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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 5 - Témoignages du 6 février 2014


OTTAWA, le jeudi 6 février 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 7 h 59, pour étudier la teneur du projet de loi C-15, Loi remplaçant la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest afin de mettre en œuvre certaines dispositions de l'Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources des Territoires du Nord-Ouest et modifiant ou abrogeant la Loi sur les terres territoriales, la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest, la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, d'autres lois et certains décrets et règlements.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la Colombie-Britannique au Sénat et je suis président du comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux sénateurs, aux membres du public ici présents et aux gens qui suivent nos délibérations sur le Web.

Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter. Je présenterai d'abord le vice-président, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta.

Le sénateur Mitchell : Bonjour.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de Dryden, dans le nord-ouest l'Ontario.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Sibbeston : Nick Sibbeston, du même endroit que vous.

Le président : De plus, j'aimerais vous présenter le personnel qui nous appuie aujourd'hui : Marc LeBlanc et Sam Banks, de la Bibliothèque du Parlement, et notre greffière, Mme Lynn Gordon.

Nous en sommes à notre sixième réunion consacrée à notre étude préliminaire du projet de loi C-15, dont le titre abrégé est : Loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest. Ce projet de loi a été présenté à la Chambre des communes le 3 décembre 2013.

J'ai le grand plaisir d'accueillir les représentantes d'Ecology North : Mme Christine Wenman, qui est gestionnaire, Politique et planification, et Mme Dawn Tremblay, chef de bureau.

Je crois savoir que vous souhaitez faire un exposé. Ensuite, nous passerons aux séries de questions. Je rappelle à tout le monde que nous avons prévu une heure pour cette portion de la réunion.

Dawn Tremblay, chef de bureau, Ecology North : Je m'appelle Dawn Tremblay, et voici Mme Christine Wenman. Nous travaillons toutes les deux chez Ecology North. Toutefois, le mémoire résulte de la collaboration d'Ecology North et d'Alternatives. Même si Alternatives North ne figure pas à l'ordre du jour, je tiens à en faire mention et à reconnaître que nous parlons aussi au nom de cet organisme.

Alternatives North est une coalition de justice sociale qui réunit des représentants d'églises, de syndicats, de groupes de lutte contre la pauvreté, défenseurs des droits des femmes et des familles, ainsi que des particuliers. En fait, les particuliers jouent un rôle très important au sein de cet organisme.

Ecology North est une organisation communautaire. C'est un organisme de bienfaisance enregistré sans but lucratif qui vise à regrouper le savoir et les gens dans le but de favoriser un environnement sain dans le Nord.

Le projet de loi C-15 est volumineux; nous ne l'avons pas examiné en entier. Le mémoire que nous avons présenté avec Alternatives North traite de plusieurs de nos principales préoccupations. Nous aborderons trois de ces préoccupations aujourd'hui. Elles se rapportent à la partie 4, qui traite de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie.

Premièrement, nous tenons à dire que la partie 4 doit être séparée du reste du projet de loi. Le Parlement doit se prononcer sur la partie 4 lors d'un vote distinct de celui sur les parties du projet de loi sur le transfert des responsabilités. Les gens peuvent être entièrement pour le transfert des responsabilités et contre la partie 4, et ce, pour diverses raisons. La partie 4 ne concorde pas au principe de transfert des responsabilités. À notre avis, cela ne permettra pas de rendre le régime de réglementation plus efficace, efficient ou équitable, et rien ne permet de le supposer.

L'appui à cette partie du projet de loi est faible, ce qui nuit aux efforts visant à créer des conditions propices à la croissance économique, à la prospérité et au développement à long terme dans les Territoires du Nord-Ouest.

Je suis née dans le Nord et j'y ai grandi; il m'apparaît de plus en plus évident que notre structure sociopolitique unique a eu une incidence sur de nombreux aspects liés à la gouvernance, dont la gestion des ressources.

Le tissu social des Territoires du Nord-Ouest est unique; la population y est diversifiée, et cela englobe les Premières Nations autogérées. Les débats et les divergences d'opinions sont chose courante, mais la recherche d'un terrain d'entente est un principe de gouvernance qui se reflète dans la structure politique des Territoires du Nord-Ouest.

À Yellowknife, pendant les audiences du comité parlementaire, une prise de position claire a été exprimée sur la question. La partie 4 du projet de loi C 15 doit faire l'objet d'un débat et d'un vote distinct de la question du transfert des responsabilités.

Christine Wenman, gestionnaire, Politique et planification, Ecology North : Je vais poursuivre en disant que c'est sans doute le point principal que nous voulons faire valoir aujourd'hui : ces deux parties du projet de loi ne vont pas ensemble. Leur esprit, leur intention et leur effet sont totalement différents; il faut donc en débattre séparément. Nous avons d'autres commentaires qui portent plus précisément sur les modifications à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie proposées dans le projet de loi.

Fait important, la loi prévoit le démantèlement du cadre réglementaire actuel en éliminant les offices régionaux des terres et des eaux. Il n'existe aucune preuve documentée indiquant que ces offices régionaux contribuent à l'inefficacité ou à une réduction des investissements dans les Territoires du Nord-Ouest. Il faut compléter le système au lieu de l'éliminer. Pour cela, il faut terminer les plans d'aménagement du territoire et poursuivre la négociation d'ententes sur les revendications territoriales en suspens.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, on observe que dans les régions où les revendications territoriales sont réglées, le système fonctionne comme prévu, c'est un système de cogestion intégrée très efficace. Le système actuel permet de satisfaire efficacement aux responsabilités prévues au moment de la rédaction de la loi.

Éliminer le concept de zones de gestion de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie ne fera qu'accroître les inefficacités et nuire à la clarté étant donné que les zones de gestion demeurent liées aux ententes sur les revendications territoriales et les mesures législatives connexes, comme les plans d'aménagement du territoire existants.

Nous sommes d'avis que l'élimination des offices régionaux entraînera des problèmes d'ordre logistique. Par exemple, nous considérons que les modifications proposées permettraient que des groupes d'experts régionaux de trois membres soient chargés de certains projets. Étant donné le quorum nécessaire, on pourrait se retrouver dans une situation où seulement deux personnes prendraient des décisions pour un projet donné, et rien dans la mesure législative proposée ne garantit une représentation régionale au sein de ces groupes. Cela entraîne des problèmes liés au quorum. Nous croyons que cela augmentera les contestations et les désaccords dans la région.

Les modifications à la loi ne permettent pas de dire si le personnel régional sera touché, mais la mesure législative ne garantit certainement pas son maintien en poste. Si le personnel était touché, les changements auraient pour effet de réduire l'accès aux services de l'office; le rôle de l'office en tant qu'intermédiaire auprès des régions serait réduit, ce qui entraînerait des problèmes de communication entre la population et les décideurs et menacerait ainsi les relations constructives existantes. Cela aurait un effet négatif sur les investisseurs, entraînant la création d'un contexte moins axé sur la collaboration, moins stable et plus conflictuel.

Dans les régions où les revendications territoriales ont été réglées, comme la région de Wek'èezhii, la région des Tlichos, dans les Territoires du Nord-Ouest, on constate que les investisseurs et l'industrie ont établi des relations fondées sur une excellente collaboration avec les organismes de réglementation. Il serait dommage de mettre ces relations existantes en péril.

En raison de tous ces problèmes d'ordre logistique, nous sommes convaincus que ces modifications n'amélioreront pas le système. En fait, elles le rendront plus incohérent et moins efficace.

L'autre enjeu thématique que nous avons relevé au sujet des modifications proposées à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie est l'accroissement des pouvoirs ministériels. On le remarque à divers endroits. Par exemple, le ministre détient un pouvoir de décision relatif aux délais, ce qui devrait toujours relever de l'office, puisque c'est l'office qui règle les enjeux sur le terrain.

De même, le gouvernement fédéral a davantage d'occasions d'imposer des politiques exécutoires aux offices d'aménagement du territoire et à l'Office d'examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie. Le président sera nommé par Ottawa et non par les membres de l'office eux-mêmes, comme le prévoit le processus actuel. Ces modifications réduisent le rôle quasi judiciaire des offices et entraînent une politisation de la prise de décisions en matière de réglementation.

L'augmentation des pouvoirs du ministre affaiblit les principes de cogestion sur lesquels sont fondés le processus de réglementation et les ententes sur les revendications territoriales. En effet, l'intégrité des offices repose sur le fait que ce sont des entités indépendantes et apolitiques.

Enfin, nous souhaitons faire valoir que même si des améliorations à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie et au régime de gestion de l'environnement dans les Territoires du Nord-Ouest sont nécessaires, ces améliorations doivent découler de vérifications environnementales prévues dans la loi elle-même.

La Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie prévoit un processus de vérification interne, soit une vérification aux cinq ans. Il y en a eu deux à ce jour : en 2005 et en 2010. Ce sont des vérifications exhaustives qui s'appuient sur une importante rétroaction bien documentée de la part du personnel de l'office, des gouvernements autochtones, des gouvernements territorial et fédéral, des représentants de l'industrie et de la population des Territoires du Nord-Ouest.

Peu de progrès — s'il y a lieu — ont été enregistrés sur bon nombre des principales recommandations de la vérification et le gouvernement fédéral n'a jamais fourni une réponse officielle. Or, diverses analyses du système réglementaire des Territoires du Nord-Ouest ont révélé que certains des enjeux structurels courants entraînent des retards dans le système. Pour résoudre ces questions, il faut que le fédéral exerce un rôle de chef de file. Il faut notamment négocier les ententes sur le règlement des revendications territoriales, achever les plans d'aménagement des terres, veiller à ce que les nominations et les approbations ministérielles soient faites en temps opportun et fournir les ressources nécessaires pour permettre à des personnes du public de prendre part aux processus réglementaires.

Contrairement à certaines modifications proposées dans le projet de loi C-15, comme l'élimination des offices régionaux, ces recommandations sont fondées sur des preuves empiriques et un consensus exprimé par les gens qui, dans leur vie et leur travail, doivent composer avec le régime de réglementation dans les Territoires du Nord-Ouest. Il s'agit de conseils utiles quant à la voie à suivre pour améliorer la loi.

Ce sont les points principaux que nous voulons faire valoir. Nous serons heureuses de répondre à toutes vos questions, qu'elles portent sur notre mémoire ou notre exposé.

Le président : Nous passons aux intervenants. Je cède d'abord la parole au vice-président, le sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Je vous remercie toutes les deux. Votre exposé correspond très bien à ce que nous ont dit les représentants des régions désignées, la région du Sahtu, la région des Tlichos et la région des Gwich'in. Y a-t-il d'autres organismes qui ont adopté le point de vue que vous défendez dans votre analyse?

Mme Wenman : Nous avons toutes les deux assisté aux audiences parlementaires de la semaine dernière, à Yellowknife. Bien entendu, puisque nous venons des Territoires du Nord-Ouest et étant donné la nature intégrée de son tissu social, comme Dawn l'a indiqué, nous sommes au fait du point de vue des autres. Il est étonnant de voir le consensus qui semble se dégager sur cette question dans un territoire aussi diversifié que les Territoires du Nord-Ouest. Même l'industrie — qui a probablement des points de vue différents des autres groupes sur l'amélioration du régime réglementaire — a d'importantes réserves sur le démantèlement de la structure régionale, par exemple, en raison des relations très constructives établies dans les régions où les revendications sont réglées.

À mon avis, qu'il s'agisse de gouvernements autochtones, de représentants qui travaillent dans ce régime, de membres de la collectivité ou d'organismes comme le nôtre qui représentent le public, il semble y avoir une position commune.

Le sénateur Mitchell : Nous avons entendu bien des arguments qui vont à l'encontre de votre position et ils sont parfois contradictoires, dans une certaine mesure. L'un de ces arguments, c'est que l'on n'a pas la capacité de pourvoir tous les postes de ces offices avec des gens qui ont le professionnalisme requis, voire de gens qui veulent s'acquitter de cette tâche. Un autre argument, c'est que malgré la disposition qui prévoit une représentation régionale au « superconseil », il y a aussi la possibilité de mettre en place des sous-conseils régionaux, ce qui est contradictoire, d'une certaine façon.

Comment réfutez-vous chacun de ces arguments? Vous l'avez fait, dans une certaine mesure, mais vous pourriez vous concentrer sur ces points précis.

Mme Wenman : Il y a trois points; je vais donc les aborder un par un.

Premièrement, on soulève souvent la question des compétences dans les Territoires du Nord-Ouest et parfois, je pense qu'on en a une idée faussée. Il y a énormément de gens compétents dans les Territoires du Nord-Ouest et il en va de même au sein des offices. Ces dernières années, les offices ont collaboré pour favoriser la croissance continue de cette compétence. Donc, il s'agit tant de compétence existante que d'une vision de l'avenir en vue de l'accroître, et je pense que les offices et les forums régionaux mis en place par les offices témoignent tant de la compétence actuelle que de la croissance à cet égard. Je n'ai pas vu de preuves qui appuient cette position.

Le deuxième point, c'est la possibilité d'une représentation régionale par l'intermédiaire des offices. Il existe des dispositions à cet égard. Par contre, il n'y a pas de garantie. J'ai soulevé ce point et c'est manifestement une préoccupation, tout comme le sont les problèmes de logistique liés au quorum et un seul office, ce dont j'ai aussi parlé.

Je suppose qu'il en va de même pour les sous-conseils régionaux. La façon dont cette loi sera mise en œuvre soulève bien des questions, mais il n'existe aucune garantie à cet égard. Je crois qu'une loi se doit de créer la plus grande certitude possible d'entrée de jeu. Je ne vois certainement pas ces sous-conseils dans le projet de loi.

Le sénateur Mitchell : Je suppose — et c'est peut-être plus qu'une supposition — qu'en réalité, le « superconseil » vise à rationaliser, à faciliter le développement et à créer une certitude. Ce sont des arguments que l'on avance, mais vous soulignez toutefois avec conviction qu'en réalité, le système actuel — avec ses divers offices — fonctionne plutôt bien et qu'en fait, l'industrie et les entreprises qui font appel à eux les trouvent très bien.

Y a-t-il eu des plaintes ou des préoccupations à l'égard de retards, des incertitudes ou des problèmes à faire avancer les projets de développement dans le cadre de la structure actuelle où l'on a divers offices?

Mme Wenman : Oui, bien entendu. Je pense que personne ne dira le contraire, mais lorsque l'on regarde certaines des analyses qui ont été faites, rien n'indique que ce soit lié aux offices régionaux. J'ai aussi abordé cette question dans mes notes d'allocution.

Il y a beaucoup de retards en raison des revendications territoriales non réglées, ce qui crée beaucoup d'incertitude quant au rôle des gens dans les prises de décisions. Malheureusement, les projets présentés se retrouvent liés à ces enjeux clés ou ces revendications territoriales.

De même, là où il existe des ententes sur les revendications territoriales, mais qu'il n'y a pas de plan d'aménagement des terres, la situation peut devenir très difficile. Il est possible que des gens obtiennent un permis d'exploration et entreprennent des projets dans des régions où l'on a une idée générale d'une valeur précise sur le plan environnemental ou culturel, mais qui n'est pas encore inscrite dans la loi. Ces zones à accès interdit sont très importantes. L'industrie l'a indiqué à maintes reprises par l'intermédiaire d'un grand nombre d'organismes représentatifs.

Le projet de loi ne contient aucune mesure permettant de régler les principaux retards. Nous voyons des retards au chapitre des nominations ministérielles et de l'approbation des recommandations de l'Office d'examen des répercussions environnementales.

Comme vous l'avez fait remarquer, j'ai souligné que cette mesure législative pourrait entraîner des retards supplémentaires, et c'est ce que nous observons. À notre avis, sans représentation régionale — ce qui s'écarte des principes de cogestion découlant des ententes sur les revendications territoriales —, on risque de se retrouver dans un environnement de confrontation qui rendrait plus difficile la satisfaction des exigences en matière de consultation prévues à l'article 35. Cela aura sans doute pour effet de réduire la clarté et d'augmenter les retards.

Le sénateur Massicotte : Manifestement, nous vous sommes reconnaissants de votre exposé, et nous avons lu votre mémoire, mais j'aimerais m'assurer que je le comprends bien.

Cette loi est fort importante, mais vous êtes essentiellement d'accord pour dire que le transfert des responsabilités est une excellente idée. Vous l'appuyez entièrement, mais vous soulevez une question importante, à savoir la gestion des eaux et des terres, et deux questions sous-jacentes. L'une d'elles va à l'encontre du transfert des responsabilités, en ce sens que la loi semble accorder des pouvoirs supplémentaires au ministre, et vous n'accueillez pas favorablement les contraintes de temps dont certaines évaluations environnementales font l'objet. Est-ce que j'interprète votre mémoire correctement en le résumant de cette façon?

Mme Wenman : Oui, mais, en ce qui concerne les contraintes de temps, j'ajouterais peut-être que je m'oppose à la façon dont la loi décrit le pouvoir de déterminer ces contraintes comme étant ministériel.

Le sénateur Massicotte : Donc, le transfert des responsabilités est une bonne chose. C'est l'observation qui importe.

Vous n'approuvez pas la partie 4, en particulier. À cet égard, je ne sais pas si vous avez entendu le témoignage que M. McCrank a apporté la semaine dernière. Son rapport est probablement à l'origine du principal argument avancé pour justifier la création des superoffices, et je pense que vous conviendrez de cela. M. McCrank a déclaré que, lorsqu'il a discuté de ses idées avec les gens du Nord, elles ont fait l'objet d'un large consensus, mais non d'un assentiment complet. Il soutenait qu'il n'était pas question de ne pas charger les gens de la région — les conseils locaux, appelez-les comme vous voulez — de déterminer l'utilisation des terres et des eaux, car ce sont les connaissances locales qui permettront aux gens de prendre ces décisions. Cette participation est appropriée, puis on observe à l'échelle internationale d'autres formes de gouvernements qui sont en harmonie avec ce principe.

Cependant, une fois qu'on a déterminé la façon dont on va utiliser les terres, les principes sur lesquels on va se baser et ce qui devrait être autorisé, M. McCrank a indiqué que la gestion de ces principes devrait être centralisée, par souci d'efficacité.

J'ai travaillé dans l'immobilier pendant la majeure partie de ma vie, et cette idée cadre avec ce que nous observons dans les autres villes et les autres pays. Autrement dit, la population locale participe activement à la détermination de l'utilisation des ressources, mais lorsqu'il est question de la gestion — et non des principes — et de sa mise en pratique, il est habituellement plus efficace de la confier à une structure plus permanente.

Comment réagissez à l'argument qu'il a avancé?

Mme Wenman : Ma réaction comporte de nombreuses facettes. Je vais commencer par dire que j'approuve entièrement le recours à des plans d'utilisation des terres et que j'appuie le rôle absolument déterminant qu'ils jouent dans ce cadre de cogestion. C'est l'un des principaux arguments que M. McCrank faisait valoir, et c'est certainement vrai.

Il est ensuite un peu trompeur de laisser entendre que les unités régionales ont cessé d'avoir un rôle à jouer, et ce, parce que, premièrement, les accords sur les revendications territoriales et les mesures législatives qui ont été adoptées par la suite prévoient des unités régionales de gestion des terres, tel qu'en témoignent les plans d'utilisation des terres, comme je l'ai indiqué auparavant.

De plus, je pense qu'il surestime un peu ce que les plans d'utilisation des terres peuvent accomplir. Ces plans créent un contexte dans lequel il nous est possible de délimiter les zones où le développement peut avoir lieu et, avant toute chose, les aires qui doivent être protégées, et ce, dans les limites du système de réglementation même. Le système de réglementation est chargé de remédier localement aux grandes inquiétudes du public et à certains effets néfastes sur l'environnement.

Les offices prévus par le système de réglementation devront comprendre ces enjeux locaux, qui sont particulièrement propres au contexte. Par conséquent, je crois fermement qu'une représentation régionale a un rôle très important à jouer dans ce contexte, tout comme les relations régionales très constructives que nous entretenons pour contribuer à accroître l'efficacité de ces processus — comme celle que nous avons nouée avec l'office des terres et des eaux du Wek'èezhii dans une région précise.

La dernière observation que je formulerai à ce sujet est que le système en vigueur dans les Territoires du Nord-Ouest est intentionnellement un peu différent des systèmes observés dans le Sud — et je pense que les représentants des gouvernements autochtones qui sont venus témoigner devant vous aujourd'hui ou dans le passé, ou qui viendront dans les mois ou les années à venir, pourront vous en dire davantage à ce sujet. Le système est différent en raison des différences qui existent entre les régions. Ce territoire est extrêmement vaste, et il est peuplé par des Premières Nations dont l'histoire et les visions sont très différentes les unes des autres. Le système découle des négociations sur les revendications territoriales, et il fonctionne.

Le sénateur Massicotte : Pourrais-je cependant ajouter quelque chose à cet égard? Je pense que le principe consistera à établir un organisme de gestion plus important, une fois que vous vous serez entendus sur l'utilisation des terres et que vous aurez, entre autres, conçu le zonage et délimité les terres à utiliser. S'il y a des raisons de modifier les principes d'utilisation des terres — et je n'ai pas entendu M. McCrank mentionné cela —, l'étude de ces modifications devrait être renvoyée à la population locale, parce que ses membres sont ceux qui sont en mesure de définir la façon dont ils souhaitent que leurs ressources soient utilisées.

Si cet aspect était clarifié, cela vous satisferait-il? Vous autoriseriez le superoffice à assurer la gestion, mais, chaque fois que la question de l'utilisation des ressources serait soulevée, on permettrait à la population locale — je tiens à employer des termes génériques en ce moment — d'en décider. Si le projet de loi stipulait cela, cela vous satisferait-il?

Mme Wenman : Je ne suis pas certaine de comprendre ce que vous voulez dire.

Le sénateur Massicotte : Je pense que le projet de loi vise à garantir que le comité local prendra toujours les décisions concernant ces enjeux, mais, une fois qu'il aura établi les principes d'utilisation des terres et défini le zonage, la densité, et cetera, le projet de loi permettra au superoffice de prendre en charge la gestion et le processus permanent d'approbation. Toutefois, je crois comprendre que vous vous élevez également contre cela.

Mme Tremblay : Je suis simplement curieuse de savoir quel serait le but de cela.

Le sénateur Massicotte : En ce moment, votre rapport indique que, si l'on a l'intention de modifier le zonage ou l'utilisation des terres, ces questions doivent être soumises à la population locale. Je pense avoir compris votre opinion à ce sujet. Toutefois, à l'heure actuelle, la résolution de ces questions est confiée au superoffice.

Mme Tremblay : Vous avez piqué ma curiosité, car je saisis un peu ce que vous êtes en train de dire. Toutefois, je suis curieuse de comprendre la raison pour laquelle le processus ne se déroulerait peut-être pas totalement à l'échelle locale, mais plutôt à l'échelle régionale. Vous indiquez ensuite que la responsabilité de la gestion reviendrait au superoffice, puis qu'elle serait renvoyée là-bas. Pourquoi cette responsabilité devrait-elle aller et venir quand elle pourrait simplement être assumée en permanence par la population locale?

Le sénateur Massicotte : Autrement dit, le superoffice n'aurait pas le pouvoir de changer l'utilisation des terres, mais seulement de mettre en œuvre ces changements. Cela vous rassurerait-il, ou vous mettrait-il plus à l'aise?

Mme Wenman : L'argument que je tentais de faire valoir est qu'il y a d'autres facteurs à prendre en considération lorsqu'on examine les importants effets néfastes d'un projet précis ou les préoccupations du public à son égard. Que cette relation ou ce dialogue ait trait à une qualité particulière de l'eau, aux connaissances traditionnelles en matière d'utilisation des terres ou au rôle de régions particulières ou de la chasse de subsistance, ces communications sont extrêmement importantes et contribuent vraiment au bon fonctionnement du système, qui garantit que l'environnement est protégé de la façon la plus efficace possible.

Le sénateur Massicotte : Vous avez formulé des observations particulières à propos du moment choisi pour l'adoption du projet de loi. Je suppose que le gouvernement tente de régler cette question, en raison des expériences qu'il a vécues ailleurs. À moins de prévoir des échéances, le processus peut traîner éternellement.

Votre mémoire indique que cela n'a pas été votre expérience. Toutefois, j'ai dirigé différentes entreprises, et j'ai constaté que, la nature humaine étant ce qu'elle est, si l'on omet d'imposer des échéances aux gens, le travail n'en finit plus, parce que la perfection est inatteignable et que le temps imparti est toujours insuffisant. Ne convenez-vous pas qu'une décision arbitraire devrait, au moins, indiquer l'objectif à atteindre et préciser qu'avant de surpasser l'objectif, il faut consulter les personnes responsables? Sinon, la nature humaine prévaudra. Accordez aux gens deux ans pour accomplir une tâche, et ils mettront trois ans à l'achever; accordez-leur six mois, et ils en prendront neuf.

Mme Wenman : Je ne suis pas certaine que les gens soient principalement contre les délais, en particulier si une certaine marge de manœuvre est prévue pour tenir compte des circonstances qui surviennent. Une partie de l'analyse est liée à l'heure de tombée, aux personnes auxquelles elle s'applique et aux personnes qui l'établissent.

L'un des points que j'aimerais faire valoir est que ce contrôle sera désormais exercé par le ministre, au lieu de l'office. Voilà un autre problème qui pourrait créer des difficultés logistiques. D'un point de vue politique, ce genre de microgestion n'est vraiment pas justifié. En relisant le plus récent rapport de vérification, j'ai remarqué qu'une question intéressante y était soulevée. Le rapport faisait observer que, même maintenant, lorsqu'il est nécessaire de prolonger un délai, l'office doit approuver la prolongation. Un promoteur industriel qui demande une prolongation d'une semaine doit franchir les étapes d'un long processus. Il mettra peut-être trois semaines à obtenir une prolongation d'une semaine.

Nous constatons que, lorsque le processus décisionnel est transféré à un échelon politique, cela donne lieu à des possibilités d'ingérence et des délais supplémentaires et, dans la présente mesure législative, nous remarquons que l'éloignement du processus décisionnel va encore plus loin. Encore une fois, je pense que cela est susceptible de rendre le processus encore moins efficace.

La sénatrice Seidman : J'aimerais revenir sur la dernière question que le sénateur Massicotte vous a posée, mais je souhaiterais l'aborder sous un angle légèrement différent. Ce que vous proposez est grave, et nous devons prendre votre proposition au sérieux parce que vous demandez de dissocier des éléments du projet de loi, d'une manière qui reportera clairement les échéances et qui créera des délais.

Je vais vous lire très brièvement ce qu'a déclaré le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest. Je pense qu'à propos de la question même qui nous occupe, il a prononcé les paroles suivantes la semaine dernière, à Yellowknife :

Nous respectons la crainte que suscitent les améliorations proposées à la réglementation, mais nous ne croyons pas qu'il faille pour cela retarder le transfert des responsabilités que nous attendions depuis si longtemps.

[...] Nous devons nous concentrer sur le transfert des responsabilités et sur le but ultime que nous poursuivons depuis des décennies...

Il a poursuivi en disant ce qui suit :

J'ai toujours dit que le transfert des responsabilités nous ferait évoluer, et c'est toujours l'approche que je privilégie. Le système qui sera mis en place ne sera pas coulé dans le bronze. Notre territoire continuera de grandir et d'évoluer...

En ce moment, les gens se disent : « D'accord. Finissons-en. » Ensuite, une approche évolutive d'une sorte ou d'une autre sera adoptée.

Je pense que l'argument que le sénateur Massicotte faisait valoir était qu'on ne peut attendre que tout soit parfait, sinon cela n'aboutira jamais. Rien n'est parfait, et on ne peut pas toujours remplir toutes les conditions d'une entente. J'aimerais savoir comment vous réagissez à cette affirmation.

Mme Tremblay : Je suis entièrement d'accord avec vous; nous ne sommes pas parfaits, et la perfection n'est pas de ce monde. Toutefois, je crois qu'au cours de la même séance et après la déclaration du premier ministre, le conseiller juridique de la région du Sahtu a déclaré que l'ajout de la partie 4 était un peu ironique, étant donné que les changements qu'elle apporte n'ont pas fait l'objet d'un débat distinct.

Le transfert des responsabilités est un énorme enjeu, qui est sur la table depuis très longtemps. Par conséquent, nous sommes heureuses de constater qu'il aura lieu. Nous comprenons le choix du moment et tous ces aspects. Toutefois, l'ironie de la situation que le conseiller juridique a fait ressortir et que je trouve poignante est que, grâce au transfert des responsabilités, les Territoires du Nord-Ouest acquerront des pouvoirs; nous obtenons des pouvoirs sur certains éléments que nous ne détenions pas auparavant. Et pourtant, en accroissant les pouvoirs que le ministre détient au sein de la structure de gestion des ressources, Ottawa consent des pouvoirs, puis les reprend.

Par conséquent, nous remarquons que la mesure législative entraînera une certaine perte de pouvoir et que cette perte de pouvoir autorisera une ingérence et une politisation qui ne sont pas idéales et qui ne respectent pas l'esprit de la dévolution.

Mme Wenman : La présente question a été soulevée, mais n'a toujours pas été éclaircie. Les changements apportés à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie ne sont pas censés être mis en œuvre avant 2015. La dévolution fait l'objet d'un consensus beaucoup plus large dans les Territoires du Nord-Ouest. Les raisons pour lesquelles ces projets de loi doivent être retardés de manière aussi substantielle ne sont pas vraiment claires. Pour faciliter le transfert des responsabilités, il faut que des changements mineurs soient apportés à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie. Sinon, elle ne sera jamais parfaite, mais nous pourrions au moins mettre en œuvre un processus qui reconnaîtrait décemment la très vive opposition que ces changements suscitent dans les Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Sibbeston : Merci. Je veux vous interroger à propos de votre organisation. Je remarque que vous la qualifiez d'organisme populaire. Pourriez-vous nous décrire un peu le travail que vous faites? J'imagine que votre organisation se préoccupe de l'environnement, de l'écologie, du développement durable et d'autres enjeux de ce genre.

Comment reliez-vous vos activités et votre travail quotidiens aux diverses régions des Territoires du Nord-Ouest et, en particulier, au développement de leurs ressources? Intervenez-vous sérieusement dans ce domaine?

Mme Wenman : La majeure partie du travail que nous accomplissons dans l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest a tendance à être de nature communautaire. Nous exerçons donc un grand nombre d'activités d'éducation publique et de planification environnementale, en collaboration avec des personnes et des municipalités des quatre coins des Territoires du Nord-Ouest. Nous avons tendance à travailler à l'échelle locale, sauf lorsque surviennent des problèmes extrêmement importants qui ont des conséquences environnementales substantielles. Par conséquent, il est un peu inhabituel que nous intervenions autant dans une question de politique, mais celle qui nous occupe est extrêmement importante.

Bien que nous ayons tendance à ne pas travailler aussi souvent dans le domaine de la réglementation, au cours des dernières années, nous avons beaucoup travaillé en collaboration avec certains offices régionaux des terres et des eaux, en vue d'aider les collectivités à comprendre les exigences relatives à l'obtention d'un permis de gestion des eaux usées. Dans le cadre de ce travail, nous avons joué un rôle de collaboration auprès de certains offices régionaux, et cela nous a permis de prendre conscience de la mesure dans laquelle les relations qu'ils ont nouées, tant avec les membres des collectivités qu'avec les promoteurs industriels, sont constructives.

Le sénateur Sibbeston : Je suis parfaitement au courant du système qui est actuellement en place dans le secteur de la gestion des ressources. Tous les offices régionaux qui existent dans le Nord sont des projets menés dans un environnement contrôlé, et ils découlent des ententes sur les revendications territoriales qui ont été conclues avec diverses organisations du Nord. C'est très bien, parce que vous avez connu l'époque où les Autochtones n'exerçaient aucun contrôle sur le développement, disons. Le processus de règlement des revendications territoriales leur a permis d'avoir leur mot à dire sur tout développement qui se produit dans leur région et d'exercer un certain contrôle sur ces activités. Voilà pourquoi ces offices régionaux ont été établis.

Je suis conscient que M. McCrank est allé dans le Nord et a étudié la situation. Il a acquis son expérience en Alberta, et j'ignore si l'imposition d'un système albertain dans le Nord est une bonne idée, car regardez les sables bitumineux et l'effet qu'ils ont sur l'environnement. En général, les gens en Alberta ont l'impression de n'avoir aucun contrôle; quoi qu'il arrive, l'industrie prime, et ses effets sur l'environnement, entre autres choses, sont jugés secondaires.

D'une part, je me dis : « Wow! M. McCrank tente-t-il d'établir dans le Nord un système semblable à celui de l'Alberta, un système qui n'est pas très bon pour l'environnement, l'écologie, et cetera? » D'autre part, j'ai conscience de la nécessité de s'assurer que le processus de réglementation est simplifié.

Par exemple, dans la région du Dehcho, il y a une petite mine appelée Canadian Zinc. Huit années se sont écoulées depuis que ses dirigeants ont suivi les divers processus pour présenter une demande et obtenir un permis, entre autres choses. Malgré cela, la mine n'est toujours pas opérationnelle. Il se peut que ce soit le désavantage de cette structure, le pire scénario, si on veut. Par contre, je pense qu'au chapitre des revendications les choses bougent plus rapidement dans les endroits où des offices régionaux sont établis.

Pouvez-vous formuler des observations concernant les questions que j'ai soulevées?

Mme Tremblay : Oui. Je pense que vous soulevez une excellente question, à savoir que des revendications territoriales doivent toujours être réglées dans la région du Dehcho. C'est l'une des raisons pour lesquelles le développement dans cette région est problématique. Comme nous l'avons indiqué précédemment, les retards observés dans le système sont liés à un ensemble de revendications territoriales, et j'estime que cette observation est claire.

De plus, en ce qui concerne M. McCrank, la première chose à laquelle j'ai pensé quand vous avez abordé la question, ce sont les vérifications internes. Quand on s'autocritique, on est souvent capable de trouver ce qui ne fonctionne vraiment pas dans son système. Qu'il s'agisse de sa maison, de son école, de son entreprise ou de son milieu de travail, on connaît le système; on est donc le mieux placé pour le critiquer et tenter de l'améliorer.

Voilà qui amène de l'eau au moulin de Christine, qui a indiqué que les vérifications internes constituent la solution. Ce sont les recommandations qu'il faut vraiment mettre en œuvre pour que le système fonctionne mieux.

Le sénateur Sibbeston : Je peux vous dire que l'expérience m'a appris qu'il est extrêmement difficile de modifier les projets de loi dont nous sommes saisis. Une fois qu'un projet de loi est en place, particulièrement avec un gouvernement majoritaire et avec le Sénat étant ce qu'il est — le gouvernement y compte de nombreux membres —, il est très difficile de l'amender, vu que je crois que la Chambre des communes a entendu dire que dans le Nord, on considère sérieusement que le processus réglementaire que prévoit le projet de loi devrait être modifié. Il est très difficile d'apporter des changements.

Avec ce fait à l'esprit, s'il est une disposition que vous désiriez changer, quel est le plus important changement qui devrait être apporté, selon vous?

Mme Wenman : Divisez le projet de loi. Cette disposition n'y a pas sa place. On pourrait ensuite faire ce qu'il faut pour que les changements permettent d'instaurer un système plus efficace et plus cohérent.

Le sénateur Sibbeston : D'accord. Je présenterai alors une motion pour diviser le projet de loi, et nous verrons ce qu'il en advient.

Le président : Peut-être pourrais-je poser une question faisant suite à celle du sénateur Sibbeston. Ce dernier vit dans les Territoires du Nord-Ouest, où il a été premier ministre. Nous comptons parmi nous un autre ancien premier ministre des Territoires du Nord-Ouest. Notre comité dispose donc d'une bonne somme de connaissances.

Quand le sénateur Sibbeston vous a interrogées sur les activités de votre organisation communautaire, vous nous avez dit qu'il s'agissait d'un organisme sans but lucratif. Mais votre financement doit venir de quelque part. Je fais peut-être erreur, je ne sais pas. D'où viendrait-il?

Mme Wenman : Nous sommes presque entièrement financés par le gouvernement, projet par projet. Nous obtenons donc des subventions, des contrats ou des contributions pour des projets précis, travaillant avec les communautés pour résoudre des problèmes spécifiques.

Le président : D'accord. C'est donc un financement du gouvernement territorial. Est-ce exact, ou est-ce qu'il s'agit de financement fédéral?

Mme Wenman : Nous recevons les deux. Le rapport s'est inversé au cours des dernières années, et nous recevons davantage de financement territorial. Mais nous en obtenons encore du fédéral.

Mme Tremblay : Nous en recevons aussi des administrations municipales.

Le président : J'ajouterais également que comme dans la plupart des projets de loi, celui-ci comprend une disposition prévoyant un examen quinquennal; le projet de loi sera donc examiné dans cinq ans. Si quelque chose ne fonctionne pas, comme on l'entend parfois, le gouvernement qui sera au pouvoir à ce moment-là devra corriger le tir.

Le sénateur Sibbeston a aussi fait remarquer qu'il est difficile d'amender un projet de loi parce que le gouvernement est majoritaire. Je dirais que c'est vrai dans une certaine mesure; mais ce n'est pas vendredi dernier qu'on a commencé à préparer cette mesure législative. On y travaille depuis longtemps, pas seulement depuis que le présent gouvernement est au pouvoir. Ces idées sont préconisées depuis longtemps, même par vous, si je ne m'abuse. D'autres gouvernements fédéraux et territoriaux étaient donc au pouvoir quand une bonne partie de ces dispositions — je ne parle pas de l'ébauche finale, mais de bien des mesures — ont été négociées.

Je voulais simplement le faire remarquer. À moins que vous ne vouliez répondre, je peux passer au prochain sénateur.

Mme Wenman : Je répondrais seulement que c'est certainement le cas et que le projet de loi comprend assurément un certain nombre de changements que nous considérons positifs. Je crois comprendre, cependant, si je me fie à certains des travaux entrepris par le passé, que les travaux des deux dernières années étaient au mieux très axés sur la consultation, contrairement aux démarches précédentes, qui reposaient beaucoup sur la collaboration et qui cadraient davantage avec le cadre de cogestion instauré dans les Territoires du Nord-Ouest. C'est mon impression.

Le sénateur Patterson : J'aimerais remercier les témoins de comparaître.

Vous avez réclamé le règlement des revendications territoriales non réglées. Nous sommes évidemment d'accord avec vous. Vous avez également critiqué ce qu'on appelle le superoffice. Ce nom ne me plaît pas du tout; nous n'appelons pas l'office du Nunavut ainsi, même si le territoire qu'il couvre est bien plus vaste et contient des régions bien plus distinctes que ceux des Territoires du Nord-Ouest ou du Yukon.

Disons que nous réussissons à régler les revendications territoriales. M. McCrank, dans son témoignage de cette semaine, a supputé qu'il pourrait y avoir jusqu'à quatre revendications territoriales non réglées, voire davantage. Présumons donc que quatre revendications territoriales se règlent dans l'avenir. En vertu du projet de loi dans sa forme actuelle, si nous n'y apportons pas de modifications, chaque fois qu'une revendication territoriale est réglée, cinq personnes se joignent à l'office existant. Si on règle les quatre revendications territoriales et que cinq personnes s'ajoutent pour chacune d'entre elles, il s'ajouterait 20 personnes aux 15 membres en poste : l'office compterait donc 35 membres. Certains ont prévu qu'il pourrait en compter jusqu'à 55, si on tient compte de toutes les revendications territoriales à régler.

Vous êtes-vous demandé si ce système serait gérable dans l'avenir, si et quand nous réglons les revendications territoriales, comme vous l'avez réclamé?

Mme Tremblay : Puis-je demander un éclaircissement avant de répondre? Quelles sont les régions visées par les revendications territoriales qui seraient, selon lui, réglées?

Le sénateur Patterson : Je crois qu'il a parlé des régions du Dehcho et de l'Akaitcho, et de plusieurs revendications des Métis. Il pourrait y en avoir davantage.

Mme Tremblay : Je voulais simplement éclaircir ce point.

Mme Wenman : Je peux répondre à la question. Tant que les négociations sont en cours, on reste dans le domaine de la conjecture.

Pour avoir travaillé avec ceux qui participent à ces négociations directes, nous croyons comprendre qu'on cherche à en régler deux autres. Il est certainement possible qu'il y en ait quatre. Selon moi, certains des chiffres plus élevés sont certainement gonflés et incongrus. Ce n'est pas ce qui semble se passer aux tables de négociation.

Puisque l'office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie existe déjà pour les régions non visées par un règlement, si nous réussissons à régler les revendications dans l'Akaitcho et le Dehcho, il y aura un office de plus. Il faudrait instaurer quelque chose à l'échelle transrégionale. Cela ne me semble pas trop lourd.

Le sénateur Patterson : En écoutant votre exposé ce matin, j'ai eu l'impression que vous doutez beaucoup que ce système fonctionnera. Nous avons entendu le premier ministre Bob McLeod nous parler, et vous avez entendu les propos selon moi passionnés qu'il a tenus à Yellowknife au sujet de l'importance historique, affirmant qu'on réussirait à faire fonctionner le système. Je crois qu'il a dit que ce n'était pas un sprint, mais un marathon.

Vous avez indiqué ce matin que rien ne garantit la représentation régionale au sein des groupes régionaux. Vous conviendrez toutefois que le projet de loi a été amendé pour permettre, quand un projet existe dans une région, l'établissement de groupes régionaux et la nomination de celui qui les représentera devant l'office chapeautant cette région.

Dois-je comprendre que vous ne croyez pas que les représentants nommés à l'office agiront de bonne foi, conformément à l'esprit de l'amendement?

Mon deuxième point a un certain rapport. Vous avez affirmé qu'il n'était pas garanti que le personnel régional reste en poste et que les relations existantes pourraient en pâtir. Or, le premier ministre McLeod a abordé la question devant le comité, déclarant « Nous adopterons une approche décentralisée ». Son gouvernement a, il me semble, instauré 90 postes dans les régions. Il a ajouté qu'ils croyaient en une approche décentralisée. Ils avaient même, avec le ministre des Finances, élaboré un plan pour fournir des logements qui font actuellement défaut dans les régions. Il m'a semblé clairement déterminé à renforcer la présence régionale, si présence régionale il y a, dans le cadre du transfert.

Je crois que je veux peut-être vous provoquer un peu. N'êtes-vous pas un peu sceptique ou cynique à propos de la capacité du gouvernement territorial et du nouvel office? Vous savez que ce dernier sera présidé par Willard Hagen, un chef autochtone extrêmement expérimenté et, selon moi, crédible. Il supervisera la transition. Ne doutez-vous pas un peu que la population du Nord soit capable de faire fonctionner ce système?

Mme Tremblay : Tout d'abord, nous ne doutons pas de l'engagement du gouvernement à l'égard des régions. L'engagement qu'il a clairement pris sur le plan des emplois dans les régions est à mon avis excellent. Sachez toutefois que les emplois dans les régions sont légèrement différents des postes au sein d'un superoffice. Je voulais simplement souligner que nous appuyons les occasions d'emploi en région. Ce ne sont pas elles que nous remettons en question, mais plutôt la structure de l'office. Je cèderai la parole à Mme Wenman.

Mme Wenman : Au lieu de réitérer certains de mes propos précédents, je dirai que cet engagement fait chaud au cœur. Avec un seul représentant régional, il sera difficile du point de vue de la logistique d'assurer la représentation régionale au sein des groupes. C'est certainement un défi à prévoir. Je m'en tiendrai là

Le sénateur Patterson : Un bref commentaire?

Le président : Soyez très bref.

Le sénateur Patterson : Je ne cesse de m'étonner qu'on craigne qu'Ottawa continue d'exercer un pouvoir colonial dans le Nord canadien. Il y a la Constitution du Canada, les terres de la Couronne fédérale et d'autres travaux dans les Territoires du Nord-Ouest et les provinces, ainsi que les pouvoirs fédéraux dans des domaines comme les pêches et les océans, et les transports, pour n'en nommer que quelques-uns. N'est-il pas naïf de laisser entendre que le gouvernement fédéral devrait disparaître par suite du transfert de pouvoir? Il n'y a aucune province au Canada où les ministres fédéraux n'ont pas un rôle à jouer dans la gestion des terres et des ressources, et ce, en raison de la Constitution du Canada. J'aimerais vous demander ce qui suit : ne convenez-vous pas qu'en vertu de la Constitution, le gouvernement fédéral a de l'autorité, des pouvoirs et des terres dans le Nord? Il ne peut pas tout bonnement disparaître, car il abdiquerait ainsi ses responsabilités constitutionnelles.

Mme Wenman : Je suppose que j'éprouve de la difficulté à voir comment il s'agit d'une utilisation adéquate de ce rôle. Le gouvernement doit absolument exister. Il le fait actuellement par l'entremise du ministre, d'Environnement Canada et de MPO, qui interviennent dans les affaires réglementaires. Voilà la manière appropriée d'user de son influence. Mais comme je l'ai indiqué, je ne vois pas comment l'augmentation des pouvoirs ministériels au sein de l'office et dans le cadre lui-même permettra de créer un meilleur système. Rien de ce que j'ai vu ne le prouve.

Le président : Le sénateur Sibbeston a une brève question qui a un rapport avec celle du sénateur Patterson. Je regarde l'heure, et la sénatrice Ringuette, qui est la prochaine à intervenir, sera la dernière à poser des questions. Vous empiétez donc sur son temps. Faites vite ou vous devrez vous expliquer avec la sénatrice Ringuette.

Le sénateur Sibbeston : Il existe des dispositions sur les offices régionaux. J'ai remarqué que c'est seulement quand le président nomme, dans la mesure du raisonnable, un représentant d'une région; il n'est donc pas garanti que les régions y seront représentées. Ce n'est que lorsqu'on a déterminé qu'il est raisonnablement possible de le faire. Ce flou est préoccupant pour les groupes régionaux, car il n'y a pas de garantie. Je tiens à le souligner pour m'assurer que les gens comprennent que rien n'est sûr. Le projet de loi est vague à cet égard.

La sénatrice Ringuette : J'irai relativement rapidement.

Il y a plus de 10 ans, le Yukon a conclu une entente sur le transfert de responsabilités. Je voulais vous demander si vous avez observé la mise en œuvre de cette entente au cours de la dernière décennie et établi des comparaisons avec les points que vous avez critiqués dans ce projet de loi?

Mme Wenman : Comme nous l'avons déjà indiqué, nous n'avons pas analysé le reste de la partie du projet de loi portant sur le transfert de responsabilités. La majeure partie de notre analyse s'est réellement attardée sur l'examen interne effectué dans les Territoires du Nord-Ouest et sur les incohérences et les inefficacités de nos propres systèmes, dont Mme Tremblay a parlé précédemment. Nous ne nous sommes donc pas penchés sur cette question.

La sénatrice Ringuette : Auriez-vous des homologues au Yukon qui pourraient vous donner leur avis sur le fonctionnement du système et vous en révéler les avantages et les inconvénients? J'ai pris connaissance de votre analyse. Elle est très exhaustive. C'est probablement l'analyse la plus solide que j'ai vue au sujet du projet de loi. Comme votre travail s'effectue principalement à l'échelle locale et communautaire, je crois qu'il aurait fallu examiner vos attentes par rapport à ce qui s'est fait précédemment au Yukon pour déceler les failles, s'il y en a. Nous avons entendu des habitants du Yukon qui avaient des doléances semblables au sujet du transfert, ainsi que l'office. Ils semblent relativement satisfaits de la manière dont les choses se passent maintenant.

Mme Wenman : Comme Dawn l'a indiqué plus tôt, la communauté est très unie, et nous nous sommes surtout appuyés sur nos échanges avec d'autres personnes et les analyses effectuées par d'autres organisations dans le territoire. Des analyses ont été réalisées.

Par exemple, le Bureau d'examen des répercussions environnementales a préparé un prospectus où il établit des comparaisons avec d'autres provinces. Il a tiré de nombreuses leçons de ces dernières. Il s'est certainement intéressé au Yukon, entre autres, afin de trouver des solutions à ses problèmes opérationnels et apporter des améliorations. Les vérifications ont porté sur les autres provinces afin de recueillir des conseils. Nous en avons certainement tenu compte, même si nous n'avons pas repris le travail effectué dans ce document. De fait, ce dernier a inspiré un grand nombre des initiatives prises sur le terrain dans les Territoires du Nord-Ouest pour uniformiser les travaux entre les divers offices et pour améliorer certains des problèmes opérationnels. Il faut se rappeler qu'il s'agit d'un système qui est en maturation et qui n'est pas encore achevé.

La sénatrice Ringuette : J'aimerais faire une remarque au sujet de ce que Mme Tremblay a dit précédemment au sujet des vérifications et du fait que les gens qui travaillent dans le système savent comment présenter le mieux possible les recommandations. Habituellement, ce sont des tiers qui réalisent les vérifications, parce qu'il faut que ce soit une paire d'yeux différente qui examine les problèmes pour effectuer une meilleure analyse de la situation. Parfois, quand on est trop près du problème, les arbres cachent la forêt.

Merci beaucoup de votre exposé.

Mme Wenman : Merci. Sachez que si les vérifications sont réalisées par un tiers, ce dernier recourt beaucoup à la collaboration et à des audiences publiques afin de pouvoir utiliser l'information pour vraiment comprendre où les problèmes se posent.

La sénatrice Ringuette : Il s'agirait davantage d'un processus d'examen que d'une vérification.

Mme Wenman : C'est une tierce partie qui s'en est chargé. L'examen a été effectué par un tiers.

Le président : Voilà qui met fin à nos questions. Merci beaucoup, mesdames Wenman et Tremblay, d'avoir témoigné. Nous vous sommes très reconnaissants. Vous avez soulevé des points pertinents, dont nous tiendrons compte dans nos délibérations.

Je demanderai aux membres du comité de rester quelques instants pour une brève discussion. Que tout le monde quitte la salle, à l'exception du personnel.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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