Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 14 - Témoignages du 12 juin 2014
OTTAWA, le jeudi 12 juin 2014
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 9 h 2, pour poursuivre son étude sur le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je suis président du comité. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, à tous les membres du public qui assistent à la réunion aujourd'hui, et à tous les téléspectateurs de partout au pays qui nous regardent à la télévision.
J'aimerais rappeler à ceux qui nous regardent que les audiences du comité sont ouvertes au public et également diffusées par l'entremise d'émissions Web à l'adresse www.sen.parl.gc.ca. Vous pouvez également obtenir des renseignements sur l'horaire des témoins sur le site web sous la rubrique « En comité ».
J'aimerais maintenant demander aux sénateurs autour de la table de se présenter, et je commencerai par le vice- président du comité, le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta.
Le sénateur Mitchell : Bonjour.
Le sénateur Massicotte : Je suis Paul Massicotte, du Québec.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Bonjour, je m'appelle Pierrette Ringuette, de la province du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick. Bonjour.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Bonjour, je m'appelle Pierre-Hugues Boisvenu, de la province de Québec.
[Traduction]
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
Le président : J'aimerais également vous présenter les membres de notre personnel. Tout d'abord, à ma gauche, la greffière, Lynn Gordon, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.
Le 4 mars 2014, le Sénat a autorisé notre comité à entreprendre une étude sur le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes.
Jusqu'ici, nous avons eu cinq réunions au cours desquelles nous avons entendu des témoins à ce sujet à Ottawa et, en mai, nous nous sommes rendus dans les trois territoires du nord du Canada, ainsi qu'à Atlin, en Colombie- Britannique, pour tenir des réunions privées et effectuer des visites.
Aujourd'hui, il s'agit de la sixième réunion sur cette étude, et je suis heureux d'accueillir, de Technologies du développement durable Canada, Rick Whittaker, vice-président, Investissements et chef de la technologie.
Nous vous remercions beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Nous avons hâte d'entendre votre exposé, et il ne fait aucun doute que les sénateurs vous poseront des questions. Vous avez la parole, monsieur.
Rick Whittaker, vice-président, Investissements et chef de la technologie, Technologies du développement durable Canada : Merci beaucoup de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
Manifestement, nous pensons que vous avez entrepris une étude très importante, et j'en suis très heureux. C'est un honneur d'être ici.
Étant donné qu'un grand nombre d'entre vous connaissent probablement déjà TDDC, je ne passerai pas beaucoup de temps à décrire l'organisme, car il s'agit visiblement d'un instrument stratégique du gouvernement pour commercialiser les nouvelles technologies.
Aujourd'hui, je me concentrerai sur les technologies qui, à notre avis, peuvent aider à résoudre certains des défis présents dans le Nord, tout en tenant compte de certaines discussions que vous avez eues avec d'excellents témoins jusqu'ici et en vous brossant un tableau de la situation de la technologie au Canada, des mesures qui peuvent être prises et des points que le comité pourrait examiner.
Le reste du matériel de référence, jusqu'à la diapositive 7, vous offre des renseignements sur TDDC et sur certains des résultats que nous avons obtenus jusqu'ici. La diapositive 7 souligne la façon dont notre organisme a mis l'accent sur le Nord depuis 2009. Nous avons commencé à nous concentrer sur le Nord, car cette région présente plusieurs priorités et intérêts qui sont en conflit.
Évidemment, le changement climatique est l'un de ces sujets, et nous pouvons l'aborder. La mise en valeur des ressources, comme l'ont dit des témoins précédents, représente une grande occasion pour le Canada et il faut en profiter de façon responsable. C'est un point à considérer.
Comme nous l'avons entendu, le transport dans le Nord pose un problème, qu'il s'agisse de combustible, d'aliments ou d'éléments logistiques fondamentaux. Le transport repose sur l'énergie, et c'est donc une priorité. Nous sommes également dans une période très importante pour exercer notre souveraineté dans l'Arctique. Manifestement, la qualité de vie des Inuits, des peuples autochtones et des gens qui vivent et travaillent dans le Nord sera au cœur de toutes ces initiatives. Je me concentrerai sur ce point au cours de mon exposé.
Nous sommes actifs dans le Nord. En effet, TDDC mène une initiative axée sur la technologie pour le Nord, car étant donné que les technologies sont mises au point dans le Sud et pour le Sud, elles ne fonctionnent pas nécessairement dans le Nord. Il nous faut une approche différente, et c'est ce dont je vais vous parler aujourd'hui.
Par exemple, nous avons investi 13 millions de dollars depuis 2009 dans plusieurs technologies importantes dans le Nord, auxquels le secteur privé a ajouté 21 millions de dollars en financement, pour mettre au point certaines technologies permettant justement de résoudre les problèmes énergétiques dans le Nord et d'autres enjeux.
Nous avons organisé plusieurs incubateurs et ateliers virtuels — le Collège du Yukon en a organisé un avec nous en septembre dernier — pour encourager les habitants du Nord à tenter de mettre au point des solutions pour les problèmes auxquels ils sont confrontés.
Nous avons collaboré avec d'autres ministères, et je suis heureux de constater que leurs représentants ont comparu devant votre comité, car ce sont des intervenants importants. Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, CanNOR, Ressources naturelles Canada, Environnement Canada sont tous des ministères importants à cet égard, ainsi que le ministère de la Défense nationale. Ils jouent un grand rôle dans le système fédéral, et il est important qu'ils participent à cette conversation.
À la diapositive 8, j'aimerais seulement souligner à quel point l'Arctique est un milieu fragile. Je n'ai pas besoin de rappeler aux membres du comité la responsabilité que nous avons à l'égard du milieu naturel le plus fragile de la planète — il est même plus fragile que la forêt tropicale. La biodiversité est très limitée dans l'Arctique, et tous les impacts, qu'ils soient causés par le changement climatique ou un autre facteur, entraînent des changements importants et en raison de la fonte des glaces marines, de l'exploitation des ressources et de l'augmentation de la population dans le Nord, les effets seront encore plus prononcés.
Dans ce cas-ci, notre responsabilité est encore plus réelle qu'une volonté générale d'être responsable d'un plan. Le milieu arctique est très fragile et il doit être mis en valeur et géré de façon responsable. C'est le principe fondamental qui sous-tend la façon dont nous abordons le problème et l'approche que nous avons adoptée à l'égard du développement et des nouvelles technologies dans le Nord.
La diapositive 9 porte sur la mise en valeur. Vous avez entendu d'autres témoins sur le sujet, et je ne vous fournirai donc pas de chiffres, de tableaux et de faits à cet égard, mais je serai heureux de les fournir si les membres du comité le souhaitent. En ce qui concerne la mise en valeur, nous avons d'énormes réserves pétrolières et gazières dans le Nord, d'énormes réserves minérales ainsi que de vastes possibilités liées à l'énergie. Le Canada est prêt pour une mise en valeur sans précédent de la région du Nord, et on devra procéder de la façon décrite plus tôt.
Dans ce milieu, on ne peut pas extraire et utiliser l'énergie de la même façon qu'ailleurs, car les conséquences sont beaucoup plus importantes. Par exemple, un déversement de diesel dans le Nord entraînera des effets beaucoup plus difficiles à gérer que dans le Sud. Ce n'est pas une bonne chose dans n'importe quel milieu, mais la fragilité du milieu, et donc les conséquences, sont encore plus importantes dans le Nord.
Toutefois, ce milieu renferme des ressources, et pour faire progresser l'économie et nourrir la planète, il faut les exploiter. C'est une question d'équilibre. C'est vraiment l'élément fondamental du développement.
La diapositive 9 concerne le transport des marchandises. Nos intérêts dans le Nord pourraient bien se traduire par un transport des marchandises plus efficace à l'échelle mondiale. Les retombées sont énormes : on estime, en effet, qu'éviter le canal de Panama ou le canal de Suez générerait des économies d'environ 120 milliards de dollars par année. Il est possible que le trafic maritime augmente de façon importante dans le nord du Canada. Encore une fois, il y aura davantage d'activité dans la région. Cela pourrait représenter un avantage net à l'échelle mondiale sur les plans économique et environnemental, mais il faut étudier attentivement les moyens d'y arriver.
Vous remarquerez qu'au cœur de tous ces éléments, c'est-à-dire le changement climatique, la mise en valeur des ressources et le transport des marchandises, un thème s'impose : il s'agit de l'énergie, n'est-ce pas? Ou de la façon dont nous gérons l'énergie.
J'ai parlé de l'industrie et de la mise en valeur des ressources, mais au centre de tout cela, il y a les gens. C'est la question sur laquelle je veux insister aujourd'hui.
Les collectivités déjà établies dans le Nord font face à des défis réels. Je suis heureux de constater que les membres du comité abordent ces enjeux et examinent ce problème. Comme vous l'avez entendu, il y a environ 80 collectivités dans le Nord, c'est-à-dire dans le Grand Nord. Il y a plusieurs collectivités indépendantes un peu partout dans le Nord, mais dans le Grand Nord, dans les trois territoires, il y a environ 80 collectivités. J'aimerais vous parler un peu du Nunavut. Il y a environ 25 collectivités là-bas, toutes alimentées à 100 p. 100 par des génératrices diesel. Cela représente environ 46 millions de litres de diesel alimentant 85 groupes électrogènes qui produisent 176 000 mégawattheures d'électricité chaque année pour environ 33 000 personnes.
Ces gens vous diront — et je suis sûr que les membres du comité l'ont constaté pendant leur visite — que le diesel est dispendieux et bruyant et qu'il pollue l'air, la terre et l'eau. Les habitants de la région n'aiment pas cela, mais c'est un mal nécessaire. Lorsqu'on leur demande pourquoi ils ont choisi le diesel, ils vous répondent que les moteurs diesel peuvent tourner 24 heures par jour, tous les jours, et que lorsqu'ils tombent en panne, il y a quelqu'un sur place pour les réparer. C'est très important.
Si un problème se présente dans le Sud, il y a toujours quelqu'un à proximité; on peut habituellement faire venir un expert. En cas de panne de courant, il y a peu de pertes de revenu, car il y a toujours une solution de remplacement. Dans le Nord, vous n'avez pas ce luxe. Si vous n'avez pas d'électricité, vous n'avez pas de chauffage, et si vous n'avez pas de chauffage, vous ne vivrez pas longtemps. On est en plein scénario d'évacuation.
Une source d'énergie fiable et fonctionnant 24 heures par jour est une nécessité, et non un choix. Il est également essentiel d'avoir quelqu'un sur place pour effectuer des réparations. Cela modifie la façon dont nous envisageons les solutions de rechange dans le Nord.
Il est encore plus intéressant d'examiner la façon dont on utilise l'énergie là-bas. En effet, pour distribuer un litre d'eau potable traitée dans la collectivité, il faut environ quatre litres de combustible. L'eau, l'élément essentiel à la vie, exige une grande quantité de combustible. Le combustible est dispendieux dans le Nord, et l'eau l'est donc également. Les besoins essentiels sont coûteux là-bas.
Ce qui est troublant, c'est qu'environ 22 des 25 collectivités ne sont pas en conformité sur le plan environnemental. Elles n'ont pas de source constante d'eau potable. Cela représente un défi.
Vous pouvez voir émerger le thème de l'approche intégrée à l'égard de l'énergie, c'est-à-dire la façon dont nous l'utilisons et la façon dont nous pouvons résoudre quelques problèmes en même temps.
À la diapositive 12, nous voyons que certains des éléments liés au thème de l'énergie — et je commencerai par ceux- là — comprennent la gestion des déchets, l'eau potable et les sources d'énergie fiables.
Si vous vous penchez sur la question des déchets, vous remarquerez que dans un grand nombre de ces collectivités — et nous avons seulement à examiner le cas d'Iqaluit pour nous en rendre compte —, étant donné que le combustible est dispendieux, on n'envoie pas les déchets loin du village, mais plutôt assez près, et ils s'empilent. Les déchets ne se décomposent pas dans le Nord comme ils se décomposent dans le Sud; vous obtenez donc un amas croissant de déchets juste à côté des zones résidentielles. La température refroidit et reste froide pendant longtemps. Toutefois, pendant l'été, elle se réchauffe pendant deux mois et les déchets s'écoulent dans les sources d'eau potable ou dans la collectivité. C'est un problème.
La gestion des déchets dans le Nord est un problème particulièrement grave, car les coûts en énergie pour les envoyer plus loin sont beaucoup trop élevés. Il est intéressant, par contre, de souligner que nous jetons chaque jour, en moyenne, environ 25 p. 100 de nos besoins énergétiques quotidiens. Les déchets qui se retrouvent dans la pile située juste à l'extérieur des collectivités pourraient en fait combler 25 p. 100 des besoins énergétiques de ces collectivités, si nous pouvions les transformer en chaleur et en électricité. J'aimerais vous dire quelques mots à ce sujet.
C'est la même chose pour l'eau potable, c'est-à-dire que si on arrive à trouver une façon d'éviter de polluer l'eau potable et de réduire la quantité d'énergie exigée pour la nettoyer, on peut économiser de l'énergie dans le Nord.
L'élément essentiel, c'est une source d'énergie fiable. Nous avons entendu parler des ressources renouvelables et non renouvelables. Au bout du compte, dans le Nord, l'élément clé, c'est une source d'énergie fiable, une source sur laquelle on peut compter.
Passons maintenant à la diapositive 13. J'ai déjà mentionné qu'une source d'énergie fiable n'était pas un choix, mais une nécessité. Le problème, c'est que le diesel est dispendieux et non durable, mais qu'il fournit une énergie de base 24 heures par jour. Il est omniprésent. En effet, les mêmes compétences requises pour réparer un groupe électrogène diesel servent à réparer une motoneige. Les compétences nécessaires sont donc présentes là-bas.
Dans ce contexte, il est difficile pour les technologies renouvelables d'être concurrentielles, même si on effectue une analyse de rentabilisation économique, et je crois que votre comité en a parlé lorsque des témoins précédents ont mentionné cette analyse. Pourquoi ne pas simplement mettre cela en œuvre? Eh bien, l'analyse de rentabilisation est certainement un élément important.
Les paramètres utilisés dans cette analyse de rentabilisation sont liés au coût uniformisé de l'énergie. Cela comprend les coûts en capitaux, les coûts liés à la mise en activité et d'autres coûts liés à l'exploitation, par exemple le combustible.
Le paramètre de la fiabilité représente habituellement un défi. En effet, la plupart des sources renouvelables d'énergie communes sont intermittentes. Elles servent de source d'appoint. Il s'ensuit qu'on peut réduire la quantité de diesel utilisé dans le Nord, mais cela ne suffit pas. Ce qui se passe, c'est qu'on double les coûts en capitaux. On dépense l'argent sur des groupes électrogènes diesel et sur le combustible pour les alimenter, et on dépense ensuite le reste sur des technologies renouvelables pour contribuer à la production d'énergie, ce qui peut épargner du combustible à long terme, mais à court terme, c'est très difficile à justifier dans une analyse de rentabilisation. C'est la raison pour laquelle ces ressources renouvelables n'ont pas été adoptées davantage dans le Nord.
Nous envisageons des technologies au fil de l'eau, c'est-à-dire les technologies hydrauliques et connexes, lorsque les ressources appropriées sont suffisantes près d'une collectivité, mais les turbines doivent être immergées très profondément, car les Autochtones utilisent les cours d'eau pour naviguer, pêcher et tirer leur subsistance. On ne peut pas installer une technologie au fil de l'eau où les gens pêchent et travaillent. Il faut que ces appareils soient installés très profondément dans les rivières.
Cette technologie, dont on nous a vanté les mérites, est très prometteuse dans les endroits où l'on peut résoudre ce type de problèmes. Ce que j'essaie de faire valoir, c'est qu'il ne s'agit pas uniquement d'une question d'analyse de rentabilisation. Il faut également tenir compte de ces autres facteurs.
Nous avons entendu parler de la biomasse, et nous avons parlé de certaines réussites dans ce domaine. Comme vous le savez, il y a de grandes quantités de biomasse dans le Sud, mais pas autant dans les territoires du Nord, et comme le diesel, elle doit donc y être transportée. Il y a eu des percées très prometteuses, et je suis heureux d'annoncer aux membres du comité qu'au cours des dernières années, la densité de l'énergie de la biomasse a atteint un point où il est possible de l'utiliser dans le Nord. En effet, on peut la transporter au même coût ou même à un coût moins élevé que le diesel, car on peut augmenter sa densité, l'imperméabiliser et l'entreposer sans manutention dangereuse. En effet, elle ne contient pas de mercure ou de soufre, et elle ne pose pas de risque d'autocombustion par la chaleur. Tous les problèmes liés aux combustibles traditionnels sont éliminés lorsqu'on commence à atteindre certains de ces paramètres.
Trois entreprises canadiennes la produisent actuellement et il s'agit donc d'une occasion à saisir pour le Canada. Comme nous le savons tous, l'industrie forestière est la première à souffrir dans un ralentissement économique et la dernière à remonter. Il s'agit donc d'une façon de remonter l'industrie forestière et il y a des percées très prometteuses à cet égard.
La diapositive 14 et la suivante ont été conservées à titre de référence pour les membres du comité. Ces deux tableaux présentent une synthèse des sources d'énergie. Je suis heureux de vous fournir les données sources. Toutefois, en ce qui concerne les données liées au coût uniformisé de l'énergie, en plus de tous les autres facteurs dont j'ai parlé, l'analyse de rentabilisation repose sur le coût uniformisé de l'énergie. Il s'agit des coûts en capitaux, des coûts liés au combustible et des coûts d'exploitation à long terme. Comme vous le constatez, les génératrices diesel et le diesel en général entraînent des coûts plutôt élevés. Il y a par ailleurs des sources renouvelables très prometteuses.
Je les ai divisées en deux catégories, c'est-à-dire les sources qui résolvent 100 p. 100 du problème et celles qui résolvent seulement une partie du problème. L'énergie de base intermittente est donc un facteur de distinction très intéressant. Vous pouvez voir les coûts liés à ces technologies.
À la diapositive 15, j'ai éliminé certaines options en fonction de leur applicabilité dans le Nord en conjonction avec certains de ces autres facteurs. Lorsque nous commençons à tenir compte de l'infrastructure, de la proximité, de l'entretien et des réparations liés à l'exploitation, et cetera, certaines de ces options sont éliminées, comme je l'ai décrit plus tôt. Il reste un nombre moins élevé d'options dans chaque cas, mais elles valent la peine d'être envisagées.
Certaines choses prometteuses peuvent être réalisées, des choses qui, en attendant, résolvent quelques problèmes sur les plans social, économique et environnemental.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, à la diapositive 16, on parle d'autres problèmes qui peuvent être résolus en même temps. Par exemple, supposons qu'on utilise la biomasse et qu'elle ne soit pas composée uniquement de bois, mais également de déchets locaux. Si on peut combler 25 p. 100 de nos besoins énergétiques à partir des déchets et que c'est le même processus qu'on utilise pour la biomasse, on se retrouve avec une technologie qui résout 100 p. 100 du problème.
Si on peut tirer de la chaleur et de l'énergie de ce processus pour produire du chauffage et de l'électricité, on commence vraiment à faire une différence dans le Nord. Il est intéressant de souligner que nous mettons au point des technologies qui vont même plus loin, car elles permettent de purifier les déchets et l'eau, et on obtient de l'eau propre et utilisable. Soixante-quinze pour cent de l'eau utilisée quotidiennement ne l'est pas pour la consommation. En effet, 75 p. 100 de l'eau utilisée quotidiennement l'est à des fins techniques, c'est-à-dire pour le lavage et d'autres tâches connexes, par exemple tirer la chasse d'eau des toilettes, et cetera. Au lieu de nettoyer 100 p. 100 de notre eau, on pourrait nettoyer les 25 p. 100 que nous consommons et amener le reste à un niveau de qualité raisonnable. Nous pouvons ensuite diminuer les quatre litres de combustible que nous utilisons en ce moment par litre d'eau.
Envisager le système et le problème de cette façon permet de trouver de nouvelles solutions que nous pouvons étudier et mettre en œuvre.
L'étude du comité vise également la question du stockage. Tous les systèmes de stockage ne sont pas égaux. Nous avons examiné et financé un grand nombre de technologies, des piles aux piles hydrogène en passant par le stockage par compression de l'air et tout ce qui pourrait fonctionner dans le Nord. Si ces technologies ne fonctionnent pas lorsqu'elles sont assujetties à des températures extrêmes, elles sont rejetées. Par exemple, les piles doivent être tenues au chaud, et cela pose un problème. Si l'on tente de mettre en œuvre l'intégration des ressources renouvelables, il faut le faire dans une perspective très étroite. Si ces sources renouvelables varient d'une seconde à l'autre, certaines de ces technologies ne fonctionneront pas. Toutes les technologies ne sont pas égales.
L'une des technologies sur lesquelles nous travaillons pour le Nord utilise de l'air comprimé. L'air comprimé peut sembler étrange, mais il peut permettre d'atteindre 78 p. 100 d'efficacité sur un cycle complet. On ne peut pas obtenir le même résultat aussi facilement avec d'autres types de technologies, et certainement pas au même coût.
Si on se penche sur les problèmes du Nord dans une perspective d'intégration, on commence à découvrir des solutions qui ne sont pas apparentes au départ.
La stabilisation du réseau, la disponibilité et la fiabilité de l'énergie et le stockage temporaire sont tous des facteurs importants lorsqu'il s'agit des systèmes énergétiques dans le Nord.
Je vais m'arrêter ici. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité.
Le président : Merci beaucoup de votre exposé.
Le sénateur Mitchell : C'était très intéressant. Lors de notre visite dans le Nord, un défi qui a été mentionné à plusieurs reprises, sinon souvent, c'était la question des capitaux de développement. Évidemment, c'est votre domaine.
Connaissez-vous le Centre de recherche du Yukon et son centre d'innovation en climat froid en général, mais surtout en ce qui concerne la technologie de P&M Recycling, c'est-à-dire la technologie qui permet d'extraire le pétrole du plastique? Est-ce que c'est le type de technologie dans lequel vous investiriez? Quelle serait la nature de votre investissement? S'agirait-il d'un investissement dans la recherche? Dans le développement? Ou dans la commercialisation?
M. Whittaker : Oui, je connais cette technologie et les travaux connexes. À titre de renseignement pour le comité, cette technologie crée réellement un combustible à partir de matières plastiques. Toutefois, on ne fait pas très bien le recyclage dans le Nord. Les infrastructures de recyclage, et l'infrastructure de traitement des déchets en général, n'existent pas, donc tout ce qu'on peut faire est une bonne chose.
La transformation des déchets en combustible est nécessairement une bonne chose. Nous avons besoin de combustible et d'énergie. L'énergie est dispendieuse et on la jette avec les vidanges. Il est préférable de l'utiliser comme combustible. Nous appuyons certainement la notion de transformer des déchets en combustible. Il existe différentes approches et elles doivent toutes être explorées. Celle à laquelle vous faites référence, c'est-à-dire l'extraction du pétrole des matières plastiques pour en faire du combustible, représente une très bonne approche.
Le plastique contient une très bonne valeur énergétique. Si vous transformez le plastique contenu dans vos déchets ordinaires, le contenu en énergie augmente. On peut ensuite transformer cela en chaleur, et ensuite en électricité. Il faut envisager de faire ces choses.
Le rôle de TDDC se résume au développement et aux démonstrations. Notre financement soutient ces deux domaines. Nous intervenons lorsqu'une idée a quitté le laboratoire de recherche et n'a toujours pas été mise en œuvre sur le plan commercial, et nous collaborons avec le secteur privé, c'est-à-dire que le gouvernement investi 1 $ pour chaque 2 $ ou plus investis par le secteur privé, pour réduire le risque lié au projet et à sa commercialisation. Toutefois, une fois le processus lancé, nous restons avec les entreprises. Nous nous occupons, entre autres, des solutions qui sont insuffisantes par elles-mêmes, car il faut habituellement les offrir en combinaison avec d'autres, surtout si elles proviennent d'une petite ou d'une moyenne entreprise. Une partie de notre travail consiste à créer des combinaisons de capacités canadiennes qui peuvent résoudre 100 p. 100 du problème.
J'ai très hâte qu'on mette au point cette technologie et d'autres qui peuvent traiter les déchets et répondre à certaines des préoccupations liées à l'énergie.
Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous nous donner un exemple de projet axé sur l'énergie dans le Nord qui s'inscrit dans notre étude?
M. Whittaker : Cette année, nous lançons un projet sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années sous la bannière « Autonomous community solutions ». Il s'agit de créer des modules, c'est-à-dire des solutions en silo, avec des entreprises telles Terragon à Montréal, qui gazéifie les déchets en chaleur, et d'autres entreprises comme Shipstone, qui utilisent une technologie de stockage de l'énergie, en combinaison avec des entreprises comme EnerMotion. Il ne s'agit pas d'une seule entreprise, mais d'une combinaison de solutions pour résoudre certains problèmes. Nous mettrons cela à l'épreuve à Cambridge Bay cette année.
Le sénateur Massicotte : Merci d'être avec nous aujourd'hui. Vos renseignements sont très utiles.
Vous nous avez expliqué votre façon de travailler. Vous dites que vous vous occupez du financement des immobilisations et que vous cherchez à combiner d'autres technologies. Fournissez-vous 100 p. 100 du capital initial ou établissez-vous toujours une coentreprise avec un autre intervenant au départ? J'aimerais comprendre votre façon de fonctionner.
M. Whittaker : Il s'agit toujours d'une coentreprise avec d'autres partenaires. C'est une bonne façon de voir si l'analyse de rentabilisation est positive et s'il y aura une occasion de marché pour le secteur privé après l'intervention du gouvernement. C'est toujours une coentreprise.
Le sénateur Massicotte : Les deux parties fonctionnent-elles avec des parts proportionnelles pour les pertes et les gains?
M. Whittaker : Nous ne prenons pas de participation, et il s'agit donc d'une subvention, d'une contribution. Nous offrons des contributions. L'argent du secteur privé est investi sous différentes formes. Nous voyons un large éventail de formats, des capitaux aux titres d'emprunts convertibles en passant par tous les instruments imaginables, mais l'argent du gouvernement fédéral versé dans ces projets l'est à titre de contribution.
Le sénateur Massicotte : S'agit-il d'une subvention qui doit être repayée ou d'un prêt?
M. Whittaker : Non, il s'agit d'une subvention non remboursable. C'est une contribution, car il y a des jalons de vérification. Nous faisons appel à la même diligence raisonnable qu'on utilise dans le monde du capital de risque, par exemple, où nous exigeons que les technologies soient performantes et atteignent les jalons établis. De la même façon, le versement de nos contributions s'échelonne dans le temps.
Le sénateur Massicotte : D'après ce que je comprends, si j'examine vos antécédents, jusqu'ici, vous avez financé approximativement 50 ou 40 p. 100 des investissements auxquels vous avez participé. L'industrie a financé environ 60 p. 100. Est-ce exact?
M. Whittaker : En moyenne, nous sommes sous 30 p. 100. Notre mandat prévoit une moyenne de 33 p. 100. Chaque projet peut aller jusqu'à 50 p. 100, mais en moyenne, notre portefeuille doit être géré autour de 33 p. 100. Nous avons constaté que lorsque nous éliminons une petite partie du risque, les intervenants du secteur privé craignent beaucoup moins de participer au projet.
Le sénateur Massicotte : Mais à 33 p. 100, les contribuables canadiens absorbent 100 p. 100 de la première perte. Ai- je raison?
M. Whittaker : Non. Selon votre observation précédente, nous collaborons avec le secteur privé et nous posons des jalons. Il y aura des échecs, car nous ne faisons pas reculer les limites de la technologie. S'il y a un échec, la « perte financière » est absorbée par tout le monde. L'idée, c'est qu'avec l'approche par portefeuille, les gains que vous obtenez...
Le sénateur Massicotte : Supposons que j'investis 100 $ et que vous le financez à 33 p. 100, selon le modèle générique. La coentreprise perd 20 p. 100. On procède à une liquidation, et la perte représente 20 p. 100 des 100 $ initiaux. D'après ce que je comprends, vous perdez 100 p. 100 de cette perte. Est-ce exact?
M. Whittaker : Envisagez l'exemple de cette façon : si 100 $ sont investis, dont 33 $ du gouvernement, et qu'on perd cela, une fois la liquidation effectuée, nous pouvons faire une réclamation comme tous les autres et récupérer notre 33 p. 100. Mais étant donné que nous n'avons pas de participation, c'est une autre histoire.
Le sénateur Massicotte : Exactement. Pour être honnête, je suis heureux d'avoir entendu ce que vous avez dit plus tôt, et vous semblez bien informé, car la technologie est votre domaine. Dans votre exposé, vous avez résumé différents choix; l'énergie et l'eau sont de gros enjeux. Quelle proportion de vos investissements visait le Nord?
M. Whittaker : En ce qui concerne l'argent que nous avons investi et les données que j'ai citées plus tôt, dans les projets du Nord, TDDC a investi 12,9 millions de dollars en financement appuyés par 21 millions de dollars provenant du secteur privé.
Le sénateur Massicotte : Était-ce surtout dans le Nord?
M. Whittaker : Parmi les cinq entreprises, il y avait Terragon Environmental Technologies, Shipstone, EnerMotion...
Le sénateur Massicotte : De façon générale, que font-elles?
M. Whittaker : Il s'agit d'énergie, de déchets et d'eau. L'énergie concerne la production et le stockage d'énergie.
Le sénateur Massicotte : Si je me fie à la page 15, les choix sont clairs. Lorsqu'on examine ceci, les choses semblent certaines. Qu'est-ce que l'OEO?
M. Whittaker : L'OEO est l'Office de l'électricité de l'Ontario, qui a également mené une étude sur les collectivités éloignées, y compris celles du Sud.
Le sénateur Massicotte : J'examinais les coûts par kilowattheure. Manifestement, dans le Nord, à l'exception de certaines sources d'énergie hydroélectrique, l'énergie est plus dispendieuse. La solution est évidente : nous devrions utiliser la biomasse ou l'énergie géothermique. Cela semble tellement simple. Pourquoi ne le faisons-nous pas si c'est si simple?
M. Whittaker : Vous ne pouvez pas tenir compte uniquement de l'énergie. Il s'agit d'un problème intégré, car il faut également gérer les déchets, l'eau, l'énergie et la fiabilité.
Le sénateur Massicotte : Quelle est la pertinence de la page 15? La page 14 présente un calcul purement académique. D'après ce que je comprends, la page 15 examine toutes les autres contraintes. Vous dites que la page 15 n'est pas pertinente après tout, car il y a tous les autres facteurs, ce qui rend ces méthodes impossibles à utiliser.
M. Whittaker : La page 15 tient compte de certains de ces facteurs. Nous nous concentrons sur la biomasse, ce qui peut comprendre les déchets, les déchets ligneux et d'autres ressources ligneuses durables.
Le sénateur Massicotte : Vous pourriez épargner 70 p. 100 des coûts. Pourquoi ne le faisons-nous pas? Ces données sont-elles exactes et réelles?
M. Whittaker : Elles le sont maintenant. Cela vient de se produire. Ce n'était pas le cas il y a 10 ou 15 ans, car les technologies nécessaires n'existaient pas. Je suis ici pour annoncer aux membres du comité que nos sources d'approvisionnement en technologies et en biomasse sont suffisamment diversifiées pour nous permettre d'affirmer avec confiance que nous pouvons maintenant lancer ce projet.
Le sénateur Massicotte : Cela ne dépend pas de la taille de la collectivité ou de la distance d'une rivière ou d'une ligne de transport d'électricité.
M. Whittaker : Dans ces cas-là, non. L'idée, c'est d'installer la technologie telle quelle dans la collectivité.
Le sénateur Massicotte : Au Nunavut, on ne connaissait pas la réponse. Aux Territoires du Nord-Ouest, la plupart des intervenants soutenaient que les granules de bois étaient la solution idéale. Au Yukon, on misait surtout sur le gaz naturel.
Comment expliquez-vous cela? Pourquoi pas l'une de ces technologies?
M. Whittaker : Voici pourquoi : si vous aviez du gaz naturel ou une installation près de la collectivité, ce serait excellent. Si vous devez créer l'infrastructure nécessaire, on ajoute des coûts, car elle n'est pas déjà présente. N'oubliez pas que notre défi consiste à rendre les choses omniprésentes. En tenant compte de tous les facteurs, comment pouvons-nous trouver une solution plus ou moins généralisée? Les groupes électrogènes diesel connaissent un grand succès, car on peut les utiliser n'importe où à l'échelle mondiale. Les collectivités indépendantes n'ont pas toujours du gaz naturel à leur disposition. Si elles en possèdent et qu'il est facile d'accès et situé tout près, c'est excellent. Dans le cadre de la solution axée sur la biomasse, le processus de gazéification produit un gaz synthétique qui s'apparente au gaz naturel; si vous aviez des installations au gaz naturel, vous pourriez vous en servir.
La sénatrice Seidman : Sur votre site web, vous parlez de combler l'écart en matière de financement lié aux technologies émergentes. Vous avez mis sur pied le Fonds de biocarburants ProGen pour aider à combler cet écart. Dans votre rapport annuel de 2013, vous soutenez que la mise au point de la technologie de biocarburant a été plus longue que prévu. Pourriez-vous nous donner plus d'explications à ce sujet?
M. Whittaker : Nous avons deux fonds. Aujourd'hui, nous parlons surtout du Fonds de technologies de DD. En ce qui concerne la référence au Fonds de biocarburants ProGen, permettez-moi tout d'abord de préciser que l'intention stratégique de ce fonds était axée sur les carburants destinés au transport — surtout l'éthanol et le biodiesel. C'étaient les deux éléments importants. C'est la référence que vous trouvez en ligne. Les marchés de l'éthanol à l'échelle mondiale ont pris leur envol de la même façon pour l'éthanol de la nouvelle génération. La situation est différente pour les carburants des groupes électrogènes du Nord, et c'est le problème. La plus grande partie des travaux que nous effectuons sur la biomasse et les biocarburants dont je parle aujourd'hui se font dans le cadre du Fonds de technologies de DD.
La sénatrice Seidman : Aidez-moi à comprendre la raison d'être du deuxième fonds.
M. Whittaker : Le deuxième fonds vise à mettre à niveau les usines de biocarburant commercial qui sont les premières en leur genre et qui sont axées sur la nouvelle génération d'éthanol ou de biodiesel.
La sénatrice Seidman : Comment le Canada se compare-t-il à d'autres pays nordiques sur le plan de la R-D énergétique, surtout en ce qui concerne l'approvisionnement en énergie et son utilisation dans le Nord?
M. Whittaker : En ce qui concerne la R-D, nous sommes égaux ou même un peu en avance. Il y a manifestement des pays, par exemple la Finlande, qui ont une industrie forestière très solide, et qui ont probablement une longueur d'avance sur nous. De plus, avec ses 700 000 habitants dans le Nord, la Russie gère ces enjeux à plus grande échelle que nous, et nous n'avons aucune avance sur qui que ce soit là-bas.
Je crois que la course est maintenant engagée et en raison de l'intérêt accru envers le Nord, tous ces pays se rendent compte qu'il y a de très gros avantages sur le plan économique. Une course sera engagée dans ce domaine. Nous sommes au même niveau que les autres, et nous pouvons donc la perdre. Si nous fournissons les efforts appropriés, nous pourrions offrir un certain leadership et des exemples dont nous pourrions être fiers.
Le sénateur Patterson : À titre de renseignement pour les membres du comité, le feu du dépotoir d'Iqaluit ne brûlait pas lorsque les membres du comité ont visité le village, mais il fait rage maintenant. On est forcé de fermer des écoles et d'admettre les personnes qui ont des troubles respiratoires à l'hôpital. Des déchets brûlent sur une hauteur de quatre étages.
La collectivité produit 50 tonnes de déchets par jour. Je sais que M. Whittaker a participé à un projet en collaboration avec Terragon qui vise à s'attaquer à ce problème. Pourriez-vous nous parler plus en détail de la gazéification et de l'incinération, car il semble que nous gaspillions de l'énergie? Pourriez-vous parler un peu plus de leur applicabilité dans le Nord?
M. Whittaker : Les technologies dont vous entendez parler et qui concernent les déchets sont souvent divisées en deux catégories. La première est l'incinération, qui a été utilisée avec succès à l'étranger. D'ailleurs, la Suède utilise beaucoup les incinérateurs. Ils fonctionnent très bien à grande échelle. Si vous avez un problème à grande échelle, une production d'énergie à grande échelle et un grand nombre de travailleurs spécialisés pour réparer et maintenir l'équipement, cette méthode fonctionne très bien.
Le défi posé par l'incinération, c'est qu'il vous faut des travailleurs très qualifiés et un équipement de contrôle des émissions complexe, car lorsqu'on infiltre de l'oxygène dans les déchets et qu'on les brûle, on produit des gaz toxiques, c'est-à-dire des dioxines et des furanes. Le système d'émission doit être entretenu et cela exige des compétences spécialisées.
En général, nous avons constaté que l'incinération ne représente pas une solution idéale pour le Nord, car les ingrédients nécessaires ne sont pas facilement obtenus là-bas.
La deuxième technologie est la gazéification. Il s'agit d'un processus thermique qui n'utilise pas d'oxygène. En fait, il retire l'oxygène du système et évite ainsi de produire des dioxines et des furanes. Il produit un gaz qui ressemble au gaz naturel. Si vous avez un système ou un équipement alimenté au gaz naturel, vous pouvez l'utiliser pour produire de l'énergie électrique.
Nous avions donc un penchant vers la technologie comme celle de Terragon, qui emploie la gazéification et qui peut fonctionner à petite échelle, sans opérateurs qualifiés et sans risquer de produire ces gaz toxiques.
Le sénateur Patterson : Le calcul du coût moyen actualisé de l'énergie m'intéresse beaucoup, et je tiens simplement à dire, pour vous situer dans le contexte, que notre comité a été vraiment stupéfié, quand il est allé dans le Nunavut, de constater qu'on ne semblait pas s'y soucier de conservation. Les bénéficiaires du soutien du revenu paient une fraction des coûts réels de l'énergie; les locataires de logements sociaux, les coûts subventionnés de l'énergie; et même les propriétaires privés sont subventionnés après tant de kilowattheures.
Le coût moyen actualisé de l'énergie correspond à des coûts d'investissement et d'exploitation. Dans l'application de cette formule au Nord, ne devrions-nous pas aussi y intégrer le montant important des subventions? Je n'ai mentionné que quelques exemples. Pourriez-vous dire comment cette formule devrait s'exprimer?
M. Whittaker : Excellente remarque. Les agents de changement et les agents du statu quo compliquent l'analyse de rentabilité, parce que, en fait, le gouvernement fédéral subventionne le combustible envoyé dans la région, ce qui modifie l'analyse de rentabilité pour le secteur privé et rend la situation beaucoup plus difficile pour elle. Nous, nous cherchons à savoir qui serait l'éventuel bénéficiaire de certaines de ces technologies. Ce peut être les consommateurs locaux. Ils ne sont pas si motivés que cela par le coût, bien que chaque dollar que chacun d'eux économise lui permet d'améliorer sa qualité de vie. Il peut acheter des aliments de meilleure qualité et ainsi de suite, mais l'autre gagnant possible est le gouvernement fédéral.
Le gouvernement fédéral peut faire des économies en déployant certaines de ces technologies. Pourquoi le gouvernement fédéral devrait-il continuer d'être un joueur? Il a tout intérêt à voir les coûts baisser. Il est un facteur dans l'équation.
Le sénateur Wallace : Monsieur Whittaker, vous avez dit que, dans l'année qui vient, vous alliez travailler à d'importants projets de démonstration dans le Nord avec certains de vos partenaires. En réponse à une question du sénateur Mitchell vous avez cité, en exemple, le projet de solutions autonomes qui aura lieu à Cambridge Bay. Quels autres projets de démonstration envisagez-vous d'entreprendre cette année?
M. Whittaker : Le projet que le sénateur Patterson a mentionné était celui que nous faisons à Iqaluit. Il portait principalement sur la question de la gestion des déchets et procédait d'une stratégie différente. D'après la nouvelle mentalité, il faut traiter les déchets localement, produire l'énergie localement. La résolution locale des problèmes permet une meilleure distributivité et une plus grande résilience, par opposition aux gros centres de traitement et aux grandes centrales comme on en trouve dans le Sud. Les économies d'échelle ne fonctionnent pas dans les collectivités de 150 à 8 000 personnes. C'est pourquoi nous axons nos efforts sur une stratégie distributive, à plus petite échelle et plus localisée.
Le sénateur Wallace : Y a-t-il d'autres projets de démonstration?
M. Whittaker : Ces deux projets nous occupent amplement. Nous les réaliserons cette année. Après, nous verrons.
Le sénateur Wallace : Vous avez aussi parlé d'une possible augmentation de la navigation qui transiterait par le Nord et des risques qu'elle entraîne. Participez-vous à des projets qui envisageraient des moyens et des technologies d'intervention après un déversement, qui seraient applicables au Nord et devraient satisfaire à des exigences différentes de celles qui correspondent aux climats du Sud?
M. Whittaker : Absolument. Quand toute la question des bassins à stériles a été soulevée, nous avons commencé à examiner l'ensemble des éventuels problèmes posés en même temps par le bitume et le pétrole, y compris dans notre Arctique. Nos cartons renferment des projets sur des technologies d'intervention après un déversement, et je serai heureux de vous en communiquer plus tard la liste.
Bien sûr, dans un premier temps, ce n'est pas la méthode qu'on veut privilégier. L'intervention après un déversement devrait être le dernier recours, mais il faut pouvoir s'en servir. Nous examinons des solutions de première ligne qui permettent d'abord d'éviter le déversement, qui rendent le transport plus sûr, grâce à la surveillance en cours de route. Certaines de ces techniques de prévention figurent dans cette discussion, mais des techniques de nettoyage sont efficaces sous les climats froids, contre, par exemple, le pétrole adhérant aux surfaces, en mettant en jeu la tension superficielle.
On crée de nouveaux matériaux, comme le graphène, qui trouve de nombreuses applications, notamment dans le nettoyage des sites des marées noires, ce qui nous amène à travailler sur un certain nombre d'entre elles. Certaines sont prêtes dès maintenant à l'emploi, d'autres le seront au cours des quelques prochaines années.
Le sénateur Wallace : En prévision de l'augmentation du trafic maritime dans le Nord, dans les années à venir, planchez-vous sur un plan, à partir d'un certain nombre de paramètres clés? Si oui, quels seraient-ils et quel échéancier avez-vous en tête? D'ici 10 ans, beaucoup plus de pétrole transitera par ces eaux du Nord; c'est alors que se posera le risque. Nous devons être prêts.
M. Whittaker : C'est commencé. Nous travaillons à ce plan depuis probablement quatre ans. Il existe donc. Son autre volet concerne particulièrement les navires. Comme nous savons tous, le Canada entreprend un programme sans précédent d'acquisitions de navires pour la défense, au coût de 25 ou 35 milliards de dollars. Nous collaborons étroitement avec le ministère de la Défense nationale, pour lui demander comment concevoir un navire doté de certaines de ces caractéristiques. Sans être un pétrolier, il reste assujetti à ces contraintes. Nous avons la possibilité de démultiplier l'effet de cette acquisition en encourageant les PME canadiennes, tout en résolvant certains autres types de problèmes reliés aux déversements et au transport maritime responsable dans le Nord.
Le sénateur Wallace : Vous avez aussi fait allusion à l'eau potable et aux défis qu'elle présente dans le Nord. Vous avez dit que 22 communautés sur 25 n'en ont pas. Travaillez-vous à des projets visant à élaborer de nouvelles techniques d'épuration de l'eau plutôt que de compter sur le transport de l'eau potable dans certaines régions où les eaux souterraines sont contaminées? Je sais qu'il existe un certain nombre de technologies, mais votre fondation travaille-t-elle à des projets particuliers, centrés sur l'eau potable dans le Nord?
M. Whittaker : C'est exact. En fait, dans les solutions pour des communautés autonomes, nous cherchons à produire, par ces technologies, deux types d'eau. Il y a ce qu'on appelle l'« eau technique », 75 p. 100 de l'eau qu'on utilise quotidiennement, ce qui rend la tâche plus facile pour les 25 p. 100 restants, si on n'utilisait que les systèmes existants. L'analyse économique permet toutefois, par des techniques fondées sur différents types de membranes, de relever la qualité de ces 25 p. 100 au niveau de celle de l'eau potable.
Dans nos cartons, on trouve, d'après mes estimations, des technologies d'une valeur qui dépasse amplement 50 millions de dollars dans le secteur de l'eau, et au moins la moitié d'entre elles sont applicables dans le Nord.
La sénatrice Ringuette : Merci pour tous ces renseignements. Je suis à la page 15, qui semble avoir capté notre attention. En ce qui concerne la géothermie, la technologie disponible, et l'énergie éolienne, y a-t-il des obstacles à la fiabilité de ces deux filières énergétiques dans le Nord? Y a-t-il des problèmes?
Nous voyons que ces deux filières sont les moins chères. Elles n'exigent aucun transport. Elles sont d'une fiabilité absolue, en tout temps. Alors, quels sont les empêchements pour les communautés nordiques?
M. Whittaker : Commençons par la géothermie, nous verrons l'éolien et le solaire. La technologie de la géothermie, là où elle est accessible, existe. Et il y en a une bonne partie d'accessible. Elle est commerciale. Elle est viable. Il s'agit de trouver un investisseur privé désireux de l'exploiter là où la ressource existe.
Le problème vient du forage au travers de la « barrière » du pergélisol. Est-ce une méthode vraiment acceptable? Ce serait une sorte de premier filtre.
La sénatrice Ringuette : En ce qui concerne le forage du pergélisol, est-ce que cela a été tenté? Des expériences sont- elles faites?
M. Whittaker : Il y en a et, encore une fois, je peux m'informer pour vous, parce que je n'ai pas de précisions sous la main. De plus, TDDC n'est pas tellement engagée dans la géothermie, parce que, en général, la technologie a atteint le stade de la commercialisation. Elle existe déjà. Dès ce moment, elle cesse d'être de notre ressort d'investisseur. Elle figure sur la liste, ici, en raison, simplement, de sa viabilité. On l'utilise. Si on peut résoudre le problème de l'acceptabilité du forage du pergélisol, qui ne présente pas de difficulté technique, on pourra l'appliquer.
La sénatrice Ringuette : Il ne s'agit pas ici de forer un trou tous les 10 pieds. Pourquoi n'existe-t-il pas de plan stratégique fédéral pour l'investissement dans la géothermie par rapport aux subventions actuelles de l'énergie dans le Nord?
M. Whittaker : L'argent mène le monde, et la plupart des investisseurs privés se sont amourachés du solaire et de l'éolien à cause de la taille des marchés. Si vous regardez la quantité d'énergie nécessaire, ce n'est pas une étude de rentabilisation d'envergure planétaire. Voilà le problème.
La sénatrice Ringuette : Vous êtes très pris dans ce dossier. Je comprends que votre premier intérêt soit les technologies nouvelles, mais, cela étant dit, si la géothermie et l'éolien sont les filières énergétiques les moins coûteuses et les plus fiables et qu'on puisse satisfaire aux exigences et employer la technologie dans le Nord, qui serait chargé de communiquer au gouvernement fédéral une analyse de rentabilisation qui permettrait d'appliquer ces filières dans les communautés nordiques, au lieu de subventionner, d'une année à l'autre, les coûts de l'énergie?
M. Whittaker : Vous avez posé une question à double volet. La géothermie est une option énergétique de base destinée principalement au chauffage. Elle ne répond donc pas à la totalité des besoins, mais elle fournit une énergie de base qui répond à un bon nombre d'entre eux. Dans la filière biomasse, nous faisons actuellement cette analyse de rentabilité, qui s'insère dans le dossier des solutions pour des communautés autonomes. J'ai rangé les filières éolienne, solaire et d'autres à la droite du graphique et je les ai qualifiées d'intermittentes. Elles sont dans une catégorie différente. Leur coût est faible quand la ressource est en fait disponible. Le vent ne souffle pas sans arrêt, et le soleil ne brille pas tout le temps. Dans le Nord, nous le savons particulièrement bien.
Dans le cas de l'éolien, il faut vaincre des difficultés différentes. Vous en avez peut-être entendu parler. Cela fonctionne très bien quand on peut entretenir les systèmes et monter des turbines éoliennes assez grosses, pour obtenir des économies d'échelle. Les exploitations minières sont idéales pour cela. Les petites communautés, pas tellement, si on est aux prises avec le givrage des pales et ce genre de problèmes. Inutile de penser à faire venir une grue à Cambridge Bay ou dans d'autres localités. Cela limite donc les possibilités réelles qu'offrent les filières énergétiques renouvelables intermittentes. Nous avons presque rangé ces technologies comme technologies d'appoint à la filière de base.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Votre témoignage est très éclairant, comme le disaient mes collègues.
J'aimerais surtout vous parler de recyclage. J'ai été cadre supérieur au ministère de l'Environnement du Québec pendant 15 ans. Au cours des 10 ou 15 dernières années, il y a eu des progrès immenses dans le domaine de la revalorisation de la biomasse et des déchets pour en faire des énergies nouvelles. Vous dites que là-bas, il y a un problème de gestion de déchets à cause du type de climat. On ne peut pas produire à long terme des biogaz comme on le fait dans le sud, notamment à Sherbrooke, où l'on produit une grande quantité de biogaz dans les anciens sites d'enfouissement afin de faire fonctionner des génératrices.
Vous dites que 25 p. 100 de l'énergie pourrait provenir de la récupération de la biomasse ou des déchets, sans doute aussi des usines d'épuration des eaux, des boues solides. Y a-t-il des projets de cogénération ou de centrales comme à Lévis, où l'on brûle les déchets pour en faire de l'énergie?
Y a-t-il de tels projets en place à l'heure actuelle qui pourraient être des substituts à la production de diesel?
[Traduction]
M. Whittaker : La principale question sur la cogénération est excellente et, en fait, nous la proposons comme solution intégrée, électricité et chaleur. Soixante pour cent de nos besoins d'énergie sont sous forme de chaleur. Le reste, quarante pour cent, est de l'électricité, d'après la moyenne de l'utilisation de l'énergie dans le Nord. On a aussi besoin d'eau propre. Nous envisageons donc une cogénération à trois éléments : la chaleur, l'électricité et l'eau propre produite par le processus, parce que l'eau libérée par les ordures ménagères peut être purifiée à un degré qui la rend utilisable.
Ce que j'appelle donc « cogénération », nous l'envisageons absolument, et nous en dévoilerons des éléments, cette année, à Cambridge Bay.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : En ce qui concerne la gestion des déchets dans les collectivités, c'est-à-dire les déchets domestiques aussi bien que les boues et les eaux usées, y a-t-il une méthode mise en place pour stocker ces matières afin de les utiliser éventuellement comme biomasse dans le cadre de projets de recyclage?
[Traduction]
M. Whittaker : Excellente question! Et je pense que le problème de l'incendie dans un site d'enfouissement dont le sénateur Patterson a parlé est un exemple classique de la perte de maîtrise de l'accumulation d'ordures ménagères. Nous ne préconisons pas l'accumulation des ordures, mais leur traitement local, un peu comme on le fait pour la vaisselle sale dans un lave-vaisselle. Quand il est plein, on appuie sur un bouton. Pour les ordures, c'est la même chose et on en retire de l'énergie, et le problème est réglé. C'est une méthode beaucoup plus viable que d'en charger un navire pour qu'elles servent de source de combustible. Il existe des méthodes d'un meilleur rendement énergétique, d'une plus haute teneur énergétique, pour produire plus d'énergie dans le Nord grâce à la navigation maritime par opposition à l'envoi d'ordures ménagères dans cette région. C'est une possibilité, mais je pense que les inconvénients sont très importants.
Le président : Merci, sénateur Boisvenu. La séance tire à sa fin. Un autre comité s'en vient. J'ai quelques petites questions.
À la diapo 5, on voit que vos investissements dans 246 projets totalisent 598 millions de dollars. Est-ce le total depuis 2002?
M. Whittaker : Oui.
Le président : Sur ces 598 millions, vous en avez investi 13 dans le Nord. Est-ce exact en ce qui concerne le sujet de la discussion?
M. Whittaker : Oui.
Le président : Je vois maintenant. Je tiens à vous poser quelques autres questions sur la comparaison des filières énergétiques dans le Nord, aux diapos 14 et 15.
Comment calcule-t-on ces coûts? Prenons le Nunavut, par exemple, et le coût de la filière biomasse ou charbon ou géothermie ou toutes celles que vous nous avez rangées avec le diesel. C'est le coût. J'utilise Iqaluit comme exemple. C'est le coût dans cette région?
M. Whittaker : Pour le calcul nous avons pris la moyenne des communautés éloignées du Nord, compte tenu des coûts d'investissement, le cas échéant, de transport, d'exploitation, d'entretien, d'un coefficient mixte de « capacité » — qui tient compte de la fiabilité et de la fréquence de disponibilité — et des coûts du carburant, tout à la fois.
C'est tiré de diverses sources, y compris notre propre portefeuille. Nous avons obtenu des chiffres réels sur les sociétés canadiennes qui présentent ces types de chiffres. On tient compte aussi de sources internationales et de certains producteurs d'électricité qui ont aussi effectué le calcul et l'analyse de la même situation. Nous avons mis tout cela ensemble et avons produit un ensemble de coûts de base, que vous voyez ici.
Le président : D'accord. Il serait donc facile d'utiliser le diesel, simplement parce qu'on l'utilise déjà là-bas. Je suis étonné que le charbon ne soit qu'à 100 $, malgré le transport.
M. Whittaker : En effet, il faut le transporter.
Le président : Tout comme le combustible diesel.
Je m'interroge sur certains chiffres. Revenons à une question antérieure, sur la géothermie ou l'éolien. Je suis d'accord avec votre explication, mais, dans le cas de la géothermie, pour produire de l'électricité avec de l'eau chaude, il faut frapper le point stratégique où se trouve cette eau chaude.
M. Whittaker : Vous avez raison. C'est pour la chaleur.
Le président : En ce qui concerne le forage du pergélisol, nous avons visité une mine à 350 pieds de profondeur, dans le pergélisol. Je ne pense donc pas qu'il pose un problème. Le problème c'est qu'il n'y a rien de chaud dans le pergélisol qui permettra le recyclage continu de l'eau chaude dans une habitation.
M. Whittaker : Je voulais dire que ce n'est pas un problème technique : n'importe qui peut creuser à une grande profondeur. C'est une question d'acceptabilité. Est-ce que, dans une communauté, on accepte le forage au travers du pergélisol? C'était la question. Techniquement, rien ne l'empêche.
Où la ressource se trouve-t-elle? C'est la principale question. Si elle se trouve partout, parfait! Si le forage ne permet pas de trouver de chaleur, c'est un problème différent.
Le président : D'accord. L'éolien se situe lui aussi à 100 $. D'après mon expérience, c'est plus que cela, chez moi, dans le sud de la Colombie-Britannique. J'ignore comment vous pouvez obtenir de l'énergie éolienne à 100 $ le mégawattheure à Iqaluit, alors que le même coûte 110 $ dans le sud de l'Alberta, en ce moment même.
Ensuite, le nucléaire est à 100 $. Je pense que tous voudraient d'une centrale qui reviendrait à 100 $. Questionnez l'Institut C.D. Howe, et il aura tôt fait de vous répondre que les nouvelles centrales reviennent à 120 $ à 140 $ le mégawattheure dans le sud de l'Ontario. À moins que je ne comprenne pas votre graphique, expliquez-moi comment vous pouvez réussir à le faire pour 100 $ à Iqaluit? Les chiffres sont les chiffres.
M. Whittaker : Le graphique masque certains détails. Je suis heureux de pouvoir vous expliquer.
En ce qui concerne l'éolien et les observations que je faisais au sujet du graphique, la filière ne s'applique pas, à cause de tous les autres problèmes connexes. On obtient ce coût quand le vent souffle et quand il ne provoque pas de givrage.
Le président : Je comprends.
M. Whittaker : C'est le problème.
Il y a du nouveau dans le nucléaire. De nouvelles techniques permettent de construire de petites centrales. Le nucléaire ne figure plus dans la diapo 15, simplement parce que l'addition de certains des autres facteurs ne permet pas d'obtenir ce coût. Les coûts de la main-d'œuvre, là-bas, sont excessifs.
Le président : Exactement. Alors, ces chiffres?
M. Whittaker : Ils ne s'appliquent pas.
Le président : Cela répond à cette question.
Au sujet de la nouvelle technologie, l'incinération des ordures, l'Europe s'en sert et vous dites qu'elle s'en sert depuis assez longtemps. Aujourd'hui, la technologie permet une combustion très propre. Vous dites que les ordures s'accumulent et qu'elles ne réagissent pas comme dans le sud du Canada. Je comprends, parce qu'elles restent gelées.
Ne serait-il pas avantageux de les brûler pour produire de l'électricité? D'abord, si elles polluent l'eau potable, on règle ainsi de ce problème; ensuite, on peut se débarrasser des ordures qui continueraient de s'accumuler encore 100 ans, jusqu'à ce que quelqu'un entreprenne de les éliminer.
Vous avez dit qu'on ne s'arrêterait pas à cette idée. Je tiens à l'examiner un peu mieux — à moins que je vous aie mal compris.
M. Whittaker : Permettez-moi une précision. Je pense que le traitement des ordures, dans le Nord, est très important. C'est un élément très important du problème de l'énergie ainsi que de celui de la pollution des terres et des eaux qu'affrontent les habitants de la région. Le traitement des déchets est absolument indispensable. On n'a pas le choix.
Je disais cependant qu'il faut être prudent dans le choix des types de technologies. Je dis donc au comité : Pour l'incinération, d'après le graphique, les coûts sont formidables, si, en fait, on peut l'appliquer dans le Nord. La différence entre les diapos 14 et 15 est que, quand on tient compte des aspects pratiques, on fait sauter certaines filières. C'est ainsi que disparaît le nucléaire.
Le président : Presque toutes les filières, sauf celles-ci.
M. Whittaker : Vous avez raison. Beaucoup de ces options disparaissent presque.
Parmi les nouvelles solutions, la biomasse est prometteuse, parce que, effectivement, il faut la transporter par bateau, mais on peut le faire à une forte densité, comparable à celle du diesel, sans les risques associés à la manutention et à l'entreposage. On a donc une analyse de rentabilité mieux justifiée.
Si, pour les ordures, particulièrement, il faut des opérateurs qualifiés et de l'équipement antiémissions sophistiqué, cela ruine l'analyse de rentabilité pour le Nord. La technique fonctionne en Suède, mais pas dans le Nord canadien.
La gazéification évite ces pièges. C'est pourquoi nous penchons davantage vers elle que vers l'incinération.
Le président : Notre temps est écoulé. Un autre comité s'en vient, mais je suis sûr que ces messieurs seront disponibles pour poser des questions.
Merci beaucoup d'être venu. Vous nous avez communiqué des renseignements très intéressants et très instructifs dans votre exposé.
M. Whittaker : Merci de m'avoir invité.
(La séance est levée.)