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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 17 - Témoignages du 30 octobre 2014


OTTAWA, le jeudi 30 octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour effectuer l'étude sur le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de Colombie-Britannique au Sénat et je suis le président de ce comité. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public ici présents ainsi qu'aux gens des quatre coins du pays qui nous regardent à la télévision. Ces séances du comité sont ouvertes au public et accessibles en webdiffusion sur le site sen.parl.gc.ca, où on peut également trouver de plus amples renseignements sur l'horaire des témoignages dans la section des comités sénatoriaux.

Je demanderais maintenant aux sénateurs autour de la table de se présenter. Je commencerai par présenter le vice-président, le sénateur Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur Massicotte : Merci.

Le sénateur McIntyre : Sénateur Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l'Alberta.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Black : Doug Black, de l'Alberta

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Merci. Je voudrais également présenter notre personnel. À ma gauche se trouvent Lynn Gordon, notre greffière, ainsi que Sam Banks et Marc LeBlanc, les deux analystes de la Bibliothèque du Parlement.

Le 4 mars 2014, le Sénat a autorisé notre comité à entreprendre une étude sur le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes. À Ottawa, le comité a tenu de nombreuses séances au cours desquelles il a entendu des témoins traiter du sujet. En mai dernier, nous nous sommes rendus dans les trois territoires du Nord du Canada afin de tenir des séances privées et de visiter des sites.

Au cours de la première partie de notre séance d'aujourd'hui, nous aurons le grand plaisir de recevoir Tim Weis, directeur régional de l'Alberta à l'Association canadienne de l'énergie éolienne. Monsieur Weis, je vous remercie de comparaître aujourd'hui et d'avoir modifié votre horaire de voyage pour pouvoir témoigner en personne. Nous vous en sommes très reconnaissants. Je crois comprendre que vous avez un exposé à présenter. Nous vous poserons ensuite quelques questions. La parole est à vous, monsieur.

[Français]

Tim Weis, directeur régional de l'Alberta, Association canadienne de l'énergie éolienne : Je suis heureux de comparaître devant le comité aujourd'hui pour discuter des éoliennes dans le Nord. Je ferai ma présentation en anglais.

[Traduction]

Merci beaucoup de m'avoir invité à témoigner et de me donner l'occasion de parler de l'énergie éolienne, en particulier dans les communautés éloignées et du Nord. J'ai un diaporama, que vous avez tous en main, je présume.

Je travaille pour l'Association canadienne de l'énergie éolienne, qui est l'association industrielle représentant l'industrie de l'énergie éolienne au Canada. Elle compte 280 membres qui travaillent dans les domaines du développement, de la fabrication, des services et de l'exploitation.

À la diapositive 3, vous pouvez voir avec quelle rapidité l'industrie a pris de l'expansion au cours des 10 dernières années. Elle est passée d'une puissance installée de quelque 300 mégawatts à une capacité installée de plus de 10 000 mégawatts cette année au pays. Voilà à quelle vitesse l'industrie croît.

Hier soir, nous avons tenu notre conférence annuelle, et j'ai passé la semaine à Montréal. C'était le 30e anniversaire de notre association. C'est avec satisfaction que nous avons regardé le chemin parcouru et constaté à quel point l'industrie avait grandi, et vu la quantité réelle d'énergie produite grâce au vent. Près de 5 p. 100 de l'approvisionnement en électricité est issu du vent au Canada. J'assiste à ces conférences depuis 15 ans. Même si l'industrie a réalisé beaucoup de progrès en ce qui concerne l'approvisionnement à grande échelle et les réseaux publics, nous discutons encore des sujets dont je parlais il y a 15 ans au sujet des communautés éloignées hors réseau. Nous accusons encore un retard considérable en ce qui concerne l'approvisionnement à petite échelle.

J'ai étudié en génie mécanique. J'ai été en Alberta pour effectuer des recherches sur la formation de glace sur les hélices de turbines, puis je suis parti à Rimouski pour faire un doctorat dans des communautés hors réseau. J'aime raconter mon histoire parce que je m'intéressais aux problèmes techniques et au génie mécanique. C'est un domaine dans lequel je voulais travailler. J'avais fait la moitié de mon doctorat quand je me suis rendu compte que le problème ne venait pas de la technologie, mais des politiques. Nous disposons de la technologie et des assises technologiques, mais nous n'avons pas les politiques ou l'aspect économique qu'il faut pour faire fonctionner ces projets. Je raconte mon histoire pour vous donner une petite idée de mon parcours, mais aussi pour souligner que nous avons les technologies en place pour réaliser nos projets si seulement nous disposons des politiques adéquates.

Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il existe au Canada et dans le Nord de nombreuses communautés éloignées, dont un grand nombre dépendent du diesel, un carburant onéreux qui présente de plus en plus de défis. Dans le cadre de mon travail, je me suis rendu dans au moins 20 de ces communautés. Je sais que quelques-unes, particulièrement dans le Nord du Manitoba, ont des problèmes parce que la route de glace est impraticable. Quand les températures sont plus clémentes, ce sont le coût et la fiabilité de l'approvisionnement qui exposent ces communautés à des risques.

Je tiens à souligner, à droite de la carte, que RNCan a accompli un excellent travail afin d'aider à constituer une base de données sur toutes les communautés éloignées afin d'assurer le suivi quant à leur approvisionnement en énergie. RNCan a accompli là un travail de base très important.

Je me suis rendu dans un grand nombre de ces communautés et j'ai passé du temps dans au moins 20 d'entre elles. Je me sens toujours penaud quand je parle en leur nom, en particulier quand il s'agit des Premières Nations. À la diapositive 6, j'énumère les raisons pour lesquelles on envisageait des solutions de rechange et on m'a fait venir pour traiter de ces questions. Les coûts sont un problème à long terme. Je ne pense pas que cela soit une surprise. Il faut tenir compte du coût du diesel et de son importation. Les déversements étaient une préoccupation constante, qu'elles aient lieu lors de déchargement ou en raison de fissures dans les citernes. Ces déversements peuvent être dommageables pour l'eau, les édifices ou le sol.

Les pénuries constituent un problème particulier dans bien des communautés, quand la route de glace est impraticable et qu'il faut faire venir le carburant par voie aérienne pour l'année. Il y a aussi l'autosuffisance, bien évidemment, et le besoin ou l'intérêt qu'il y a à être indépendant au chapitre de l'énergie ou, au moins, à moins dépendre de l'importation de carburant d'autres régions du pays.

J'aimerais souligner un point à la prochaine diapositive, la septième. Je suis bien entendu ici pour représenter l'industrie de l'énergie éolienne, mais il existe toutes sortes de solutions qui peuvent aider. On trouve évidemment des solutions appropriées dans diverses communautés, qu'il s'agisse d'énergie solaire, hydroùlectrique ou éolienne ou de la biomasse. Il est évident que l'efficacité énergétique est sensée dans toutes les communautés du Canada, pas seulement dans le Nord.

À la diapositive 8, je veux mettre en lumière quelques points. Les recherches sont en cours depuis belle lurette dans ce domaine. Il est question d'alimenter des communautés par couplage éolien-diesel, et la documentation à ce sujet remonte aux années 1980. Hydro-Québec et RNCan figurent parmi les pionniers du développement de cette technologie. Malheureusement, nous avons pris de l'arrière et n'avons jamais été vraiment capables de déployer cette technologie au Canada. Mais l'Alaska, en particulier, a fait de la rétro-ingénierie pour une bonne partie des travaux que nous avons effectués, et 25 systèmes de couplage éolien-diesel y alimentent maintenant des communautés éloignées. Tout cela est parti d'une technologie canadienne. Des Canadiens ont été en Alaska pour réaliser ces projets, et maintenant que cela fonctionne, on exporte cette technologie et ce savoir-faire initialement canadiens.

Les communautés éloignées, notamment celles alimentées par des systèmes de couplage éolien-diesel, pullulent maintenant, et il existe un marché immense pour ces systèmes hybrides, pas seulement au Canada. C'est une technologie que nous pouvons favoriser à l'échelle locale, dans nos communautés éloignées, mais il y a des marchés pour cette technologie dans toutes les régions au monde. L'Australie, par exemple, compte de nombreuses communautés éloignées hors réseau qui se trouvent dans les situations semblables aux nôtres. Des projets sont en cours dans les deux Corées, dans les Antilles et en Afrique. L'Antarctique comprend deux systèmes de couplage éolien-diesel fonctionnels. Vous pouvez voir que celui-ci, à droite, est en ligne et fonctionne depuis 10 ans. Quand j'ai cliqué sur cette diapositive pour préparer cet exposé, il fonctionnait à l'énergie éolienne 86 p. 100 du temps. Il n'est pas nécessaire d'envisager ces projets à petite échelle. Nous pouvons agir à grande échelle. Si nous pouvons le faire en Antarctique, nous pouvons certainement le faire au Canada.

C'est ce que montre la diapositive 9. Ce sont toutes des communautés déjà alimentées ainsi en Alaska. Il s'y trouve 25 communautés ayant des systèmes de couplage éolien-diesel fonctionnels; du moins, c'était le cas la dernière fois où j'ai vérifié. Au moins 10 autres projets sont en préparation.

Vous vous êtes évidemment rendus dans le Nord du Canada. Il n'y a pas beaucoup de projets fonctionnels, mais on en trouve dans bien des pays du monde. Si vous avez l'occasion d'aller dans le Nord, je vous encouragerais, la prochaine fois, de vous rendre en Alaska pour voir les réalisations et les progrès qu'on y fait, notamment au chapitre des systèmes de couplage éolien-diesel.

En ce qui concerne la diapositive suivante, je ne m'attarderai pas aux détails techniques. L'important, c'est la ligne bleue avec les points montrant l'utilisation du diesel. En bas, la fine ligne noire représente l'énergie éolienne dans ses systèmes. Voilà qui montre qu'on peut obtenir de très hauts niveaux d'énergie éolienne.

La difficulté — et c'est là le domaine de recherche qui m'intéressait initialement —, c'est de savoir comment on peut obtenir des niveaux vraiment très élevés d'énergie éolienne. Il est évident qu'il y a parfois trop de vent. Que faire en pareil cas? C'est un défi, que nous pouvons toutefois relever. Nous y sommes déjà parvenus en Alaska et en Antarctique. On peut faire des gains substantiels. Il ne s'agit pas d'économies de 5 ou 10 p. 100, mais d'une diminution pouvant aisément atteindre 50 p. 100 de la consommation de diesel grâce à l'énergie éolienne seulement. Si on commence à ajouter l'énergie solaire et la haute efficacité énergétique, on peut réaliser des gains considérables à cet égard.

Les obstacles sont propres aux communautés éloignées, qui sont confrontées à des difficultés particulières. La capacité financière est évidemment un problème pour les communautés éloignées, non seulement pour payer le système à long terme, mais surtout pour avoir accès au financement initial afin de pouvoir financer les projets. C'est un défi constant. Je pense que les communautés sont intéressées à être propriétaires des projets et à en faire partie pour que ce ne soit pas tout simplement quelqu'un venu d'une autre région du pays qui s'en charge.

Il peut être difficile d'avoir la capacité humaine pour entretenir et réparer le matériel une fois qu'il fonctionne. Il est particulièrement intéressant de noter qu'en Alaska, on s'en sort bien parce qu'il s'y trouve tellement de communautés que si un ou deux hommes déménagent ou que des techniciens quittent la ville, il y a toute une flotte de gens maintenant. Nous devons donc envisager les choses à grande échelle. Mieux vaut ne pas procéder par projets ponctuels parce que cela peut souvent dépendre d'un technicien ou d'une personne. Nous devons penser à grande échelle afin que l'apprentissage se fasse dans le Nord pour que ce dernier dispose d'un savoir-faire qui lui est propre afin de ne pas avoir à faire venir des gens par avion d'autres régions du pays.

La logistique est problématique, particulièrement dans les territoires où on transporte le matériel par barges. C'est un problème important, mais surmontable. Ici encore, je donnerai un exemple intéressant en Alaska. Il est parfois très difficile d'acheminer une grue vers les communautés dotées de certains types d'éoliennes, mais l'Alaska a réalisé tant de projets maintenant qu'il a acheté des grues et n'a plus besoin d'en faire venir par barge. Il les garde à l'année et peut les déplacer d'une communauté à l'autre. Si on agit à grande échelle ou qu'on y réfléchit bien, on peut surmonter certains de ces problèmes de logistique et, une fois de plus, réaliser les économies d'échelle que j'ai évoquées.

Je passerai à la diapositive 12 et à certaines des recherches que j'ai effectuées par le passé, notamment un document écrit pour Agriculture Canada il y a quelques années. Nous avons étudié d'autres pays du monde qui ont réussi à déployer des solutions de rechange dans des communautés éloignées, et voici certaines des principales leçons que j'en ai tiré.

Si nous voulons implanter des solutions de rechange dans les communautés éloignées, nous devons cibler ces communautés. Il est peu probable que les politiques qui fonctionnent dans le Sud soient adoptées dans le Nord. Il y a quelques années, l'Association canadienne de l'énergie éolienne a proposé un programme d'encouragement à la production d'énergie éolienne dans le Nord. C'est une idée qui est sur la table, mais ce n'est certainement pas la seule.

Il importe également d'avoir des fonds pour effectuer des études de faisabilité. Les communautés éloignées sont confrontées à des contraintes financières et à d'autres préoccupations; il est donc important qu'elles obtiennent des capitaux de démarrage. Je veux insister sur le fait qu'il faut penser au-delà des projets pilotes. Il y a une poignée de projets pilotes au Canada, et je pense que l'Australie et l'Alaska ont réussi parce qu'elles ont vu plus grand. Si on procède par projets ponctuels, l'aspect économique peut être vraiment problématique, car si quelque chose ne tourne pas rond, il faut faire venir quelqu'un du Sud pour effectuer les réparations. Du point de vue économique, c'est difficile. Si nous souhaitons sérieusement agir à cet égard, nous devons envisager de le faire à grande échelle plutôt que dans le cadre de projets ponctuels, et réfléchir à la manière d'assurer la viabilité économique de ces types de projets.

Je crois avoir déjà traité de l'accès aux capitaux. Il faut ensuite avoir une politique adaptable qui sera prévisible pour les communautés éloignées. Ces projets prennent du temps, et si les politiques n'accordent qu'un, deux ou trois ans, les choses ne seront pas faciles pour les communautés qui ont besoin de plus de temps pour réaliser les projets. Elles ont besoin de quelque chose de prévisible à long terme.

Ici encore, simplement pour souligner ces points de nouveau, la stabilité est importante dans l'élaboration de politiques dans ce domaine. Il faut que le processus soit transparent et aisément accessible pour les communautés et les promoteurs.

Le seul point de la diapositive 13 dont je n'ai pas déjà parlé, c'est le fait qu'il faut vraiment que cela s'inscrive dans un objectif global. Ce n'est pas en agissant dans une communauté par-ci par-là qu'on réussira, selon nous; il faut orienter le nord tout entier vers un avenir plus viable et économique. C'est un point important à garder à l'esprit quand on élabore des politiques.

Le dernier point que je veux aborder figure à la diapositive 14. Il s'agit d'une conférence que j'ai contribuée à organiser à Toronto il y a environ un an. J'ai acheté de la publicité pour cette conférence. On en organise une autre; le site web n'est donc plus à jour. Prenez cette page Web et ajoutez-y 2015 à la fin. On organise une autre conférence sur les communautés éloignées à Yellowknife cette année, alors si vous vous intéressez à la toute dernière technologie, il en sera question lors de cette conférence. Si je vous parle de cette activité, c'est parce qu'elle a lieu entièrement en ligne. Des gens de l'Alaska et de toutes les régions du monde se réunissent et discutent de ce qu'il se passe. C'est une bonne ressource pour les projets réels et certaines des difficultés auxquels les communautés sont confrontées.

J'espère que ce diaporama vous donne un bref aperçu de ma position et de mon point de vue sur la question. Je tiens à souligner que nous avons une technologie qui fonctionne. Des projets sont en ouvre en Alaska ou dans l'Antarctique depuis 10 ans; nous n'en sommes donc plus à l'étape des projets pilotes. Il n'y a rien de mal à faire quelques projets de démonstration et à réduire les coûts, mais nous devons réfléchir à la manière dont nous pouvons utiliser ces projets de démonstration pour déployer cette technologie à grande échelle. Nous devons voir au-delà des initiatives ponctuelles et des projets pilotes. Il est temps que le Canada se rattrape. C'est un domaine où nous étions experts à une certaine époque, mais force nous est d'admettre que nous avons perdu du terrain. C'est une occasion pour nous et les communautés éloignées de contribuer à réduire les coûts et la pollution à long terme.

Je vous remercie de nouveau de m'avoir invité à témoigner. Je répondrai à vos questions avec plaisir.

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Weis, de comparaître devant nous. Votre exposé était fort instructif et nous a permis d'en apprendre sur le sujet.

En résumé, vous dites que ce n'est pas la technologie, mais autre chose qui pose un problème. Je me doute que c'est surtout une question d'argent, et je pense que vous en avez parlé. Si c'est l'argent, vous dites que sans subvention, le coût de l'énergie éolienne est trop élevé et qu'il faut donc accorder des subventions pour qu'il soit plus faisable de mettre en ouvre des systèmes dans les communautés. Est-ce un bon résumé?

M. Weis : Non. Je suis désolé. J'ai peut-être laissé la mauvaise impression. Tout d'abord, je tiens à ce qu'il soit clair que les communautés éloignées et les grandes villes branchées au réseau sont complètement différentes. Les points que je soulève au sujet des communautés éloignées ne concernent pas la production d'énergie éolienne à grande échelle, laquelle pourrait être une des sources économiques de nouvelle technologie. Je tiens à ce que soir clair.

Pour ce qui est des politiques dont je parle et du soutien nécessaire, nous avons découvert, dans le cadre de nos études, que les communautés économiseront de l'argent à long terme et que les projets peuvent être économiques. L'ennui, c'est qu'elles ne peuvent obtenir de financement initial pour réaliser les projets. Elles établissent leur budget d'une année à l'autre et doivent acheter ces infrastructures pour 10 ou 20 ans. Elles ont besoin de soutien au chapitre des coûts en capital et de financement, mais à long terme, la technologie devrait permettre d'économiser de l'argent. Le potentiel du soutien financier dont je parle ne sera pas un coût à long terme. Cela devrait permettre au gouvernement fédéral de réaliser des économies.

Le sénateur Massicotte : Mais c'est toujours une question d'argent, je suppose. Vous dites qu'on peut oublier les coûts en capital, mais si on le fait, on peut oublier tout ce qui entoure les coûts d'infrastructure.

M. Weis : Je parle des coûts de financement.

Le sénateur Massicotte : N'est-ce pas la même chose? L'utilisation d'une automobile s'accompagne de coûts en capital, de financement et d'exploitation. Techniquement, c'est une subvention. Si l'utilisateur ne peut payer ces coûts, pourquoi les contribuables canadiens devraient-ils les assumer?

M. Weis : Je dis que c'est pour que les communautés aient la capacité d'obtenir le capital. Ce ne sont pas les coûts en capital comme tels. C'est vraiment difficile pour les communautés éloignées, des Premières Nations dans bien des cas, car elles n'ont pas de capitaux propres à offrir en contrepartie — on ne peut hypothéquer le bureau de la bande — ou elles doivent investir dans d'autres priorités. Elles n'ont pas tant besoin d'obtenir une subvention que d'avoir accès au capital. Voilà ce que je veux faire comprendre.

Je devrais indiquer clairement que dans le contexte canadien, étant donné que nous partons de zéro, une poignée de projets initiaux pourraient avoir besoin de soutien supplémentaire jusqu'à ce qu'ils puissent fonctionner. Il y a probablement une différence entre ces projets initiaux et les projets à plus long terme, mais comme nous l'avons vu dans d'autres pays, ces projets à long terme se traduisent par des économies.

Le sénateur Massicotte : Si on prend tous les coûts inclus, sans la moindre forme de subvention, combien coûterait l'énergie éolienne par rapport au diesel dans les communautés éloignées du Nord?

M. Weis : Il est difficile de donner une réponse, car les communautés éloignées du Nord de l'Ontario diffèrent de celles du Labrador ou...

Le sénateur Massicotte : Disons le Nunavut ou les Territoires du Nord-Ouest.

M. Weis : Même ainsi, si on compare Tuktoyaktuk et Paulatuk, par exemple, l'une a une route alors que l'autre n'en a pas.

Le sénateur Massicotte : Choisissez une grande communauté qui a une population. Il n'y en a que deux ou trois.

M. Weis : C'est là l'autre problème. Cela dépend de la taille de la communauté et des ressources éoliennes. Je ne peux donner de réponse satisfaisante. J'ai l'impression de me défiler. Cela dépend de la communauté concernée, de la logistique, soit la présence d'une barge ou d'une route de glace, et de la taille de la communauté. Sincèrement, dans mon cas, c'est la vitesse du vent qui importe. Je ne peux vous donner de réponse satisfaisante, et il est évident qu'on a besoin d'un certain vent pour que cela fonctionne.

Le sénateur Black : Monsieur Weis, merci beaucoup de témoigner. Cela nous aide. J'ai besoin que vous m'aidiez à comprendre parce j'aime ce que vous dites et la direction que vous prenez. Aidez-moi et aidez les communautés à comprendre exactement la teneur de ce que vous proposez. Prenez une communauté, peu importe laquelle. Que proposez-vous? Que doit faire le gouvernement du Canada pour faire en sorte que cela fonctionne?

M. Weis : Du point de vue des politiques, le programme proposé, l'idée que nous avons élaborée s'appelle le programme d'enragement à la production d'énergie éolienne en région éloignée...

Le sénateur Black : Peu importe.

M. Weis : Ce que nous demandons finalement, c'est une politique permettant d'avoir accès à du capital initial, parce que c'est un des principaux obstacles; il faut toutefois qu'il soit accessible à long terme afin d'aider les communautés à financer les projets pour qu'elles puissent en assurer le fonctionnement une fois qu'ils sont construits. On peut s'y prendre de toutes sortes de façons. Nous avons proposé initialement de faciliter l'accès au capital afin d'aider à payer le projet pour commencer, puis d'offrir des incitatifs à la production à long terme. Il existe d'autres manières, avec les prêts renouvelables et l'accès au capital.

Nous devons réfléchir à la question, pas nécessairement aux détails de la politique, mais à la manière d'élaborer une politique porteuse de viabilité à long terme pour ces types de projets. À cette fin, il faudra probablement doter trois ou quatre communautés de systèmes fonctionnels, ce qui coûtera probablement un peu plus que pour les communautés subséquentes. Réalisons quelques projets de démonstration, éliminons les problèmes et envisageons d'établir un bassin de capitaux pour permettre à la prochaine communauté d'aller de l'avant et pour disposer de financement dans l'avenir afin que les communautés sachent qu'elles peuvent compter là-dessus.

Le sénateur Black : Comme l'a indiqué le sénateur Massicotte — dont je ne conteste absolument pas les propos —, c'est une question d'argent. Il faut des fonds pour le démarrage des projets, le financement et les activités courantes. C'est bien cela?

M. Weis : Oui, il faut avoir des fonds disponibles. Mais comme je l'ai fait remarquer, à long terme, puisque le carburant diesel est dans bien des cas subventionné ou payé par le gouvernement fédéral, il y a des économies à la clé. Voilà où on en arrive au final.

Le sénateur Black : Pourquoi est-ce que cela a fonctionné en Alaska, selon vous?

M. Weis : Il y a deux ou trois raisons. C'est notamment parce que le gouvernement a investi, mais les quelques projets initiaux qui y sont opérationnels coûtent plus d'argent. Certains ont connu un succès mitigé et d'autres ne se sont pas révélés entièrement réussis ou économiques à long terme, mais on a résolu les problèmes.

Le sénateur Black : Je présume que l'État de l'Alaska et le gouvernement des États-Unis ont considérablement financé cette initiative en Alaska.

M. Weis : C'est effectivement le cas.

La sénatrice Seidman : Vous avez évoqué les défis et les obstacles, et nous avons beaucoup parlé d'argent autour de la table. J'aimerais vous demander quel autre élément pourrait aussi poser un problème.

Je vais vous lire une phrase figurant sur le site web de Santé Canada :

Le succès et la viabilité de l'énergie éolienne au pays et ailleurs dans le monde dépendent de notre compréhension des effets possibles sur la santé et des inquiétudes des collectivités.

Il n'y a donc aucun doute. Il n'existe pas beaucoup de données scientifiques à cet égard, mais de nombreuses études sont en cours au sujet des effets du bruit des éoliennes sur la santé. C'est un problème de taille, d'autant plus que nous envisageons d'utiliser des éoliennes dans le Nord, où le bruit ambiant est presque inexistant dans les communautés. Si on ajoute une éolienne, ce bruit est bien plus évident qu'il ne le serait dans une communauté urbaine.

Comment les membres de votre association composent-ils avec les problèmes soulevés au sujet des effets sur la santé? Avez-vous pensé à des manières de travailler avec les parties prenantes et les communautés pour mieux faire accepter cette technologie, dans le cadre d'un permis social, par exemple?

Vous avez parlé de l'Australie, où un très important projet d'étude est en cours au sujet du permis social et des éoliennes. Ce type d'étude contribue-t-il à la réussite que connait ce pays parce qu'il admet l'importance de cet aspect?

M. Weis : Il m'est difficile de répondre d'une certaine manière, parce que les machines à grande échelle installée plus au sud se trouvent dans un contexte très différent de celui dont nous parlons dans les communautés rurales. La technologie est vraiment différente et, d'une certaine manière, les problèmes le sont aussi. Dans les communautés de l'Alaska où je me suis rendu, je n'ai jamais eu vent de telles préoccupations, sincèrement. Dans le Nord, c'est potentiellement un problème différent.

En Australie, je parle des communautés hors réseau situées à l'intérieur des terres. Il s'agissait de communautés éloignées et non de développement à grande échelle.

C'est une question dont nous avons une conscience aiguº et que nous prenons au sérieux. Je dirais toutefois qu'il existe beaucoup de données scientifiques à ce sujet. Au moins 17, 18 peut-être 19 études ont maintenant été réalisées sur les effets sur la santé. Je n'ai pas l'information avec moi aujourd'hui, mais je vous la communiquerais avec plaisir. Près de 20 études ont déjà été faites à ce sujet, dont celle de Santé Canada, qui arrive à la même conclusion : les éoliennes peuvent être irritantes, mais ne présentent aucun risque direct pour la santé.

La sénatrice Seidman : D'accord. Je dois admettre que votre réponse me préoccupe un peu, car c'est un problème sérieux. Il l'est suffisamment pour que l'Australie, qui connait beaucoup de succès, ait entrepris une étude d'envergure sur le permis social afin que les constructeurs d'éoliennes, l'industrie des parcs d'éoliennes et les parties prenantes locales y voient plus clair quant à la manière d'obtenir et de conserver le permis social relativement à leurs activités. Ce permis social correspond au degré d'acceptation d'une communauté et d'autres intéressés à l'égard d'un projet donné. Vous n'en faites nulle mention dans votre exposé, mais vous affirmez ensuite que les données scientifiques prouvent qu'il n'y a pas d'effet. Même si c'était vrai, le fait est qu'il importe que les communautés comprennent les enjeux et participent à ce genre de processus.

J'aimerais entendre que votre association se préoccupe du permis social, s'intéresse à ce que fait l'Australie et admet qu'il pourrait être nécessaire d'entreprendre ce genre de travail également pour que ce type de projet réussisse.

M. Weis : Oui, certainement, je suis désolé. J'ai peut-être mal compris où vous vouliez en venir avec votre question. J'essayais plutôt de dire si les effets sur la santé avaient été étudiés de façon exhaustive. Je pense qu'il existe une bonne quantité de documents et de données scientifiques à ce sujet, ce qui ne signifie pas que nous ne sommes pas intéressés à poursuivre ces travaux. Les données scientifiques ne sont jamais totalement complètes sur une question; nous sommes donc certainement intéressés à continuer les travaux.

La question du permis social est différente. Ces deux questions sont évidemment liées, et je ne voulais pas laisser entendre que nous ne nous y intéressons pas. Nous sommes parfaitement conscients qu'il existe certaines préoccupations à cet égard et nous comprenons que les éoliennes ne conviennent évidemment pas partout. Il faut trouver le bon emplacement et la bonne communauté. Je suis désolé, je ne voulais pas laisser entendre que ce n'est pas le cas. Je parlais plus précisément des données scientifiques sur la santé.

Le contexte des communautés éloignées est différent de celui des développements à plus grande échelle qui se trouvent dans le Sud; je comprends toutefois votre point. À cet égard, on ignore bien des choses à propos d'une technologie nouvelle. Sincèrement, nous savons tous que les éoliennes sont visibles. Ce sont de grosses machines. Il faut donc avoir des occasions adéquates de réaliser des consultations auprès des communautés pour comprendre et résoudre les problèmes. Une des solutions intéressantes, particulièrement pour les communautés éloignées, consiste à participer au projet à titre de propriétaire et d'acheteur. Cela est souvent d'une grande aide, comme on a pu le constater en Europe, où on obtient l'acceptation et le permis sociaux quand les communautés ont la possibilité d'être propriétaires et de faire partie du projet.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Weis, sur la question des subventions, ne dites-vous pas essentiellement qu'actuellement, le gouvernement subventionne presque exclusivement le diesel dans un grand nombre de communautés, et ce, à grands frais? Ce qui est implicite avec la construction d'une centrale au diesel — et bien des centrales sont maintenant vieilles —, ce n'est peut-être pas tant le coût initial élevé que l'amortissement du coût intrinsèquement lié à la nature du projet parce qu'il faut acheter le carburant au fil des ans. Je suppose que je vous demande si le diesel est subventionné et l'énergie éolienne ne l'est pas.

M. Weis : Ici encore, il est difficile de répondre à cette question parce que cela varie d'une province ou d'un territoire à l'autre; je ne peux donc pas préciser le montant des subventions, par exemple. Pour bien des Premières Nations, notamment, une bonne partie des fonds viennent du gouvernement fédéral pour les coûts de l'énergie et les frais d'exploitation et d'entretien courants. Je considère que ce n'est pas tant une question de subventions que de coûts réels. Quand nous avons réalisé l'analyse des options en matière de politiques pour les communautés éloignées, nous avons constaté qu'il y aura des économies au bout du compte. Oui, il faudra probablement fournir de l'argent au départ ou aider les communautés à accéder au financement, mais au final, l'objectif consiste à permettre au gouvernement fédéral de réaliser des économies.

Le sénateur Mitchell : Si vous deviez choisir une communauté maintenant, une qui a du vent, a besoin d'énergie et a des routes pour acheminer le matériel, en auriez-vous une en tête qui serait particulièrement digne d'intérêt?

M. Weis : Je dois faire quelque peu attention ici parce que je n'ai pas assisté à ce qui s'est passé dernièrement dans les diverses communautés. Je ne veux pas proposer une communauté qui a peut-être progressé. Nous nous sommes intéressés à deux communautés, qui sont un peu avancées dans ce domaine, je suppose. Il y a notamment Tuktoyaktuk. En 2007, j'ai contribué à y organiser une conférence, au cours de laquelle les communautés de Beaufort se sont réunies et ont admis que Tuktoyaktuk n'a probablement pas le meilleur régime éolien des communautés de la région. Tuktoyaktuk a toutefois un accès routier et on y a accès à du soutien technique en raison des travaux qui y sont en cours depuis longtemps. De plus, c'est une communauté bien plus grande que les autres communautés inuvialuites.

Nous avions l'intention, avec l'assentiment des communautés, de commencer à Tuktoyaktuk pour voir si nous pouvions y faire fonctionner un projet. Nous savons que ce n'est probablement pas l'emplacement le plus économique, mais nous y avons probablement le plus de capacités humaines et techniques pour réaliser un projet. Une fois le projet fonctionnel, nous voulions résoudre certains problèmes et passer ensuite à Sachs Harbour, Little Tuktut et Paulatuk. C'est ce que nous avions l'intention de faire à l'époque. Je ne peux plus parler au nom des communautés si leurs intentions ont changé, mais c'est l'entente à laquelle nous étions parvenus quand les travaux ont été réalisés en 2007.

Le projet de cette communauté pourrait mériter qu'on y réfléchisse, même s'il n'a malheureusement pas été de l'avant. On a effectué des études sur le vent, des études de faisabilité et même quelques travaux géotechniques pour examiner la situation à titre préparatoire. Nous savions que ce ne serait probablement pas le projet le plus économique qui soit, mais c'était une manière de résoudre les problèmes de capacités humaines et techniques.

L'autre collectivité est Destruction Bay, qui se trouve, je crois, au sud-ouest de Whitehorse. Il s'agit d'une collectivité éloignée, mais elle est située à proximité d'une autoroute. Ce serait donc potentiellement un bon endroit pour le faire. Vous avez un accès plus facile aux gens, et il est plus facile d'y acheminer de la technologie pour assurer la maintenance de l'équipement. Cela vaut la peine d'y réfléchir, à savoir de viser des projets plus facilement réalisables ou de trouver des solutions aux défis techniques dans des collectivités où l'on peut assurer un meilleur service et une meilleure maintenance de l'équipement. Voilà deux collectivités sur lesquelles je me pencherais. Comme je l'ai déjà mentionné, je n'ai pas une vue d'ensemble de la situation. Il y en a peut-être d'autres.

Le sénateur Mitchell : C'est utile. Qu'en est-il de Diavik? Je crois qu'une solution a été trouvée en Alaska et en Antarctique en ce qui concerne la question des technologies dans les régions froides. Les technologies fonctionnent dans des températures froides. Que se passe-t-il à Diavik? Est-ce une question de rentabilité?

M. Weis : Diavik est un peu un cas spécial à certains égards. Évidemment, c'est une mine de diamants ayant un immense système à moteurs diesels. Il y a beaucoup d'expertise et de ressources techniques, mais les promoteurs voyaient le projet comme une manière d'économiser de l'argent et de réduire les coûts liés au carburant diesel à long terme. L'un des autres éléments vraiment importants pour eux, c'était la manière de réduire le risque à long terme. Souvent, on ne reçoit qu'une livraison de carburant par année qui se fait au moyen d'une barge ou des routes de glace. Dans le cas présent, la livraison se fait au moyen d'une barge. Si au cours d'une année on ne peut pas vous livrer le carburant pour une certaine raison ou qu'il y a un dépassement de coûts, vous risquez de devoir faire venir du carburant par la voie des airs. Le coût de la livraison peut alors doubler, tripler ou quadrupler. Cela se veut donc une sorte de police d'assurance et une manière permanente de réduire les coûts en matière d'énergie.

Je viens de rencontrer le fabricant de l'équipement, soit Enercon, lors de notre conférence de la semaine dernière. C'est également l'entreprise qui a l'équipement en Antarctique. Les représentants sont satisfaits du rendement et sont disposés à poursuivre leurs activités dans le secteur minier. Je ne me souviens plus du nom, mais il y a eu une présentation lors de notre conférence au sujet d'une autre exploitation minière qui vient de démarrer cette année. Je ne me souviens plus du nom, mais l'information se trouve dans le compte rendu de notre conférence. Le premier projet avait connu suffisamment de succès dans ce secteur que d'autres sociétés minières envisagent d'emboîter le pas.

Le sénateur Wallace : Monsieur Weis, c'est une évidence que toutes les collectivités, qu'elles soient dans le Nord ou ailleurs, ont besoin d'une source d'énergie fiable, constante et ininterrompue. Le sénateur Mitchell a parlé de la question de la fiabilité de l'énergie éolienne et des éoliennes dans les conditions climatiques rigoureuses du Nord canadien.

Pourriez-vous brièvement nous en parler davantage? Parlez-nous de la fiabilité des éoliennes dans des climats avec des accumulations importantes de neige et des températures glaciales.

M. Weis : C'est une bonne question. Dans le cas présent, il s'agit de systèmes hybrides qui combinent l'énergie éolienne et le carburant diesel. L'objectif est donc de réduire au maximum les coûts liés au carburant. Évidemment, il y a un système d'appoint à moteurs diesels pour assurer une production suffisante d'électricité. La rentabilité du système et les économies dépendent du fonctionnement suffisamment constant des éoliennes.

L'un des meilleurs endroits à examiner est probablement l'exemple de l'Alaska. De récents travaux, que je serai ravi de vous faire parvenir après la séance, en démontrent en quelque sorte la réussite. Les exploitants ont compilé les améliorations en matière de fiabilité et de disponibilité de leurs éoliennes depuis qu'ils ont commencé leurs projets. Les premiers projets n'ont pas connu de grands succès; certains ont été faits au début des années 1990. Néanmoins, dans l'ensemble, ils ont été en mesure de trouver des solutions à bon nombre des défis liés aux températures glaciales et à la glace, dans certains cas. Fait intéressant, cela n'arrive pas souvent dans le Grand Nord, parce que le climat est froid et sec en hiver. Si les températures sont glaciales et qu'il y a de la glace, il faut déterminer l'équipement approprié dans un tel cas.

Je n'ai malheureusement pas ce document avec moi. Je crois que la meilleure façon de répondre à votre question serait de vous transmettre les travaux qui ont fait l'objet d'études par l'Université d'Alaska Fairbanks et qui recensent les résultats des projets en cours.

Le sénateur Wallace : Ce serait merveilleux, si vous pouviez le faire.

En ce qui concerne le caractère approprié des éoliennes pour les petites collectivités du Nord canadien, vous avez mentionné que c'est pratiquement toujours un système de cogénération qui est utilisé. J'imagine que le carburant diesel est la principale source. Est-ce exact? Pensez-vous que des éoliennes pourraient un jour produire suffisamment d'électricité à elles seules pour répondre aux besoins de certaines collectivités du Nord canadien? Devrons-nous toujours avoir recours à des systèmes de cogénération?

M. Weis : Un jour, ce serait possible en théorie, mais il faut alors s'interroger sur les aspects économiques de la question. Si vous voulez construire beaucoup d'éoliennes ayant un énorme groupe de batteries et ajouter des panneaux solaires, c'est possible d'avoir des systèmes qui utilisent seulement de l'énergie renouvelable. Par exemple, dans la cambrousse australienne, Powercorp a récemment été acheté par ABB. Cette entreprise conçoit des systèmes qui exploitent l'énergie éolienne et qui fournissent de 80 à 90 p. 100 des besoins en électricité. Il faut évidemment avoir une bonne éolienne et un système pour stocker l'électricité, mais on parle ici d'immenses parcs éoliens. Tout dépend des coûts et de votre intérêt à n'utiliser que de l'énergie renouvelable.

Le sénateur Wallace : Pour revenir à la question de la fiabilité, je pense aux recommandations que nous ferons à la fin de nos travaux. Pouvons-nous recommander d'avoir recours à l'énergie éolienne pour répondre aux besoins en matière d'électricité de certaines collectivités du Nord canadien? Est-ce possible? J'ai l'impression que ce ne l'est pas ou que ce n'est probablement pas une option réaliste. Il faudrait toujours utiliser un système de cogénération qui utilise du carburant diesel. Même là où le vent serait suffisant, ces collectivités devraient néanmoins investir dans des centrales qui utilisent le carburant diesel et l'énergie solaire. Je comprends les avantages d'accroître l'un et l'autre, mais ce n'est pas l'un ou l'autre; c'est encore les deux.

M. Weis : C'est certainement les deux. Dans la majorité des cas, on utilise des systèmes de chauffage au carburant diesel, notamment des chaudières. Il sera donc probablement nécessaire d'y livrer du carburant fossile. Au début de mes travaux, le seuil se situait de 10 à 20 p. 100 d'énergie éolienne. Aujourd'hui, nous avons des collectivités qui parlent d'avoir de 60 à 70 p. 100. Je ne recommanderais pas de passer du jour au lendemain à une production d'électricité qui dépend entièrement de l'énergie éolienne. L'important est de repousser nos limites et de trouver des moyens d'y arriver. Ce que j'essaie de faire valoir, c'est que nous pouvons penser à réaliser des projets de plus grande envergure. Vous seriez surpris de voir ce qui se fait déjà actuellement.

Le sénateur Wallace : La majorité des collectivités du Nord canadien sont petites. Y aurait-il une masse critique minimale nécessaire avant même d'envisager la mise en chantier d'une éolienne?

M. Weis : Je me sens un peu mal de vous donner cette réponse, mais c'est difficile de faire des généralisations en ce qui concerne les collectivités éloignées.

Le sénateur Wallace : C'est correct.

M. Weis : Je m'excuse de répéter cela, mais cela vient confirmer un peu que c'est un défi complexe.

Le sénateur Wallace : Vos connaissances dépassent les nôtres.

M. Weis : Il y a probablement un seuil minimal. On parle d'éoliennes qui peuvent produire de 50 à 100 kilowatts, ce qui serait suffisamment robuste, ou même 300 kilowatts, comme ce qui se trouve en Antarctique. C'est ce qu'il faut viser pour avoir une production fiable. Cela semble être l'idéal pour assurer la réussite des projets dans des collectivités éloignées. Pour ce qui est des exploitations minières, il s'agit d'éoliennes de grande envergure.

Le sénateur Wallace : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur McIntyre : Monsieur Weis, vous parlez bien le français. J'imagine que vous avez appris à maîtriser cette langue il y a quelques années, lorsque vous étiez à Rimouski pour entreprendre votre doctorat.

[Traduction]

J'ai deux petites questions. Comme vous l'avez correctement souligné, l'industrie éolienne doit surmonter plusieurs défis dans le Nord canadien, en particulier dans les collectivités éloignées, y compris de la résistance de la part des habitants qui ont des éoliennes à proximité de leur maison.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, s'il vous plaît?

M. Weis : Je ne suis pas certain de comprendre la question.

Le sénateur McIntyre : Eh bien, l'industrie éolienne doit surmonter plusieurs défis dans le Nord canadien. Selon ce que j'en comprends, beaucoup de gens ne veulent pas avoir d'éoliennes à proximité de leur collectivité, en particulier dans les collectivités éloignées. Est-ce exact?

M. Weis : Ce n'est honnêtement pas quelque chose que j'ai remarqué dans les collectivités éloignées. Encore une fois, dans un certain sens, les collectivités éloignées et les parcs éoliens de grande envergure ne vont pas de pair.

Cela varie d'une collectivité à l'autre, mais la centrale à moteurs diesels se trouve souvent en dehors de la collectivité. Des lignes électriques acheminent ensuite l'électricité à la collectivité. Dans pratiquement tous les cas, ce ne serait pas logique d'installer des éoliennes directement dans la collectivité; il faudrait qu'elles se trouvent à une certaine distance. Je n'ai pas été témoin de ce problème dans les collectivités éloignées. Ce n'était pas non plus un problème en Alaska.

Le sénateur McIntyre : Je crois comprendre que les fonds et les subventions sont un problème, et vous avez brièvement parlé de la technologie. Y a-t-il actuellement de nouvelles avancées technologiques et des travaux de recherche très prometteurs dans l'industrie éolienne en ce qui concerne la production d'énergie éolienne? Je mets l'accent sur les travaux de recherche.

M. Weis : Bien. À mon avis, dans bien des cas, la technologie, du moins en ce qui concerne l'énergie éolienne, est déjà fonctionnelle. Je vous rappelle l'exemple de l'Alaska, où des éoliennes sont déjà en service, et c'est un succès.

L'un des domaines de recherche qui présente le plus d'intérêt concerne la manière de produire efficacement de l'énergie éolienne et d'intégrer le tout à des centrales à moteurs diesels. C'est probablement l'un des principaux domaines de recherche, en particulier lorsqu'il est question d'une intégration poussée.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Weis, je vous remercie de votre présence ce matin. Vous êtes ingénieur mécanicien, et vous détenez un doctorat dans ce domaine. Je sais que vous êtes évidemment bien renseigné sur la question.

Nous avons maintenant un fabricant d'éoliennes en Nouvelle-Écosse. D'après moi, nous voulons tous que l'industrie éolienne connaisse du succès pour des raisons économiques et environnementales. Selon les rapports que nous avons reçus au cours de la dernière année, la situation en Europe n'est pas très encourageante en ce qui concerne certains problèmes que les autorités ont eus quant aux coûts et à la fiabilité des systèmes. La Grande-Bretagne vient de publier un rapport cinglant sur les problèmes vécus avec ses éoliennes.

En ce qui concerne le Nord canadien et son environnement, il y a eu un projet pilote au Nunavut dans lequel le gouvernement fédéral avait investi en vue de mettre sur pied un parc éolien. Toutes ces éoliennes sont actuellement inactives. Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné? Que s'est-il passé?

M. Weis : Je serais curieux de prendre connaissance du rapport britannique auquel vous faites allusion. Nous pourrions en parler après la séance.

Le sénateur MacDonald : Oui, c'est possible. Il a été publié cette semaine.

M. Weis : Dans l'ensemble, l'Europe va de l'avant en vue de créer des parcs éoliens de grande envergure. L'énergie éolienne représente déjà 40 p. 100 de la production au Danemark. Je répète encore une fois que les parcs éoliens de grande envergure et les petits parcs éoliens sont deux choses complètement différentes.

Je ne suis pas certain des projets dont vous parlez précisément, mais ce sont probablement ceux de Rankin Inlet au Nunavut et de Sachs Harbour. Ces deux projets ont reçu des fonds du gouvernement fédéral, mais ils n'ont pas obtenu le succès escompté. Je crois que le problème que nous avons eu au Canada par le passé, c'est que nous avons installé une éolienne de 50 kilowatts à Rankin Inlet et à Sachs Harbour. Si quelque chose cloche, il est très dispendieux de faire venir quelqu'un pour s'en occuper. Nos véritables spécialistes en la matière sont le personnel de WEICan, à l'Île-du-Prince-Édouard. Il faut faire venir une personne de l'Île-du-Prince-Édouard jusqu'à Rankin Inlet pour assurer la maintenance de l'équipement. Si vous n'avez qu'une éolienne, cela devient très rapidement difficilement rentable.

Le problème que nous avons eu par le passé, c'est que nous avons fait des projets pilotes de petite envergure; nous avons décidé d'installer une éolienne ici et là et de voir ce que cela donnerait. À certains égards, c'était voué au désastre. Ce n'est pas surprenant que les projets n'aient pas fonctionné. Voilà pourquoi je crois que les parcs éoliens en Alaska sont une réussite; les autorités ont fait des projets de plus grande envergure. Elles ont pu former des gens sur place. Elles ont l'expertise et le savoir-faire sur place. Elles n'ont donc pas besoin de faire venir une personne du Sud du pays pour assurer la maintenance de l'unique éolienne sur place. Voilà certaines leçons que nous ont apprises les projets qui n'ont pas fonctionné au Canada.

Le sénateur MacDonald : Vous dites que les projets en Alaska sont une réussite. Cependant, quels critères utilisez-vous pour en mesurer la réussite? Combien coûte l'électricité que produisent ces éoliennes?

M. Weis : Il y a deux domaines différents. Évidemment, de nombreuses collectivités continuent de mettre en chantier des projets, et je crois que les gens ont eu énormément de succès sur le plan de la technologie, mais il y a aussi des collectivités qui ont déjà un parc éolien et qui veulent y ajouter des éoliennes.

L'Alaska constitue une étude de cas intéressante; depuis les années 1990, les exploitants continuent d'ajouter des éoliennes. Lorsque les gens ont vu que c'était une bonne première étape pour eux, ils ont mis en place un système de chauffage à distance dans la collectivité. Lorsqu'il y a un excédent d'énergie éolienne, l'électricité est redirigée, ou on se sert de l'excédent d'électricité pour chauffer de l'eau que l'on fait ensuite circuler dans des canalisations dans la collectivité. Cela constitue une évolution progressive du système. C'est possiblement l'une des manières d'en évaluer la réussite.

C'est encore une fois difficile de vous donner une réponse quant à ce qu'il en coûte à une collectivité, parce que cela varie en fonction des ressources éoliennes et de la grosseur du parc. En gros, l'objectif est d'économiser de l'argent à long terme et de réaliser des économies nettes. Il faut faire des investissements au départ. Il faut parfois du capital au départ, mais la livraison du carburant diesel que consomment les centrales à moteurs diesels coûte extrêmement cher, et c'est largement supérieur au coût en capital.

Le sénateur MacDonald : On peut en mesurer le coût.

M. Weis : Absolument.

Le sénateur MacDonald : Vous ne m'avez pas dit ce qu'il en coûte pour produire de l'électricité en Alaska, par exemple. Combien cela coûte-t-il? L'électricité est envoyée dans le réseau. On doit pouvoir le déterminer.

M. Weis : Je répète que chaque collectivité est différente. Le coût du carburant diesel varie aussi d'une communauté à l'autre. Malheureusement, je ne peux pas vous dire ce qu'il en coûte, parce que cela varie d'une collectivité à l'autre. Je me fais un point d'honneur de faire un suivi au sujet de certains des rapports sommaires à ce sujet. L'Université d'Alaska Fairbanks a considérablement étudié la question, et des données sont disponibles. Je ne peux pas vous donner une réponse de but en blanc, parce que cette information n'existe pas vraiment et que le coût pour chaque collectivité n'est pas connu, mais je me fais un point d'honneur de faire un suivi au sujet des données compilées par l'Université d'Alaska.

Le président : Merci, monsieur Weis. Nous n'aurons pas le temps de faire une deuxième série de questions, parce que je crois comprendre que vous devez être ailleurs dans peu de temps et que nous avons un autre témoin, mais j'aimerais vous poser deux ou trois petites questions au sujet des mesures incitatives.

Vous en avez fait mention dans votre document. Vous devez donc avoir une idée des mesures incitatives dont vous avez besoin pour vous rendre dans le Nord canadien. J'ai examiné ce qu'il en coûte au gouvernement fédéral pour produire de l'électricité dans certaines collectivités du Nord canadien. Je n'ai pas les données en main, mais chaque kilowatt coûte 1 $ à produire dans certaines collectivités, soit 1 000 $ le mégawatt. Selon votre document, votre organisation dit produire 8 500 mégawatts partout au Canada. Je sais que beaucoup d'entreprises privées ont installé des éoliennes partout au pays. Il y en a plus de 10 000. Où sont ces investisseurs?

Selon moi, il va sans dire que le gouvernement fédéral assume la facture, parce qu'il subventionne l'industrie et assume la majorité des frais. Voilà ce que nous avons constaté. Qu'en dites-vous? À ce sujet, il doit bien y avoir une manière pour qu'une personne décide d'investir dans les projets au lieu de dire au gouvernement : « Payez tout le projet, puis nous irons sur place le faire. »

M. Weis : En effet.

Le président : Deuxièmement, je suis content que le sénateur Wallace ait soulevé ce point, mais je tiens à le rappeler. Même avec des éoliennes — cela ne me pose aucun problème —, c'est suffisant seulement 35 p. 100 du temps. Il faut quand même acheminer du carburant diesel, par exemple, parce que c'est évidemment l'un des éléments les plus faciles à transporter. Vous continuerez d'avoir besoin des routes pour ce faire. Vous continuerez d'avoir besoin des routes pour transporter des grues et réparer les éoliennes, parce qu'elles ne sont pas éternelles. C'est comme tout le reste. Elles s'usent. C'est compréhensible.

Vous pourriez nous donner une idée de ce qu'il en retourne. Je ne vous demande pas de le faire maintenant, mais je crois que vous devriez nous expliquer le type de mesures incitatives dont vous avez besoin. Vous auriez dû prendre une collectivité dans le Nord canadien pour déterminer le coût des centrales à moteurs diesels. Vous auriez ensuite pu nous démontrer ce que vous ou d'autres pouvez faire avec l'énergie éolienne. J'aimerais vraiment avoir de tels renseignements, si vous pouvez faire parvenir le tout à la greffière.

M. Weis : J'en serai ravi.

Le président : J'aimerais également avoir un peu plus d'informations sur la technologie qui empêche le givrage des pales d'éoliennes et la quantité d'électricité produite par l'éolienne qui sert à cette fin durant l'hiver.

M. Weis : Il y a beaucoup de renseignements.

Le président : Je sais que c'est beaucoup, mais je suis certain que vous serez à la hauteur. Nous n'avons plus le temps, parce que nous avons un autre témoin, mais notre greffière nous distribuera toute l'information que vous lui transmettrez. Nous pourrons ensuite examiner le tout. Ce serait merveilleux. Nous aimerions avoir une idée de la forme que pourraient prendre des mesures incitatives. Vous en avez parlé. Nous vous demandons seulement de préciser ce dont il est question.

M. Weis : Je vous communiquerai l'information avec plaisir.

Le président : Merci beaucoup. Je vous remercie d'être venu témoigner et d'avoir modifié votre emploi du temps pour ce faire. C'était très intéressant.

Nous poursuivons notre étude sur le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes. Le comité a déjà entendu de nombreux témoins lors de séances sur le sujet à Ottawa, et nous nous sommes rendus dans les trois territoires du Nord en mai dernier. Nous y avons tenu des réunions privées et nous avons visité des sites.

J'ai maintenant le plaisir de vous présenter John Gorman, qui est président et chef de la direction de l'Association des industries solaires du Canada. Merci de votre présence devant notre comité. Je crois comprendre que vous avez un exposé. Nous passerons ensuite aux questions. J'aimerais prévenir tout le monde que nous devons libérer la pièce à 10 heures pile, parce qu'il y aura une séance d'un autre comité après la nôtre.

[Français]

John Gorman, président et chef de la direction, Association des industries solaires du Canada : Bonjour, je m'appelle John Gorman. Je suis président de l'Association des industries solaires du Canada.

[Traduction]

Je me sens très privilégié d'être ici aujourd'hui pour vous entretenir de l'énergie solaire et de son application dans les collectivités du Nord canadien. Au nom de l'Association des industries solaires du Canada, je vous remercie de nous donner l'occasion de témoigner devant votre comité ce matin. Si vous voulez bien prendre la diapositive 1, j'aimerais dire quelques mots au sujet de CanSIA. Nous sommes une association nationale qui représente l'industrie solaire, à savoir les systèmes photovoltaïques solaires, et l'industrie héliothermique, à savoir le chauffage de l'air et de l'eau au moyen de l'énergie solaire. Nous sommes véritablement un organisme national qui représente l'ensemble des entreprises et des professionnels qui participent au développement des projets liés à l'énergie solaire. Cela comprend donc non seulement les fabricants de panneaux et d'équipement, mais aussi les promoteurs, les constructeurs, les avocats et les financiers. Bref, nous représentons tout le monde. Notre mission est de rendre le marché canadien propice au développement de l'industrie solaire.

À la diapo suivante, ainsi qu'aux quatre ou cinq subséquentes, j'aimerais prendre quelques minutes pour informer les sénateurs autour de la table des changements très importants survenus dans les industries de l'énergie solaire du monde entier. Si j'insiste là-dessus, c'est parce que les changements qui se sont opérés au cours des cinq dernières années ont été si radicaux pour ce qui est des prix et de l'adoption de cette source d'énergie presque partout dans le monde que l'un des principaux obstacles auxquels l'industrie est confrontée, c'est qu'elle doit sensibiliser les gens aux baisses de prix marquées, aux augmentations de l'efficacité et au niveau d'adoption important.

À la diapo 2, le graphique de gauche en bleu montre une baisse très marquée, ce que l'on appelle l'effet Swanson. On y indique le prix d'un watt par panneau, qui est la façon d'établir le prix d'un panneau solaire en tant que source d'électricité, qui est passé à environ 77 $ dans les années 1970 à environ 70 cents en 2013. J'aimerais attirer votre attention sur l'image de droite. L'équipement solaire a commencé à être concurrentiel par rapport aux autres sources d'électricité aux alentours de 2008 dans divers pays du monde. C'est environ au même moment où l'Ontario, par exemple, a proposé sa Loi sur l'énergie verte. Entre 2008 et 2013, on a enregistré une autre baisse de 83 p. 100 du coût de l'équipement solaire. Depuis la période où l'équipement solaire a commencé à être économique dans certains pays du monde jusqu'à aujourd'hui, soit cinq ans, ce qui est une période très courte dans l'univers de la technologie, on a enregistré une autre chute des coûts de 83 p. 100.

À la diapo suivante, je vais parler très brièvement des autres avantages de l'énergie solaire, qui crée surtout bien plus d'emplois locaux — plus d'emplois en général — que n'importe quelle autre technologie énergétique. De plus, l'énergie solaire est plus écologique que toutes les autres sources d'énergie, que l'on parle de la production ou de l'absence d'émissions de CO2.

Si vous voulez bien passer à la diapo suivante, à la diapo 4, vous verrez que toutes les baisses de coûts marquées, les propriétés environnementales et le nombre élevé d'emplois qui ont été créés ont fait en sorte qu'un nombre absolument incroyable de pays ont adopté cette source d'énergie au cours de la dernière décennie.

Je vais expliquer brièvement ce que cette courbe signifie dans un instant, en examinant la situation sur les marchés canadien et américain. À la diapo 5, vous verrez que le taux d'adoption a pris par surprise tous les observateurs de l'industrie, dont l'Agence internationale de l'énergie, qui est, comme vous le savez, un groupe de réflexion conservateur qui se penche sur toutes les formes d'énergie. L'agence a sans cesse changé ses projections au cours des cinq dernières années quant au rôle que jouera l'énergie solaire pour produire de l'énergie dans le monde entier. Plus récemment, deux rapports qui ont été rendus publics à l'automne de cette année prévoient que l'électricité à l'énergie solaire sera la source d'électricité la plus importante dans le monde d'ici 2050. Comme vous le savez, 35 ans, c'est peu pour remplacer l'infrastructure électrique. Il est donc tout à fait remarquable qu'elle devienne la plus importante source d'électricité en l'espace d'une quarantaine d'années. À la page suivante, je vous montre, à titre d'exemple, ce que nos voisins du Nord ont fait pour installer des systèmes solaires photovoltaïques. Vous avez peut-être entendu le président Obama dire, dans une déclaration récente qu'il a faite, qu'un système solaire sur toiture est installé toutes les quatre minutes aux États-Unis.

En 2013, aux États-Unis, le tiers de tous les nouveaux systèmes de production d'électricité que l'on installait était des systèmes d'électricité à l'énergie solaire. L'énergie solaire se classait juste derrière le gaz en tant que source de production d'électricité. Aux États-Unis, dans les deux premiers trimestres de cette année, l'énergie solaire a devancé le gaz et toutes les autres technologies pour ce qui est des systèmes installés pour produire de l'électricité, avec 51 p. 100.

À la page suivante, j'aimerais aborder quelques facteurs qui font que l'énergie solaire est unique, perturbe les systèmes existants et facilite l'autonomie. Je discuterai de la question de l'autonomie plus tard lorsque je parlerai des Premières Nations et des collectivités du Nord. Le comité permanent doit garder à l'esprit que la technologie solaire est unique, car elle est très extensible. Contrairement à toute autre source, on peut non seulement produire d'énormes quantités d'électricité grâce aux parcs de panneaux solaires, mais on peut également utiliser l'énergie solaire dans les entreprises et dans les maisons, ou pour faire fonctionner une calculatrice. La nature extensible de l'énergie solaire — une qualité permettant une production très décentralisée — en fait une source d'électricité très adaptable.

Le soleil brille presque partout sur la planète. En plus de ces baisses de prix, c'est la raison pour laquelle on adopte l'énergie solaire. On constate dans le monde entier l'avantage de cette production décentralisée. Le fait que les gens et les entreprises installent des panneaux solaires sur leur toit et produisent et consomment leur propre électricité perturbe les modèles traditionnels de production d'électricité dans le monde entier. En fait, les services publics partout dans le monde doivent changer leur modèle d'affaires pour cesser d'être des centrales en grande partie alimentées par des combustibles fossiles qui produisent d'énormes quantités d'électrons qui sont acheminés dans de très petits tuyaux jusqu'aux entreprises et aux maisons. Ils doivent plutôt offrir des services qui permettent aux gens de produire et de gérer leur propre électricité. Cela a l'avantage de leur offrir une certaine autonomie.

Le consommateur d'électricité traditionnel, qui ne fait que recevoir des électrons et utilise ses électroménagers, devient un consommateur qui produit sa propre électricité. C'est ce qu'on appelle un « consommateur proactif ». Cette incidence est plus marquée que l'on pense. En Europe et aux États-Unis, cela perturbe les modèles des services publics, qui doivent permettre aux gens de contrôler leurs électroménagers et leur iPad, stocker l'énergie dans leur garage et utiliser les compteurs intelligents. C'est en train de changer l'image de l'électricité. Cette autonomie qu'offre l'électricité à l'énergie solaire est un avantage dont nous voudrons sans doute discuter lorsque nous parlerons des Premières Nations et de leur capacité de répondre à leurs propres besoins énergétiques.

À la page suivante, il est question des ressources solaires canadiennes. J'aimerais aborder quelques perceptions erronées courantes. Premièrement, le Canada abrite des ressources solaires de calibre mondial. Le temps froid et les conditions hivernales n'ont pas d'incidence sur la production d'électricité à l'énergie solaire, à l'exception des journées plus courtes. Je me rends compte que c'est un facteur très important dans de nombreuses régions du Grand Nord canadien. À certains moments de l'année, les journées sont très courtes. Durant les mois d'hiver cependant, la production d'électricité est plus efficace puisque le ciel est clair et les températures sont plus froides. Nous enregistrons souvent les meilleures journées de production durant les mois d'hiver.

Regardez cette carte qui montre les ressources solaires disponibles au Canada. L'Alberta et la Saskatchewan disposent des meilleures ressources solaires que n'importe quelle autre province ou n'importe quel autre État américain. Mais dans le Nord du pays, voire dans le Grand Nord, nous constatons que les ressources annuelles disponibles sont très importantes. Elles sont plus élevées que dans la plupart des régions, voire toutes les régions de l'Allemagne, qui est le chef de file mondial dans la production de l'électricité à l'énergie solaire. Je dois préciser qu'au cours de nombreux jours consécutifs durant l'année, les Allemands produisent 50 p. 100 de leurs besoins en électricité à partir de l'énergie solaire. L'électricité à l'énergie solaire est grandement utilisée en Allemagne, qui est le chef de file mondial en la matière. Les ressources énergétiques dont disposent l'Allemagne sont moindres que celles dont nous disposons, même dans les régions du Nord canadien.

À la page suivante, nous examinons le nombre de systèmes photovoltaïques qui seront connectés. Je veux prendre le temps de vous dire que nous entretenons une relation avec Ressources naturelles Canada, et plus particulièrement avec Canmet. Ce centre est responsable d'une bonne partie des analyses comparatives et des travaux innovateurs qui sont effectués pour étudier les technologies de stockage de l'énergie solaire. C'est utile pour notre industrie. Le centre est également notre partenaire pour mener des études de marché et communiquer des renseignements à l'Agence internationale de l'énergie au nom du Canada. Je tenais simplement à signaler que c'est une relation qui est importante pour nous et qui est appréciée de l'industrie.

Ce qu'il faut retenir, c'est que même si l'énergie solaire commence à être utilisée dans toutes les régions du Canada, elle l'est principalement en Ontario, avec la Loi sur l'énergie verte et le programme qu'elle a mis en place il y a environ cinq ans pour éliminer progressivement la production d'électricité à partir du charbon et mettre en place des sources renouvelables. À la fin de la nouvelle saison de construction, nous aurons une production de deux gigawatts — 2 000 mégawatts — en Ontario. On peut affirmer que c'est un marché important et attrayant. Compte tenu de ce programme, et plus particulièrement en raison du niveau d'activité dans cette province, le Canada a attiré des entreprises internationales et a fait prendre de l'expansion aux entreprises d'ici qui sont devenues concurrentielles à l'échelle internationale. Nous nous apercevons qu'elles soutiennent très bien la concurrence internationale à l'heure actuelle.

Dans cette industrie, c'est un premier pas important pour le Canada. En très peu de temps, on a créé une industrie très robuste qui emploie 8 000 personnes et qui génère annuellement 2 milliards de dollars de revenus dans le secteur privé. C'est une industrie importante. En ce qui a trait à la production de panneaux, notre industrie de fabrication est plus importante que celle en Allemagne. En Ontario, nous avons l'équipement le plus automatisé au monde et produisons des panneaux de première qualité. Je le signale pour deux raisons. Premièrement, du point de vue des coûts et de la qualité, la capacité d'une région et d'un pays d'installer des systèmes de production d'électricité à l'énergie solaire dépend en grande partie de leur expérience sur le marché. Nous comptons un grand nombre de personnes expérimentées puisque nous avons installé un réseau de deux gigawatts en l'espace de cinq ans. C'est un atout pour le Canada. C'est également un atout pour d'autres régions comme l'Alberta qui, en décembre, présentera vraisemblablement un cadre sur les énergies renouvelables et de remplacement pour encourager l'utilisation de l'énergie solaire. Ainsi, les Albertains peuvent mettre de l'avant une solution conçue en Alberta, mais s'appuyer sur l'expertise et les leçons tirées en Ontario pour les aider. Lorsque nous examinons les régions du Nord du Canada, nous pouvons faire appel à la vaste expérience acquise pour installer les systèmes d'énergie solaire adéquatement. Nous disposons d'une ressource pour continuer de soutenir la concurrence mondiale et aider les autres régions du Canada.

La diapo suivante montre que nous réalisons des progrès au Canada en vue de répondre aux besoins des collectivités du Nord au moyen de micro-réseaux et d'installations solaires. Je tiens à mentionner une récente annonce qui a été faite en avril ou en mai de cette année. Elle a été faite par Canadian Solar Inc, qui est l'une des plus grandes entreprises solaires dans le monde. Elle a vu le jour au Canada grâce à du financement du gouvernement fédéral. Elle est cotée à la bourse du NASDAQ. Elle a collaboré avec NCC Development, qui est une société d'énergie renouvelable des Premières Nations.

L'entreprise a fait deux choses. Premièrement, elle a annoncé la construction d'une installation d'essais pour les micro-réseaux. Elle étudiera entre autres les technologies solaires et diesels pour évaluer si des systèmes autonomes peuvent être utilisés dans le secteur minier dans les collectivités du Nord, par exemple. Deuxièmement, elle a annoncé l'achèvement du projet de panneaux solaires sur le toit, le premier système hybride solaire et diesel qui a été installé sur le toit de l'école de Deer Lake des Premières Nations, située dans le Nord de l'Ontario.

À la page suivante, j'ai sorti à titre d'information un rapport de 2012 de l'IEEE qui se penche sur les énergies renouvelables pour le Nord canadien. On vous en a peut-être déjà parlé. Ce qui est important dans le cadre de cette étude, c'est qu'on a examiné différentes combinaisons d'énergies : solaire et éolienne, solaire et diesel, éolienne et diesel, stockage de l'énergie solaire, de l'électricité au diesel et de l'énergie éolienne, et cetera. On a découvert que l'introduction de l'énergie solaire dans ces scénarios entraînait non seulement des réductions des coûts d'exploitation et des émissions de CO2, mais procurait également un rendement sur l'investissement d'environ 6 p. 100 dans ces régions éloignées. Ce ne sont pas des scénarios où l'électricité à l'énergie solaire remplace complètement la production au diesel. L'électricité à l'énergie solaire n'est pas une solution autonome pour les collectivités du Nord dans un proche avenir, à moins de la combiner à d'autres mesures telles que le diesel ou le stockage dans des batteries.

Cette importante étude montre que l'introduction de l'énergie solaire, même aux prix de 2012, a fait diminuer les coûts d'exploitation de ces actifs et de l'électricité dans ces collectivités tout en offrant d'autres avantages, dont je parlerai à la dernière diapo.

Certains des autres avantages de l'électricité à l'énergie solaire, en plus des économies d'argent associées à l'utilisation de l'énergie solaire dans les collectivités éloignées, concernent l'autosuffisance énergétique et l'autonomie que procure l'énergie solaire aux collectivités des Premières Nations, ainsi que les emplois qui sont créés.

Lorsque j'ai montré à votre comité permanent la diapo sur le nombre d'emplois que l'énergie solaire crée, j'aurai dû soulever les emplois locaux de qualité — électriciens, travailleurs de la construction, concepteurs et ingénieurs qui installent ces panneaux et en assurent l'entretien. Ce sont des compétences importantes.

J'aurais dû mentionner quand je parlais de l'Ontario que la dernière ronde de contrats du gouvernement de l'Ontario pour l'électricité à l'énergie solaire portait sur des projets communautaires de 120 mégawatts. Les Premières Nations ont participé à la moitié de ces projets. En plus de l'industrie que nous avons créée pour le Canada, ce qui peut être un début prometteur, nous avons commencé à acquérir une vaste expertise en collaborant avec les Premières Nations à des projets d'énergie solaire.

Sur ce, je suis maintenant disposé à répondre à vos questions.

Le sénateur Massicotte : Je veux m'assurer de comprendre la situation économique. Vous dites essentiellement que le coût du diesel non subventionné est de 1,30 $ par kilowattheure. Ai-je bien lu?

M. Gorman : Oui, et les renseignements que je vous ai fournis sont tirés de données d'AADNC de 2012. Les prix en Ontario variaient entre 40 ¢ et 1,20 $, mais dans les collectivités du Nord, la moyenne du coût non subventionné était de 1,30 $.

Le sénateur Massicotte : Quel serait le coût non subventionné pour l'énergie éolienne et l'énergie solaire, en incluant les coûts d'immobilisation?

M. Gorman : Je me suis heurté au même type de problème que l'intervenant précédent, à savoir qu'il y a des variantes selon le type de collectivité.

Le sénateur Massicotte : Choisissez une collectivité.

M. Gorman : Si je pouvais choisir le prix en Ontario pour vous, le coût total pour un réseau public serait d'environ 20 cents.

Le sénateur Massicotte : À Toronto ou dans le Nord?

M. Gorman : Dans le Nord, mais dans certaines régions du Grand Nord. Ce pourrait être 30 cents pour les installations de plus petite taille sur les toitures, ce qui s'applique davantage à un certain nombre de collectivités dont vous parlez.

Le sénateur Massicotte : Doublez-vous les 30 cents dans le Nord? Où est-ce le triple?

M. Gorman : J'aimerais avoir l'occasion de vous remettre ultérieurement des renseignements fiables à ce sujet. Ce serait certainement plus élevé que 30 cents, mais bien inférieur au coût moyen de l'électricité au diesel.

Le sénateur Massicotte : Vous utilisez 6 p. 100 des coûts d'immobilisation. Si vous utilisiez 10 ou 15 p. 100, ce qui est probablement au-delà de l'exigence du marché, j'imagine que vous observeriez une augmentation considérable.

M. Gorman : Non. Je dirais que lorsqu'il est question des prix que je viens de mentionner — les 20 et 30 cents —, nous pouvons nous attendre à des taux de rendement d'environ 8 p. 100. Ce ne serait pas un facteur, à mon avis.

Le sénateur Massicotte : Vous verrez ce qui se passe en Ontario en regardant le graphique. C'est phénoménal. Au Québec, d'où je viens, c'est minime. Pourquoi la production est-elle si faible au Québec et si élevée en Ontario? Pourquoi l'Ontario produit-elle autant d'énergie solaire?

M. Gorman : Comme vous le savez, toutes les provinces et tous les territoires sont responsables de leur propre politique en matière d'électricité. Par conséquent, en l'absence d'une orientation ou d'une politique du fédéral concernant les sources renouvelables ou l'électricité à l'énergie solaire — et il n'y en a pas —, nous remarquons que chaque région règle la question à sa manière. L'Ontario a choisi d'éliminer progressivement le charbon et de recourir aux sources renouvelables, ce qu'il a traité comme une initiative économique de création d'emplois. Au Québec, où 99 p. 100 de l'électricité provient de l'énergie hydroùlectrique, qui est si abondante et propre, il y a eu des discussions politiques et stratégiques pour introduire l'énergie solaire.

Le sénateur Massicotte : Quel est le coût de l'énergie solaire en Ontario par rapport au coût de l'électricité au Québec? Je fais allusion à ce qui n'est pas subventionné.

M. Gorman : Je crois que le coût de l'électricité au Québec est aux alentours de 4 ou 5 cents par rapport à 20 cents pour l'énergie solaire.

Le sénateur Massicotte : Le Québec est donc plus riche parce que le coût est beaucoup moins élevé?

M. Gorman : Le Québec a simplement la chance d'avoir d'une énergie propre bon marché en abondance. Mais si l'on examine la situation région par région, l'Alberta, qui est la province où le coût de l'électricité est le plus élevé au pays, continue de produire 66 p. 100 de son électricité à partir du charbon.

Le sénateur Massicotte : À quel coût?

M. Gorman : Je ne sais pas trop quel est le coût parce que la province n'a pas d'énergie hydroùlectrique et utilise le charbon, mais le coût de l'électricité est le plus élevé au pays. Je pense que le taux durant le jour est d'environ 13 cents.

Le sénateur Massicotte : C'est quand même moins cher que l'énergie solaire, j'imagine.

M. Gorman : Si on les compare, alors oui.

Le sénateur Massicotte : Vous avez fourni les capacités de production d'électricité en 2013 et en 2012. Je comprends pourquoi le charbon est moins utilisé, en raison de la politique américaine, mais pourquoi l'énergie éolienne est-elle passée de 41 à 7 p. 100?

M. Gorman : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Je pense que c'est à cause des politiques fédérales aux États-Unis relatives à l'énergie éolienne.

Le sénateur Black : Ce que vous nous dites, c'est que l'énergie solaire dans le Nord ferait partie de l'équation.

M. Gorman : C'est exact.

Le sénateur Black : J'ai trois questions précises à vous poser. Étant donné que vous avez dit que les périodes d'ensoleillement dans le Nord sont limitées pendant un certain nombre de mois, dois-je comprendre qu'une installation serait inactive pendant ces mois?

M. Gorman : Elle ne serait pas inactive, mais la quantité d'électricité qu'elle produirait par rapport aux autres sources dont on dispose là-bas, principalement le diesel, serait moins élevée. Toutefois, lorsqu'on regarde le graphique sur l'énergie solaire disponible, on constate qu'elle est supérieure aux ressources disponibles en Allemagne, par exemple, pour la production au cours d'une année. Donc, durant les journées plus longues de l'été, vous produisez beaucoup plus d'électricité que ce que l'on pourrait voir, mais la production varie selon les saisons, où elle est relativement élevée certains mois et limitée d'autres mois.

Le sénateur Black : Mais en termes simples, si le soleil ne brille pas, on ne produit pas d'électricité.

M. Gorman : C'est exact.

Le sénateur Black : Dois-je aussi comprendre que l'énergie solaire qui est générée ne peut pas être stockée?

M. Gorman : Non, c'est inexact. L'un des secteurs les plus actifs dans le domaine de l'énergie à l'heure actuelle, c'est le stockage, que ce soit pour entreposer d'énormes quantités d'hydroùlectricité, de l'énergie éolienne ou des sources moins importantes telles que l'énergie solaire dans une école des Premières Nations ou sur le toit d'une maison. Il existe de nombreuses technologies, et bon nombre d'entre elles vont de pair avec cette capacité de stockage.

La question qui se pose est la suivante : quand le stockage deviendra-t-il économiquement viable? À l'heure actuelle, nous constatons que le prix du stockage dans des batteries pour l'électricité baisse de façon spectaculaire. C'est une course contre la montre, et les gens disent qu'on y arrivera d'ici quatre ou cinq ans. Lorsque nous en arriverons là où le stockage sera économique, la barrière aux sources d'électricité renouvelables ou intermittentes sera tombée.

Je dirai simplement pour terminer que c'est la raison pour laquelle des mesures comme la collaboration entre CSI et les Premières Nations sur les centres d'essai des micro-réseaux sont importantes. Ce qu'ils font, c'est de combiner le diesel, l'énergie solaire photovoltaïque et le stockage à l'heure actuelle pour examiner les répercussions.

Le sénateur Black : Pour conclure, vous dites qu'il y a de toute évidence un impératif économique pour que quelqu'un quelque part trouve un moyen de stocker l'énergie solaire. Les paris sont ouverts.

M. Gorman : Les paris sont ouverts, et pas seulement pour l'énergie solaire, mais pour toutes les sources d'énergie intermittentes.

Le sénateur Black : C'est tout à fait logique.

Je viens de l'Alberta, alors je vous prie d'excuser mon ignorance concernant la stratégie énergétique de l'Ontario. Je sais que la production d'énergie solaire en Ontario est fructueuse uniquement parce qu'elle est fortement subventionnée par les habitants de l'Ontario. Est-ce exact?

M. Gorman : Oui, mais je pourrais vous fournir une réponse.

Le sénateur Black : Je ne porte pas de jugement.

M. Gorman : Permettez-moi de répondre à cela. Dans le cadre de mes fonctions en tant que président-directeur général de l'Association des industries solaires du Canada, j'ai parfois été le critique le plus sévère de certains éléments du programme qui ont été présentés en Ontario. L'Ontario aurait-elle pu faire les choses d'une façon différente et plus économique initialement? Tout à fait. Toutefois, il ne fait aucun doute que les investissements qui ont été effectués pour introduire l'énergie solaire en Ontario ont donné lieu à la création d'une industrie concurrentielle à l'échelle mondiale qui a réussi à installer des systèmes qui produisent au total 2 000 mégawatts d'énergie solaire — nous n'avions aucune industrie et voilà où nous en sommes maintenant. En cours de route, les coûts, qui étaient fortement subventionnés, sont désormais le tiers de ce qu'ils étaient au début.

Est-ce que nous nous sommes heurtés à des problèmes pour établir ce programme? Absolument. Le programme a-t-il été simplifié et les prix ont-ils baissé de façon très marquée? Oui. Avons-nous maintenant, en tant que Canadiens, une industrie qui pourrait nous permettre de mettre en place d'autres types de programmes dans des endroits comme l'Alberta, ailleurs dans le monde et dans les collectivités du Nord? Oui. Il incombe au comité et à vos homologues d'examiner comment nous allons tirer parti de cette industrie et répondre aux besoins des Premières Nations et d'autres régions du Canada, à commencer avec l'Alberta.

Le sénateur Black : C'est très utile. Portons notre attention sur le Nord. Peut-on conclure que l'énergie solaire pourrait faire partie de l'équation seulement grâce à un appui financier du gouvernement?

M. Gorman : Oui, c'est tout à fait juste, mais je vous rappelle les observations du dernier intervenant. L'électricité à l'énergie solaire dans les collectivités du Nord qui sont alimentées au diesel à l'heure actuelle est une solution qui est non seulement économiquement viable, mais qui permet également de réaliser des économies. L'énergie solaire permettra de réaliser des économies dans le cadre des opérations actuelles. De plus, elle offre tous les autres avantages dont on a discuté aujourd'hui entourant l'autonomie, les emplois, et cetera.

Ce que l'on avance au sujet des aspects économiques, ce n'est pas d'assumer le coût pour réaliser des économies, mais d'obtenir les capitaux initiaux pour mettre en ouvre le projet. C'est le principal problème. Ce n'est pas les facteurs économiques, mais la question d'obtenir les capitaux initiaux. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral a un programme en place, écoùNERGIE pour les collectivités autochtones et nordiques, d'une valeur allant jusqu'à 250 000 $. Toutefois, cette somme ne couvre pas les coûts d'immobilisation. Par conséquent, nous proposons à la dernière diapo que votre comité recommande au gouvernement de mettre en place un programme de prêts pour les collectivités des Premières Nations pour qu'elles puissent assumer les coûts initiaux associés à la construction d'infrastructures.

Le sénateur Black : C'est très utile. Merci, monsieur Gorman.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Gorman, cette discussion est très intéressante.

J'aurais deux questions à vous poser au sujet du programme de l'Ontario. Si j'ai bien compris, en vertu des subventions du gouvernement de l'Ontario, l'industrie a investi près de 42 milliards de dollars dans le développement industriel. Combien le gouvernement de l'Ontario a-t-il contribué pour encourager l'industrie à investir une telle somme? J'ai entendu parler de cette somme il y a au moins un an; elle a peut-être augmenté depuis.

M. Gorman : Elle n'était certainement pas aussi élevée, mais il faudrait que je vérifie pour obtenir la somme exacte. Je n'ai pas cette information avec moi.

Le sénateur Mitchell : Combien le gouvernement provincial a-t-il accordé en subventions?

M. Gorman : Encore une fois, je n'ai pas ces données avec moi.

Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous nous les faire parvenir?

M. Gorman : Certainement.

Le sénateur Mitchell : Très bien. Vous en avez peut-être parlé plus tôt et je ne vous ai pas entendu, mais quels ont été les progrès réalisés en matière de technologie de batteries d'accumulateurs? Où en sommes-nous et quelles sont les perspectives? Ces batteries règlent beaucoup de problèmes d'intermittence.

M. Gorman : Effectivement. J'ai participé à plusieurs conférences et salons professionnels. Si vous me le permettez, j'aimerais vous raconter une anecdote. L'an dernier, j'ai assisté à la plus grande foire professionnelle au monde. Vingt sociétés en technologie de stockage y étaient représentées. Cette année, environ 400 y étaient représentées.

Elon Musk, de Tesla Motors, le fabricant de voitures électriques dont vous avez certainement entendu parler, a annoncé qu'il allait construire une usine de stockage d'un gigawatt — c'est-à-dire que l'usine produira l'équivalent d'un gigawatt de batteries par année. Ses prévisions quant à la rentabilité du stockage de l'énergie solaire sont les plus agressives du marché, mais la plupart des observateurs de l'industrie s'entendent pour dire que cette rentabilité sera atteinte d'ici environ quatre ou cinq ans. Il sera alors plus économique d'utiliser des batteries, conjointement avec une source intermittente d'énergie, que l'électricité généralement disponible.

Le sénateur Mitchell : Certains avancent que la mise au point de cette technologie nécessite des subventions du gouvernement et que, sans celles-ci, elle n'existerait peut-être pas. Certains prétendent que l'exploitation des sables bitumineux ne se ferait pas aujourd'hui sans les subventions du gouvernement ou qu'elle n'aurait jamais été amorcée il y a 35 ou 40 ans sans ces subventions — un investissement en capital énorme dès le début, sans compter tous les autres types de subventions. Des sommes concrètes ont été investies.

Vous dites que le programme ontarien aurait pu être mieux établi. Quels ajustements apporteriez-vous au programme pour mieux servir le secteur de l'énergie solaire?

M. Gorman : Selon moi, deux choses fondamentales auraient dû être faites différemment dès le début. Premièrement, il aurait fallu mieux contrôler le volume. Le programme a été introduit en offrant une subvention plutôt élevée et le gouvernement a été immédiatement inondé de demandes de sociétés locales et internationales. En raison du manque d'expérience dans ce genre de programme ailleurs au pays, il y a eu des délais dans le traitement des demandes, ce qui s'est avéré problématique. J'aurais établi des cibles plus progressives.

Deuxièmement, j'aurais imposé dès le début une baisse beaucoup plus prévisible des subventions accordées. Le gouvernement a depuis apporté ces modifications à son programme. Donc, l'approvisionnement est maintenant stable et les prix baissent progressivement. Je vais peut-être vous surprendre en disant cela, mais le secteur de l'énergie solaire est le plus grand partisan de l'abandon des subventions. Nous voulons atteindre un seuil où l'utilisation des subventions n'est plus nécessaire. Avec la baisse des coûts, nous envisageons d'atteindre cet objectif très bientôt, peut-être d'ici quatre ou cinq ans.

À mon avis, ce sont les deux choses dont les autres provinces et territoires pourront tirer une leçon. Comme je l'ai dit, l'Alberta étudie la possibilité de mettre sur pied son propre programme. Nous espérons qu'il verra le jour d'ici décembre. De toute évidence, il s'agira d'un programme différent par rapport au programme ontarien, mais la province pourra profiter de l'industrie déjà établie en Ontario.

Le sénateur MacDonald : Je me demande s'il a lu ma question sur mes feuilles. Je ne le sais pas.

Le sénateur Mitchell : Vous pourrez la poser d'une bien meilleure façon que moi.

Le sénateur MacDonald : J'allais vous demander exactement ce que le gouvernement de l'Ontario n'avait pas fait et qu'il aurait dû faire, mais mon collègue vous a déjà posé la question. Ça va. J'ai été frappé quant à la différence entre le coût de l'électricité en Ontario et au Québec : 0,20 cents, c'est énorme. L'Ontario n'est plus une province riche, et pour plusieurs raisons, notamment le coût de production d'électricité.

De plus en plus, je suis un admirateur de l'énergie solaire. Quelle est l'empreinte carbone associée à la fabrication des panneaux solaires?

M. Gorman : Elle est la plus légère de toutes les technologies de production. Les panneaux sont fabriqués à 99 p. 100 de silicone, essentiellement du sable, le matériau le plus abondant sur la planète, après l'oxygène. La production de l'électricité ne crée aucune émission de CO2 et la source d'énergie est gratuite.

Le sénateur MacDonald : Nous parlons de la région du Nord. J'ai été surpris et heureux d'apprendre que vous aimeriez ne plus avoir recours à des subventions. Je crois que c'est très important, même essentiel.

L'électricité à l'énergie solaire pourrait être utilisée partout au pays où la population est plus dense, pas seulement dans le Nord.

M. Gorman : Effectivement.

Le sénateur MacDonald : Et là où le rendement du capital investi serait plus élevé. Que pourrait-on faire à l'échelle nationale à cet égard? Quel genre de programme pourrait-on mettre en place pour atteindre un volume qui vous permettrait de ne plus avoir recours aux subventions?

M. Gorman : Selon nous, il aurait fallu procéder différemment et avoir cette discussion sur le prix de la production d'électricité par énergie solaire dès le début plutôt que d'être obligés de revenir en arrière et de tenter de changer la perception des gens. Prenons, par exemple, la production de l'électricité à partir du charbon, en Alberta. L'industrie du charbon dirait : « Voici combien coûte l'exploitation de nos générateurs. » Mais, il y a de nombreux autres coûts associés à l'exploitation d'une grande usine de charbon centralisée. On a beaucoup parlé dans les médias dernièrement des répercussions de l'utilisation du charbon sur la santé et des coûts supplémentaires pour le régime de soins de santé. Plusieurs études ont été menées récemment sur les coûts de construction d'une nouvelle ligne de transmission en Alberta pour soutenir ces usines. Les installations solaires sont construites en fonction des besoins — la taille et l'emplacement — et produisent de l'électricité quand on en a besoin. Cela permet d'éliminer toutes sortes de coûts. Il est important de le souligner.

Mais, pour répondre à votre question, sénateur, notre recommandation serait que le gouvernement offre un crédit d'impôt permettant à l'industrie de l'énergie solaire de jouer sur un même pied d'égalité que les industries de l'énergie classique — par exemple, un amortissement rapide des coûts — et des crédits d'impôt au développement comme ceux dont jouissent les secteurs pétrolier, gazier et de l'énergie classique. Un tel soutien national du gouvernement, comme l'ont fait les États-Unis, permettrait aux provinces de mettre sur pied leur propre programme et de l'intégrer à leur système fiscal, comme c'est le cas pour les autres secteurs de l'énergie, et de créer des programmes permettant d'acheminer l'électricité produite à l'énergie solaire au réseau actuel.

Donc, il y a environ quatre mois, dans le cadre de la journée sur la Colline, nous avons proposé à vos collègues de la Chambre des communes trois mesures bien précises. La première était la mesure fiscale dont je viens de parler, la deuxième concernait les problèmes des Premières Nations et la nécessité pour le gouvernement d'offrir aux peuples des Premières Nations des prêts garantis par l'État, et la troisième était de prolonger le programme écoùNERGIE actuel.

Le sénateur MacDonald : J'aurais une autre question à poser, monsieur le président.

Le président : Allez-y.

Le sénateur MacDonald : Comme l'a souligné le sénateur Mitchell — et il a tout à fait raison —, le gouvernement offre beaucoup plus de subventions dans le secteur de l'énergie qu'on pourrait le croire. Au début des années 1970, le premier ministre Lougheed, en Alberta, a créé Suncor et — quelle est l'autre société?

Le sénateur Mitchell : Pétro-Canada.

Le sénateur MacDonald : Il a créé tellement de sociétés à participation gouvernementale. En 1992, au début du projet Hibernia, Gulf a abandonné le navire. Le projet était sur le point d'échouer lorsque le gouvernement fédéral y a investi 250 millions de dollars. Aujourd'hui, il est propriétaire à 8,5 p. 100 d'Hibernia qui vaut environ 2,3 ou 2,4 milliards de dollars. Donc, ce n'est rien de nouveau.

La production d'énergie solaire au pays est minuscule. Quel est le seuil à atteindre, selon vous, pour faire des économies d'échelles?

M. Gorman : Pour faire des économies d'échelles qui permettraient à l'énergie solaire de concurrencer les autres sources d'électricité, le seuil est remarquablement bas. On parle de 1 à 2 p. 100 de l'électricité consommée dans une région donnée. Nous approchons ce seuil en Ontario; nous sommes à environ 1,5 p. 100 pour le moment. À mon avis, d'ici la fin de l'année prochaine, nous aurons atteint presque 2 p. 100. Selon nos études, en Ontario, nous aurons atteint un coût assurant la parité d'ici environ quatre ans.

Cela dit, il est important de comprendre que, malgré la baisse continue du prix de l'équipement, ce qui est utile, pour faire descendre le prix des autres éléments de l'équation, il faut avoir la capacité de financement nécessaire, les compétences nécessaires en ingénierie et en construction, et l'expérience de l'industrie, y compris les programmes gouvernementaux et l'élimination des lourdeurs administratives. Tout cela est nécessaire pour atteindre un prix assurant la parité. Mais, le pourcentage de consommation est très petit. Un ou deux pour cent permettraient à l'industrie d'être concurrentielle.

J'aimerais ajouter une chose. Certains disent : « Pourquoi ne pas attendre dans cinq ans lorsque la parité sera atteinte? » Actuellement, l'électricité produite grâce à l'énergie solaire est la source d'électricité dont la croissance est la plus rapide au monde. C'est un fait. Comme je l'ai déjà dit, aux États-Unis, elle a maintenant surpassée toutes les autres sources. C'est également la plus propre. Elle donne aux consommateurs un certain pouvoir et permet aux collectivités des Premières Nations qui ne sont pas sur le réseau de se développer. Je le répète : si nous voulons participer à cette énorme industrie de demain, il nous incombe de profiter de ce que nous avons créé en Ontario, et l'appliquer à l'échelle du pays et d'être concurrentiel dans le domaine.

Le sénateur MacDonald : Je voulais ajouter que l'autre initiative du premier ministre Lougheed était Syncrude.

Le président : D'accord. Sénateur Massicotte, vous vouliez intervenir?

Le sénateur Massicotte : J'aurais une question complémentaire à poser. Vous dites qu'il faudrait atteindre 1,5 p. 100 d'utilisation pour assurer la parité. Quel serait le coût de l'électricité produite grâce à l'énergie solaire si le pourcentage d'utilisation était de 1,5 ou de 2 p. 100?

M. Gorman : Tout dépend de la région. Par exemple, en Alberta, le coût de l'électricité pendant la journée est d'environ 0,13 cents.

Le sénateur Massicotte : L'électricité produite grâce à l'énergie solaire?

M. Gorman : Pour l'électricité offerte actuellement sur le réseau.

Le sénateur Massicotte : D'accord.

M. Gorman : Le prix actuel est d'environ 0,20 cents.

Le sénateur Massicotte : Mais, quel serait le prix si l'utilisation était de 1,5 ou de 2 p. 100...

M. Gorman : Le prix serait moins élevé que cela, absolument.

Le sénateur Massicotte : Serait-il de 0,19 cents ou de 0,09 cents?

M. Gorman : Probablement plus près de 0,09 cents.

Le sénateur Massicotte : Merci.

La sénatrice Seidman : Une chose m'a frappée en écoutant votre exposé. Je me demande pourquoi, par exemple, dans les nouveaux projets domiciliaires, les promoteurs immobiliers n'installent pas des panneaux solaires sur le toit des maisons pour recueillir l'énergie solaire et utiliser l'électricité produite dans les périodes de grande consommation, alors que l'électricité offerte actuellement sur le réseau est beaucoup plus dispendieuse.

M. Gorman : Voulez-vous parler des collectivités qui ne sont pas sur le réseau ou des maisons en général?

La sénatrice Seidman : Les maisons en général. Ça revient un peu à la question que vous venez de répondre. Nous examinons la situation dans le Nord, mais je me demande pourquoi cette approche n'est pas soutenue à grande échelle.

M. Gorman : Il y a plusieurs raisons pour expliquer cela. La première, c'est encore le coût. Même si le prix des panneaux solaires et de l'équipement nécessaire ne cesse de baisser — il sera encore moins élevé bientôt —, nous devons toujours composer avec plusieurs infrastructures rigides. Les services publics utilisent le même modèle d'affaires depuis 132 ans et il leur convient très bien. Nous devons aussi composer avec des gouvernements qui ont beaucoup de choses à faire et d'autres priorités et avec un manque d'éducation et de sensibilisation en matière d'électricité produite à l'énergie solaire. Toutes ces raisons constituent des obstacles.

Du point de vue de l'industrie de l'énergie solaire, il a fallu attendre cinq ans avant que les services publics de l'Ontario prennent conscience des avantages que procure au réseau l'électricité produite à l'énergie solaire. Au début, ils étaient très réticents à l'égard du programme; ils ne voulaient pas changer leur modèle d'affaires. Les collectivités du Nord auront la même réaction. Ce fut une expérience d'apprentissage importante pour tous les intervenants.

Il ne faudrait pas sous-estimer cet aspect. Vous devez vous y préparer. Aujourd'hui, les services publics réalisent non seulement les avantages de l'électricité produite à l'énergie solaire, mais aussi toutes les possibilités en matière de nouveaux services qu'ils peuvent offrir à leurs membres. Ils voient maintenant que cette électricité permet de renforcer le réseau. C'est un long processus.

Le président : Puisqu'il n'y a plus d'intervenants, je vais vous poser quelques questions.

Le Canada produit déjà 75 p. 100 de son électricité grâce à des sources propres. C'est une des choses que vous...

M. Gorman : C'est merveilleux, effectivement.

Le président : D'ailleurs, nous devrions en être très fiers.

M. Gorman : Absolument.

Le président : Nous sommes un des meilleurs au monde à ce chapitre. À ma connaissance, il n'y a que quelques pays qui font mieux que nous. J'essaie toujours de rappeler aux gens que notre réseau est très propre. Plusieurs provinces, et la région du Nord, éprouvent des difficultés, car elles n'ont pas accès à de l'hydroùlectricité bon marché, quoique le charbon est bon marché. Il y a toutes sortes de raisons qui expliquent pourquoi les prix sont un peu plus élevés en Alberta.

La photo à la page 2 de votre présentation nous montre une structure de panneaux solaires. Quelle serait la superficie nécessaire pour mettre sur pied une centrale solaire de 100 mégawatt? Combien d'hectares de terrain faudrait-il?

M. Gorman : Il faudrait environ 100 acres pour installer une centrale solaire de 10 mégawatts.

Le président : Je vois. Les membres du comité pourront donc se faire une idée lorsque vous commencerez à parler de milliers de mégawatts d'électricité. Vous allez recouvrir une grande superficie à un certain endroit. J'ignore où, mais c'est ce que vous allez faire.

Cela m'aide à comprendre.

Je vais à la page 4, où vous parlez de la capacité mondiale totale des panneaux solaires photovoltaïques. Vous donnez le chiffre de 139 gigawatts. Pour moi, la capacité correspond aux mégawatts, et les gigawatts sont de l'énergie. Quand vous avez commencé à en parler, vous avez dit que la production mondiale doit surpasser 139 gigawatts.

M. Gorman : Non, c'est la quantité d'électricité qui est actuellement produite ainsi dans le monde : 139 gigawatts.

Le président : C'est donc à l'échelle mondiale, en tenant compte de tous les producteurs?

M. Gorman : En effet.

Le président : Le monde entier produit ainsi 139 gigawatts d'électricité, n'est-ce pas?

M. Gorman : Oui. Cependant, lorsqu'on regarde le tableau, qui montre tout d'abord notre courbe de croissance, le fait que la production augmente de 50 p. 100 chaque année...

Le président : C'est ce que je vois, oui.

M. Gorman : Nous savons ce que cela signifie. De plus, l'Agence internationale de l'énergie prévoit que, d'ici 2035, les énergies renouvelables représenteront le tiers de l'électricité consommée et que, d'ici 2050, la technologie solaire sera la principale source d'électricité. C'est une nouvelle technologie dans la mesure où on l'utilise de plus en plus depuis peut-être seulement 10 ans. C'est l'essor de cette technologie qui est étonnant.

Le président : En effet, je comprends. C'est de l'ordre de 50 p. 100, ce qui est étonnant, mais savez-vous quelle est la consommation mondiale d'énergie en térawatt-heures?

M. Gorman : Non, je l'ignore.

Le président : Je ne le sais pas plus, mais c'est énorme.

M. Gorman : Oui, en effet.

Le président : C'est nettement supérieur au chiffre de 139 gigawatts, qui ne semble pas si élevé quand on dit que cela représentera 50 p. 100 de la production mondiale dans 20 ans. Je ne sais pas comment l'Agence internationale de l'énergie est arrivée à ce chiffre, mais je serais curieux de le savoir, car j'ai de la difficulté à comprendre.

M. Gorman : Par souci de clarté, je crois qu'on a dit que l'électricité solaire représentera 13 p. 100 de la production mondiale d'ici 2050, ce qui en fera tout de même la plus importante technologie productrice d'électricité. Individuellement, elle permettrait de créer davantage d'électricité que le gaz, le charbon et ainsi de suite.

Le président : Je vois. Il faut donc extrapoler à certains égards.

M. Gorman : En effet.

Le président : Bien. Cela m'aide à un peu mieux comprendre.

Un autre chiffre m'a également étonné. Je vous ai peut-être mal compris, mais vous avez dit que l'énergie solaire en Allemagne représente parfois 50 p. 100 de la consommation totale du pays.

M. Gorman : En effet.

Le président : La consommation totale d'énergie solaire en Allemagne est donc énorme.

M. Gorman : Oui.

Le président : C'est énorme. J'ai consulté de nouveau votre autre tableau, et une production de 139 gigawatts ne nous amène pas très loin à l'échelle mondiale.

M. Gorman : Effectivement.

Le président : En Allemagne, ces 139 gigawatts, c'est-à-dire la production mondiale d'énergie solaire, ne permettraient d'éclairer que quelques maisons. J'ai de la difficulté à comprendre certains de ces chiffres.

M. Gorman : Je vois. L'Allemagne a une longueur d'avance sur le reste du monde, et environ 33 de ces 139 gigawatts sont produits dans ce pays. Les entreprises et les propriétaires de maison ont participé massivement en installant des panneaux sur leur toit et sur leurs immeubles, à l'instar des acteurs commerciaux dont vous parlez.

Oui, à certains moments les jours ensoleillés, 50 p. 100 de l'électricité consommée provient de panneaux solaires.

Depuis les trois dernières années, d'autres pays sont rapidement en train de dépasser l'Allemagne, pas pour ce qui est de la production totale de mégawatts, mais pour la rapidité à laquelle ils se tournent vers cette option. Les États-Unis, le Japon, certains pays européens et, bien entendu, la Chine sont en train de déployer à très grande échelle une stratégie en matière d'énergie solaire.

Le président : Pour que les membres du comité sachent à quoi s'en tenir, on peut alimenter environ 13 900 maisons de taille moyenne avec 139 gigawatts.

M. Gorman : Non. Excusez-moi de vous interrompre, mais, dans le cas de la province de l'Ontario, la consommation totale en période de pointe atteint environ 23 ou 24 gigawatts, ce qui veut dire que la consommation d'électricité de l'ensemble du pays est peut-être de 60 ou 70 gigawatts.

Le président : Je vois. Je connais le chiffre représentant la consommation moyenne que vous multipliez. Je vous suis très reconnaissant de ces explications et je pense qu'il y aura à l'avenir un grand potentiel pour l'énergie solaire, comme en témoignent de toute évidence les tableaux que vous nous avez présentés. Cela pourrait représenter un aspect important de l'intégration des sources d'énergie dans le Nord, car c'est l'hiver que la consommation est la plus élevée. Même où j'habite — je ne vis pas au nord du 60e parallèle, mais très près — il fait noir à 4 heures de l'après-midi. Il fait noir et le soleil ne se lève que vers 9 heures du matin. Il faut donc une autre source d'énergie pour éclairer les maisons entre-temps.

M. Gorman : Tout à fait.

Le président : On ne cherche donc pas à remplacer les sources d'énergie utilisées, seulement à en augmenter le nombre.

M. Gorman : En effet. Merci encore. C'est avec grand plaisir que notre association ou notre industrie vous fera parvenir d'autres renseignements, s'il y a lieu. Je vais vous remettre ma carte professionnelle.

Le président : Merci.

(La séance est levée.)


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