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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 12 - Témoignages du 27 mai 2014


OTTAWA, le mardi 27 mai 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 58, pour étudier le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld, je représente la Colombie-Britannique et je préside ce comité.

Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public qui sont avec nous dans cette salle et à ceux qui suivent nos délibérations à la télévision. Un rappel à l'intention des téléspectateurs : les séances du comité sont ouvertes au public et on peut aussi les suivre par Internet, sur le site web du Sénat, à sen.parl.gc.ca. On peut obtenir des informations complémentaires sur les futurs témoins en consultant le site web du comité, sous « Comités du Sénat ».

J'invite maintenant les sénateurs à se présenter, et je commence en présentant moi-même le vice-président du comité, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta.

Le sénateur Boisvenu : Je suis le sénateur Boisvenu, du Québec.

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur Sibbeston : Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le président : J'aimerais également présenter notre personnel, qui comprend notre greffière, Lynn Gordon, ainsi que nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Le 4 mars 2014, le Sénat a autorisé notre comité à entreprendre une étude du développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes.

Nous entamons aujourd'hui notre cinquième réunion à ce sujet, et j'ai le plaisir d'accueillir comme témoins Jim Burpee, président et premier dirigeant de l'Association canadienne de l'électricité, et Doug Tenney, vice-président, Relations avec les gouvernements et les Autochtones, de la société ATCO Power. Merci beaucoup de votre présence, messieurs. J'en profite pour présenter nos excuses pour notre léger retard, qui s'explique par le fait que la séance du Sénat a duré un peu plus longtemps que prévu cet après-midi. Or, nous ne pouvons pas commencer tant que la séance du Sénat n'est pas terminée.

Monsieur Burpee, je vous donne la parole.

Jim Burpee, président et premier dirigeant, Association canadienne de l'électricité : Merci, monsieur le président, honorables sénateurs, de nous avoir invités à témoigner sur le développement de l'énergie et des ressources du Grand Nord canadien.

Je vais me concentrer sur le rôle intégral que joue l'électricité comme instrument crucial de développement économique, et j'exposerai dans ce contexte les difficultés que nous avons à relever, ainsi que les occasions que nous avons à saisir, non seulement dans le Nord, mais dans l'ensemble du Canada.

Chaque jour, les membres de l'Association canadienne de l'électricité, l'ACÉ, produisent, transportent et distribuent de l'électricité à des clients industriels, commerciaux, domiciliaires et institutionnels de tout le pays. L'énergie que nous produisons, transportons et vendons est essentielle à nos activités à la maison, au travail et dans toute l'économie.

Je précise tout de suite, puisque c'est relié à votre étude, que la Northwest Territories Power Corporation et Yukon Energy sont des membres actifs de notre association. Je crois comprendre que vous avez rencontré leurs représentants lors de votre récent voyage dans le Nord. J'ajoute que je suis également très optimiste au sujet des discussions que nous avons avec Qulliq Energy Corporation au sujet de son adhésion à l'ACÉ. Nous aurons peut-être bientôt des choses à annoncer à ce sujet.

Quand on veut analyser l'accès à l'électricité dans le Nord, il importe de se pencher sur les systèmes d'électricité et, ce qui est peut-être encore plus important, sur les projets des compagnies d'électricité et des gouvernements des provinces voisines des Territoires.

La réalité est que le Nord du Canada est isolé du réseau à haute tension nord-américain. Bien que cela ne soit pas inusité au vu de la manière dont se sont constitués les réseaux d'électricité à partir des centres urbains, cela s'accompagne de problèmes particuliers causés par des difficultés d'ordre géographique, par l'éloignement des Territoires par rapport à l'infrastructure existante et nouvelle de production et de transmission d'électricité, et par la faible densité démographique de la région.

Si nous voulons accroître l'accès au réseau et fournir de l'énergie électrique aux grands projets d'exploitation des ressources naturelles du Nord, nous aurons besoin d'une infrastructure électrique nouvelle et élargie. Dans certains cas, cela pourra fort bien comprendre une extension du réseau nord-américain pour y intégrer une certaine partie des Territoires. Voilà pourquoi il est important que les sociétés d'électricité et les collectivités autochtones, grâce au leadership des gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral, s'engagent à développer une infrastructure fiable et durable d'électricité dans le Nord dans un esprit de collaboration.

À l'heure actuelle, les sociétés d'électricité des Territoires sont prêtes à relever le défi et à résoudre les problèmes, l'un des principaux étant de réunir les capitaux nécessaires pour que ces projets puissent aller de l'avant.

L'ACÉ pense que le gouvernement fédéral devrait envisager des instruments financiers, comme des garanties de prêts, pour atténuer les coûts de démarrage des projets et pour continuer d'appuyer les technologies émergentes comme celles qui sont appuyées et financées par le truchement de Technologies du développement durable du Canada. Ces projets sont mentionnés dans la recommandation de notre dernier énoncé de politique, Vision 2050 : l'avenir du réseau électrique du Canada, dont vous avez reçu des exemplaires.

Pour la majeure partie du Grand Nord, l'intégration au réseau n'est pas envisageable. Nos membres s'efforcent donc de mettre au point des solutions novatrices pour réduire la dépendance au diesel dans les collectivités éloignées.

Par exemple, BC Hydro a mis sur pied un programme d'électrification des collectivités éloignées dans lequel la production au diesel est associée à d'autres ressources, comme des piles électriques, des compteurs intelligents, de la surveillance à distance et du câblage amélioré. De même, Nalcor Energy travaille sur un projet innovateur dans la collectivité insulaire éloignée de Ramea. Dans ce projet vent-hydrogène-diesel de Ramea, l'énergie éolienne excédentaire est convertie en hydrogène, lequel peut être entreposé puis utilisé pour produire de l'électricité quand il n'y a pas de vent. Ce projet est extrêmement prometteur pour réduire l'utilisation du diesel dans les collectivités éloignées, et il est sur le point d'entrer dans une deuxième phase dans laquelle on espère relever les problèmes subsistants avec la technologie du générateur d'hydrogène.

Ces mesures vont dans le bon sens, mais elles exigent une démarche de collaboration pour assurer l'engagement des parties prenantes sur la base d'une vision commune : une vision impulsée par les gouvernements fédéral et territoriaux, et axée sur le soutien des technologies nouvelles émergentes ainsi que sur de grands projets d'infrastructures.

Pour vous parler de certains de ces défis et de certains des projets innovateurs que l'on envisage actuellement en Alberta, j'ai le plaisir d'être accompagné par Doug Tenney, vice-président, Relations avec les gouvernements et les Autochtones, d'ATCO Power, l'une des sociétés membres de notre association.

Doug Tenney, vice-président, Relations avec les gouvernements et les Autochtones, ATCO Power : Bonsoir, tout le monde. Comme vous le savez, le Nord jouit d'une abondance de ressources énergétiques importantes, notamment d'un vaste potentiel hydroélectrique. Bien qu'il existe une certaine infrastructure d'hydroélectricité dans le Nord, toutes les collectivités n'en bénéficient pas et beaucoup dépendent encore du diesel. Jim en a donné quelques exemples.

Dans beaucoup de collectivités, la charge électrique est très petite, et celles-ci sont très éloignées des sources hydrauliques. L'augmentation de la charge et la hausse du prix du diesel changeront peut-être la viabilité économique de l'hydroélectricité.

ATCO participe activement à l'économie du Nord par le truchement des sociétés que nous y possédons, Yukon Electrical Company, Northlands Utilities (NWT) Limited et Northlands Utilities (Yellowknife) Limited, et nous avons une petite équipe qui fait la chasse aux opportunités de production hydroélectrique dans le but de remplacer le diesel dans certaines collectivités, avec nos partenaires autochtones.

Aujourd'hui, cependant, je veux me concentrer sur le potentiel de développement dans le Nord pour exporter dans le sud du Canada.

Je crois qu'on vous a remis un certain nombre de graphiques et je vais donc commencer par le premier. Il a été préparé par le Alberta Electric System Operator, et il montre que l'équilibre de la charge en Alberta — l'offre et la demande —présente une occasion attrayante pour le développement de l'hydroélectricité dans le Nord. La ligne en pointillés représente la charge prévue en Alberta. Elle augmentera de quelque chose comme 2,4 à 2,6 par an jusqu'en 2032.

Juste au-dessus de cette ligne, vous voyez une représentation de la capacité installée réelle. Cette courbe se situe à 15 p. 100 au-dessus de la charge, et c'est ce qu'on appelle la marge de réserve, qui permet de faire face aux cas où certaines unités de production sont hors service, que ce soit par accident ou pour la maintenance. C'est la ligne qu'on doit atteindre.

En dessous, dans la zone ombrée, vous voyez notre capacité de production installée. Vous pouvez voir qu'elle diminue très rapidement, ce qui s'explique en grande mesure par la fermeture des centrales au charbon à cause de récents règlements fédéraux.

Globalement, cela veut dire que 5 700 mégawatts environ de nouvelle capacité seront nécessaires d'ici à 2022, et 11 000 mégawatts d'ici à 2032. Autrement dit, il va falloir doubler la capacité installée de l'Alberta.

Je passe au graphique suivant. Vous voyez qu'ils ne sont pas vraiment dans l'ordre, et je m'en excuse. Je veux parler maintenant du graphique numéro quatre, où l'on compare les solutions possibles.

Bien qu'ATCO estime que nous serons obligés d'avoir recours à toutes les sources d'énergies renouvelables, que ce soit l'énergie éolienne, l'énergie hydroélectrique au fil de l'eau ou l'énergie solaire, nous pensons qu'il est absolument indispensable de se concentrer sur le remplacement de nos centrales au charbon.

Nous n'avons réellement que quatre possibilités pour notre énergie de base : le charbon, le nucléaire, le gaz naturel et l'hydroélectricité à grande échelle. Comme je l'ai dit, la réglementation du gouvernement fédéral veut que chaque nouvelle centrale au charbon que l'on construit produise le même niveau de GES, de gaz à effet de serre, que des turbines à gaz à cycle combiné. Ce sera difficile, à moins d'avoir un système de séquestration du carbone. Vous pouvez voir sur le graphique la ligne correspondant au charbon propre, et elle montre que le coût serait prohibitif.

Le nucléaire est certainement envisageable, bien qu'il paraisse plus difficile sur le plan économique, sans compter ses conséquences environnementales à long terme. Cela veut dire qu'il ne reste plus que le gaz naturel et l'hydroélectricité.

Le gaz naturel est une solution envisageable, mais, si nous ne misons que sur cette seule solution en Alberta, nous exposerons les consommateurs au risque d'augmentation des prix du gaz naturel et d'augmentation d'une éventuelle taxe sur le carbone.

Il y a beaucoup de chiffres sur ce graphique et je ne vais donc pas les expliquer tous en détail. Ce qu'il importe de comprendre, c'est que nous essayons de deviner où se situeront les prix à l'avenir, plutôt que de tenir compte des prix d'aujourd'hui. Vous pouvez voir qu'en ce qui concerne les TGCC, les turbines à gaz à cycle combiné, nous avons indiqué plusieurs prix différents du carburant, 3 $, 5 $ et 7 $, parce qu'il serait bien difficile de dire quel sera le prix du gaz naturel à l'avenir.

Nous avons aussi montré ce que serait l'incidence d'une taxe sur le carbone. En examinant le graphique, vous constatez que la deuxième barre, celle de l'hydroélectricité, est compétitive selon plusieurs scénarios raisonnables de prix du gaz naturel et de prix du carbone.

Je dois mentionner aussi que ceci ne concerne que l'hydroélectricité. Autrement dit, on ne tient pas compte de certains autres avantages que l'on peut tirer d'une centrale hydroélectrique, notamment l'entreposage de l'eau. Nous avons sur la rivière Athabasca un projet dont les chiffres seraient probablement plus près de 65 à 70 $ si l'on tenait compte de la valeur économique de l'eau entreposée pour l'industrie des sables bitumineux et pour la protection contre les inondations à Fort McMurray.

Je passe à la deuxième diapositive, la deuxième de votre documentation, qui montre que 75 p. 100 environ du potentiel hydroélectrique de l'Alberta se trouve dans trois vallées : la rivière de la Paix, l'Athabasca et la rivière des Esclaves. ATCO a étudié les trois et a retenu trois projets : deux sur l'Athabasca et un sur la rivière des Esclaves. Vous pouvez voir aussi que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a identifié environ 11 000 mégawatts de potentiel hydroélectrique inexploité dans les Territoires du Nord-Ouest.

La troisième diapositive montre que la plupart des sources de production en Alberta sont construites à proximité de la ressource naturelle. Une centrale au charbon, on la construit à proximité de la mine de charbon. Cela s'explique par le coût de transport élevé du charbon. Les centrales éoliennes et hydroélectriques sont construites là où la ressource est la plus forte, et il y a des installations de cogénération sur des sites tels que les sables bitumineux et le « cœur industriel » de l'Alberta, la région de Fort Saskatchewan.

De ce fait, il est important de créer et d'entretenir un solide réseau de transmission pour que ces sources de production puissent être utilisées. Le gouvernement de l'Alberta l'a reconnu récemment par son expansion récente du système de transmission de la province et la construction de lignes à haute tension dans la partie est de la province, entre Edmonton et Brooks, ainsi qu'entre Edmonton et Calgary. Il a aussi reconnu la nécessité de construire des lignes de transmission jusqu'aux zones d'énergies renouvelables et émergentes, et il a indiqué son intention de le faire dans la partie nord-est de la province. Cela permettra d'exploiter le potentiel du corridor d'énergie verte. Le premier projet hydroélectrique construit là-bas sera relié à une ligne de transmission, ce qui permettra aux projets subséquents d'être réalisés à bien moindre coût.

Quand on veut réaliser un projet d'hydroélectricité, il est indispensable d'en analyser attentivement les paramètres économiques, socioéconomiques et environnementaux. C'est en trouvant le juste équilibre qu'on peut choisir le meilleur projet. Selon ATCO, n'importe quel projet de production d'énergie dans le Nord ne peut avoir de succès que si l'on obtient une participation réelle des groupes autochtones. Je parle ici de leur participation au processus de réglementation et d'octroi des permis, avec de vraies consultations, de la formation professionnelle, de la création d'emplois, des possibilités de sous-traitance, et une participation au capital.

Le gouvernement se doit aussi de jouer un rôle important en accordant un soutien tangible. Cela peut prendre la forme d'un soutien continu; de processus de réglementation plus efficaces et harmonisés, avec des échéanciers fermes; de la prestation d'une aide pour établir des cadres commerciaux permettant de reconnaître les dépenses importantes qu'exige le développement de l'hydroélectricité avant de savoir qu'on obtiendra un permis; et de la reconnaissance aussi que l'hydroélectricité offre d'autres bienfaits, d'ordre économique et socioéconomique, que simplement énergétique, qui devraient permettre un financement conjoint des études; et aussi, du fait que la réalisation de ces projets peut prendre plus de 10 ans, et probablement entre 12 et 15 ans. On doit donc établir un cadre commercial pour obtenir une certaine certitude de revenus de ces projets. Il est nécessaire aussi de mettre en place une structure de politiques pour reconnaître adéquatement les émissions de gaz à effet de serre pour la production d'énergie propre dans des centrales hydroélectriques de grande taille avec capacité d'entreposage.

Les gouvernements devront fournir une aide en matière de soutien autochtone, notamment en respectant leur obligation de consultation, la résolution des questions issues de droits des traités non éteints, et la résolution des problèmes d'accès aux terres à long terme. En outre, les gouvernements peuvent jouer un rôle en incluant les accords bilatéraux sur les eaux transfrontalières entre l'Alberta, les Territoires du Nord-Ouest, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan. Cela met fin à mes remarques.

M. Burpee : Si vous me permettez de conclure, nous savons fort bien que les défis à relever ne sont pas mineurs et qu'il n'y a pas de solution facile. En ce qui concerne ce dont Doug vient de parler, il existe dans les Territoires du Nord-Ouest un corridor doté d'une énorme quantité d'énergie, d'une quantité bien plus vaste que celle dont on pourrait jamais avoir besoin localement. Ils devront donc collaborer avec l'Alberta ou la Saskatchewan pour réaliser leurs projets, avec l'appui du gouvernement fédéral.

Il y a ensuite un certain nombre de collectivités isolées qui le seront toujours du point de vue de l'électricité. Dans leur cas, on doit se tourner vers les technologies émergentes. Nous voulons les sevrer du diesel. N'oubliez pas que le diesel était la meilleure technologie disponible lorsqu'il a été mis en place, et qu'il offrait l'avantage d'exiger relativement peu de capital pour être installé, d'être facilement transportable et d'avoir une bonne densité énergétique. Maintenant, nous essayons de l'abandonner parce que son prix a considérablement augmenté, sans parler de son impact environnemental. Il n'y a pas de solution simple à ce problème, et il faudra que les gouvernements collaborent avec l'industrie et avec les groupes autochtones, comme l'a dit Doug, pour chercher des solutions efficaces. Merci.

Le président : Merci. Nous commençons avec le vice-président, le sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Merci, messieurs, de vos exposés très intéressants. Nous sommes vraiment heureux de votre présence.

Comme tout le monde ici, sans doute, je suis très préoccupé par le changement climatique, et j'ai souvent parlé d'une taxe sur le carbone. J'ai constaté, monsieur Tenney, que vous avez inclus la possibilité d'une tarification du carbone dans certaines de vos estimations chiffrées. Est-ce que votre entreprise arrive au point où — je parle du quatrième graphique — elle dresse maintenant ses plans en y intégrant une éventuelle tarification du carbone?

M. Tenney : Oui. En fait, il y a déjà une taxe sur le carbone en Alberta. C'est déjà la réalité. En outre, avec la réglementation du charbon par le gouvernement fédéral, ATCO, l'une des entités qui possèdent une quantité non négligeable de charbon, commence à planifier le remplacement de sa flotte de charbon.

Le sénateur Mitchell : Sur votre graphique, vous indiquez 15 $, mais vous allez jusqu'à une possibilité de 100 $. Est-ce que votre société recommande effectivement un prix du carbone? Pensez-vous que nous devrions en avoir un?

M. Tenney : Nous en avons déjà un en Alberta. C'est déjà la réalité.

Le sénateur Mitchell : Un prix plus élevé? Un prix réel? Je ne veux pas vous mettre sur la sellette.

M. Burpee : Puis-je lui venir en aide?

Le sénateur Mitchell : N'importe qui peut intervenir.

M. Burpee : Dans Vision 2050, nous parlons de mécanismes de tarification du carbone ou de réduction des émissions, et nous comparons les avantages et inconvénients des tarifs de rachat, des politiques fiscales et d'autres mesures. La conclusion à laquelle nous sommes parvenus est que, si l'on veut régler le problème des gaz à effet de serre de la manière la plus efficiente possible, il faut inclure un prix du carbone dans l'économie, au minimum à l'échelle de l'Amérique du Nord. Une province ne peut pas faire grand-chose toute seule à cet égard. Un pays non plus parce qu'il y a une dispersion importante du carbone, notamment dans l'électricité où l'on a d'autres options qui sont plus intensives en carbone, surtout au sud de notre frontière. Du point de vue de l'électricité, notre argument est que, si nous décidons de le faire, à l'échelle de l'économie, à l'échelle de l'Amérique du Nord, laissons les marchés fonctionner, ce qui améliorera certainement l'argumentaire économique pour la mise en œuvre d'autres technologies. Voilà l'autre raison pour laquelle nous étudions ces scénarios hypothétiques. Comment se comparent-ils? Quelle est la valeur et où se situe le point de bascule?

Le sénateur Mitchell : Merci. J'apprécie votre carte des possibilités, monsieur Tenney. Est-ce que vous suggérez —et vous pouvez peut-être répondre tous les deux — qu'un projet en Alberta approvisionnerait les Territoires du Nord-Ouest en électricité? Ou est-ce que cette carte signifie plutôt le contraire, c'est-à-dire que des projets des Territoires du Nord-Ouest approvisionneraient le Sud? Vous avez ici la rivière des Esclaves, la rivière Athabasca et la rivière de la Paix. Où en est-on dans l'étude de ce genre de projet, ou est-ce en fait vraiment réel?

M. Tenney : Je pense qu'il est utile de comprendre un peu à quoi ressemble le réseau d'électricité des Territoires du Nord-Ouest. Il y a le réseau Taltson. C'est un projet de 18 mégawatts immédiatement au nord de Fort Smith. C'est à une cinquantaine de kilomètres au nord. Il approvisionne actuellement Hay River, Fort Smith et Fort Providence en hydroélectricité et il déborde d'eau. Il a une capacité plus élevée. Dans la région immédiate, on n'a pas vraiment besoin d'envoyer de l'hydroélectricité vers le Nord. Ce que nous voulons dire, c'est qu'il y a un vrai potentiel de réalisation de ces grands projets afin de vendre l'électricité sur le marché de l'Alberta. Toutefois, une fois que le projet est construit, on peut aussi l'utiliser pour approvisionner des régions du Nord.

Le sénateur Mitchell : Comme leurs réponses ont été particulièrement efficientes, ma question l'était aussi. Puis-je en poser une autre?

Le président : À condition qu'elle soit brève.

Le sénateur Mitchell : Merci, monsieur le président. Je ne voudrais pas abuser. Pourriez-vous nous donner une idée générale de la technologie d'entreposage de l'électricité, au-delà de la retenue d'eau? Est-ce que la technologie avance rapidement? Est-ce qu'on fait de vrais progrès du point de vue de l'entreposage réel d'énergie éolienne ou solaire?

M. Burpee : Les options sont divers types de technologies de piles à combustible. Il n'y en a pas qu'une, il y en a plusieurs. Il y a la possibilité de créer de l'hydrogène et d'utiliser une pile à combustible, typiquement, pour le reconvertir en électricité, et il y a des choses telles que les rotors. Selon le point où l'on se trouve dans le système et la nature du besoin, certaines technologies sont meilleures que d'autres. En Ontario, où il y a des champs d'éoliennes qui peuvent se trouver au bout d'une longue ligne de distribution, l'entreposage fourni par les rotors donne des attributs à l'autre système qui sont meilleurs.

Le problème de toutes les solutions, chaque fois qu'on convertit de l'électricité en une autre forme d'énergie pour reconvertir ensuite celle-ci en électricité, c'est la perte d'efficience. Notre manière d'envisager l'entreposage est de s'interroger sur le type d'utilisation qu'on veut faire de l'énergie. S'il s'agit de produire de la chaleur, qui est ce qu'on étudie à PowerShift Atlantic avec Énergie Nouveau-Brunswick et certaines des provinces maritimes, où il y a une charge variable et on utilise des radiateurs à eau chaude et des réservoirs thermiques pour le chauffage domiciliaire, et quand le vent se lève ils se réchauffent et peuvent extraire la chaleur de l'atmosphère, et le consommateur ne voit aucune différence. On n'a pas à reconvertir en électricité. Il y a des solutions d'entreposage qui permettent de gérer la charge de manière variable. Traditionnellement, la production a toujours dû suivre la charge. Maintenant, nous arrivons à un point où la charge doit suivre la production pour éviter l'entreposage en alternance.

Le président : Puis-je poser une question à ce sujet? Lors de notre passage dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons accueilli des témoins qui ne nous ont jamais parlé d'établir une liaison avec l'Alberta. Ils ont parlé de liaison avec la Saskatchewan, Uranium City, et d'accroître la capacité des barrages autour de Talston. Je crois qu'il y avait un autre nom parce qu'ils veulent envoyer plus d'électricité de la même manière à Yellowknife et jusqu'au lac Snap et certaines grandes mines qu'il y a là-bas. C'est la même entreprise, mais vous arrivez de l'Alberta avec une approche différente. Cela veut-il dire qu'il y a deux options différentes? Il est bizarre que nous n'en ayons pas entendu parler. J'avais posé la question et l'on m'avait dit que non, Uranium City serait l'endroit le plus logique pour se brancher au réseau. Ils auraient un excédent d'électricité qu'ils pourraient revendre au réseau au lieu d'être enclavés et isolés. Pouvez-vous expliquer ça?

M. Tenney : Je dois préciser que nous possédons deux entreprises : Northwest Territories Yellowknife et Northwest Territories N.W.T. Je soupçonne que vous avez rencontré des représentants de Northwest Territories Energy Corporation, la société d'État qui veut réaliser le projet hydroélectrique de Taltson. Je pense que, si j'étais à leur place, j'envisagerais aussi d'établir une liaison avec la Saskatchewan, car cela me permettrait de vendre de l'électricité à SaskPower dans un contrat à long terme, alors qu'en Alberta, c'est un marché déréglementé. On doit vendre à des clients individuels qui n'ont probablement pas les poches aussi profondes qu'une société d'État ou que SaskPower. C'est la certitude qu'offre un contrat à long terme qui est intéressante.

Le président : C'est vrai. Nous avons rencontré des représentants de Northwest Territories Energy Corporation et vous avez donc raison. C'est une autre possibilité. Une autre raison pour laquelle ils pourraient envisager cette option serait qu'ils aient les mêmes chiffres que vous. La rivière des Esclaves et la rivière Athabasca sont des projets de 3 300 mégawatts. Si j'examine votre premier graphique, vous allez avoir besoin d'énormément plus que 3 300 mégawatts en Alberta pour remplacer ce que vous allez perdre en charbon. Je ne veux cependant pas trop insister sur l'Alberta, car notre étude porte sur les Territoires. Quoi qu'il en soit, c'est un facteur, n'est-ce pas?

M. Tenney : Oui. Comme je l'ai dit, il va nous manquer 11 000 mégawatts en 2032, qui devront être compensés par plus que seulement les ressources si nous voulons que tous proviennent de l'hydroélectricité. Il faudra en faire venir de l'extérieur de l'Alberta. Certes, d'autres formes de production auront un rôle à jouer, comme les projets de gaz naturel à cycle combiné et les projets de cogénération. Il y en aura un certain nombre.

La sénatrice Ringuette : Ce que vous dites est très intéressant.

À quelle étape en est votre plan d'affaires? Vous nous avez parlé d'un certain potentiel de mégawatts et d'un réseau de distribution potentiel. Où en êtes-vous avec votre plan d'affaires?

M. Tenney : Je dirais que, pour tous les projets, les deux de l'Athabasca et les deux des Esclaves, nous en sommes au tout début. Nous avons commencé à étudier le projet des Esclaves avec notre partenaire en 2006 ou 2007. J'ai dit qu'ATCO et son partenaire tiennent absolument à travailler et à collaborer avec les collectivités autochtones. Le projet des Esclaves inonderait une petite partie du territoire de la réserve de la nation de Smith's Landing. Nous avons collaboré avec elle pendant probablement un an et demi pour conclure ce que nous avons appelé l'accord de faisabilité et de coopération. Il n'a pas encore été totalement exécuté. Il y a eu un changement au conseil de bande et le nouveau chef et son conseil ont décidé qu'ils ne veulent pas envisager l'hydroélectricité. Le projet est donc suspendu depuis ce moment-là. Ensuite, nous nous sommes tournés vers nos deux sites de l'Athabasca et nous en sommes donc aux premières étapes de ces projets. Nous n'avons pas encore commencé nos pourparlers avec les collectivités autochtones. Nous en sommes donc encore au tout début.

La sénatrice Ringuette : Vous avez donc encore beaucoup de chemin à faire. Vous avez dit qu'il faut entre 12 et 15 ans non seulement pour construire un projet mais aussi pour le préparer, pour faire les études environnementales, et cetera.

M. Tenney : C'est exact. Nous pensons que, si les choses vont incroyablement bien — mais ce n'est malheureusement jamais le cas —, il faudra probablement cinq à six ans pour que le processus environnemental nous indique si nous pourrions obtenir un permis, et probablement cinq à six ans encore pour faire la construction. Notre problème est que nous commençons déjà à voir apparaître le besoin. Si nous ne démarrons pas sur ces projets, nous reportons malheureusement tout de 12 ou 15 ans.

La sénatrice Ringuette : Exactement. C'est un projet de construction à long terme, avec tous les besoins en capital. Pour avoir accès à un premier tirage de capital, vous devez avoir un plan d'affaires déjà bien étoffé afin de pouvoir vendre des actions. Avez-vous l'intention d'emprunter ou de vendre des actions? Il faut que quelque chose se passe.

M. Tenney : Exact. Quand je parle du projet des Esclaves, c'est toujours ATCO et notre partenaire, TransCanada. Nous avons dépensé beaucoup de notre argent pour le travail préliminaire de conception des premières étapes, pour dessiner ce à quoi ressemblerait un projet de production, et pour en étudier l'économie. Nous avons dépensé pas mal d'argent. Nous avons fait un travail similaire pour l'Athabasca, mais c'est un petit projet en comparaison. L'Athabasca sera de l'ordre de 5 à 6 milliards de dollars, alors que celui des Esclaves sera de 7 à 8 milliards de dollars. Nous n'avons pas encore dépensé beaucoup d'argent par rapport à ça.

Pour arriver à l'étape de soumission d'une étude d'incidence environnementale, nous devrons probablement dépenser quelque chose comme 30 à 40 millions de dollars pour un engagement adéquat des Autochtones et pour faire les études nécessaires. Nous nous efforcerions alors de négocier une sorte d'entente de financement avec les divers paliers de gouvernement.

La sénatrice Ringuette : J'essaye de comparer ce que vous nous dites à ce qui s'est fait à Terre-Neuve pour Muskrat Falls afin d'arriver à l'étape où ils en sont actuellement, après l'étude de faisabilité et tout le reste. C'est seulement après être arrivés là où ils en sont actuellement qu'ils ont obtenu une garantie de prêt du gouvernement fédéral.

M. Tenney : Vous avez raison.

La sénatrice Ringuette : Je suppose qu'un grand projet de cette nature, desservant toutes ces collectivités et assurant un revenu décent et un approvisionnement sûr en énergie, serait bien vu par les pouvoirs publics.

M. Tenney : Jim interviendra peut-être, mais je pense que la différence est que Nalcor est une utilité publique réglementée qui a l'obligation d'approvisionner ses clients. Elle aura dépensé l'argent en sachant qu'elle pourra le recouvrer dans la mesure où les contribuables couvriront ses coûts. En Alberta, avec notre marché déréglementé, il n'y a aucune garantie de recouvrement de l'argent dépensé. Les projets d'hydroélectricité à grande échelle n'ont été réalisés au Canada que par des sociétés d'État. Ces dernières avaient, si je peux dire, un accord de financement avec le gouvernement provincial. Je crois qu'ATCO aurait besoin d'envisager un modèle semblable.

M. Burpee : Les très grands projets d'hydroélectricité sont toujours des projets gouvernementaux, dans le monde entier, simplement à cause du risque inhérent. Jusqu'où pouvez-vous aller pour savoir vraiment de quoi il retourne? Qui a une feuille de bilan assez grande pour intégrer les sommes radiées et les réaffectations de coûts, que les payeurs soient les contribuables nationaux ou les contribuables locaux, qui sont d'ailleurs souvent les mêmes? Dans le passé, les projets d'hydroélectricité à grande échelle ont toujours exigé une grosse participation gouvernementale.

Le sénateur Black : Permettez-moi de dire, puisque je suis un sénateur de l'Alberta, que mes collègues devraient savoir qu'ATCO est l'une des grandes entreprises de l'Alberta. Je suis très heureux de vous voir ici, et j'apprécie beaucoup le travail que vous faites.

En ce qui concerne les projets dont vous avez parlé, j'aimerais comprendre ce que vous vouliez dire en disant qu'il s'agit principalement d'un marché d'exportation à partir des Territoires.

M. Tenney : Oui, c'est exact.

Le sénateur Black : J'aimerais comprendre ce que ça signifie. Le marché d'exportation serait probablement l'Alberta ou je ne sais quoi.

Pourrions-nous cependant parler du marché intérieur? Vous avez mentionné, monsieur Burpee, le besoin de réalités commerciales, d'engagement autochtone, de soutien gouvernemental et d'un cadre réglementaire ordonné — ce sont les quatre obstacles que vous avez correctement identifiés. Est-il vraiment réaliste de penser qu'on réalisera des projets d'hydroélectricité dans le Grand Nord pour le marché intérieur?

M. Burpee : Le marché intérieur de l'Alberta...

Le sénateur Black : Le marché intérieur — le marché des Territoires du Nord-Ouest ou du Nunavut.

M. Burpee : Le problème des Territoires du Nord-Ouest est qu'ils n'ont pas les échelles de besoin. Quand on réalise un projet hydroélectrique, l'échelle à laquelle on le construit est fonction de la quantité d'eau qui est disponible, de la fluctuation durant l'année, de l'effet d'inondation si on construit un barrage, mais ce sont toujours des projets qui ont tendance à être de vastes projets d'immobilisations qui deviennent vite très dispendieux, et si vous avez un petit nombre de clients comme source de revenus. Ce dont nous n'avons pas encore parlé, c'est du rôle de la construction de cette infrastructure, y compris de la transmission, pour appuyer d'autres projets d'exploitation de ressources. Donc, si c'est une mine, qui va payer pour ça? Comment doit-on répartir les coûts entre le nouveau client et un client existant? On est confronté à tout un paquet de questions de ce genre. Il y a beaucoup de manières différentes de le faire, mais tout finit par se retrouver dans un processus politique, avec une décision de cette nature.

Le sénateur Black : Je suis d'accord à 100 p. 100. Ce sont les réalités économiques.

M. Burpee : Oui.

Le sénateur Black : Je crois comprendre que 95 p. 100 de l'énergie consommée au Yukon est basée sur l'électricité.

M. Tenney : Vous voulez dire, l'hydroélectricité?

Le sénateur Black : Nous devrions être clairs à ce sujet. Je voulais dire l'hydroélectricité.

M. Tenney : Je n'ai pas d'informations récentes. J'ai travaillé là-haut, chez Yukon Electrical, mais c'était il y a quelques années. Je crois cependant que votre chiffre est assez juste.

Le sénateur Black : Est-ce que la source d'énergie au Yukon est BC Hydro?

M. Tenney : Non, ce n'est pas la source. Il y a une centrale hydroélectrique à Whitehorse, et il y en a une autre à Aishihik. Aishihik est le nom de la société d'hydroélectricité. C'est à quelques centaines de kilomètres au nord de Whitehorse. C'est relié au réseau du Yukon.

Le sénateur Black : Y a-t-il une réponse simple expliquant pourquoi ce qui s'est passé au Yukon ne peut pas être reproduit dans les Territoires du Nord-Ouest? Y a-t-il une différence simple?

M. Burpee : Les projets dont Doug a parlé, d'hydroélectricité, les deux qu'il a mentionnés, c'est la même idée. Pour certains de ces réseaux d'origine qui ont été mis sur pied, les coûts de mise en œuvre et une bonne partie du financement ont été assumés à l'origine par des sociétés minières qui avaient besoin de l'énergie et qui avaient les moyens de la payer.

L'équation d'aujourd'hui pour beaucoup de sociétés minières — et sans parler du personnel des mines, évidemment — est que l'économie des mines est différente. Quelle est la longévité d'une mine? En moyenne, de 13 à 15 ans. Si vous construisez un système d'hydroélectricité et de transmission pour cette mine, vous construisez un actif qui aura probablement une vie utile de 50 à 100 ans. La vie de votre mine ne sera absolument pas aussi longue. Pouvez-vous vous payer le luxe de ce qui représente probablement de la surconstruction aux yeux des responsables des mines?

Leur position de repli a été le diesel parce que c'est un coût en capital moins élevé et un coût d'exploitation plus élevé pour la période. Lorsque la mine est arrivée en fin de vie, on remballe tout et on s'en va, et on n'a pas un actif qui a été réalisé au bénéfice, dans une certaine mesure, autant des Territoires du Nord-Ouest que du Yukon.

Maintenant qu'ils sont confrontés au problème, ils ont la possibilité d'une expansion minière. Quelle est la contribution en capital adéquate de la nouvelle mine? Encore une fois, c'est un processus d'attribution des coûts. Il y a donc certaines possibilités.

Le président : L'une des choses que nous avons apprises durant notre voyage est que le chiffre utilisé était exact, sénateur Black, c'est-à-dire que 95 p. 100 de l'électricité du Yukon est de l'hydroélectricité, mais il leur en faut plus. Ils ont de la difficulté, exactement comme ATCO, mais, dans les Territoires du Nord-Ouest, c'est 40 p. 100 d'hydroélectricité. L'autre problème est que les collectivités sont tellement éloignées et tellement petites qu'on ne peut tout simplement pas construire des lignes électriques pour les relier toutes les unes aux autres.

Le sénateur Massicotte : Merci de votre présence devant le comité.

Je voudrais m'assurer que je comprends bien le tableau de la page 4. En utilisant différents modes ou sources d'énergie, on y indique les coûts d'énergie que vous projetez, comprenant l'amortissement complet des coûts en capital, ce qui veut dire que c'est près de 10 cents le kilowatt-heure pour les TGCC à 3 $. Est-ce bien ça? Pour le nucléaire, ce serait 16 ou 17 cents le kilowatt.

M. Tenney : Oui, vous avez raison. Je dois préciser, au sujet de la première barre, que votre gaz à 3 $, c'est avec une taxe sur le carbone de 100 $.

Le sénateur Massicotte : Notre président connaissait la réponse, mais nous ne cessons de débattre du coût de la taxe sur le carbone. Même à 100 $, ce qui est probablement le niveau qu'il faudrait atteindre pour avoir une influence réelle, cela a un impact, mais ce n'est pas si mauvais du point de vue du pourcentage.

Je crois que l'Association des producteurs du Canada nous a dit que, lorsqu'ils doivent réaliser un grand projet, tous intègrent dans leurs calculs une hausse importante de la taxe sur le carbone, étant donné qu'ils ne savent pas quelle sera la politique à ce sujet, de façon à s'assurer que la faisabilité ne sera pas affectée par un changement de politique gouvernementale. Est-ce bien le cas?

M. Tenney : Je ne peux vous donner que le point de vue d'ATCO Power. Lorsque nous envisageons de construire une nouvelle centrale électrique pour remplacer notre flotte vieillissante au charbon, nous analysons toutes les technologies et nous essayons de deviner ce que sera la taxe sur le carbone. Cela aura évidemment une influence sur le choix du lieu de construction. C'est difficile parce que certaines de ces centrales au gaz naturel ont une durée de vie qui est probablement de 25 à 30 ans, alors que la centrale hydroélectrique a une durée de vie qui est probablement de 75 à 100 ans.

Le sénateur Massicotte : Quand vous l'incluez dans le prix pour déterminer la faisabilité, parce que vous faites une grave erreur si vous ne le faites pas et constatez ensuite que la politique du gouvernement a changé. Quel est le prix du carbone que vous intégrez à vos calculs?

M. Tenney : Ce n'est pas moi qui prépare l'argumentaire commercial de notre projet au gaz naturel à cycle combiné et je ne sais donc pas exactement ce qu'ils utilisent comme taxe sur le carbone. Mais ils essaient certainement d'en prévoir le montant. Nous sommes aidés par le fait qu'il y aura une grosse quantité de nouvelle énergie qui sera nécessaire. Donc, même si quelqu'un d'autre construit une centrale hydroélectrique, il y aura toujours de la place pour une centrale au gaz naturel. Même si leur prévision de la taxe sur le carbone n'est pas juste, ça ne veut pas nécessairement dire que le projet sera voué à l'échec, car tous les concurrents seront tournés vers les mêmes technologies.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Burpee, connaissez-vous le chiffre?

M. Burpee : La plupart des gens tablent sur un prix qui se situe n'importe où entre 25 et 100 $. Je comprends bien qu'il y a une grosse différence, mais 100 $ n'est absolument pas impensable à l'un des extrêmes. Même si la réglementation fédérale devait changer, si c'est un impact de carbone, je sais que la réglementation des gaz à effet de serre des centrales au charbon intègre dans son modèle un coût social du carbone, ce qui reviendrait effectivement à dire 25 $, et un autre modèle à 100 $, juste pour voir quel serait l'impact.

Le sénateur Massicotte : Dans le Nord, n'importe quel projet hydroélectrique est un très grand projet, ce qui veut dire qu'on a besoin d'une participation gouvernementale. Vous avez aussi parlé essentiellement d'une subvention, d'une aide financière des gouvernements. On nous a beaucoup dit, il y a deux semaines, que ça ne marche pas. Il n'y a aucun scénario chiffré qui fonctionne pour n'importe quel grand projet, et le débat devient alors de savoir si le reste du Canada devrait subventionner ce genre de projet, et dans quelle mesure.

Où est-ce qu'on arrête? Est-ce que chaque Canadien mérite d'avoir de l'hydroélectricité quel que soit l'endroit où il habite? La réponse est probablement non, mais à partir de quel moment doit-on dire non? Dans quelle mesure les Canadiens devraient-ils subventionner d'autres Canadiens s'il se trouve qu'ils habitent là-bas ou décident de s'y installer?

M. Tenney : Si je reprends l'exemple de Muskrat Falls, je ne dirais pas qu'on a donné une subvention, mais on a simplement prévu un arrangement de secours pour que, si le projet n'était pas autorisé, parce qu'il y a une chance qu'un tel grand projet d'hydroélectricité puisse ne pas être autorisé, ce serait probablement plus un projet de gaz naturel à cycle combiné qui le serait. Donc, il y a beaucoup moins de risque à le réaliser. Pour un grand projet hydroélectrique, il est possible qu'on n'accorde pas le permis. Il y avait là-bas une position de repli faisant que les clients paieraient même si c'était l'échec. Je pense que c'est plus de cela que nous parlons, qu'il y ait une position de repli.

Le sénateur Massicotte : Je suis rassuré. Vous me dites que les Canadiens n'auront pas besoin de subventionner ces projets hydroélectriques à l'avenir?

M. Burpee : Je dis aussi qu'une garantie de prêt n'est pas réellement un montant en espèces. Ça permet simplement de réduire les frais de financement.

Le sénateur Massicotte : Et ça ne coûte donc rien?

M. Burpee : Dans le cas de la plupart de ces projets, vous savez que tout dépassement de coût sera assumé par le consommateur, ou par des tarifs réglementés, par une forme quelconque de réglementation, ce qui veut dire que le risque pour le contribuable fédéral est extrêmement limité, surtout en hydroélectricité où le risque technologique est faible.

Si vous obtenez une garantie de prêt là où le risque technologique est élevé, comme c'est arrivé aux États-Unis avec le fabricant de panneaux solaires Solara dont on a tellement parlé quand il a fait faillite, il y avait une garantie de prêt qui a en réalité coûté cher au contribuable américain parce que c'était une faillite de technologie.

En transmission d'hydroélectricité, il n'y a pas de risque technologique, mais, si vous pouvez réduire le coût de l'emprunt et du financement, c'est le consommateur qui en bénéficie. Ce n'est pas le promoteur du projet qui reçoit le bénéfice, c'est le consommateur. Je ne considère pas cela comme une subvention.

Le sénateur Massicotte : Donc, au-delà de la garantie de prêt, il n'y a aucun besoin de subvention, pas seulement à Muskrat Falls, mais aussi pour tous les projets futurs dans le Nord?

M. Burpee : Nous avons analysé ce qui serait possible dans la vallée du Mackenzie. Parlons donc de certaines des collectivités plus éloignées qui n'ont pas cette option. Si vous vous trouvez au Nunavut, vous ne pourrez pas bénéficier de cela. La question qui se pose est donc celle-ci : y a-t-il d'autres technologies à long terme qui coûteront moins cher? Ça nous ramène dans le secteur des risques technologiques. Si l'on parle d'énergie éolienne, comme ça se fait dans plusieurs régions, on a besoin d'entreposage en même temps. Vous avez posé tout à l'heure une question au sujet des technologies d'entreposage, pour savoir où elles en sont, et elles continuent d'évoluer. Voulez-vous aller avec l'énergie marémotrice? C'est une autre technologie émergente, et une bonne partie du Nunavut est située le long de côtes dont les marées sont très prévisibles. Là encore, cependant, on a besoin d'une certaine forme d'entreposage, où il y a des possibilités d'hydroélectricité.

Technologies de développement durable du Canada a appuyé un certain nombre de projets concernant des systèmes hybrides au diesel, au vent, à l'hydrogène, avec d'autres formes d'entreposage, et un soutien gouvernemental. Il ne s'agit pas de milliards de deniers publics, mais c'est un soutien continu pour de nouvelles technologies jusqu'à ce qu'on arrive au point où l'on sait quel est le risque technologique, parce que c'est relativement inconnu aujourd'hui, jusqu'à ce qu'on aille au-delà de cette étape et qu'on se penche sur les paramètres économiques pour voir si c'est une option viable au diesel.

La sénatrice Seidman : J'aimerais vous parler un peu de réseau intelligent, car je pense qu'il y a actuellement un projet de démonstration en cours dans le Nord au Nunavut et à Iqaluit. Je pense que l'Association canadienne de l'électricité a publié un rapport il y a quelques années, monsieur Burpee, qui contenait une certaine mise en garde au sujet d'un réseau intelligent. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la situation actuelle dans le Nord, c'est-à-dire du projet de démonstration et de son potentiel?

M. Burpee : Je ne vois pas précisément de quel projet vous parlez, mais l'évolution au Canada du réseau intelligent avance très bien, et il se fait beaucoup de très bon travail en Ontario, en Colombie-Britannique, au Québec, au Nouveau-Brunswick, et maintenant aussi en Saskatchewan. Tout le monde y contribue dans une certaine mesure. Il s'agit dans beaucoup de cas d'installer des compteurs intelligents, comme on l'a fait en Ontario et dans d'autres provinces, ce qui donne beaucoup plus d'informations comme point de départ en termes de, heure par heure, qui utilise quoi et où pour permettre de mieux gérer le système. On commence à installer des dispositifs de surveillance afin d'avoir plus de gestion du système en temps réel.

Cela évoluera finalement vers un système permettant de mieux intégrer la production distributive, que ce soit solaire ou autre, pour mieux gérer le système, ainsi que pour charger les véhicules électriques. Je ne pense pas que des véhicules électriques soient la solution pour le Grand Nord, mais, mieux nous comprendrons leur utilisation individuelle, ce qui nous ramène à l'une des choses dont on a parlé tout à l'heure, mieux on pourra gérer une demande variable. Je ne suis pas sûr que je le ferais pour le diesel, mais si nous arrivons au point où nous aurions plus d'énergie éolienne dans une communauté du Nord et pourrions utiliser l'entreposage d'eau chaude ou des unités de chauffage, il faudrait une application de réseau intelligent pour gérer cela. Le réseau intelligent ne représente pas seulement les composants individuels, mais la manière de gérer le système. Les systèmes de gestion de la distribution deviennent de plus en plus intelligents. On ne parle d'ailleurs plus de « réseau intelligent ». C'est juste la modernisation du réseau, et c'est donc un processus évolutif de modernisation du réseau.

La sénatrice Seidman : Vous dites que ça évolue bien et je suppose qu'il est parfaitement clair qu'il sera nécessaire de mettre au point de nouvelles technologies pour faire face aux défis du Grand Nord, parce qu'il y a de sérieux problèmes là-haut. Comme vous l'avez déjà dit, le fait que la clientèle soit très petite représente un énorme défi supplémentaire, même si l'hydroélectricité est une solution tellement optimale à tant d'égards.

Pourriez-vous nous parler un peu des recherches qui se font actuellement dans les nouvelles technologies d'énergie, notamment en ce qui concerne leur application dans le Grand Nord?

M. Burpee : J'essaye de me souvenir. Je regardais hier une liste de projets de TDDC et j'en ai vu au moins cinq ou six qui s'appliquaient à des collectivités isolées et dans des combinaisons différentes, qu'il s'agisse d'entreposage, d'hydrogène, de piles à combustible, d'intégration de l'éolien et du diesel, et BC Hydro a quelques projets en cours. Le projet Nalcor est crucial pour ce qui est de certaines technologies existantes. Le secteur qui évolue beaucoup est celui de l'énergie marémotrice où l'on place des unités marémotrices ou hydrocinétiques dans le courant plutôt que de tirer avantage de l'eau qui s'écoule déjà. Elles sont positionnées sur le plancher océanique ou au fond des cours d'eau et utilisent l'énergie cinétique du courant. Il y a encore beaucoup de travail à faire à ce sujet, mais, si l'on considère la longueur des côtes du Canada, l'Irlande est un pays qui met beaucoup d'argent là-dedans. Le Canada en a mis un peu, mais pas du tout autant. TDDC appuie au moins trois entreprises en plus des autres projets.

La sénatrice Seidman : Qui prend l'engagement financier de faire la R-D qui est nécessaire? Comme vous dites, nous avons les marées, les rivières du Nord pour fournir une certaine quantité d'hydroélectricité, mais il faut quand même faire aussi de la R-D pour mener cela à bien.

M. Burpee : La R-D est faite par certains des fabricants actuels, par des universités, et TDDC joue un rôle crucial à cette étape de démarrage afin d'être prêt pour un déploiement précoce.

Si vous avez un projet pour lequel vous pouvez dire que vous savez ce qu'est son potentiel de revenu, vous pourrez attirer du capital-risque. Mais il faudra faire beaucoup de travail pour arriver à cette étape, surtout dans le secteur de l'électricité, alors que les autres options sont tellement bien connues. L'autre défi, outre les collectivités isolées, est que le coût de l'électricité est généralement très bas au Canada. Donc, pour se lancer dans une toute nouvelle technologie, en acceptant le risque technologique pendant la période nécessaire pour déterminer si ça va marcher, il faut un investisseur patient.

Le sénateur Sibbeston : Nous sommes allés dans le Grand Nord, bien sûr, à Yellowknife, où nous avons tenu une journée complète d'audiences, et nous avons entendu des représentants de N.W.T. Power Corporation, entre autres. Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler de Northland Utilities qui distribue l'électricité à Yellowknife, mais ce sont ses représentants qui nous ont probablement fourni la meilleure évaluation de la situation de l'électricité pour les populations locales, et il semble que les choses soient plus ou moins à l'arrêt. Les mines pourraient utiliser de l'électricité, et toutes les collectivités environnantes pourraient utiliser de l'électricité moins chère, mais les choses semblent bloquées parce que personne n'est prêt à investir d'argent dans un réseau, et on ne sait pas vraiment pendant combien de temps durera la mine. Voilà la situation.

Pourriez-vous me dire quel est votre degré d'influence? Je me demande pourquoi vous êtes ici ce soir dans la mesure où les réponses se trouvent dans le Nord et, en ce qui concerne ATCO — tous les documents sont d'ATCO —, votre rôle dans le Nord est en fait très limité à la simple distribution d'électricité à Yellowknife. Je pense que vous êtes aussi présents à Providence et à Hay River, n'est-ce pas?

M. Tenney : Notre communauté dessert Yellowknife. La distribution achète l'énergie à Power Corporation. À Hay River, nous l'achetons à Power Corporation dans le système Taltson. Les autres collectivités que nous desservons — Dory Point, Kakisa, Wekweeti et le lac Trout — ont de l'électricité au diesel. Nous cherchons d'autres formes d'énergie pour remplacer le diesel. Kakisa est un exemple qui me vient à l'esprit. Elle a une microcentrale hydroélectrique qui pourrait remplacer le diesel, mais elle n'a pas de système d'entreposage, ce qui fait qu'on ne peut pas s'y fier à 100 p. 100 du temps et qu'on doit donc conserver une capacité au diesel.

Quand vous avez rencontré les représentants de Power Corporation et qu'ils vous ont parlé de passer par le côté ouest du Grand lac des Esclaves pour rejoindre Yellowknife, cela voulait dire qu'ils construiraient une ligne de transmission qui passerait juste à Kakisa. Il semble donc relativement inutile de construire une microcentrale hydroélectrique alors qu'on pourrait se brancher directement sur un plus gros système en réseau.

La situation est donc relativement bloquée, mais je pense que les gens sur place n'ont pas totalement renoncé.

Le sénateur Sibbeston : En ce qui concerne ATCO, espérez-vous devenir un acteur plus important en termes d'hydroélectricité dans le Nord? Vous avez à l'évidence effectué certaines études à cet égard et avez réfléchi au potentiel. À mon avis, vous n'êtes pas présents dans le secteur de la production d'électricité — ou pas tellement — seulement dans un certain nombre de petites collectivités. Les plus gros sont N.W.T. Power Corporation.

Espérez-vous donc devenir un acteur plus important dans le domaine de l'hydroélectricité dans le Grand Nord? Vous avez certains chiffres concernant des projets sur le Mackenzie et sur la rivière Bay. Si ces projets sont jamais réalisés, ils seront très gros. Espérez-vous donc devenir un plus gros acteur dans le Nord?

M. Tenney : Une réponse très simple : absolument.

Le sénateur Sibbeston : Je sais également que les gens du Nord sont très sensibles quand on leur parle de harnacher leurs rivières — le fleuve Mackenzie et la rivière Bay. Je sais qu'on a fait des études sur la possibilité d'exploiter le potentiel hydroélectrique de la Bear, mais pas tellement celui du Mackenzie, à ma connaissance. Si jamais on réalise quelque chose sur le Mackenzie, peut-être avant la fin de ce siècle, ce sera dans le secteur de Fort Good Hope où il y a une grosse dénivellation. Il y a des rapides et de grandes falaises, c'est-à-dire toutes les conditions nécessaires pour un aménagement hydroélectrique. Qu'en pensez-vous?

M. Tenney : Je suis d'accord avec tout ce que vous venez de dire. Je sais que les rivières dont nous parlons sont très controversées lorsqu'on évoque ce genre de projet. Je n'ai pas eu l'occasion de dire que ces chiffres venaient du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Ce gouvernement a formulé une stratégie hydroélectrique, je crois, en 2008 ou 2009, dans laquelle il parlait de 11 500 mégawatts environ.

Toutefois, comme vous le savez, quand vous parlez du Mackenzie, vous parlez en fait du réseau routier. Mettre un barrage sur un réseau routier n'est pas une bonne idée. Il se peut cependant que la situation change avec le temps.

Il y a beaucoup d'autres rivières qui offrent des possibilités. Par exemple, la Taltson est proche du site où se trouverait la centrale hydroélectrique des Esclaves. Je pense que ce système fluvial offre un potentiel de plus de 200 mégawatts. La Power Corporation a étudié une expansion de 56 mégawatts.

Il faut avoir une vision à long terme pour envisager ce genre de choses, et je dirais que la vision d'ATCO est un corridor d'énergie verte.

Le sénateur Sibbeston : Je constate que la Liard ne figure pas dans votre liste des rivières. C'est pourtant une rivière importante, et je sais que BC Hydro est allée dans le Nord il y a environ une décennie, ou peut-être deux, pour en étudier le potentiel. Cela nous avait un peu effrayés, l'idée de voir un barrage sur cette rivière. Cela dit, je pense que la Liard devrait certainement être sur la liste.

M. Tenney : Nous avons essayé de la simplifier et de présenter la chose aussi simplement que possible. Pour être tout à fait clair, je devrais ajouter qu'ATCO collabore depuis fort longtemps avec les collectivités autochtones, dans une relation de respect. Dans le Grand Nord, si nous n'avons pas de partenariat sincère, ce n'est pas comme si nous allons arriver sur place et dire : « Nous allons construire ici, que ça vous plaise ou non. » Ce sera un vrai partenariat ou ce ne sera pas.

Le président : Je voudrais vous poser une question à tous les deux. Notre étude porte sur les trois Territoires, et le sénateur Massicotte a parlé de ne pas fournir de subventions. Les contribuables du Canada — tous les contribuables, pas seulement ceux des Territoires — subventionnent déjà énormément l'électricité dans ces petites collectivités. Cela va probablement continuer parce que le marché est très petit. Je comprends ce genre de choses parce que ces collectivités sont tellement dispersées.

J'ai peut-être mal compris le sénateur Massicotte, mais mon opinion est que, s'il s'agit d'une mine ou d'un projet aussi vaste, il doit y avoir une quantité importante de capital qui est investie par la société minière pour qu'une société comme ATCO accepte d'aller sur place et construise quelque chose. Je ne suis pas ici pour dire qu'on ne devrait pas subventionner ce genre d'opérations commerciales, mais nous devons aussi tenir compte des besoins de ces petites collectivités. Elles fonctionnent quasiment toutes au diesel. Les chiffres sont là. Vous les connaissez aussi bien que moi.

Que pourrait-on faire pour réduire le coût? Le coût de l'électricité dans certaines de ces collectivités est astronomique. Y a-t-il quelque chose qu'on puisse faire pour le réduire? Pouvez-vous recommander quelque chose? Pourrait-on avoir recours à de nouveaux systèmes au diesel qui seraient beaucoup plus efficients que ceux d'il y a 40 ans? Pourrait-on avoir recours à une combinaison d'autres formes d'électricité? Donnez-nous des idées.

Nous avons besoin de mettre dans notre rapport quelque chose qui intéressera le gouvernement, parce qu'il subventionne déjà énormément le diesel, à hauteur de 50 p. 100, en fait. Dans certains endroits, c'est 100 $ le mégawatt, pour un coût réel de 200 $. Quand vous donnez ces informations disant que ça coûte trop cher, voilà ce que ça coûte dans certaines collectivités. Vous le savez fort bien. Donnez-moi donc des idées.

M. Tenney : Je vais commencer, mais M. Burpee fera mieux que moi pour vous expliquer les choses dans notre contexte global. Quand nous avons parlé aux gouvernements des Territoires du Nord-Ouest, les facteurs économiques ont été mentionnés. Il est douteux qu'il existe une solution magique permettant de réduire le coût dans certaines de ces collectivités tellement éloignées des sources. Par contre, l'un des concepts qui nous semblaient mériter d'être pris en considération serait d'établir une sorte de relation de partenariat avec le GTNO, au sujet de certains de ses projets d'hydroélectricité à grande échelle, dans un but d'exportation de l'électricité dans le Sud du Canada. On pourrait employer ces profits pour subventionner le coût élevé de l'électricité dans ces collectivités, parce que la charge est relativement petite, et il ne faudrait donc pas énormément de profits des projets d'hydroélectricité à grande échelle pour pouvoir subventionner leurs factures d'électricité.

M. Burpee : L'Association canadienne du gaz a témoigné devant votre comité et vous a probablement parlé des mérites du GNL par rapport au diesel, et je n'ai donc rien à y ajouter. À long terme, un moteur à combustion interne n'est pas efficient et ne deviendra pas efficient. C'est une question de physique.

Bon nombre de ces collectivités font probablement déjà un travail assez raisonnable de récupération de la chaleur perdue, parce que l'inefficience d'un moteur au diesel est la chaleur qui est dans le refroidissement de la chemise d'eau ou dans le gaz d'échappement. On peut récupérer une partie de cette chaleur pour chauffer des lieux publics, et beaucoup de ces collectivités le font probablement déjà.

En ce qui concerne l'optimisation du système existant, il n'y a probablement pas grand-chose qu'on puisse faire. Cela nous amène alors à des technologies complètement différentes, que ce soit l'énergie éolienne, l'énergie marémotrice ou une certaine forme d'hydroélectricité. Dans chaque cas, les coûts d'exploitation devraient être raisonnablement bas — en tout cas, les coûts en carburant sont quasiment nuls. C'est donc plus une question de coûts en capital élevés et de subventionnement de ces coûts en capital pendant un certain temps. Si vous examinez le graphique que vous a présenté Doug au sujet des coûts moyens actualisés de l'énergie, vous constatez que, sur une longue période, l'hydroélectricité est bon marché. Si vous voyez le choc initial du coût en capital de départ, ça semble cher, dépendant de votre horizon : 5 ans, 10 ans ou 100 ans.

Cela nous ramène à l'idée qu'il faut avoir une certaine forme de vision globale de l'approvisionnement en électricité qui a réellement un coût essentiellement faible ou est un carburant gratuit, et les technologies dont on dispose aujourd'hui pour atteindre cet objectif sont limitées. Il faut également investir du capital dans l'entreposage. Il faut donc dépenser beaucoup d'argent et beaucoup de capital pour économiser de l'argent à long terme.

Le président : Vous avez parlé d'énergie marémotrice. Mon expérience à ce sujet est qu'on est encore très loin du point où cette forme d'énergie sera abordable, même avec un diesel qui coûte cher. Ai-je raison?

M. Burpee : Je vais être prudent en disant que je ne prends pas position pour ou contre ce que vous dites, mais je sais que beaucoup de gens seraient d'accord avec vous.

Le président : Très bien, je n'insiste pas.

M. Burpee : C'est une technologie inconnue. On connaît mieux l'énergie éolienne, mais la limitation de l'énergie éolienne, dans une certaine mesure, est que nous vivons dans un climat qui peut être extrêmement froid, ce qui empêche les techniciens d'aller dans les tours quand elles ont besoin de maintenance. Je pense que pour Diavik, qui a une centrale vent-diesel dans les Territoires du Nord-Ouest, on ne peut plus faire la maintenance une fois qu'on atteint 25º sous zéro. Si l'on tombe en dessous de 25º sous zéro, il faut attendre que la température remonte pour pouvoir réparer. On peut espérer que ça changera avec le temps. L'énergie éolienne et l'hydroélectricité existante, que ce soit dans les cours d'eau, mais vous avez une turbine plus conventionnelle, présentent beaucoup moins de risques technologiques que la marémotrice, disons.

Le président : En ce qui concerne le vent, maintenant que vous venez d'en parler, si c'est le bon climat, une bonne partie de l'énergie éolienne qui est produite doit servir aussi à maintenir les pales libres de glace. Tout dépend encore une fois du climat.

M. Burpee : C'est l'un des autres problèmes.

Le président : Si c'est humide et qu'il gèle, vous n'obtenez pas beaucoup d'électricité. Idéalement, si le vent souffle, il permet aux pales de ne pas se givrer. Il y a toujours un inconvénient ou un autre. Je sais qu'il n'y a pas de solution magique.

M. Burpee : Nous n'avons pas de solutions magiques non plus.

Le président : Je ne demande pas de solution magique, mais il pourrait y avoir quelque chose que nous ne connaissons pas encore. Si ça arrive, n'hésitez pas à nous le dire.

Le sénateur Black : Je reviens sur une question du président : à votre avis, le GPL est-il une option envisageable dans les collectivités rurales du Nord?

M. Burpee : Honnêtement, je n'ai aucune donnée ou information qui me permette de comprendre les coûts et ce que seraient les risques de tarification à long terme. Je regrette, je ne peux répondre à votre question.

M. Tenney : Je n'ai pas grand-chose à ajouter à cela. Je ferai simplement une mise en garde : beaucoup de ces collectivités ne sont absolument pas accessibles par la route et je ne vois donc pas comment on pourrait les approvisionner en GPL.

Le président : Il faudrait le faire en hiver, sur les routes d'hiver. En fait, c'est comme ça qu'on les approvisionne en diesel.

M. Tenney : Exactement, mais je ne sais pas pendant combien de temps on peut entreposer du GPL.

Le président : On peut l'entreposer indéfiniment.

Le sénateur Black : Considérant ce que le président avait demandé, je m'étais dit que c'était peut-être une option envisageable.

Merci, monsieur le président.

Le président : Très bien. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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