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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 10 - Témoignages du 3 avril 2014


OTTAWA, le jeudi 3 avril 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 3, afin d'étudier l'état actuel des programmes de « centres d'appel unique » qui permettent de localiser les infrastructures souterraines essentielles au Canada; et pour étudier le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat, et je préside le comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, à tous les membres du public présents dans la salle et aux téléspectateurs des quatre coins du pays qui nous regardent à la télévision. Je rappelle à ceux qui nous regardent que les audiences du comité sont ouvertes au public et également proposées en webémission sur le site web sen.parl.gc.ca. Vous pouvez aussi obtenir de plus amples renseignements sur la liste des témoins sous la rubrique « Comités du Sénat » du site web.

Je demanderais maintenant aux sénateurs assis à la table de se présenter en commençant par le vice-président, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, sénateur du Nunavut.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur Nolin : Pierre Claude Nolin, représentant de la province de Québec.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : John Wallace, sénateur du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, sénatrice de Montréal, au Québec.

Le sénateur Black : Douglas Black, sénateur de l'Alberta.

Le président : J'aimerais également vous présenter notre greffière, Lynn Gordon, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur l'état actuel des programmes de centres d'appel unique, ou des programmes Appelez avant de creuser qui permettent de localiser les infrastructures souterraines essentielles au Canada.

C'est avec grand plaisir que j'accueille ce matin notre témoin, M. Bob Kipp, président de la Common Ground Alliance des États-Unis, qui comparaît devant nous par vidéoconférence depuis la ville de New York.

Je vous remercie infiniment, monsieur Kipp, de prendre le temps de vous entretenir avec nous en dépit de votre emploi du temps très chargé. Je crois comprendre que vous avez une déclaration préliminaire à faire. Ensuite, nous passerons à une série de questions. Je vous rappelle que vos paroles seront transcrites ainsi qu'interprétées. Par conséquent, veuillez conserver un débit modéré. Je vous remercie encore une fois. Vous pouvez commencer, monsieur.

Bob Kipp, président, Common Ground Alliance : Merci, sénateur. Je suis heureux d'être ici, mais je souhaiterais être parmi vous, mesdames et messieurs.

Je vous ai fait parvenir quelques documents que vous pourrez consulter si vous les avez sous les yeux. Le premier est une grille des lois qui visent les centres d'appel unique et qui sont en vigueur en Amérique du Nord et en Australie. Je ne parlerai pas tellement de la grille, mais elle vous donne une idée des lois promulguées par les divers États, de leur portée géographique, des exemptions, des pénalités civiles, des zones de tolérance, et cetera. Voilà quelques-uns des éléments que les gens devraient prendre en considération lorsqu'ils examinent les lois visant, entre autres, les centres d'appel unique de l'Ontario, du Québec, de la Colombie-Britannique, et de l'Alberta, et lorsqu'ils songent à ce qu'ils souhaiteraient légiférer dans leur environnement.

L'autre document est une brève présentation PowerPoint, selon mes normes, mais elle vous expliquera un peu comment nous en sommes arrivés là où nous sommes et ce que nous nous apprêtons à faire.

Les centres d'appel unique existent dans certaines parties des États-Unis depuis plus de 40 ans, mais la Common Ground Alliance a amorcé en 1998 une étude prévue par la Loi de l'équité dans le transport pour le XXIe siècle. Comme certains d'entre vous le savent, aux États-Unis, l'exploitation des oléoducs doit être autorisée de nouveau tous les quatre ans. Dans le cadre de ce processus d'autorisation quadriennal, des comités du Congrès tiennent des audiences au cours desquelles ils entendent un certain nombre de témoins. Notre étude découle des audiences de 1998 — c'est l'un des résultats de ces audiences.

À la page suivante, il est mentionné que 160 intervenants ont participé à cette étude sur les pratiques exemplaires en place à l'échelle nationale, aux États-Unis. Un peu plus d'un an plus tard, ils se sont entendus sur 132 pratiques exemplaires. Ce ne sont pas nécessairement les meilleures pratiques, mais ce sont celles sur lesquelles nous sommes parvenus à nous entendre, ce qui est essentiel, étant donné que chacune d'entre elles est adoptée avec l'approbation de tous les participants.

Ces pratiques ont maintenant été adoptées — le comité continue à se réunir — et bon nombre d'États ont intégré certaines ou la totalité d'entre elles dans leurs lois ou leurs règlements. Nous les avons également fait traduire en français. Nous avons substitué les provinces aux États et certains des codes ZIP aux codes postaux. Selon les dernières nouvelles que j'ai obtenues auprès de Mike Sullivan, je crois comprendre que les Canadiens sont près de s'entendre sur un ensemble de pratiques exemplaires fondées sur celles que je viens de mentionner.

Un certain nombre de Canadiens participent au comité sur les pratiques exemplaires, dont Mike et quelques représentants de diverses provinces, et ce, depuis que la CGA a commencé à s'en occuper en 2001.

La prochaine page traite uniquement de notre mission et de notre vision. Elle indique simplement que nous nous soucions de réduire les dommages causés aux infrastructures souterraines, de ce dont nous avons besoin pour continuer à réduire les dommages, pour mesurer ces dommages et pour réunir les gens et les convaincre d'adopter les pratiques exemplaires. La prochaine diapositive présente un tableau qui illustre seulement l'ampleur de la tâche.

Hier, je parlais à un groupe d'entrepreneurs de New York afin de tenter de leur donner une idée des infrastructures souterraines. On compte 2,6 millions de milles de chaussée revêtue aux États-Unis, ce qui n'a rien d'étonnant si l'on pense au nombre de routes qui existent. De plus, il y a 2,7 millions de milles de pipelines et 19 millions de milles d'infrastructures au total. Assurer la sécurité de toutes ces infrastructures représente une tâche colossale. Je ne sais pas exactement combien d'infrastructures vous avez au Canada. Je ne crois pas que l'ancienne règle de 10 pour 1 s'applique ici, en raison de la géographie de votre pays. Je pense que vos infrastructures dépassent de loin 10 p. 100 des 19 millions de milles. Je dirais qu'elles sont au moins de l'ordre de quatre millions de milles. Cela représente une énorme entreprise.

La prochaine page vise moins à identifier les gens qu'à vous faire connaître les membres du conseil d'administration et les organisations qu'ils représentent. Il y a des entreprises d'excavation, des organismes étatiques de réglementation, des compagnies d'assurance, des entreprises ferroviaires, des pétrolières et des entreprises de localisation, c'est-à-dire tous les intervenants et les industries qui ont quelque chose à voir avec la protection des infrastructures. Habituellement, ces personnes sont recommandées par leur association ou leur groupe, et le conseil examine leur candidature avant de mettre leur nomination aux voix.

Ce groupe compte deux Canadiens : Mike Sullivan, qui représente le centre d'appel unique de l'Alberta et qui a témoigné devant vous il y a environ trois semaines; et Dan King, un des vice-présidents de TransCanada Pipelines, à Calgary. Tous deux sont membres de notre conseil d'administration. Les membres du conseil se réunissent face-à-face trois fois par année, et deux autres fois par année habituellement par vidéoconférence.

Un sommaire de nos comités figure à la page suivante. Comme vous pouvez le constater, le premier comité est celui qui porte sur les systèmes internationaux d'appel unique. Ses membres sont les personnes qui représentent l'industrie des centres d'appel unique, ainsi que d'autres organisations, mais surtout cette industrie. La CGA compte une série de comités que je ne décrirai pas du tout en détail. Je ferai allusion à eux un peu plus tard, lorsque nous examinerons certains des résultats.

En ce qui concerne les centres d'appel unique, il y en a approximativement 60 aux États-Unis, et ce chiffre augmente et diminue légèrement au fil du temps. Quarante États disposent d'un centre qui couvre la totalité de leur territoire, mais il arrive que deux centres se partagent le territoire de diverses manières. Dans l'État de New York, un centre couvre Long Island, et l'autre englobe tout le reste de l'État. Dans l'Illinois, un centre est consacré à Chicago, et un autre couvre le reste de l'État. En Californie, le territoire est divisé en deux — soit le Nord de la Californie et le Sud de la Californie. Les centres se répartissent le travail de diverses façons et travaillent ensemble.

La plupart des centres reçoivent les demandes par téléphone — depuis le numéro 811, qui a été discuté, ou divers numéros 1-800 —, par Internet ou par télécopieur. Au cours de son témoignage, Mike a mentionné le site d'info- excavation. Manifestement, le recours à Internet pour assurer ce service est une bonne façon de procéder, parce qu'elle nous permet de répartir la charge de travail et de conserver des documents relatifs aux demandes.

Environ la moitié des centres américains sont à but lucratif et l'autre moitié, à but non lucratif. Pour être franc, on observe peu de différence dans leur rendement. Les deux approches fonctionnent, et je ne pourrais pas dire que l'une d'elles est supérieure à l'autre, d'une manière ou d'une autre.

Nous estimons qu'en 2012, les centres ont reçu à peu près 28 millions d'appels et ont adressé 150 millions de demandes de localisations à divers propriétaires-exploitants d'infrastructure. Cela vous donne une idée du volume des travaux d'excavation.

Nous menons ces études annuellement. Nous prélevons un échantillon composé de 5 400 adultes âgés de 18 ans et plus, au total, et nous examinons leur connaissance spontanée et assistée du numéro 811 aux États-Unis, leur sensibilisation aux campagnes de publicité visant à faire connaître le numéro 811, leur intention future de composer le numéro, qui compte énormément — j'aborderai cette question dans une minute —, leur sexe, leur âge et leur région urbaine ou rurale.

La sensibilisation aux programmes Appelez avant de creuser continue d'augmenter, ce qui est vraiment important. La Common Ground Alliance ne dispose pas d'un budget pour lancer des campagnes de publicité. Nous avons préparé certains documents que divers groupes peuvent utiliser. Toutefois, nous nous efforçons certainement d'encourager les centres d'appels et les propriétaires-exploitants d'infrastructure à rendre publique la nécessité d'appeler avant de creuser. En outre, la sensibilisation à cette nécessité a doublé au cours des dernières années. Un nombre de plus en plus important de personnes sont conscientes qu'elles doivent appeler, et bon nombre d'entre elles savent qu'il faut composer le 811 aux États-Unis.

La prochaine diapositive est très intéressante, à mon avis, parce que, dans de nombreux cas, lorsqu'on demande à un propriétaire, qui est en train de construire une véranda, une piscine ou un patio, s'il planifie d'appeler, il répond par la négative, car il affirme savoir où se trouvent toutes les infrastructures. Peu de temps après, il endommage un câble coaxial, une ligne téléphonique ou une conduite d'eau ou de gaz, ou, s'il est en train d'installer une clôture, il percute une infrastructure avec sa foreuse. Ces incidents se produisent depuis de nombreuses années. À l'époque où j'étais au service de la compagnie de téléphone, cela se produisait fréquemment. Toutefois, les choses sont en train de changer. Les gens indiquent maintenant qu'ils appelleront, qu'ils savent que c'est nécessaire et qu'ils le feront. Nous remarquons que cette statistique s'est considérablement améliorée au cours des quatre dernières années.

Je ne suis pas sûr d'avoir amené ce diagramme, mais je peux vous dire que, de 2008 à 2012, le nombre de personnes qui se disent tout à fait disposées ou raisonnablement disposées à appeler est passé de 50 à 81 p. 100. Le bruit est en train de se répandre. Je pense que le message que nous souhaitons tous faire connaître s'ébruite.

Nous avons commencé à mettre le rapport DIRT au point en 2004. Il est le produit de l'outil de signalement volontaire des renseignements sur les dommages. C'est probablement le meilleur instrument dont nous disposons pour engendrer des changements. Comment savez-vous où vous allez, si vous ignorez où vous êtes passé? Ce dicton est tout à fait exact. Le signalement est volontaire et confidentiel.

La page suivante indique que nous recueillons des données sur les dommages causés et les incidents évités de justesse —, et ce, de manière volontaire, comme je l'ai mentionné. Les données sont analysées par un titulaire de doctorat et un rédacteur de rapport, et le processus est géré par un comité.

La prochaine diapositive vous donnera une idée des dommages qui, selon nous, sont survenus aux États-Unis au cours des huit dernières années. Si vous examinez le diagramme, vous constaterez que les dépenses dans le secteur de la construction, qui ont bien entendu diminué pendant la récession, commencent maintenant à remonter la pente. Le nombre de dommages qui nous a été signalé volontairement par des entreprises et qui a été saisi dans le système par des bénévoles est passé de 20 884, en 2004 — la première année où nous avons produit le rapport —, à 218 894, en 2012. Alors que nous nous apprêtons à produire le rapport de 2013, les chiffres qui nous ont été communiqués dépassent de loin 230 000.

La ligne bleue représente l'étendue estimative des dommages. Comme vous pouvez le constater, nous estimons que les dommages aux États-Unis sont passés d'à peu près 700 000 à 360 000, une amélioration radicale du nombre d'infrastructures qui sont endommagées. Il ne fait aucun doute que le recul des dépenses dans le secteur de la construction a joué un rôle dans ce résultat. Toutefois, dans l'ensemble, je crois que l'enthousiasme de l'industrie a grandement contribué à cette diminution des dommages.

Sur la prochaine diapositive, vous pouvez voir la répartition des incidents par division, et vous pouvez constater que le Canada présente aussi des données sur les dommages. En fait, je crois que la Colombie-Britannique utilise les données qu'elle saisit dans notre outil pour produire son propre rapport DIRT, et je pense qu'il se peut que l'Alberta fasse de même. Nous envisageons de produire un rapport pour le Canada aussitôt que nous saurons que les données entrées dans notre système sont statistiquement valables. De plus, cette année, nous produirons non seulement un rapport DIRT général, mais aussi un rapport sur la distribution du gaz, sur les télécommunications et sur les transmissions qui permettront aux entreprises et à ces industries de prendre non seulement connaissance du tableau d'ensemble, mais aussi du tableau d'ensemble pour leur industrie.

La prochaine diapositive, que j'ai tirée d'une présentation distincte, vous montre la relation qui existe entre la sensibilisation et l'omission d'appeler. Dans les régions où les gens sont plus conscients du fait qu'ils doivent appeler avant de creuser, le volume d'appels est plus élevé et les dommages imputables aux appels non passés sont moins nombreux. Il est important de sensibiliser les gens, et nous observons une relation entre ces deux facteurs.

La prochaine diapositive présente un diagramme à secteurs tracé rapidement. Voilà la solution au problème. L'absence de signalement est le fruit mûr facile à cueillir de notre industrie. Cette statistique a reculé et s'élève maintenant à 25 p. 100. Si l'on examine ces 350 000 ou 360 000 dommages, on constate que, dans un quart de ces cas, personne n'a appelé le centre d'appel unique. Cette statistique a diminué puisqu'elle correspondait à 45 p. 100 en 2004, et j'estime qu'elle devait s'élever à environ 50 p. 100 en 2000. Il est crucial que nous incitions les gens à appeler le centre d'appel unique.

Dans un diagramme à venir, vous constaterez que, lorsque les gens appellent, les travaux ne provoquent aucun dommage dans 99 p. 100 des cas. Il est donc essentiel que nous les incitions à appeler et que le prémarquage ait lieu. Une fois que tous les intervenants sont avertis des travaux en attente d'exécution, l'industrie fait très bien son travail et, par conséquent, la commercialisation, la localisation et les travaux d'excavation se déroulent bien.

Voici d'autres faits saillants provenant surtout des États-Unis, et il y a certaines raisons géographiques pour lesquelles nous faisons observer que, comme je viens juste de le mentionner, lorsque les travaux sont signalés, des dommages se produisent dans moins de 1 p. 100 des cas. Il y a les 25 p. 100 dont j'ai parlé, et le fait que la façon la plus facile et la plus efficace de réduire ou d'éliminer les dommages consiste à appeler le centre d'appel unique.

Ensuite, il est question de travaux d'installation de clôture, d'irrigation ou d'aménagement paysager. Les petits entrepreneurs interviennent le plus souvent dans les incidents qui découlent d'une absence de signalement. De plus, il y a encore beaucoup de bricoleurs et de personnes qui creusent pendant le week-end et qui n'appellent pas. Ils travaillent habituellement autour de leur maison, et nous devons nous employer à régler ces cas et à convaincre ces personnes de passer cet appel.

Aux États-Unis, il y a une journée « 811 », qui a lieu le 11 août; c'est un grand jour pour nous. Nous réalisons un certain nombre d'initiatives partout au pays. Voici une statistique fort intéressante : 49 p. 100 des excavateurs aux États-Unis regardent les courses NASCAR ou y assistent, ce qui me surprend beaucoup, mais c'est un élément essentiel. Grâce à Shell des États-Unis et à 3M, nous faisons beaucoup de promotions pour NASCAR.

J'ai déjà parlé de la prochaine diapositive. Il s'agit du pourcentage de dommages causés par l'absence de signalement : en 2008, 37 p. 100; en 2004, environ 45 p. 100; en 2011, 26 p. 100; et en 2012, 25 p. 100.

Nous sommes rendus presque à la fin, et c'est l'une des diapositives les plus importantes. Le Congrès américain a deux mandats en ce qui concerne la prévention des dommages : premièrement, assurer l'admissibilité à la subvention et, deuxièmement, réaliser une étude. On essaie vraiment de réduire le nombre d'exemptions dans les lois des États visant l'appel unique, et on se penche sur la façon dont elles sont appliquées. On organise des réunions dans les États, et on accorde des subventions fédérales à bien des représentants de pipelines des États. Si je ne me trompe pas, Cynthia Quarterman, l'administratrice, a affirmé que 78 p. 100 du financement consacré à la prévention de dommages dans les États, c'est-à-dire à la National Association of Pipeline Safety Representatives, provient du gouvernement fédéral. En fait, on dit aux États qu'ils doivent éliminer certaines de ces exemptions, à défaut de quoi cela pourrait avoir un impact sur leur financement.

La prochaine diapositive porte sur les résultats d'une étude que nous avons effectuée rapidement. Comme vous le verrez, 18 États sont jugés statistiquement valables : ce sont des États qui ont au moins cinq exemptions dans leurs lois visant l'appel unique. Leur taux était de 7,33 dommages par signalement à un centre d'appel unique. Dans les États ayant moins de quatre exemptions — et il y en a 18 qui sont statistiquement valables —, le taux de dommages était inférieur à la moitié.

Quand les gens examinent des lois visant l'appel unique — et, aux États-Unis, ils sont nombreux à envisager de moderniser ou de revoir leurs lois —, je leur recommande avec insistance d'étudier sérieusement les exemptions. À mon avis, quand il y a beaucoup d'exemptions, les gens ont tendance à se dire qu'ils n'ont pas besoin de donner un coup de fil, et cetera, ce qui fait augmenter les taux de dommages.

La dernière diapositive, c'est celle que j'aime présenter. Les chiffres sont un peu trompeurs en ce qui concerne l'excavation. En tout cas, aux États-Unis, on a examiné les incidents pipeliniers à l'origine de décès ou de blessures graves depuis 1988. Il ne s'agit donc pas seulement d'excavation. L'accident peut être lié à la corrosion et à d'autres facteurs. Mais voici ce qu'il faut retenir. Malgré le recours croissant aux pipelines pour la transmission, la distribution et la collecte, le nombre d'incidents continue de diminuer. À mon avis, c'est un signe que tout le monde fait un meilleur travail — l'industrie, les États, les organismes de réglementation —, et que de plus en plus de gens rentrent chez eux à 17 heures. Après tout, c'est ce qui compte.

Merci. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Kipp. C'était très intéressant. Chers collègues, comme vous êtes nombreux à vouloir prendre la parole, je vais mettre en marche le chronomètre pour que tout le monde ait l'occasion d'intervenir.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup, monsieur Kipp. Nous sommes heureux de vous rencontrer. Vous étiez venu me voir dans mon bureau il y a quelque temps.

C'était un excellent exposé, et vous avez utilisé une expression technique dont nous n'avions pas encore entendu parler : les excavateurs de fin de semaine. Nous allons l'utiliser dans notre rapport, j'en suis certain.

Je crois qu'il serait correct de dire que nous sommes tous très impressionnés par la façon dont les États-Unis ont pu rassembler tous ces nombreux acteurs à l'échelle des États. Dans notre cas, bien entendu, il n'y a que 10 provinces et 3 territoires. Étant donné que la législation s'applique au niveau des États, quel a été le rôle précis du gouvernement fédéral? Comment a-t-on incité les gens à déployer un effort d'une telle ampleur en vue de rassembler toutes ces lois? Dans ce contexte, en quoi consiste la responsabilité du Congrès en matière de subvention? Nous avions l'impression que les sociétés devaient payer pour chaque appel fait par les particuliers. Au Canada, le gouvernement n'a pas vraiment de responsabilité financière à cet égard.

M. Kipp : Oui. Il y avait là environ trois questions. Merci bien.

En ce qui concerne la première question, ce rassemblement est le fruit des audiences tenues par le Congrès tous les quatre ans en vue d'une nouvelle autorisation. À l'époque, il y avait un dénommé Rich Felder, un représentant du gouvernement au service du département des Transports, qui a pris sa retraite depuis. C'est lui qui a eu l'idée de rassembler tout le monde. C'était presque du jamais vu dans l'industrie. En fait, on m'a invité à des réunions dans bien d'autres domaines réglementés pour expliquer comment nous nous y prenons. Quand ces joueurs se sont rassemblés — et je n'étais pas là à l'époque —, bon nombre d'entre eux ne s'aimaient même pas. Ils ne se parlaient pas. Voilà pourquoi il a fallu un an pour entreprendre l'étude. Ils ne se voyaient que devant les tribunaux. C'était très conflictuel au début.

Puis, ces gens ont tissé des liens, et bon nombre d'entre eux sont toujours là; maintenant, ils s'aiment bien et ils sont devenus des amis. C'est ainsi que tout a commencé. C'était donc une idée tombée du ciel.

J'en viens maintenant à la deuxième partie de votre question : comment le fédéral s'y prend-il? Le gouvernement fédéral ne finance que les représentants de la sécurité des pipelines dans chaque État. Comme je l'ai dit, d'après ce que je crois comprendre du témoignage de la ministre Quarterman, le gouvernement fédéral finance environ 78 p. 100 de leur budget. Il peut donc influer sur la façon dont les États réglementent les pipelines. Par ailleurs, il y a des subventions chaque année; je crois qu'on peut faire une demande de 2 millions de dollars par année, et le montant varie de 50 000 $ à 100 000 $ pour les centres d'appel unique ou pour quelqu'un dans l'industrie des centres d'appel unique. Ainsi, on peut essayer de faire quelque chose de différent au profit du reste de l'industrie.

Mais à part cela, il incombe vraiment aux États de déterminer leur loi, la façon dont ils veulent l'appliquer, les dispositions qu'ils veulent inclure dans leurs règles et règlements et la façon dont le régime fonctionne. On trouve donc de tout : il y a certains États qui prônent une attitude de laisser-faire, si bien qu'une loi ne serait appliquée qu'à la suite d'un accident mortel.

Il y a ensuite d'autres États, comme la Virginie, où depuis 1998, je crois, on enquête sur chaque rapport de dommages dans l'industrie pétrolière et gazière, et on tient une audience chaque mois, en plus d'imposer des amendes et d'assurer une sensibilisation. En passant, ce n'est pas une mauvaise chose. Personne n'a fermé boutique à cause d'une amende. Des amendes de 500 $ à 2 500 $ ne poussent pas quelqu'un à la faillite. Par contre, elles le forcent à s'améliorer.

Une des audiences les plus fascinantes auxquelles j'ai assisté — parce que j'essaie d'y aller au moins une fois par année —, c'était sans doute celle d'un entrepreneur qui avait dû faire 125 milles en voiture ce matin-là parce qu'il avait écopé d'une amende le mois précédent. Au début de la réunion, il y a un processus d'appel. Il était le premier à prendre la parole. Quelle était son amende? Une lettre. Ce n'était même pas un montant à payer. Il s'était fait taper sur les doigts parce que quelqu'un avait estimé qu'il avait fait quelque chose de mal. Cet entrepreneur, qui comptait une expérience de 25 ans, était si fier de ce qu'il faisait et de la manière dont il le faisait qu'il voulait qu'on enlève la lettre de son dossier. Cela vous donne une idée de la façon dont l'industrie fonctionne.

Lorsque j'ai assisté à la première réunion en Virginie, j'ai demandé au décideur de quitter la salle à l'heure du midi. J'étais seul avec les membres du conseil. Il y a huit personnes qui siègent au conseil : il s'agit d'entrepreneurs, de propriétaires, d'exploitants et de représentants de centres d'appel unique. Je leur ai dit : « Dites-moi : ce gars-là s'en prend-il à vous quand je ne suis pas dans la salle? » Ils n'avaient rien à se plaindre. Ils m'ont dit : « Non, cela fonctionne bien. Nous nous faisons confiance. Ça marche bien. C'était difficile au début, mais nous connaissons tous les règles de base. »

Vous constaterez que la Virginie a le taux de dommages signalés le plus bas au pays.

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Kipp, d'être avec nous ce matin. Évidemment, la question pour nous, en tant que législateurs, est de savoir si nous devons intervenir. Qu'on envisage de légiférer suppose déjà que tout le monde n'est pas en faveur d'une telle mesure. Si c'était dans leur propre intérêt, ils le feraient, ce qui signifie que certaines personnes sont contre. Qui s'oppose à cette mesure et pourquoi faudrait-il leur imposer?

M. Kipp : Il y a énormément de méfiance entre les excavateurs, les propriétaires-exploitants et les localisateurs, dans divers groupes et diverses régions. On craint toujours que la législation va en favoriser certains au détriment des autres. Il est difficile de dissiper cette méfiance, car dans le passé, quand quelqu'un finançait grassement un candidat, on craignait qu'une fois élu ce dernier penche en faveur de son bailleur de fonds. Il y a toujours eu cette crainte.

Quand on les réunit et qu'ils constatent que tout ce que nous faisons est fondé sur le consensus et que tout le monde a voix au chapitre, les inquiétudes tombent. Ce n'est pas facile.

Il arrive encore que dans les rencontres où il est question de pratiques exemplaires, quelqu'un s'oppose à ce qu'on favorise la position de l'excavateur ou du localisateur, et c'est l'excavateur qui est le plus réticent, car c'est normalement lui qu'on blâme en premier. Je compare l'excavateur à un gardien de but au hockey ou au quart-arrière au football. Peu importe ce qui arrive au hockey — un mauvais jeu dans la zone, un mauvais changement de joueurs, un trois contre deux, puis un trois contre un, le défenseur doit intercepter une passe et décide de jouer les héros et de mettre en échec le porteur de la rondelle, mais la passe est trop belle et la rondelle se retrouve dans le filet désert. Et là, tout le monde dit que le gardien de but est pourri.

Vous pouvez bien faire votre travail, mais si tous les autres ratent leur coup, c'est vous qu'on pointe du doigt pour la passe qui a filé ou le but compté. On parle de dommages d'excavation, pas de localisation ni d'emplacement. C'est pourquoi il y a beaucoup de méfiance. C'est long, mais on y arrive.

Le sénateur Massicotte : Au Canada, selon la loi, l'excavateur est responsable de tous les dommages qu'il cause par faute de procédures adéquates, et c'est une immense responsabilité. Pensez aux pipelines. On pourrait croire que le fardeau juridique et financier suffirait à les convaincre. Est-ce que cela fonctionne aussi de cette façon aux États-Unis?

M. Kipp : Les lois varient d'un État à l'autre. Prenons la Virginie, par exemple. La règle appliquée là-bas est de 48 heures, ou peut-être de 72 heures. S'il y a des dommages ou que la localisation n'est pas effectuée dans les 48 heures, le propriétaire de l'infrastructure est mis à l'amende. Il faut que ce soit fait dans ce laps de temps, car l'excavateur et son équipe doivent pouvoir creuser. Sinon, il faut attendre, et ce n'est pas juste pour l'excavateur. L'excavateur aime cela. On fait ensuite la localisation. Si elle est inexacte ou que le marquage est erroné, le propriétaire-exploitant est responsable des dommages qui s'ensuivent. C'est à lui de s'assurer avec le localisateur, que ce soit un entrepreneur ou un employé, que cela ne se reproduira pas. Maintenant, si l'excavateur n'appelle pas ou s'il ne creuse pas à la main à l'intérieur de la zone de tolérance, c'est lui qui est responsable des dommages. On tient compte de tous ces facteurs de manière égale pour déterminer à qui revient la responsabilité.

Le sénateur Massicotte : Est-ce que tout le monde doit convenir du localisateur à engager ou est-ce que chacun a son propre localisateur?

M. Kipp : Cela varie énormément. Un tiers des localisations aux États-Unis sont effectuées par les employés du propriétaire, sinon ce sont des entrepreneurs. Dans certains cas, un entrepreneur peut travailler pour Verizon, Washington Gas et une autre entreprise. Il pourrait avoir trois contrats différents. Quand il se rend sur place, il fait trois localisations. À côté de lui, un localisateur de Commonwealth Edison pourrait très bien faire ses propres localisations. Cela dépend d'un État à l'autre, et d'une entreprise à l'autre.

Le sénateur Black : Merci, monsieur Kipp. Je vous félicite pour le travail que vous faites, et merci de nous aider à orienter notre étude. J'en déduis, d'après vos commentaires, que les avancées remarquables réalisées aux États-Unis sont attribuables au soutien massif des mesures en question, plutôt qu'à une loi qui imposerait ces obligations à l'échelle du pays. Êtes-vous aussi de cet avis?

M. Kipp : C'est exact. Je dirais que nous avons été encouragés par le gouvernement fédéral, et une partie de cette aide était de nature financière. Au tout début, nous recevions une subvention annuelle d'un demi-million de dollars, et nous avions très peu de financement quand j'ai commencé, en 2001. Nous utilisons toujours ce financement pour différentes choses, certaines étant liées directement au mandat que la FINSA nous confère, mais nous bénéficions aujourd'hui de revenus de 2,1 millions de dollars provenant de commanditaires — des entreprises comme Shell, TCPL et d'autres.

Le sénateur Black : Pourriez-vous nous faire gracieusement part de quelques conseils sur ce que nous pourrions faire, en tant que sénateurs, pour faire en sorte que le Canada connaisse le même succès que les États-Unis?

M. Kipp : C'est difficile à dire. Vous avez des gens très compétents au Canada. Il y a par exemple Natalie au Québec, Brian en Ontario, David en Colombie-Britannique et Mike en Alberta. Je pense que vous pouvez compter sur des gens solides qui veulent faire avancer les choses.

Nous avons manqué notre coup avec le 811 aux États-Unis, qui est en quelque sorte devenu le logo d'une équipe, comme l'étoile de Dallas ou la feuille d'érable, et qui a tendance à rassembler les gens. Si on pense à ces personnes et aux grandes entreprises comme Trans-Canada, Bell, Gaz Métro au Québec, ou encore à Jim Tweedie et à l'Association Canadienne du Gaz à Ottawa, beaucoup de gens de confiance attendent votre direction et peut-être un certain leadership. Je ne pense pas qu'ils demandent du financement, mais ils veulent trouver un moyen de mettre une loi en place. C'est un enjeu de taille. L'Ontario a adopté une loi à cet effet récemment. Je sais que le Québec l'envisage aussi. L'Alberta a déjà pris des mesures en ce sens, tout comme la Colombie-Britannique. Vous avez besoin d'une législation qui a du mordant, et il pourrait s'agir de lois provinciales appuyées par le gouvernement fédéral.

Le sénateur Black : Merci beaucoup.

La sénatrice Seidman : Merci, monsieur Kipp.

Dans votre rapport « DIRT », vous nous montrez que les données recueillies font foi de l'efficacité des mesures. C'est très apprécié. Vous nous dites également que les campagnes de sensibilisation fonctionnent. On a entendu qu'il était important d'avoir des données à l'appui pour convaincre les intervenants d'adhérer au système.

Sachant que nous nous butons à une certaine résistance au Canada, pensez-vous que cela a facilité l'adhésion au programme à l'échelle des États-Unis de pouvoir fournir des données démontrant que les centres d'appel unique permettent effectivement de réduire le nombre d'incidents et l'ampleur des dommages?

M. Kipp : Oui, et je peux vous donner un exemple très récent pour l'illustrer. Comme je le disais, la première cible à atteindre est de réduire le pourcentage de cas où il n'y a pas eu d'appel. Si on pouvait faire en sorte que les gens appellent dans 99 p. 100 des cas, on sait que l'industrie travaille bien. Nous avons été en mesure de déterminer qu'il y avait un très grave problème dans une zone géographique des États-Unis, où le pourcentage n'était pas de 25 p. 100, mais de 65 p. 100. On recensait d'innombrables dommages sur l'ensemble de l'infrastructure. J'ai depuis rencontré un sénateur d'État, qui a rassemblé différents intervenants. On déplore de nombreux dommages dans cet État. Une collaboration a été entamée. Il reste beaucoup de chemin à faire, mais cela reste l'objectif le plus facile à atteindre. On doit mettre sur pied une campagne de sensibilisation efficace là-bas. Il faut que les gens sachent qui appeler, et c'est une question d'application à ce moment-là. Il faut écourter la liste d'exemptions. Cet État a connu d'importants problèmes, mais les responsables s'efforcent de remédier à la situation. Il faudra être patient, mais il est essentiel d'ici là de recueillir des données sur les dommages causés.

La sénatrice Seidman : Pourquoi la campagne de sensibilisation n'a-t-elle pas fonctionné? Vous avez dit qu'il y en avait eu une, mais qu'elle n'avait pas donné les résultats escomptés.

M. Kipp : Je vais revenir à la question du sénateur Mitchell. Je pense que c'est une question de financement. Et quand je parle de financement, je veux dire que la plupart des centres d'appel unique aux États-Unis sont financés à l'utilisation. Cela signifie que si le centre d'appel renvoie mille billets de service à Bell Canada aujourd'hui, le taux peut être fixé à 84 cents ou à 1,25 $. La plupart des centres d'appel unique consacrent une partie de cet argent à la sensibilisation du public. Dans cet État, le financement était établi selon le kilométrage, ce qui veut dire que les revenus sont connus en début d'année. Même s'il est souhaitable que le volume d'appels augmente, ce n'est pas une bonne chose sur le plan de la rentabilité. Ils devaient réduire les coûts parce qu'ils avaient des revenus fixes. Le modèle de financement doit être modifié.

La sénatrice Seidman : Merci.

Le sénateur Patterson : C'est très informatif.

La ligne Appelez avant de creuser est en place depuis 2005, et au Canada, malheureusement, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a refusé l'utilisation du numéro 811, car il est déjà affecté à la ligne info-santé, pour le triage des appels non urgents. Il semble que la manière la plus courante de soumettre des demandes de localisation au Canada est de le faire par Internet. Pensez-vous qu'un système de vérification en ligne serait plus pratique qu'un système d'appels si on souhaite implanter un programme national au Canada?

M. Kipp : Eh bien, cela aurait certainement l'avantage de permettre de distribuer le volume de demandes et de réduire les coûts, et c'est très bien, et il y a moyen de mettre cela en place. Généralement parlant, je pense que plus les gens ont de façons de vous joindre, plus vous avez d'options pour leur offrir le service. Les demandes en ligne sont une excellente option pour les entreprises dont la journée commence devant l'ordinateur. Ça l'est aussi pour les entrepreneurs qui ont un iPad ou un iPhone, mais pas tellement pour ceux qui ont moins de facilité avec les services Internet. Plus on leur offrira de façons de trouver l'information — télécopieur, Internet, téléphone —, plus on aura de chances de rejoindre tout le monde.

Le sénateur Patterson : J'aimerais aussi vous poser des questions concernant les normes de prévention des dommages aux infrastructures enfouies. Vous savez peut-être que l'Association canadienne de normalisation travaille sur une norme canadienne de prévention des dommages. Je pense qu'elle porte le titre de CSA Z247. Est-ce que la Common Ground Alliance est au courant de cela ou est-ce qu'elle participe à l'élaboration de cette norme de prévention?

M. Kipp : Pas du côté des États-Unis, mais je sais que Mike, Jim et les autres responsables canadiens sont tout à fait au courant. Ils se sont rencontrés en octobre dernier. Je pense qu'ils se réunissent quelques fois par année pour discuter des enjeux propres au Canada, et je crois bien qu'ils savent de quoi il s'agit. Je devrais vérifier avec eux.

Le sénateur Patterson : Est-ce qu'une norme de prévention des dommages est appliquée aux États-Unis?

M. Kipp : Oui, nous avons des pratiques exemplaires à cet égard. Le comité se réunit trois fois par année pour en discuter. Des groupes de travail discutent en direct — téléphone, télécommunications — des nouvelles pratiques proposées. Si une pratique est appliquée dans un État ou une province quelconque et qu'on veut la présenter au comité, on soumet une demande d'examen. Le comité l'examine et s'il juge que c'est une pratique exemplaire viable, il crée un groupe de travail qui l'étudie, la formule et convient ou non de l'adopter. Toute pratique soumise au comité est étudiée et renvoyée aux différentes associations — l'association du gaz, les entrepreneurs —, et le tout est soumis à un vote dans le but d'arriver à un consensus. Si tout le monde est d'accord, cela devient une des pratiques exemples de la Common Ground Alliance.

Le sénateur Wallace : Monsieur Kipp, quand je vous écoute parler et que je pense à ce que les autres témoins nous ont dit, les centres d'appel unique semblent être la solution sensée. Les avantages que vous et d'autres avez soulignés sont très évidents. Si nous décidons d'aller de l'avant avec cette solution au Canada, d'implanter un système de centres d'appel unique à l'échelle du pays, où risquons-nous de nous buter à de la résistance? Du point de vue des entreprises, s'il faut attendre un certain temps avant d'obtenir la réponse et d'avoir les résultats de la localisation quand un appel est fait, il est possible que les entreprises d'excavation aient des réticences. Elles ne veulent pas que cela paralyse leurs activités. Le temps, c'est de l'argent, et les entrepreneurs pourraient craindre les pépins bureaucratiques et les délais.

Vous avez parlé d'un délai de 48 heures. J'ai cru comprendre qu'il y avait une période d'attente de 48 heures avant d'obtenir les résultats de la localisation, ce qui me semble être un délai raisonnable. Est-ce la norme à l'échelle des États-Unis, ou est-ce que le délai prescrit varie d'un État à l'autre? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

M. Kipp : C'est le modèle général. La plupart du temps, le délai est de deux ou trois jours ouvrables. Il y a cependant des exemptions. Dans certaines régions rurales du Montana, cela peut-être quatre ou cinq jours, mais dans la grande majorité des cas — 95 p. 100 —, c'est moins de deux ou trois jours. Une fois que l'entrepreneur est mis au courant, ce n'est pas un problème. En passant, il est aussi possible d'effectuer des localisations d'urgence. Si un entrepreneur effectue des travaux et qu'une conduite d'eau éclate, il peut demander une localisation d'urgence, qui se fait dans l'heure ou dans les trois heures suivantes.

Il y a deux choses à considérer. Premièrement, l'entrepreneur veut être certain que ce sera fait dans un délai de 48 à 72 heures, et si ce n'est pas le cas, un signalement est fait et le propriétaire-exploitant est mis à l'amende pour non- respect des délais. Deuxièmement, dans certains États, des entrepreneurs ont abusé du service de localisation d'urgence. Ceux qui en abusent sont rappelés à l'ordre et mis à l'amende, dont le montant est calculé selon un certain pourcentage. De façon générale, le système fonctionne bien. L'Associated General Contractors of America participe aux discussions; les entrepreneurs sont bien représentés. Elle a présidé la CGA pendant plusieurs années. Elle appuie cette façon de faire. Au bout du compte, ce qui importe le plus pour un entrepreneur, c'est qu'il puisse rentrer à la maison le soir venu, et ce système veille à ce que ce soit le cas.

Le sénateur Wallace : Est-ce que ces délais sont prescrits par la loi dans chacun des États?

M. Kipp : Oui.

Le sénateur Wallace : Ils sont prévus par la loi?

M. Kipp : Oui.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Kipp, vous avez dit qu'il y avait 132 pratiques exemplaires acceptées. Pouvez-vous nous donner un exemple d'une pratique qui, à première vue, pourrait s'avérer utile, mais qui n'est pas acceptée? Et pourquoi n'a-t-elle pas été approuvée?

M. Kipp : Il y en a plus de 150 maintenant, soit dit en passant; il y en avait 132 au début. Comme cela, je ne me souviens pas qu'une pratique ait été rejetée. Je sais qu'une pratique de localisation très controversée avait été soumise au comité. L'obligation de communiquer avec un centre d'appel en est une.

Les compagnies ferroviaires, entre autres, ne voulait pas devoir appeler pour que des localisations soient effectuées sur leurs propres terrains, et ce, pour diverses raisons. Dans l'Ouest, des câbles en fibre de carbone noire courent le long des rails. Elles doivent creuser et ne veulent pas appeler pour qu'on fasse la localisation des câbles optiques. Ils sont enfouis sous leurs propres emprises. Il a fallu 10 ans pour enfin avoir leur consentement lorsque les infrastructures sont situées sur un terrain privé. Cela aura pris 10 ans pour arriver à la formulation voulue pour obtenir ce quinzième vote, celui des compagnies ferroviaires, en faveur de cette pratique. Et c'est ainsi que cela fonctionne.

Le sénateur Mitchell : Dans votre déclaration préliminaire, vous nous avez dit qu'il y avait le 811, mais qu'il y avait aussi des numéros 1-800. Il n'y a pas de centre d'appel unique qui reçoit et distribue toutes les demandes, soit le modèle envisagé par le Canada? Parfois, l'appel est acheminé directement au centre d'appel de l'État?

M. Kipp : Les États veulent généralement mettre en place leurs propres réglementations et n'aiment pas qu'on s'ingère dans leurs affaires, alors 40 des États ont un centre d'appel. Certains sont à but lucratif, d'autres pas. D'autres ont également deux centres d'appel. Le Texas est vraiment un cas unique. Il a deux centres d'appel, mais ils ne sont pas affectés à des régions différentes. La distribution des appels se fait en alternance entre les deux. Cela varie. Pour les États plus au nord — par exemple le Dakota du Nord —, les appels sont acheminés au Texas. Cela peut arriver.

Le sénateur Massicotte : Un mot rapidement à propos du côté technique et de la capacité des localisateurs de détecter l'emplacement exact des conduites. En construction, notamment en construction résidentielle, quand il faut relier les conduites d'eau ou les réseaux électriques dans un lotissement, il arrive souvent qu'on frappe du roc ou un obstacle quelconque. L'entrepreneur doit alors dévier le tracé établi dans les plans initiaux approuvés par la municipalité. Dans la plupart des provinces, l'entrepreneur, l'ingénieur ou l'architecte n'ont pas à signaler cette bifurcation ni à soumettre les plans de l'ouvrage fini à la ville. Est-ce aussi le cas aux États-Unis? Est-ce que l'équipement des localisateurs leur permet de détecter les conduites pour indiquer aux entrepreneurs chargés de l'excavation que le tracé a été dévié? Est-ce aussi un problème chez vous, et que faites-vous pour y remédier?

M. Kipp : Deux choses : la première, c'est que l'obligation de soumettre les plans de l'ouvrage fini varie d'un État à l'autre. C'est une des pratiques exemplaires. Nous sommes d'avis que lorsque le plan doit être modifié, le plan de l'ouvrage fini doit être soumis de concert avec le propriétaire-exploitant. C'est effectivement une de nos pratiques.

Pour ce qui est de la localisation, c'est une industrie intéressante qui se perfectionne de plus en plus. Les technologies s'améliorent, mais ce n'est pas parfait. On organise un rodéo une fois par année en Géorgie. Des groupes du Canada et des États-Unis s'affrontent dans le cadre de différentes compétitions. Les meilleurs se réunissent en Géorgie, où est couronné le meilleur localisateur en Amérique du Nord. Ce genre de concours suscite l'intérêt des gens et des fournisseurs. Est-ce parfait? Non. Peuvent-ils détecter certaines déviations? Absolument. Selon les câbles à détecter, ou s'il s'agit de conduites en métal, il est possible de suivre et de marquer le tracé. On utilise la détection radioélectrique. Ce n'est pas parfait, et il est beaucoup plus difficile de localiser les conduites de béton ou de plastique quand le tracé a été dévié.

Le sénateur Massicotte : Je comprends pour ce genre de conduites, comme les canalisations transportant le sirop, qui ne sont pas faites de métal. Souvent, on enroule du fil de cuivre ou autre autour de ces canalisations pour qu'elles soient détectables. Vous dites que la technologie n'est pas suffisamment avancée pour détecter les déviations importantes. C'est donc dire que bon nombre d'États exigent que les plans de l'ouvrage fini soient soumis, même par les promoteurs résidentiels?

M. Kipp : Oui, ce ne sont pas toutes les conduites qui sont enrobées. Certaines datent de nombreuses années, et il y a aussi des tuyaux abandonnés. Parfois, le localisateur se rend sur place et rien n'indique qu'il y a un tuyau abandonné. Il peut bien placer son repère sur un tuyau abandonné et faire la localisation à partir de celui-ci. Le bon tuyau se trouve par contre à 8, 10, 12 ou 15 pieds de là. Cela peut arriver et c'est déjà arrivé. D'autres conduites sont enrobées de câbles. J'ai même vu des conduites qui étaient longées par un câble optique, et si on détecte des tremblements ou une perturbation du sol, causée par une rétrocaveuse ou quelque chose d'autre, on envoie une équipe sur place pour voir ce qui se passe, car on ne veut pas que qui que ce soit s'en approche. C'est le cas pour les gros pipelines de transmission. Il existe plusieurs façons de procéder.

Le sénateur Massicotte : Pour les petits entrepreneurs résidentiels, que faire pour ceux qui se plaignent, avec raison, que l'obligation de soumettre les plans de l'ouvrage fini augmente considérablement leurs coûts?

M. Kipp : Je suis certain que cela fait grimper les coûts. Je ne suis pas sûr qu'ils augmentent considérablement, par contre. J'imagine que cela dépend du point de vue. Au bout du compte, si cela aide à protéger son prochain, je crois que c'est une très bonne chose, et c'est en fait l'objectif principal.

Le président : J'aurais deux ou trois questions. Nous avons parlé de la compétition de localisateurs. Le ministère provincial dont j'étais responsable organisait des compétitions où les équipes de sauvetage de mines naturelles des quatre coins de la province rivalisaient entre elles. Je peux imaginer le même genre de compétition pour les localisateurs.

Une chose n'est toujours pas claire pour moi. Quel rôle a joué le gouvernement fédéral aux États-Unis dans la réussite du système de centres d'appel unique? Pouvez-vous me donner une idée? Vous avez dit plusieurs fois que les États voulaient administrer eux-mêmes leurs affaires, et je peux certainement le croire. C'est leur droit. Nous sommes au niveau fédéral. Nous devons être très prudents dans notre façon de gérer la situation. Devrions-nous même essayer de gérer les choses? C'est la question que je me pose depuis le début. Comment un gouvernement fédéral peut-il contribuer à la mise en place d'un tel système, sans toutefois s'ingérer dans les affaires des autres?

M. Kipp : Mon Dieu, mon travail est déjà assez difficile comme cela; je ne sais pas ce qu'il en est du vôtre. Je ne connais pas toute l'histoire, sauf que le processus de reconduction des autorisations revient aux quatre ans pour l'industrie des pipelines. Il faut suivre l'argent. Le gouvernement fédéral accorde du financement aux États, qui s'en servent pour accomplir certaines choses. Je pense notamment aux centres d'appel unique, pour lesquels des subventions étaient consenties et des représentants de la sécurité des pipelines étaient consultés. Une partie de la subvention d'un demi-million de dollars que nous avons reçue pour initier le projet donne au gouvernement fédéral une voix au chapitre.

Un organisme de réglementation fédéral est représenté au sein de notre conseil. Le représentant n'a pas droit de vote, mais il siège au conseil. L'aspect positif de cela est que durant le mois national de l'excavation sécuritaire, je peux demander au secrétaire Foxx et à l'administratrice Quarterman de tenir une conférence de presse pour parler du 811 — il va y en avoir une — ou encore de venir à une course NASCAR pour dire à quel point il est important d'appeler le 811. Ils gagnent à réduire les dommages et à éviter que la sécurité des pipelines fasse les manchettes. Lorsque nous avons commencé ce travail, un des dix grands objectifs de la National Transportation Safety Board était d'assurer la sécurité des pipelines. C'était un enjeu de taille, au même titre que la sécurité aérienne, les sièges d'auto, et ainsi de suite. Aujourd'hui, ce n'est plus un enjeu pressant. Nous avons été en mesure de travailler avec le gouvernement fédéral, les États et les différents groupes d'intervenants pour réduire les dommages. C'est une union particulière, mais cela fonctionne. Pour une raison ou une autre, nous avons réussi à la faire fonctionner. Je pense que le financement y est pour beaucoup. Au bout du compte, on parle encore d'argent versé aux États. Comme je le mentionnais, 78 p. 100 des efforts de prévention par les représentants des sociétés pipelinières sont financés par le gouvernement fédéral.

Le président : Je comprends cela. C'est ainsi que les provinces interagissent avec le gouvernement fédéral — « j'ai besoin d'argent ». Je comprends cela.

Merci beaucoup, monsieur Kipp, pour votre témoignage. Je sais que vous voyagez beaucoup et que cela n'a pas été facile de vous libérer aujourd'hui. Je vous assure que nous l'apprécions grandement.

M. Kipp : Ce fut un plaisir. J'aurais aimé être des vôtres. Ottawa, c'est chez moi. J'y suis né et j'y ai grandi. J'aurais voulu me rendre sur place.

Le président : Vous serez toujours le bienvenu.

J'ai le plaisir d'accueillir M. Harold Calla, président exécutif du Conseil de gestion financière des Premières Nations. Il est accompagné de Niilo Edwards, conseiller.

Monsieur Calla, nous allons entendre votre déclaration préliminaire, puis nous passerons aux questions et réponses. Nous devons libérer la salle pour 10 heures, alors je demanderais à tout le monde de garder cela à l'esprit. Après votre déclaration, les sénateurs auront des questions à vous poser, je l'espère, et nous pourrons entendre vos réponses.

Monsieur Calla, la parole est à vous.

Harold Calla, président exécutif, Conseil de gestion financière des Premières Nations : Merci, monsieur le président. Je réitère les commentaires de M. Kipp, car il n'y a pas que les entrepreneurs qui souhaitent rentrer dormir à la maison : les membres du conseil d'administration des sociétés pipelinières, comme moi, ont aussi ce souhait. Je vous remercie pour le travail que vous faites dans ce domaine.

Merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Mon exposé portera principalement sur les possibilités qui s'offrent aux Premières Nations de participer au capital social des grands projets d'exploitation des ressources naturelles au Canada.

J'occupe le poste de président exécutif du Conseil de gestion financière des Premières Nations. Notre organisation a créé une approche de modélisation pour établir la participation financière des Premières Nations à titre d'option proposée.

Avant de parler en détail de l'approche de modélisation, j'en profite pour présenter aux membres du comité un bref aperçu de l'organisation que forme le Conseil de gestion financière des Premières Nations. Le Conseil de gestion financière est une organisation créée en vertu des articles 49 et 55 de la Loi sur la gestion financière des Premières Nations. Cette loi a reçu la sanction royale en 2005, après avoir reçu l'appui unanime de tous les partis à la Chambre des communes et au Sénat.

En plus de la création du Conseil de gestion financière, la loi prévoyait l'établissement de deux autres organisations : la Commission de la fiscalité des premières nations et l'Administration financière des Premières Nations. J'y reviendrai plus tard.

Le Conseil de gestion financière est le seul organisme de réglementation canadien à élaborer et à publier des normes sur le rendement financier et le système de gestion financière des Premières Nations.

Il s'agit d'une organisation autochtone qui offre une série d'outils et de services de gestion financière aux gouvernements des Premières Nations qui souhaitent consolider leur intendance financière et leur régime de responsabilisation, ainsi que développer la capacité nécessaire pour satisfaire aux exigences accrues qui leur incombent en matière de gestion fiscale et financière. J'ai signé différents principes autorisés afin que l'organisation puisse remplir son mandat.

Notre organisation a entre autres pour mission d'aider les Premières Nations à développer, à mettre en œuvre et à améliorer les liens financiers avec les institutions financières, les éventuels associés et les autorités administratives pour assurer le développement économique et social des Premières Nations; de même que d'offrir des services de consultation, de recherche stratégique, d'examen des politiques et d'évaluation aux fins de l'élaboration d'arrangements fiscaux entre les gouvernements des Premières Nations et d'autres administrations.

Conformément à cette partie de son mandat, le Conseil de gestion financière a entamé des discussions avec les Premières Nations concernant leur participation au développement des ressources à titre de partenaires financiers. La notion de participation au capital social fait actuellement l'objet de discussions avec les Premières Nations. La question nous a été soumise. C'est un thème commun, qu'on parle de l'exploitation du gaz naturel dans le nord de la Colombie- Britannique ou des Premières Nations du Cercle de feu.

Au cours de l'été 2012, sur l'invitation de quatre ministères fédéraux, j'ai participé à une série de discussions tenues par le Forum des politiques publiques, qui avaient pour but de trouver des façons pour que les Canadiens autochtones puissent participer de façon significative à la multitude de projets de développement des ressources proposés et pour qu'ils puissent en tirer profit. La notion de participation au capital social a été un thème récurrent de ces discussions, et le rapport final du forum en a fait mention. Vous trouverez une copie de ce rapport dans les documents que je vais vous soumettre aujourd'hui. Le dernier point du rapport est une recommandation proposant une manière de procéder pour le gouvernement et l'industrie afin d'inclure davantage les Premières Nations. Le rapport suggère également que l'accès aux fonds nécessaires pour que les Premières Nations puissent participer au capital social des projets pourrait être soutenu par une garantie gouvernementale. La Canada West Foundation a publié un rapport semblable l'an dernier, et ses conclusions rejoignent celles du Forum des politiques publiques.

Le Conseil de gestion financière a également tenté d'explorer ces notions plus en profondeur. Nous poursuivons les discussions avec les Premières Nations de la côte ouest de la Colombie-Britannique jusqu'à la frontière de l'Alberta. Les territoires traditionnels des 42 Premières Nations de cette région sont directement touchés par les trajets proposés pour différents pipelines de gaz naturel liquéfié, notamment celui du projet Northern Gateway, et des pipelines pétroliers.

S'ajoute à la nature complexe de cette réalité l'absence de traités formels pour la majeure partie de la Colombie- Britannique. Selon les décisions rendues par les tribunaux canadiens au cours des 18 dernières années, les titres fonciers de la Couronne et des Autochtones devraient pouvoir coexister, mais cette notion n'a toujours pas été définie. Les tribunaux ont également établi l'obligation de consulter et d'accommoder les intérêts des Premières Nations lorsqu'un projet pourrait empiéter ou avoir des répercussions directes sur les territoires traditionnels des Premières Nations. L'approche actuelle est de laisser l'industrie s'occuper en grande partie de cette obligation, ce qui produit des résultats moins que souhaitables pour toutes les parties concernées. Le rapport soumis récemment au premier ministre par Douglas Eyford suggère qu'il est risqué pour le Canada de s'en remettre à l'industrie de cette façon, car les compagnies n'ont pas la même culture, expérience et expertise en fait de relations autochtones.

Compte tenu de la réalité actuelle, les méthodes utilisées ne suffisent pas pour remplir l'obligation de consulter et d'accommoder, et il est nécessaire de mettre en place de nouvelles mesures à cet effet. Les gouvernements et l'industrie doivent être ouverts à l'établissement de véritables partenariats avec les Premières Nations, comme des partenariats financiers qui permettraient aux Premières Nations d'avoir voix au chapitre dans la gestion des projets, l'atténuation des effets environnementaux et l'établissement de sources de revenus.

Notre organisation reconnaît également qu'il n'incombe pas seulement aux gouvernements et à l'industrie de trouver une solution. Si les Premières Nations décident de participer à ces projets, elles doivent être prêtes à exprimer leurs conditions dans le cadre des négociations.

Il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que les gouvernements et l'industrie négocient efficacement les paramètres d'une participation aussi importante avec les Premières Nations de façon individuelle. Les Premières Nations reconnaissent l'importance de la collaboration et les avantages que cela présente pour faciliter les négociations avec le gouvernement et l'industrie.

Le Conseil de gestion financière reconnaît aussi qu'il est important que les Premières Nations disposent des ressources et des informations nécessaires pour prendre des décisions éclairées concernant leur participation future.

Dans le but d'aider les Premières Nations à prendre des décisions éclairées, notre organisation a fait une analyse d'un projet type de l'industrie du gaz naturel liquéfié, d'envergure à peu près équivalente à un projet en cours en Colombie-Britannique. Vous allez recevoir une copie de cette analyse aujourd'hui.

Je veux souligner que nous sommes en mesure d'entreprendre ces travaux grâce au soutien que nous recevons du ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord. Notre organisation a retenu les services d'experts de l'industrie, et plus précisément des anciens directeurs financiers de Terasin Gas et de Foothills Pipe Lines, pour aider à l'élaboration de ce rapport. Nous visions deux objectifs en commandant ce rapport. D'une part, nous voulions aider les Premières Nations à comprendre comment une approche modélisée pourrait les amener à participer aux investissements et à travailler en partenariat avec l'industrie et, d'autre part, nous voulions mettre en évidence l'ampleur des retombées économiques dont pourraient bénéficier les collectivités des Premières Nations et le pays grâce à cette participation.

On a conclu qu'environ 200 milliards de dollars en retombées économiques nettes ont été générées dans les 25 premières années d'un projet de GNL mené en Colombie-Britannique. Des retombées économiques de cette envergure permettront aux Premières Nations d'investir dans le renforcement de leurs capacités et de participer pleinement à l'économie canadienne.

Les outils existent à l'heure actuelle pour concrétiser pareil scénario. En utilisant le cadre de surveillance de la Loi sur la gestion financière pour assurer l'accès aux marchés de capitaux, on réduit les risques réels et perçus pour les Premières Nations, les provinces et les marchés de capitaux.

L'Administration financière des Premières Nations, que j'ai mentionnée au début de mes remarques, est bien placée pour faciliter l'accès aux marchés pour les Premières Nations. L'administration financière est un groupe d'emprunts de Premières Nations qui sont certifiées par le Conseil de gestion financière. Je suis heureux de dire que, depuis le mois dernier, l'Administration financière a reçu des cotes de crédit de Moody's, et la DBRS émettra ses premières obligations d'environ 110 millions de dollars probablement en mai ou en juin. C'est grâce à l'Administration financière que les Premières Nations seront en mesure d'amasser le capital pour investir, dans le cas où une garantie de prêt fédérale est obtenue. La garantie de prêt fédérale est importante car elle permet aux Premières Nations d'avoir accès aux marchés à des taux d'intérêt préférentiels.

En fonction d'un certain nombre de facteurs au sein de l'approche modélisée, nous avons également conclu que si des Premières Nations investissaient 30 p. 100 des capitaux dans notre projet, le rendement générerait des retombées de l'ordre de 5,5 milliards de dollars pour ces Premières Nations.

Permettez-moi également de préciser qu'on a pris les données de ces approches modélisées pour réduire le nombre de facteurs de risque, et on a apporté une attention particulière pour s'assurer que les risques auxquels est exposé le secteur privé ne sont pas refilés aux contribuables canadiens et que le modèle n'entraînera pas de coûts supplémentaires. Le concept que nous avons examiné était un modèle de service public à tarifs réglementés. Ceux qui connaissent ce modèle savent qu'il atténue grandement les risques.

Par conséquent, l'idée que les Premières Nations participent au capital n'a rien de nouveau. On a offert d'investir 30 p. 100 des capitaux dans le projet de pipeline de la vallée du Mackenzie et le projet de Pacific Trails Pipeline en Colombie-Britannique dès le début des années 1980, ainsi que dans le projet de pipeline sans lendemain de Pétro- Canada, qui devait être mené à Prince Rupert.

Pour terminer, permettez-moi de répéter qu'on veut que cette approche modélisée mise au point par le Conseil de gestion financière soit une option à prendre en considération. Nous sommes conscients que si nous en sommes à examiner les compétences essentielles pour ces projets, la solution pour y parvenir doit être acceptable pour les Premières Nations et réaliste pour le gouvernement.

C'est sur cette note que je veux souligner le dialogue constructif et encourageant que nous avons engagé avec le ministre des Affaires autochtones, M. Bernard Valcourt, et l'ancien ministre des Ressources naturelles, M. Joe Oliver. Je m'en voudrais également si je ne soulignais pas l'aide essentielle, les conseils et les connaissances que l'ancien sénateur Gerry St. Germain nous a offerts en tant que bénévole indépendant dans le cadre de cette initiative. Comme bon nombre d'entre vous le savent, le sénateur St. Germain a défendu et continue de défendre fermement les projets qui visent à améliorer le sort des Autochtones au pays.

Au cours des prochains mois, le Conseil de gestion financière continuera d'aider les Premières Nations à prendre des décisions éclairées quant à leur participation à l'exploitation des ressources. Alors que le gouvernement du Canada planifie les mesures qu'il prendra en vue de réduire le déficit, nous croyons que les mécanismes de protection et les retombées importantes qui en découleront dissiperont grandement l'incertitude entourant les projets d'exploitation des ressources d'envergure, augmenteront sensiblement les répercussions sur le produit intérieur brut et minimiseront les risques pour les contribuables tout en adaptant le régime des Premières Nations à la réalité du XXIe siècle, tant du point de vue économique que social.

Je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de comparaître, ce qui m'a permis de souligner que la question des Autochtones ne date pas d'hier. Nous avons réalisé de nombreuses études, mais n'avons pas pris beaucoup ou suffisamment de mesures. Certaines mesures ont été prises dans le secteur du développement économique, et nous devons vraiment commencer à examiner la question sous l'angle du développement économique et des questions sociales. Nous avons besoin de travailleurs au pays. Les Premières Nations ont la plus forte croissance démographique. Il y a une excellente occasion d'apporter des changements transformateurs. On a souvent entendu parler des « changements transformateurs », mais qu'entend-on par là? Vous ne pouvez pas jouir de l'autonomie gouvernementale et répondre à vos besoins si vous ne pouvez pas bâtir une économie et vous occuper vous-mêmes de vos affaires. Les Premières Nations doivent investir dans leur propre bien-être afin de s'adapter au XXIe siècle.

Il est important que les gouvernements comprennent que ce que l'on demande aux Premières Nations, qui sont exclues de l'économie courante depuis des siècles — et les 20 dernières années depuis l'affaire Delgamuukw —, c'est de s'éveiller à la réalité du XXIe siècle. Nous n'avons pas eu le temps d'évoluer comme le reste du pays. Des organisations comme la nôtre et les efforts des gouvernements doivent apporter des changements transformateurs qui feront en sorte que les Premières Nations puissent être plus autonomes. J'ai eu l'occasion de témoigner devant le comité du Sénat récemment pour discuter de l'infrastructure et du logement. Dans mes recherches, j'ai découvert qu'il y avait un déficit de 6 milliards de dollars en matière d'infrastructure et de 8 milliards de dollars en matière de logement au Canada. Cet argent ne proviendra pas des transferts du gouvernement fédéral.

Si nous ne développons pas des économies et n'allons pas de l'avant, tout espoir sera perdu. C'est une chose importante qu'il ne faut pas oublier, que ce soit le Cercle de feu au Québec et en Ontario, la pêche dans la région de l'Atlantique ou le gaz naturel, nous devons faire en sorte que les Premières Nations aient la possibilité de tirer des avantages et, par le fait même, aient quelque chose à perdre si nous voulons que ces projets aillent de l'avant.

Sur ce, je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Calla. Nous allons maintenant passer aux questions. Je vais commencer avec le vice-président, le sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur Calla. Vos remarques étaient très intéressantes. Doit-on comprendre qu'à chaque projet, votre organisation créerait un consortium de Premières Nations concernées pour que vous puissiez réunir tous ces négociateurs au lieu de vous en remettre seulement à l'entreprise qui construit le pipeline, par exemple?

M. Calla : Nous ne le ferions pas nous-mêmes, sénateur. Nous essayons de procéder à un examen préalable à Fort Nelson dans le cadre de quatre conférences sur le GNL en Colombie-Britannique, où nous établirions un modèle en vertu duquel les Premières Nations joindraient leurs efforts et créeraient un secrétariat pour répondre aux demandes en matière de consultation. Un grand nombre de collectivités, en raison de la multitude de projets à l'étude, sont tout à fait débordées en ce moment. La taille des administrations dans ces organisations n'est pas assez grande pour pouvoir établir l'orientation que l'on devrait prendre. Ce sont là des questions très complexes; le projet que nous présentons coûterait 37 milliards de dollars. Il faut des partenariats et nous essayons d'en créer, mais ce sera les Premières Nations, en tant que gouvernements, qui s'en chargeront. Notre rôle consiste à les aider.

Le sénateur Mitchell : Ce qui nous motive entre autres, c'est la possibilité d'obtenir une garantie de prêt fédérale, qui pourrait être accrue parce que tout le monde a travaillé de concert en ce sens. Sauf erreur, cela voudrait dire que dans le cadre d'un projet donné, le taux d'intérêt versé par le consortium autochtone serait vraisemblablement plus bas que le taux de financement versé par son partenaire du secteur privé.

M. Calla : Tout à fait. Le modèle que nous avons proposé recommande seulement d'offrir une garantie de prêt fédérale sur le capital des Premières Nations. Avec une cote de crédit triple A, la différence serait substantielle. Lorsque les tarifs sont réglementés, où l'on peut s'attendre à un rendement possible de 11 ou 12 p. 100, l'écart est de 700 à 800 points de pourcentage dans le coût de financement si l'on a dû se tourner vers les marchés financiers et commerciaux.

Le sénateur Mitchell : Ce modèle s'appliquerait-il aux projets d'énergie renouvelable?

M. Calla : Oui, absolument.

Le sénateur Massicotte : Merci à tous les deux d'être des nôtres aujourd'hui. Je dois avouer franchement que je suis naïf en la matière. Je veux faire un petit retour en arrière et vous demander de quoi nous parlons. Je sais qu'en 2006, la Loi sur la gestion financière des Premières Nations a été adoptée et a créé essentiellement quatre organisations, dont la vôtre, le Conseil de gestion financière des Premières Nations. Quel est le but? Est-ce vraiment pour créer un conseil et fournir un modèle de négociation pour les Premières Nations? Revenons un peu en arrière. Quelle est votre raison d'être et quels sont vos objectifs?

M. Calla : Je suis membre de la Première Nation Squamish de Vancouver. Je siège au conseil depuis huit ans. J'ai été directeur du développement économique et des finances. Je viens du secteur privé, et je ne pouvais pas aller à la banque pour emprunter de l'argent. Je raconte l'histoire cocasse où j'ai demandé un prêt à la banque. Les conseillers financiers m'ont demandé où était le ministre et j'ai répondu que je ne pensais pas être à l'église, puis je me suis aperçu que les banquiers n'ont pas le sens de l'humour. C'était la première fois, et nous voulions apporter un changement. Nous cherchions à nous dissocier de la Loi sur les Indiens et à favoriser le développement économique et l'autonomie. Pour y arriver, il faut des systèmes de gestion financière transparents et un accès aux marchés de capitaux pour répondre aux besoins en infrastructure, rembourser la dette et combler les besoins à l'extérieur du gouvernement.

Nous ne serions pas ici aujourd'hui à essayer d'obtenir une garantie de prêt fédérale si l'envergure de ces projets n'était pas aussi importante. Nous avons un projet de 37 millions de dollars et notre document qui propose que les Premières Nations fournissent 30 p. 100 des capitaux. C'est beaucoup d'argent. Les Premières Nations au pays n'ont pas les budgets nécessaires. Nous croyons qu'il est dans l'intérêt du Canada de participer aux négociations, et j'ai lu dans les journaux hier qu'il l'a fait dans le passé avec la SCHL. J'ai siégé au conseil d'administration de la SCHL pendant six ans, et je me suis rendu compte que le Canada jouait un rôle dans le secteur privé de l'assurance hypothécaire en offrant une garantie de prêt de 90 p. 100. Nous croyons qu'il est dans l'intérêt du Canada d'intervenir pour que ces projets soient étudiés en temps voulu.

En tant que membre du conseil d'administration de FortisBc, j'ai suffisamment d'information à l'heure actuelle que je pourrais présenter une menace pour le secteur de l'énergie mondial. Ce que je comprends, c'est que le Canada, pour ce qui est des ressources naturelles et énergétiques, n'est pas la seule source d'approvisionnement dans le monde. Si nous n'intervenons pas rapidement, les possibilités disparaîtront et les investisseurs iront ailleurs. L'ambassadeur du Japon n'a pas mâché ses mots lorsqu'il a pris la parole lors d'une rencontre sur le GNL des Premières Nations à Prince George l'an dernier. Le Japon a mis fin à ses activités nucléaires. Il achète 15 p. 100 de ses besoins énergétiques nationaux sur le marché au comptant, et il doit solidifier ces relations commerciales. S'il ne peut pas le faire en Colombie-Britannique et au Canada, il doit aller ailleurs. Nous sommes engagés dans une course contre la montre pour toutes nos ressources et nous pensons que la question de la participation des Autochtones doit être réglée pour prendre des décisions en temps opportun.

Le sénateur Massicotte : Pour résumer, le premier message à transmettre aux collectivités autochtones, c'est « Réveillez-vous ». Vous devriez faire partie du processus. Il est dans votre intérêt d'être plus coopératifs et plus positifs.

Le deuxième message s'adresserait aux entreprises privées, à qui vous diriez : « Désolée, mais nous avons besoin de votre coopération. » Dans le modèle que nous étudions, nous proposons de participer à votre projet à hauteur d'environ 30 p. 100.

Le troisième message que vous transmettriez serait à l'intention du gouvernement fédéral pour lui faire part que vous avez besoin d'une garantie de prêt, sinon tout est à l'eau.

Ai-je bien résumé les trois messages que vous essayez de nous communiquer?

M. Calla : Vous devriez être ici. C'était un excellent résumé.

Le sénateur Massicotte : Le troisième message est le plus important. Le deuxième message à l'intention du secteur des pipelines, pour ainsi dire, a trait à de vieilles décisions de la Cour suprême sur la nécessité que l'on vous consulte. Vous dites que nous devrions non seulement être consultés, mais aussi être votre partenaire.

Le troisième message est celui qui est difficile. Vous dites que compte tenu de tous les facteurs — sociaux, économiques, et cetera —, le gouvernement fédéral devrait logiquement vous accorder une garantie de prêt.

M. Calla : Je pense qu'il est dans l'intérêt du Canada que ces projets se réalisent. Il est important de comprendre ce qu'il faudra faire pour y parvenir. La participation au capital, si l'on en fait la demande, est quelque chose pour laquelle le Canada devrait intervenir, et pas forcément seul. Les provinces pourraient avoir un rôle à jouer. Il pourrait y avoir un rôle pour les producteurs et même pour les gouvernements étrangers. Chacun de ces projets sera évalué au mérite, à mon avis.

Le sénateur Massicotte : Je ne suis pas certain si cette situation a été corrigée, mais dans le passé, les collectivités autochtones n'avaient de droit de propriété sur leur infrastructure ou sur leurs terres. Par conséquent, le prêteur n'avait aucune protection, car c'était toujours sous réserve de l'approbation du ministre. Cette situation a-t-elle été réglée?

M. Calla : Non.

Le sénateur Massicotte : La protection est-elle aussi bonne pour votre part? J'imagine que vous avez des capitaux propres de société?

M. Calla : Oui, il s'agirait de capitaux propres de société. Dans le modèle que nous produisons, comme vous le verrez dans le document, nous nous penchons sur des moyens d'intercepter les comptes pour que le service de la dette soit payé avant que des fonds soient transférés. En vertu de la loi, le Conseil de gestion financière a le pouvoir, si quoi que ce soit tourne mal, de prendre le contrôle des activités de l'entité. Les protections sont en place pour veiller à la gestion du service de la dette.

Il est également important de passer par le Conseil de gestion financière pour aider à préparer les Premières Nations à gérer la richesse qui découlera de ces projets. Nous examinons entre autres la possibilité d'apporter des changements systémiques pour gérer la richesse et le développement de l'expertise en gestion financière. Il sera nécessaire de procéder périodiquement à la validation par un tiers au moyen d'examens du rendement financier et à des certifications du système de gestion financière pour s'assurer que les Premières Nations tireront d'énormes avantages à long terme de ces possibilités et bâtiront des économies originales.

Nous avons là une excellente occasion, car la question qui se pose est toujours la même : « Que faisons-nous pour le Nord, et plus particulièrement pour les collectivités du Nord? » Que faisons-nous pour relever les défis auxquels elles se heurtent? À l'heure actuelle, les activités d'exploitation des ressources naturelles et de développement énergétique au pays, qui sont principalement menées dans le Nord, offrent cette possibilité, mais nous devons faire en sorte que les collectivités soient en mesure de prendre des décisions éclairées.

Après avoir passé de nombreuses années à gérer le financement destiné aux paiements de transfert, imaginez qu'on vous demande si vous voulez ou non approuver un projet de gazoduc de 37 milliards de dollars. Quelle approche adoptez-vous comme collectivité qui n'a seulement eu l'occasion de gérer des paiements de transfert? C'est une partie du problème auquel nous sommes confrontés. C'est la raison pour laquelle nous ne recevons pas le feu vert pour bon nombre de ces projets. Une partie de notre travail consiste à combler cette lacune, et nos efforts commencent à porter ses fruits.

Le sénateur Black : Je vous remercie infiniment, monsieur Calla. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je crois aussi que l'exploitation des ressources ne peut pas progresser sans une participation importante des Autochtones. Il est naïf de penser autrement. Maintenant que j'ai dit que nous sommes sur la même longueur d'onde, j'ai quelques questions à vous poser, et je ne veux pas que vous compreniez mal le contexte.

Ma première question est la suivante : comme nous le savons tous les deux, il y a une foule de projets potentiels, depuis Terre-Neuve-et-Labrador jusqu'à la côte de la Colombie-Britannique, pour lesquels la participation des Autochtones serait souhaitable. Vous avez mentionné le Cercle de feu. Vous avez parlé des projets de GNL, mais vous et moi pouvons penser à une foule d'autres projets dans presque toutes les autres provinces du Canada. Comment le gouvernement du Canada détermine-t-il les projets à garantir?

M. Calla : Nous avons examiné cette question.

Le sénateur Black : Je n'en doute pas.

M. Calla : C'est une responsabilité du gouvernement. Nous croyons qu'il a le dernier mot sur les facteurs qu'il prendra en considération, mais il me semble que ces facteurs étaient motivés dans le passé par ce que l'on estime être dans l'intérêt du pays ou des régions. Je ne peux rien ajouter d'autre. Ce devra être examiné par le gouvernement au cas par cas.

Le sénateur Black : Pensez-vous qu'un projet peut aller de l'avant? Prenez n'importe quel projet de GNL sur la côte de la Colombie-Britannique. Est-ce que tous les projets peuvent aller de l'avant sans la participation des Autochtones, d'après vous?

M. Calla : Je peux vous dire que l'industrie ne pense pas que les projets obtiendront l'approbation sociale sans la participation des Premières Nations.

Le sénateur Black : Êtes-vous d'accord avec cela?

M. Calla : Absolument. Il n'y a pas que le gaz naturel; il y a le pétrole également.

Le sénateur Black : Je comprends cela. Il est très important que nous soyons bien clairs en ce qui concerne les faits. Je vais donc revenir à ma première question. Nous avons Petronas. Il y a Apache, Chevron et Shell, qui sont fort probablement en tête de peloton. Pour ces projets, vous avez parlé de 35 milliards de dollars. Je triplerais sans doute ce montant, si bien que 30 p. 100 représenteraient probablement 30 milliards de dollars. C'est une garantie énorme.

M. Calla : C'est une garantie énorme, mais si elle débloque de 6 à 800 milliards de dollars, c'était la réaction des gens lorsque nous avons préparé le document. Ils me regardaient et me demandaient : « Êtes-vous sérieux? » Arrêtez de penser à la garantie de prêt de 4,5 milliards de dollars et commencez à penser à la chaîne de valeur de 200 millions de dollars qui en découle.

Le sénateur Black : Pouvez-vous nous donner un exemple, si vous en connaissez un, où les Autochtones ont participé et investi des capitaux dans un projet mené au Canada et garanti par le gouvernement fédéral?

M. Calla : Je n'en connais aucun. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a jamais eu de projets de ce genre, mais je ne suis au courant d'aucun, certainement pas de cette envergure. Nous sommes tous au courant de Churchill Falls. Nous sommes tous au courant de quelques-unes de ces grandes initiatives. Je ne dis pas que ce n'est pas nouveau. C'est tout à fait nouveau.

Le sénateur Black : C'est très bien. Vous méritez des félicitations et des remerciements pour le travail que vous et votre organisation accomplissez, car il est essentiel à la prospérité du Canada.

Le sénateur Sibbeston : Monsieur Calla, je suis au courant de votre travail et de l'institution dont vous faites partie depuis de nombreuses années parce que nous en avons discuté au Comité des peuples autochtones. Nous nous sommes penchés sur des mesures législatives. Quel progrès avez-vous accompli relativement à la participation d'autres Premières Nations, et combien ont été certifiées? Y a-t-il eu une participation dans l'un des trois territoires?

M. Calla : Oui. Je vais répondre d'abord à la première question. Nous discutons actuellement avec les Premières Nations et le gouvernement du Yukon; nous irons donc probablement là-bas sous peu. Je pense que ce sera notre première percée.

Il faut comprendre que les Premières Nations doivent manifester leur intérêt par l'entremise d'une résolution du conseil de bande et doivent, en vertu de la loi, être inscrites à l'annexe par le gouverneur en conseil avant d'être admissibles. Nous n'avons pas vraiment fait l'unanimité dans l'ensemble du pays quand nous avons lancé cette initiative. Actuellement, il y a 118 Premières Nations qui sont inscrites en vertu de la loi, et il y en a environ 20 à 30 qui le seront dans l'avenir. Je suis heureux de dire que même si la plupart des premiers groupes des Premières Nations étaient de la Colombie-Britannique, il y en a maintenant deux ou trois sur quatre qui viennent de l'extérieur de la Colombie-Britannique. Nous délivrons des certificats à des Premières Nations de l'Ontario, du Québec et du Canada atlantique. Les choses progressent.

Mais évidemment, c'est un long processus. Nous disons à la blague que nous aimons prendre des décennies pour faire les choses, dans les collectivités des Premières Nations, et nous en sommes presque à une décennie actuellement. Nous avons 37 Premières Nations qui ont des certificats de rendement financier et 40 qui ont des textes législatifs en matière de gestion financière, et nous prévoyons en délivrer désormais environ 25 par année. Le bassin d'emprunteurs qui a été établi augmentera de façon exponentielle.

Le sénateur Sibbeston : Je comprends que vous travaillez essentiellement avec les Premières Nations afin qu'elles obtiennent un certificat financier, mais en ce qui concerne le travail dont vous parlez sur les projets d'exploitation des ressources, considérez-vous que votre organisation est essentielle ou qu'elle jouerait un rôle si l'un des grands projets était mis en œuvre avec la participation des Autochtones? Y a-t-il d'autres personnes que vous qui tentent de réunir l'industrie et les Premières Nations afin que les projets puissent aller de l'avant?

M. Calla : Oui, il y en a. Nous travaillons actuellement avec la Fiducie Nouvelles relations, en Colombie- Britannique, afin de fournir du financement pour le perfectionnement des capacités. Il y a le Conseil de l'énergie et des mines des Premières Nations, en Colombie-Britannique. Puisque je représente mon organisation, que j'ai moi-même siégé aux conseils d'administration de la SCHL et de Partnerships BC et que je siège actuellement à celui de Fortis, j'apporte un point de vue qui répond aux besoins des Premières Nations. Les Premières Nations ont besoin d'un processus qui leur permet de déterminer la manière de répondre aux exigences en matière de consultation. Quels sont les enjeux? Qu'est-ce que la participation? Qu'est-ce que la dette? Il y a un volet de littératie financière qui découle de notre capacité, avec l'appui du gouvernement, de mettre l'accent sur ce domaine, et qui ne serait pas possible autrement. Nous en tirons tous des enseignements. Je ne prétends pas que la participation convient à tout le monde. Diverses options doivent être envisagées avant de prendre une décision. Étant comptable de formation, je travaille avec les lignes et les colonnes; c'est ce que je fais. Notre collaboration avec les Premières Nations et leurs conseillers nous permet notamment d'évaluer les options. Le fait de travailler ensemble crée une force, et il y a un processus par lequel le gouvernement et l'industrie, si les Premières Nations s'unissent, peuvent en arriver à savoir quand et comment sera prise une décision.

Les Premières Nations doivent renforcer leur capacité. Nous avons constaté que les petites collectivités du Nord de la Colombie-Britannique n'ont tout simplement pas la capacité de répondre, et nous tentons de créer l'infrastructure requise afin qu'elles obtiennent l'information dont elles ont besoin.

Le sénateur Patterson : Soyez à nouveau le bienvenu au Sénat. Vous avez témoigné récemment devant notre Comité des peuples autochtones au sujet du financement de l'infrastructure.

J'ai été impressionné par le travail accompli dans le cadre du Forum des politiques publiques, auquel vous avez participé, et en particulier par la suggestion voulant que nous puissions appliquer certaines expériences faites dans le Nord au problème dont nous discutons aujourd'hui.

Les Autochtones ont eu une participation importante, par l'entremise de l'Aboriginal Pipeline Group, dans le projet de pipeline de la vallée du Mackenzie, qui a malheureusement souffert durant sept ans de ce que j'appellerais « stagnation réglementaire ». Il était considéré comme très prometteur dans le Nord. Les capitaux ont été fournis par des promoteurs du secteur privé. Pour la Colombie-Britannique, vous recommandez une autre approche qui comprendrait une garantie souveraine par l'entremise du Conseil de gestion financière des Premières Nations. N'est-il pas possible que les promoteurs fournissent des capitaux pour les projets auxquels vous collaborez en Colombie-Britannique?

M. Calla : Je voudrais dire deux choses. D'abord, dans le rapport du Forum des politiques publiques, le ministère indiquait clairement au gouvernement de ne pas se décharger de ses responsabilités sur nous. Il devenait de plus en plus évident que le secteur privé, que ce soit en Colombie-Britannique ou ailleurs, n'était pas le bienvenu en ce qui concerne la participation importante au capital qui était demandée. Je pense que certains offraient un capital de 5 ou 10 p. 100, mais il y avait aussi une offre de participation importante. Ces seuils ont été établis par rapport aux pipelines de Mackenzie Valley et de Pacific Trails.

C'est une réponse aux commentaires qu'a formulés l'industrie, dans le cadre du Forum des politiques publiques, sur le fait de s'acquitter de ses obligations. Nous tentons de mettre en place des mécanismes permettant au Canada d'accomplir cela sans que ce soit trop risqué pour les contribuables canadiens. Nous estimons que le financement de la participation correspond aux conventions du secteur privé. Nous ne demandons pas nous-mêmes de participation pour rien. La participation des acteurs du secteur privé leur procure également des débouchés économiques.

Je crois que cela permettra une participation plus significative au capital, ce qui les placera à la table des conseils. Dans le cadre du transfert des compétences, ils pourront acquérir une expérience de gestion en siégeant aux conseils. C'est un point important à considérer.

Pour répondre aux questions précédentes, il s'agit d'une occasion pour le gouvernement de choisir où il entreprendra des initiatives importantes de développement économique. Je ne crois pas que ce soit limité à la Colombie-Britannique. En fait, ces notions m'ont été présentées pour la première fois il y a trois ans, au Québec, dans les projets liés au Cercle de feu, lorsque nous avons rencontré les Premières Nations à Sept-Îles. Je pense que cela peut s'appliquer dans l'ensemble du pays, si le gouvernement le souhaite.

Le sénateur Patterson : Le gouvernement fédéral donne une garantie qui le place au premier rang en ce qui concerne la sécurité. Est-ce que j'ai raison? Dans l'affirmative, cela pose-t-il un problème au secteur bancaire?

M. Calla : Cela ne place pas le Canada au premier rang, car nous irons d'abord vers les marchés financiers. C'est un problème dont m'a parlé le ministre Oliver à l'époque et qu'il a reconnu. Mais encore une fois, je veux revenir au mécanisme de surveillance de ce que nous prévoyons et ce qui est énoncé dans notre rapport; ce mécanisme réduit le risque de non-paiement qui en découle, selon moi. Il y a certains coûts. On n'accorde pas ce genre de garantie sans que cela n'apparaisse dans les comptes du pays, mais quelle est la solution de rechange? Nous continuons de le demander. Si ce n'est pas celle-ci, alors qu'est-ce que c'est? Si on veut la participation des Premières Nations et l'approbation de ces projets — et les Premières Nations veulent les capitaux —, comment allons-nous y parvenir?

S'il existe une autre solution, j'aimerais que vous m'en parliez. Cette option n'entraîne pas de coûts additionnels pour le projet ni pour le consommateur et elle élimine tout à fait le risque de non-paiement.

Le sénateur Patterson : Merci. Je vous souhaite bonne chance.

Le sénateur Wallace : Monsieur Calla, à propos de votre dernière observation sur les autres options qui pourraient exister pour permettre aux collectivités des Premières Nations d'obtenir d'importants avantages financiers dans le cadre de ces projets, sachez que c'est un objectif que nous avons tous. Vous dites qu'il y a un coût associé à la participation. Il y aurait un coût pour les collectivités des Premières Nations, mais à un bien meilleur taux d'emprunt pour investir ce capital que si elles essayaient de se débrouiller seules, si elles avaient au départ la capacité de réunir le capital. Il y a des coûts, qui seront déduits des revenus qu'elles tireront de leur participation au projet.

Pour que ce capital soit investi et confié à un consortium privé dont les Premières Nations feraient partie, il faudrait probablement que le gouvernement fédéral fournisse des garanties pour le montant total de l'apport en capitaux. Quand vous parlez des options qui permettraient aux collectivités des Premières Nations d'obtenir leur avantage financier, avez-vous envisagé un modèle où elles obtiendraient des droits de permis au lieu d'une participation? Elles sont à la table parce qu'elles ont un intérêt à l'égard des terres, ce qui est requis pour la réalisation du projet, autrement il serait inutile d'en discuter avec elles. Pourquoi ne pas simplement imposer une redevance ou un droit de permis aux promoteurs pour l'utilisation des terres? Il pourrait s'agir d'un droit négocié qui serait ajusté selon le rendement financier du projet au fil du temps. Et dans ce cas, le gouvernement fédéral n'aurait pas besoin de fournir de garantie ni d'apport de capital de 30 p. 100. Pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas?

M. Calla : C'est certes une option, sénateur, mais personne ne l'envisage sérieusement. Les fournisseurs d'infrastructures le souhaiteraient. Je pense que l'industrie a des appréhensions au sujet d'une participation.

Le sénateur Wallace : Fournir des capitaux permet de participer à la gestion. La participation à la gestion d'un projet complexe nécessite diverses compétences.

M. Calla : Ces compétences peuvent s'acquérir avec le temps. Je pense que dans le cadre de l'analyse qui mènera à la prise de décisions éclairées, il faudra effectuer une analyse comparative entre diverses options de partage des revenus dans une participation.

À mon avis, la participation donnera davantage l'occasion aux collectivités des Premières Nations de développer leur capacité. Si l'argent était la solution dans les collectivités des Premières Nations — compte tenu des sommes que le gouvernement fédéral a investies au cours des 300 dernières années —, le problème serait réglé. Investir plus d'argent n'est pas la solution aux problèmes sur lesquels nous nous penchons.

Le sénateur Wallace : Que faut-il, en plus des fonds ou du rendement financier?

M. Calla : Il faut développer la capacité de prendre des décisions d'affaires éclairées, la capacité d'obtenir rapidement un transfert de connaissances de l'industrie.

Je me considère comme un Indien inscrit originaire de Vancouver Nord, qui a la possibilité de siéger aux conseils d'administration de Parnerships B.C. et de la SCHL. Je suis une personne très différente en raison de cet engagement. Il y a des professionnels dans les collectivités des Premières Nations qui forment adéquatement les membres des Premières Nations afin qu'ils puissent siéger à ces conseils.

Le sénateur Wallace : La possibilité pour les collectivités des Premières Nations de recevoir cette formation est assortie de coûts élevés, soit la contribution de 30 p. 100 et les garanties. Existe-t-il d'autres moyens de fournir cette formation et de faire en sorte que les Premières Nations obtiennent tout de même les avantages financiers? En réalité, l'objectif premier, c'est que les collectivités des Premières Nations reçoivent un avantage. Je dirais que si elles peuvent le recevoir grâce aux droits de permis, alors les autres enjeux connexes, aussi importants soient-ils, pourraient être traités d'autres façons. Je vous le suggère. Je ne connais pas la réponse.

M. Calla : Je comprends ce point de vue, mais je dois dire que je ne le partage pas. J'ai trop vu de situations inverses.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Calla, je vous remercie de votre exposé d'aujourd'hui et de votre engagement à l'égard de ces enjeux. J'aimerais revenir à la participation au capital. Vous mentionnez — et à juste titre, à mon sens — qu'une participation au capital vous permettrait d'acquérir des compétences à la table de gestion; or, une participation à 10 p. 100 vous donnerait tout de même accès à la table de gestion et vous permettrait d'acquérir ces compétences, et cela constituerait un apport moins élevé et une garantie beaucoup moins importante pour le gouvernement. Je me demande pourquoi vous fixez la barre à 30 p. 100.

M. Calla : Nous ne la fixons aucunement, sénateur. Nous nous en servons à titre d'exemple. En Colombie- Britannique, où dans la majorité de la province, il y a des traités non réglés, qu'est-ce que le titre ancestral procure? Tel est le débat ici. J'ai entendu certains dire qu'ils voulaient 50, qu'ils voulaient la propriété du pipeline. Ce sont des décisions du secteur privé. Nous disons qu'une participation de 30 p. 100 semble, dans les deux cas que nous citons, être un règlement négocié relativement à ce que devrait être une juste compensation — pas 10 p. 100. C'est la valeur de l'avantage.

Le sénateur MacDonald : Évidemment, la compensation peut être mesurée de diverses façons, à mon avis. Il y a la compensation financière, et il y a ce qui n'est pas inclus ici et ce dont nous discuterons, je l'espère. Je pense qu'il est important également de faire travailler les gens. L'emploi est important. Pour que ce concept soit accepté par les Canadiens, surtout avec la garantie de prêt, il doit permettre la création de bons emplois. J'aimerais savoir comment vous intégrez ces emplois dans les efforts que vous déployez.

M. Calla : Quand nous parlons d'élaborer un cadre en vertu duquel les Premières Nations pourront collaborer avec l'industrie et le gouvernement, ce sera dans une variété de domaines, y compris dans la création d'emplois, la formation et l'éducation. C'est cela le véritable intérêt pour les collectivités des Premières Nations. De nombreuses personnes n'ont pas suffisamment de compétences. Nous pouvons créer ces possibilités. Nos membres veulent demeurer dans leur collectivité. Ils sont prêts à y rester et à y travailler. Il ne fait aucun doute que la formation est ce qui intéresse le plus les collectivités des Premières Nations. Ce n'est pas l'argent ni le fait de faire passer l'oléoduc ou le gazoduc sur leur territoire traditionnel. Ce n'est pas ce qui les intéresse. Elles veulent assurer la formation de leurs membres et leur offrir des emplois. C'est tout aussi avantageux. En même temps, elles veulent avoir une part de ce qui provient de leurs territoires traditionnels.

Comme vous le verrez dans le rapport, il y a divers éléments d'infrastructure, en particulier dans le secteur pétrolier et gazier, qui génèrent divers taux de rendement de la chaîne de valeur, divers pourcentages de la chaîne de valeur. Le pipeline représente 2 p. 100, mais le terminal de GNL représente 12 ou 13 p. 100 d'une chaîne de valeur de 200 milliards de dollars dans les 25 premières années. Le fait de vivre sur la côte n'est pas nécessairement avantageux lorsqu'on ne peut y transporter le pétrole ou le gaz qu'au moyen d'un pipeline. Les Premières Nations elles-mêmes devront discuter de la façon de résoudre ces inégalités entre elles. Cela arrive. C'est arrivé dans le cas des quatre Premières Nations hôtes, dont nous faisions partie, durant les Jeux olympiques. Nous nous sommes tous regroupés, nous avons mis de côté nos différends, nous avons cessé de parler des territoires traditionnels et nous avons pris des décisions d'affaires. C'est vraiment de cela qu'il s'agit. Il y a des dossiers qui nous donnent l'occasion de discuter d'affaires, mais ce sont vraiment des décisions d'affaires.

La sénatrice Seidman : Monsieur Calla, je crois que nous comprenons tous à quel point il est important de faire participer les Premières Nations; à bien des égards, l'avenir de notre pays en dépend. Dans votre exposé, vous avez dit quelque chose de très important, soit que nous avons toujours examiné les aspects économiques, mais que nous devrions nous pencher sur les aspects sociaux. Vous en avez parlé lorsque vous avez répondu aux questions relatives à la participation au capital. J'aimerais vous donner l'occasion d'en parler un peu plus, car il me semble évident qu'il existe un lien très étroit entre l'aspect économique et l'aspect social de cette question. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

M. Calla : Je vais essayer de vous donner un exemple. Quand nous avons commencé à mettre sur pied un magasin Real Canadian Superstore sur les terres de réserve de la Nation des Squamish, l'une des premières initiatives à laquelle j'ai participé et qui était prévue dans le cadre de la convention du bail, c'est la construction du magasin. Nous avons conclu un partenariat avec une entité du secteur privé, nous avons mis sur pied notre propre entreprise de construction et nous l'avons construit. Lorsqu'il fut presque achevé, quelqu'un que je connaissais est venu me parler sur place et m'a remercié. Je siégeais alors au conseil et je suis devenu nerveux, car je me demandais pourquoi il me remerciait. Il m'a dit : « Je veux vous remercier parce que pendant huit mois, j'ai pu nourrir ma famille. »

Voilà la différence. Bon nombre des problèmes et des divers types d'abus auxquels nous sommes confrontés dans nos collectivités sont attribuables à l'absence de moyens économiques, au manque d'emplois et aux conséquences sociales qui en découlent. Même si nous n'en avons pas parlé dans notre document, si l'on tient compte de la réduction des coûts liés au réseau social qui résulterait d'économies plus prospères dans le Nord, je pense encore une fois que c'est dans l'intérêt du Canada. En somme, nous ne sommes pas différents des autres. Nous voulons élever nos familles dans un environnement sain et sûr et leur donner plus de possibilités que nous en avons eues. Il est difficile de le faire dans l'environnement que nous connaissons.

Nous aimerions tous qu'il y ait des changements. Bien des gouvernements et des dirigeants de Premières Nations ont tenté de provoquer ces changements. Il faudra du temps. J'ai examiné les approches politiques visant à amorcer ce changement. Je n'ai pas vu de résultat. Cela n'a certainement pas débouché sur des traités importants en Colombie- Britannique.

J'en suis venu à dire : « Développons une économie. Voyons si nous pouvons nous engager dans cette voie, car selon moi, la voie politique ne nous mène nulle part. » La voie juridique l'a fait en ce qui concerne les décisions des tribunaux, mais sur le plan politique, c'est encore très difficile. Selon moi, développer l'économie, nouer le dialogue avec la population en général, favoriser le transfert des connaissances et faire travailler les gens, cela permet de créer des possibilités concrètes dans les collectivités. Il est bien de former tous nos membres, mais devons-nous tous les envoyer à Fort McMurray pour trouver un emploi? Les gens veulent demeurer dans leur collectivité, et ce sera possible.

La sénatrice Seidman : Merci. Je sais que nous devrons bientôt quitter la pièce. Votre témoignage nous donne certainement matière à réflexion en ce qui concerne le lien entre la situation économique et les problèmes sociaux qui doivent être résolus.

Le président : J'ai quelques questions à vous poser. D'abord, je tiens à vous dire que je suis en général d'accord avec vous. J'ai d'ailleurs beaucoup travaillé avec Gerry sur cette question. Au sujet des 30 p. 100, je pense que vous avez répondu à la question. C'est en quelque sorte un point de départ qui vous permet d'avoir des données devant vous et de voir comment cela fonctionne.

Ce que j'ai un peu de difficulté à comprendre, c'est que vous avez parlé de la valeur d'une seule installation ou d'un seul système. Il ne s'agit pas seulement d'une installation. Vous avez ensuite parlé d'un droit de propriété sur le pipeline. J'ai un peu de difficulté à vous comprendre. Par exemple, dans le nord-est de la Colombie-Britannique, où est le gaz naturel, il y a un traité et il y a un partage des revenus. Je le sais parce que c'est moi qui étais ministre quand cela a été mis en place. Je ne sais pas comment vous gérez la situation en amont — car c'est en amont. Pour les pipelines, je peux comprendre. Mais pour ce qui est des installations, la Nation Haisla a conclu une entente avec Chevron et Apache sur ses terres.

Je sais que cela devient complexe et que vous ne pouvez probablement pas répondre de façon précise, mais c'est là où la complexité entre en jeu, je crois. Lorsqu'on pense, comme l'a mentionné le sénateur Black, à ces milliards de dollars dans l'ensemble du pays et qu'on les multiplie par 30 p. 100, la dette du pays, cela touche tout le monde. En fait, ce sont les Autochtones et les non-Autochtones. C'est énorme. Je comprends le flux de rentrées également, mais le gouvernement fédéral doit tout de même signer les billets pour tout le monde.

Qu'en est-il de la façon dont vous parlez ou dont vous vous occupez des réinvestissements? Savez-vous où vous réinvestiriez une partie des revenus que vous toucheriez grâce à la part de 30 p. 100, ce qui réduirait, au fil du temps, la dette pour laquelle le gouvernement doit fournir une garantie?

M. Calla : J'aimerais faire quelques observations. D'abord, nous parlons d'une option; le risque lié à la construction est donc éliminé de l'équation. Ce sont là des options. Je crois que le gouvernement canadien a la responsabilité de déterminer quels projets il appuiera ou non, et il ne peut tout simplement pas tous les appuyer. Comme vous l'avez souligné, il n'a pas les ressources financières pour le faire.

Il devra déterminer les critères qu'il utilisera pour examiner ces initiatives, et ce n'est pas à moi de lui dire ce qu'il doit faire. L'histoire nous a appris que là où des intérêts régionaux et nationaux sont en jeu, il détermine s'il y a lieu ou non d'agir. Nous allons à Fort Nelson en partie pour participer à la discussion sur les activités en amont. C'est le défi que devront relever les Premières Nations. Je pense qu'elles discuteront de la possibilité de se regrouper et de créer une entité qui participera à tous les aspects — les activités en amont, intermédiaires et en aval. C'est la discussion qui doit avoir lieu. Ce que nous tentons de dire, c'est que pour accélérer le processus, il vous faut déterminer si les discussions sur la participation qui ont lieu à ces tables de négociation sont réalistes ou non. Compte tenu de l'ampleur de ces projets et en l'absence d'une garantie de prêt du gouvernement fédéral, ce sera difficile. Voulons-nous perdre ces projets à cause de cela? Voilà la question.

Le président : Je comprends. Je vous remercie beaucoup. Je pense que tout le monde ici a trouvé votre exposé très intéressant. Merci d'être venu.

J'ai un petit message à l'intention des membres du comité. La délégation suisse sera ici le jeudi 10 avril, de 15 h 15 à 16 heures, dans la salle 356-S. Si vous pouviez venir, je vous en serais reconnaissant. Le vice-président et moi serons là. Il n'y aura pas de réunion la semaine prochaine.

(La séance est levée.)


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