Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 23 - Témoignages du 3 février 2015
OTTAWA, le mardi 3 février 2015
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-22, Loi concernant les opérations pétrolières au Canada, édictant la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire, abrogeant la Loi sur la responsabilité nucléaire et modifiant d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 17 h 2, pour étudier la teneur du projet de loi.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique et je suis le président du comité.
Je souhaite la bienvenue à mes collègues, aux membres du public qui sont avec nous et à tous les téléspectateurs du pays. Je tiens à rappeler aux auditeurs que les séances du comité sont ouvertes au public et qu'elles sont aussi diffusées sur le Web, à l'adresse sen.parl.gc.ca. Vous trouverez également plus de détails sur la comparution des témoins en consultant le site web, sous la rubrique « Comités du Sénat ».
J'invite maintenant les sénateurs à se présenter.
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, de la province de Québec.
[Traduction]
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l'Alberta.
Le président : J'aimerais aussi présenter notre personnel, à commencer par la greffière, Lynn Gordon, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.
Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-22, Loi sur la sûreté et la sécurité en matière énergétique, qui a été présenté en première lecture au Sénat le 18 novembre 2014.
Nous sommes heureux d'accueillir, de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, Michael Binder, président et premier dirigeant, et Robert Power, coordonnateur principal, Direction générale des affaires réglementaires.
Soyez les bienvenus, messieurs. Je crois comprendre que vous avez préparé un exposé. Après, nous passerons aux questions. Nous recevons aujourd'hui un seul groupe de témoins, et la séance durera une heure parce que tout le monde doit se rendre à une autre réunion. La parole est à vous, messieurs.
Michael Binder, président et premier dirigeant, Commission canadienne de sûreté nucléaire : Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs.
[Français]
Je m'appelle Michael Binder et je suis président de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
[Traduction]
Je suis accompagné aujourd'hui de Robert Power, coordonnateur principal à la Direction générale des affaires réglementaires. Nous sommes ravis d'être ici et nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner devant vous aujourd'hui.
La CCSN est l'organisme de réglementation nucléaire du Canada. En vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, la CCSN s'acquitte de son mandat à trois volets : réglementer l'utilisation de l'énergie et des matières nucléaires afin de préserver la santé, la sûreté et la sécurité des Canadiens et de protéger l'environnement; respecter les engagements internationaux du Canada à l'égard de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire; et informer objectivement le public sur les plans scientifique ou technique, ou en ce qui concerne la réglementation du domaine de l'énergie nucléaire. La CCSN est un tribunal administratif indépendant quasi judiciaire qui réglemente tout ce qui touche le nucléaire au Canada, y compris l'extraction minière de l'uranium, la fabrication du combustible nucléaire, les réacteurs et les centrales nucléaires, la production et l'utilisation d'isotopes médicaux, le déclassement et l'assainissement des sites nucléaires ainsi que la gestion sûre des déchets nucléaires.
[Français]
L'association participe donc directement à la réglementation des installations nucléaires assujetties à la Loi sur la responsabilité nucléaire.
[Traduction]
Comme vous le savez, il incombe au gouvernement d'établir des politiques et des lois, comme la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire que l'on propose d'instaurer, et il incombe à la CCSN d'assumer les responsabilités prévues par la loi. Nous sommes favorables à l'adoption de la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire, car elle permettra de moderniser et de préciser les différents rôles et les différentes responsabilités des parties concernées au lendemain d'un accident nucléaire. Toutefois, le rôle de la CCSN est de veiller à ce qu'aucune demande d'indemnisation ne soit jamais présentée en vertu de la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire. Nous ne délivrerons jamais de permis à une installation si nous ne sommes pas convaincus qu'elle est sécuritaire.
[Français]
L'association est un organisme de réglementation qui dispose d'un cadre de réglementation rigoureux. Celui-ci garantit que nos titulaires de permis exploitent leurs installations de façon sûre, et qu'ils respectent les conditions de leur permis.
[Traduction]
De plus, nous réalisons toutes sortes d'études dans le but d'améliorer la sûreté. Par exemple, nous effectuons des évaluations probabilistes de la sûreté; nous simulons des conséquences d'accidents majeurs; nous examinons des mesures de protection physique pour veiller à la sécurité; et nous effectuons des recherches pour déterminer la durée de vie des tubes de force.
[Français]
Toutes ces études visent à éliminer les faiblesses dans le dossier de la sûreté nucléaire et à établir de nouvelles mesures pour combler les lacunes cernées.
[Traduction]
Vous avez entendu parler de l'accident survenu en 2011 à la centrale de Fukushima Daiichi, au Japon. Je peux vous assurer que ce malheureux accident a donné lieu, partout dans le monde, à un effort visant à rehausser les normes de protection contre les événements autrefois jugés improbables.
De son côté, la CCSN a demandé l'examen du dossier de sûreté de tous les exploitants de centrales nucléaires canadiennes. Cet examen s'est traduit par un renforcement des mesures de sûreté dans la conception et l'exploitation de nos installations nucléaires.
Par exemple, nous avons renforcé les capacités pour assurer la redondance de l'équipement d'atténuation des urgences afin de maintenir l'état d'arrêt sûr d'un ou de plusieurs réacteurs simultanément. Ce renforcement des capacités comprend les éléments suivants : 21 générateurs diesel portables et mobiles pour fournir une alimentation de secours; 20 pompes d'eau de refroidissement sur le site, avec des camions-incendie de la municipalité qui offrent du soutien hors site; et une quantité suffisante de combustible pour poursuivre l'exploitation pendant plusieurs jours sans rechargement hors site. Par ailleurs, nous avons installé des équipements supplémentaires d'atténuation de l'hydrogène, comme des recombineurs passifs, pour assurer la protection des mesures de confinement, ce qui réduit le risque de rejets.
De plus, les titulaires de permis de centrale nucléaire ont établi un protocole d'entente qui leur permettra d'échanger un soutien hors site en cas d'accident.
Ces améliorations aux capacités d'atténuation en cas d'urgence sur le site, ainsi qu'aux capacités d'intervention hors site en cas d'urgence, ont été acquises, installées et conçues pour éliminer presque entièrement le risque qu'un tel accident se produise au Canada.
La CCSN s'attend aussi à ce que les exploitants soient vigilants et prêts à faire face à d'autres menaces possibles pour leurs opérations, comme les attaques informatiques, internes ou terroristes. J'ai récemment demandé à nos exploitants de centrale nucléaire de revoir les processus dont ils disposent pour cerner les menaces et prendre les mesures qui s'imposent. J'ai pleinement confiance en leur capacité d'intervenir de manière appropriée, mais on n'aborde jamais ce genre de situations trop tôt ou trop souvent, et ce, dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques.
Le Canada jouit d'un dossier enviable en matière de sûreté, et aucune demande d'indemnisation n'a jamais été présentée en vertu de la Loi sur la responsabilité nucléaire. Nous veillerons à ce qu'il en soit toujours ainsi aux termes de la nouvelle loi.
En vertu du projet de loi, notre rôle consiste à conseiller le ministre au sujet de la désignation des installations possédant des matières nucléaires qui seront assujetties à la loi. Nous vérifierons aussi constamment que les titulaires de permis qui sont tenus d'avoir une couverture de garantie en vertu du projet de loi se conforment entièrement à cette obligation.
En conclusion, la CCSN participe activement à la supervision de tous les titulaires de permis d'installations nucléaires. Par conséquent, nous connaissons parfaitement les installations au Canada et la nature des matières nucléaires qui s'y trouvent.
[Français]
Nous sommes prêts à offrir au ministre toute l'aide nécessaire pour mettre en œuvre cette nouvelle loi.
[Traduction]
Si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre. Merci.
Le président : Merci, monsieur. Notre premier intervenant sera le sénateur Mitchell.
Le sénateur Mitchell : Merci, messieurs, de votre présence. Je vais vous poser une question que plusieurs personnes vous ont sans doute déjà posée. Pouvez-vous nous expliquer, en termes simples, ce qu'est un recombineur passif?
M. Binder : Si vous vous souvenez de l'accident nucléaire de Fukushima, tout ce qu'on pouvait voir à la télévision, c'était le panache de fumée qui sortait de la centrale, à la suite de l'explosion d'hydrogène. Ce type d'équipement élimine, autant que faire se peut, l'hydrogène à l'intérieur du conteneur, de sorte qu'il ne prenne pas feu ou qu'il n'explose pas. Toutes nos centrales nucléaires sont maintenant munies d'un tel équipement.
Le sénateur Mitchell : D'accord. La question de terrorisme, bien entendu, est en haut de la liste des préoccupations ces jours-ci, et vous avez dit avoir demandé aux exploitants d'examiner leurs processus dans ce contexte. Vous n'êtes peut-être pas au courant de tous les détails, mais collaborez-vous avec les autorités — le SCRS, la GRC et les responsables de la défense — dans ce dossier?
M. Binder : Absolument. Nous entretenons une relation très étroite avec le SCRS et la GRC. Ils passent au crible les employés. Ils font des vérifications de sécurité. Ils donnent des conseils au sujet des centrales. Ils nous fournissent des renseignements sur d'éventuels actes.
Comme vous le savez, les centrales nucléaires font partie de l'infrastructure essentielle; par conséquent, les organismes d'application de la loi suivent de près toute éventualité d'attaques terroristes. Par ailleurs, nous poursuivons très assidûment un dialogue avec nos amis américains et la communauté internationale. Il y a donc tout un intérêt renouvelé envers les mesures à prendre pour assurer une protection contre le terrorisme.
Le sénateur Mitchell : Un des points de mire du projet de loi, c'est la question de l'assurance-responsabilité. Je crois que votre commission a pour rôle, entre autres, d'évaluer les sociétés d'assurances et leurs qualifications et de vérifier si elles s'efforcent de créer un marché plus concurrentiel.
Pouvez-vous nous dire, d'abord, si vous faites une telle évaluation? Ensuite, dans la négative, qui s'en occupe? Enfin, quels critères utilise-t-on pour évaluer cet aspect?
M. Binder : La réponse est simple : non, nous ne le faisons pas.
Le sénateur Mitchell : D'accord. Qui le fait alors?
M. Binder : RNCan, le ministère lui-même.
Le sénateur Mitchell : Merci.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je remercie nos témoins de leurs présentations. J'aimerais vous parler de Gentilly. Le Parti Québécois, le parti qui était au pouvoir au gouvernement du Québec, a annoncé la fermeture de la Centrale nucléaire de Gentilly il y a plus de 18 mois, presque deux ans maintenant. Je crois que les travaux de fermeture sont déjà commencés. Après avoir lu le projet de loi, je crois qu'il va très bien répondre à des accidents ou à des incidents, dont les effets sont sentis à court ou moyen termes. Il est évident qu'on exclut des cas comme celui de la British Petroleum dans le golfe du Mexique ou d'Exxon Valdez, où, pendant des années, presque des décennies, on a dû apporter des corrections aux effets très néfastes sur l'environnement.
Dans le cas de situations liées à l'énergie nucléaire, pour ce qui est des risques, on sait qu'on ne parle plus de décennies, mais de centaines d'années, en raison de la radiation des déchets actifs. D'après vous, ce projet de loi va-t-il bien cerner ces problématiques qui sont presque permanentes, comme celle des déchets nucléaires de Gentilly, par rapport à d'autres événements ou accidents dont les effets sur l'environnement se mesurent à court terme, et où on peut réellement obliger les entreprises à investir des millions de dollars? Lorsqu'on se retrouve devant des problématiques comme celle de l'énergie nucléaire, est-ce que ce projet de loi sera en mesure de bien cerner les risques qui, eux, se mesurent à long terme?
M. Binder : Le risque existe chaque jour. On a des gens sur place qui vérifient que le risque est bien géré. Gentilly II ne nécessite que très peu de gestion. Les déchets sont placés dans la piscine et, ensuite, ils sont acheminés vers un endroit permanent. On veille à ce que la sécurité soit assurée.
Le sénateur Boisvenu : On est tout de même devant des types de dangerosité différents à cause de la longévité du risque.
M. Binder : Oui.
Le sénateur Boisvenu : Dans le cas d'un déversement de pétrole ou de gaz naturel, on connaît les risques, ils sont plutôt à court terme. La correction est plutôt facile à apporter. Il s'agit souvent d'extraction des sols, de traitement des sols en anaérobie ou d'autres technologies. Cependant, dans le cas de l'énergie nucléaire, on fait face à des risques différents et à des moyens de correction différents.
M. Binder : Le risque est moins élevé lorsque le nucléaire est géré dans des installations qui existent.
[Traduction]
Je vais poursuivre en anglais parce qu'on va entrer dans le jargon technique.
La centrale nucléaire est actuellement en état d'arrêt garanti, ce qui fait que le risque est peu différent de celui d'une centrale nucléaire en service. Cela se reflétera donc dans la responsabilité. Toutefois, on continue d'examiner tous les dossiers de sûreté, comme dans n'importe quelle autre centrale nucléaire. Il s'agit d'une autre catégorie, d'un autre risque.
[Français]
C'est moins élevé que les autres, mais cela existe et cela devrait être surveillé par notre agent comme un équipement à risque.
Le sénateur Boisvenu : Est-ce que vous avez suivi le dossier de l'incident nucléaire de Fukushima de façon assez étroite?
M. Binder : Absolument.
Le sénateur Boisvenu : Est-ce que la réglementation japonaise par rapport à cet évènement-là était tout à fait inappropriée, si on la compare, par exemple, avec la réglementation canadienne?
M. Binder : Ils ont fait une étude de fond, une étude parlementaire et une étude d'experts, et ils ont constaté de nombreux problèmes dans la gestion, la culture, et cetera. De notre côté, cela nous a donné l'occasion de comprendre comment on pourrait faire mieux dans notre pays. C'est précisément ce qu'on a fait.
[Traduction]
La sénatrice Seidman : Monsieur Binder, vous avez utilisé l'expression « titulaires de permis » à de nombreuses reprises dans votre exposé, et j'aimerais que vous m'aidiez à bien en saisir le sens. Je crois comprendre à quel groupe vous faites allusion, mais pourriez-vous tirer cette question au clair pour moi?
M. Binder : Au Canada, toute exploitation qui utilise des matières nucléaires doit obtenir un permis auprès de notre commission. Nous comptons presque 2 000 titulaires de permis, allant de centrales nucléaires à des hôpitaux qui utilisent des isotopes médicaux. Les titulaires de permis ont leurs propres exigences de sûreté, et nos inspecteurs s'assurent qu'ils se conforment aux exigences prévues dans leurs permis.
La sénatrice Seidman : Les titulaires de permis sont-ils des exploitants? Les qualifieriez-vous ainsi? Entrent-ils dans cette catégorie? Cette expression revient souvent dans le cadre de notre étude. En somme, sont-ils des exploitants nucléaires?
M. Binder : Oui. Certains d'entre eux sont des exploitants au sens de la loi, mais d'autres, comme un hôpital qui offre des services en médecine nucléaire, ne le sont pas.
La sénatrice Seidman : D'accord. Ma question est donc la suivante : le projet de loi, s'il est adopté, aura-t-il des répercussions d'ordre pratique sur ces exploitants nucléaires et les forcera-t-il à agir différemment?
M. Binder : Pas selon nous. Nous tenons absolument à ce que le protocole de sûreté prévu dans l'ancienne loi reste le même aux termes de la nouvelle loi. En fait, la sûreté fait partie de l'ADN de l'industrie nucléaire. Lorsqu'il y a un incident n'importe où dans le monde, nous avons l'habitude de nous demander quelles leçons nous pouvons en tirer, et nous renforçons ensuite nos capacités. D'ailleurs, au lendemain de l'accident de Fukushima, nous avons adopté un plan d'action pour améliorer sans cesse le dossier de sûreté, et c'est ce que nous faisons constamment.
Pour répondre à votre question, on parle ici d'un régime d'assurance financière. La question de la sûreté n'est pas à l'ordre du jour.
La sénatrice Seidman : C'est pourquoi je vous pose la question, parce qu'il y a les exploitants, mais il y a aussi les entrepreneurs et les fournisseurs. Les responsabilités, si je comprends bien, s'appliquent aux exploitants, mais pas aux entrepreneurs ni aux fournisseurs. Le projet de loi modifiera-t-il la relation et la dynamique entre les exploitants et leurs entrepreneurs et fournisseurs?
M. Binder : Pas du point de vue de la sûreté. Si je comprends bien, ce que le projet de loi fera, de pair avec la convention, c'est de préciser que l'exploitant est celui qui assume la responsabilité et, en fait, que les fournisseurs ne sont pas responsables de tels incidents.
Robert Power, coordonnateur principal, Direction générale des affaires réglementaires, Commission canadienne de sûreté nucléaire : En fait, rien ne changera sur le plan de la relation entre les exploitants et les fournisseurs et entrepreneurs par rapport à ce qui est prévu dans la loi en vigueur. Ce sera l'état actuel des choses.
La sénatrice Seidman : Donc, le projet de loi permettra au Canada de signer la convention. C'est ce que je crois comprendre. L'adoption de cette mesure législative facilitera ce processus.
M. Binder : C'est exact.
La sénatrice Seidman : Ensuite, la convention permettra de surveiller les questions liées aux responsabilités, mais du point de vue des exploitants seulement. Il y a donc des questions en suspens pour les fournisseurs et les entrepreneurs.
M. Binder : Je vais essayer de répondre à la question, et Bob pourra intervenir.
On craint toujours de faire l'objet de poursuites. Supposons qu'une entreprise canadienne se rende aux États-Unis pour effectuer un travail; il faut alors s'assurer que les intervenants comprennent qui est responsable de quoi. D'ailleurs, si on suit l'actualité, on peut constater que c'est l'un des grands enjeux dans les relations entre les États-Unis et l'Inde.
Si tout le monde signe la convention, c'est très clair : la responsabilité incombe à l'exploitant, et non au fournisseur. C'est l'un des avantages de cette nouvelle mesure législative et de la convention : on précise qui est responsable d'un accident particulier. Ainsi, cela permet à une entreprise canadienne de travailler aux États-Unis et ailleurs, du moins dans les pays qui sont signataires de la convention.
La sénatrice Seidman : Donc, le projet de loi ne complique pas davantage la question entre les exploitants et leurs entrepreneurs?
M. Binder : Non, pas en ce qui nous concerne, surtout du point de vue de la sûreté.
La sénatrice Seidman : Bien. Par conséquent, le projet de loi améliore la sécurité des Canadiens et rend les centrales plus sûres. Est-ce là le résultat final dont nous pouvons être certains?
M. Binder : Le projet de loi apporte des précisions. Je n'aime pas l'expression « plus sûres », parce que nous estimons que nous prenons déjà les mesures nécessaires pour maximiser la sûreté en permanence.
Le projet de loi proprement dit ne s'occupe pas des aspects liés à la sûreté.
La sénatrice Seidman : Non, mais il apporte des précisions.
M. Binder : Il précise les responsabilités.
La sénatrice Seidman : Il précise les responsabilités. C'est très utile. Merci.
Le sénateur MacDonald : Je crois que je vais adopter une approche quelque peu différente et chercher à obtenir des renseignements d'ordre pratique sur le travail que vous accomplissez au quotidien.
Entre 2008 et 2012, le gouvernement du Nouveau-Brunswick, ou plutôt l'autorité provinciale en matière d'électricité, a remis à neuf la centrale de Point Lepreau, qui comprend le seul réacteur nucléaire au Canada atlantique. Par simple curiosité, que suppose une telle remise à neuf? Elle a coûté environ 750 millions de dollars, je crois. Qu'est-ce que cela entraîne? Quels sont les aspects les plus dangereux de ces travaux de réfection? Quel rôle votre organisation jouera-t-elle dans la surveillance d'une remise à neuf de cette nature?
M. Binder : Eh bien, le titulaire de permis doit nous présenter un plan dans lequel il définit les activités qui seront menées, la façon de procéder et la sûreté des opérations. L'aspect le plus périlleux, c'est — ne l'oublions pas — que nous sommes dans le domaine nucléaire et qu'il faut remplacer les tubes. Tout se fait à distance. Ce n'est pas comme si on pouvait entrer dans la voûte du réacteur, une petite clé à la main, et se mettre à enlever les tubes. Il faut tout faire à distance, et on parle là de gros tubes. Il peut y avoir des blocages, comme ce qui s'est produit à la centrale nucléaire de Point Lepreau — parce que c'était la première fois qu'on faisait cela.
Les Coréens ont également une centrale qui ressemble beaucoup aux centrales CANDU, et ils essaient d'apprendre de leurs expériences mutuelles. En gros, ils ont réussi à mettre en commun leurs connaissances, mais ils ont éprouvé quelques difficultés d'ajustement technique très complexe, et le travail devait se faire entièrement à distance. Il y avait un défaut particulier dans les raccords, ce qui a causé un retard et, comme on le sait, le temps, c'est de l'argent. C'était ça, le problème lié à la centrale.
Toutefois, la centrale fonctionne maintenant très bien, à plein régime. Jusqu'ici, il n'y a eu aucun incident grave. Nous surveillons tous les incidents graves, et nous avons des effectifs sur place qui arpentent les lieux tous les jours pour s'assurer qu'il n'y ait aucun danger.
Le sénateur MacDonald : Votre organisation a-t-elle participé à tout le processus de remise en neuf du réacteur?
M. Binder : Seulement du point de vue de la sûreté. Nous devons nous assurer que les exploitants ont la capacité de mesurer les doses de rayonnement auxquelles s'exposent les travailleurs et la population. Nous ne nous mêlons pas des travaux techniques de remplacement. Ça, c'est de l'ingénierie. Les exploitants doivent embaucher beaucoup d'entrepreneurs. Nous devons veiller à ce que chaque personne qui entre dans la centrale soit en sécurité et respecte nos procédures de sûreté.
Le sénateur MacDonald : Autre question : de toute évidence, la remise à neuf d'une centrale de ce genre sera une proposition coûteuse. Initialement, on avait prévu une durée de 18 mois, mais en réalité, le projet a fini par s'échelonner sur quatre ans. Je suis curieux de savoir à combien pourrait s'élever le coût de remplacement d'une centrale comme celle de Point Lepreau par rapport au montant de 750 millions de dollars. Combien coûterait la remise à neuf de la centrale de Point Lepreau?
M. Binder : On se livre là à des conjectures. Je peux vous citer le chiffre mentionné dans les journaux, qui est de l'ordre de 5 à 10 milliards de dollars. Comme vous le savez, aux États-Unis, on construit maintenant cinq centrales. En Chine, on en construit 27. On trouve également des projets de construction en Corée et au Royaume-Uni. Il est très difficile de quantifier les coûts réels. Je le répète : nous tenons compte de la sûreté, et non pas des questions d'ordre économique. Si l'industrie nucléaire devait aujourd'hui avoir un cri de ralliement, ce serait : « Faisons les choses dans le respect des délais et des budgets. » Comme vous le savez sans doute, on avait envisagé de remettre à neuf les centrales de Darlington et de Bruce dans le cadre du plan énergétique de l'Ontario, et la principale préoccupation était le respect des délais.
La sénatrice Ringuette : J'aimerais donner suite à la question soulevée par la sénatrice Seidman au sujet du rôle des fournisseurs et des gestionnaires au regard du nouveau régime d'assurance. Vous avez donné l'exemple d'une entreprise canadienne qui travaille aux États-Unis; si le Canada signe la convention, alors cette entreprise canadienne ne pourra pas être poursuivie en tant que fournisseur. Combien y a-t-il de fournisseurs au Canada qui obtiendront vos permis? Je suppose que, par souci de sécurité, vous avez également des régimes de délivrance de permis pour les fournisseurs. Combien de fournisseurs canadiens pourraient mener des activités aux États-Unis, pour reprendre votre exemple?
M. Binder : À titre de précision, nous ne délivrons pas de permis aux fournisseurs. Nos permis s'adressent uniquement aux installations qui, si on veut, détiennent des matières nucléaires.
La sénatrice Ringuette : À quel type d'entreprise faisiez-vous allusion dans votre exemple d'une entreprise canadienne qui fait des travaux aux États-Unis, sans le risque de faire l'objet de poursuites?
M. Binder : Voici un exemple concret : à Fukushima, la conception de la centrale nucléaire japonaise avait été réalisée par Westinghouse. La grande question était donc de savoir si Westinghouse avait une part de responsabilité pour ce qui s'était passé. Cette question a fait l'objet d'un débat sur la scène internationale. Désormais, il sera clair, à l'échelle internationale, que l'exploitant est le seul responsable.
La sénatrice Ringuette : Le propriétaire de la technologie canadienne agirait donc en tant que fournisseur étranger. De qui s'agit-il au juste?
M. Binder : L'ancienne EACL et Candu Énergie détenaient la propriété intellectuelle et, maintenant, c'est SNC- Lavalin qui l'a, mais il s'agit d'une société d'ingénieurs.
La sénatrice Ringuette : Mais elle détient le brevet de CANDU.
M. Binder : En effet, et elle peut mener des activités dans une région où nous l'autorisons à exporter des brevets canadiens. C'est un tout autre régime d'attribution de permis, dont le but consiste simplement à protéger la technologie canadienne. Ce n'est pas prévu dans la Loi sur la responsabilité nucléaire. Il s'agit ici d'exportation et d'importation. Pour exporter une technologie canadienne, on a besoin d'un permis.
La sénatrice Ringuette : Oui, je comprends. Mais votre exemple portait sur une société canadienne qui travaille aux États-Unis et qui, grâce à cette nouvelle convention, ne ferait pas l'objet de poursuites. Par exemple, au Canada, il y a une société, CANDU, qui commercialise un produit nucléaire. La technologie et le brevet des réacteurs CANDU appartiennent à SNC-Lavalin depuis maintenant quatre ou cinq ans.
Attribuez-vous des permis aux laboratoires universitaires qui font de la recherche au moyen d'un équipement nucléaire?
M. Binder : Absolument. De nombreuses universités possèdent ce qu'on appelle des réacteurs Slow Poke. Il s'agit de petites installations nucléaires. Celle de l'Université McMaster est relativement grande. On en trouve également à Edmonton et en Saskatchewan. Oui, tous ces établissements ont des permis.
La sénatrice Ringuette : Cela se fait donc séparément. Les universités sont quand même des entités qui relèvent des provinces, mais en ce qui concerne les coûts liés au régime d'assurance, leurs permis sont-ils distincts, ou faut-il plutôt passer par un réacteur nucléaire en service, comme élément d'un sous-ensemble?
M. Binder : Nous devons toujours déterminer à qui appartient le permis. En vertu de la loi, c'est le titulaire de permis qui est visé.
La sénatrice Ringuette : Ce serait donc l'université proprement dite?
M. Binder : Certaines universités ont leurs propres sociétés de portefeuille ou leurs propres établissements de recherche. Tous ces détails seront précisés dans le règlement, si je comprends bien.
La sénatrice Ringuette : Vous avez attribué un permis à la centrale de Chalk River parce qu'il s'agit d'une installation nucléaire importante. Vous aurez à surveiller la conformité à ces dispositions.
M. Binder : C'est exact.
La sénatrice Ringuette : Parlant de Chalk River, on propose un nouveau régime de gestion aux termes d'une nouvelle mesure législative. Qui obtiendra votre permis et qui devra verser la nouvelle prime d'assurance : le gouvernement du Canada ou le nouveau gestionnaire de la centrale de Chalk River?
M. Binder : C'est quelque chose que nous devrons clarifier dans le règlement. Pour l'instant, le titulaire de permis est une entité appelée Laboratoires Nucléaires Canadiens, ou LNC. Il s'agit donc de l'exploitant. En ce qui nous concerne, le titulaire de permis est LNC.
La sénatrice Ringuette : C'est donc le gouvernement du Canada, puisque LNC est une société d'État.
M. Binder : C'est le cas à l'heure actuelle, mais que se passera-t-il plus tard? On parle de faire la transition vers une société d'État exploitée par le secteur privé.
La sénatrice Ringuette : Ce n'est pas un exploitant, mais un gestionnaire. Il s'agit là d'un point important, parce que cela aura certainement une incidence sur cette entité gouvernementale et les coûts du nouveau gestionnaire.
M. Binder : Nous serons chargés de désigner l'installation qui contient de la matière nucléaire.
La sénatrice Ringuette : Oui.
M. Binder : Ensuite, nous chercherons à savoir qui est l'exploitant. Il incombera alors au gouvernement de décider quel régime d'assurance se prête le mieux à l'exploitant; cette décision ne revient pas à nous.
La sénatrice Ringuette : D'accord. Mais vous aurez à superviser le tout.
M. Binder : Une fois que la décision sera prise quant au titulaire de l'assurance-responsabilité, nous confirmerons qu'il s'agit d'un engagement continu.
La sénatrice Ringuette : Monsieur Power, voulez-vous ajouter une observation?
M. Power : Je dirai la même chose que M. Binder, mais peut-être en des termes différents. Pour l'instant, le permis est détenu par Laboratoires Nucléaires Canadiens, ou LNC. Il s'agit actuellement d'une société publique. Je crois qu'on envisage d'en faire une société privée à l'avenir. Le cas échéant, ce pourrait être un exploitant privé — un peu comme, disons, Bruce Power.
La sénatrice Ringuette : Dans le cadre de la proposition législative actuelle, que nous avons examinée avant les Fêtes, un appel d'offres sera lancé pour obtenir les services non pas d'un exploitant, mais d'un gestionnaire pour une durée indéterminée, le minimum étant de trois ans. La responsabilité de ce régime d'assurance relèvera-t-elle de la Couronne ou d'une autorité publique, ou reviendra-t-elle plutôt aux gestionnaires contractuels de ces laboratoires?
M. Binder : Voici ce que je peux en dire : à ma connaissance, le processus fait intervenir ce qu'on appelle des sociétés d'État exploitées par le secteur privé. La société représentera donc le secteur privé; d'ailleurs, l'appel d'offres est en cours.
La sénatrice Ringuette : C'est pour accorder un contrat à un gestionnaire.
M. Binder : Ces organismes exploiteront le matériel nucléaire — le site, l'installation, les déchets. Ils en assureront la gestion. Au-dessus d'eux, il y aura une société d'État, AECL. Aux termes de la mesure législative actuelle, l'exploitant serait désigné par l'expression « secteur privé ». Cela ressemble au modèle de Bruce Power, qui est une société privée ayant obtenu un permis auprès du gouvernement de l'Ontario.
La sénatrice Ringuette : Ce n'est pas le même régime de gestion. Pourriez-vous préciser qui sera chargé de l'assurance-responsabilité requise en vertu du projet de loi? Au bout du compte, dans le cas de Chalk River, nous prévoyons que le projet de loi entraînera des coûts d'exploitation supplémentaires de 8 à 10 millions de dollars par année.
M. Binder : Nous tirerons cela au clair.
Le sénateur Patterson : J'aimerais saluer et remercier la Commission canadienne de sûreté nucléaire, parce que certains de ses représentants sont au Nunavut cette semaine, au moment où l'on se parle, pour faire une tournée des collectivités de ma région et les sensibiliser au rôle que jouera la commission dans la réglementation d'une mine d'uranium proposée par AREVA Resources Canada Inc. à Kiggavik. Ce n'est pas tout le monde qui se rend au Nunavut durant la saison froide et sombre, mais le moment est bien choisi parce que tout le monde est à la maison. Je tiens donc à vous en féliciter.
Notre comité étudie le projet de loi édictant la Loi sur la responsabilité et l'indemnisation en matière nucléaire, et vous avez dit que votre organisation est favorable à son adoption. Pourriez-vous nous dire si la Commission canadienne de sûreté nucléaire a participé, d'une façon ou d'une autre, à l'élaboration du projet de loi C-22?
M. Binder : Nous donnons au gouvernement des conseils purement techniques sur la façon d'instaurer ce régime d'assurance. Notre rôle est d'essayer de délimiter les types de sites et les risques inhérents à chacun d'eux. Le gouvernement décide ensuite quel régime d'assurance correspondra au risque particulier. Les fonctionnaires nous consultent au sujet de questions techniques. N'oubliez pas qu'il y a toutes sortes de matières nucléaires, d'isotopes nucléaires et de centrales nucléaires, dont la taille varie de très petite à moyenne, et cetera. Le gouvernement nous demande toujours conseil sur les liens entre ces divers éléments.
Il y a un site qui compte une centrale, un autre qui en compte quatre et un autre, huit. Chacune de ces centrales exige différents types de calculs.
Le sénateur Patterson : J'en déduis que vous êtes satisfait de voir que le gouvernement a tenu compte de vos conseils dans la rédaction du projet de loi et que vous pouvez vous en accommoder. D'ailleurs, vous avez dit que vous appuyez son adoption.
M. Binder : Oui, tout à fait.
Le président : Merci.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup encore une fois, monsieur Binder, vous êtes très compétent en la matière et nous allons profiter de vos connaissances. J'aimerais qu'on parle un peu de la technologie CANDU que je considère comme un grand succès au Canada; elle a été vendue dans plusieurs pays. Pourriez-vous nous faire un bilan de ce système énergétique aujourd'hui, par rapport à son existence qui date des années 1960, je crois? Comment peut-on envisager la technologie CANDU, aujourd'hui, par rapport aux autres systèmes vendus à travers le monde?
M. Binder : Quant à moi, la performance du système CANDU a été extraordinaire. Aucun accident n'est survenu. Je trouve très intéressant qu'il y ait des pays comme la Roumanie, la Corée et la Chine qui utilisent la très avantageuse technologie CANDU. Ils utilisent l'uranium naturel au lieu de l'uranium enrichi. Selon moi, il est plus facile de construire un système CANDU que toute autre technologie. Je trouve même étonnant qu'il n'y ait pas plus de pays qui adoptent cette technologie.
Le sénateur Boisvenu : Le Canada est un grand producteur d'uranium, encore aujourd'hui?
M. Binder : Oui.
Le sénateur Boisvenu : Le Canada vend-il surtout de l'uranium enrichi ou de l'uranium naturel?
M. Binder : C'est interdit aujourd'hui. Il s'agit d'une politique du gouvernement canadien.
Le sénateur Boisvenu : Donc, ces pays importent notre uranium et vont l'enrichir un jour. Je crois qu'en Irak, c'est ce qui se passe. On a connu des dossiers très chauds. La production d'uranium représente-t-elle un danger similaire à d'autres types de ressources comme le pétrole et le gaz naturel?
M. Binder : Je crois que non, car la filière est bien réglementée et est assortie d'exigences précises. Nous avons des inspecteurs qui vivent avec ces sociétés. Nous avons de l'expérience avec l'uranium au Canada et, grâce à la CCSN, cette expérience est excellente.
Le sénateur Boisvenu : Je proviens d'une région minière — l'Abitibi — où il y a eu beaucoup d'extraction de cuivre et d'or. Malheureusement, cela a provoqué beaucoup de dégâts en ce qui concerne les champs de résidus miniers. Est-ce que l'uranium a le même impact sur l'environnement que les mines de cuivre ou les mines d'or?
M. Binder : Vous savez qu'au Québec, l'uranium, c'est une autre histoire. Il y a une audience publique devant le BAPE.
Le sénateur Boisvenu : Sur la Côte-Nord, entre autres.
M. Binder : C'est partout, je crois. Ils sont toujours contre les usines d'uranium. Chaque mine doit avoir un tailing.
[Traduction]
Au Canada, aucune autre mine n'est réglementée de façon aussi stricte qu'une mine d'uranium. Si je devais vivre près d'un site minier, je choisirais une mine d'uranium parce qu'il y a des gens sur place en permanence.
Il est vrai qu'au fil du temps, l'uranium s'est forgé une mauvaise réputation, et ce, pour toutes sortes de raisons; cependant, à l'heure actuelle, une société d'exploitation de gisements d'uranium doit non seulement assurer la sécurité de la mine, mais aussi mettre de l'argent de côté, durant le projet, afin de remettre le site dans son état naturel, dans la mesure du possible, une fois les travaux terminés. Ainsi, en Saskatchewan, après l'exploitation, les sociétés minières sont tenues d'assurer la remise en état et le reboisement des sites, à la satisfaction du gouvernement provincial, qui en récupère alors le contrôle institutionnel. Une telle pratique n'existe pas dans le cas de bien d'autres mines.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Serez-vous invité à participer aux audiences au Québec?
M. Binder : Nos gens seront là pour expliquer ce que je dis, mais c'est difficile à vendre.
Le sénateur Boisvenu : Vous l'expliquez très bien. Merci.
[Traduction]
Le président : Merci. Je crois que c'est la fin des interventions, mais j'ai quelques questions à vous poser.
Vous avez fait allusion au secteur minier. Je sais que, dans ma province, les sociétés minières doivent contribuer à un fonds; ainsi, après les travaux d'extraction, elles doivent tout remettre dans son état initial, exactement comme dans le cas des mines d'uranium dont vous avez fait mention. Vous avez laissé entendre qu'aucune autre mine n'est soumise à une telle exigence, mais je crois qu'il s'agit d'une pratique assez courante au Canada. Je ne peux que parler de la Colombie-Britannique. Il en est ainsi depuis les années 1970 : ces fonds servent à remettre les terrains dans leur état initial, à reboiser, et cetera. Je tenais à apporter cette précision aux fins du compte rendu.
Dans vos notes, vous expliquez comment vous avez renforcé les capacités pour assurer la redondance de l'équipement d'atténuation des urgences afin de maintenir l'état d'arrêt sûr d'un ou de plusieurs réacteurs simultanément. Aux termes de la mesure législative dont nous sommes saisis, y a-t-il quelque chose que vous aurez à changer ou à ajouter aux autres mesures que vous avez déjà prises? Vous parlez de générateurs portables et de tout le reste. Y a-t-il quoi que ce soit dans cette mesure législative qui vous oblige à faire plus?
M. Binder : Non, absolument pas. Toute amélioration est motivée par une exigence de sûreté, et non par des questions financières ou économiques.
Le président : Vous avez parlé de 21 générateurs diesel portables et mobiles pour fournir une alimentation de secours. Il y a un certain nombre de sites en Ontario. Ces générateurs se trouvent-ils déjà dans chacun de ces sites, ou sont-ils plutôt entreposés quelque part en vue d'être utilisés en cas d'incident? Je me pose la même question au sujet des pompes d'eau de refroidissement et de tous les autres équipements dont vous avez parlé.
M. Binder : Ces articles se trouvent dans chaque installation à Pickering, à Darlington et à Bruce. Après l'incident de Fukushima, nous avons insisté pour que les exploitants créent une nouvelle entrée dans le cœur du réacteur afin qu'ils puissent y pomper de l'eau. Le problème avec la centrale de Fukushima, c'est qu'on n'a pas pu acheminer l'eau assez rapidement vers le cœur du réacteur afin de le refroidir. Dans notre scénario, nous espérons que, peu importe l'incident, grâce à une quantité suffisante de diesel et d'eau sur place, on peut brancher le cœur du réacteur à une source d'eau — voire même au lac — afin de le refroidir.
Notre rôle n'est pas de préserver l'installation, mais de la mettre en état d'arrêt. Donc, peu importe le scénario apocalyptique qui est sans cesse brossé, nous sommes convaincus qu'en apportant ces modifications, nous avons pris suffisamment de mesures pour qu'un tel scénario ne se produise jamais.
Le président : Les appareils dont vous avez parlé, comme les 21 générateurs portables et les pompes d'eau de refroidissement, sont répartis entre les trois centrales à Pickering, à Darlington et à Bruce, n'est-ce pas?
M. Binder : Oui.
Le président : Ils sont actuellement en veille. D'accord.
Je vous remercie de votre réponse, et je sais que nous nous éloignons un peu du sujet à l'étude et que nous vous posons des questions très vastes. J'ai permis cela, et sachez que nous vous sommes reconnaissants de votre présence. Voilà pourquoi nous vous posons ces questions; il n'y a pas d'autres raisons. Nous sommes ravis que vous soyez ici pour pouvoir nous parler. Cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas rencontrés. En fait, la dernière fois que nous avons reçu la Commission canadienne de sûreté nucléaire, c'était à l'occasion de notre premier rapport. Nous sommes donc heureux de vous avoir parmi nous.
M. Binder : Merci.
Le président : Vous êtes une source intarissable de connaissances.
Je devrais peut-être être au courant, mais vous avez dit que la centrale de Point Lepreau est toujours surveillée par des effectifs sur place. Est-ce pour une période déterminée depuis la réouverture de la centrale, ou ces gens sont-ils là tout le temps?
M. Binder : Ils sont là tout le temps. Nous avons des effectifs aux centrales nucléaires de Point Lepreau, de Darlington, de Pickering et de Bruce. Nous en avions aussi à la centrale nucléaire de Gentilly-2. En Saskatchewan, nos effectifs se rendent aux sites miniers, et chaque mine est inspectée environ cinq fois par année.
Le président : Comment ces gens sont-ils rémunérés? La Commission canadienne de sûreté nucléaire est une société d'État. Les centrales nucléaires de Point Lepreau, de Gentilly, de Darlington, de Bruce et de Pickering doivent-elles verser des cotisations à la commission? Comment cela fonctionne-t-il au juste?
M. Binder : La commission impose des droits aux titulaires de permis pour recouvrer ses coûts réglementaires.
Le président : Il s'agit donc de droits imposés aux titulaires de permis.
M. Binder : C'est ça. Certains titulaires de permis reçoivent l'appui du gouvernement. Par exemple, dans le cas des universités et des hôpitaux, c'est le gouvernement qui paie ces frais; toutefois, nous facturons le gouvernement pour ces efforts de réglementation.
Le président : C'est bien. Je n'ai pas d'autres questions, et les autres sénateurs non plus. Je tiens donc à vous remercier infiniment, tous les deux, d'avoir été des nôtres. Nous vous en sommes reconnaissants. Un grand merci pour votre exposé et vos réponses.
M. Binder : Je vous en prie.
(La séance est levée.)