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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 18 - Témoignages du 4 novembre 2014


OTTAWA, le mardi 4 novembre 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 29, pour étudier la teneur des éléments des sections 3, 28 et 29 de la partie 4 du projet de loi C-43, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je suis président du comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, à tous les membres du public qui assistent à la réunion aujourd'hui, et à tous les téléspectateurs de partout au pays qui nous regardent à la télévision. Je rappelle à ceux qui nous regardent que les audiences du comité sont ouvertes au public et également diffusées par l'entremise d'émissions web à l'adresse www.sen.parl.gc.ca. Vous pouvez également obtenir des renseignements sur l'horaire des témoins sur le site web, sous la rubrique « Comités du Sénat ».

J'aimerais maintenant demander aux sénateurs autour de la table de se présenter, et je commencerai par le vice- président du comité, le sénateur Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, Alberta.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, Alberta.

Le sénateur Wallace : John Wallace, Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bonjour, je m'appelle Pierre-Hugues Boisvenu, sénateur du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.

La sénatrice Frum : Linda Frum, Ontario.

Le président : J'aimerais également vous présenter les membres de notre personnel. Tout d'abord, à ma gauche, la greffière, Lynn Gordon, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Aujourd'hui, nous commençons notre étude préalable du projet de loi C-43, Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2014, déposé à la Chambre des communes le 3 octobre 2014.

Comme vous le savez probablement, outre le Comité des finances, nous sommes l'un des cinq comités du Sénat qui ont été autorisés le 30 octobre à examiner la teneur d'éléments particuliers du projet de loi C-43 en vue de présenter un rapport au Sénat au plus tard le 27 novembre 2014. Notre comité est saisi des éléments suivants : les sections 3, 28 et 29 de la partie 4 du projet de loi.

Mesdames et messieurs les sénateurs, notre programme de ce soir est très chargé. Je vous invite à l'examiner afin de bien comprendre quels témoins sont attendus pour parler des différentes sections du projet de loi. Compte tenu de la charge de travail qui nous attend, je vous rappelle qu'il est important de veiller à ce que vos questions et vos réponses soient nettes et précises.

La greffière vous a fait parvenir une copie du projet de loi ainsi que des documents d'information d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada et de Ressources naturelles Canada. Si vous ne les avez pas, signalez- le à la greffière.

Pour cette première partie de notre réunion, je suis heureux d'accueillir, du ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord, M. Stephen Van Dine, directeur général à la Direction générale des politiques stratégiques du Nord, Mme Annie Poulin, analyste principale à la Direction générale des Politiques stratégiques du Nord et Martin Raillard, scientifique en chef à la Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique, d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, qui nous parleront de la section 3 du projet de loi, où il est question de la Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique. Toujours à ce sujet, nous entendrons également Alison Forrest, avocate à Justice Canada.

Stephen Van Dine, directeur général, Direction générale des politiques stratégiques du Nord, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Merci de me donner l'occasion de vous parler de la section 3. Pour la gouverne des membres du comité, nous parlerons des articles 145 à 170 du projet de loi.

Avant de passer à la partie très détaillée de ces observations, je tiens à saluer deux autres membres de notre équipe, qui jouent un rôle crucial dans ce projet. Il s'agit de Bronwyn Johns, de la Direction générale des affaires législatives — que vous avez déjà vu ici —, et de Lillian Hayward, qui sont dans la tribune du public.

Ce soir, nous discuterons du projet de loi concernant la Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique, la SCREA, qui vise à établir une nouvelle entité fédérale chargée de mener, dans le nord du Canada, un large éventail d'activités de recherche en science et en technologie dans certains domaines prioritaires. Pour ce faire, on fusionnera la SCREA avec la Commission canadienne des affaires polaires afin de les regrouper sous une seule entité de gouvernance. La fusion de ces deux importants volets fédéraux en matière d'énergie est l'aboutissement de la série de jalons qui ont marqué l'initiative depuis son annonce lors du discours du Trône de 2007, et se veut un produit livrable caractéristique de la Stratégie pour le Nord du Canada.

Pour la gouverne des sénateurs, en voici quelques-uns : en 2009, le gouvernement a investi 85 millions de dollars dans la mise à niveau et l'entretien du réseau d'installations de recherche dans l'Arctique détenues et exploitées par divers intervenants. Plus tard, en 2010, le premier ministre a approuvé le mandat et le programme pan-nordique de recherche en science et technologie de la SCREA; il a également annoncé que Cambridge Bay, au Nunavut, avait été choisie comme emplacement pour la construction de la SCREA.

Plus récemment, à l'été 2014, nous avons commencé la construction de l'établissement qui sera opérationnel à temps pour le 150e anniversaire du Canada, en 2017.

Tout au long du processus d'élaboration de la SCREA, de nombreuses activités de consultation et de mobilisation ont eu lieu à l'échelle nationale et internationale auprès d'intervenants arctiques, dont les organisations autochtones, les gouvernements territoriaux, le secteur privé et le milieu universitaire.

La loi permettrait d'atteindre les trois objectifs principaux suivants. Premièrement, elle créera une nouvelle société ministérielle, à savoir la SCREA. Deuxièmement, elle regroupera l'équipe de la SCREA d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada et la Commission canadienne des affaires polaires au sein de la station et elle abrogera la Loi sur la Commission canadienne des affaires polaires.

La nouvelle organisation qui est proposée combine le mandat de la SCREA, approuvé en 2010, et celui de la Commission canadienne des affaires polaires, qui est d'accroître les connaissances sur l'Arctique canadien afin d'améliorer les occasions économiques, la gestion environnementale et la qualité de vie des Canadiens, de promouvoir et transmettre les connaissances sur les régions polaires, de renforcer le leadership du Canada à l'égard des enjeux touchant l'Arctique et d'assurer une présence scientifique dans l'Arctique canadien.

Les pouvoirs et fonctions énoncées dans le projet de loi se prêtent à la réalisation de cet objectif. Ils donnent à la SCREA les possibilités suivantes : entreprendre des travaux de science et de technologie; gérer ses installations et autres biens; interagir avec des organisations nationales et internationales. Il s'agit véritablement de partenariats et de réseautage dans tout le Canada et dans le monde.

Cette organisation serait supervisée par un conseil d'administration formé de directeurs nommés par le gouverneur en conseil. En tout, le conseil d'administration compterait neuf membres, dont un président et un vice-président. Ils occuperaient leur poste à temps partiel pendant une période pouvant aller jusqu'à cinq ans, et leur nomination pourrait être renouvelée une seule fois. Ils auraient la responsabilité de superviser les activités stratégiques de l'organisation, les décisions en matière de gouvernance et l'approbation des budgets et plans de travail annuels, y compris le plan science et technologie.

Les activités quotidiennes seraient gérées par un président, qui serait également le directeur général de la SCREA. Cette personne serait aussi nommée par le gouverneur en conseil. Elle occuperait son poste à temps plein pendant une période pouvant aller jusqu'à cinq ans, et sa nomination pourrait être renouvelée. Les responsabilités du président consisteraient, entre autres, à gérer les membres du personnel et leur travail ainsi qu'à tenir le conseil d'administration informé.

La nouvelle organisation de la SCREA serait une société ministérielle et aurait un statut d'organisme distinct.

Ces aspects, outre les pouvoirs d'entreprendre des travaux de science et de technologie et d'en publier les résultats, procureraient à la SCREA l'indépendance nécessaire pour permettre à une installation de recherche d'être concurrentielle et crédible dans le domaine scientifique. Ces caractéristiques sont essentielles pour attirer la communauté internationale et le personnel scientifique et technique de renommée mondiale dans une région éloignée.

L'intégration de la Commission canadienne des affaires polaires au sein de la nouvelle organisation créerait un puissant pôle d'attraction pour les activités fédérales en science et technologie de l'Arctique au Canada. La SCREA bonifierait les réseaux nationaux et internationaux. En fait, le gouvernement a continué de financer d'autres intervenants clés dans l'Arctique afin de s'assurer que le réseau reste fort. Mentionnons, à titre d'exemple, le Laboratoire de recherches atmosphériques sur l'environnement polaire (LRAEP), dont le financement a été renouvelé en mai 2013.

Essentiellement, la fusion proposée découle des complémentarités suivantes : mandat, groupes d'intervenants, participation aux réseaux et rapports hiérarchiques avec le ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien.

L'intégration de la Commission canadienne des affaires polaires à la SCREA est énoncée dans les dispositions transitoires du projet de loi. Combinées au mandat actuel, ces dispositions montrent clairement que le conseil d'administration, le personnel, les biens et les ressources financières de la Commission canadienne des affaires polaires seraient transférés à la nouvelle organisation. Ainsi, la SCREA disposerait dès le premier jour de la capacité et des compétences nécessaires.

Le projet de loi contient également des dispositions transitoires prévoyant le transfert à la nouvelle organisation de l'équipe de la SCREA d'Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien. L'entrée en vigueur de la loi se ferait en deux étapes : premièrement, la création de la nouvelle organisation et le transfert à la nouvelle organisation du personnel et des ressources de la Commission des affaires polaires et, deuxièmement, le transfert à la nouvelle organisation de l'équipe de la SCREA d'Affaires autochtones et Développement du Nord canadien.

Nous sommes heureux d'être ici et nous répondrons volontiers à toutes les questions que vous pourriez vouloir nous poser ce soir.

Le président : Merci, monsieur Van Dine.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Lorsque j'examine le projet de loi, il y a une fusion entre deux entités : l'ancienne et la nouvelle. À l'exception d'un sens corporatif, y a-t-il une importance à cette fusion, mis à part le fait qu'il est question de gouvernance? Est-ce que cela affecte le résultat qui sera accompli?

M. Van Dine : Oui, il y a certainement un avantage à avoir une approche telle qu'on l'a mentionné.

[Traduction]

Le fait d'être un établissement public permet à l'institution d'être indépendante du ministre et du ministère pour lequel je travaille en ce moment. Ce rôle est important puisqu'il donnera à l'entité l'indépendance scientifique qui lui permettra deux choses : premièrement, elle sera libre, jusqu'à un certain point, de déterminer la qualité des recherches et, de là, d'établir sa crédibilité dans la communauté scientifique, et, deuxièmement, elle pourra nouer des relations avec d'autres institutions et d'autres entités tout en gardant une distance avec tout ministère.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Vous affirmez que, pour être crédible du point de vue de la communauté scientifique, il est important de garder une certaine distance vis-à-vis du ministère. Cependant, le projet de loi donne le pouvoir en tout temps au ministère de donner des directives et de demander certains rapports. N'y a-t-il pas un conflit du point de vue de cet objectif?

M. Van Dine : Pas du tout; il y a d'autres exemples partout dans le gouvernement où on peut observer une mesure d'indépendance et une relation dans la famille gouvernementale.

[Traduction]

Dans les pouvoirs qui sont décrits dans le projet de loi, vous remarquerez que le ministre des Affaires autochtones, ou le ministre désigné, peut demander à l'entité d'étudier certaines questions, plutôt que de devoir exercer la responsabilité plus générale d'approuver les budgets, d'imprimer une orientation et de faire des choix. Ces pouvoirs sont expressément donnés à l'organe de gouvernance envisagé, constitué du conseil d'administration et de son président, qui pourra prendre ces décisions et décider des orientations.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. Selon les documents que nous avons reçus d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, un des mandats de la SCREA est d'améliorer la qualité de vie des habitants du Nord et de tous les Canadiens. Pourriez-vous nous en dire plus sur la façon dont la SCREA sera profitable pour le Nord et ses habitants?

M. Van Dine : Merci. Les avantages pour les habitants du Nord et tous les Canadiens se font sentir immédiatement. Tout d'abord, nous avons entamé notre première saison de travaux de science et technologie sur le terrain, dont M. Raillard pourra parler. La première saison de travaux sur le terrain s'est déroulée tout près de l'agglomération de Cambridge Bay. À mesure que la saison avancera, ils prendront de l'ampleur. Les résultats arriveront. Ils seront publiés dans un rapport et mis à la disposition de la collectivité. La collectivité participe aux différentes étapes à proprement parler.

De plus, la construction de l'établissement a commencé cet été à Cambridge Bay. Nous avons organisé la construction d'une manière très pragmatique. Nous avons un directeur des travaux qui travaille avec nous pour veiller à ce que les dossiers d'appel d'offres soient assez petits pour permettre aux entreprises locales et régionales de participer à la conception ou à la construction.

Pour le long terme, des intervenants du Nord participent à un vaste réseau composé d'un comité de gestion ou d'un organe consultatif. Ils continuent à définir les priorités du programme de recherche et à chercher les possibilités stratégiques au moyen de leurs propres travaux de recherche. Nous pouvons maximiser les avantages pour les participants du Nord.

La sénatrice Seidman : Vous avez répondu à la deuxième partie de ma question, à savoir comment les résidants du Nord contribueront à la stratégie.

M. Van Dine : Le comité, qui était opérationnel depuis un an ce printemps, s'inspire d'autres partenariats fructueux que nous avons eus avec des intervenants du Nord. Le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord en est un exemple. Lorsque la situation s'y prête, des représentants des gouvernements territoriaux et des provinces participent.

La sénatrice Seidman : M. Raillard avait-il quelque chose à dire au sujet de la SCREA et des avantages qu'elle apportera au Nord?

Martin Raillard, scientifique en chef, Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : D'importants sujets de recherche émergent à mesure que des changements s'opèrent dans l'Arctique. Nous entendons tous parler de la fonte des glaces. Nous connaissons des zones qui deviennent accessibles pour le développement. Il y a un énorme potentiel de développement dans le Nord. Nous devons mener des travaux de recherche pour savoir où se trouvent les ressources et comment les mettre en valeur avec le minimum de répercussions négatives, et la conduite de ce développement finira par profiter aux résidants du Nord. C'est la première partie.

Deuxièmement, les changements climatiques toucheront directement le Nord. Nous devons aider les résidants du Nord à s'adapter aux changements climatiques et à en profiter. Il faut des réponses aux questions de recherche et c'est là un autre volet du programme de recherche de la SCREA.

Le troisième avantage pour les résidants du Nord est, comme M. Van Dine l'a mentionné, les retombées économiques directes de l'investissement dans une structure de recherche dans l'Arctique. Cela crée des emplois dans le domaine de la recherche.

Le sénateur Mitchell : Merci à vous tous. Je m'intéresse, dans un premier temps, à ce qui semble un changement entre la nouvelle loi, ou cette caractéristique de la loi, et les dispositions sur la Commission canadienne des affaires polaires, son prédécesseur. La SCREA devra produire des rapports, mais le ministre pourra dorénavant décider si ces rapports seront rendus publics. Par le passé, ce n'était pas un choix. Ils devaient être rendus publics. Pourquoi ce changement?

M. Van Dine : Je compte sur mes collègues pour m'aider. Les principaux éléments de la diffusion de l'information propres à la Commission canadienne des affaires polaires seront transférés dans cette nouvelle entité. L'information devra être mise à la disposition non seulement des autres institutions universitaires et de recherche, mais aussi du grand public. Nous visons à maximiser les avantages de la communication des résultats scientifiques.

En plus de rendre des comptes au Parlement, l'entité devra, dans le cadre de sa gouvernance, produire un rapport sur ses plans et priorités outre le Rapport ministériel sur le rendement. Ces deux documents seront déposés au Parlement, comme doivent le faire toutes les autres entités fédérales qui fonctionnent dans le cadre de l'appareil gouvernemental.

Le sénateur Mitchell : Quelle conséquence aura alors le changement du libellé? Pourquoi le changer?

M. Van Dine : Je vais m'en remettre à mes conseillers juridiques pour clarifier ce point.

Annie Moulin, analyste principale, Direction générale des politiques stratégiques du Nord, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : C'est simplement une convention de rédaction qui change au fil du temps. La Loi sur la Commission canadienne des affaires polaires date de 1991. L'obligation de publier un rapport n'a pas changé, mais le libellé a changé. La Loi sur l'administration financière exige que des comptes soient rendus publiquement. Ce n'est pas un changement à proprement parler, mais un changement dans la façon de l'exprimer.

M. Van Dine : Le but de la politique est d'assurer une continuité. C'est une question technique.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Raillard, votre réponse au sujet de la recherche m'intéresse. Je ne sais pas s'il y aurait des priorités, mais vous avez mentionné votre liste de recherche, qui comprenait de la recherche sur les modes d'exploitation des ressources disponibles compte tenu des changements climatiques et comment composer avec les répercussions des changements climatiques. Qui décide de ces priorités? Quelles seront les proportions de l'un et de l'autre? Je m'intéresse aux changements climatiques et à la recherche dans ce domaine.

M. Raillard : Nous avons beaucoup consulté la SCREA relativement aux travaux de recherche que nous entreprendrions en priorité. J'ai passé en revue des consultations publiques échelonnées sur plusieurs années et cinq priorités de recherche nous ont été données. Si vous le voulez, je pourrais vous en parler davantage.

La première porte sur la préparation d'information de base pour le développement. C'est ce dont j'ai parlé au début. La deuxième porte sur l'énergie de remplacement renouvelable. Tout dans le Nord est actuellement alimenté par des génératrices au diesel et nous pensons qu'il y a de meilleures façons d'adapter la technologie dans le Nord. La troisième consiste à prévoir les répercussions des changements climatiques. La quatrième touche les infrastructures pour le développement et la cinquième vise à acquérir une meilleure connaissance de la situation sous-marine, à faire de la recherche sous-marine. Ce sont là les priorités données.

Pour déterminer l'importance accordée à chacune chaque année, nous avons un comité de gestion auquel sont représentés le milieu universitaire et les collectivités nordiques, y compris les collectivités autochtones, qui nous indique chaque année l'orientation que nous devrions prendre. Nous leur faisons des propositions, mais la recommandation est étudiée par ce comité de gestion, cet organe plus vaste, et elle est finalement approuvée par le directeur général ou le président après le changement dans la gouvernance. Elle est examinée par un groupe élargi.

Le sénateur Mitchell : Votre réponse amène une question que le président sait que je meurs d'envie de poser, mais je peux attendre la deuxième série de questions.

Le président : Nous vous permettons de continuer.

Le sénateur Mitchell : Nous sommes très intéressés par les énergies renouvelables dans le Nord. En fait, nous sommes en train d'en faire une étude. Si vous avez de l'information à livrer maintenant... ou vous pourriez revenir témoigner. Avez-vous des idées maintenant? Nous étudions le sujet depuis plusieurs mois maintenant.

M. Raillard : Oui. Nous avons lancé un appel d'offres. Nous nous intéressons beaucoup à l'énergie éolienne, bien entendu. L'énergie solaire est aussi étudiée et nous avons en ce moment même un appareil à la fine pointe qui utilise des ordures, la gazéification des ordures pour produire directement de l'électricité. Nous examinons plusieurs volets et nous recevons des propositions. C'est un des domaines de pointe intéressants qui porte sur la façon dont nous pensons pouvoir améliorer les choses.

Le sénateur Mitchell : Voulez-vous lire notre rapport?

M. Raillard : Absolument.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bonjour et bienvenue à notre comité. Dès le départ, je vais parler en politicien. Je suis très heureux de vous entendre ce soir nous parler de science. Ce qu'on entend dans les médias, depuis un an ou deux, c'est que notre gouvernement est anti-science et anti-chercheurs. Il est intéressant que vous veniez nous parler de ce sujet. Cela prouve que le gouvernement est très intéressé aux sciences et y investit beaucoup.

J'aurais quelques questions plutôt terre à terre. Les organisations qui ont fusionné n'ont pas éprouvé trop de difficultés au niveau des ressources humaines? Lors de fusions, je crains toujours qu'on dise que l'on va économiser des coûts et qu'à la fin, il en coûte davantage.

Sur le plan administratif, comment avez-vous traversé ces sept années? Vous êtes dans ce processus d'intégration, de renouveau et de réalignement depuis presque sept ans. Comment les choses se sont-elles déroulées? En termes de coûts, les contribuables canadiens y gagnent-ils au change?

M. Van Dine : Je vous remercie de votre question. Nous avons un grand intérêt pour les questions de transition et les impacts sur les ressources humaines.

[Traduction]

Le but de l'exercice n'est pas de réduire les coûts, mais de réunir deux importantes ressources et d'élargir le rôle du Canada dans les activités scientifiques menées dans l'Arctique. C'est de montrer que nous cherchons à jouer un rôle important dans l'orientation des discussions scientifiques concernant l'Arctique, ici et à l'étranger. Nous voulons prendre les meilleurs éléments de la Commission canadienne des affaires polaires et les unir à la Station de recherche du Canada en Extrême-Arctique. Notre demande de fonds pour constituer cette capacité de recherche a été approuvée. Nous allons donc prendre des mesures au cours des prochaines années pour équiper et accroître notre capacité dans ce domaine. Nous n'entrevoyons pas de répercussions négatives sur les ressources humaines ni de réductions de coûts, mais nous cherchons à maximiser les synergies entre les deux organisations.

[Français]

Si on a fusionné les deux, c'est pour dégager plus de capacités pour la recherche et la science.

[Traduction]

Par conséquent, c'est un engagement important et, en ce moment, nous nous employons à réaliser une transition sans heurts pour passer de deux institutions opérationnelles en une seule entité qui nous aidera à lancer une nouvelle entité peu après l'adoption de cette mesure législative.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : On sait que la Russie a des prétentions sur le Nord canadien — je parle du pôle Nord. Elle y fait à l'occasion des excursions scientifiques. Elle a aussi des scientifiques dans sa partie.

En quoi cette fusion ou intégration améliorera-t-elle la position du Canada sur le plan de l'occupation du territoire? Ce dernier objectif passe par deux éléments : la connaissance et une présence. Comment le Canada sera-t-il mieux positionné pour revendiquer son autorité au pôle Nord?

M. Van Dine : Vous avez soulevé un bon point. L'un des objectifs du programme est la question de la souveraineté.

[Traduction]

Il ne fait aucun doute qu'en mettant en place un établissement de recherche de calibre mondial dans l'Arctique canadien à temps pour 2017, nous prenons position et nous le faisons d'une manière réfléchie et organisée pour nous assurer d'avoir un programme scientifique qui donne déjà des résultats avant même l'ouverture de l'établissement. Je pense que ce sera très important pour montrer au monde — comme peut en parler M. Raillard — qui frappe déjà à sa porte pour s'associer au Canada dans certains de nos domaines de recherche d'intérêt.

Outre cette prise de position concrète et les partenariats internationaux en recherche que nous souhaitons former, nous travaillons de concert avec d'autres initiatives de recherche fédérales pour nous assurer que l'approche du Canada dans le Nord est complète. Nous voulons nous assurer de mettre à contribution tous les autres investissements pour faire avancer nos intérêts et pouvoir communiquer respectueusement avec d'autres communautés internationales sur le Nord circumpolaire.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : La sénatrice Seidman a posé une question sur les communautés locales. Actuellement, dans ce que vous faites comme occupation et comme développement, avez-vous des liens étroits avec les communautés locales? Celles-ci participent-elles à ces travaux?

M. Van Dine : Oui, tout à fait. À ce sujet, j'aimerais céder la parole à M. Raillard.

[Traduction]

M. Raillard : Oui, nous avons une présence régulière à Cambridge Bay. Nous avons du personnel qui y habite toute l'année.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Combien de personnes travaillent sur le territoire?

M. Raillard : Nous avons maintenant trois personnes à Cambridge Bay. Toutefois, nous pensons qu'il y en aura 50. Nous tenons des téléconférences une fois par mois avec un comité local de Cambridge Bay. Avant la mise en œuvre des projets, nous tenons une consultation locale. C'est une présentation scientifique que l'on fait à Cambridge Bay. Une fois que notre recherche est effectuée, nous remettons un rapport verbal directement à la communauté. Dans le cas de tous nos projets, nous engageons des gens sur le terrain. C'est une coopération.

M. Van Dine : M. Raillard pourrait ajouter un peu d'information sur la synergie entre les connaissances traditionnelles et la communauté scientifique.

[Traduction]

M. Raillard : L'intégration du savoir traditionnel aux connaissances scientifiques occidentales est très importante pour les gens dans le Nord. Nous la réalisons en travaillant côte à côte sur le terrain avec des personnes du Nord. Il ne s'agit pas seulement de recueillir des connaissances auprès des gens puis de les intégrer d'une manière ou d'une autre. Nous travaillons côte à côte et nos priorités de recherche sont déterminées avec les habitants de la région.

Je dirais même que le Canada est un chef de file à cet égard. Nous sommes les meilleurs du monde en cogestion, nous occupant des ressources naturelles du Nord avec ceux qui y habitent, par l'intermédiaire de conseils de cogestion. Nous suivons cette approche aussi dans nos travaux scientifiques.

Le sénateur Wallace : Monsieur Van Dine, concrètement, comme je ne suis jamais allé à Cambridge Bay, j'essaie d'imaginer ce à quoi ressemblerait la Station de recherche du Canada en Extrême-Arctique. Que comprend cette station? Vous avez dit qu'il y avait actuellement trois employés là-bas, mais qu'y a-t-il d'autre? Comment mène-t-elle les recherches?

M. Van Dine : Merci beaucoup de poser cette question et je m'en remettrai à M. Raillard dans un instant.

Pour commencer, cet établissement, qui sera opérationnel en 2017, sera à la fine pointe. Deux établissements principaux sont en construction. L'un d'eux est voué à la logistique. Il permettra et soutiendra les activités et les travaux scientifiques sur le terrain, qu'ils soient terrestres ou sous-marins. L'immeuble abritera des bureaux et des locaux pour les 50 employés, les scientifiques. On y trouvera plusieurs laboratoires de recherche dont je demanderai à M. Raillard de parler dans un instant.

Ce qui, à mon avis, nous amène à la question de la collectivité, qui a été posée plus tôt, c'est qu'il y a un grand nombre de locaux publics disponibles. Nous n'essayons pas de créer ou de reproduire la présence institutionnelle d'anciens sites militaires dans tout l'Arctique, qui étaient, pratiquement, coupés de la population et fonctionnaient isolément. Nous voulons que l'établissement fasse partie de la collectivité, rappelle un campus afin de permettre les échanges avec la collectivité, y compris un centre de ressources et un espace communautaire pour tenir des assemblées.

Je céderai la parole dans un instant. Nous sommes très emballés par ce projet. Il est donc difficile de nous arrêter d'en parler.

En outre, il y a un endroit consacré aux activités scientifiques axées sur le savoir traditionnel. Nous dotons cet établissement d'une chose qu'on ne trouve dans aucune autre institution dans le monde.

M. Raillard : C'est une station de recherche de calibre mondial et nous avons passé des années à glaner les meilleures idées partout dans le monde, y compris auprès de l'institut British Antarctic Survey et d'autres qui possèdent un grand nombre de stations de recherche, pour avoir la meilleure installation pour un laboratoire qui soit pour le Nord.

Ce sont des laboratoires de recherche haut de gamme — laboratoire aride, humide, d'autopsie — avec un immeuble principal de recherche. Il a un immeuble logistique d'où sont organisées les expéditions en autoneiges et en VTT, avec des aires d'atterrissage d'hélicoptères tout près. C'est une plaque tournante, mais nous avons aussi des annexes. Nous avons des stations de recherche secondaires avec des cabanes éparpillées dans nos principaux secteurs. C'est vraiment un établissement fantastique.

L'architecture de l'immeuble lui-même est magnifique, tellement que les gens du coin ont demandé s'ils pourraient tenir des réceptions de mariage dans notre local de réceptions.

Le sénateur Wallace : C'est un signe de réussite.

M. Raillard : C'est vrai, oui.

Le sénateur Wallace : Est-ce que l'établissement pourrait satisfaire seul ses besoins pour la recherche? Les travaux seraient-ils faits sur place ou faudrait-il encore faire appel assez souvent à d'autres établissements de recherche à Ottawa ou ailleurs?

M. Raillard : C'est exact. C'est une plaque tournante, mais nous aurons d'autres immeubles. Nous sommes en réseau avec le Réseau canadien d'opérateurs de recherche nordique (RCORN). Il existe déjà tout un réseau de stations et nous nous appuyons là-dessus pour que nos recherches soient intégrées aux leurs.

M. Van Dine : Je pense que c'est important pour notre exposé que les membres partent en comprenant que cela enrichira les activités scientifiques dans l'Arctique. Alors que nous combinons deux entités du point de vue de la gouvernance, nous faisons un investissement considérable dans la capacité en Arctique.

Le sénateur Wallace : La nouvelle entité est censée fonctionner indépendamment et avoir son propre mandat. Vous pourriez peut-être nous dire comment elle fonctionnerait conjointement avec le ministère des Affaires autochtones à l'avenir? Y a-t-il un lien de continuité constant ou la SCREA fonctionnerait-elle en gros en vase clos?

M. Van Dine : Les choses ont beaucoup été pensées pour que le SCREA fonctionne en vase clos. J'essaie d'anticiper comment le ministère tire pleinement parti d'une ressource pour tous les Canadiens qui se trouveront là-bas.

Nous aurons ultérieurement certaines questions de stratégie à examiner que nous aimerions être fondées sur des données probantes, mais nous nous attendons à utiliser les résultats des recherches de la SCREA plutôt que d'en être les orchestrateurs. Nous compterons sur les chercheurs pour appliquer leurs meilleures idées, leur meilleure approche, à l'élaboration du programme de recherche et, comme les autres entités fédérales, à l'élaboration d'une politique publique ou à l'élaboration des programmes, nous tirerons profit de ces ressources.

Le sénateur Wallace : D'après ce que je comprends, la SCREA voudra former des partenariats, principalement au Canada et à l'étranger. Pourriez-vous en parler un peu plus, surtout en ce qui a trait aux partenaires étrangers? Qui la SCREA ciblerait-elle comme partenaires étrangers potentiels et donner quelques exemples des types de projets auxquels ils pourraient souhaiter travailler.

M. Van Dine : Je vais commencer à parler et je vais rapidement céder la parole à M. Raillard.

Pour commencer, je vais dire qu'il serait négligent de ma part de ne pas mentionner au départ David Scott, de la Commission canadienne des affaires polaires. La semaine dernière, il a participé avec nous à une séance d'information en compagnie des autres membres d'en face et en raison de contraintes de temps, il n'a pas pu être des nôtres pour cette partie des délibérations du comité. Je souligne que vous aurez l'occasion de vous entretenir avec M. David Scott plus tard, au cours de la semaine, ce qui sera utile.

Entre autres avantages immédiats, notre fusion avec la Commission canadienne des affaires polaires nous permettra d'entreprendre une ère de collaboration avec des gens avides de se joindre à nous et d'orienter leurs travaux de recherche selon nos objectifs.

Je cède la parole à M. Raillard pour qu'il nous parle plus en détail des possibilités s'offrant concrètement à nous.

M. Raillard : Beaucoup de pays souhaitent ardemment collaborer avec nous parce que certains sujets de recherche dans l'Arctique touchent le monde entier, par exemple, les changements climatiques. Ils comptent des chercheurs qui adoreraient travailler dans l'Arctique, et le Canada est un endroit de prédilection pour eux, en raison de sa grande diversité et de sa relative stabilité. Beaucoup de pays veulent collaborer avec nous.

Nous organisons un atelier et un congrès internationaux qui se tiendront en décembre. Actuellement, 12 pays comptent y participer et figurent au sommet de la liste des pays ayant annoncé quel genre de recherche ils voudraient faire. C'est l'occasion, pour le Canada, de prendre l'initiative, d'indiquer quels travaux de recherche il privilégie et de convier ceux qui possèdent l'expertise nécessaire à collaborer avec lui sur telle ou telle question. Les changements climatiques constituent un dossier particulièrement important, mais plusieurs pays possèdent également de l'expertise que nous pourrions mettre utilement à contribution.

Le Canada deviendra un chef de file dans les sciences de l'Arctique. Nous sommes déjà très forts, mais nous assumerons, grâce à ce projet, un rôle de véritables chefs de file.

Après le congrès de décembre, nous élaborerons un plan de travail international où nous définirons les priorités canadiennes et indiquerons comment les autres pays peuvent mettre la main à la pâte dans le cadre de ces priorités. Nous comptons publier cette documentation au cours des deux prochaines années.

Le sénateur Wallace : Existe-t-il, dans d'autres pays, des stations de recherche arctiques du même calibre que celle que nous prévoyons créer au Canada?

M. Raillard : Nous aurons la meilleure station. Il y a de très bonnes stations de recherche à Spitsbergen. C'est là que la plupart des pays européens, par exemple, font leurs travaux scientifiques, mais il s'agit d'un très petit territoire. Sur une carte géographique, ce n'est qu'un simple point. Le Canada a un territoire beaucoup plus étendu à offrir, avec une diversité beaucoup plus grande. C'est un endroit beaucoup plus intéressant pour les grands projets de recherche. Nous serons dotés de la meilleure station de recherche, et son emplacement sera le plus intéressant. Ce sera un pôle d'attraction pour les chercheurs du monde entier.

Le sénateur Wallace : Très bien. Merci beaucoup.

Le président : Je pense que nous avons épuisé les questions. Personne ne manifeste le désir d'en poser d'autres.

Je voudrais en poser seulement une ou deux. Le sénateur Wallace vient de poser plusieurs questions que j'avais l'intention de poser.

Est-on en train de procéder à la fermeture d'installations dans l'Arctique pour faciliter l'aménagement de la station de recherche de Cambridge Bay?

M. Van Dine : Aucune fermeture n'aura lieu en raison de la création de la SCREA. Le gouvernement a choisi de réinjecter des sommes d'argent tout en créant la SCREA, ce qui permet la poursuite d'une quantité importante de travaux.

Le financement fédéral pour la science et les technologies qui a été annoncé il y a quelque temps comprend une subvention de 4 millions de dollars sur quatre ans versée à l'Université Laval, dans le cadre du programme Frontières de la découverte, pour la réalisation du projet ADAPT, qui concerne les changements subis par le pergélisol. De plus, sept projets de recherche ayant pour thème l'Arctique ont reçu au total 32 millions de dollars sur cinq ans, y compris une somme de 5 millions de dollars pour le Laboratoire de recherche sur l'environnement polaire ou PEARL. L'annonce de ce financement a eu lieu au mois de mai 2013. De plus, le gouvernement a consacré 22 millions de dollars sur cinq ans au Programme d'évaluation environnementale régionale et de surveillance de Beaufort, de concert avec d'autres bailleurs de fonds, afin de collecter des données qui serviront de point de comparaison pour mesurer les effets de l'exploitation pétrolière et gazière dans la mer de Beaufort, conformément à l'annonce faite en 2010.

Rien n'indique objectivement que le financement qui existait déjà ait été revu à la baisse.

Le président : Il est plutôt encourageant de vous entendre parler de cette station de recherche dans l'Arctique.

Donc, les travaux qui avaient déjà lieu vont se poursuivre ou serviront désormais à la collecte d'information dans la nouvelle station?

M. Van Dine : C'est exact, monsieur le président. À l'étape où nous en sommes, après nous être fait connaître, nous discutons avec les réseaux existants qui cherchent à déterminer comment la SCREA pourrait leur être utile. Ce sont des discussions qui ont lieu présentement. Elles nous permettent d'établir des relations qui seront éventuellement fructueuses.

Le président : Évidemment, je ne suis pas très au courant de ce que vous faites là-bas. Ce que j'en sais se limite aux comptes rendus de recherche et à l'information qui nous sont fournis, à nous tous. Mais les universités ont été une source importante d'information jusqu'ici. Le seront-elles pour la station? Les universités canadiennes seront-elles mises à contribution d'un bout à l'autre du pays ou principalement dans l'Est du Canada?

M. Van Dine : La SCREA aura énormément recours aux universités de l'ensemble du Canada. Il existe aujourd'hui un réseau qui se maintiendra par l'intermédiaire d'un certain nombre de communautés scientifiques.

M. Raillard : Nous lancerons des demandes de proposition ouvertes à tous dans nos cinq domaines prioritaires. N'importe quelle université du pays pourra y répondre. Il n'y aura aucune restriction.

Le président : Je suppose que vous avez quelques contrats actuellement. En avez-vous avec des universités de l'Ouest canadien? Dans l'affirmative, pourriez-vous en nommer quelques-unes?

M. Raillard : Nous n'en sommes qu'à nos débuts. Nous publierons une demande de propositions dans deux semaines et nous pourrons alors accorder des contrats. Nous n'avons pas été en mesure de lancer des demandes de propositions en vue de notre première saison de recherche sur le terrain. Nous avons obtenu l'argent seulement six semaines avant le début de la saison de la recherche sur le terrain. Nous n'avons pas eu le temps de procéder à des demandes de propositions. La première demande de propositions sera publiée dans deux semaines, et je suis certain que les universités de l'Ouest canadien obtiendront de l'argent pour les travaux projetés.

Par exemple, l'Université de l'Alberta a un programme fantastique de recherche sur l'Arctique. L'Université de la Colombie-Britannique a des chercheurs spécialisés dans les études nordiques. L'Université du Nord de la Colombie- Britannique également. Je suis certain que les universités de l'Ouest canadien bénéficieront d'une partie de l'argent disponible.

Le président : Je suis heureux de vous avoir entendu dire à quelques reprises que, compte tenu de son emplacement géographique, cette station de recherche s'intéressera évidemment beaucoup à la question des changements climatiques. Vous nous en avez bien parlé. Le gouvernement actuel fait l'objet depuis longtemps de critiques virulentes selon lesquelles il ne se soucierait pas assez des changements climatiques. Alors, vous venez en quelque sorte de nous rassurer à ce sujet, sans que personne n'essaie de vous faire dire ce que vous ne vouliez pas dire. Je pense que nous sommes tous heureux de ce que nous venons d'entendre.

Je vous remercie pour vos réponses et vos exposés et j'espère avoir l'occasion de vous rencontrer de nouveau dans le cadre de l'étude que réalise notre comité sur l'exploitation des réserves d'énergie et la production d'énergie dans le Nord du Canada. Merci beaucoup.

Nous poursuivons les audiences de notre étude préliminaire des sections 3, 28 et 29 de la partie 4 du projet de loi C- 43, Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2014.

Je suis heureux d'accueillir les témoins suivants pour nous parler de la section 28 du projet de loi, qui vise à édicter la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif.

Ressources naturelles Canada est représenté par Mark Pearson, directeur général du Secteur des relations externes et de l'intégration des sciences et des politiques, et par Susan Weston, conseillère principale en politiques du même secteur. Justice Canada est représenté par Ekaterina Ohandjanian, conseillère juridique des Services juridiques. L'Association minière du Canada est représentée par Ben Chalmers, vice-président au développement durable. L'organisme Publiez ce vous payez-Canada est représenté par Claire Woodside, directrice.

Je vous remercie d'être venus témoigner. Nous avons hâte de vous entendre. Je pense que nous commencerons avec vous, monsieur Pearson.

Mark Pearson, directeur général, Relations externes, Intégration des sciences et des politiques, Ressources naturelles Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. La Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif concrétise l'engagement du premier ministre Harper, lors du sommet du G8 de 2013, afin de mettre en œuvre des normes de déclaration obligatoire pour les entreprises du secteur des mines, du pétrole et du gaz au Canada avant juin 2015. Cette loi imposera de nouvelles obligations en matière de production de rapports et de transparence aux entreprises de ce secteur.

En 2013, les dirigeants du G8 ont souligné que plusieurs pays en voie de développement jouissaient d'un énorme potentiel de croissance économique grâce aux abondantes ressources naturelles dont ils disposent. Toutefois, dans certains de ces pays, les revenus tirés de l'exploitation de ces ressources ont souvent été mal utilisés ou détournés, faute de mécanismes solides pour en garantir une gestion transparente. Le rehaussement des normes internationales en matière de transparence permettra de resserrer les obligations de rendre des comptes dans les secteurs concernés et préviendra la corruption et d'autres activités illégales.

Au Canada, l'exploitation des ressources naturelles constitue un important moteur économique. Directement et indirectement, le secteur des mines, du pétrole et du gaz représente environ 10 p. 100 du produit intérieur brut du Canada, en plus de procurer un emploi à quelque 625 000 personnes. À l'échelle de la planète, l'industrie minière canadienne est également un acteur important : les intérêts des sociétés minières canadiennes sont répartis dans plus de 100 pays et valent près de 150 milliards de dollars. En 2013, les investissements à l'étranger des sociétés pétrolières et gazières canadiennes s'élevaient à environ 75 milliards de dollars.

C'est dans ce contexte que le Canada, à l'instar de ses partenaires du G8, s'est engagé à rehausser les normes en matière de transparence et à contribuer à la mise en œuvre de normes mondiales communes de déclaration obligatoire.

[Français]

La mise en œuvre à l'échelle nationale de ces exigences de déclaration rehaussera la réputation du Canada comme pays qui exploite ces ressources naturelles de manière responsable et qui respecte les principes du développement responsable des ressources. Grâce à ces mesures, le Canada contribuera à l'avènement d'une norme internationale aux côtés d'autres pays qui mettent en œuvre, eux aussi, des exigences de la déclaration semblables, par exemple les États- Unis et l'Union européenne.

Pour assurer des règles de jeu équitables pour l'industrie canadienne de l'extraction, les exigences du gouvernement fédéral correspondent de manière générale à celles des États-Unis et de l'Union européenne.

[Traduction]

Depuis juillet 2013, le gouvernement fédéral s'est assuré du concours des gouvernements provinciaux et territoriaux, des administrations municipales, des gouvernements et des organisations autochtones, de l'industrie et de la société civile. Le gouvernement fédéral leur a demandé leur point de vue sur les principales exigences relatives aux déclarations obligatoires et sur les moyens de faire respecter ces exigences. Il a tenu les parties concernées informées de ses progrès quant à l'établissement de normes sur les déclarations obligatoires pour le secteur des mines, du pétrole et du gaz. Récemment, lors de la Conférence des ministres de l'Énergie et des Mines d'août 2014, tous les gouvernements provinciaux et territoriaux ont adhéré aux normes de déclaration obligatoire concernant les sommes versées aux pouvoirs publics par le secteur des mines, du pétrole et du gaz et ont convenu de poursuivre leur collaboration afin d'appliquer ces normes.

Ma brève déclaration sur le projet de loi se termine sur ces mots.

Le président : C'est bien, merci. Nous cédons la parole à M. Chalmers.

Ben Chalmers, vice-président, Développement durable, Association minière du Canada : Monsieur le président, merci de me donner l'occasion de témoigner devant vous et le comité sur ce dossier très important pour l'Association minière du Canada.

Au cours des deux dernières années, nous avons collaboré très étroitement avec nos partenaires de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, de Publiez ce vous payez-Canada et de l'institut pour la gouvernance dans le secteur des ressources naturelles. C'est ce qui explique en partie que nous vous ayons demandé de partager le temps qui nous est accordé avec Publiez ce que vous payez. Nous vous remercions d'avoir accepté.

Ce partenariat est devenu le Groupe de travail sur la transparence dans les industries extractives et nous a permis de conclure un accord multipartite avant-gardiste issu des recommandations voulant que les sociétés minières canadiennes aient l'obligation de déclarer leurs paiements aux gouvernements. Nous sommes très heureux de voir les fruits de notre travail dans le projet de loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif.

L'Association minière du Canada préconise depuis longtemps une meilleure transparence dans le secteur minier. Grâce à notre programme Vers le développement minier durable, nous exigeons de nos membres qu'ils rendent des comptes publiquement sur leur conformité aux normes environnementales et sociales pour chaque mine. Pour autant que nous sachions, il s'agit, dans le monde entier, du seul cadre de référence du genre qui oblige les entreprises à publier de l'information aussi détaillée, après l'avoir soumise à une vérification indépendante. Il nous a donc été très facile d'adhérer aux principes défendus par la coalition Publiez ce que vous payez, pour ce qui est de la transparence dans l'utilisation des revenus provenant des ressources naturelles.

Nous sommes tout à fait convaincus de l'utilité de ce genre de déclaration obligatoire pour trois raisons. Premièrement, les populations locales peuvent exiger de leurs pouvoirs publics qu'ils fassent une utilisation bénéfique des revenus qui sont générés par l'industrie minière et qui leur sont versés.

Deuxièmement, une fois déclarés publiquement, ces revenus peuvent difficilement s'évaporer sous l'effet de la mauvaise gestion ou de la corruption. Troisièmement, nos entreprises disposent d'un mécanisme particulièrement important pour nous qui permet à nos membres de communiquer de manière crédible et indépendante les avantages qui résultent de l'exploitation minière pour les populations locales et les pays concernés.

Pour ces trois raisons, nous avons été rapidement convaincus de l'utilité de déclarer publiquement ces revenus. Il ne s'agissait pas de savoir si nous le ferions ou non, mais bien de déterminer comment nous le ferions.

M. Pearson a parlé de ce qui s'est passé depuis que le premier ministre a pris un engagement lors d'un sommet du G8, et je voudrais simplement souligner le travail réalisé avant cet engagement par le Groupe de travail sur la transparence dans les industries extractives, qui a joué un rôle vraiment important quand est venu le temps de porter cet enjeu à l'attention de l'industrie minière et de l'inciter à prendre part au débat public. Je crois que c'est un bon exemple de ce qui peut être accompli lorsque l'industrie, la société civile et les pouvoirs publics arrivent à s'entendre sur une question et décident de collaborer pour mettre en œuvre des mesures concrètes.

Permettez-moi maintenant de me pencher sur certains éléments particuliers du projet de loi, que le gouvernement fait bien de proposer. C'est une mesure qui va dans le sens de nos recommandations et qui est semblable aux mesures en cours d'adoption en Europe et à celles qui, selon l'information que nous détenons, sont envisagées aux États-Unis. Les observations de M. Pearson à cet égard sont tout à fait justes.

Ce projet de loi comprend des éléments clés comme les montants minimaux à partir desquels les paiements doivent être déclarés, les types de paiements à déclarer, la définition des pouvoirs publics et la manière de détailler les sommes issues de chaque mine. Les dispositions du projet de loi sur ces éléments clés sont soit conformes aux dispositions d'autres pays ou sont rédigées de manière assez souple pour pouvoir être harmonisées avec celles des autres pays.

Je tiens à souligner particulièrement la formulation permettant aux dispositions d'englober les entreprises qui ne sont pas cotées en bourse. Nos recommandations visaient les sociétés cotées en bourse, mais il est logique d'inclure également les autres. Compte tenu des montants minimaux établis dans le projet de loi et des entreprises qu'il vise, soit toutes celles qui ont un établissement au Canada, qui y exercent des activités ou qui y possèdent des actifs, nous pouvons dire que la formulation retenue est très générale et comprend non seulement les entreprises principalement basées au Canada, mais aussi toute multinationale ayant des liens avec le Canada. Le projet de loi va ainsi au-delà de nos recommandations, et la question de l'harmonisation des dispositions d'un pays à l'autre devient alors très pertinente.

Cette question est d'une importance cruciale parce que l'information n'est utile que si elle est publiée de manière uniforme au sein de l'industrie et au sein des entreprises. Si une entreprise publie, en Europe, des chiffres qui ne sont pas les mêmes que ceux qu'elle publie au Canada, à cause des légères différences pouvant exister dans la définition des catégories de paiement ou d'exploitation minière ou encore dans la forme que doit prendre l'information publiée, on risque de se retrouver avec deux ensembles de données pour décrire une seule et même réalité, ce qui pourrait les rendre difficiles à utiliser.

En outre, le fardeau administratif des entreprises serait alourdi si elles devaient fournir des données différentes selon les lois en vigueur dans chaque pays. Le projet de loi prévoit les outils nécessaires pour que des équivalences puissent être établies avec d'autres pays, notamment les pays européens. Mais il est essentiel que nous procédions rapidement à l'établissement de ces équivalences et que nous encouragions nos partenaires étrangers à faire de même dans le but de créer une norme internationale. En outre, compte tenu de la vaste portée du projet de loi, il sera important de faire un effort de communication pour veiller à ce que les entreprises soient conscientes de l'information qu'elles devront obligatoirement publier au Canada.

Sur ce, je voudrais remercier le comité de nous avoir donné l'occasion de témoigner lors de ses audiences sur la question et je félicite le gouvernement du Canada d'avoir pris l'initiative dans ce domaine et d'avoir présenté ce projet de loi judicieux, qui fait suite aux travaux novateurs entrepris par le Groupe de travail sur la transparence dans les industries extractives.

Le président : Merci. Nous allons céder la parole à Mme Woodside. Je vous en prie.

Claire Woodside, directrice, Publiez ce que vous payez-Canada : Bonsoir. Au nom de Publiez ce que vous payez- Canada, je voudrais vous remercier de nous donner la possibilité de prendre la parole devant vous au sujet du projet de loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif. Publiez ce que vous payez-Canada fait partie d'un réseau mondial de plus de 800 organismes de la société civile qui militent pour la transparence du secteur des mines, du pétrole et du gaz naturel dans de nombreux pays, notamment pour faire adopter des projets de loi au sein de l'Union européenne et aux États-Unis. Nous devons féliciter non seulement le gouvernement pour le rôle de chef de file qu'il a su assumer dans ce dossier, mais également le secteur minier canadien pour avoir, lui aussi, su prendre l'initiative. Le gouvernement et le secteur minier se sont réellement positionnés comme des champions de la transparence sur la scène internationale.

Le mouvement mondial pour la transparence accueille avec joie le projet de loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif. De nombreuses dispositions de ce projet de loi sont conformes à la norme mondiale et sont très bien harmonisées avec la Directive sur la transparence et la responsabilité de l'Union européenne et avec l'article 1504 de la loi Dodd-Frank, qui sont deux mesures législatives comparables. Ces dispositions prévoient le montant minimal de 100 000 $ canadiens ainsi que les catégories de paiements à déclarer. Elles visent les entreprises cotées en bourse ou non, leurs sociétés mères et leurs filiales. Nous félicitons le gouvernement d'avoir pris cette initiative et de se soucier de l'harmonisation des dispositions canadiennes avec celles des autres marchés.

Toutefois, le paragraphe 9(5) de la loi envisagée nous inquiète. Les autres lois équivalentes, ailleurs dans le monde, précisent beaucoup mieux la forme que doivent prendre les rapports et la manière de les fournir. Ils indiquent que l'information contenue dans les rapports doit être ventilée par projet, par catégorie de paiement, par pays et par administration publique. Les lois définissent clairement l'obligation, pour les entreprises, de déclarer les paiements issus de chaque projet. Cette obligation est prévue dans les recommandations du groupe de travail.

La formulation retenue dans le projet de loi nous paraît inadéquate. Comme vous le verrez, le projet de loi accorde au ministre le pouvoir de préciser la façon de présenter ou de ventiler les paiements dans le rapport, c'est-à-dire par projet ou autrement. Or, nous pensons que le projet de loi ne saurait atteindre ses objectifs s'il ne précise pas l'obligation de déclarer les paiements effectués pour chaque projet. Les citoyens, les collectivités, les journalistes et les parlementaires ne seront pas en mesure d'obliger leur gouvernement à leur rendre des comptes si l'information à laquelle ils ont accès n'est pas ventilée par projet. Bien que, à notre avis, le gouvernement du Canada ait effectivement l'intention de préciser, dans un document donnant des consignes administratives, l'obligation de ventiler les paiements par projet et bien qu'un tel document soit le moyen idéal de fournir aux entreprises un modèle de rapport de même que certaines définitions, l'harmonisation des lois dont vous a parlé M. Pearson ne sera pas complète si la loi canadienne n'est pas renforcée de manière à préciser le type de ventilation à inclure dans les rapports ainsi qu'une échéance principale avant laquelle la ventilation des montants par projet devra être fournie.

Dans de nombreux pays, l'État verse aux administrations publiques locales ou régionales concernées par l'exploitation des ressources naturelles une partie des revenus qu'il en tire. Or, ces administrations ne peuvent pas demander ou contrôler la redistribution des revenus si les paiements ne sont pas ventilés par projet dans les rapports. C'est donc une obligation essentielle qui doit être incluse dans le projet de loi et qui occupe une place très importante dans les autres lois semblables, ailleurs dans le monde. Quoique nous félicitions le gouvernement pour les progrès réalisés dans ce dossier, progrès dont nous sommes globalement très heureux, et quoique nous voyions le projet de loi d'un œil très favorable, nous tenons aujourd'hui à vous faire part de notre objection concernant le paragraphe 9(5).

Nous serons heureux de collaborer avec le gouvernement sur cette importante question, dans le cadre de la rédaction des consignes administratives destinées à garantir la conformité des normes canadiennes avec les pratiques exemplaires sur la scène internationale, à harmoniser ces normes avec les lois existant dans d'autres régions du monde et à permettre au Canada de continuer d'être un champion de la transparence parmi les pays. Merci pour le temps que vous m'avez accordé aujourd'hui.

Le président : Je vous remercie tous les trois pour vos exposés. Les membres du comité ont sans doute des questions à vous poser. Je cède donc la parole au vice-président du comité, le sénateur Massicotte.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je vais commencer avec une question pour M. Pearson. Les arguments de Mme Woodside sont très convaincants, très logiques. En effet, si c'est la transparence qu'on recherche et qu'on n'a pas assez de détails sur les paiements, c'est peu utile. Alors, peut-être pourriez-vous répondre à la question de Mme Woodside : peut-on s'attendre à ce que le ministre exige un rapport projet par projet, pays par pays, et cetera?

M. Pearson : Merci pour votre question.

[Traduction]

Oui, nous avons l'intention de ventiler l'information par projet. Comme Mme Woodside l'a souligné, cette obligation sera indiquée dans le document donnant les consignes administratives et dans le modèle de rapport. Je cède la parole à notre conseillère juridique, qui vous expliquera pourquoi nous avons retenu la formulation employée dans le projet de loi. Je pense que c'est une question de clarté.

[Français]

Ekaterina Ohandjanian, conseillère juridique, Services juridiques, Justice Canada : Merci, monsieur. Ce n'est pas une question d'obligation de faire rapport, mais plutôt de savoir comment on fait la ventilation des paiements qui sont rapportés. C'est, je pense, une difficulté de compréhension des règles, même avec l'Union européenne, pour savoir, en référence aux projets, quels sont les paiements qui y sont reliés et qui relèvent des renseignements qu'on doit fournir.

L'obligation de faire rapport est claire dans la loi. Ce sont les paiements qui sont dans les catégories visées dans la loi et qui seront au seuil de 100 000 $. La question des projets est une question de ventilation des paiements. Comment les paiements sont organisés, en fait. C'est pour cela que, du point de vue du gouvernement, il est plus raisonnable de laisser cela au format, à la façon de faire rapport, la façon d'organiser ces renseignements, et non pas de parler d'un élément qui est lié à l'organisation des paiements dans la loi elle-même. Le fait est que les règles, celles prises en vertu de la loi Dodd-Frank et celles de l'Union européenne, changent. Alors, on veut avoir cette flexibilité. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas faire une ventilation par projets que vous ne voyez pas que l'aspect projet est vraiment central dans la loi. C'est dû au fait que c'est une question de savoir comment on fait, comment on organise ces renseignements. C'est pour cela que c'est ainsi.

Le sénateur Massicotte : Je n'ai pas d'objection du point de vue du format. Le ministre a une flexibilité totale. Mais je pense que les arguments de Mme Woodside sont clairs; mis à part le format, il est important que la divulgation de l'information soit faite, pays par pays, y compris projet par projet. Pouvez-vous nous dire si c'est l'intention du ministre avec ce projet de loi?

Mme Ohandjanian : En fait, oui, car si on veut avoir l'équivalence avec les règles du Royaume-Uni, de l'Union européenne et, je présume, des États-Unis, quand nous aurons accès aux règles qui auront été révisées, on ne pourra pas le faire si on n'a pas cette même approche.

Le sénateur Massicotte : J'ai une autre question. Je pense que le projet de loi a beaucoup de mérites et qu'il est tout à fait nécessaire. Mais, comme vous le savez, les firmes d'ingénierie ont des pratiques, comme on l'a vu dans le cas de SNC-Lavalin, de la divulgation d'information par la Banque mondiale, et cetera. La tendance de ces compagnies est d'embaucher une personne, à qui on paie des droits; son contrat est très clair, c'est la promotion, la recherche de contrats. C'est très louable, je n'ai aucun problème avec cela.

Mais ces compagnies se servent d'entités à l'extérieur du Canada pour faire des paiements sous la table, illégaux, aux dirigeants de certains pays. Je pense que c'est la manière la plus courante d'opérer la corruption de ces contrats. Malheureusement, ce projet de loi n'aborde pas cet aspect et ne change pas cela.

Mme Ohandjanian : Si vous regardez l'article 3, vous allez voir quelques règles qui tentent de viser cet aspect. De plus, vous verrez, dans les infractions, à l'article 24, que l'on essaie d'une autre manière de viser la même question. C'est un signal qu'on envoie à l'industrie selon lequel on s'engage dans cette voie, de la façon la plus légère.

[Traduction]

Il ne s'agit pas de réglementer l'industrie, mais d'adopter une mesure de dissuasion contre la corruption. Par conséquent, nous nous efforçons de mettre l'accent sur le comportement de l'industrie dans ce contexte.

Le sénateur Massicotte : Je lis votre paragraphe 3 et votre autre paragraphe. Décrivez-moi brièvement comment ces paragraphes seront utiles pour lutter contre cette pratique très courante.

Mme Ohandjanian : Si une entreprise a recours à un intermédiaire pour effectuer des paiements qu'elle devrait déclarer pour respecter ses obligations et qui, de l'avis des organismes de la société civile, devraient avoir des effets bénéfiques, la loi prévoit que ces paiements seront tout de même attribués à l'entreprise. Donc, les entreprises ne pourront pas employer des méthodes créatives pour éviter de déclarer leurs paiements.

Pour dissiper tout doute dans votre esprit, je vous suggère de jeter un coup d'œil au paragraphe 24(3), où il est précisé que toute entreprise qui structure ses paiements dans l'intention de se soustraire à son obligation de les déclarer viole la loi.

Le sénateur Mitchell : Je voudrais approfondir la question des précisions incluses dans le texte de loi. Madame Woodside, vous pourriez me répondre en premier. Il me semble que certaines explications nous ont été données et que certaines critiques ont été formulées en ce qui a trait aux désavantages de préciser les obligations comme le font les lois des autres pays. Pensez-vous que l'approche employée dans les autres pays est problématique ou, à l'inverse, qu'il serait avantageux de faire comme eux et d'adopter un texte de loi plus contraignant?

Mme Woodside : Nous pensons qu'il est avantageux de préciser les obligations comme dans les textes de loi des autres pays. Cela ne signifie pas que les lois adoptées à l'étranger ne contiennent aucune zone grise. Il reste toujours du travail à faire une fois une loi adoptée. Par exemple, il faut élaborer un modèle de déclaration obligatoire et préciser les définitions. Je crois que la Directive sur la transparence et la responsabilité de l'Union européenne est plus détaillée que l'article 15.04 de la loi Dodd-Frank. Par conséquent, lorsque viendra le temps d'appliquer cette loi, l'interprétation qu'on en donnera sera plus susceptible d'être contestée devant les tribunaux que la directive européenne, compte tenu de la formulation employée dans le texte de loi.

Cependant, je pense que, dans les deux cas, les dispositions sont formulées de manière plus stricte en ce qui concerne la ventilation des paiements. L'Union européenne précise de manière particulièrement claire que les dispositions sur la ventilation des paiements, mais pas nécessairement sur la forme des rapports, doivent être transposées d'une manière donnée dans les législations nationales. Les dispositions sont plus précises sur ce point, puisque la question de la ventilation par projet y est incluse, alors les exigences sont plus claires. Lorsqu'un État transposera la directive dans sa législation, il saura plus précisément comment les dispositions doivent être formulées. La Directive sur la transparence et la responsabilité de l'Union européenne laisse peu de marge de manœuvre aux États.

Le sénateur Mitchell : Merci. Il me semble que le projet de loi porte sur les paiements faits aux gouvernements, mais la corruption peut se faire sans que de l'argent soit versé au gouvernement. Le président du pays peut recevoir des pots- de-vin sans jamais les transmettre à personne d'autre, mais l'argument qu'on a fait valoir tout à l'heure consiste à dire que l'entreprise serait responsable si l'argent était remis à quelqu'un d'autre. Est-il déjà illégal de verser des pots-de-vin directement à des dirigeants étrangers, ce qui expliquerait qu'il ne soit pas nécessaire de le préciser dans ce projet de loi en y incluant une liste des autorités gouvernementales et des autres entités?

M. Pearson : Je devrais peut-être commencer par vous rappeler ce que mes collègues ont déjà dit, je crois, à savoir que ce projet de loi vise à obliger les gouvernements à rendre des comptes concernant les sommes d'argent qui leur sont versées. Souvent, lorsqu'une entreprise exploite des ressources naturelles à l'étranger et qu'elle y paie des impôts et des redevances à l'État, on constate que l'argent ne semble pas être injecté dans l'économie. Les gens se demandent alors ce qu'il advient de l'argent et se mettent à pointer du doigt l'industrie. Voilà pourquoi ces dispositions sont utiles. L'information étant publique, les citoyens des pays concernés peuvent demander des comptes à leur gouvernement : Qu'est-il advenu de l'argent? Comment a-t-il été utilisé? La loi crée un climat de transparence. En ce qui a trait à la corruption et aux interprétations juridiques, je laisse la parole à Ekaterina.

Mme Ohandjanian : Oui, le texte de la loi dit bien qu'elle a pour but de lutter contre la corruption. C'est le principal objectif de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers. Dans l'arsenal législatif fédéral, cette loi représente notre approche pour bien faire comprendre aux gens que corrompre un titulaire de charge publique étranger en lui versant des pots-de-vin constitue l'une des infractions que nous essayons de combattre également avec le projet de loi actuel.

Le sénateur Mitchell : Monsieur Chalmers, vous m'avez donné à réfléchir, et je voudrais que vous me fournissiez quelques précisions concernant ce que vous avez dit. Il me semble que, selon vous, ce projet de loi implique l'obligation, pour une société canadienne établie au Canada, de déclarer ses paiements. Il me semble aussi qu'une société canadienne exploitant une mine au Brésil aurait la même obligation. Ces dispositions me semblent bonnes. Or, une société brésilienne exploitant une mine au Canada aurait la même obligation, mais pourrions-nous la contraindre pareillement à publier la même information concernant ses activités au Nicaragua, au Chili ou dans un autre pays? Aurions-nous les moyens de dire à l'entreprise en question que, si elle a des activités au Canada, elle devra se plier à cette exigence partout dans le monde où elle exploite des mines?

M. Chalmers : C'est effectivement ce que prévoit le projet de loi. Les dispositions s'appliqueraient à toute entreprise qui est établie au Canada ou y puise un minerai, du pétrole ou du gaz. Une entreprise brésilienne ayant une filiale canadienne propriétaire de tous ses actifs au Canada serait obligée de déclarer tous les paiements faits par cette filiale. Cependant, une entreprise brésilienne possédant directement des actifs au Canada serait elle-même tenue de déclarer tous ses paiements dans le monde entier.

Le sénateur Mitchell : Il me semble que vous trouviez cette disposition excessive et que vous vous en inquiétiez. Pourquoi?

M. Chalmers : Cette disposition va au-delà des recommandations faites dans notre cadre de référence. Dans l'élaboration de notre cadre de référence, nous avons adopté une perspective voulant que les dispositions canadiennes fassent partie d'une norme mondiale. Je pense que Claire l'a bien fait ressortir. Par conséquent, le Canada ne devrait pas se sentir obligé de viser lui-même, avec sa loi, la totalité de l'industrie minière partout dans le monde. Le projet de loi ne va pas jusque-là, mais il dépasse largement ce que nous devions faire, car les dispositions adoptées par les Européens s'appliqueront uniquement aux entreprises qui ont des activités en Europe. Les dispositions de la loi étasunienne s'appliqueront uniquement aux entreprises qui ont des activités aux États-Unis. Il est à espérer que les Australiens fassent de même, et ainsi de suite pour les autres pays. Si nous voulons que cette norme soit efficace, elle doit être appliquée dans le monde entier et nous devons mettre la main à la pâte dans cette optique. Toutefois, nous devons collaborer avec les autres pays.

Le point important, à cet égard, est le mécanisme d'équivalence. Nos dispositions doivent être judicieusement formulées, de telle sorte qu'une entreprise n'ait à produire qu'un seul rapport, sous une forme unique, peu importe où elle est établie et peu importe quelles sont ses obligations.

Puis-je tenter de donner mon point de vue en réponse à la dernière question également? Ce projet de loi devra être appliqué conjointement avec la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers. Au-delà de ce que les gens du ministère des Ressources naturelles nous ont dit, la loi constituera un outil vraiment important pour les entreprises, dans la lutte contre la corruption. Nous avons accueilli favorablement la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers et les amendements qui y ont été apportés par le Sénat l'année dernière, mais nous pensons qu'avec la loi proposée, nous disposerons d'un outil supplémentaire qui nous permettra de nous défendre plus efficacement lorsqu'on nous approchera pour nous demander un pot-de-vin. La loi nous permettra de répondre : « Nous pouvons vous verser cet argent, mais nous devrons le déclarer. Si c'est ce que vous voulez vraiment, nous pouvons en discuter avec vous, mais nous ne pensons pas que ce soit le cas, alors nous vous proposons d'oublier cette idée et de faire des affaires dans la transparence. »

Le sénateur Mitchell : Pourrai-je poser des questions lors du deuxième tour de table?

Le président : Oui.

Le sénateur Wallace : Monsieur Pearson, je pense que ma question pourrait s'adresser à vous. Ce projet de loi étant destiné à résoudre le problème de la corruption ou à dissuader les entreprises d'inclure, dans leurs contrats, des clauses permettant la corruption, je me demande si, pendant la préparation des mesures législatives au Canada et peut-être à l'étranger, on s'est efforcé de mesurer l'ampleur du problème. A-t-il déjà été quantifié au Canada ou à l'étranger, de manière à ce que nous puissions avoir une bonne idée de ce à quoi nous nous attaquons?

M. Pearson : Oui. Selon l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives, qui prévoit des déclarations obligatoires du même genre, par exemple, les entreprises doivent déclarer leurs paiements à des gouvernements. De surcroît, les gouvernements doivent déclarer les sommes qu'ils reçoivent. Une tierce partie indépendante s'occupe alors de comparer les données provenant des deux sources pour voir si elles concordent.

Au Nigeria, on a pu constater que 8 milliards de dollars étaient disparus. La plus grande partie de cette somme a été retrouvée, mais il reste encore de l'argent qui ne l'a pas été. Alors, la corruption est assez répandue, et je suis certain que Mme Woodside aurait de nombreux exemples à vous donner à cet égard. C'est un problème important.

Le sénateur Wallace : Dans son exposé, Mme Woodside nous a indiqué, comme vous l'avez sans doute entendu, que le groupe de travail avait fait de la ventilation des paiements par projet l'une de ses principales recommandations. Elle nous a dit également que le projet de loi aurait pour effet d'appliquer cette recommandation à condition qu'il soit accompagné d'un document de consignes administratives.

Selon vous, un document de consignes administratives sera-t-il aussi efficace que l'inclusion, dans le texte de loi lui- même, d'une disposition prévoyant la ventilation des données par projet? Y a-t-il une différence de forme plutôt que de substance entre les deux modalités? L'information sera-t-elle disponible de toute façon, quelle que soit la manière employée pour définir l'obligation?

M. Pearson : Je vois. L'élaboration du document de consignes administratives se fera de concert avec l'industrie des mines, du pétrole et du gaz. Avec celle-ci, nous définirons essentiellement ce que l'on entend par le mot « projet », car ce n'est pas évident. Nous y arriverons en collaborant avec l'industrie et nous élaborerons le modèle de ventilation des données par projet. Le document de consignes administratives comprendra ces détails.

Je sais qu'Ekaterina peut parler des aspects juridiques liés au document et vous indiquer clairement la façon dont nous allons procéder.

Mme Ohandjanian : J'aimerais seulement préciser qu'il est surtout question de l'approche choisie. Vous avez parfaitement raison. En ce qui concerne l'Union européenne et le Royaume-Uni, il y a des dispositions à ce sujet dans la réglementation, mais encore une fois, il s'agit de déterminer de quelle manière les détails seront fournis.

Comme Mme Woodside l'a souligné, ces règles prévoient également une certaine souplesse, car, encore une fois, il faut non seulement définir ce qui constitue un projet, mais aussi déterminer comment on organisera les données de manière à ce que les organisations de la société civile et tous ceux qui cherchent cette information puissent utiliser ces données efficacement.

Par conséquent, il ne serait pas convenable de définir cette approche dans la loi. C'est un choix délibéré qui vise à assurer une approche à la fois souple et efficace; je ne crois pas que ce choix nuise à l'efficacité de l'approche. Je crois que le gouvernement est d'avis que l'approche est efficace.

Le sénateur Wallace : D'après ce que vous avez dit, dois-je comprendre que l'approche proposée dans ce projet de loi ne serait pas différente de celle qui a été adoptée ou que l'on propose d'adopter dans d'autres pays?

Mme Ohandjanian : Encore une fois, comme l'a dit M. Chalmers, nous aimerions que la norme canadienne soit alignée sur les normes internationales. Nous avons tout avantage à établir une norme qui respecte les normes internationales afin que notre industrie ne soit pas désavantagée en étant obligée de produire trois rapports différents parce qu'elle est assujettie à trois règlements différents.

C'est une question de mise en œuvre. Nous avons choisi cette approche de façon délibérée afin de ne pas perdre un temps précieux pour une question de mise en œuvre. Outre cela, nous croyons que l'approche est appropriée sur le plan tant du contenu que de la portée juridique.

Le sénateur Wallace : D'accord. Il s'agit également d'harmoniser notre approche avec celle des autres pays, n'est-ce pas?

Mme Ohandjanian : C'est exact.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup. Ma question s'adresse peut-être à vous, monsieur Pearson. Elle porte sur les dispositions transitoires. Si je comprends bien, on prévoit une période de sursis de deux ans pendant laquelle les gouvernements autochtones n'auront pas à faire rapport sur des paiements. Il est clairement indiqué que les dispositions de la loi ne s'appliquent pas aux paiements faits par une entité pendant la période de deux ans aux bénéficiaires cités, qui incluent d'une part les gouvernements autochtones au Canada, et d'autre part, tout organisme établi par au moins deux gouvernements autochtones au Canada.

J'aimerais seulement savoir ce qui se passera pendant cette période de sursis de deux ans et ce qui justifie cela. De plus j'aimerais que vous expliquiez comment le gouvernement déterminera ce qui constitue un gouvernement autochtone. Quelle est la définition?

M. Pearson : Merci de la question. Nous avons eu l'idée de la période de sursis de deux ans parce que, lors des séances de consultation avec les organisations autochtones dont j'ai parlé pendant mon exposé, il était clair que ces organisations avaient besoin de plus de temps. Elles aimeraient que nous visitions les collectivités afin d'expliquer comment la loi fonctionnera. Encore une fois, parmi les préoccupations fréquemment soulevées, il y avait le fait qu'il n'y a pas de production de rapports de la part des gouvernements autochtones; il est question des paiements que les entités commerciales, les sociétés extractives ainsi que les secteurs pétrolier, gazier et minier font aux gouvernements, y compris les gouvernements autochtones.

L'industrie a également fait des mises en garde à ce sujet. Elle a suggéré que nous prenions les précautions nécessaires à l'égard des organisations autochtones, car en ce moment, cette information peut être assujettie à des ententes sur les répercussions et les avantages. Dans bien des cas, il s'agit d'ententes confidentielles. Il faut donc travailler avec les organisations autochtones afin que, d'ici à ce que ces paiements fassent l'objet d'un rapport, on s'assure que des séances d'information supplémentaires ont été tenues dans les collectivités autochtones — ce qu'on prévoit faire au cours des prochains mois — afin que chacun comprenne le processus.

Certaines provinces ont également dit qu'il valait mieux prendre le temps de bien faire les choses. Nous avons donc accordé une période de sursis de deux ans afin que tout le monde soit sur la même longueur d'onde.

Pour ce qui est de la définition de « gouvernement autochtone », Ekaterina, aimeriez-vous en parler?

Mme Ohandjanian : Bien sûr. La loi ne définit pas ce qui constitue un gouvernement autochtone. L'approche, alignée sur celle de l'Union européenne et des États-Unis, consiste à traiter de la même manière toutes les institutions publiques qui assument les fonctions d'un gouvernement, et à obliger les entités qui doivent faire des déclarations à produire des rapports indiquant les organismes publics avec lesquels elles ont interagi, et auxquels elles ont versé des paiements appartenant aux catégories visées par la loi.

Notre approche consiste à traiter tous les organismes publics de la même manière. Aucune définition n'est proposée aux termes de cette loi. Il y a une allusion générale au « gouvernement autochtone » qui désigne quiconque représente la collectivité, mais cela pourrait inclure les signataires d'accords sur l'autonomie gouvernementale, les bandes des Premières Nations, voire les sociétés contrôlées par des Autochtones qui agissent comme un gouvernement, et c'est en quelque sorte ce qu'on entend par « gouvernement ».

Encore une fois, je tiens à souligner que l'approche, alignée sur celles des États-Unis et de l'Union européenne, consiste à faire preuve de neutralité à l'égard de ce qui constitue un gouvernement.

La sénatrice Seidman : Merci. Je présume que cela comprendrait, par exemple, une organisation comme la KIA, qui a interjeté appel auprès de l'ARC, qui, je crois, a rendu une décision en sa faveur en 2010. Est-ce que cette définition du terme « gouvernement » s'appliquerait dans ce cas-ci?

Mme Ohandjanian : Encore une fois, l'approche consiste généralement à obliger les entités qui doivent faire des déclarations à faire rapport sur les paiements qu'ils ont versés à un organisme public. Ce qui importe, ce n'est pas la forme que prend l'entité qui assume des responsabilités, des fonctions ou des pouvoirs publics, mais le fait que cette entité se présente comme étant responsable de cette charge publique.

Cela pourrait comprendre, par exemple, une société qui agit comme trésorier d'un conseil de bande. En tant que titulaire de ces fonctions, elle serait considérée comme le bénéficiaire du paiement aux termes du projet de loi. C'est un concept associé au gouvernement. L'entité doit faire rapport sur les paiements visés par la loi qu'elle a versés au gouvernement.

La sénatrice Seidman : Merci de cette précision utile.

Monsieur Chalmers, pourriez-vous apporter des précisions à propos des ententes sur les répercussions et les avantages? Les membres de votre association croient-ils que le fait d'obliger la publication de ces renseignements, qui sont pour le moment confidentiels, nuira à leurs relations avec les Autochtones et les gens du Nord?

M. Chalmers : Je crois que la meilleure réponse que je puisse donner, c'est que nous sommes tout à fait en faveur de la période de sursis de deux ans, et nous avons fortement encouragé le gouvernement à prendre le temps de consulter les gouvernements autochtones. Nous avons travaillé très fort pour développer les relations que nous avons. Nous sommes en faveur de la transparence. Nous voulons seulement qu'on prenne le temps de consulter les gouvernements autochtones.

Lorsqu'il s'agissait de déterminer s'il fallait inclure les gouvernements autochtones, notre approche était fondée sur notre collaboration avec Publiez ce que vous payez. Nous avons fait les recommandations sur les règles sur les obligations redditionnelles conjointes concernant les gouvernements. Nous étions d'avis que, si on devait inclure les gouvernements autochtones, il fallait le faire en collaboration avec ces derniers. Nous sommes heureux que le gouvernement prévoie prendre le temps de faire cet effort de sensibilisation.

La sénatrice Seidman : La période de sursis de deux ans est donc une mesure positive.

M. Chalmers : Je pense que oui.

La sénatrice Seidman : Très bien, merci beaucoup.

Le président : Avant que nous passions à la deuxième série de questions, j'aimerais poser des questions complémentaires à celles de la sénatrice Seidman.

Les gouvernements autochtones, quelle que soit la façon dont ils sont définis, ont maintenant deux ans pour s'entendre avec le gouvernement fédéral. Doit-on absolument attendre deux ans, ou s'agit-il tout simplement de dire que les détails seront réglés pendant ces deux années? Quand on parle de deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi, s'agit-il de la date limite?

Mme Ohandjanian : En effet. Il y a, en quelque sorte, un délai de deux ans avant que les entités commencent à faire rapport sur les paiements qu'ils versent à un gouvernement autochtone au Canada. C'est prévu dans la loi.

Tout paiement fait à partir de la date du deuxième anniversaire de l'entrée en vigueur devra être comptabilisé, et tous les paiements visés devront faire l'objet d'un rapport aux termes de la loi.

Le président : Je crois que vous avez répondu à mon autre question. Cela s'applique au Canada?

Mme Ohandjanian : Au Canada.

Le président : Partout dans le monde, il faut faire rapport sur ces paiements versés à des gouvernements autochtones, quels qu'ils soient, n'est-ce pas?

Mme Ohandjanian : C'est exact, et cela correspond à l'approche adoptée par l'Union européenne et les États-Unis.

Le président : Partout dans le monde — prenons l'exemple du Chili — les gouvernements autochtones approuvent une telle mesure et savent à quoi s'en tenir, est-ce exact?

Mme Ohandjanian : Les normes internationales visent les paiements versés au gouvernement, peu importe la collectivité qu'il représente. On propose d'accorder une période de sursis de deux ans pour répondre à des besoins qui sont propres au Canada. Outre cela, l'approche est neutre lorsqu'il s'agit de déterminer ce qui constitue un gouvernement et la façon de faire rapport sur les paiements versés à des gouvernements.

Le président : J'aimerais seulement m'assurer de comprendre une autre chose que vous avez dite. Si l'entité est une entreprise appartenant à une bande ou à un gouvernement autochtone, quel qu'il soit, les paiements liés à un projet d'extraction devraient être faits à cette entreprise et faire l'objet d'un rapport. Est-ce en quelque sorte l'approche que vous privilégiez, où est-ce que cela reste à déterminer dans le cadre des négociations avec les gouvernements autochtones?

Mme Ohandjanian : Tout est dans les détails. Il est question des paiements que l'entité reçoit en tant que titulaire d'une charge publique. Ainsi, si l'entreprise privée agit comme trésorier du conseil de bande parce qu'elle a une présence légale et un compte bancaire au pays, alors en réalité, le paiement est destiné au conseil de bande, et non à une quelconque entreprise. Si l'entité assume une charge — par exemple, celle de trésorier — au nom du conseil de bande, c'est ce dernier qui est considéré comme le bénéficiaire aux termes de la loi.

Le président : Selon ce que je comprends, les paiements visés incluent les taxes, les redevances, les frais, les droits découlant de la production, les primes, les dividendes, les paiements pour l'amélioration d'infrastructures ou toute autre catégorie de paiement prévue par règlement.

Prenons simplement l'exemple d'une société pétrolière comme Chevron. Si ses oléoducs traversent quatre provinces différentes, faut-il faire rapport? Lorsqu'on parle de gouvernements, on inclut notamment les administrations régionales, les comtés, les municipalités, les villes, les gouvernements provinciaux et bien d'autres. Est-ce que cette société appelée Chevron devra divulguer séparément chacune des taxes qu'elle paie aux administrations locales de l'ensemble de la province pour pouvoir exploiter l'oléoduc en question, ou doit-elle seulement fournir le montant total et laisser quelqu'un d'autre ventiler les paiements?

Mme Ohandjanian : Nous revenons à ce que nous avons dit précédemment sur la raison pour laquelle la ventilation par projet est bien adaptée à l'approche que nous proposons. C'est parce que les taxes — pour reprendre votre exemple — sont habituellement perçues à l'échelle de l'entité, et il est difficile de les ventiler en fonction des projets.

Chevron n'est peut-être pas tout à fait le meilleur exemple, puisque les oléoducs ne sont pas visés par la loi, mais prenons l'exemple de Shell Canada. La société devrait faire rapport sur les paiements liés à ses activités d'extraction et ses intérêts pétroliers s'ils atteignent au moins le seuil de 100 000 $ dans l'une ou l'autre des catégories. Disons que la société paie des frais de 100 000 $ pour un projet en particulier. Elle devra alors indiquer que ces frais sont liés à ce projet. Si la société paie des taxes municipales dans la région touchée par ce projet, elle devrait également ventiler les paiements pour indiquer que la municipalité en question a reçu 100 000 $ en taxes municipales, tout comme elle devrait indiquer qu'elle a payé des frais de plus de 100 000 $ au gouvernement de l'Alberta, et ainsi de suite. Ces données se trouveront dans le rapport qui sera soumis au ministre.

Le président : Cela m'amène à me poser une autre question. Vous dites que les oléoducs ne sont pas visés. Or, le projet de loi vise les activités pétrolières et gazières. Qu'est-ce qui est inclus dans les activités pétrolières et gazières? Les oléoducs y contribuent en grande partie. Je connais de nombreuses entreprises qui n'ont que des oléoducs. Les cas d'Enbridge et de Spectra me viennent à l'esprit. Êtes-vous en train de me dire que toutes ces entreprises n'ont aucun rapport à faire?

M. Pearson : Seul le processus d'extraction est visé.

Le président : Cela ne vise que le processus d'extraction, ce qui inclut donc la production et les usines.

M. Pearson : Cela ne comprend pas la distribution.

Le président : Dans ce cas, est-ce que toutes les usines de gaz naturel devraient faire rapport? J'aimerais seulement que vous me disiez où s'arrêtent les activités de production.

M. Pearson : Comme je l'ai dit, on inclut l'extraction, mais pas la transformation.

Le président : On n'inclut pas la transformation.

M. Pearson : Je suppose qu'on trace la limite entre l'extraction et la transformation. Après l'extraction, il y a la transformation, puis la distribution. Donc, l'extraction est le seul de ces trois secteurs qui est visé.

Le président : Voilà qui répond à ma question. Pourquoi a-t-on décidé de ne pas imposer ces obligations redditionnelles aux grandes sociétés qui exploitent des oléoducs?

Il y en a plusieurs. Je pourrais les nommer, et je suis sûr que vous les connaissez. Elles n'ont pas à faire rapport, et pourtant, elles travaillent sur les mêmes territoires que tout le monde. Dites-moi pourquoi on a tracé cette limite.

M. Pearson : C'est pour respecter les normes internationales, c'est-à-dire celles adoptées par les États-Unis et l'Union européenne.

Le président : Je suis quand même un peu perplexe, mais je comprends ce que vous dites. C'est pour se conformer à ce qui se fait ailleurs dans le monde. Au Canada, je ne suis pas persuadé qu'on ne devrait pas inclure ces secteurs, parce qu'on y investit des milliards de dollars pour les mêmes activités qui sont faites partout ailleurs, même si on considère seulement le secteur de la production.

Le sénateur Massicotte : J'inclurais même le secteur de la construction. En Afrique, entre autres, il y a beaucoup de construction, et on éprouve les mêmes problèmes.

J'aimerais revenir à ce que vous avez dit au sujet du paragraphe 24(3). Je ne suis pas un expert, mais d'après ce que j'ai lu, la méthode la plus fréquente pour verser des pots-de-vin ou se soustraire à l'obligation de faire rapport consiste à employer un tiers. Lorsqu'on lit le paragraphe 24(3), on constate que les dispositions ne s'appliqueront à ces entités que si le recours à un tiers visait à se soustraire à l'obligation prévue dans cette loi. Mais elles ne seront pas appliquées.

On crée déjà ces entités avant même que la loi entre vigueur. Elles servent simplement à éviter les voies habituelles pour cacher ce genre de choses. Comme vous le savez, on va même jusqu'à dire publiquement qu'on cède à ces entreprises 10 p. 100 de la valeur du contrat, sans qu'on s'en préoccupe.

Je ne suis pas sûr de comprendre comment on peut contrer cette pratique très répandue qui n'est pas très bénéfique pour le monde entier.

Mme Ohandjanian : Il faut reconnaître qu'il y a parfois des raisons commerciales tout à fait valables de faire appel à un intermédiaire. La loi vise non pas à permettre au gouvernement de réglementer la façon dont l'industrie mène ses activités, mais simplement à établir des balises. Ce qui nous intéresse, ce sont les pratiques qui visent principalement à se soustraire à l'obligation de faire rapport.

Autre aspect utile à considérer, dans le cas d'un investissement, par exemple, si l'entité qui fait le paiement fait partie de la structure organisationnelle de l'entreprise, l'entité est donc contrôlée par l'entreprise.

Le sénateur Massicotte : J'ai compris. Dans ce cas, on est couvert.

Mme Ohandjanian : Dans ce cas, cela revient à l'entreprise.

Le sénateur Massicotte : D'accord.

Mme Ohandjanian : Je comprends votre point de vue, mais il faut, d'une part, éviter d'invalider cette mesure à l'égard de l'industrie pour des raisons liées à l'auto-incrimination, et d'autre part, veiller à ne pas réglementer l'industrie. Il faut prévoir des mesures énergiques à l'égard des entités qui structurent leurs paiements pour contourner les règles, et l'article 3 indique clairement comment déterminer le bénéficiaire des paiements.

Le sénateur Massicotte : À la lumière de votre réponse, tout ce que j'ai à dire, c'est que cette loi ne visera pas cette pratique, qui est probablement la forme de corruption la plus répandue. Cependant, elle n'est pas visée par cette loi. Je vous remercie.

Mme Woodside : Pour répondre à votre question, le réseau Publiez ce que vous payez compte des membres dans les pays les plus corrompus, et ils nous disent que ce genre de loi réduit les possibilités de corruption et encourage une meilleure gestion des revenus. Ces deux mesures permettent de commencer à réduire les possibilités de corruption dans un pays.

Ces dispositions ne s'appliquent pas nécessairement à toutes les pratiques que vous pouvez souligner, mais elles réduisent les possibilités. C'est l'un des principaux messages qui sont communiqués par nos membres.

La sénatrice Ringuette : Pour ce qui est du seuil de 100 000 $ canadiens, j'aimerais savoir qui l'a établi, et quels critères s'appliqueraient au bénéficiaire et au payeur?

Est-ce qu'on s'attend à ce que les sociétés minières canadiennes qui mènent des activités à l'étranger déclarent au gouvernement du Canada tous leurs paiements de 100 000 $ — dans certains pays, cela fait beaucoup d'argent —, et à ce qu'on publie ces renseignements au Canada? Est-ce que c'est essentiellement ce qu'on veut faire?

M. Pearson : Aux États-Unis, le seuil est de 100 000 $ US. Pour l'Union européenne, c'est 100 000 euros. Nous avons choisi le montant de 100 000 $ canadiens pour nous aligner sur la norme internationale.

Pour ce qui est des paiements, comme nous l'avons dit auparavant, si le paiement correspondant à l'une des catégories du projet de loi que nous avons citées plus tôt atteint au moins 100 000 $, l'entreprise doit faire rapport.

La sénatrice Ringuette : Les entreprises canadiennes devraient-elles soumettre un rapport au gouvernement du Canada?

M. Pearson : Un rapport annuel.

La sénatrice Ringuette : Par exemple, si l'entreprise canadienne avait une filiale au Chili, la filiale ou la nouvelle entité indépendante affiliée en propriété exclusive devrait-elle faire rapport?

Mme Ohandjanian : L'entreprise chilienne n'aurait pas à faire rapport. Cependant, si elle était contrôlée par l'entreprise canadienne, tout paiement fait par cette entité contrôlée serait, aux termes de la loi, associé à l'entité canadienne qui doit faire des déclarations, et il devrait faire l'objet d'un rapport.

La sénatrice Ringuette : Qui vérifiera cela?

Mme Ohandjanian : Le ministre des Ressources naturelles.

La sénatrice Ringuette : Oh, êtes-vous en train de me dire que le ministre des Ressources naturelles vérifiera tous les paiements de 100 000 $ canadiens qu'une entité établie au Chili fait à une collectivité locale, ou à une garderie, comme j'ai vu certains le faire dans ce pays? Le ministre ira-t-il au Chili pour vérifier cela?

M. Pearson : Il incombera aux entités de faire rapport, et c'est Ressources naturelles Canada, qui relève du ministre des Ressources naturelles, qui devra déterminer si ces rapports sont exacts et acceptables.

La sénatrice Ringuette : Comment s'y prendra-t-il? C'est une question sérieuse. Si on met une loi dans un projet de loi omnibus d'exécution du budget, il nous faut une réponse à cette question. Comment?

M. Pearson : Peut-être qu'Ekaterina pourrait répondre à cette question.

Mme Ohandjanian : L'approche est la même, et à mon humble avis, le lieu n'a aucune importance, mais c'est une bonne question. On établit une obligation parce que le Parlement a jugé qu'il était important d'imposer une telle mesure aux entités canadiennes ou aux entités qui mènent des activités au Canada et qui sont soumises aux lois canadiennes.

Si on fait une comparaison avec la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers, ou LCAPE, le Code criminel et la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, ce sont des régimes similaires qui prévoient des obligations redditionnelles. L'objectif est de décourager de telles pratiques.

Si on exige une certaine transparence, comme le proposent Publiez ce que vous payez et l'Association minière du Canada, on fait la lumière sur une pratique qui, autrement, ne ferait pas l'objet d'une surveillance. L'objectif est donc partiellement atteint.

Pour ce qui est de savoir à quel point c'est efficace, les dispositions sont conçues pour décourager de telles pratiques, et la loi prévoit des mesures qui permettent au ministre de forcer les entités à se conformer à la loi.

La sénatrice Ringuette : Vous pourriez avoir des preuves solides qui montrent que l'argent que l'entreprise d'extraction a dépensé au Canada ou à l'étranger a été employé à des fins de corruption, mais cette mesure législative ne prévoit aucune mesure de surveillance. Il n'y a aucun moyen de vérifier si une entreprise canadienne en particulier fournit un financement quelconque à une entité gouvernementale à l'étranger. Je suis allée au Chili, et j'ai vu ce qui se passe là-bas. Monsieur le président, je me demande s'il ne s'agit pas que d'une mesure législative qui, essentiellement, n'aura aucun effet concret, particulièrement à l'extérieur de nos frontières. Nous ne pouvons pas réglementer ce qui se passe à l'extérieur de nos frontières. Nous ne pouvons pas surveiller cela.

M. Pearson : Si je puis me permettre ce commentaire, comme nous l'avons dit, il s'agit de s'aligner sur une norme internationale. Si on applique une norme comme celles de l'Europe et des États-Unis, on exercera une pression sur le système. Des organisations de la société civile surveilleront ce genre d'information. Elles poseront des questions. Pour revenir à la première idée, le fait de rendre cette information publique contribuera à fournir l'information nécessaire à ceux qui veulent exiger des comptes aux gouvernements.

Mme Woodside : Je crois que la capacité d'application de la loi est toujours préoccupante. Il est certain que nous aurions des questions à poser à ce sujet. Cela dit, Publiez ce que vous payez fait partie d'un réseau de plus de 800 organisations de la société civile qui sont déterminées à faire en sorte que cette information soit divulguée par les entreprises qui mènent des activités dans leur pays.

Quand on considère l'ampleur des revenus liés aux ressources que les pays perçoivent, et quand on voit à quel point ces revenus dont la population devrait bénéficier sont mal dépensés, on voit très bien l'ampleur du problème, et il s'agit là d'un outil très important pour remédier à ce problème. En Afrique, 42 p. 100 des revenus versés aux gouvernements par des entreprises fortunées sont liés aux ressources naturelles. Dans les pays riches en ressources pétrolières, ce taux grimpe à 62 p. 100. Si on affectait ces revenus de manière à améliorer le développement et à soutenir la population, cela aurait un véritable effet sur les gens qui vivent dans ces sociétés. À notre avis, ce genre de divulgation contribue de façon essentielle à encourager la reddition de comptes et la surveillance de ces revenus tout en décourageant la corruption.

M. Chalmers : Comme je l'ai dit dans mon exposé, l'industrie a vraiment avantage à appuyer une telle mesure. Lorsque ces revenus disparaissent ou sont mal dépensés, nos membres qui essaient de faire avancer des projets ont de plus en plus de difficulté à avoir la crédibilité nécessaire pour convaincre la population des avantages que l'extraction des ressources pourrait leur apporter. Il est donc dans notre intérêt de trouver une façon d'établir cette crédibilité, et c'est notamment pour cela que nous avons appuyé cette mesure.

Nous croyons que les entreprises ne seront pas fortement motivées à éviter de faire rapport ou à faire de fausses déclarations. Au contraire, nous croyons qu'il est essentiel pour les entreprises de faire les choses comme il faut et de faire en sorte que cette information soit divulguée.

La sénatrice Ringuette : J'espère qu'ils ont raison.

Le président : Moi aussi, et je crois qu'ils auront raison.

Le sénateur Tannas : Monsieur Chalmers, peut-être que vous pourriez répondre à cette question. Pour revenir à ce dont a parlé la sénatrice Ringuette, vous pourriez peut-être nous donner une idée du nombre de sociétés minières qui ont actuellement recours à des vérificateurs internes qui doivent absolument se conformer à une quantité effrayante de règles pour veiller à ce que ces entreprises fassent ce que la loi leur dit de faire au pays. Autrement dit, lorsque cette loi sera promulguée, tous les vérificateurs devront s'assurer que l'entreprise respecte les lois canadiennes, notamment en divulguant l'information dont il est question dans ce projet de loi, n'est-ce pas? Quel pourcentage de ces entreprises serait visé ou non par ces dispositions? Cela représente en soi un énorme mécanisme de surveillance dont on ne parle pas, y compris des vérificateurs internes et externes, des intervenants, et des directeurs qui ont des responsabilités.

M. Chalmers : Oui, c'est tout à fait juste. Ce projet de loi visera pratiquement toutes les sociétés minières auxquelles nous pouvons songer au Canada. Ce qui nous en donne l'assurance, c'est le fait qu'on oblige un représentant de l'entreprise — le PDG ou quelqu'un d'autre — à vérifier cette information et à attester son exactitude. Il est clair qu'il y a des mesures rigoureuses en matière de reddition de comptes pour faire en sorte que des sanctions soient imposées si l'information divulguée s'avère inexacte. Qu'il s'agisse d'une vérification ou d'un autre mécanisme, comme vous dites, des mécanismes importants ont été créés pour assurer la bonne gouvernance.

Nous croyons notamment que le Canada est depuis longtemps un chef de file en matière de transparence et de divulgation à l'égard des pratiques du secteur minier. Par exemple, le document « National Instrument 43-101, Standards of Disclosure for Mineral Projects » fait la lumière sur le niveau de rigueur exercé à l'égard des ressources naturelles. Nous avons l'habitude d'exercer ce niveau de rigueur et de surveillance. Cela ne fait que confirmer que le Canada est un chef de file pour ce qui est de la transparence à l'égard des activités minières.

Le sénateur Mitchell : Je souligne que la Securities and Exchange Commission des États-Unis est en train d'élaborer des règles sur la production de rapports. Ce n'est pas anodin. Son homologue canadien fait-il la même chose? Devra-t- on le faire?

M. Pearson : Dans le cadre de ce processus, nous avons consulté les provinces. Comme je l'ai dit, lors de la Conférence des ministres de l'Énergie et des Mines, les ministres fédéraux ont consulté leurs homologues dans l'ensemble du pays. Pour le moment, seul le Québec a indiqué qu'il proposera des normes en matière de déclaration obligatoire par l'entremise de sa commission des valeurs mobilières, et que, pour ce faire, il collaborera avec le gouvernement fédéral. Aucune autre administration provinciale n'a pris des engagements en ce sens.

Le sénateur Mitchell : Il y a du travail à faire.

M. Pearson : Eh bien, lors de la Conférence des ministres de l'Énergie et des Mines, il a été établi que les provinces ont le pouvoir de proposer leur propre loi pour donner plus de certitude et de confiance aux investisseurs, entre autres, et ainsi complémenter les lois fédérales. Pour revenir à la question de la substitution, si le ministre des Ressources naturelles jugeait approprié que les rapports soumis aux gouvernements provinciaux se substituent à ceux exigés par le gouvernement fédéral, alors nous n'exigerions pas de rapport. Ces dispositions ont été incluses dans le projet de loi.

Le sénateur Mitchell : Merci.

Le président : Merci beaucoup. C'est un sujet intéressant. Je remercie tous les témoins de leur exposé.

Plusieurs questions ont été soulevées, et je crois que nous sommes sur la bonne voie. J'appuie entièrement cette mesure, mais comme vous pouvez le constater, plusieurs intervenants sont quelque peu préoccupés par certaines questions, et je suis persuadé que vous continuerez de faire le nécessaire pour y répondre. Je vous remercie infiniment de vos exposés.

Nous poursuivons maintenant notre étude préalable des sections 3, 28 et 29 de la partie 4 du projet de loi C-43, Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2014. Je suis heureux d'accueillir les témoins suivants, qui prendront la parole durant la dernière partie de notre audience de ce soir sur la section 29 du projet de loi, qui concerne EACL et la Loi sur la pension de la fonction publique.

Nous avons Jean-Frédéric Lafaille, directeur général, Restructuration d'EACL, de Ressources naturelles Canada; Lisa Jacobson, conseillère juridique, Services juridiques, de Justice Canada; Dominique Laporte, directeur exécutif, Politiques et programmes en matière de pensions, Secteur des pensions et avantages sociaux, du Conseil du Trésor du Canada; ainsi que Robert Walker, président-directeur général et Jonathan Lundy, agent principal de la transition, d'Énergie atomique du Canada limitée.

Je pense que l'un de ces messieurs est prêt à commencer. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à dire.

Jean-Frédéric Lafaille, directeur général, Restructuration d'EACL, Ressources naturelles Canada : Merci, monsieur le président. Honorables sénateurs, je commencerai par une déclaration préliminaire.

[Français]

Le gouvernement a annoncé et amorcé la restructuration d'Énergie atomique du Canada limitée en société d'État en 2009. La première phase de la restructuration s'est achevée avec succès en 2011 par la vente des actifs de la division commerciale des réacteurs CANDU à CANDU Énergie inc., filiale de SNC-Lavalin.

[Traduction]

La deuxième phase de la restructuration est en cours et vise les laboratoires nucléaires d'EACL. En 2013, le gouvernement a annoncé qu'il transférerait la gestion et les opérations des laboratoires nucléaires au secteur privé selon un modèle d'organisme gouvernemental exploité par un entrepreneur, ou OGEE.

Comme première étape, les employés et les opérations d'EACL feront l'objet d'une réorganisation interne et seront intégrés dans une filiale en propriété exclusive, sous le nom de Laboratoires nucléaires canadiens Ltée ou LNC.

Au bout du compte, même si EACL demeurera propriétaire de ses installations et de sa propriété intellectuelle, la propriété de LNC sera transférée à une entreprise du secteur privé pour la gestion et les opérations des laboratoires nucléaires. Un processus d'approvisionnement concurrentiel est en cours afin de sélectionner cette entreprise.

[Français]

Aujourd'hui, les dispositions de la section 29 concernent la mise en vigueur de ce nouveau modèle pour les laboratoires d'EACL. Elles modifient la Loi sur l'emploi et la croissance économique qui octroie les pouvoirs requis pour la restructuration d'EACL afin de répondre à deux enjeux précis.

[Traduction]

Le premier enjeu consiste à clarifier la qualité de mandataire de Sa Majesté de LNC, alors que nous allons de l'avant avec le processus de restructuration que je viens de décrire.

Les modifications proposées à l'article 2147 visent à déclarer expressément LNC comme mandataire de Sa Majesté pour la période pendant laquelle l'entité demeure la propriété exclusive d'EACL, et à révoquer la qualité de mandataire de Sa Majesté de LNC lorsque ses droits de propriété seront transférés à une entreprise du secteur privé. Il serait inapproprié pour LNC de conserver sa qualité de mandataire de Sa Majesté lorsque ses droits de propriété seront transférés au secteur privé. C'était le premier enjeu.

Le deuxième enjeu traite de la période de couverture transitoire pour les pensions. En juillet 2014, LNC a été ajouté à la partie 1 de l'annexe 1 de la Loi sur la pension de la fonction publique ou la LPFP, permettant ainsi aux employés de LNC de continuer de contribuer au Régime de pension de retraite de la fonction publique, ou RPRFP, pendant que LNC demeure une société d'État.

Cela dit, lorsque les actions de LNC seront acquises par une entreprise du secteur privé, LNC deviendra une entreprise du secteur privé. Par conséquent, les employés de LNC ne seront plus admissibles à participer au RPRFP. Lorsque LNC deviendra une entreprise du secteur privé, sa direction devra établir un nouveau régime de pension de retraite.

L'article 2148 vise à fournir une période de couverture transitoire pour les pensions, ce qui n'était techniquement pas disponible pour LNC aux termes de l'article 40.1 de la LPFP. Les mesures proposées prévoient l'octroi d'une période de couverture transitoire aux employés de LNC, afin qu'ils puissent participer au RPRFP pour une période de trois ans suivant la date à laquelle LNC cessera d'être une société d'État. Cela donnera suffisamment de temps à la nouvelle direction de LNC, à la suite du transfert des droits de propriété, d'établir son propre régime de pension de retraite.

Les dispositions traitent de questions connexes pertinentes, comme la capacité d'adopter des dispositions réglementaires subséquentes sur la cession.

[Français]

Il est important de mentionner que les mesures proposées ont pour effet d'octroyer aux employés de LNC le même traitement qui a été réservé aux employés d'EACL durant la première phase de la restructuration, quand ceux-ci ont été transférés au secteur privé, donc à CANDU Énergie.

Dans la présente loi, la mise en œuvre de ces mesures apporterait de la précision à un moment charnière de la restructuration d'EACL.

[Traduction]

D'abord, ces mesures élimineront l'incertitude pour les employés de LNC en ce qui concerne le traitement de leur pension au moment où ils seront réorganisés à l'interne dans la filiale en propriété exclusive LNC.

Ensuite, elles permettront aux soumissionnaires répondant au processus d'approvisionnement que j'ai mentionné plus tôt de comprendre leurs obligations s'ils acquièrent les actions de LNC.

Cela met fin à ma déclaration préliminaire, monsieur le président.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant donner la parole à M. Walker.

Robert Walker, président-directeur général, Énergie atomique du Canada limitée : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Je vais tenter de fournir plus d'information contextuelle sur les observations de M. Lafaille. Je suis accompagné aujourd'hui de Jon Lundy, qui est l'agent principal de la transition pour EACL. Comme l'a mentionné mon collègue, monsieur Lafaille, les laboratoires nucléaires du Canada ont un nouveau nom. Hier, nous avons lancé avec fierté une nouvelle filiale à cent pour cent, appelée Laboratoires Nucléaires Canadiens, ou LNC.

[Français]

Les LNC sont certes une nouvelle organisation, mais cette organisation s'appuie sur une société d'État dont le fier passé s'étend sur six décennies de science et de technologie nucléaires de pointe.

La création des LNC est un autre chapitre du continuum des réalisations majeures qui ont jalonné notre histoire remarquable.

Le nouveau modèle de gestion et d'exploitation par le secteur privé pour les LNC capitalisera sur les débouchés florissants du marché, ouvrant ainsi une nouvelle ère prometteuse.

[Traduction]

Il s'agit clairement d'une période palpitante pour 1'ensemble de nos quelque 3 400 employés. Il s'agit également d'un moment important pour nos collectivités d'accueil de Chalk River, en Ontario; de Pinawa, au Manitoba, et de Port Hope, en Ontario. Pour les LNC, il est crucial de pouvoir compter sur un soutien et un intérêt communautaires solides.

Notre siège social et les activités de base en recherche et développement resteront situés aux Laboratoires de Chalk River, dans la vallée supérieure de l'Outaouais, que certains honorables sénateurs ont déjà visitée, bien sûr.

Dans les années à venir, les gens des LNC se concentreront sur trois mandats. Le premier, gérer les responsabilités du Canada liées aux déchets radioactifs et au déclassement, responsabilités qui découlent de plus de 60 ans de recherche et de développement nucléaires aux laboratoires de Chalk River et de Whiteshell. Le deuxième, garantir que les capacités de renommée mondiale du Canada en science et en technologie nucléaires continuent d'appuyer le gouvernement fédéral dans ses rôles et responsabilités — que ce soit la protection de la santé, la sûreté du public, la sécurité ou encore la protection de l'environnement. Le troisième est de fournir à l'industrie, sur une base commerciale, l'accès nécessaire pour répondre à ses besoins d'expertise poussée en science et en technologie nucléaires. En outre, les LNC continueront de former des personnes hautement qualifiées, et seront une source d'emplois très spécialisés, ainsi qu'un moteur clé des retombées économiques dans nos collectivités.

Le lancement des LNC, honorables sénateurs, est le premier pas décisif vers une nouvelle ère, et nous sommes prêts à aller de1'avant.

Un élément important de la restructuration est le projet de loi C-43, qui fournit des renseignements clairs et bienvenus à nos employés concernant la couverture de leur régime de pension durant la transition, et ce, bien plus tôt qu'il n'a été le cas lors de la vente de la Division CANDU. Aux LNC, nous sommes prêts à travailler selon le nouveau modèle d'affaires. C'est parce que nous avons poursuivi avec rigueur un programme d'amélioration du rendement. Nous avons par exemple redonné 26 millions de dollars en crédits parlementaires cette année, grâce à nos améliorations sur le plan de la productivité et de l'efficacité. Nous avons exécuté un programme de gestion des déchets historiques de 450 millions de dollars sur cinq ans — en deçà du budget. Nous avons augmenté nos recettes commerciales de plus de 30 p. 100. Nous avons aussi exécuté un programme d'immobilisations de 82 millions de dollars, et nous construisons actuellement un complexe de laboratoires d'une valeur de 100 millions de dollars.

Tout au long de la riche histoire de notre organisation, nous avons constamment évolué pour relever les défis et tirer parti des possibilités présentées par la science et la technologie nucléaires. Nos prédécesseurs n'ont pas ménagé leurs efforts pour créer EACL, un mélange unique en son genre d'installations, d'expertise et d'ensembles de connaissances qui ont contribué au développement de l'industrie nucléaire mondiale.

Grâce à notre nouvelle organisation, nos missions ciblées et les investissements majeurs du gouvernement, nous poursuivrons notre œuvre en proposant notre expérience et notre expertise à un éventail plus vaste de clients, ici au pays, et à 1' étranger.

À mesure que nous irons de l'avant avec le modèle d'OGEE, nous tirerons profit des idées, de la créativité et de la poursuite de l'excellence que 1'exploitation par le secteur privé apportera aux Laboratoires nucléaires canadiens. Je me réjouis à l'idée de prendre ce nouveau départ, et de voir les LNC entrer avec confiance dans une nouvelle ère de science, de technologie et d'innovation nucléaires pour le Canada.

Merci, monsieur le président, nous serons heureux de répondre à des questions.

Le président : Merci beaucoup de vos présentations. Nous allons maintenant donner la parole au sénateur Massicotte.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci à vous tous d'être avec nous. Cette section du projet de loi est détaillée et complexe. J'aimerais m'assurer de bien comprendre l'intention du projet de loi. C'est un amendement, un acte qui existe pour permettre la privatisation de l'avoir qu'il reste à la suite de la vente à SNC-Lavalin. Le but du projet de loi est de permettre aux employés existants, et non futurs, de participer au régime de pensions fédéral pour une période allant jusqu'à trois ans. Est-ce vraiment le but principal du projet de loi?

M. Lafaille : C'est l'essentiel du projet de loi. À partir du moment où les actions de CNL seront transférées au secteur privé, les employés existants, au moment de la cession des actions, seront couverts sous le régime fédéral des pensions pour une période de trois ans. Après quoi, le secteur privé devra mettre un régime de pensions en place. Cependant, pendant une période de trois ans, les employés seront couverts.

Le sénateur Massicotte : Ils sont couverts pour trois ans à condition que le futur employeur fasse des contributions au fonds de pension?

M. Lafaille : Absolument. Un des articles du projet de loi précise que la compagnie LNC aura l'obligation de contribuer au fonds de pension pendant ces trois années.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi seulement trois ans? Pourquoi pas plus longtemps? Pourquoi pensez-vous que cette période soit assez longue?

M. Lafaille : Trois ans sont ce que prévoit la loi. Je peux peut-être me référer à mon collègue du Conseil du Trésor, mais c'est la période maximale que prévoit la loi. C'est aussi cohérent avec ce qui avait été octroyé dans la phase précédente de restructuration aux employés d'EACL qui ont été transférés à CANDU Énergie, qui est la filiale de SNC-Lavalin. Il y a donc une cohérence ici dans la façon dont on traite les employés d'EACL au cours de la première phase de la restructuration et dans la manière dont on veut les traiter aussi, avec équité, dans la phase présente de la restructuration.

Dominique Laporte, directeur exécutif, Politiques et programmes en matière de pensions, Secteur des pensions et avantages sociaux, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : C'est définitivement cohérent avec ce qui a été fait dans le passé dans des cas similaires. On parle de CANDU et on parle aussi de sept cas où il y avait des situations semblables. La loi donne un maximum de trois ans aux employés pour être couverts par le régime de la fonction publique.

Le sénateur Massicotte : Est-il prévu que le fonds de pension de ce futur employeur sera similaire et comparable au fonds de pension existant? Ou bien permet-on une variation importante selon laquelle l'employé a trois ans, et s'il n'est pas satisfait, il peut se trouver un autre emploi? Quelle est la transition que vous prévoyez?

M. Lafaille : Comme LNC sera la propriété d'une compagnie privée ou d'un consortium de compagnies privées aux termes du processus d'approvisionnement en cours, ce sera la responsabilité de la compagnie privée d'établir le régime de pensions qui lui convient. Le gouvernement ne prescrit pas à l'avance les modalités précises de ce fonds de pension. Nous voulons un fonds de pension, mais ce sera à la compagnie privée de déterminer les modalités qu'elle juge nécessaires pour que la compagnie soit opérante.

Le sénateur Massicotte : Le projet de loi exige un fonds de pension, mais il peut être tout à fait différent et beaucoup moins généreux que le fonds de pension fédéral.

M. Lafaille : Ce sera à la gestion de la compagnie privée de déterminer le régime de pensions qui lui convient.

Comme le Dr Walker l'a dit, le gouvernement a été clair sur les missions futures des laboratoires. Dans le cas de la gestion des déchets accumulés depuis 60 ans, il y a beaucoup de travail à faire, mais aussi des missions importantes en termes de science et technologie. Pour que le secteur privé puisse remplir ces fonctions et ces missions, il aura besoin d'expertise hautement qualifiée aux laboratoires d'EACL. Nous croyons que, pour retenir l'expertise qui existe maintenant ou pour attirer une nouvelle expertise, il faudra un régime de rémunération global satisfaisant qui soit mis en place par le secteur privé dans le futur. Ce sera au secteur privé de déterminer, avec ses employés, quel sera le régime optimal.

Le sénateur Massicotte : L'employé a tout de même trois ans pour s'ajuster ou réagir, et l'employeur pareillement?

M. Lafaille : Exactement. Cela donne une certaine stabilité et un horizon de planification. Donc, les employés actuels demeureront couverts par un régime de pensions jusqu'à ce qu'ils soient transférés au secteur privé. Après quoi, la gestion et les employés auront trois ans pour discuter du régime qui leur convient.

[Traduction]

La sénatrice Ringuette : Merci de nous avoir parlé de la question des pensions, mais l'objectif principal de ce projet de loi vise à permettre au gouvernement de démanteler une société d'État et de la vendre au secteur privé, n'est-ce pas?

M. Lafaille : La restructuration d'EACL a commencé il y a longtemps, en 2009.

La sénatrice Ringuette : Je le sais bien.

M. Lafaille : Bon, vous le savez déjà. Le modèle que nous envisageons actuellement consiste à transférer les activités de gestion des laboratoires nucléaires au secteur privé, comme les États-Unis l'ont fait il y a des décennies et comme vient récemment de le faire le Royaume-Uni. Nous envisageons un modèle de gestion comparable au leur. Les installations et la propriété intellectuelle appartiendront encore à EACL, en tant que société d'État. Le gouvernement a clairement énoncé ses missions futures. Les laboratoires réalisent des missions depuis des décennies; la seule chose qui changera, c'est le mécanisme d'exécution de ces missions.

La filiale en propriété exclusive dont M. Walker a parlé, LNC, sera transférée au secteur privé. La portée du travail et le calendrier annuel des activités seront établis aux termes d'un contrat, et les travaux réalisés dans l'atteinte des missions que le gouvernement a décidé de confier aux laboratoires seront réalisés dans le cadre d'un programme d'incitatifs afin que les contribuables en aient pour leur argent.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Walker, Laboratoires nucléaires canadiens ne produit-elle pas des isotopes médicaux?

M. Walker : Oui, madame la sénatrice, c'est bien le cas.

La sénatrice Ringuette : Les isotopes médicaux sont d'une importance capitale; la question de leur approvisionnement n'a-t-elle pas suscité de vives inquiétudes chez les Canadiens en 2008, 2009 et 2010?

M. Walker : C'est exact, madame la sénatrice. Le grand réacteur de recherche de Chalk River, le NRU, a éprouvé des problèmes cette année-là. Il a subi une panne prolongée et inattendue, et comme EACL était à l'époque un principal fournisseur d'un type d'isotope médical, le molybdène 99, l'approvisionnement mondial s'est trouvé interrompu.

Depuis lors, l'approvisionnement mondial en isotopes médicaux a connu d'importants changements, en grande partie attribuables à la réalisation, par la communauté mondiale, qu'il était inacceptable d'avoir un point de défaillance unique.

Il y a aujourd'hui neuf réacteurs de recherche dans le monde qui produisent des isotopes médicaux de façon coordonnée. Le réacteur NRU en est un. Nous pouvons ainsi planifier les arrêts prévus des réacteurs aux fins d'entretien, et lorsqu'un réacteur subit un arrêt imprévu, les autres peuvent augmenter la production d'isotopes médicaux, production qui constitue un service essentiel. Nous ne sommes plus dans une situation où le réacteur NRU est essentiel à une production soutenue d'isotopes. Bien évidemment, tout ceci s'inscrit également dans le cadre de la décision du gouvernement de mettre fin à la production d'isotopes par le réacteur NRU d'ici 2016. Tout semble indiquer que le système d'approvisionnement mondial a pris les dispositions nécessaires en conséquence afin de renforcer sa capacité.

La sénatrice Ringuette : Est-il possible de connaître les conditions et exigences liées à la vente du laboratoire nucléaire canadien?

M. Lafaille : Veuillez m'excuser, madame la sénatrice, mais je ne suis pas sûr de bien vous comprendre.

La sénatrice Ringuette : Pouvons-nous prendre connaissance des conditions de vente? Quelles sont les exigences liées à la vente?

M. Lafaille : Je suis désolé, j'avais mal compris la question.

La sénatrice Ringuette : Cette installation appartient à tous les Canadiens.

M. Lafaille : Le processus d'achat est en cours. Certains renseignements figurent sur le site de Travaux publics et Services gouvernementaux. Nous pourrions vous donner toute l'information publique si elle pouvait vous être utile; elle porterait sur le processus et les attentes du gouvernement relatives au processus d'achat.

La sénatrice Ringuette : Certainement.

M. Lafaille : Nous vous la communiquerons.

Le sénateur Mitchell : Merci à tous. J'aimerais obtenir une précision au sujet de la transition du régime de pension, même si vous l'avez peut-être déjà apportée. Je comprends que la société sera responsable du régime de pension après une période de trois ans. Assumera-t-elle également la garantie protégeant les prestations de retraite accumulées auxquelles ont droit les retraités et les cotisants? Autrement dit, perdront-ils la garantie gouvernementale protégeant les prestations de retraite accumulées jusqu'à ce point?

M. Lafaille : Toutes les cotisations versées par les cotisants au Régime de pension de la fonction publique seront protégées.

Le sénateur Mitchell : Elles demeureront dans la caisse.

M. Lafaille : Elles resteront dans la caisse de retraite du gouvernement du Canada. LNC aura plus tard l'obligation d'établir son propre régime de pension.

Le sénateur Mitchell : Comme le ferait toute société privée, bien que celle-ci n'est pas exactement privée.

M. Lafaille : C'est cela.

Le sénateur Mitchell : Plus ou moins.

Monsieur Walker, vous avez indiqué que votre société a augmenté ses recettes commerciales de plus de 30 p. 100, ce qui est fort intéressant. Que représente cette augmentation en chiffres réels et comment l'avez-vous réalisée?

M. Walker : Ces chiffres relèvent du domaine public et figurent dans le rapport annuel présenté au Parlement. En 2013-2014, nos recettes commerciales étaient de l'ordre de 150 millions de dollars.

Le sénateur Mitchell : Comment avez-vous augmenté vos recettes? Qu'avez-vous fait de plus?

M. Walker : L'augmentation est attribuable aux services de recherche et de développement offerts à l'industrie nucléaire mondiale, aux nouveaux marchés que nous avons percés, à la production d'isotopes autres que le molybdène 99 et à l'augmentation générale du volume.

Les laboratoires ont de nouveaux clients, car nous avons beaucoup à offrir et nos produits sont en demande.

Le sénateur Mitchell : Je sais que le réacteur CANDU ne relève plus de vous, mais que lui est-il arrivé? Est-il toujours en développement? A-t-il arrêté de fonctionner? Est-il en vente? En vendons-nous certaines parties?

M. Walker : Merci, sénateur. La réponse à votre question risque d'être plutôt longue.

La première transaction consistait en la vente, par le gouvernement, des biens de la Division des réacteurs CANDU, soit environ la moitié de la société d'État, à Candu Energy, filiale en propriété exclusive du Groupe SNC-Lavalin. Celle-ci possède toute la propriété intellectuelle sous licence d'EACL, en plus d'être le constructeur OEM et le responsable de la conception pour les réacteurs CANDU dans le monde. Elle offre également des services à divers marchés dans le monde. Pour notre part, nous avons une relation commerciale avec Candu Energy. Il s'agit d'un de nos principaux clients. Elle est actuellement en train de négocier la vente de nouveaux réacteurs à divers pays comme la Roumanie, l'Argentine, le Royaume-Uni et la Chine.

Le sénateur Massicotte : Y en a-t-il qui ont été conclues?

M. Walker : Nous suivons de près la situation en Roumanie.

Le sénateur Massicotte : Donc pas encore.

M. Walker : Pas encore.

Le sénateur Wallace : Pour faire suite à la question du sénateur Mitchell, je ne suis pas sûr d'avoir compris votre réponse, monsieur Lafaille. L'un des objectifs du projet de loi consiste à établir une période de transition pour les pensions de manière à ce que celles-ci soient couvertes par le Régime de pension de retraite de la fonction publique pour une période de trois ans suivant la date à partir de laquelle LNC cesse d'être une société d'État.

Au terme de la période de trois ans, quels seront les droits des employés relativement aux prestations de retraite accumulées jusqu'à ce point? Votre réponse m'a amené à croire que vous parliez de la capacité des employés de récupérer les cotisations versées pendant qu'ils étaient employés; est-ce bien le cas? Dois-je comprendre qu'ils pourront récupérer la somme de leurs cotisations, plus intérêts? Simplement dit, quels seront les droits des employés au terme de la période de trois ans?

M. Lafaille : Je m'en remets à mon collègue du Conseil du Trésor, qui est un spécialiste en la matière.

M. Laporte : Ils seraient admissibles à la pension accumulée jusqu'alors. Par exemple, les employés âgés de 60 ans ayant accumulé les années de service nécessaires seraient admissibles à leur pension de retraite.

Le sénateur Wallace : S'ils sont âgés de 60 ans.

M. Laporte : C'est exact, et s'ils répondent aux exigences de la Loi sur la pension de la fonction publique.

Le sénateur Wallace : Quels seraient les droits des employés qui n'ont pas accumulé le nombre d'années de service nécessaire pour être admissibles à leur pension à la fin de la période de trois ans?

M. Laporte : Ceux qui, par exemple, n'ont pas atteint les exigences?

Le sénateur Wallace : Oui, à quoi auraient droit, au terme de la période de trois ans, les employés qui n'ont pas travaillé un nombre suffisant d'années ou qui n'auraient pas atteint l'âge minimum pour être admissibles à leur pension s'ils étaient encore avec le Régime de pension de retraite de la fonction publique?

M. Laporte : Ils auraient les mêmes droits que n'importe quel employé qui quitte la fonction publique avant d'avoir accumulé le nombre d'années de service nécessaire. Ils seraient admissibles à des prestations de retraite réduites.

Le sénateur Wallace : Ils seraient admissibles à une pension réduite. Ils n'auraient pas accès à un CRIF? Ne pourraient-ils pas toucher une somme équivalente au total de leurs cotisations et à une part des cotisations de l'employeur et établir un nouveau CRIF?

M. Laporte : C'est une bonne question. Je suppose que cela dépendrait des modalités du régime de pension établi par le nouvel employeur. Ils pourraient transférer leur pension. Ce ne sont que des suppositions, car j'ignore les modalités de l'entente sur les pensions futures. Ils pourraient assurément transférer les prestations accumulées à leur nouvel employeur.

Le sénateur Wallace : C'est ce que je me demandais, s'ils avaient la possibilité de transférer leur pension étant donné que le régime de l'employeur nous est inconnu.

Ils pourront donc soit transférer leur pension, soit retirer les cotisations versées au régime actuel et établir un CRIF. C'est l'option la plus courante, n'est-ce pas?

M. Laporte : Selon le nombre d'années de services accumulées, ils pourraient toucher une pension aux termes de la Loi sur la pension de la fonction publique. Ils pourraient également profiter des dispositions du nouveau régime de pension qui sera établi par l'employeur.

Le sénateur Wallace : Ils auraient le choix.

M. Laporte : Exactement.

Le sénateur Massicotte : Pourrais-je poser une question complémentaire?

Le sénateur Wallace : Je suis à bout de souffle sur cette question. J'abandonne.

Le sénateur Tannas : J'hésite à trop entrer dans les détails, mais outre les cotisations de l'employé qui seront transférées, les obligations du gouvernement pourront-elles l'être également? Ou bien est-ce que les employés devront renoncer aux cotisations du gouvernement s'ils n'ont pas encore atteint le point où leurs prestations de retraite sont acquises? Admettons qu'un employé n'a pas accumulé six ou dix ans de service, ou quel que soit le nombre d'années de travail nécessaire pour avoir un droit de pension acquis.

Les employés qui n'ont pas accumulé le nombre d'années de service nécessaire au terme de la période de trois devront-ils renoncer aux cotisations du gouvernement, ou bien pourront-ils les transférer?

M. Laporte : Je ne peux avancer d'hypothèses à ce sujet. Dans d'autres cas semblables, les employés ont pu transférer ces cotisations-là au nouveau régime de pension. Une chose est sûre, ils n'auront pas à renoncer aux cotisations de l'employeur.

Les employés auront aussi la possibilité de partir à la retraite. S'ils choisissent cette option, ils pourront toucher les pleines prestations de pension.

Le sénateur Tannas : Pas ceux qui n'ont pas un droit de pension acquis. J'ai travaillé 10 ans. Les cotisations ne sont pas investies avant 12 ans — quel que soit le chiffre réel. Je vais quand même avoir les contributions versées par l'employeur pendant 10 ans, ou bien ses obligations en la matière, qui feront l'objet d'un paiement unique ou bien seront transférées au nouveau régime.

M. Laporte : Personne ne devra renoncer aux cotisations de l'employeur. Par exemple, l'employé dont vous parlez qui a accumulé 10 ans de service durant lesquels le gouvernement a cotisé au régime de pension y sera admissible au même titre que n'importe quel autre employé gouvernemental qui prend sa retraite avant d'avoir accumulé le nombre d'années de service nécessaire pour avoir droit à une pleine pension.

Le sénateur Tannas : Merci.

Le sénateur Massicotte : Je vais poser la question autrement. Dès le moment où la relation employé-employeur est rompue, l'employé est admissible à ses cotisations ainsi qu'à sa juste part des cotisations du gouvernement calculées jusqu'à ce moment-là. Ces sommes sont bloquées.

Vous supposez qu'il y aura une entente avec le nouvel entrepreneur ou employeur, mais ce n'est pas nécessairement le cas. Il est possible que les cotisations ne puissent être transférées. L'employé a donc le droit de rester avec son régime de pension et toucher la somme calculée, soit en la transférant à un autre régime, soit en liquide. Si l'entente avec le nouvel employeur contient des modalités à cet effet, le transfert sera permis. Cependant, ce ne sont que des suppositions, car il n'y a aucun moyen pour vous de savoir à ce point-ci. Est-ce exact?

M. Laporte : Vous avez raison, sénateur. Les employés auront toujours le choix soit de transférer leur pension au régime du nouvel employeur, soit de la retirer.

M. Lafaille : Tout ce qui leur appartient sera protégé. Un moment donné, il va y avoir un choix à faire. À partir du moment où l'employé connaît les détails du nouveau régime de retraite établi par l'entreprise, pour ce qui est des options, il devra choisir ce qu'il veut faire. Cependant, il est trop tôt pour essayer de deviner quelle forme tout cela va prendre.

Le président : Très bien. Nous avons ici tous les experts des régimes de retraite.

Le sénateur Mitchell : Si une personne a 45 ans et qu'elle fait partie du régime de retraite depuis 20 ans, elle a accumulé 1,5 p. 100 par année, soit 35 p. 100 de ses 75 000 $ annuels. Elle va devoir attendre jusqu'à 60 ans pour commencer à réclamer des prestations et recevoir 35 p. 100 de son salaire moyen sur cinq ans. C'est comme si c'était une indemnité de retraite du gouvernement. Ou selon ce que les LNC vont décider de faire, on pourrait me dire qu'il est plus à mon avantage de prendre tout l'argent, soit la part du gouvernement et la mienne, et de le transférer dans ce nouveau régime, même s'il sera loin d'être aussi garanti que le régime de retraite du gouvernement. N'est-ce pas?

La sénatrice Ringuette : Il y a lieu de s'interroger sur la garantie?

M. Laporte : C'est exact.

Le sénateur Mitchell : Merci.

La sénatrice Ringuette : J'ai une autre question à poser sur la production d'isotopes. Monsieur Walker, vous avez indiqué que le gouvernement a dit que vos laboratoires cesseraient de produire des isotopes d'ici 2016? Habituellement, je suis l'actualité de près à ce sujet, mais je ne m'en rappelle pas. Pouvez-vous me rafraîchir la mémoire?

M. Lafaille : Je peux répondre à cette question. En 2010, le gouvernement a constitué un groupe d'experts après les événements dont M. Walker nous a parlé, soit après la mise hors service du réacteur NRU. Ce groupe a présenté un certain nombre de recommandations. Le premier ministre y a ensuite répondu en disant qu'en 2010, le réacteur NRU cesserait de produire ce type d'isotope, le molybdène 99. Depuis, le gouvernement a maintenu son intention politique.

Parallèlement, il a mis deux programmes en place pour trouver d'autres façons de produire des isotopes médicaux. Il y a d'abord eu un programme de 2010 à 2012, puis un autre qui se poursuit toujours et qu'on appelle le Programme d'accélération de la technologie des isotopes ou PATI. Ce programme vise à commercialiser d'autres procédés de fabrication d'isotopes médicaux pour répondre aux besoins des patients.

La sénatrice Ringuette : La logique de tout cela m'échappe. Nous avons une installation que les contribuables ont déjà payée, les études nécessaires ont été faites, nous avons l'expertise et nous produisons des isotopes médicaux, alors pourquoi voudrions-nous dire : « Vous n'en produirez plus. Nous allons créer un programme pour qu'une nouvelle entité se penche sur la question et conçoive une nouvelle façon de fabriquer des isotopes. Puis, d'ici 2016, vous serez mis hors circuit. »

En tant que contribuables et que citoyens préoccupés par la nécessité des isotopes médicaux, nous pouvons observer qu'il y a neuf autres entités dans le monde qui fabriquent ce genre d'isotopes nucléaires, mais les Canadiens veulent avoir l'assurance que quoi qu'il arrive dans ces neuf autres installations, ils pourront au moins se fier à la production et à l'approvisionnement canadiens.

Je suppose que j'ai raté cette nouvelle sur le groupe d'experts. C'est pour moi une surprise, comme ça l'est probablement pour beaucoup de Canadiens.

Le président : Ce n'est pas l'objet de notre conversation d'aujourd'hui.

La sénatrice Ringuette : Nous sommes en train de vendre cette installation.

Le sénateur Massicotte : Vous devriez faire une offre.

La sénatrice Ringuette : Nous sommes en train de vendre cette installation.

Le président : Le Nouveau-Brunswick devrait peut-être faire une offre?

La sénatrice Ringuette : Nous sommes en train de vendre cette installation, qui appartient à tous les Canadiens. Je pense que la production d'isotopes fait partie intégrante de cette installation. C'est tout à fait pertinent dans le contexte de ce projet de loi.

M. Lafaille : Je ne sais pas si vous voulez que je vous réponde rapidement.

Le président : Oui, répondez rapidement, après quoi nous allons conclure.

M. Lafaille : Les événements de 2009, l'interruption de service du réacteur RNU, nous ont montré qu'il y avait des failles dans le système. La stratégie commune a été d'essayer de rendre le système mondial plus robuste par l'envoi de signaux clairs selon lesquels il faut trouver d'autres façons de produire des isotopes médicaux. De cette manière, nous ne serons plus aussi vulnérables à ces failles. L'une des solutions passe par la promotion du développement de nouvelles technologies. La deuxième est d'accroître la collaboration internationale pour parer aux perturbations dans la chaîne d'approvisionnement. Les efforts en ce sens sont assez efficaces. En 2009, au moment des événements, la part des isotopes médicaux produits par le réacteur RNU était de plus de 40 p. 100, après quoi elle a diminué à environ 15 ou 20 p. 100. Le système mondial s'est donc adapté. Du point de vue du gouvernement, la stratégie a porté fruit : l'approvisionnement est plus diversifié et plus robuste, et de nouvelles technologies sont élaborées et appuyées. C'est ce que je vous répondrais brièvement.

Le président : Je vous remercie infiniment. Merci de votre exposé. C'est très apprécié. La séance est levée.

(La séance est levée.)


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