Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 9 - Témoignages du 27 mars 2014
OTTAWA, le jeudi 27 mars 2014
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 46, pour étudier l'état actuel des programmes de « centres d'appels uniques » qui permettent, au Canada, d'identifier les infrastructures souterraines.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la Colombie-Britannique et je suis le président du comité. Je souhaite la bienvenue aux sénateurs, aux membres du public qui se trouvent dans la salle et aux téléspectateurs qui suivent les délibérations à la télévision.
Je rappelle aux auditeurs que les réunions du comité sont ouvertes au public et qu'on peut aussi les suivre sur le Web, sur le site sen.parl.gc.ca. Vous pouvez aussi trouver de l'information sur le programme de comparution des témoins sur le site web, sous la rubrique « Comités du Sénat ».
J'invite maintenant les sénateurs à se présenter. Je vais commencer par présenter le sénateur qui se trouve à ma droite, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta.
Le sénateur MacDonald : Sénateur Michael L. MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
Le sénateur Black : Douglas Black de l'Alberta.
Le président : Je voudrais aussi présenter les membres du personnel. D'abord la greffière, Lynn Gordon, à ma gauche, et deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.
Aujourd'hui, nous poursuivons l'étude de l'état des programmes de « centres d'appels uniques » qui permettent d'identifier les infrastructures souterraines au Canada.
C'est avec grand plaisir que j'accueille le témoin de l'Association canadienne de la construction, M. Frank Zechner. Monsieur Zechner, sauf erreur, vous êtes le représentant de l'ACC auprès de la Canadian Common Ground Alliance et son expert des questions d'« appel unique ». Merci d'être parmi nous aujourd'hui. Nous avons hâte de vous entendre. Vous avez la parole.
Frank Zechner, représentant, Association canadienne de la construction : L'Association canadienne de la construction remercie le comité de lui donner l'occasion de présenter des observations. Je passe tout de suite à mon exposé.
Depuis sa création, en 1918, l'Association canadienne de la construction est le porte-parole national du secteur de la construction non résidentielle au Canada. Elle représente plus de 20 000 entreprises provenant de 65 associations locales et provinciales associées par tout le Canada. Ce secteur s'occupe de la construction de tous les bâtiments de plus de quatre niveaux et de l'infrastructure essentielle qui rend la vie possible au Canada. L'organisation sœur, l'Association canadienne des constructeurs d'habitations, représente le secteur de la construction résidentielle.
Les préoccupations principales de l'ACC au sujet de l'état actuel du programme « One Call » ou « Appelez avant de creuser » sont les suivantes : la sécurité du public et des travailleurs, la participation du gouvernement fédéral et des services efficients et efficaces de construction.
La sécurité du public et des travailleurs est de la plus haute importance pour l'ACC et ses membres. Peu d'industries ont consacré plus de temps et d'efforts que le secteur de la construction à la sécurité du public et en milieu de travail. Cet engagement en matière de sécurité en milieu de travail nous incite à nous exprimer au sujet des centres d'appels uniques. À ce propos, nous espérons que vos recommandations ultimes permettront d'apporter de nouvelles améliorations dans tout le Canada.
Pourquoi les centres d'appels uniques sont-ils si importants? Les dommages causés aux canalisations souterraines peuvent avoir de graves conséquences, même lorsqu'il ne s'agit pas de canalisations de gaz ou d'électricité. Si une conduite d'eau maîtresse est abîmée, le fonctionnement des extincteurs automatiques et des bouches d'incendie peut être entravé, alors qu'ils constituent la première ligne de défense contre les incendies. La rupture d'une conduite d'égout peut contaminer l'eau potable pendant des années. Celle d'une ligne téléphonique peut interrompre les communications pour des aînés qui ont besoin d'une aide médicale, pour les alarmes de sécurité ou encore bloquer le fonctionnement des systèmes de contrôle aérien dans un aéroport.
Si une ligne électrique est abîmée, cela peut interrompre le fonctionnement des ascenseurs et faire perdre l'éclairage et le chauffage, ce qui est un sujet de préoccupation particulier, avec un hiver comme celui que nous venons de connaître. Toucher une ligne électrique, cela peut provoquer un choc fatal pour les travailleurs qui sont tout près, ou le contact avec une conduite de gaz peut déclencher une explosion mortelle, ce qui n'est pas sans faire penser au drame survenu dans un petit centre commercial de l'ouest de Toronto, où sept personnes ont trouvé la mort en 2003.
Les entrepreneurs essaient de prévoir et de réduire au minimum tous les risques sur les lieux de travaux de construction. Ils investissent beaucoup dans la formation des travailleurs, mais ils n'ont qu'un contrôle limité lorsqu'il s'agit d'identifier et de localiser les installations souterraines.
Les lois canadiennes exigent que les entrepreneurs en construction se fient aux propriétaires et aux exploitants des infrastructures souterraines pour fournir et trouver rapidement des renseignements exacts. On ne saurait trop insister sur ce dernier point. L'exactitude est essentielle si on veut garantir un milieu de travail sûr et réduire au minimum les risques de blessure pour le public et les travailleurs que font apparaître la construction et l'installation de nouvelles infrastructures souterraines.
Si une information inexacte ou incomplète est communiquée, la probabilité d'accidents en milieu de travail augmente de façon radicale. Par exemple, on peut dire à un entrepreneur qu'il y a une ligne principale de télécommunication à deux mètres à l'ouest du trottoir de l'est. En réalité, l'entrepreneur pense avoir trouvé cette ligne principale lorsqu'il tombe sur une ligne abandonnée de télécommunication. Il creuse ensuite sur la ligne active, coupant les communications pour des heures ou des jours dans le voisinage. Dans le cas d'installations plus dangereuses, comme des lignes électriques ou des conduites de gaz, les conséquences peuvent être fatales.
Voilà qui est inacceptable, surtout lorsqu'il est possible de réduire au minimum le risque d'incidents semblables en veillant à ce que les propriétaires des infrastructures conservent des schémas détaillés et à jour de leurs installations souterraines et à ce que cette information soit centralisée à un seul endroit. De la sorte, lorsqu'une demande de localisation est faite, il est possible de connaître l'information sur toutes les structures souterraines à éviter.
Quant à la participation du gouvernement fédéral, l'une des associations provinciales de l'ACC, l'OSWCA, a présenté en 2002 une demande en vertu de la partie VII au CRTC pour obtenir des normes de localisation pour les télécommunications. La demande a été rejetée en 2004. En 2008, l'Association canadienne de la construction a fourni un soutien financier et autre pour la présentation d'un appel d'une décision du CRTC concernant Shaw Cable Systems qui voulait utiliser les routes municipales du comté Wheatland pour installer des lignes souterraines. Shaw Cable a refusé de devenir membre d'Alberta One-Call, condition préalable à l'utilisation des routes du comté. L'affaire a été soumise à la Cour fédérale d'appel, qui s'est prononcée en faveur de Shaw Cable en 2009.
L'ACC a également appuyé financièrement et autrement la demande de la Canadian Common Ground Alliance présentée au CRTC en 2011. Elle souhaitait un partage du numéro 811 entre le triage pour les services de santé non urgents et les centres provinciaux d'appels uniques. Le CRTC a également rejeté cette demande par sa décision de 2012. Pourquoi la participation du gouvernement fédéral est-elle si importante?
Jusque récemment, la législation provinciale a mis l'accent sur le programme « Appelez avant de creuser » en exigeant des excavateurs qu'ils appellent le propriétaire du service public pour obtenir la localisation, c'est-à-dire un marquage en surface et des cartes pour identifier l'emplacement des services enfouis. Les centres d'appels uniques sont actifs dans différentes parties du Canada depuis le début des années 1990, mais il ne s'agissait pas vraiment de centres d'appels uniques parce que seulement certains des services publics ont décidé d'y participer.
Jusque récemment, un entrepreneur qui travaillait dans la région de Toronto pouvait devoir faire sept appels distincts, en plus de l'appel à One Call, pour obtenir l'information de localisation. Si l'un de ces sept numéros est négligé, on risque de causer une tragique perte de vie ou de nuire à la santé et à la sécurité d'innombrables personnes.
L'Ontario a légiféré récemment pour rendre obligatoire la participation aux centres d'appels uniques. Nous en sommes encore aux premiers balbutiements, mais nous espérons que ce modèle sera efficace et que, avec le temps, d'autres provinces adopteront des lois semblables.
Toutefois, cette loi ne s'applique qu'aux services publics sous réglementation provinciale. Quant aux installations souterraines appartenant à des entités de ressort fédéral, ces entités ne sont pas tenues de s'inscrire à Ontario One Call. S'il est vrai que l'Office national de l'énergie a exigé que les membres de l'industrie qu'il régit deviennent membres des centres uniques d'appels, on ne peut pas en dire autant des entreprises réglementées par le CRTC et les chemins de fer interprovinciaux.
Aux États-Unis, ces centres sont obligatoires dans tout le pays depuis une quinzaine d'années, et ils le sont depuis près de 40 ans dans certains États. Ces quatre décennies, il y a eu d'innombrables opposants, dans l'ensemble des États- Unis, aux systèmes obligatoires de localisation des services publics. Malgré les arguments passionnés de centaines, voire de milliers de lobbyistes rémunérés pour divers secteurs d'activité dans tous les États américains, tous les organismes américains de réglementation ont fini par en venir tôt ou tard à la conclusion qu'un centre de localisation des services publics à participation facultative n'était pas efficace et que les centres d'appels uniques à participation obligatoire étaient essentiels à une économie et à une société sûres et efficaces.
Les États-Unis ont non seulement des lois qui rendent obligatoire la participation aux centres d'appels uniques, mais aussi le numéro 811. Le Congrès américain a estimé que ces centres étaient tellement indissociables de la sécurité publique que, en 2005, il a ordonné à la FCC et au département américain des Transports d'établir un numéro d'appel unique, le 811, pour renforcer l'efficacité du système dans l'ensemble des États-Unis, y compris à Hawaï et en Alaska. Le système 811 est entré en activité dans la totalité du territoire en 2007.
Les centres d'appels uniques imposés par les législateurs fédéraux et provinciaux sont un élément clé d'un cadre complet propre à promouvoir la sécurité dans la construction et à renforcer des services efficaces de construction. Leurs lois doivent imposer les obligations voulues à la fois aux excavateurs et aux propriétaires et exploitants des infrastructures enfouies, que les infrastructures soient sous réglementation fédérale ou provinciale.
Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle important dans la promotion de centres d'appels uniques dans tout le Canada, et nous vous exhortons à recommander à tous les organismes fédéraux la participation obligatoire à ces centres de toutes les entreprises qu'ils régissent.
De plus, nous espérons que vous recommanderez que le CRTC revienne sur son opposition à l'utilisation commune du numéro 811 par tous les centres d'appels uniques. Il nous semble que cela est dans l'intérêt supérieur de tous les Canadiens.
Merci. J'ai hâte d'entendre vos questions.
Le président : Merci beaucoup de votre exposé. Nous commencerons par les questions du vice-président, le sénateur Mitchell.
Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur Zechner. Vous avez fait valoir votre point de vue en des termes très énergiques et nous vous savons gré de la façon dont vous vous êtes exprimé. C'est très convaincant.
J'ai été particulièrement intéressé par ce que vous avez dit du CRTC et de Shaw Cable. Vous n'êtes pas là comme porte-parole de Shaw Cable, mais pourquoi cette entreprise refuse-t-elle de participer?
M. Zechner : J'ai dû traiter avec bien des sociétés de télécommunication dans tout le Canada. En fait, lorsque l'OSWCA a présenté sa demande, en 2002, j'ai été le conseiller associé à cette demande. La majeure partie du secteur des télécommunications — il y a maintenant des exceptions, de plus en plus nombreuses du reste — y voit au fond un facteur de coût. Autrement dit, leur participation à un centre d'appels uniques coûtera tant, et la mise en place de leur propre centre coûtera moins cher. C'est une simple question d'arithmétique.
Le sénateur Mitchell : L'idée du numéro 811 est excellente. Le CRTC l'a rejetée parce qu'une autre entité s'en servait. Vous ou votre organisation avez-vous réfléchi à la façon dont ce numéro pourrait être réaffecté? Vous soutenez qu'il devrait être utilisé pour les centres d'appels uniques. Est-ce toujours une possibilité?
M. Zechner : Nous avons demandé à partager l'utilisation de ce numéro. Nous ne voulons pas évincer ceux qui possèdent actuellement le numéro 811. Il a été attribué à divers ministères provinciaux de la Santé pour des services secondaires ou de triage. Ce n'est pas le 911. Il s'agit de répondre à des besoins médicaux moins urgents, et le 811 est un simple numéro. Il n'est pas actif dans l'ensemble du Canada, même s'il a été attribué à ces services. Plusieurs provinces se servent de ce numéro, mais pas toutes.
Ce que nous avons proposé par l'entremise de la Common Ground Alliance, c'est une utilisation partagée du 811. Essentiellement, la boîte vocale serait ainsi conçue : d'abord, le choix entre l'anglais et le français; on demanderait ensuite au correspondant : « Si vous appelez pour des services médicaux d'urgence ou de triage, faites le 1. Si vous appelez pour des services de localisation de services publics, faites le 2. » Ensuite, l'appel du correspondant serait acheminé vers le centre voulu. Le CRTC a étudié cette proposition, et il l'a rejetée.
Le sénateur Mitchell : Vous avez dit que l'Office national de l'énergie avait rendu obligatoire la participation aux centres d'appels uniques, je crois, et vous proposez que le CRTC en fasse autant pour les secteurs d'activité qu'il régit. Avez-vous songé à la possibilité que, lorsqu'une entité fédérale accorde un contrat de construction, l'une des conditions à satisfaire pour être choisi pour exécuter le contrat soit que l'entreprise participe aux centres d'appels uniques, s'il s'agit d'une entreprise de construction?
M. Zechner : Les entrepreneurs en construction ne sont pas membres de ce programme. Ce sont les services publics qui le sont. S'il s'agit de Shaw, de Rogers ou de Bell, c'est cette entité qui est membre participant. Je suis sûr que d'autres témoins vous auront expliqué le fonctionnement du programme : ces entités ont une structure tarifaire et elles fournissent l'information de localisation au centre d'appels uniques. Lorsque le centre reçoit une demande de localisation d'un propriétaire de maison ou d'un entrepreneur en construction, il indique à l'ordinateur une intersection ou une zone et peut répondre : « Ces cinq services publics ont des installations souterraines dans le secteur où vous vous proposez de creuser. » Un message est ensuite envoyé par voie électronique à ces services publics. Il y a des frais de 85 cents ou de 1,10 $ ou d'un autre montant pour chacun des appels qui sont faits. Voilà en gros comment cela fonctionne.
Le sénateur Massicotte : On fait l'appel à un registre central. Cinq ou six infrastructures en place sont identifiées. Que se passe-t-il ensuite? Que font ces cinq ou six services publics?
M. Zechner : En Ontario, les cinq ou six services publics doivent normalement envoyer quelqu'un sur le terrain pour marquer par des drapeaux ou avec de la peinture l'endroit où se trouvent les lignes et fournir aussi un document qui explique où elles se trouvent. Il peut s'agir d'un schéma, d'une carte ou d'une description écrite, mais il y a d'habitude deux éléments, soit un document écrit et un marquage en surface, de façon à dissiper au maximum les doutes sur l'emplacement de l'infrastructure enfouie.
Le sénateur Massicotte : Y a-t-il des frais pour l'entrepreneur?
M. Zechner : Non, il n'y a pas de frais pour l'entrepreneur. C'est essentiellement le service public qui assume les coûts, et il récupère d'habitude ces coûts au moyen de son tarif de base, qu'il s'agisse du service d'approvisionnement en eau, d'un distributeur de gaz naturel ou d'un distributeur d'électricité comme les associations municipales d'électricité.
Le sénateur Massicotte : D'après ce qu'a décrit un autre témoin, c'est du moins ce que j'ai compris, quand on appelle le centre, il y a un regroupement des services et un seul interlocuteur représente les cinq ou six services publics. Ce n'est pas le cas?
M. Zechner : Cela peut arriver, mais pas toujours. Il peut certainement arriver que les services publics collaborent : « Si vous allez marquer l'emplacement de la canalisation de gaz, pouvez-vous aussi marquer celui de la ligne téléphonique »? La personne en cause reçoit une formation dispensée par des représentants de Bell, ceux d'Enbridge ou du syndicat, selon le cas. Au fond, les mêmes personnes sont formées par les diverses sociétés de façon qu'elles sachent comment localiser leurs infrastructures. Si une entreprise fait de la localisation pour Ottawa Hydro et Enbridge Gas, elle reçoit une formation de la société gazière et d'Ottawa Hydro sur la localisation de leurs infrastructures enfouies, et la tâche est confiée à un préposé. Il y a là des économies d'échelle, puisqu'on fait deux ou trois choses en une seule visite.
Le sénateur Massicotte : Pour qu'une personne puisse faire ce travail, elle doit avoir un site accessible par iPad ou autrement pour connaître les plans de chaque service public. Je le présume.
M. Zechner : Elle reçoit l'information voulue de chaque service public, et cette information doit être à jour.
Le sénateur Massicotte : Cela dit, cette personne se fie-t-elle aux plans seulement ou a-t-elle aussi quelque moyen technologique de confirmer l'emplacement exact des canalisations?
M. Zechner : La plupart des instruments exploitent les harmoniques. Il y a une fréquence liée à la surface là où la ligne arrive en surface. Ce peut être une canalisation de gaz ou d'eau. Il y a d'habitude une fréquence induite dans le câble traceur ou l'enveloppe métallique, s'il s'agit d'une tuyauterie sous gaine. Cela transmet un signal. L'appareil électronique du préposé repère l'endroit d'où émane le signal. C'est comme un signal de guidage, si on songe aux films de James Bond, par exemple. C'est un signal d'une certaine fréquence. Puisque son appareil est réglé à cette fréquence, le technicien sait à quel endroit passe la ligne et il peut marquer en surface avec beaucoup d'exactitude, avec une marge d'erreur d'un ou deux pouces, l'endroit où elle passe et l'indiquer avec de la peinture.
Le sénateur Massicotte : C'est plus exact que les plans? Vous vous fieriez plus à ces indications qu'aux plans?
M. Zechner : On se fie aux deux systèmes, car cette information sur la gauche ou la droite donne les indications dans l'axe latéral. Pour ce qui est de la profondeur, ce n'est peut-être pas aussi sûr. On n'a pas non plus d'indications qui permettent de dire s'il y a une seule conduite ou plusieurs ou s'il y a plusieurs câbles. L'information écrite et celle de la carte que le technicien obtient par ordinateur donnent ces indications, et il doit les transmettre à l'entrepreneur : « Voici où se trouve la ligne qui indique l'emplacement de la canalisation de gaz. Il y a deux canalisations parallèles, l'une au- dessus de l'autre. » L'entrepreneur sait alors qu'il doit découvrir les deux lignes avant de poursuivre le travail avec le matériel mécanique.
Le sénateur Massicotte : Permettez-moi de parler des conduites d'égout et des lignes électriques et téléphoniques ou de câble, qui ne présentent pas autant de dangers. Au moins au Québec, lorsqu'il y a un développement immobilier, qu'il soit commercial ou résidentiel, peu importe, il y a des plans approuvés par la municipalité, et il en existe une copie, mais on dépose rarement des plans de ce qui a été effectivement aménagé. Habituellement, le propriétaire d'une propriété commerciale a ses propres plans, mais il est rare qu'il les dépose auprès de la municipalité. Quand on creuse le sol, par exemple pour un aménagement résidentiel, il arrive qu'on tombe sur un sol rocheux. On peut faire dévier quelque peu la canalisation. L'entrepreneur sur les lieux prépare rarement de nouveaux plans qui font état du fait que le conducteur de rétropelleteuse peut s'être écarté d'environ un pied. Comment contourner le problème? Peut-on se fier à la technologie pour le faire? Ou faut-il dire : « Monsieur l'entrepreneur d'aménagements résidentiels ou monsieur le conducteur de rétropelleteuse, vous devez maintenant préparer et déposer les plans des aménagements réels » bien que personne ne soit équipé pour faire cela?
M. Zechner : La question porte plutôt sur les pratiques exemplaires dans l'industrie. Les pratiques exemplaires de la Canadian Common Ground Alliance ou de ses pendants provinciaux recommandent que, s'il y a des écarts entre la construction réelle et les plans, l'information voulue soit communiquée aux services publics et au propriétaire.
Le sénateur Massicotte : Le problème, c'est que Shaw Cable TV, par exemple, ou les responsables du réseau d'égout doivent dire que les conséquences ne sont pas si graves, si jamais il y a faute. Il en coûtera probablement moins cher de faire des réparations s'il y a une atteinte aux installations que de préparer des plans cohérents, car il y a une conséquence. Les atteintes aux conduites d'égout peuvent être un peu plus sérieuses parce qu'on risque de contaminer autre chose, mais je suis sûr que ce doit être leur argumentation. Vous dites que la loi doit imposer ce qu'il faut faire, sans égard aux données économiques. C'est ce que vous proposez?
M. Zechner : Nous proposons des règles obligatoires. Dans les exemples que j'ai cités dans mon exposé, les atteintes à chacun des services publics peuvent avoir des conséquences préjudiciables pour la santé et la sécurité des personnes. Même celles qui touchent les lignes téléphoniques. Il peut s'agir d'une liaison avec un système d'alarme, avec un système d'alarme-incendie ou un système d'alarme pour la sécurité. Ce peut être un moyen de communication par lequel une personne peut demander de l'aide médicale au moyen du 911.
Le sénateur Massicotte : Ils doivent le savoir. Dès qu'il y a une panne, ils savent qu'il y a eu un bris. Je suis sûr qu'ils doivent dire qu'il est plus facile de faire des réparations plutôt que, pour la millième fois, préparer des plans qui correspondent à la réalité concrète. Il coûte probablement moins cher d'assumer les conséquences d'un bris.
M. Zechner : Je le répète, quand on interrompt ce genre de service, on ralentit les travaux de construction, qui deviennent moins efficaces. Il peut s'agir de l'ouverture d'une route, et il faut la maintenir ouverte tandis qu'on effectue les réparations. Si on n'avait pas à faire des réparations, le travail se ferait de façon plus efficiente et efficace non seulement pour l'entrepreneur et le propriétaire, mais aussi pour le public qui emprunte la route.
Le sénateur Massicotte : Les conséquences de cette approche, si jamais elle était adoptée, sur le plan financier et sur le plan de la sécurité seraient énormes. Vous avez donné un exemple aux États-Unis où le chiffre est de 99 p. 100, et certains parlent plutôt de 40 p. 100. Les économies se chiffrent probablement en milliards de dollars. Serait-il acceptable qu'on indemnise les gens qui n'entrevoient pas les économies pour, peut-être, contribuer davantage et s'assurer que tout le monde est d'accord?
M. Zechner : Pour nous, c'est là une question de sécurité, d'abord et avant tout. La plupart des services de sécurité sont réglementés d'une façon ou d'une autre. L'Office national de l'énergie réglemente les pipelines interprovinciaux. Les services d'électricité sont réglementés. Diverses provinces ont leur office de l'énergie pour régir les pipelines. Les services d'électricité sont réglementés. Le CRTC réglemente le secteur des télécommunications.
Le surcroît de coûts que suppose la réponse aux demandes de localisation devrait être intégré au tarif de base. C'est une question de sécurité et non de coût. Faisons-le.
Le sénateur Massicotte : Pourquoi « intégré » au tarif alors qu'on réaliserait tellement d'économies si cette approche était appliquée? Il devrait plutôt y avoir une réduction du tarif.
M. Zechner : Nous n'avons pas vu d'analyses économiques qui mettent en relief de grandes économies si on agissait de l'autre façon, si on laissait les dégâts se produire, quitte à faire les réparations.
Le sénateur Massicotte : C'est exactement ce que je veux dire. Si on implante cette approche...
Le président : Je vais devoir vous inscrire pour le deuxième tour.
Le sénateur Black : Vous abordez la question avec une passion impressionnante, et votre point de vue est très utile au comité.
À propos du modèle ultime, je voudrais comprendre. Quelle est la réponse, selon vous? Je vais reformuler ce que je crois vous avoir entendu dire. Vous estimez que le modèle ontarien est la voie à suivre, si on y associe une intervention du gouvernement du Canada pour garantir que les entreprises de ressort fédéral, comme Shaw, Rogers, CN Rail, le Canadien Pacifique, et ainsi de suite se conforment aux dispositions obligatoires que vous avez décrites. Est-ce exact?
M. Zechner : Je ne dis pas que la législation ontarienne sur les centres d'appels uniques est idéale, mais elle constitue certainement un progrès.
Le sénateur Black : D'accord. Quelles sont les lacunes de la loi ontarienne? Quelles en sont les imperfections, selon vous?
M. Zechner : Elle ne traite pas avec exactitude d'un certain nombre de détails... en somme, les renseignements raisonnables et les délais raisonnables. Mais il y a là des progrès. Pour l'instant, il n'y a aucune disposition prévoyant le sort réservé au service public qui ne se conforme pas, les sanctions qui s'appliquent. Où est le mordant de cette loi?
En ce moment, il y a partout aux États-Unis des lois qui disent : « Si un certain temps passe, l'entrepreneur peut creuser, et si quelque chose est abîmé, c'est la faute du service public, c'est sa faute et c'est à lui d'assumer les conséquences. » Je ne suis pas persuadé que ce soit la bonne solution, mais il devrait y avoir une sorte de sanction.
À l'heure qu'il est, la loi ontarienne n'est pas assortie d'un règlement et nous devons attendre de voir de quoi il aura l'air. Il devrait y avoir un mécanisme d'exécution suffisant et raisonnable et des conséquences aux dérogations, de sorte que les services publics ne fassent pas fi de la loi. Oui, c'est une obligation, mais il faut prévoir l'équivalent d'une contravention pour stationnement illégal : 65 $ et ça se termine là.
Le sénateur Black : Vous dites qu'il faut prévoir une sanction et non pas des droits?
M. Zechner : Je comprends qu'on puisse rater un jour ou deux, et ce n'est pas un problème, mais si on ne se conforme pas à la loi, si on en fait totalement abstraction, si on refuse d'aller sur le terrain et de faire des marques au sol avec de la peinture, si on se contente de donner un schéma sans rien d'autre, il faut assumer les conséquences.
Le sénateur Black : Une dernière question pour élever un peu le débat. Y a-t-il des services publics ou des fournisseurs qui ont des canalisations souterraines et qui échappent à la loi ontarienne? Par exemple, les municipalités y sont-elles assujetties?
M. Zechner : Elles le sont, et la mise en place se fait progressivement.
Le sénateur Black : La collecte des égouts, la distribution d'eau, la distribution d'électricité sont visées, mais la câblodistribution ne l'est pas?
M. Zechner : Je le répète, Bell et Rogers se conforment volontairement à la loi en Ontario — c'est du moins leur position actuelle —, mais les autres sociétés de télécommunications ne le font pas. Il est probable que les cinq ou six plus grandes se conforment. Cela ne veut pas dire que les autres le font.
Le sénateur Black : Qu'en est-il des pipelines, comme TransCanada et Enbridge?
M. Zechner : L'Office national de l'énergie a été très proactif sur ce plan. Il a sur la prévention des dommages une réglementation qui est en révision depuis 12 ou 13 ans. Le règlement projeté prévoit la participation obligatoire aux centres d'appels uniques, là où ils existent.
L'Office national de l'énergie a également des lignes directrices, et elles montrent assez qu'il tient à ce que les services publics et les pipelines interprovinciaux participent aux centres.
Le sénateur Black : Ce pourrait être un modèle pour le CRTC?
M. Zechner : Possible.
Le sénateur Black : Très bien. Merci.
La sénatrice Seidman : Je voudrais aborder plus expressément les demandes de localisation. Vous avez dit très clairement qu'il faut dans l'ensemble du Canada une sorte de système obligatoire de centres d'appels uniques. Mais dans l'état actuel des choses, s'il y a une demande de localisation, les exploitants de pipeline communiqueront avec le correspondant dans les deux ou trois jours ouvrables, c'est du moins ce qu'on nous a dit, pour établir les étapes à suivre. Est-ce bien cela? Recevez-vous une réponse dans des délais raisonnables lorsque vous faite une demande de localisation aux exploitants de pipeline?
M. Zechner : Il y a de tout. Certains services publics répondent dans les deux ou trois jours et fournissent l'ensemble de l'information, au lieu de multiplier les points d'interrogation. D'autres attendent jusqu'au cinquième jour et demandent : « Que cherchez-vous au juste? ». Ils essaient de gagner du temps, disant : « Maintenant que cela est clair, nous allons remettre le compteur à zéro, et il faudra compter encore cinq jours ouvrables. » Il y a donc un peu de tout.
Les entrepreneurs essaient de prévoir ces délais. Si la loi prévoit cinq jours ouvrables, ils feront comme s'ils devaient donner un avis de 10 jours, espérant avoir à ce moment-là les localisations nécessaires. Il arrive souvent qu'ils ne les aient pas. Ils en ont cinq sur six et doivent attendre la sixième. Aux termes des lois en vigueur, ils ne peuvent pas creuser tant qu'ils n'ont pas tous les renseignements de localisation.
L'autre problème, c'est que les localisations ont une date d'expiration, puisqu'on installe sans cesse de nouvelles infrastructures. Le plus souvent, la date d'expiration suit de 15 ou de 30 jours celle de la délivrance. Si on attend des localisations et qu'on en obtient cinq sur six dans les 30 premiers jours et le dernier après 40 jours, vous savez ce qui se produit? Il faut revoir les cinq autres et demander : « Pourriez-vous refaire le marquage ou confirmer que rien n'a changé? » Il s'agit alors d'une demande de renouvellement de marquage, et elle n'est pas aussi prioritaire qu'au départ. Les délais sont donc plus longs. Il n'y a plus de fin. Il faut souvent 12 semaines à l'entrepreneur pour avoir tout en place pour pouvoir creuser.
La sénatrice Seidman : Comme vous venez de le décrire, il est possible qu'il y ait des délais énormes, qu'il y ait beaucoup de travail administratif à faire et à refaire.
M. Zechner : Oui.
La sénatrice Seidman : Il faudrait donc des délais bien définis?
M. Zechner : Des délais et peut-être une sorte d'incitatif pour encourager les services publics à les respecter. Les entrepreneurs, pour la plupart, ne s'inquiètent pas trop s'il faut cinq, six ou trois jours. Des délais de cet ordre sont acceptables, mais s'il faut deux ou trois semaines, il y a un vrai problème.
La sénatrice Seidman : Merci. Je comprends.
Dans notre rapport sur l'acheminement sûr des produits énergétiques, le comité a proposé une application mobile pour offrir un point de contact dans tout le Canada. Voici ma question : estimez-vous qu'une application mobile serait un point de contact plus efficace qu'un numéro de téléphone national?
M. Zechner : Il n'y a pas que les entrepreneurs en construction qui soient en cause. Il y a aussi les propriétaires de maison. Ils n'ont pas forcément cette application.
Même dans le cas des pipelines interprovinciaux en Ontario et dans d'autres régions du Canada, dans les zones résidentielles, la canalisation passe souvent dans une sorte de ravin à l'arrière des maisons. Celui qui songe à installer une piscine pourrait se rapprocher du pipeline. Il peut faire une demande de localisation. Il ne possède pas l'application parce qu'il ne fait pas ce genre de chose très souvent, mais il devrait pouvoir composer un numéro de téléphone facile à retenir.
Le numéro 811 marche bien. Il est profondément déplorable que nous ne l'utilisions pas encore au Canada. Aux États-Unis, les fabricants américains de tout matériel d'excavation, comme John Deere, gravent ce numéro sur toutes les machines. Ils ont des campagnes de publicité sur le 811, des annonces et une documentation multiple portant sur toutes sortes de matériel de construction. C'est la même chose chez Home Depot et dans ses quincailleries. Quand les gens songent à réaliser eux-mêmes des projets devant leur maison, ils pensent au 811 parce qu'il est indiqué sur les bannières chez les équivalents américains de Home Hardware ou de Home Depot.
Il serait bien de profiter des retombées de la sensibilisation qui s'est déjà faite aux États-Unis. C'est la même chose que les publicités de Coca-Cola aux États-Unis, qui ont un rayonnement au Canada. Mais il faut protéger le 811.
La sénatrice Seidman : Il y a donc là un modèle intéressant à imiter.
M. Zechner : Effectivement.
La sénatrice Seidman : Pour ce qui est de la collecte des données sur les dommages causés à des infrastructures souterraines, nous avons entendu dire qu'il existe des données propres à soutenir la mise en place d'un réseau national de centres d'appels uniques. Mais il n'y a pas uniformité dans tout le pays. La Colombie-Britannique, le Québec et l'Ontario recueillent des données, dans une certaine mesure, étant donné que les données et les faits sont importants, si on veut montrer que la présence d'un tel réseau a un effet marquant. Vos membres recueillent-ils des données sur les incidents.
M. Zechner : Il existe ce qu'on appelle le DIRT, un outil qui permet de communiquer des renseignements sur les dommages. Il est administré par la Common Ground Alliance aux États-Unis et les organisations sœurs au Canada. Le dispositif est informatisé. Les entrepreneurs peuvent participer. S'il y a un incident, ils y consignent les renseignements. Je n'ai pas d'information de première main qui me permettrait de dire si les entrepreneurs membres au Nouveau- Brunswick ou à l'Île-du-Prince-Édouard se servent du DIRT, mais il est certain que dans les provinces où la Common Ground Alliance est implantée et où nos grands entrepreneurs font fréquemment des travaux sur les routes, les réseaux de distribution d'eau et de collecte des égouts et sont souvent en contact avec les canalisations des services publics, cette information est communiquée.
Le sénateur Patterson : Merci de votre exposé. Vous avez été très utile au comité en insistant sur la question des télécommunications. Nous ne l'avons pas encore beaucoup étudiée. Donc, merci.
J'ai été frappé par ce que vous avez raconté de l'incident survenu dans un petit centre commercial de l'ouest de Toronto, où sept personnes ont été tuées parce qu'une conduite de gaz a été touchée. C'est sûrement l'un des meilleurs exemples à invoquer si on veut montrer la nécessité d'améliorer le système de sensibilisation à la présence de ces conduites.
M. Zechner : Cet incident s'est produit dans mon quartier. Je suis donc tout à fait au courant. En fait, on n'a pas vraiment rompu la conduite. Elle a été touchée et soumise à une tension, ce qui a déplacé un raccord près du sous-sol de ce petit centre commercial de quartier, un mail linéaire, en somme, limité à un rez-de-chaussée. Au fond, la conduite qui alimentait le mail a été fissurée, et le gaz a pu s'échapper. Il s'est répandu dans l'axe de la moindre résistance, c'est- à-dire qu'il s'est répandu dans le sous-sol. Il suffisait qu'il y ait ensuite un allumage, comme un interrupteur, une chaudière, n'importe quoi. Même une sonnerie de téléphone suffit à provoquer l'explosion.
Le sénateur Patterson : C'est du matériel de construction qui a soumis la conduite à une tension?
M. Zechner : Il y a une multiplicité de points de vue. Les tribunaux ont été saisis de l'affaire; il y a eu d'importants litiges. La conduite était marquée en surface, mais il y avait un espace non marqué. L'entrepreneur a présumé que la conduite suivait une ligne droite entre les points A et B qui étaient marqués. Or, elle ne suivait pas une ligne droite, et c'est là qu'elle a été touchée accidentellement.
Le sénateur Patterson : Merci. À propos de litiges et de dommages, je crois que la plupart des administrations au Canada exigent que ceux qui doivent creuser le sol établissent la présence d'infrastructures souterraines et les marquent avant d'entreprendre leurs activités. C'est prévu dans les lois sur la santé et la sécurité au travail, à moins que ce ne soit ailleurs.
Du point de vue de vos membres, si un excavateur néglige de demander la localisation d'une conduite souterraine de service public et l'abîme, est-ce généralement lui qui est responsable des dommages?
M. Zechner : Des entrepreneurs auraient été traînés devant les tribunaux et poursuivis avec succès s'ils n'avaient pas demandé de localisation et s'ils avaient abîmé une conduite. En fait, les sociétés gazières les poursuivent pour les fuites de gaz. Quand on y réfléchit bien, le coût du gaz naturel qui s'échappe s'ajoute aux dommages.
Ce que je voudrais souligner ici... Vous avez évoqué diverses lois sur la santé et la sécurité au travail, et dans mes notes complémentaires, je cite la disposition pertinente du Code canadien du travail. Il n'y a pas d'obligation réciproque pour les services publics. Effectivement, l'excavateur, comme employeur ou entrepreneur, doit demander la localisation et trouver où sont les conduites, mais les services publics n'ont pas l'obligation de répondre.
En Ontario, le seul changement qui soit survenu, c'est grâce à la loi sur les centres d'appels uniques. Les services publics sont maintenant tenus de répondre, mais en ce qui concerne le Code canadien du travail et les autres lois fédérales, on peut bien demander une réponse aux sociétés de chemin de fer ou de télécommunications, mais elles n'ont pas forcément l'obligation de répondre à une demande de localisation. Que doit faire l'entrepreneur? Il doit en somme interrompre les travaux pendant une période indéterminée et faire appel à des avocats, peut-être, je ne sais pas. Il reste que la situation est inacceptable.
Le sénateur Patterson : Voilà un point de vue précieux. Merci. Une question encore.
Les lois provinciales sur la santé et la sécurité au travail imposent cette obligation à ceux qui doivent creuser le sol. Mais vous avez aussi parlé des propriétaires qui creusent dans leur cour arrière. Généralement, ces propriétaires ne sont pas tenus par la loi de demander la localisation des conduites?
M. Zechner : Dans l'ensemble du pays, ils ne sont pas toujours tenus de le faire. Le bon sens et la sensibilisation progressent. Même quand on plante un petit arbuste dans sa cour arrière, on risque d'abîmer une conduite enfouie. Il arrive fréquemment qu'il n'y ait pas de lignes enfouies dans les cours arrière, à moins qu'il ne s'agisse du fil qui va au chauffe-piscine ou à un éclairage de patio. À l'avant des maisons, par contre, près de l'emprise de la rue, ou alors s'il y a une ruelle à l'arrière, il y a de fortes chances pour qu'il y en ait. En Ontario, la loi dispose que même les propriétaires de maison doivent s'adresser au centre d'appels uniques.
La sénatrice Frum : Dans votre réponse à la sénatrice Seidman, vous avez dit clairement pourquoi vous préférez le 811 pour ce service d'appel unique, si nous en arrivions là, mais le CRTC a rejeté votre demande pour les raisons que vous avez expliquées. Qu'y aurait-il de mal à choisir un autre numéro?
M. Zechner : Rien du tout. Il est facile de se rappeler le 811. Il a aussi l'avantage du rayonnement de la sensibilisation aux États-Unis, une fois qu'on en permet l'utilisation de ce côté-ci de la frontière. Si on avait un numéro de 10 chiffres, comme 1-888-888-8888 — j'ignore s'il est déjà pris — ou autre, cela pourrait marcher. Il faut se rappeler un plus grand nombre de chiffres, et ce n'est pas bon. Je ne prétends pas que ce soit là une réponse. C'est simplement qu'il est plus facile de se souvenir du 811 que d'un numéro de 10 chiffres, même s'il est répétitif.
La sénatrice Frum : Pour ce qui est des motifs du refus du CRTC, vous avez dit que c'était à cause d'une double utilisation de ce numéro. Sauf erreur, c'est un numéro pour les urgences médicales, n'est-ce pas?
M. Zechner : Je n'ai pas donné les raisons du refus. J'ai dit qu'il avait refusé. La décision se trouve dans mes notes d'allocution, ainsi que la justification de cette décision.
Nous avions demandé une réponse commune, et nous nous sommes aperçus que, s'il ne s'agit pas de services essentiels, il y aurait assez de temps pour qu'on utilise une seule ligne. S'il s'agit d'un problème de santé, on fait le 1. Si c'est une question de localisation, on fait le 2. Il n'est pas indispensable de respecter des normes comme celles des urgences du 911, comme un délai de cinq secondes ou de trois secondes, car il n'y aurait pas de risque. L'industrie de la construction, les services publics et les participants de la Common Ground Alliance feraient le nécessaire dès le départ pour assurer cette commutation, de sorte qu'il n'y ait pas de retard et que la demande de services médicaux de triage soit acheminée. Notre proposition a été rejetée.
La sénatrice Frum : Je n'ai pas lu ces notes. Quelle était la justification du refus?
M. Zechner : Je vous renvoie aux motifs concrets de la décision. Le CRTC dit en somme qu'il faudrait avoir un numéro distinct. Pour lui, c'était là une complication inutile.
Les divers ministères de la santé s'opposaient à la mise en commun d'un numéro. Ils ont décidé qu'il n'y avait au Canada aucun précédent pour le partage d'un numéro de trois chiffres, et ils ne voulaient pas créer de précédent non plus.
La sénatrice Frum : Intéressant. C'est un obstacle assez important à surmonter.
M. Zechner : Effectivement.
La sénatrice Frum : Une question rapide. Vous avez donné l'exemple de Shaw Cable, qui préfère se charger lui-même du travail au lieu de se joindre à un système à cause des coûts. Vous ne connaissez pas les détails, mais pourriez-vous nous donner une idée de l'ampleur de la différence de coût?
M. Zechner : Je ne suis pas au courant des données économiques de Shaw. Je ne connaissais celles d'aucun service public particulier, mais je présume que la différence doit se situer entre 10 ¢ et 1 $ par appel.
La sénatrice Frum : Un dollar par appel, ce pourrait être important.
M. Zechner : Ce le serait. Lorsqu'on participe à un centre d'appels uniques, le coût se situe entre 80 cents, et 1,10 $. Si on prend tout en charge soi-même, c'est peut-être entre 30 et 50 cents, environ.
La sénatrice Frum : Merci.
M. Zechner : Ils ne peuvent pas faire cela sans frais.
Le sénateur Wallace : Monsieur Zechner, comme vous le faites remarquer, l'exactitude de l'information de localisation est d'une importance cruciale, si nous voulons bien localiser les structures souterraines et éviter de les endommager.
D'après ce que j'ai compris, chacun des services publics, les propriétaires de pipeline ou les compagnies d'électricité conservent l'information schématique qui permet de localiser les structures souterraines. Le centre d'appels uniques qui reçoit un appel s'adresse ensuite aux propriétaires des installations souterraines.
Vous avez dit quelque chose qui m'a fait douter d'avoir bien compris le fonctionnement du système. Vous avez dit que les propriétaires d'infrastructure conservent les plans détaillés et les schémas. Vous avez ajouté que, de façon à réduire au minimum le risque, cette information devrait être conservée à un seul endroit.
Je me demandais. Voulez-vous dire que les services publics compileraient leurs renseignements à un endroit central, mettons dans une province ou une municipalité, pour que, lorsqu'un appel arrive, ces renseignements soient là, au lieu que les renseignements détaillés soient décentralisés et conservés par chacun des propriétaires de service public?
M. Zechner : Ce que je voulais dire par « centralisé »... Mettons que Shaw Cable a enfoui un câble sur la 22e rue à Calgary. Il y a donc là un câble. Le préposé du centre d'appels uniques ne sait pas au juste où ce câble se trouve sur la 22e rue, mais s'il reçoit une demande en vue d'une excavation quelque part le long de la 22e rue, qu'il s'agisse d'un propriétaire de maison ou de travaux sur la voie publique, il appelle chez Shaw, l'informant que quelqu'un veut faire des travaux d'excavation sur tel tronçon de la 22e rue. Shaw demandera si c'est du côté ouest ou est de la rue. Supposons que le préposé dise que les travaux doivent se faire du côté ouest. Si toutes les installations de Shaw se trouvent du côté est, Shaw donne son autorisation. Par contre, si l'excavation a lieu du côté est, Shaw doit s'engager à venir faire un marquage et à donner une information détaillée. Le centre n'a pas le schéma détaillé. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il y a des installations de Shaw quelque part dans la 22e rue. Il sait où envoyer les demandes de localisation.
S'il s'agit de Shaw et qu'il n'assure des services que dans la moitié nord de la ville, et non dans la partie sud, et si le centre reçoit une demande de localisation dans la partie sud, il ne la transmettra pas à Shaw. La demande ne portera que sur la localisation des conduites de gaz et des fils électriques.
Le sénateur Wallace : L'idée des centres d'appels uniques est parfaitement logique. Il est difficile d'être contre l'idée de réduire les risques au minimum, par exemple. Sur un seul terrain, il peut y avoir un certain nombre de services publics souterrains et de canalisations enfouies. Concrètement, lorsqu'on fait un appel, il est possible que trois, quatre ou cinq sociétés différentes doivent chacune envoyer quelqu'un sur le terrain pour localiser leurs installations. Entre- temps, il y a quelqu'un, dans le secteur de la construction, qui reste assis sur sa machine à attendre que ces gens-là viennent. Cela ne semble pas très commode. Je croyais que tous les services publics et les informations détaillées seraient centralisés, de sorte qu'il n'y ait pas cinq ou six personnes différentes qui viennent sur le terrain. Mais ce n'est pas cela, à ce que vous dites.
M. Zechner : Certains services publics, notamment en Ontario, font appel à une seule entreprise pour localiser plus d'un service. À Toronto, par exemple, une entreprise unique peut localiser les lignes d'électricité souterraines, les lignes de Bell, les conduites de gaz et d'eau. Une seule entreprise de localisation reçoit une formation de toutes ces entités et possède toute l'information. Le préposé a quatre vaporisateurs de peinture de différentes couleurs et il prépare un dessin. Il le fait avec la bénédiction et la formation des divers services publics.
Dans d'autres régions, et par exemple dans les services interprovinciaux, TransCanada Pipelines ne communique son information à personne. Elle fait le travail elle-même et localise les installations là où il y a des secteurs préoccupants.
Le sénateur Wallace : Comme vous le dites, la responsabilité de mettre en place un centre d'appel efficace appartient à la fois aux provinces et au gouvernement fédéral. Il semble qu'il y ait là une responsabilité commune.
D'après vos observations, vous vous attendriez à ce que le gouvernement fédéral mette ce système en place pour les organismes qu'il réglemente. Cela tombe sous le sens. Qu'espère votre association en ce qui concerne le rôle du gouvernement fédéral, s'il faut qu'il en joue un? Doit-il réunir les provinces pour parvenir à quelque chose de cohérent et de complet?
En ce moment, il semble que ce soit partout différent. Si elles le souhaitent, les provinces peuvent avoir leur propre système distinct. Quel rôle le gouvernement fédéral pourrait-il jouer, d'après vous, en dehors d'un système destiné aux organismes qui sont de son ressort?
M. Zechner : Qu'une chose soit claire : nous ne demandons pas au gouvernement fédéral de dépenser le moindre cent. Nous préconisons quelque chose qui se rapproche de ce que fait l'Office national de l'énergie. Il dit aux entreprises qui relèvent de son autorité : vous êtes réglementées, vous allez participer aux centres d'appels uniques et répondre aux demandes de localisation. Que le gouvernement légifère, qu'il prenne un règlement, qu'il lance un énoncé de politique ou une ligne directrice, à lui de choisir, mais pour l'instant, il y a un vide juridique.
Le sénateur Wallace : En ce qui concerne les provinces, c'est la Canadian Common Ground Alliance qui s'en occuperait. Vous nous demandez de nous occuper des organismes fédéraux; les provinces vont conserver leurs systèmes tous différents dans le cadre de votre alliance. Est-ce exact?
M. Zechner : Oui, il y a une série d'organisations de la Common Ground Alliance. Il y en a une en Ontario, une en Colombie-Britannique, une en Alberta et une au Québec. Elles s'occupent des provinces et travaillent avec tous les intéressés dans chacune, y compris les entités fédérales et les entreprises de télécommunication.
À cause du scénario du comté de Wheatland, il devrait y avoir un mandat semblable à celui de l'Office national de l'énergie, qu'on procède par voie de réglementation ou par un énoncé de politique, mais on devrait évoluer dans ce sens.
L'Office national de l'énergie a opté pour la voie réglementaire. Il a un projet de règlement depuis 2007. Il devrait être adopté cette année, et puis il y aura une exigence juridique formelle pour les pipelines. Jusqu'à maintenant, cela faisait partie des politiques et lignes directrices recommandées par l'Office.
Le sénateur Massicotte : Le Code canadien du travail oblige tout entrepreneur qui est sur le point de faire des travaux d'excavation à faire un suivi et à chercher où se trouvent les canalisations souterraines.
Vous avez dit que les tribunaux avaient prouvé que l'entrepreneur est légalement tenu responsable du bris de n'importe quelle canalisation.
M. Zechner : Oui.
Le sénateur Massicotte : Du point de vue de l'entrepreneur, de tous les utilisateurs de rétrocaveuse ou des grands exploitants, les centres d'appels uniques présentent un avantage immense. Autrement dit, étant donné les risques auxquels ils sont exposés, ils les soutiendraient totalement. S'ils abîment un pipeline, les dommages se chiffrent par milliards, comme on l'a déjà vu. Ils apportent donc un large appui. Qui est contre? Certains services publics?
M. Zechner : Justement, certains services publics.
Le sénateur Massicotte : Tous les autres sont en faveur. Ceux qui ont des conduites, comme des canalisations de gaz ou tout ce qui présente un danger notable ou dont la destruction peut avoir des conséquences, il faut qu'ils soient en faveur. Les opposants sont les câblodistributeurs, les services de téléphone, ceux qui ont le moins à gagner?
M. Zechner : Les municipalités hésitent également. En Ontario, elles sont visées par la loi, mais cela ne vaut pas dans l'ensemble du Canada.
Le sénateur Massicotte : Les municipalités et les services publics qui présentent le moins de danger n'appuient pas encore le système?
M. Zechner : Cela dépend des endroits. Différentes parties ne veulent pas participer. Des sociétés de télécommunications comme Bell et Rogers participent dans tout le Canada, que je sache, mais d'autres sociétés du même secteur préfèrent ne pas le faire. En Ontario, il y a beaucoup de résistance de la part des distributeurs d'électricité. Ils ne voulaient rien savoir de ce système. Ils avaient une réglementation qui les obligeait à répondre, et maintenant, ils sont visés par la législation ontarienne sur les centres d'appels uniques et ils doivent participer. Il y a trois ou quatre ans encore, la majorité d'entre eux ne le faisaient pas.
Le sénateur Massicotte : Les distributeurs sont ceux qui font les installations?
M. Zechner : Oui, Ottawa Hydro et l'équivalent.
Le sénateur Massicotte : Ceux qui installent les fils électriques, par exemple?
M. Zechner : Essentiellement, les gens qui acheminent l'électricité chez vous.
Le sénateur Mitchell : Je voudrais revenir sur deux points qui découlent des questions du sénateur Wallace. L'initiative de l'Office national de l'énergie exige que les entreprises qui relèvent de sa compétence participent aux centres d'appels uniques au niveau provincial. Il ne s'agit pas d'un système distinct.
M. Zechner : Non.
Le sénateur Mitchell : Si nous avions un système de centres d'appels uniques, ne serait-il pas plus probable que des entreprises de localisation émergent et nous évitent les complications d'avoir à faire venir quatre ou cinq personnes pour localiser les canalisations? Ce serait un grand soulagement, car les gens se diraient : puisque nous travaillons tous ensemble, pourquoi ne pas faire la localisation ensemble aussi?
M. Zechner : Ce serait effectivement plus probable. L'émergence de ces entreprises serait encouragée. Tant qu'il y aura des gens qui ne se rallient pas au système, il est possible que certains ne collaborent pas, puisqu'ils reçoivent des appels distincts et ne savent pas qui d'autre est contacté.
Le président : Très éclairant. Je vous remercie d'avoir comparu, de nous avoir présenté un exposé et d'avoir répondu aux questions.
(La séance se poursuit à huis clos.)