le sénateur Patterson : Je suis persuadé que vous serez à la hauteur.
Le président : Nous n'avons pas d'autres questions pour nos témoins d'aujourd'hui. Monsieur Hagen, je suis convaincu que vous saurez relever ce défi tout en restant à l'affût des améliorations qui pourraient être apportées ultérieurement.
Messieurs Hagen, Nevitt et Donihee, nous vous remercions grandement pour le temps que vous nous avez consacré. Merci d'avoir contribué à notre étude avec vos observations fort intéressantes.
(La séance est levée.)