Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 7 - Témoignages du 25 février 2014
OTTAWA, le mardi 25 février 2014
Le Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 32, pour étudier l'état actuel des programmes de « centres d'appels uniques » qui permettent, au Canada, d'identifier les infrastructures souterraines essentielles.
Le sénateur Grant Mitchell (vice-président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le vice-président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je suis Grant Mitchell. Je représente la province de l'Alberta au Sénat, et je suis vice-président de ce comité. Le sénateur Neufeld, le président, regrette de ne pouvoir assister à la réunion d'aujourd'hui.
[Traduction]
Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les sénateurs ainsi qu'à nos témoins. Bienvenue également à nos téléspectateurs de même qu'aux membres du public et du personnel ici présents. Je vais demander aux sénateurs de se présenter, après quoi je vous parlerai de l'objet de notre réunion avant de céder la parole à nos témoins.
Comme je le disais, je m'appelle Grant Mitchell et je représente l'Alberta au Sénat. Je suis vice-président de ce comité, mais comme notre président, Richard Neufeld, n'a pas pu être des nôtres aujourd'hui, on m'a demandé d'occuper le fauteuil. C'est donc avec plaisir que je préside cette séance.
J'aimerais vous présenter Mme Sam Banks, de la Bibliothèque du Parlement, dont les travaux de recherche nous sont d'un grand secours, et Mme Lynn Gordon, qui gère très efficacement les activités de notre comité, comme tous mes collègues le savent fort bien. J'invite maintenant ceux-ci à se présenter en commençant à ma droite.
Le sénateur Boisvenu : Je m'appelle Pierre-Hugues Boisvenu. Je vous souhaite la bienvenue.
Le sénateur Sibbeston : Je suis Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Sénatrice Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal.
La sénatrice Frum : Linda Frum, Ontario.
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
Le vice-président : Nous amorçons aujourd'hui une série de séances sur les programmes d'appel unique que bien des Canadiens connaissent mieux sous la désignation « Téléphonez avant de creuser ». C'est une initiative formidable de plusieurs entreprises et d'un groupe qui a été formé — et je vais laisser nos témoins nous en parler — pour contribuer à la prévention des perforations et des bris pouvant affecter nos infrastructures souterraines, nos canalisations et nos installations semblables. Ces incidents comptent pour une proportion considérable des problèmes touchant ces installations. C'est une étude importante parce que la sécurité est en cause tout comme l'efficience des entreprises. Question de mettre les choses en contexte, il est aussi intéressant de noter que cette étude découle en quelque sorte des travaux de notre comité sur la sécurité dans le transport des hydrocarbures. Dans le cadre de cette autre étude, la question qui nous interpelle aujourd'hui a été soulevée en différentes occasions, notamment lors de visites à Sarnia et à Calgary où on l'a évoquée pour la première fois. Nous avons été à même de constater que cette initiative nationale a vraiment pris de l'ampleur, en Ontario tout particulièrement.
Nous allons pouvoir compter aujourd'hui sur l'aide de trois experts en la matière. De l'Assemblée législative de l'Ontario, nous accueillons Robert Bailey, député provincial de Sarnia—Lambton. Pour avoir eu l'occasion de discuter avec lui précédemment, je peux vous dire qu'il a accompli quelque chose que très peu de députés provinciaux ont été capables de faire. En effet, il a réussi à faire adopter en Ontario un projet de loi d'initiative parlementaire sur ce sujet des systèmes d'appel unique. Je vous souhaite donc la bienvenue et je vous félicite pour cette réalisation. Je sais à quel point cela est difficile.
Nous recevons également Michael Sullivan, directeur exécutif de la Canadian Common Ground Alliance, et Bryon Sackville, président-directeur général de l'Ontario Regional Common Ground Alliance. Je pense que vous pourrez facilement constater que ces trois hommes sont tout à fait passionnés par cette initiative qui revêt une grande importance à leurs yeux. Je crois, monsieur Sullivan, que vous serez le premier à parler. Nous vous écoutons.
Michael Sullivan, directeur exécutif, Canadian Common Ground Alliance : Merci beaucoup, mesdames et messieurs les sénateurs et sénatrices membres du Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Au nom de la Canadian Common Ground Alliance, je tiens à vous exprimer ma reconnaissance de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant le comité aujourd'hui. C'est une journée importante pour la sécurité publique. Comme on vous l'a déjà indiqué, je m'appelle Mike Sullivan et je suis le directeur exécutif de la Canadian Common Ground Alliance (CCGA). Je suis également président de la Société Alberta One-Call. La CCGA a pour mandat de réduire les dommages causés aux infrastructures souterraines à l'échelle nationale afin d'assurer la sécurité du public, des travailleurs et de la communauté, la protection de l'environnement, ainsi que l'intégrité des services en faisant la promotion de pratiques efficaces de prévention des dommages partout au Canada.
La prévention des dommages est une responsabilité partagée, et, à cet égard, la CCGA croit qu'il faut faire tout ce qui est raisonnablement possible pour répondre aux attentes des Canadiens sur le plan de la sécurité et de l'intégrité des services qui nous aident dans nos vies quotidiennes.
Au Canada, le souterrain est composé d'un réseau complexe de millions de kilomètres d'installation d'électricité et de gaz naturel, de câbles, de tuyaux, ainsi que de services d'approvisionnement en eau et de télécommunications. Dans une optique de conception et d'exploitation, les propriétaires, les opérateurs et les organismes de réglementation affichent tous un niveau de confiance très élevé envers ces services publics souterrains. Toutefois, si l'infrastructure souterraine est endommagée par des travaux d'excavation non contrôlés ou mal effectués, alors la sécurité du public et des travailleurs, ainsi que l'intégrité de ce réseau souterrain sont exposées à des risques inutiles; un accident d'excavation pourrait causer des blessures graves ou le décès de travailleurs ou de citoyens, ainsi qu'une interruption de service ou des dommages environnementaux.
Au cours des quatre dernières décennies, le service « Téléphonez avant de creuser » a acquis une notoriété publique considérable en sensibilisant davantage la population à la présence d'infrastructures souterraines et il est devenu la première étape essentielle d'un processus visant à assurer la sécurité publique et l'intégrité de l'infrastructure durant les travaux d'excavation. Malgré la réussite des activités de sensibilisation du service « Téléphonez avant de creuser », les dommages causés par les travaux d'excavation continuent de mettre en péril la sécurité du public, des travailleurs, de nos communautés et de l'environnement.
Les dommages aux infrastructures souterraines essentielles à la suite de travaux d'excavation non contrôlés sont un problème de sécurité publique quotidien au Canada. En moyenne, le réseau complexe d'infrastructures souterraines du Canada est endommagé 8 000 fois par année, soit au moins 31 fois par jour. Les excavateurs qui n'ont pas déterminé où se trouvent ces infrastructures avant de creuser sont la principale cause de ces dommages. En fait, un récent rapport de la CCGA sur les dommages survenus au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique publié en 2012 a révélé que 40 p. 100 des dommages signalés sont causés par le fait qu'aucune demande de localisation n'a été présentée auprès du centre d'appel unique et que 39 p. 100 des dommages sont attribuables à des pratiques d'excavation déficientes. Toutefois le problème va bien au-delà du seul fait de ne pas recourir au service « Téléphonez avant de creuser ». Il faut aussi tenir compte du manque de couverture complète.
Dans la plupart des provinces et des territoires du Canada, l'inscription ou l'adhésion à un centre d'appel unique n'est qu'une simple suggestion, ce qui expose les infrastructures souterraines non enregistrées et la sécurité publique à des risques inutiles.
Outre les dangers évidents qui pèsent sur la sécurité publique et l'environnement, les coûts de tels dommages pour la société, comme l'intervention d'urgence, l'évacuation et la réparation, ajoutent chaque année des centaines de millions de dollars au fardeau fiscal des contribuables. Un récent rapport a établi que les coûts de l'infrastructure souterraine de la province s'élevaient en 2012 seulement à 75 millions de dollars pour les contribuables québécois.
Bien que les progrès technologiques et des méthodes et des pratiques d'excavation améliorées puissent réduire les dommages causés, les Canadiens réaliseront l'importance réelle d'un processus de prévention des dommages seulement lorsque toutes les provinces et tous les territoires disposeront d'un guichet unique permettant de déclencher ce processus.
À l'exception de l'Ontario qui a adopté en 2012 une loi exigeant que tous les propriétaires et opérateurs de services publics souterrains dans les limites de l'emprise publique s'inscrivent au service Ontario One Call, la majorité des services d'appel unique demeurent un concept volontaire. Bien qu'il existe des services semblables dans presque toutes les régions du Canada, l'inscription des infrastructures souterraines n'est qu'une simple suggestion et est laissée à la discrétion du propriétaire de l'infrastructure souterraine.
Toutefois, complètement à l'opposé, les excavateurs sont obligés en vertu des lois fédérales et provinciales, de localiser l'infrastructure souterraine avant de creuser. Le bon sens voudrait que la meilleure place pour qu'un excavateur commence ses recherches soit un centre d'appel unique, où les propriétaires et les opérateurs de toutes les infrastructures souterraines de cette province ou de ce territoire inscrivent l'emplacement de leurs infrastructures. À l'heure actuelle, dans la plupart des régions du Canada, les excavateurs doivent se fier à leurs propres appareils pour déterminer, d'une manière ou d'une autre, s'il y a une infrastructure souterraine à proximité de leur projet d'excavation qui n'est pas inscrite au centre d'appel unique.
Pour réduire de façon significative les dommages causés aux infrastructures souterraines essentielles du Canada, améliorer la sécurité publique et la fiabilité du service, et permettre aux contribuables canadiens d'économiser des centaines de millions de dollars chaque année, il faudrait rendre accessible un service d'appel unique partout au Canada, obliger les propriétaires et les opérateurs de toutes les infrastructures souterraines dans les limites de l'emprise publique à s'inscrire à un centre d'appel unique, et exiger que tous les excavateurs communiquent avec ce centre pour déclencher le processus de prévention des dommages en demandant que l'on localise les infrastructures.
La CCGA travaille à l'établissement d'un tel processus en ayant trois objectifs en tête. Premièrement, on préconise l'adoption d'une mesure législative obligeant les entreprises à appeler avant de creuser. Les excavateurs seraient donc tenus de s'informer pour connaître l'emplacement des installations souterraines avant que les travaux d'excavation puissent avoir lieu. Il faut aussi rendre obligatoire, sans exception, le processus de prévention des dommages.
Deuxièmement, on souhaite simplifier l'accès aux centres d'appel unique de tout le pays qui déclenchent le processus de prévention des dommages afin de confirmer l'emplacement de toutes les infrastructures souterraines à proximité du site d'excavation projeté, et ce, encore une fois sans exception.
Troisièmement, on veut répondre aux attentes évolutives des Canadiens sur le plan de la sécurité publique par l'exploitation de nouvelles technologies ainsi que le développement, la simplification et la promotion de nombreux points d'accès nationaux : les numéros sans frais, un site web national bilingue (www.cliquezavantdecreuser.com), et des applications mobiles que les excavateurs peuvent utiliser facilement pour localiser les services publics souterrains avant de commencer leurs travaux d'excavation.
Une fois que la Common Ground Alliance des États-Unis a réussi à atteindre des objectifs similaires en 2004, les dommages aux services publics souterrains ont chuté de 40 p. 100 en quatre ans. En fait, un récent rapport sur l'ORDI (Outil de rapport sur les dommages aux infrastructures) publié par la Common Ground Alliance des États-Unis a confirmé que, lorsqu'une demande de localisation est présentée à un centre d'appel unique, il n'y a aucun dommage à l'infrastructure souterraine dans 99 p. 100 des cas.
Avec l'augmentation du nombre de projets de construction d'infrastructures au Canada, on parle de plus en plus de l'intégrité des infrastructures souterraines essentielles du pays. Dans le cadre de cette discussion, la CCGA est fermement convaincue qu'un des meilleurs moyens pour améliorer l'intégrité du réseau de services publics existant et projeté du Canada, y compris les pipelines de transport, est d'adopter une législation exigeant, sans exception, la mise sur pied d'un service de centre d'appel unique partout au Canada; l'inscription obligatoire des infrastructures souterraines à ce service; et une obligation exécutoire de se conformer au processus de prévention des dommages, c'est- à-dire demander une localisation, attendre le temps requis, respecter le marquage et creuser en toute sécurité.
Dans un effort pour promouvoir son point de vue sur ce que devrait comporter la législation sur la prévention des dommages pour être efficace, la CCGA a préparé un livre blanc sur la prévention des dommages qui inclut les principes et les éléments pour instaurer des lois efficaces. Ces mesures donneraient lieu à des pratiques d'excavation plus sécuritaires, à une meilleure protection des infrastructures souterraines, et à une sécurité communautaire accrue. Ce document a été distribué au Comité permanent le 20 juin 2013 et j'ai pris la liberté de vous le distribuer à nouveau aujourd'hui. Il expose en détail les dix éléments clés pour avoir des lois et des règlements efficaces et uniformes en matière de prévention des dommages dans l'ensemble des provinces et des territoires canadiens.
Un récent jalon en matière de prévention des dommages a été l'adoption en Ontario du projet de loi 8, la Loi de 2012 sur un système d'information sur les infrastructures souterraines en Ontario.
Cette loi exige que les propriétaires et les opérateurs d'infrastructures souterraines précisés dans la loi deviennent membres de la société Ontario One Call ou enregistrent leurs installations auprès de cette société. Lorsqu'un membre reçoit une demande de renseignements au sujet d'un projet d'excavation ou de creusage à proximité d'une infrastructure, il est tenu de localiser et de marquer l'emplacement de ses infrastructures souterraines qui peuvent être perturbées par l'excavation ou de signaler que celles-ci ne seront pas perturbées par les travaux. La loi exige également que les excavateurs obtiennent les renseignements sur les infrastructures souterraines avant de commencer l'excavation ou le creusage. La loi érige en infraction la non-conformité aux dispositions législatives ou réglementaires.
Finalement, les travaux ont commencé et progressé concernant une norme en matière de prévention des dommages au Canada par l'entremise de l'Association canadienne de normalisation. Cette norme portera le nom CSA Z247, La prévention des dommages en vue de protéger l'infrastructure souterraine et les réseaux des services publics. Le comité technique chargé de rédiger la version provisoire de la norme est composé d'une vaste gamme d'intervenants en prévention des dommages, dont des propriétaires et des opérateurs du domaine des pipelines, de la fibre optique, des télécommunications, de l'électricité, de la distribution du gaz naturel, de l'approvisionnement en eau et des égouts, des entreprises de localisation, des organismes de réglementation, des excavateurs, des entrepreneurs ainsi que des représentants du monde municipal de partout au Canada. Ces gens collaborent pour la première fois au sein d'une même équipe en vue d'élaborer une norme nationale en matière de prévention des dommages pour des excavations en toute sécurité.
La norme CSA Z247 a pour objectif de relever les défis associés à la prévention des dommages au Canada, de déterminer les processus de prévention des dommages, d'en souligner les principaux éléments qui, s'ils sont appliqués de façon uniforme, peuvent réduire et réduiront les dommages causés à toutes les infrastructures souterraines, et d'accroître de façon significative la sécurité publique. La norme vise aussi à répondre aux attentes des citoyens quant au niveau de confiance raisonnable que l'on doit accorder aux personnes chargées des travaux d'excavation afin de s'assurer que leur propre sécurité ne sera pas compromise une fois que le processus pour localiser et protéger les infrastructures souterraines à proximité de leur lieu d'excavation a été déclenché.
Outre l'importance de développer une norme à des fins de mise en œuvre pratique, la CCGA reconnaît l'avantage de la symétrie qui pourrait être atteinte si les lois renvoient à la même norme. Dans ce cas, le libellé de la norme devient effectivement une exigence des lois et peut permettre l'atteinte des résultats visés par la CCGA dont j'ai fait mention précédemment.
Sénateurs et sénatrices, en terminant, permettez-moi d'être audacieux. Il n'existe aucune législation nationale régissant le processus de prévention des dommages ou le service d'appel unique au Canada. Il ne s'est présenté jusqu'à maintenant aucune occasion d'étudier le processus de centre d'appel unique s'approchant le moins du monde de la portée de ce comité permanent. Votre comité a ouvert la porte à un moyen d'atteindre cet objectif essentiel. En influant sur l'élaboration d'une législation équilibrée dans toutes les provinces et tous les territoires où les propriétaires d'infrastructures souterraines doivent s'inscrire à un centre d'appel unique et où les excavateurs doivent demander une localisation à un tel centre avant toute excavation, le comité permanent apportera un changement majeur et positif au processus de prévention des dommages à travers le Canada, permettra aux contribuables d'économiser des millions de dollars en réparations et en coûts pour la société, accroîtra la sécurité du public, des travailleurs et de la communauté, et, en fin de compte, sauvera des vies.
Au nom de la Canadian Common Ground Alliance, de son conseil d'administration, de ses partenaires régionaux, des milliers d'intervenants en prévention des dommages de partout au Canada et des millions de Canadiens qui se fient à l'intégrité des infrastructures souterraines de cette grande nation, je voudrais vous remercier de m'avoir permis de témoigner devant ce comité et je vous appelle à prendre le relais et à influer sur la mise en œuvre d'une législation sur la prévention des dommages et les centres d'appel unique dans toutes les provinces et tous les territoires. Je vous remercie.
Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Sullivan, pour cet exposé. Merci également d'appuyer le travail de notre comité.
Je vais maintenant céder la parole à M. Sackville. Nous procédons suivant un schéma bien défini. On vient de nous exposer la perspective nationale et nous allons maintenant entendre le point de vue de l'association ontarienne. Nous aborderons ensuite les détails plus concrets dans une optique législative. Nous vous remercions donc de nous présenter la perspective ontarienne.
Bryon Sackville, président-directeur général, Ontario Regional Common Ground Alliance : Mesdames et messieurs les sénateurs et sénatrices membres du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, au nom de l'Ontario Regional Common Ground Alliance (ORCGA), je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je m'appelle Bryon Sackville et je suis PDG de l'ORCGA. Nous sommes un partenaire régional de la Canadian Common Ground Alliance (CCGA). Je suis d'ailleurs membre du conseil d'administration de la CCGA pour laquelle j'agis à titre de secrétaire.
L'Ontario Regional Common Ground Alliance (ORCGA) est un organisme sans but lucratif qui a vu le jour en 2003 et compte présentement plus de 440 membres. On retrouve parmi ces membres des propriétaires d'installations souterraines, des excavateurs et des localisateurs de la province de l'Ontario. L'ORCGA est une association dirigée par ses membres qui se consacre à la sécurité publique, à la protection de l'environnement et au maintien de l'intégrité des services en faisant la promotion de pratiques efficaces pour la prévention des dommages. Notre mission est d'accroître la sécurité publique et la fiabilité des infrastructures des services publics au moyen d'une approche unifiée pour une prévention efficace et efficiente des dommages. Nous sommes une organisation en pleine croissance représentant pas moins de 19 groupes d'intérêt dans le secteur des infrastructures souterraines. La prévention des dommages est une responsabilité partagée.
Parmi les réalisations de l'ORCGA au fil des dix dernières années, notons l'établissement de principes à suivre pour une excavation en toute sécurité; la mise au point d'un programme de formation et d'accréditation pour les localisateurs; la publication annuelle d'un rapport sur les dommages aux infrastructures; la remise de prix aux excavateurs de l'année; l'établissement d'un cadre pour une alliance pancanadienne; la création de comités s'intéressant à différents enjeux, comme les pratiques exemplaires, la sensibilisation, la présentation de rapports et l'évaluation, et l'organisation d'événements; la formation de conseils régionaux dans toute la province; l'adoption de la Loi de 2012 sur un système d'information sur les infrastructures souterraines en Ontario, soit le projet de loi 8; et la publication semestrielle du magazine Ear to the Ground.
L'adoption du projet de loi 8, la Loi sur un système d'information sur les infrastructures souterraines en Ontario en juin 2012 a été une réalisation remarquable. Non seulement s'agit-il de la première loi du genre au Canada, mais elle a été adoptée dans le contexte d'un gouvernement minoritaire. Le principe de l'appel unique est ainsi passé d'un simple concept en 2004 à une loi en bonne et due forme en 2012.
La date du 19 juin 2012 marque donc une étape cruciale dans la protection des infrastructures souterraines ontariennes. C'est ce jour-là que le projet de loi 8 a reçu la sanction royale. Cette date importante restera gravée dans nos mémoires, mais il y a déjà longtemps que l'Ontario s'est engagé sur la voie de la prévention des dommages et ce cheminement est loin d'être terminé.
Le tout s'est amorcé il y a bien des années à l'initiative d'intervenants de l'industrie qui voyaient le système d'appel unique comme un outil de prédilection pour prévenir les dommages causés par les tiers et, par le fait même, protéger nos infrastructures souterraines essentielles, les employés qui travaillent à proximité et la population dans son ensemble. Cette vision s'articulait autour d'un centre provincial où tous les excavateurs pourraient loger un appel unique pour toutes leurs demandes de localisation. On simplifierait ainsi grandement les choses pour les excavateurs qui n'auraient plus à faire jusqu'à 13 appels distincts, comme c'est le cas dans certaines régions, tout en réduisant les risques du fait que le recours au centre d'appel unique permettrait de s'assurer qu'aucun propriétaire d'infrastructure n'est oublié.
En 2004, Informetrica, une firme de consultants en économie d'Ottawa, a été mandatée pour concevoir un modèle de calcul des coûts sociétaux découlant des dommages causés par des excavateurs ayant négligé de localiser les infrastructures. Selon leurs estimations prudentes, ces coûts sociétaux s'élèveraient à 33 millions de dollars par année. Cette évaluation comprend non seulement les coûts directs assumés par les propriétaires des installations souterraines endommagées, mais aussi les coûts plus généraux associés aux services d'urgence et aux impacts sur la circulation, notamment.
Pour faire avancer cette vision du système d'appel unique en Ontario, les intervenants de l'industrie se sont engagés sur plusieurs fronts, allant même jusqu'à fournir le financement et les ressources nécessaires au démarrage et à la réussite des projets. La création et l'évolution de la société Ontario One Call, de l'ORCGA et d'autres groupes de l'industrie ont joué un rôle stratégique important dans la concrétisation de cette vision.
Ontario One Call a été mis sur pied en 1996 à titre d'organisation à participation volontaire. L'adhésion à ses rangs a pris de l'ampleur au fil des ans et deviendra obligatoire pour les propriétaires d'infrastructures lorsque le projet de loi 8 entrera pleinement en vigueur en juin 2014.
L'Ontario Regional Common Ground Alliance a vu le jour en 2003 de la suite de travaux préliminaires de l'Office des normes techniques et de la sécurité, de la société Ontario One Call et d'intervenants de l'industrie. L'ORCGA compte actuellement 440 membres et parrains représentant un large éventail de groupes d'intérêt et a produit plusieurs versions de son guide sur les pratiques exemplaires qui sont appuyées et suivies par l'industrie.
D'autres groupes ont été formés. En outre, il était essentiel d'obtenir le soutien politique de la province. Lors d'une rencontre avec Bob Bailey, ce député provincial progressiste conservateur de Sarnia—Lambton a de suite pensé que la proposition de centres d'appels uniques ferait l'objet d'un excellent projet de loi d'initiative parlementaire. Vu le changement du paysage politique avant les élections de 2011, Bob Bailey s'est rendu compte qu'il aurait besoin d'un coparrain pour le projet de loi. Il a pressenti le député provincial néo-démocrate Paul Miller de Hamilton East—Stoney Creek. Le soutien du NPD était maintenant acquis.
L'approche à volets multiples a suscité chez les acteurs un engagement et un alignement. L'alignement a créé l'environnement qui, de pair avec la volonté politique et l'engagement qui existaient à l'époque, a permis de franchir les dernières étapes de l'élaboration du projet de loi sur les centres d'appels uniques, le projet de loi 8. Nous attendons maintenant en Ontario la réglementation requise pour parachever le projet de loi et obtenir son approbation par le gouvernement provincial. Le ministère des Services aux consommateurs prévoit que cela aura lieu au cours des prochains mois.
À partir de juin 2014, tous les propriétaires d'installations, à l'exception de ceux réglementés par le fédéral et des propriétaires des Premières nations, qui ont des infrastructures souterraines dans les limites de l'emprise publique doivent enregistrer leurs services auprès de l'Ontario One Call et recevoir des demandes de localisation. Cette initiative historique a fondamentalement renforcé la sécurité de toutes les excavations de la province. Des progrès considérables ont été réalisés au cours de ce processus et le nombre de dommages a diminué en Ontario. Cependant, les acteurs ont encore du travail à faire. Tant que les dommages causés par des tiers présenteront un risque pour les infrastructures souterraines, les acteurs du service devront maintenir leur engagement envers l'objectif du centre d'appels unique en Ontario.
Au nom de l'Ontario Regional Common Ground Alliance, de son conseil d'administration et de ses membres, je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de comparaître au comité. Je vous prie de prendre en considération l'information présentée et d'appuyer l'adoption d'une mesure législative sur la prévention des dommages dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada.
Robert Bailey, député provincial, Sarnia—Lambton, Assemblée législative de l'Ontario : Merci, sénateur Mitchell, et merci, mesdames et messieurs du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. C'est un grand plaisir et un honneur d'être ici aujourd'hui à titre de législateur ontarien. Je tiens à remercier mes collègues; je n'ai pas à ajouter quoi que ce soit. Je pense que ma mère a pris bonne note de leurs remarques. Dans ma province de l'Ontario, je joue le rôle de whip adjoint et de porte-parole en matière de pipelines, de pétrole, de gaz et d'agrégat.
Le comité et le travail qu'il fait sont très importants sur la scène nationale, particulièrement en Ontario, dans le secteur que je représente. Je remercie le comité pour la très belle invitation à venir ici aujourd'hui. Mme Gordon, la greffière, a eu l'amabilité de me rejoindre.
Le travail que nous faisons avec le système Ontario One Call est très important et je suis ravi de vous faire part de mes réflexions et de mon expérience sur le plan de la promotion de cette initiative.
Je laisse aux autres le soin de parler des aspects techniques et financiers, M. Sullivan et M. Sackville les ont déjà mentionnés. Je vais plutôt, en tant que député provincial de Sarnia—Lambton, utiliser mon temps de parole pour expliquer pourquoi le représentant élu, le législateur et l'ancien employé que je suis — et qui a travaillé dans le secteur plus longtemps qu'il ne l'aurait imaginé — considère que cette initiative pourrait recevoir l'appui de tous les partis de l'Assemblé législative de l'Ontario. C'est la raison pour laquelle j'en fais la proposition. À vrai dire, je croyais que cela était inscrit dans la loi de la province de l'Ontario. Dans le secteur où je travaillais, l'entreprise NOVA Chemicals de l'Alberta — qui fait preuve d'une grande clairvoyance et a des initiatives en matière de sécurité — fait un travail remarquable et est l'un de mes plus grands partisans. L'entreprise applique les règles; des règles qui, je le croyais vraiment, étaient inscrites dans la loi jusqu'à ce que des représentants de One Call m'aient contacté pour me faire part de leurs problèmes et j'ai immédiatement compris qu'il fallait agir pour régler ces problèmes.
Ma circonscription de Sarnia—Lambton abrite le secteur pétrolier, gazier et chimique de l'Ontario. J'ai consacré plus de 30 ans de ma vie à ce secteur. J'ai commencé à y travailler alors que j'étais un jeune garçon sortant de l'école. En fait, juste avant que je ne sois élu à l'Assemblée législative de l'Ontario en 2007, j'avais travaillé à NOVA Chemicals où j'étais coordonnateur des contrats. Ma tâche était d'attribuer quotidiennement des permis d'excavation et de sécurité, je m'occupais aussi des demandes de localisation dont je mesurais l'importance. Mon travail, celui de mon supérieur et l'infrastructure que nous protégions étaient en jeu chaque jour. Lorsque je travaillais dans la Chemical Valley de Sarnia, la première leçon que j'ai apprise — et que tous les nouveaux employés apprennent dans n'importe quel secteur aujourd'hui — est que la sécurité demeure la priorité numéro un.
Tous les employés du secteur pétrochimique à Sarnia et dans tout le pays, en Alberta, au Manitoba et dans toutes les provinces vous diront que la seule façon de savoir quelles précautions ils doivent prendre pour se protéger et assurer la sécurité de l'infrastructure et du grand public est de connaître les risques auxquels ils sont exposés dans leur lieu de travail. Cela est d'autant plus important si le chantier abrite un vaste réseau souterrain d'infrastructures électriques, de télécommunications et de tuyaux qui relient toutes nos usines de fabrication, nos entreprises et même nos domiciles en Ontario.
Vous pouvez vous demander ce qui a poussé le législateur que je suis à s'intéresser au projet du service Ontario One Call. Je vous dirais que c'est pour les trois raisons suivantes.
En Ontario, les gens ne faisaient pas de demandes de localisation d'infrastructures souterraines par téléphone, d'ailleurs ils en étaient découragés par le système compliqué et incommode à l'excès. Par exemple, en 2011, la Ville d'Ottawa comptait jusqu'à 23 organisations ou sociétés de services publics et de localisation d'infrastructures souterraines. À cette époque, seulement neuf de ces organisations étaient inscrites au service Ontario One Call. Par conséquent, on attendait des propriétaires et des excavateurs qu'ils fassent 13 appels avant de procéder à l'excavation. Un centre d'appels unique obligatoire permettrait de ne faire qu'un seul appel téléphonique, ce qui encouragerait les gens à faire cet appel. J'ai parlé à des entrepreneurs à Toronto, particulièrement là où la fusion était mise en œuvre — l'ancienne ville et les nouvelles collectivités — et il pouvait y avoir aux carrefours jusqu'à 23 compagnies ou organisations qu'il fallait appeler parce que Toronto Hydro allait desservir divers arrondissements. Pour employer une vieille expression, c'était de la bouillie pour chats.
En 2011, le nombre de dommages accidentels enregistrés en Ontario était le double de la moyenne de dommages accidentels enregistrés dans les États américains. N'oublions pas que la présence d'un centre d'appels unique est obligatoire dans tous les États américains, qui ont constaté les résultats obtenus.
Finalement, le système de localisation d'infrastructures souterraines actuel présentait un risque inutile à la sécurité des propriétaires, des excavateurs et du grand public, ainsi qu'aux infrastructures. J'ai toujours pensé que la sécurité ne devait pas être un acte volontaire, mais obligatoire. Le fardeau imposé aux propriétaires, aux entreprises et aux excavateurs pour localiser toute l'infrastructure souterraine a présenté un risque non seulement inutile mais de catastrophe potentielle. Nous tous ici présents et les téléspectateurs savons que les délais de réalisation de projets sont courts et que des erreurs sont commises. Il peut y avoir des oublis et certains entrepreneurs négligent la sécurité en vue d'accroître leur productivité.
Ontario One Call était la solution aux préoccupations exprimées par le secteur en matière de protection de ses plus importants actifs, c'est-à-dire ses employés et son infrastructure, dans cet ordre.
En utilisant une technologie existante et une simple stratégie organisationnelle, Ontario One Call a pu archiver l'information relative à des infrastructures souterraines d'une valeur de plus de 100 milliards de dollars dans la seule province de l'Ontario. Cet archivage a simplifié un système incommode qui avait été préalablement fragmenté et comprenait peu ou pas de normes communes. De plus, j'ai appris, suite à mes conversations avec un grand nombre de mes électeurs de Sarnia—Lambton et de résidents ontariens, que la centralisation de l'information dans le système Ontario One Call leur a permis d'avoir davantage conscience de leurs responsabilités de téléphoner avant de creuser ou de procéder à des excavations. Ceux qui ont pu juger qu'il était ridicule de composer tous ces numéros, 13 à 23 parfois, pour obtenir des localisations d'infrastructures utilisent maintenant, en toute bonne volonté, le service afin d'éviter de creuser aux emplacements de ces infrastructures.
Vu le rythme de vie de plus en plus rapide, les gens s'attendent maintenant à avoir facilement accès à l'information. Sans un accès facile à des renseignements pertinents et complets sur l'infrastructure souterraine, les conduites de gaz naturel, les conduites électriques, les conduites d'eau, et cetera, seront régulièrement endommagées. Les dommages causés aux infrastructures souterraines peuvent non seulement être coûteux, mais aussi mortels.
Bien que la gravité de ce problème ait attiré beaucoup de bénévoles, comme mon collègue l'a mentionné, au service Ontario One call à ses débuts, un certain nombre d'organisations telles que des municipalités, des sociétés de services publics et des propriétaires d'infrastructures ont, pour diverses raisons, tardé à y adhérer. Cependant, je crois que ces organisations comprendront et apprécieront très vite l'intérêt général et les avantages découlant de l'adhésion obligatoire au système Ontario One Call.
En outre, l'importance attachée à la sécurité qu'Ontario One Call a intégrée dans sa structure — et qui est une preuve de son leadership ici aujourd'hui — lui a permis d'adapter ses services aux différentes organisations qu'elle dessert. Chaque organisation est unique. Il y a de grandes entreprises et de grands propriétaires d'infrastructures, mais d'autres qui ne le sont pas, c'est vrai aussi pour les municipalités.
Mesdames et messieurs, la réussite du système Ontario One Call ne devrait pas être exclusive à l'Ontario. Il faut que, par votre entremise, le gouvernement canadien intervienne, qu'il exige que les secteurs et les terres sous compétence fédérale entrent dans le système des centres d'appels uniques qui existent au niveau provincial.
La coopération du gouvernement fédéral est nécessaire dans beaucoup de domaines où il y a des chevauchements, par exemple, les bases militaires, le transport interprovincial ferroviaire, les pipelines et beaucoup d'autres. Nous devons tous convenir que la sécurité est dans l'intérêt général des trois ordres de gouvernement, dont les municipalités.
Rien n'est fait ici. Effectivement, l'Ontario peut être un exemple pour le pays, mais le gouvernement fédéral devrait, à l'instar des États-Unis, favoriser l'établissement de centres d'appels uniques dans toutes les provinces. J'encourage fortement toutes les autorités à considérer un programme similaire qui leur permettra de tirer un enseignement de l'expérience effectuée en Ontario. La législation n'est peut-être pas parfaite, mais elle peut être améliorée et c'est un pas important pour assurer la sécurité.
Je vais conclure et je serais heureux de répondre à toute question précise que les membres du comité pourraient poser. Je vous remercie encore une fois de m'avoir invité au comité. Je pense que cette initiative est une étape importante dans le renforcement de la sécurité et l'amélioration de la santé et de l'environnement, et je suis heureux d'y contribuer. Je n'ai jamais imaginé pouvoir présenter un tel projet de loi d'initiative parlementaire qui aurait tant d'importance à l'échelon provincial et national.
Le vice-président : Merci beaucoup pour votre déclaration. J'ai dit que c'était tout un exploit. En tant que député provincial, j'ai siégé pendant de longues années à l'Assemblée législative de l'Alberta et je peux vous assurer qu'il était très difficile de présenter un tel projet de loi, mais de réussir à en présenter un aussi important est une gageure.
Je vous laisse en parler.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J'aimerais tout d'abord vous remercier. Vous m'avez beaucoup instruit sur le sujet.
J'aurais des dizaines de questions, mais je vais essayer d'aller à l'essentiel. Premièrement, vous parlez d'intervenants. Qui sont les membres de vos associations? Est-ce que ce sont les propriétaires des infrastructures ou les grands constructeurs?
M. Sullivan : Ce sont les propriétaires d'infrastructures.
Le sénateur Boisvenu : Donc, celui qui occasionne les bris n'est pas celui qui paye?
M. Sullivan : Exactement.
Le sénateur Boisvenu : Où situez-vous le problème? Est-ce un problème de sensibilisation? Est-ce un problème d'ignorance par rapport aux infrastructures? Est-ce un problème d'insouciance? Il y a beaucoup de bris au Canada. Quel peut être l'origine du problème?
M. Sullivan : Si on compare le Canada avec les États-Unis, les États-Unis étaient au même point que le Canada entre 2000 et 2004. Lorsque les États-Unis ont adopté la législation relativement aux centres d'appels uniques, le nombre de bris a diminué.
D'après moi, la sensibilisation publique y est pour quelque chose. Le programme « Appelez avant de creuser » existe depuis à peu près 40 ans. La sensibilisation est là. Mais c'est parfois le refus des propriétaires d'infrastructures de devenir membres d'un centre d'appels unique qui est le problème.
J'ignore si c'est une question de frais. C'est possible. Mais quand la législation a été adoptée aux États-Unis, il a fallu que les propriétaires d'infrastructures deviennent membres. Et c'est à partir de ce moment qu'on a vu une diminution du nombre de bris.
Selon les derniers chiffres du Common Ground Alliance aux États-Unis, dans 90 p. 100 des cas, le bris sera évité si un appel est fait. À mon avis, c'est une combinaison de la sensibilisation publique, de la volonté des propriétaires des infrastructures et du manque de législation.
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Bailey, l'Ontario a dû faire un peu comme le Québec dans les dernières années. J'ai vu à la télévision beaucoup de campagnes de sensibilisation demandant aux entrepreneurs de s'informer avant de creuser. Je me souviens qu'Hydro-Québec en a fait, Gaz Métro en a fait aussi.
Adopter un projet de loi pour mettre sur pied un centre d'appels unique comme l'Ontario l'a fait entraîne des coûts. Qui financera ces coûts?
[Traduction]
Qui financera les coûts de centralisation de l'information ou ceux des appels?
M. Bailey : Merci, sénateur. Je vous prie de m'excuser, j'essaie de me retrouver.
Les coûts représentent, à mon avis, qu'une petite partie du risque, de ce qui pourrait se passer. Les grandes entreprises, qu'il s'agisse d'infrastructures, de raffineries chimiques, et cetera, ont fait un travail remarquable et je suis sûr que c'est également le cas au Québec.
Je pensais que c'était inscrit dans la loi en Ontario. Comme je l'ai dit, lorsque j'ai quitté NOVA Chemicals, mon ancien employeur, je croyais que c'était inscrit dans la loi quand je suis allé à Queen's Park, quand j'ai été élu. Les messieurs ici présents et d'autres personnes des centres d'appels uniques m'ont rencontré pour me parler de la dichotomie, des difficultés qu'ils rencontraient.
Ils ont fait une très bonne campagne publicitaire, mais pour le gouvernement ontarien de l'époque il fallait que ce soit fait volontairement. Effectivement, il considérait que l'idée était excellente, mais il ne voulait pas obliger les municipalités ou le public à y adhérer. Il estimait que ceux qui voulaient participer devaient le faire volontairement.
Ça n'aboutissait à rien. Je laisse à mon collègue le soin de vous en parler.
C'est la raison pour laquelle nous avons présenté le projet de loi, et même à ce moment, avec le soutien de tous les partis, il nous a fallu travailler d'arrache-pied avec le secteur et les services publics pour les encourager à s'engager dans cette voie étant donné qu'ils travaillaient depuis plusieurs années avec One Call et qu'il n'y avait pas de mesure législative. On ne serait jamais arrivé au point où on en est aujourd'hui et à ce que promet l'avenir.
[Français]
M. Sullivan : Est-ce que je peux répondre à la question des coûts?
Le sénateur Boisvenu : Oui.
M. Sullivan : Le coût pour mettre sur pied un centre d'appels unique provient de la notification des membres. Je vais donner l'exemple de l'Alberta One-Call Corporation, dont je suis le président. Notre organisation compte environ 750 membres, et chaque fois qu'on reçoit un appel de quelqu'un qui veut creuser, on fait une notification aux membres qui ont des infrastructures près de l'endroit où ils vont creuser. Nos membres nous paient un montant pour chaque notification qui leur est faite.
Cependant, en Alberta, il y a trois niveaux de frais : de 1 à 100 notifications, c'est un montant, de 100 à 5 000, c'est un autre montant, et c'est un autre montant pour plus de 5 000 notifications. Donc les propriétaires d'infrastructures comme TELUS ou les compagnies de distribution de gaz reçoivent plusieurs notifications. Ils vont donc payer moins de frais. Cela devient une motivation à devenir membre. C'est de cette façon qu'on finance le centre d'appels unique.
Comme je l'ai dit, on a 735 membres en Alberta, et on reçoit environ de 350 000 à 400 000 demandes d'excavation par année. Et on envoie près de 1,6 million de notifications à nos membres chaque année. On fait cela dans une province où il y a la législation partielle.
L'Alberta Energy Regulator compte 900 détenteurs de permis. Et depuis 2005, ces détenteurs de permis doivent être membres d'Alberta One-Call, mais à ce jour, ce n'est pas compris. Nous bénéficions de la législation partielle, mais on voudrait avoir la même législation qu'en Ontario.
Je vais donner un autre exemple. Le Manitoba n'a jamais eu de centre d'appels unique. Ils ont longtemps essayé, mais en juin 2013, Alberta One-Call leur a offert l'accès à leur centre d'appels unique. « There's no bricks and mortar »; prenez notre système, et le service est compris.
Il y a également une autre façon de diminuer les coûts. Plutôt que de faire la sensibilisation des centres d'appels uniques, on commence par suggérer de « cliquer avant de creuser ». Les Canadiens peuvent faire une demande sur le Web 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Dans mon bureau, il faut à peu près 45 secondes aux CSR pour compléter une demande sur le Web plutôt que 5 minutes pour un appel. C'est beaucoup plus efficace et tout est déjà là.
[Traduction]
La sénatrice Frum : Vous commenciez à répondre aux questions que j'allais vous poser, mais tout d'abord, je tiens à dire à M. Bailey que, étant la seule ontarienne du comité, c'est une journée excellente et je peux être fière. Notre province n'est pas habituellement celle qui détient la palme au comité, or, c'est le cas aujourd'hui. C'est formidable et je vous en remercie.
Afin de bien comprendre la différence entre les 23 appels qu'il fallait faire avant et l'appel unique que l'on peut faire actuellement, le but est-il de, en termes d'utilisation plus efficace du temps — vous venez de dire que le délai est passé, je suppose, de jours ou de semaines à...
M. Bailey : Je vais dire quelques mots à ce sujet, mais M. Sackville et M. Sullivan ajouteront quelque chose.
C'était une indication. Des entrepreneurs avaient abandonné le processus. Ils essayaient de construire des maisons, ils attendaient les localisations pour construire les conduites d'égout et d'eau. Leur saison de travail est courte et ils devaient faire ces appels, puis attendre qu'on les rappelle.
Certains services publics, comme les sociétés gazières qui offrent un excellent service, notamment Union et Enbridge, répondaient à ces appels en se présentant et en localisant presque immédiatement l'emplacement des infrastructures souterraines, mais d'autres services publics pouvaient tarder à venir et Union et Enbridge devaient revenir et faire une autre localisation, parce qu'ils ne garantissent la localisation que pour un certain temps. Je laisse aux autres messieurs des centres d'appels uniques le soin de vous en parler.
M. Sackville : Quand Ontario One Call a été lancé en février 1996, j'en étais le gestionnaire. Les gens téléphonaient à mon centre à Toronto. J'étais l'employé d'un entrepreneur qui fournissait le service. Au tout début, nous recevions un appel et en faisions deux. L'entrepreneur a dit que notre service visait à ce que les gens fassent un appel de moins. C'est là que tout le processus a commencé. Grâce à l'expansion du service en Ontario et du projet de loi 8, l'année dernière l'excavateur faisait un appel qui était transmis à sept propriétaires d'installations souterraines.
Lorsque toutes les municipalités participeront au système, le ratio sera probablement de un pour huit. Pour l'entrepreneur, les avantages sont l'efficacité et l'économie de coûts. Il n'aura pas à chercher toutes ces personnes ni à communiquer avec tous les propriétaires d'installations souterraines. Il n'a qu'à faire un seul appel au centre, puis distribuer la demande de localisation aux membres qui ont des installations souterraines au site d'excavation ou s'il s'agit d'un projet à ceux qui travaillent dans ce projet. Voilà les efficiences dont peut profiter l'excavateur.
Dans certains cas, des entrepreneurs de localisation sont également employés en Ontario. Dans certaines situations, un seul localisateur est dépêché pour repérer aussi les installations souterraines. Ce n'est pas encore la norme, mais le travail est souvent effectué par une combinaison d'entrepreneurs de localisation et de localisateurs internes.
La sénatrice Frum : Vous avez fait allusion aux briques et au mortier. C'est un répartiteur qui achemine par la suite la demande à tous les bureaux concernés. Ce processus ne nécessite aucune infrastructure matérielle, n'est-ce pas?
M. Sullivan : C'est exact. Je vais vous donner un exemple. Le centre d'appels unique de l'Alberta ou tout autre centre se contente d'émettre un avis. Il ne s'occupe pas de la localisation. En tant que responsables d'une plaque tournante unique, nous recevons une demande, et nous l'acheminons à tous ceux qui pourraient être touchés par les travaux d'excavation proposés ou les travaux qui auront lieu dans le voisinage du site d'excavation.
Comme M. Sackville l'a indiqué, le rapport entre les appels entrants et les personnes contactées, que ce soit un, cinq, dix ou douze propriétaires ou exploitants de services publics souterrains, dépend de l'endroit où auront lieu les travaux d'excavation proposés.
Oui, il y a des briques et du mortier; le centre d'appels unique de l'Alberta dispose d'un immeuble. Nous avons des bureaux, du personnel, du matériel, des ordinateurs, des logiciels de cartographie et tout le reste. En ce qui concerne le Manitoba, nous leur avons offert une option pour faire démarrer les choses. Nous leur avons dit que nous assurerions toutes les fonctions depuis l'Alberta, et ils ont accepté. Par conséquent, le programme manitobain Cliquer avant de creuser est effectivement mis en œuvre depuis l'Alberta. Pour l'instant, la province n'a ni brique, ni mortier. Seulement un centre d'appels ou d'information. En réalité, c'est tout ce que c'est.
La sénatrice Frum : Des fonds publics sont-ils utilisés? En ce moment, y a-t-il un poste à cet effet dans le budget de l'Ontario?
M. Bailey : Non, sinon que le projet figure sous le ministère de la Consommation et du Commerce. Par conséquent, la CNTS travaillait déjà avec le ministère du Travail. La loi en Ontario a toujours exigé que l'on appelle avant de creuser, mais il n'y avait pas vraiment de ressources affectées à son application. Comme mes deux collègues l'ont déclaré, tout cela est mis en œuvre par l'industrie, les propriétaires d'infrastructure, et cetera.
La sénatrice Frum : J'ai une dernière question à vous poser. Comment les amendes imposées pour le non-respect de la loi ont-elles changé?
M. Bailey : Leur rédaction est toujours en cours. Nous nous en remettons au ministre à ce sujet. Je ne citerai pas des chiffres.
M. Sackville : Essentiellement, ils en sont à la dernière étape de la rédaction des conditions du projet de loi 8. Nous avons eu l'occasion d'examiner certaines des dispositions et de formuler des commentaires au nom de l'ORCGA. De plus, nos membres ont contribué à l'élaboration de la mesure législative et du Règlement, et ils ont formulé des observations à leur égard. Comme je l'ai mentionné au cours de mon exposé, l'objectif est de pouvoir mettre en vigueur les règlements dans les prochains mois, si l'Assemblée législative est en mesure de les adopter.
Nous envisageons d'aller de l'avant en juin 2014. Ce sera la dernière étape du processus, celle où les municipalités doivent emboîter le pas. Elles sont les dernières à se joindre au processus graduel de mise en œuvre. Nous espérons que les règlements et la participation des municipalités régleront le problème. En juin 2014, le monde changera en Ontario.
La sénatrice Seidman : Je vous félicite, monsieur Bailey, de ce qui constitue sans aucun doute une grande réalisation. J'ai une autre question à vous poser, mais, avant, j'aimerais poursuivre un peu la question que la sénatrice Frum vous a posée. Je n'ai pas entendu le nom du ministère ontarien responsable de cet enjeu.
M. Bailey : En Ontario, c'est le ministère de la Consommation et du Commerce.
La sénatrice Seidman : Si j'ai bien compris vos propos, monsieur Sackville, vous pensez que, si l'on emploie des mots comme « exiger » et « mandater » dans une mesure législative, on doit être en mesure de la faire respecter en imposant des sanctions d'un genre ou d'un autre, sinon la mesure législative ne vaut pas grand-chose. Vous en parliez, monsieur Sackville.
M. Sackville : Oui. En ce moment, il y a essentiellement des organismes de réglementation dans la province, comme le ministère du Travail, l'Office national de l'énergie et la CNTS. En fait, l'Ontario One Call fera aussi fonction d'organisme de réglementation. Quelle forme prendra cette réglementation? Nous l'ignorons pour l'instant, car cette question est abordée dans les documents de travail et les exposés. Les responsables du centre d'appels unique réglementeront les modalités du programme Appelez avant de creuser.
Si un incident se produit, il est peu probable qu'ils se rendront sur place et prendront en main l'enquête, parce que le ministère du Travail ou la CNTS, si une conduite de gaz ou quelque chose du genre est touché, prendra le contrôle de la situation.
Les agents d'application se concentreront sur les éléments qu'ils peuvent contrôler en tant que membres du centre d'appels unique. Si les agents ont passé trop de temps au téléphone ou si l'entreprise d'excavation ou un propriétaire foncier privé a été frustré par la durée de l'appel, ils pourraient déposer une plainte concernant la durée du processus initial. Si, en fait, tout s'est bien passé de ce côté, mais qu'en revanche, la localisation sur le terrain ne s'est pas déroulée aussi rapidement que le Règlement l'exige, l'entreprise d'excavation ou le propriétaire foncier privé pourrait rappeler Ontario One Call pour porter plainte. Cette plainte sera alors examinée par l'agent d'application et, si l'agent a l'impression qu'elle devrait être portée à l'attention des échelons supérieurs, elle sera examinée par un comité de contrôle de l'application qui ne sera pas composé de membres du conseil de direction d'Ontario One Call. Encore une fois, toute cette structure est mise au point par le ministère.
La sénatrice Seidman : Votre réponse m'a aidée à comprendre cet aspect. Je vais peut-être simplement abandonner ce sujet et passer à l'autre question que je désirais poser. Il ne fait pas de doute que, pour que les choses se passent comme vous le souhaitez, en particulier, à l'échelle nationale, de nombreuses conditions doivent être réunies. La dernière fois que vous avez comparu devant notre comité, monsieur Sullivan, vous avez parlé des sérieuses lacunes en matière d'information causées par la déclaration volontaire. J'aimerais savoir si vous avez réalisé des progrès au chapitre de la collecte des données du genre dont vous avez besoin pour prouver que les systèmes d'appels uniques réduisent efficacement à la fois les coûts et le nombre d'incidents.
M. Sullivan : Un peu. La CCGA a publié récemment un rapport que j'ai en main en ce moment. Il porte sur seulement trois provinces, soit la Colombie-Britannique, le Québec et l'Ontario, mais elles représentent 75 p. 100 de la population du Canada. C'est ce qui nous a renseignés sur les 8 000 bris causés annuellement. En fait, le nombre d'incidents est supérieur à 8 000, à savoir 31 par jour, parce que le rapport ne tient compte que de trois provinces.
Toutefois, ces données de base nous permettent certainement d'avancer quelques hypothèses très rationnelles. Si nous examinons ce qui s'est passé aux États-Unis, nous constatons que les bris là-bas ont été réduits de 40 p. 100 de 2000 à 2004. Les Américains ont recueilli leurs données de base à l'époque où ils ont mis en vigueur la mesure législative et, par la suite, ils ont examiné de nouveau ces statistiques. À mon avis, cela prouve irréfutablement que la mesure législative fonctionne.
Comme nous l'avons mentionné plus tôt, notre public est sensibilisé, nous avons des centres d'appels uniques et nous avons accès à des régions où des centres ne sont pas établis physiquement. Et pourtant, l'élément manquant est la mesure législative. Nous ne bénéficions pas de cet élément. Il y a une chose dont nous ne sommes pas certains : nous ne savons pas si les bris mentionnés dans notre rapport ont été infligés à des infrastructures souterraines qui sont en fait membres d'un centre d'appels unique. Il est peu probable que ce soit le cas parce que, dans les régions où les incidents se sont produits, il n'y avait aucun moyen facile de signaler aux personnes concernées que ces travaux d'excavation allaient avoir lieu.
Le processus d'appel unique existe pour que l'entreprise d'excavation puisse en tirer parti et accéder plus facilement au site. Les avantages dérivés que nous tirons du processus sont la sécurité du public et l'assurance que nous connaissons toutes les parties concernées.
La sénatrice Seidman : D'accord. Donc, vous disposez de données relatives à la Colombie-Britannique, au Québec et, dans une certaine mesure, à l'Ontario.
M. Sullivan : Oui.
La sénatrice Seidman : Quel genre de renseignements ces données vous fournissent-elles?
M. Sullivan : Nous produisons un rapport qui rend compte du nombre de bris par année, par jour et par demande de localisation qui ont été enregistrés dans ces provinces. Comme je l'ai expliqué plus tôt, lorsque nous parlons d'une « demande de localisation », nous voulons dire que nous avons reçu un appel. L'Alberta reçoit 1,6 million de demandes de localisation par année. Dans les provinces participantes, nous pouvons déterminer combien de bris surviennent par millier de demandes de localisation. Nous disposons également de ces renseignements.
Nous avons également conclu que 30 p. 100 des bris survenaient au cours de travaux liés aux réseaux d'égouts ou aux conduites d'eau et que, dans 75 p. 100 des cas, l'appareil utilisé était une pelle rétrocaveuse. Certaines des données les plus utiles — et, à mon avis, ce sont celles qui sont les plus intéressantes pour répondre à votre question — indiquent que 40 p. 100 des bris sont imputables à une absence de demande de localisation.
Oui, le public est sensibilisé au problème, et les citoyens peuvent avoir communiqué avec le centre d'appels unique, mais ils ont omis d'avertir d'autres exploitants de services publics qui ne sont pas membres du centre, et ce sont leurs installations qui sont en train de subir des dommages.
Quatre-vingt-quatre pour cent des bris entraînent une interruption de service. En ce qui concerne les bris qui nécessitent l'intervention de services d'urgence, comme les services de police et les services d'incendie, nous avons constaté qu'au Québec et en Ontario, les services d'urgence intervenaient dans 95 p. 100 des cas de bris d'infrastructures de gaz naturel. Ce sont là des coûts que la société doit assumer. Lorsque des bris surviennent, nous devons assurer la sécurité du public, et cela est coûteux. De plus, cela met en péril les intervenants.
La sénatrice Seidman : Quand vous défendez cette cause à l'échelle nationale, ce que vous faites clairement, les gens réagissent-ils positivement au rapport coût-efficacité que ce genre de présentation des données fait ressortir? Il est clair que c'est ce que les gens vont rechercher. Donc, il y a des coûts associés à la mise en œuvre de ces centres.
M. Sullivan : Oui.
La sénatrice Seidman : Il faut que cela vaille le coût, si je peux m'exprimer ainsi. Nous comprenons que ces systèmes sont importants pour assurer la sécurité des Canadiens, mais les données sont-elles assez crédibles pour que les personnes à qui vous les présentez partout au Canada pensent qu'il y a un avantage à se rallier aux autres et à mettre en œuvre ces centres?
M. Sullivan : Ces données sont assez récentes. Le rapport a été présenté seulement en novembre dernier, et il a été publié en anglais et en français très récemment. Il serait peut-être prématuré de répondre à cette question par l'affirmative ou la négative.
Lorsque je donne ces exposés, je me rends très souvent compte que je cherche à convaincre ceux qui sont déjà convaincus. Nous parlons à nos disciples, alors qu'il faut que nous allions plus loin. C'est difficile. Lorsque nous examinons ces données, ce retour d'information, cela choque même les membres de notre industrie. Il est absolument inacceptable que 40 p. 100 des bris soient imputables à une absence de demande de localisation.
Lorsque je parle en m'appuyant sur ce que je fais quotidiennement, à savoir diriger le centre d'appels unique de l'Alberta, une infrastructure qui existe depuis 30 ans et qui est très pertinente sur le plan de la prévention des bris et de la sécurité publique, il m'est difficile de concevoir que ces bris continuent de se produire. Je trouve hallucinant que nous en soyons là, mais il est clair que l'élément qui fait défaut à l'ensemble du processus de prévention des bris est la mesure législative. Je sais que ces pourcentages reculeront une fois qu'elle sera en vigueur, mais, en attendant, ces statistiques constituent nos données de base.
Le sénateur Wallace : Monsieur Sullivan, comme vous le soulignez — et je pense que j'énonce une évidence en le disant — la mesure législative est requise pour permettre au programme Appelez avant de creuser et au système d'appels unique de jouer pleinement leur rôle. Voyez-vous alors la nécessité d'avoir plusieurs lois en vigueur dans chaque province, des lois qui traitent des infrastructures souterraines réglementées par les provinces et une loi à l'échelle fédérale qui traitent des infrastructures souterraines assujetties à la réglementation fédérale?
M. Sullivan : Oui, c'est assurément une façon de faire les choses. Ce processus relève des provinces, si vous voulez, comme c'est le cas en Ontario. En ce qui a trait aux entreprises réglementées par des organismes fédéraux, comme l'Office national de l'énergie et le CRTC, je prendrais le risque de dire qu'en général, les sociétés de pipeline réglementées sont membres des centres d'appels uniques. Cela dit, l'ONE est en train de réviser et de modifier son règlement sur le croisement de pipelines. Il a publié un avis de modification réglementaire proposée. À l'avenir, dans les régions où des centres d'appels uniques existent, ces entreprises seront tenues de s'inscrire auprès des centres.
En revanche, le CRTC n'est nullement chargé de prévenir les bris, et il est silencieux à ce sujet. C'est un secteur qui bénéficierait énormément de l'attention de votre comité permanent.
Compte tenu des services que le CRTC réglemente, si un bris survient, le problème ne se limitera pas au fait que Mme Jones ne sera pas en mesure de regarder ses téléromans cet après-midi-là. Ce sont aussi les services 911, des services bancaires, des renseignements et des outils technologiques qui seront touchés, tout ce sur quoi nous comptons de nos jours. Toutes les technologies qui soutiennent les BlackBerry et les iPhone que nous gardons dans nos poches ne sont pas sans fil. Au pied des tours hertziennes, les signaux de nos téléphones cellulaires empruntent des fils qui s'enfoncent dans la terre. Ces fils peuvent également être endommagés, et nous comptons sur eux pour tout.
Je pense qu'on peut vraiment équilibrer les compétences provinciales et les compétences fédérales dans ce domaine. Si l'on pouvait inciter toutes les autres provinces à adopter des mesures législatives semblables ou identiques à celle qui existe en Ontario, ce serait vraiment l'idéal.
Le sénateur Wallace : Comme vous l'avez mentionné, tous les gens sont bien intentionnés, mais, au final, c'est une question d'application de la loi. Il faut que les propriétaires d'infrastructures souterraines soient tenus de respecter la loi. Corrigez-moi, si j'ai tort, mais, pour pouvoir faire respecter la loi, il faudra qu'elle soit provinciale si l'infrastructure en question relève des provinces. De la même façon, une infrastructure réglementée par le gouvernement fédéral devra être assujettie à une loi fédérale, n'est-ce pas?
M. Sullivan : C'est exact.
Le sénateur Wallace : Il faudra combiner les deux. Je pense que, dans la mesure où le gouvernement fédéral est capable d'exercer une influence sur ces enjeux et d'adopter une approche nationale d'un genre ou d'un autre à cet égard, il devrait le faire. Toutefois, je tiens à être très clair à ce sujet. Le gouvernement fédéral ne peut pas imposer de telles exigences à l'échelle provinciale, n'est-ce pas?
M. Sullivan : C'est exact.
Le sénateur Wallace : Vous avez mentionné la norme CSA Z247. Son élaboration est en cours sous l'égide de l'Association canadienne de normalisation, et ce processus est déjà bien engagé. Pouvez-vous nous fournir d'autres renseignements généraux à cet égard? À quelle étape cette norme est-elle?
Ma réflexion à ce sujet est la suivante : pour élaborer en quelque sorte une norme ou un modèle cohérent qui pourrait être appliqué à toutes les provinces du Canada ainsi qu'à l'échelle fédérale, il me semble que l'on pourrait tous se fier à la norme de la CSA et que cela assurerait une bonne uniformité. En allant de l'avant malgré l'absence de normes, l'Ontario a fait du bon travail, mais, pour promouvoir cette approche dans toutes les autres provinces, il me semble qu'une norme de la CSA serait essentielle. Où la norme en est-elle en ce moment, et quand espérez-vous qu'elle sera achevée?
M. Sullivan : Vous avez absolument raison, sénateur Wallace. La Canadian Common Ground Alliance a quelques projets en cours en ce moment, et notre présence ici aujourd'hui s'inscrit dans le cadre de l'un d'eux. La norme CSA Z247 en est un autre. Je préside le comité technique qui rédige les normes. Par conséquent, je sais très bien d'où nous sommes partis, où nous en sommes maintenant et où nous irons.
À l'heure actuelle, nous avons accompli environ une année et demie des trois années de travail requises. Notre objectif ultime est de publier notre norme en mai ou en juin 2015 et sa version française peu de temps après sa traduction. À ma connaissance, le comité technique chargé de rédiger cette norme est le plus important et le plus diversifié à avoir jamais été constitué pour mettre au point une norme.
Mon expérience est liée aux pipelines et à l'Office national de l'énergie, qui m'a employé pendant 10 ans, il y a un certain nombre d'années de cela. À l'époque, j'ai participé à un processus de la CSA, mais il ne ressemblait en rien à celui auquel je prends part en ce moment. Le comité est composé de responsables de la réglementation de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, de représentants de l'ONE, de membres d'entreprises d'excavation et de localisation, de propriétaires de services publics membres de réseaux de distribution ou de municipalités et des représentants de la Fédération canadienne des municipalités. C'est un énorme groupe qui se réunit pour concevoir une norme de prévention des bris dans tous ces secteurs, une norme qui s'appliquera à tous.
C'est une tâche colossale. Nous venons de terminer l'examen de l'industrie; nous l'avons publié en novembre dernier et nous avons reçu 350 commentaires. Nous nous sommes servis de la Canadian Common Ground Alliance et de ses partenaires régionaux pour diffuser l'information. C'est l'un de nos grands avantages. Nous pouvons joindre les parties concernées partout au pays d'un simple clic de souris. Nous avons reçu 350 commentaires que le comité technique a épluchés.
Nous avons maintenant révisé la norme. J'espérais pouvoir avoir en main la dernière version avec moi aujourd'hui, mais je ne l'ai pas. Elle n'est pas encore prête. Je vous la ferai bien entendu parvenir plus tard. Je crois que nous tiendrons des audiences publiques en mai, mais je dois vérifier l'information. Encore une fois, nous prévoyons publier le tout en mai 2015.
Vous avez absolument raison. Je suis aussi d'avis que la norme a le potentiel de devenir une référence dans les lois et les règlements actuels; ainsi, toutes les règles de la norme deviendraient une exigence.
À la table de travail, il y a des parties qui représentent des entreprises qui ne sont pas inscrites auprès des centres d'appels uniques à participation volontaire, à l'exception des centres en Ontario, où la participation est obligatoire; or, ces représentants participent aux travaux concernant cette norme.
Je fonde beaucoup d'espoir dans cette norme. Je me trouve dans une position enviable, étant donné que je présiderai les travaux du début jusqu'à la fin.
La sénatrice Ringuette : One-Call est un organisme sans but lucratif, n'est-ce pas?
M. Sullivan : Oui.
La sénatrice Ringuette : C'est très important que les gens le comprennent. En ce qui concerne vos membres actuels en Ontario et vos activités en Alberta, ce sont en gros les mêmes grandes sociétés : les entreprises de télécommunications et Enbridge. Vous avez tous ces acteurs.
Maintenant que la loi est en vigueur en Ontario — merci, monsieur Bailey —, à quel point vos membres ontariens font-ils pression sur les autres provinces en vue d'adopter une réglementation similaire et d'économiser de l'argent et d'assurer la sécurité des travailleurs et de la population? À quel point vos membres ontariens et albertains font-ils pression sur les gouvernements provinciaux? Si le système fonctionne vraiment bien, pourquoi ne demande-t-il pas aux autres gouvernements provinciaux d'adopter une telle mesure législative?
M. Sullivan : Je peux parler de la situation en Alberta. Il y a longtemps qu'il n'y a pas eu une initiative concertée. L'Alberta a déjà envisagé d'adopter une loi à au moins une reprise, mais cela s'est soldé par un échec. Selon ce qu'on m'a dit, cela n'intéressait tout simplement pas les gens à l'époque. Les entreprises comme TransCanada, Enbridge, Alliance Pipeline, les entreprises de réseaux de transport et de distribution de gaz naturel — ATCO Gas ou toute autre entreprise albertaine — sont évidemment favorables à une loi. Nous avons une mesure législative partielle qui prévoit que les 900 titulaires de licences de l'Alberta Energy Regulator doivent être membres d'Alberta One-Call. Nous avons parlé de faire respecter la loi; or, il s'agit d'une loi de 2005, et je suis certain que moins de la moitié de ces titulaires de licences sont inscrits auprès de l'organisme.
Je collabore actuellement avec l'Alberta Energy Regulator en vue d'aborder la question. En termes simples, notre objectif est de mettre de l'ordre dans notre secteur en ce qui concerne la réglementation et l'inscription avant de demander une loi provinciale semblable à la loi ontarienne. Il faut que le système fonctionne bien.
Est-ce le cas dans les autres provinces? La Saskatchewan essaie actuellement de se doter d'une loi. Le Québec souhaite ardemment le faire aussi. En Colombie-Britannique, le processus relatif au centre d'appels unique n'est peut- être pas aussi avancé qu'il le devrait. Au Manitoba, le processus en est à ses premiers pas. En ce qui a trait à cette province, je m'inquiète notamment de la présence d'un règlement qui permet à un acteur important de ne pas participer au processus, et ce joueur essaie d'aborder seul la question.
La sénatrice Ringuette : Hydro?
M. Sullivan : Oui.
La sénatrice Ringuette : Je ne suis pas surprise.
M. Sullivan : Il y a une volonté. Y a-t-il une initiative concertée? Oui et non.
La sénatrice Ringuette : Monsieur Bailey, vous avez dit souhaiter — je crois bien — que le gouvernement fédéral adopte une loi semblable en ce qui concerne les terres publiques et les bases militaires en Ontario.
M. Bailey : La Commission de la capitale nationale.
La sénatrice Ringuette : La Commission de la capitale nationale, où nous nous trouvons actuellement, n'en fait pas partie.
M. Bailey : Ce n'est pas nécessaire. Ce serait un geste symbolique de grande importance concernant la Commission de la capitale nationale, les bases militaires et les lignes de chemin de fer qui sont sous réglementation fédérale.
La sénatrice Ringuette : Oui, et les lignes de chemin de fer.
M. Bailey : J'aimerais ajouter quelque chose à ce que M. Sullivan a dit en réponse à votre question. Vous avez demandé pourquoi le gouvernement ne le fait pas. En toute honnêteté, il n'y avait pas un fort engouement sur la question en Ontario, mais les gens m'en ont parlé, et j'en ai compris l'importance, étant donné que j'ai des antécédents dans l'industrie. Nous nous en sommes saisis, puis nous sommes allés de l'avant. Honnêtement, nous avions un gouvernement minoritaire à l'époque qui avait notamment besoin d'un budget. Vous savez comment cela fonctionne. Bref, mon projet de loi était là, et il a été adopté.
La sénatrice Ringuette : J'ai une facture de carte de crédit; j'aurais besoin de votre aide à ce sujet.
M. Bailey : Mon projet de loi et leurs budgets ont été adoptés. C'est malheureux, mais tout le monde le savait. Lorsque je discutais avec des ministres ou d'autres personnes, tout le monde me disait que c'était un excellent projet de loi qui aurait dû être présenté il y a longtemps, mais il faut qu'il y ait une volonté de le faire. Il faut que le premier ministre ou des fonctionnaires pilotent le projet. Sept ou huit ministres se sont succédé en huit ou neuf ans. Ces ministres et leur personnel ont fait un excellent travail, mais ils ont dû recommencer du début chaque fois. Ils m'ont aidé à faire avancer mon projet de loi, mais l'idée existait déjà. Partout au pays, les gens savent que c'est la bonne chose à faire. Il nous suffit de leur donner la motivation nécessaire pour franchir le Rubicon.
La sénatrice Ringuette : Monsieur Sullivan, certains particuliers possèdent des rétrocaveuses. Beaucoup de propriétaires doivent probablement communiquer avec votre centre d'appels unique, parce qu'ils ne savent pas ce qui se trouvait là avant, s'ils ne sont pas les premiers occupants sur une route ou un terrain donné.
M. Bailey : Je vais vous parler de mon expérience personnelle. Nous avons récemment déménagé, et ma femme voulait créer un jardin en mémoire de nos parents. Elle s'occupait de la planification, et le jardinier paysagiste était venu dessiner des plans. Tout d'un coup, je lui ai demandé si elle avait appelé le service One Call; elle m'a dit qu'elle ne le savait pas. Je lui ai répondu de s'assurer que le jardinier paysagiste communique avec le service One Call. Je m'en serais voulu, si quelque chose était arrivé. C'était un jardin d'un pied et six pouces de profond. J'ai insisté pour communiquer avec le service One Call.
On peut commettre des erreurs de bonne foi. Un propriétaire souhaite se faire une entrée ou faire des travaux de terrassement ou installer une clôture, puis il heurte quelque chose dont il n'avait aucune idée de la présence.
M. Sullivan : Une personne est morte en Alberta en faisant du jardinage il y a quelques années.
Le sénateur MacDonald : J'aimerais revenir sur ce dont le sénateur Wallace parlait. Contrairement à ce dernier, je ne suis pas avocat, mais cela soulève des questions relatives aux compétences. La Constitution est-elle claire à ce sujet en ce qui a trait aux compétences du gouvernement fédéral et des provinces? Le gouvernement fédéral rencontrerait-il une certaine résistance s'il élaborait une mesure plus exhaustive ou autre chose que des mesures fragmentaires? Vous avez parlé de la Commission de la capitale nationale pour ce qui est des domaines de compétence fédérale. Dans une certaine mesure, ce serait perçu comme une initiative fragmentaire, à savoir de cibler les secteurs de compétence fédérale. La Constitution ou la loi permet-elle au gouvernement fédéral de proposer une initiative plus exhaustive qui pourrait s'appliquer à l'ensemble du pays? La Constitution est-elle claire à cet égard?
M. Sullivan : Pour être honnête, je ne crois pas. Je suis dans le domaine depuis plus de 20 ans, et si ce ne l'est pas à mes yeux, je me risquerais à dire que la Constitution n'est pas claire à ce sujet. Prenons l'Office national de l'énergie et le CRTC; nous avons un organisme fédéral et un tribunal administratif. L'un demande de participer à la révision de la législation et de la réglementation, alors qu'il n'en a aucunement le mandat. D'après moi, en fonction des attentes raisonnables des Canadiens, si je dois creuser et que je sais que je dois appeler avant de le faire — en cette période où nous avons des applications pour tout —, cela devrait se faire ainsi. Autrement, cela n'a aucun sens pour la personne qui essaie d'assurer sa sécurité et celle de sa communauté, ainsi que l'intégrité de l'équipement enfoui.
Selon moi, nous pourrions passer beaucoup de temps à parler des obstacles, y compris la clarté de la Constitution, et j'ai beaucoup entendu parler de ces obstacles au fil des ans. J'aimerais que nous passions outre les obstacles et trouvions une solution. Devons-nous avoir une mesure incitative? Regardez ce qui s'est passé aux États-Unis. En 2000, je crois, la Transportation Equity Act for the 21st Century a mis en place des mesures incitatives pour les centres d'appels uniques dans les États, les subventions et les capitaux de démarrage en vue d'inciter l'adoption de pratiques exemplaires et d'avoir une mesure législative. Je ne sais pas si c'est possible au Canada, mais étant donné que je suis dans le secteur d'activité et que j'entends les attentes des Albertains, principalement, je me risquerais à dire que c'est ce à quoi ils s'attendent. C'est vraiment le cas.
Le sénateur MacDonald : Je ne pense pas que le problème soit les obstacles. Tout ceci débute à la maison. Les gens sont aux prises avec de tels problèmes dans les collectivités. Les gens d'affaires, les élus municipaux et les politiciens provinciaux interviennent et s'en occupent. Je dis simplement le contraire. Si rien n'empêche le gouvernement fédéral de le faire du point de vue de la Constitution, je ne vois pas pourquoi le gouvernement fédéral ne pourrait pas intervenir et élaborer une mesure exhaustive qui s'appliquerait à l'ensemble du pays. Il faut que cela respecte la Constitution, mais rien ne nous empêche de le faire, à moins que les provinces ne s'y opposent, parce qu'elles se disent que nous empiétons sur leurs compétences. J'aimerais avoir des précisions à cet égard, mais c'est probablement un élément parmi tant d'autres qui n'ont pas vraiment de paramètres constitutionnels distincts.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Est-ce que l'ensemble des infrastructures sont géoréférencées? Si l'ensemble des structures sont géoréférencées, sont-elles accessibles via Internet?
M. Sullivan : Elles ne sont pas toutes géoréférencées. Certaines infrastructures sont là depuis longtemps et on sait environ où elles se situent dans une parcelle.
Le sénateur Boisvenu : On connaît l'endroit approximatif.
M. Sullivan : En effet. Selon la cartographie qu'on nous donne au centre d'appels, nous savons que nous sommes à cet endroit. Si on a un appel ou une notification, on va déterminer si l'excavation nous affectera ou non. Tout dépend. La géoréférence est préférable car cela nécessitera moins de notification pour le propriétaire de l'infrastructure. Toutefois, elles ne sont pas toutes géoréférencées.
Le sénateur Boisvenu : Quel rôle pourrait jouer le gouvernement fédéral en termes de leadership? À mon avis, cette législation devrait relever des provinces. À l'extérieur de la capitale nationale, quel pourrait être le rôle du gouvernement fédéral en termes de leadership dans ce dossier?
M. Sullivan : D'après moi, le rôle serait de créer un incitatif, de créer une culture de prévention des dommages pour les provinces au Canada. Il s'agirait de créer une culture de prévention des dommages pour les ministères fédéraux et provinciaux.
Le CRTC n'a pas de mandat de prévention des dommages. D'après moi, avec les services qu'il offre aux Canadiens, il devrait avoir un mandat pour la prévention des dommages.
Dans le cas des provinces, un dialogue entre le fédéral et le provincial pour créer un incitatif serait d'après moi le but minimum de leadership de la part du gouvernement fédéral.
[Traduction]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Bailey, quel est votre point de vue en ce qui concerne le leadership fédéral sur cet enjeu?
M. Bailey : Je vois des problèmes du côté de l'Office national de l'énergie. Nous avons déjà parlé de la Commission de la capitale nationale et des lignes de chemin de fer qui traversent les administrations. Si nous prenons le projet de loi 8 comme modèle — même s'il est loin d'être parfait — et que nous montrons la voie à suivre par l'entremise de votre comité, je crois que cela aidera beaucoup à encourager les législateurs au pays à se pencher sur la question.
Je tenais aussi à mentionner que certains des plus fervents partisans du projet de loi, à savoir les gens qui ont signé des lettres et qui m'ont envoyé des lettres de soutien, étaient les premiers répondants. J'ai reçu des lettres d'ambulanciers, de pompiers et de policiers, qui sont parmi les premières personnes à se présenter sur les lieux, comme M. Sullivan l'a mentionné. Chaque appel peut être une urgence ou une situation grave. Ces personnes considèrent le service One Call et le projet de loi 8 comme des outils importants en vue d'assurer leur sécurité et la sécurité de leurs voisins. Bref, je suis d'avis que tout ce que le gouvernement fédéral accomplira par l'entremise du Sénat et de votre comité sera très utile. Si nous pouvons encourager les premiers répondants à promouvoir une telle initiative, en partenariat avec la Common Ground Alliance, l'Ontario et le gouvernement fédéral, que nous comprenons la direction que prennent les gens et que nous jouons un rôle de chef de file, je crois que cela aidera énormément à faire adopter un tel programme de santé et de sécurité en Ontario et partout au pays.
Le sénateur Wallace : Monsieur Sullivan, les Américains ont un centre d'appels unique national qui s'occupe de l'ensemble du pays. Vous avez témoigné devant notre comité dans le cadre de notre étude sur l'infrastructure de transport d'hydrocarbures. À ce moment, j'avais cru comprendre de votre exposé que vous pensiez que c'était possible d'avoir un tel centre d'appels unique au Canada, à savoir que nous aurions un numéro unique pour l'ensemble du pays à appeler lorsqu'on veut creuser au Canada.
Je n'ai pas cette impression aujourd'hui. Honnêtement, je ne vois pas comment nous pourrions le faire au Canada. Selon moi, en raison de la séparation des pouvoirs au Canada, le mieux que nous pourrions faire serait d'avoir un centre d'appels unique par province. Je présume que le centre pourrait couvrir l'infrastructure d'une province, peu importe que ce soit sous réglementation fédérale ou provinciale. Ai-je raison? Il n'est pas question de mettre en place le système américain au Canada. Ce n'est pas ce que vous proposez.
M. Sullivan : Non. Nous avons deux choses; vous avez raison, mais vous avez également tort sur un point. Aux États-Unis, chaque État a un centre d'appels unique, voire plus d'un. Au Texas, il y en a trois. La particularité du système américain est qu'il a un point d'accès national par l'entremise d'un indicatif à trois chiffres, soit le 811. Une personne peut composer ce numéro de partout aux États-Unis, et son appel sera transféré au centre le plus près. Cette particularité a permis aux États-Unis d'avoir des programmes de sensibilisation de grande envergure. On retrouve le logo partout. Que ce soit Shell ou toute autre compagnie de pipeline ou entreprise de services publics qui utilisent ce logo, le signe est devenu aussi connu que le CH des Canadiens de Montréal ou le NY des Yankees de New York. C'est le symbole de la prévention des dommages aux États-Unis.
Il y a deux ans et demi ou trois ans, nous avons présenté une demande au CRTC concernant la double utilisation de l'indicatif 811 au Canada. La demande a été rejetée. À l'époque, je n'étais pas président d'un centre d'appels unique. Si je me fie au virage technologique, je crois que nous n'aurions pas pu espérer avoir une meilleure réponse.
Voici un exemple en vue de vous expliquer pourquoi je suis de cet avis. Comme je l'ai mentionné plus tôt, le traitement d'une demande de localisation faite par Internet prend une fraction du temps qu'il faut pour traiter une demande par téléphone. De plus, une personne peut faire parvenir une demande de localisation par Internet quand elle le veut; cela prend cinq minutes. Les gens n'ont pas besoin d'attendre au téléphone pendant les périodes de pointe; ils risquent moins de perdre patience et de raccrocher et de décider de creuser quand même.
Nous avons créé un portail web national, à savoir Cliquez avant de creuser, qui nous a coûté environ 5 000 $. Le portail est bilingue. Il suffit de cliquer la province où vous travaillez, et voilà. Notre demande auprès du CRTC pour la double utilisation de l'indicatif 811 nous a coûté un peu moins de 100 000 $, et nous sommes rentrés bredouilles. En ce qui a trait à la tendance technologique, l'Alberta One-Call recevait environ 35 p 100 de ces demandes par Internet il y a un an. Nous avons changé d'approche en mars 2013. Nous avons dirigé notre attention sur le Web plutôt que sur le téléphone. L'année 2013 a été notre troisième année la plus occupée en 30 ans d'histoire. Lorsque nous avons changé notre approche, nos demandes de localisation reçues par Internet ont augmenté de 60 p. 100 en quelque 8 ou 10 petites semaines entre la mi-mars et la fin mai. Le système existait depuis 15 ans, mais nous n'en avions jamais fait la promotion.
En décembre 2013, par exemple, 74,6 p. 100 des demandes de localisation en Alberta ont été faites par Internet. Au Québec, plus de 80 p. 100 des demandes de localisation reçues par Info-Excavation sont envoyées par Internet, ce qui est le plus haut pourcentage parmi tous les centres d'appels uniques en Amérique du Nord. Voilà la tendance technologique. Voilà ce à quoi la population s'attend. Le Québec a lancé une application pour les demandes de localisation, et l'Alberta le fera à l'automne.
Il y a des centres d'appels uniques dans tous les États américains. Les gens utilisent le 811, mais cela force les gens à appeler. Cela les force à attendre au téléphone, et les gens risquent de perdre patience. Au Canada, nous avons encore des numéros sans frais, et je ne crois pas qu'ils disparaîtront de sitôt. D'un autre côté, si vous m'aviez demandé il y a 20 ans si nous arrêterions un jour d'utiliser le télécopieur, je vous aurais dit que non. Nous venons de nous débarrasser du nôtre l'année dernière. Seulement 4 p. 100 de nos demandes de localisation nous étaient acheminées par télécopieur. Il faut nous adapter. L'initiative Appelez avant de creuser est excellente. J'aimerais la modifier. Il faut mettre l'accent sur « Avant de creuser ». À cet égard, le CCGA vient de mettre la touche finale à une marque de commerce concernant la prévention des dommages qui se résume tout simplement à « Avant de creuser » et à trois icônes en haut, soit le téléphone, le Web et l'application. À l'instar du télécopieur, je suis persuadé que ces méthodes d'accès seront remplacées au fil des années. Peu importe ce qui se passera, les gens devront encore dans 20 ans faire quelque chose avant de creuser. Le téléphone sera peut-être devenu obsolète, et l'Internet sera peut-être passé de mode, mais les gens devront poser un geste.
Vous aviez raison; il y a un point d'accès national. C'est possible au Canada, mais nous devons demeurer flexibles en vue de nous adapter au fil des années.
Le sénateur Wallace : Peu importe la méthode d'accès, les informations seraient conservées dans les provinces.
M. Sullivan : Oui.
Le sénateur Wallace : La réponse proviendrait des provinces.
M. Sullivan : Oui.
Le sénateur Wallace : La réponse ne proviendrait pas d'un bureau situé à Ottawa qui s'occuperait de l'ensemble du pays.
M. Sullivan : Oui.
Le sénateur Wallace : Voilà qui clarifie la question. Merci.
Le vice-président : La séance est très intéressante. J'aimerais aborder deux ou trois points. Concernant le financement, je crois comprendre que si une personne fait une demande de localisation par téléphone ou par Internet, le propriétaire de l'équipement enfoui — par exemple, une entreprise privée ou la municipalité — versera 1 $ par demande. Voilà d'où provient le financement. Cela ne provient pas des contribuables. J'imagine que s'il s'agissait d'un programme national... Ce ne serait pas le cas. C'est toujours le propriétaire du secteur privé.
M. Sullivan : C'est exact.
Le vice-président : Cela ne coûtera rien au gouvernement de manière générale. Il se peut qu'il y ait des mesures incitatives, mais c'est peu probable.
M. Sullivan : L'un de nos slogans publicitaires est : « Cliquer ne vous coûte rien, mais ne pas cliquer pourrait vous coûter cher ». C'est exactement ce qui pourrait arriver.
Le vice-président : Certains s'inquiétaient des coûts pour les municipalités, et je crois que l'association et l'industrie assument en fait la facture de la municipalité jusqu'à concurrence d'un certain nombre de demandes.
M. Sullivan : Je peux seulement parler de l'Alberta. Mes collègues pourront aborder la situation qui prévaut en Ontario.
Normalement, une municipalité fera partie de la première catégorie. En Alberta, une ville reçoit facilement moins de 100 demandes. Lorsque nous avons augmenté nos frais il y a peu de temps, les frais pour la première catégorie sont passés de 1 à 6 $ par demande — de 1 à 100 demandes. Certains s'en sont plaints et nous ont dit que nous n'avions pas le droit de faire cela. J'ai répondu que vous n'avez reçu que 35 demandes l'an dernier; vos coûts ont augmenté de 35 $. Pour vous donner une idée, ATCO Gas, TELUS ou Bell sont avisées chaque fois qu'un trou est creusé en Alberta. Ces entreprises vont rapidement passer la première et la deuxième catégorie, et il leur en coûtera peut-être 2,50 ou 2,20 $ par demande. Au final, ce sont les entreprises de services publics qui financent l'organisme sans but lucratif.
Le vice-président : J'ai une question concernant la nature de la mesure législative. Premièrement, il faudrait que les propriétaires d'équipement enfoui soient membres du système. Deuxièmement, une personne qui n'a pas cliqué avant de creuser recevrait une amende. Les gens qui n'ont pas appelé ou qui n'ont pas cliqué avant de creuser recevraient-ils une amende, même s'ils n'ont rien heurté en creusant? Même si rien n'est arrivé, les gens recevraient-ils quand même une amende?
M. Sackville : Il arrive parfois que l'entreprise fasse l'excavation et ne se fasse pas prendre. Avec la présence d'organismes de réglementation et de gens qui observent le travail des autres, il y aura de moins en moins d'occasions pour une entreprise d'essayer de passer outre le centre d'appels unique. On se rendra compte de ce qui s'est passé. Parfois, des gens causent des dommages qu'ils essaient de dissimuler, et ils s'imaginent que personne ne s'en rendra compte. Un jour, lorsqu'on remarquera l'encoche sur la ligne électrique, on se dira qu'un propriétaire n'a probablement pas appelé le centre.
Le vice-président : Il y a aussi le problème d'obtenir des renseignements précis sur la localisation de l'équipement enfoui. Beaucoup de pipelines sont vendus d'une entreprise à l'autre. S'il y avait des dossiers au sujet de l'infrastructure enfouie, on les a probablement perdus. Si les dossiers ne sont pas vraiment perdus, qui saurait où trouver cette information?
La loi oblige-t-elle les propriétaires à être plus rigoureux en ce qui concerne la production de rapports de localisation et leur transmission à un centre?
M. Sackville : Lorsqu'un équipement enfoui est plus explosif ou qu'il y a un danger plus élevé, l'infrastructure est mieux cartographiée. C'est notamment l'un des aspects pour lesquels les municipalités se sont vu accorder une année pour se conformer aux exigences de l'organisme Ontario One Call, parce que les villes ont beaucoup de vieilles infrastructures souterraines qui n'étaient pas cartographiées.
Nous avons une municipalité qui siège au conseil, et ses représentants savent qu'ils devront répondre aux demandes jusqu'à ce qu'ils soient en mesure de cartographier le réseau d'égout et d'aqueduc, parce qu'il s'agit des infrastructures les plus profondes. La ville ne sait pas exactement où se trouvent ces infrastructures souterraines, mais elle acquerra au fil du temps la capacité de les localiser grâce à la cartographie SIG.
M. Bailey : Merci de votre question. Cela m'a rappelé quelque chose. Il y a une société d'ingénierie dans ma circonscription qui a créé de nouveaux emplois, parce que dans Sarnia—Lambton nous avons des industries qui ont une centaine d'années. Avant que le projet de loi devienne loi, les gens se sont rendu compte qu'ils ne savaient pas où se trouvait leur équipement enfoui et qu'un tel le savait à l'époque, mais qu'il avait depuis pris sa retraite. Les entreprises ont dû faire vite.
De nouveaux emplois et de nouvelles technologies ont vu le jour, et des entreprises offrent leurs services de cartographie aux autres entreprises, parce que tout le monde sait que cela s'en vient. Les gros joueurs doivent se conformer aux règles. Ils ont donc décidé d'aller de l'avant à ce sujet.
Je pourrais vous faire parvenir des renseignements à cet égard. J'en prends note.
Le vice-président : Ce serait excellent. Merci.
M. Sullivan : En partie — vous parlez des provinces où il y a une loi. Même s'il n'y en a pas, comme en Alberta, nous faisons signer des ententes aux nouveaux membres qui s'engagent à nous communiquer la localisation de la nouvelle infrastructure souterraine 15 ou 30 jours, par exemple, après l'enfouissement. Ainsi, nos membres mettent constamment à jour nos données cartographiques.
Sénateur Mitchell, vous avez aussi mentionné qu'il faut s'inscrire ou appeler ou cliquer avant de creuser. Il y a aussi un autre élément dont votre comité doit tenir compte. Dans les provinces qui n'ont pas de centre d'appels unique, les propriétaires d'infrastructures enfouies devraient en créer un. C'est ce qui s'est passé en Alberta. Il y a 30 ans, 12 propriétaires d'infrastructures enfouies ont décidé qu'ils en avaient besoin. Ils étaient 12 au départ; ils sont aujourd'hui 735.
Le vice-président : J'aimerais revenir sur le point du sénateur Wallace et le gouvernement fédéral. Prenons l'exemple de l'Ontario. Le centre d'appels unique de la province pourrait être le gardien des données relatives à tout pipeline profondément enfoui et à toute infrastructure souterraine du CRTC. L'organisme pourrait transmettre ses données au centre ou demander aux entreprises réglementées de transmettre leurs données au centre.
M. Sullivan : C'est exact.
Le vice-président : Cela ne coûterait rien du tout au gouvernement fédéral, mais il faudrait pour ce faire une loi fédérale en vue d'établir un lien avec le centre provincial. Ce serait seulement un problème si neuf provinces avaient un centre et que la dixième n'en avait pas. Que faire dans une telle situation? On fait pression de manière positive sur la dixième province.
Merci, chers collègues. Merci également à nos excellents témoins. Nous vous remercions énormément de votre temps.
(La séance est levée.)