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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 24 - Témoignages du 17 février 2015


OTTAWA, le mardi 17 février 2015

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 37, pour étudier le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je préside ce comité. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, à tous les membres du public présents dans la pièce, ainsi qu'aux téléspectateurs de tout le pays qui nous regardent à la télévision. Je rappelle à tous ceux qui suivent les délibérations de notre comité que nos séances sont ouvertes au public et qu'elles sont également accessibles par webdiffusion sur le site web sen.parl.gc.ca. Vous pouvez également trouver plus d'information sur l'horaire des témoins sur le site web, à la section « Comités du Sénat ».

Je vais maintenant demander aux sénateurs ici présents de se présenter, et je vais commencer en présentant le vice-président, le sénateur Paul Massicotte du Québec.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Diane Bellemare, du Québec.

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, je viens de Montréal, au Québec.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, Nunavut.

Le président : J'aimerais également vous présenter notre personnel, à commencer par la greffière, qui se trouve à ma gauche, Lynn Gordon, de même que nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Mark LeBlanc.

Le 4 mars 2014, le Sénat a autorisé notre comité à entreprendre une étude sur le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes.

Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir, pour la première partie de la réunion, Brendan Marshall, directeur des Affaires économiques à l'Association minière du Canada.

Monsieur Marshall, je vous remercie d'être parmi nous ce soir. Je crois que vous avez préparé un exposé; nous allons l'écouter, après quoi il y aura une période de questions.

Brendan Marshall, directeur, Affaires économiques, Association minière du Canada : Avant de vous présenter mes observations, j'aimerais mentionner qu'il y a presque 10 ans, mon premier véritable emploi a été de travailler pour le sénateur Kinsella, qui vient de prendre sa retraite à titre de Président du Sénat. Je comprends donc très bien l'importance de votre travail à tous, de l'institution elle-même, de même que des analystes de la Bibliothèque du Parlement. Il me semblait intéressant de faire le lien. Je vais comparaître pour la première fois depuis ce temps devant un comité du Sénat.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, la greffière, le personnel et les autres témoins, je vous remercie de m'offrir l'occasion de comparaître devant ce comité et de contribuer à cette étude importante. Pour le compte rendu, je m'appelle Brendan Marshall et je suis directeur des Affaires économiques à l'Association minière du Canada.

L'exploitation minière est la clé de voûte économique du Nord canadien. La découverte, l'exploitation et la production de métaux et de minéraux attirent de l'investissement dans la région, créant des emplois, des taxes et des redevances. Il y a actuellement sept mines en activité qui contribuent énormément au PIB des territoires, qui emploient des milliers de personnes et favorisent la création d'entreprises locales pour approvisionner les mines en biens et en services. Ces activités profitent aux habitants du Nord, aux Autochtones et à tous les Canadiens.

Selon des données récentes, le secteur minier fournit environ 15 p. 100 de tous les emplois au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut combinés, en plus de contribuer dans une proportion beaucoup plus élevée au PIB des territoires.

Selon le Bureau de gestion des projets nordiques, 15 mines pourraient démarrer ou relancer leur production au cours des 10 prochaines années dans les trois territoires. Ensemble, ces projets représentent plus de 17 millions de dollars potentiels d'investissements en capitaux initiaux. Ils créeraient plus de 7 100 emplois à temps plein, ce qui doublerait presque les niveaux d'emploi de 2013, en plus de présenter des débouchés importants pour les collectivités et les entreprises locales. Si l'on estime les dépenses pendant toute la durée de vie des mines de ces 15 projets, le potentiel d'investissement représente près de 35 milliards de dollars, une somme 3,5 fois plus élevée que le PIB total combiné des trois territoires en 2013.

Le secteur minier est l'un des principaux moteurs de l'entreprise privée dans l'économie des territoires. Le meilleur moyen dont dispose le gouvernement du Canada pour réaliser plusieurs objectifs stratégiques de la Stratégie pour le Nord, de la politique étrangère du Canada pour l'Arctique et du mandat du Canada à la présidence du Conseil de l'Arctique, qui comprennent l'exercice de la souveraineté, la promotion du développement économique et social des habitants du Nord et des Autochtones, et l'amélioration ainsi que la décentralisation de la gouvernance, est de permettre le développement minier responsable.

Le développement et l'exploitation des mines dans le Nord ne sont toutefois pas tâches faciles. Les entreprises sont confrontées à des difficultés sans commune mesure, auxquelles les entreprises situées dans les régions plus centrales ne sont pas confrontées en raison de leur proximité avec l'infrastructure physique et non matérielle.

Ces défis sont inextricablement liés aux caractéristiques qui définissent les régions nordiques : l'isolement, l'éloignement, le sous-développement de l'infrastructure et dans bien des cas, la faible densité de population ou l'absence de toute population sur des centaines de kilomètres.

Dans le but d'évaluer le coût de ces défis, l'Association minière du Canada, l'AMC, a entrepris récemment une étude afin de comparer les coûts que doivent assumer les mines du Nord à ceux de mines d'envergure comparable dans des régions plus centrales. Les résultats de cette étude n'ont pas encore été publiés, mais je peux vous dire qu'il en ressort que les coûts en capital sont de deux à deux fois et demie plus élevés pour les mines de métaux de base et de métaux précieux situées dans le Nord que pour celles situées au Sud. Les coûts d'infrastructure, notamment de l'infrastructure énergétique, représentent à eux seuls près de 50 à 60 p. 100 de la différence de coût. Les coûts de fonctionnement sont à peu près 60 p. 100 plus élevés dans le Nord. Le coût élevé de l'énergie dans le Nord contribue à la différence totale de coût.

Parlons maintenant un peu de l'énergie. De 1999 à 2012, les coûts énergétiques de l'exploitation minière au Canada ont plus que doublé, pour atteindre le seuil de 2,4 milliards de dollars en 2012 pour les mines canadiennes. Cette hausse est attribuable en partie à l'augmentation du coût du diesel. Si l'on fait abstraction de la chute récente des prix du pétrole, le prix moyen du pétrole s'est multiplié par 10 entre 1998 et 2013, passant d'environ 10 $US le baril à plus de 100 $US le baril en moyenne.

Bien que la différence de coûts entre les mines du Nord et celles du Sud s'explique en partie par la hausse du prix du carburant, elle est directement liée, en grande partie, au manque d'infrastructure de transport et de production d'énergie dans les territoires.

Depuis toujours, les sociétés minières présentes dans le Nord doivent absorber les coûts attribuables au déficit en infrastructure. Là où il est possible de produire de l'hydroélectricité, par exemple, l'entreprise doit construire à ses frais le barrage et l'infrastructure de transmission connexe pour y accéder. Là où il n'y a pas d'autre option possible pour s'approvisionner en énergie, les centrales au diesel sont habituellement la source d'énergie par défaut; il faut alors construire des centrales énergétiques sur les lieux. Étant donné qu'il y est pratiquement impossible d'assurer le transport de carburant en temps voulu, les entreprises doivent acheter, transporter et entreposer assez de carburant sur place pour pouvoir s'approvisionner pendant un an. L'entreposage fait augmenter les coûts, puisqu'il faut prévoir des réservoirs, et limite le pouvoir de l'entreprise d'optimiser ses achats de carburant sur le marché. De plus, la hausse du prix du pétrole a fait augmenter le coût par unité du carburant livré à la mine, puisque le prix du pétrole détermine en grande partie le prix associé à l'utilisation de navires. Ne serait-ce que pour permettre le transport par bateau, les entreprises doivent construire un port et assurer le transport terrestre du port à la mine.

Ces coûts sont tous interreliés et ont une énorme incidence sur le portrait économique des projets miniers dans le Nord. Bien au fait de ces défis, les exploitants miniers évaluent les diverses possibilités de production d'énergie (renouvelable comme non renouvelable) pour rendre les mines plus concurrentielles et accroître la viabilité des projets en développement.

L'énergie renouvelable est intéressante pour les exploitants miniers parce qu'elle peut faire baisser les coûts de l'énergie et atténuer les effets du projet sur l'environnement tout en améliorant la sécurité énergétique et en renforçant le privilège de l'entreprise d'exploiter une mine dans une collectivité.

Le coût moyen actualisé de l'électricité éolienne, solaire photovoltaïque ou à concentration et de certaines technologies alimentées à la biomasse ne cesse de diminuer depuis quelques années, ce qui les rend plus concurrentielles par rapport aux technologies classiques, particulièrement pour la production d'électricité hors réseau.

Bien que la tendance soit positive, il y a des coûts additionnels associés aux technologies renouvelables dans le Nord, et leur valeur dépend toujours de la qualité de la ressource renouvelable exploitée. Au même titre que les mines doivent s'établir là où il y a des gîtes minéraux viables, cette restriction explique pourquoi la production d'énergie renouvelable ne devient pas la solution généralisée au problème de l'énergie dans l'industrie dans le Nord, malgré toutes les avancées de la technologie.

Pour les mines qui ont accès à des ressources renouvelables viables, il vaut la peine d'investir dans la diversification des portefeuilles énergétiques et dans une source d'énergie intermittente fiable. Le parc éolien de Rio Tinto à la mine Diavik en est un bon exemple. Le projet pilote de la turbine éolienne de la mine Raglan du groupe Glencore en est un autre. Ces projets renforcent la sécurité énergétique de ces mines et leur permettent de réduire leurs coûts énergétiques de même que leurs émissions de GES.

Il y a également des avancées récentes dans le domaine du gaz naturel qui captent l'attention des exploitants de mines. Les avancées technologiques dans l'extraction de gaz nous permettent d'avoir accès à de nouveaux gisements de gaz ou d'exploiter davantage des gisements déjà connus. En raison de l'évolution du marché en Amérique du Nord, le prix du gaz demeure bas, en moyenne, et ce carburant a une empreinte en EES plus faible que le diesel. Cela place le gaz naturel en bonne position pour les exploitants qui veulent réduire leurs coûts énergétiques comme leurs émissions de dioxyde de carbone.

Pour beaucoup de mines, toutefois, il y a d'autres considérations. Comme le prix du gaz naturel est volatil et qu'il a tendance à monter en flèche pendant l'hiver, il faut analyser la situation en profondeur pour évaluer la viabilité de cette solution avant de l'adopter. Dans bien des cas, les défis sont les mêmes pour les exploitants de mines qui veulent avoir accès à du gaz naturel que pour ceux qui privilégient d'autres solutions de rechange au diesel. Dans le Nord, il n'existe aucun réseau d'oléoducs de transmission ou de distribution directe, et il en coûterait très cher d'en construire un. Le transport maritime du gaz naturel coûte lui aussi très cher et il nécessite des bateaux, des ports, des sites d'entreposage et des installations de production.

Cela dit, les technologies d'exploitation du gaz naturel continuent d'évoluer, ce qui rend le gaz de plus en plus utilisable par les exploitants de mines. Le partenariat récent de l'AMC avec l'Association canadienne du gaz pour la réalisation d'une étude de faisabilité afin d'évaluer la viabilité de trois sociétés minières souhaitant convertir une partie de leurs activités au gaz naturel en témoigne. Les résultats modélisés de deux de ces sociétés sur trois sont positifs. De plus, certaines technologies d'exploitation du gaz naturel permettent de réutiliser des systèmes diesel existants, ce qui rend le changement de type de carburant moins capitalistique. Du point de vue de l'utilisation finale, on observe des progrès dans la conception de moteurs au gaz naturel liquéfié pour les véhicules lourds. De même, il y a des partenariats qui se forment pour développer conjointement la technologie au gaz naturel pour les véhicules hors routes, comme les camions miniers, ce qui pourrait rendre plus viable le changement de carburant pour les véhicules miniers.

Dans l'industrie, les défis liés à l'exploitation d'une mine dans le Nord sont perçus comme un tout, qui vient en partie d'un problème d'approvisionnement et en partie d'un problème de production d'énergie. Bien que la hausse des coûts du carburant contribue à la hausse du coût de l'énergie, c'est surtout le manque d'infrastructure qui contribue à la hausse des coûts de l'énergie et des autres coûts en général dans le Nord. Comme l'avenir de l'industrie minérale se trouve de plus en plus dans le Nord, il est essentiel de surmonter cet obstacle à la viabilité des projets miniers dans le Nord si le Canada souhaite continuer de bénéficier des activités de cette industrie.

Le président : Merci infiniment. Nous allons maintenant commencer la période des questions, et je vais donner la parole au sénateur Massicotte, qui est le vice-président du comité.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Marshall, je vous remercie de vos observations d'aujourd'hui. Manifestement, vous vous appuyez sur beaucoup d'études pour dire que l'infrastructure et l'énergie sont de grands facteurs pour expliquer les coûts particulièrement élevés de l'exploitation dans le Nord. Quelle est la solution? Vous nous dites que cela coûte très cher. Que faire? Que nous recommandez-vous de faire?

M. Marshall : Je vous remercie de cette question. L'étude à laquelle je renvoie dans mon mémoire n'a pas encore été publiée. Nous sommes en train d'y mettre la touche finale. Nous y formulons une série de recommandations que le comité et le gouvernement en général devraient prendre en considération, à notre avis. Trois portent sur les mines en production, en particulier, et l'une d'elles serait d'accorder un crédit d'impôt à l'investissement de 10 p. 100 pour les dépenses en infrastructure admissibles.

Il y aurait ensuite un autre crédit d'impôt de 15 p. 100 pour l'infrastructure essentielle construite sur le site de la mine. Dans le Sud, quand on a accès à un réseau de transport, par exemple, les coûts de construction pour transporter le produit vers le marché ou pour transporter les fournitures vers la mine ne sont pas absorbés par l'entreprise. Ces services sont disponibles grâce aux dépenses publiques investies dans la construction du réseau de transport.

Nous demandons 15 p. 100 de plus en reconnaissance de la valeur publique de l'infrastructure nordique établie aux frais du secteur privé.

Le troisième élément, c'est que nous réclamons une contribution remboursable sous conditions de 25 p. 100 des coûts d'infrastructure admissibles. Pourquoi cette diversification? Parce que ce serait l'un ou l'autre. Ce ne serait pas 10 p. 100, plus 15, plus 25. Nous demandons 10 p. 100 de base, puis soit 15 p. 100, soit 25 p. 100 remboursable sous conditions. La raison en est que beaucoup d'entreprises ne peuvent pas tirer avantage d'un crédit à l'investissement. Elles ne génèrent pas de revenus, donc même s'il y a un crédit d'impôt de 15 p. 100 très généreux pour certains investissements dans l'infrastructure de transport ou l'infrastructure énergétique, il n'aidera pas à faire avancer un projet pour lequel il n'y a pas de sources de liquidités au Canada en ce moment.

C'est pourquoi nous demandons cette option flexible, pour aider les entreprises qui ont des liquidités ou non, à construire l'infrastructure essentielle dont elles ont besoin pour accroître la viabilité des mines et des projets minéraux dans le Nord.

Le sénateur Massicotte : Pour que ce soit bien clair, vous parlez de 10 ou de 15 p. 100 de crédit d'impôt, mais non d'un crédit d'impôt remboursable. Il s'agit d'un crédit déduit de l'impôt qu'il faudrait payer sinon, n'est-ce pas?

M. Marshall : C'est exact.

Le sénateur Massicotte : Dans ce scénario, vous vous trouvez à demander aux contribuables de financer de 30 à 35 p. 100 des coûts en capital de l'infrastructure. Comment allez-vous convaincre le public? Il faut le convaincre; vous ne pourrez pas réaliser ce projet sans cela. Si vous pouvez réaliser un projet sans cela, le public ne devrait pas vous subventionner.

M. Marshall : Bien sûr.

Le sénateur Massicotte : Comment pouvez-vous expliquer tout cela? En quoi est-ce avantageux pour les contribuables canadiens?

M. Marshall : C'est une très bonne question. Je n'ai pas besoin de convaincre le comité de la longue histoire minière du Canada : Thompson, au Manitoba; Sudbury; Rouyn-Noranda. Ces villes n'existeraient pas s'il n'y avait pas eu d'exploitation minière là-bas. Les questions que les gens se posaient à l'époque pour évaluer ce qu'il leur en coûterait pour lancer ces projets, pour construire l'infrastructure nécessaire pour les mettre en branle, ce sont les mêmes qu'on se pose dans le Nord aujourd'hui. Les facteurs d'éloignement sont semblables. Ils sont au moins comparables à certains égards, mais si l'on s'interroge sur la valeur inhérente des investissements au Nunavut, par exemple, en transport ou en énergie, la situation ne ressemble pas vraiment à celle de Sudbury. Les deux ne sont pas comparables parce que c'est devenu une plaque tournante du transport, parce que c'est devenu une ville minière, qu'il y a une communauté qui s'est développée grâce à l'industrie.

Le Nord est très comparable à cet égard. Dans les Territoires du Nord-Ouest, l'héritage de l'industrie minière sur le plan de l'infrastructure est très positif. Lorsque les chemins de fer, les barrages hydroélectriques, l'infrastructure de transmission et les routes ont été construits au départ, ils n'avaient peut-être pas la même valeur publique qu'aujourd'hui et ils n'étaient peut-être pas utilisés de la même façon, mais plus la collectivité et la région vont continuer de croître et de prospérer, plus l'utilité relative de cet investissement sera grande.

Bref, dans une certaine mesure, il s'agit de la construction du pays. Il faut voir la perspective à long terme de ce que cet investissement va apporter aux générations futures de nos collectivités.

La sénatrice Ringuette : J'ai une petite question. Je crois vous avoir entendu dire que vous aviez rédigé un rapport sur les coûts associés à l'exploitation minière dans le Nord et ceux associés à l'exploitation minière dans le Sud. Parlez-vous du Sud du Canada?

M. Marshall : Oui.

La sénatrice Ringuette : Avez-vous fait le même genre d'étude pour analyser la différence entre l'exploitation d'un minerai dans le Nord canadien et son exploitation au Pérou? Certains de vos membres ont des activités là-bas. Je sais qu'il y a des sociétés qui s'y installent. Elles doivent y construire des routes, des routes de quelques centaines de kilomètres. Elles n'ont pas accès à l'énergie, si bien qu'elles doivent être auto-suffisantes là-bas aussi.

Pouvez-vous nous citer une étude que nous pourrions consulter pour déterminer si l'exploitation minière dans le Nord, compte tenu de la situation actuelle sur le plan de l'infrastructure et de l'énergie, est concurrentielle au même genre d'activité au Pérou, par exemple, ou dans un autre pays d'Amérique centrale ou latine?

M. Marshall : Pas pour l'instant, non. Ce serait une possibilité. Notre étude visait surtout à confirmer ce que tout le monde ici sait et admet : il en coûte plus cher de vivre dans le Nord. Presque tout coûte plus cher dans le Nord, mais dans le secteur minier en particulier, nous ne savions pas à quel point cela coûtait plus cher. Le but de notre étude était donc de quantifier cette différence de coûts.

À cette fin précise, il nous a semblé pertinent de modéliser et de comparer les coûts liés à l'établissement de mines comparables, l'une dans le Nord, l'autre dans le Sud. Nous avons défini le concept de l'éloignement en fonction de l'accès aux transports, aux travailleurs, aux réseaux d'électricité ou à une source d'énergie.

La sénatrice Ringuette : En gros, vous n'avez pas comparé les investissements en capitaux et les coûts de fonctionnement d'une mine située dans le Nord canadien à ceux d'une mine située au sud de la frontière. C'est bien cela?

M. Marshall : Pas dans le contexte de l'étude que nous venons de terminer. Comme je l'ai déjà dit, madame, je pense qu'il serait possible d'étudier la chose. Ce serait possible avec la participation de nos membres qui ont les données nécessaires pour permettre une telle étude, mais dans les limites de l'exercice que nous venons de mener, nous n'avons pas cette information.

La sénatrice Ringuette : Ce n'est que mon opinion, ce n'est pas nécessairement celle des autres membres de ce comité, mais je pense que pour accroître l'incitatif à l'exploitation minière dans le Nord, il vous serait probablement très utile de comparer les activités menées à différents endroits et de déterminer, par exemple, si les allégements fiscaux applicables à l'exploitation minière en Amérique du Nord, dans le Nord du Canada, sont généreux — ou non — et si vos membres sont désavantagés par rapport à ceux qui mènent le même genre d'activités ailleurs dans le monde. Je pense qu'il serait très utile pour vous d'avoir ce genre d'information.

Si vous étudiez la chose, pourriez-vous nous faire part des résultats?

M. Marshall : Bien sûr. Mais je vais oser m'avancer un peu. Vous avez mentionné qu'il y a des régions éloignées dans d'autres pays, où une entreprise devrait construire une longue route.

La sénatrice Ringuette : Il y a aussi la question de l'énergie.

M. Marshall : Beaucoup d'entreprises présentes dans des régions éloignées, mais pas dans le Nord, doivent elles aussi construire énormément d'infrastructures seulement pour permettre à leurs projets de démarrer, mais quand on exploite une mine dans le Nord, les coûts ne se limitent vraiment pas à la construction d'une route. Il faut construire une route qui mène à un port. Si l'on veut ouvrir une mine de métal de base, dont on expédie de grands volumes de concentrés par bateau, il faudra une route ou un chemin de fer et un port, puis il faudra un contrat de transport, qui dépendra de la saison et de l'endroit. Il ne s'agit pas d'investir dans un seul élément d'infrastructure. Il y a tout un ensemble à prendre en considération.

Si vous observez les types de mines exploitées actuellement dans le Nord, vous vous rendrez compte qu'il s'agit surtout de produits de grande valeur et de faible volume, par exemple les diamants et l'or. C'est, entre autres, parce qu'on peut construire une usine de traitement du minerai d'or sur le site et expédier les produits finis par avion. On peut faire la même chose avec les diamants. Par contre, on ne peut pas envoyer les métaux communs sur le marché par l'entremise du modèle de transport actuellement en place dans les territoires.

Le président : Je conviens que les coûts sont plus élevés. Je vis dans le Nord, et je comprends donc cela. Vous comparez le Nord au Sud. À ma connaissance, il n'y a pas de diamants dans le sud du Canada; en ce moment, ils sont tous dans le Nord. Ce n'est pas seulement une question de coûts beaucoup plus élevés dans le Nord que dans le Sud, car on ne peut pas tout simplement déplacer ces gisements de minéraux sur la carte pour pouvoir ouvrir une mine dans le Sud. Je comprends ce que vous tentez de faire valoir, mais ce que j'aimerais savoir, c'est ce qui motive une entreprise à ouvrir une mine dans le Grand Nord, en sachant très bien à l'avance, grâce à votre macro, que les coûts sont beaucoup plus élevés. Je parie que c'est parce que le minerai en question en vaut la peine. Est-ce exact?

M. Marshall : À ma connaissance, les entreprises n'investissent pas ces sommes dans une exploitation qui n'est pas profitable.

Le président : Exactement.

M. Marshall : Je crois que c'est un point valable.

Le président : Dans une certaine mesure, ces entreprises mènent actuellement leurs activités là-bas et assument tous ces coûts élevés. Comme la sénatrice Ringuette l'a demandé, j'aimerais qu'on établisse une comparaison des coûts avec les pays de l'Amérique du Sud. En effet, certaines mines de l'Amérique du Sud entraînent des coûts énormes, par exemple au Pérou et dans d'autres pays. Vous pouvez leur demander. Il faut beaucoup d'argent pour construire des routes, des installations, des quais, et cetera. Ces pays ont-ils offert des crédits d'impôt et des contributions et tous ces éléments liés à l'infrastructure pour l'ouverture de ces mines? J'aimerais en savoir un peu plus à cet égard. Nous vous serions reconnaissants de nous fournir des renseignements à ce sujet. Je n'essaie pas de dire que cela ne coûte pas plus cher dans le Nord.

Un autre changement spectaculaire auquel on a assisté, c'est qu'au lieu d'établir les collectivités dont vous avez parlé autour des exploitations minières, on construit maintenant de grands camps près des mines, et on transporte les travailleurs par avion. Est-ce exact? À Diavik, il n'y a aucune collectivité, mais seulement un énorme camp, n'est-ce pas?

M. Marshall : C'est exact.

Le président : C'est une très grande différence. Les gens peuvent se déplacer en avion, et ces collectivités ne poussent plus soudainement près des sites. Est-ce exact?

M. Marshall : Je crois que c'est exact. Toutefois, je crois que personne n'est en mesure de prédire le déroulement de ces projets à long terme. Il y a un énorme potentiel, et la question de savoir si ce potentiel sera réalisé ou non sera un facteur déterminant des impacts généraux sur les plans social et économique dans le Nord.

Le président : Merci.

Le sénateur Black : J'ai trouvé votre exposé fabuleux. Je crois qu'il était très éclairé et bien informé. Toutefois, ce qui me pose problème — et c'est lié aux autres questions que vous avez entendues ici aujourd'hui, monsieur —, c'est qu'en réponse à la question du président, vous avez indiqué que ce sont les ressources à valeur élevée qui se portent bien. Vous avez donné l'exemple de l'or et des diamants. Pour les raisons que vous avez énumérées, les sociétés minières ne se concentrent pas sur les métaux communs. Selon vous, les incitatifs et les crédits fiscaux que vous suggérez inciteraient-ils vraiment les sociétés minières à se lancer dans l'exploitation de métaux communs dans un monde où ce type de production fait l'objet d'une concurrence féroce? Croyez-vous que cela changerait vraiment les choses?

M. Marshall : Je crois que cela changerait les choses pour certains projets. L'industrie reconnaît qu'il n'y a pas de solution magique. Les recommandations formulées ne visent pas à présenter une solution.

Le sénateur Black : Vous dites que ce serait utile.

M. Marshall : Nous disons que ce serait utile. Nous reconnaissons également que malgré l'énorme potentiel qu'offre l'exploitation des minéraux dans le Nord, cela ne se concrétisera pas d'un seul coup. Il faudra du temps.

Le sénateur Black : D'accord.

M. Marshall : Pour être honnête, ces dernières années, nous avons observé que le secteur s'était beaucoup développé comparativement à l'époque de l'ouverture de la première mine dans le Nord il y a quelque temps.

Le sénateur Black : Monsieur Marshall, dans la foulée de ces observations et de votre argumentation sur les percées dans les secteurs gaziers et éoliens — et je présume qu'il y a quelques développements dans le secteur géothermique et que vos membres examinent d'autres sources d'énergie —, si vous pouviez vous projeter dans 10 ans, à votre avis, croyez-vous que le bouquet énergétique de l'industrie minière dans le Nord aura changé comparativement à celui d'aujourd'hui?

M. Marshall : C'est difficile à dire. À mon avis, cela dépendra en grande partie des progrès technologiques.

Le sénateur Black : Nous savons que c'est un domaine qui progresse rapidement. Nous le savons.

M. Marshall : Oui, mais les progrès technologiques ne comblent pas automatiquement le déficit en matière d'infrastructure. C'est le défi auquel nous sommes confrontés, n'est-ce pas? On a un site d'exploitation minière. Il s'agit d'une grande exploitation industrielle. Ce site consomme une quantité incroyable d'énergie. Prenez l'exemple de Diavik, où l'on a construit un parc éolien de 9,8 mégawatts. Je crois que cet investissement de 33 millions de dollars a réduit de 5 p. 100 la dépendance du site au combustible diesel. Pour plusieurs raisons, c'est profitable pour la société, mais on ne peut pas exploiter une mine alimentée à l'énergie renouvelable dans le Nord. Ce n'est pas possible.

Le sénateur Black : Vous ne croyez pas que cela arrivera un jour?

M. Marshall : Pas d'ici 10 ans.

Le sénateur Black : C'est ce que je voulais savoir. À votre avis, pouvons-nous faire quelque chose pour accélérer ce processus?

M. Marshall : Bien sûr. Je crois que le message le plus important que j'aimerais transmettre aux membres du comité, c'est que les coûts liés à l'énergie augmentent au même rythme que le coût des autres éléments liés à l'exploitation minière dans le Nord. C'est largement attribuable au déficit en matière d'infrastructure. À moins d'innovations et de percées technologiques importantes dans le domaine de l'énergie, le transport des quantités de combustible nécessaires pour alimenter le site de l'exploitation sera toujours très dispendieux.

Pour transporter ce combustible au site, il faudra probablement un port, un bateau spécialisé pendant un certain temps, et un parc de réservoirs sur le site. S'il s'agit de gaz naturel, il faudra une capacité d'entreposage sur le site. Il faudra également une route qui relie le port au site de l'exploitation minière et ensuite, il faudra un moyen de générer de l'énergie sur le site. Tous ces coûts supplémentaires découlent directement du déficit en matière d'infrastructure. Toutes ces dépenses en immobilisations à chaque étape de la chaîne d'approvisionnement logistique pour transporter le combustible d'une source d'approvisionnement jusqu'au Nord augmentent le coût par unité de livraison du combustible, et c'est complètement attribuable au déficit en matière d'infrastructure. Ce n'est pas seulement parce que le combustible est très dispendieux. En effet, le prix du combustible fluctue. Il est très dispendieux dans le Nord, car les coûts liés au transport et à l'équipement nécessaire pour le brûler sont très élevés.

Le sénateur Black : Vous ne suggérez pas que nous pourrions proposer au gouvernement du Canada d'investir dans l'infrastructure? Vous ne suggérez pas la construction de routes, de ports, d'oléoducs?

M. Marshall : L'industrie appuie les investissements dans l'infrastructure. Croyons-nous pouvoir compter sur ce niveau d'investissement dans le Nord? Pas nécessairement.

Nous aimerions trouver un compromis. Nous tentons également de déterminer comment ce compromis pourrait nous aider à augmenter la viabilité économique de certains projets qui permettent au programme de développement du Nord d'être conforme à la politique établie.

Le sénateur Black : C'est très utile. Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Je vais soulever une question que vous n'avez pas abordée au sujet de l'utilisation de l'hydroélectricité. Selon les statistiques, l'hydroélectricité représente 34 p. 100 de la production d'électricité dans les Territoires du Nord-Ouest. Vous n'avez pas parlé de l'utilisation de cette ressource renouvelable. Je m'interroge sur les frais de transport de l'hydroélectricité, notamment de l'est du pays vers l'ouest. Est-ce plus économique ou plus cher que le transport du gaz? Sur le plan environnemental, c'est préférable. J'aimerais entendre votre point de vue sur l'utilisation de l'hydroélectricité et la raison pour laquelle vous n'en avez pas parlé, étant donné qu'elle représente 34 p. 100 de l'électricité produite. Peut-être que ce n'est pas suffisant? J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.

[Traduction]

M. Marshall : Je vous remercie d'avoir posé la question. Dans mon exposé, j'ai brièvement mentionné l'hydroélectricité, car il y a eu des investissements miniers dans la capacité hydroélectrique des Territoires du Nord-Ouest. Je ne peux pas me prononcer sur la comparaison des coûts entre l'hydroélectricité et le gaz naturel, car je n'ai pas les données nécessaires. C'est une très bonne question, et cela pourrait permettre de comparer ces coûts.

Comme les autres sources d'énergie renouvelable, l'hydroélectricité exige la présence d'un élément géographique près du site de l'exploitation minière. Traditionnellement, les sociétés qui ont eu accès à cet élément géographique — un cours d'eau — avec un débit assez élevé pour générer ce type de capacité électrique l'ont généralement exploité sans se poser de questions. Dans certains exemples, selon le projet — notamment une fonderie —, on construit le site à proximité d'une source hydroélectrique, à cause des raisons que vous avez mentionnées, c'est-à-dire des coûts moins élevés, la diminution des effets sur l'environnement et la fiabilité.

Toutefois, dans les vastes étendues du Nord, si tous les sites miniers ne sont pas équipés d'un parc éolien, les sociétés minières doivent, tout d'abord, trouver les gisements de minéraux et s'installer à proximité. C'est la première étape.

Deuxièmement, lorsqu'elle décide comment elle concrétisera son projet, la société mène des analyses très approfondies sur les sources d'énergie qu'elle utilisera pour l'alimenter. S'il y a une occasion viable d'exploiter une ressource hydrologique pour alimenter le site minier en énergie, la société choisira ce type de production d'énergie.

D'après ce que je comprends, étant donné les avantages économiques liés au recours à l'énergie hydroélectrique pour alimenter un site minier comparativement à l'utilisation d'un combustible plus coûteux, les avantages liés à l'hydroélectricité, lorsque cette méthode fonctionne, l'emportent sur les inconvénients engendrés lorsqu'on renonce à ce type de production d'électricité au profit d'une autre source.

C'est à haut niveau. Lorsque cela fonctionne, c'est le choix préférable, mais, malheureusement, ce n'est pas toujours possible en raison de l'emplacement géographique des éléments hydrologiques comme les rivières ou les lacs et l'emplacement des sites miniers.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Avez-vous déjà pensé — et peut-être que ma question n'est pas tout à fait claire, mais au Québec, parfois, on recherche des marchés pour la vente d'hydroélectricité et des possibilités de développer le transport de l'électricité dans les régions les plus éloignées. À votre connaissance, est-ce que cela a déjà fait l'objet d'études visant à comparer les coûts et les bénéfices d'une telle option?

[Traduction]

M. Marshall : Je vous remercie d'avoir posé la question. À ma connaissance, on parle beaucoup, aux Territoires du Nord-Ouest, d'étendre le réseau de transport d'énergie à partir des régions plus centrales du territoire aux sites industriels, surtout en ce qui concerne les mines des diamants. Je ne sais pas vraiment où en sont ces discussions et je ne sais pas dans quelle mesure des analyses ou des études ont été menées ou le sont maintenant. Encore une fois, si c'est possible et rentable, je crois que c'est une excellente option dans ce cas.

J'aimerais revenir sur l'idée de l'édification d'une nation. Lorsqu'il s'agit de rentabilité et de la valeur des investissements, je pense toujours à John A. Macdonald et au chemin de fer Canadien Pacifique. Lorsqu'on a décidé de construire cette voie ferrée, une personne a comparu devant le cabinet et a déclaré qu'on allait construire l'un des plus longs chemins de fer sur la planète, et que la grande majorité serait construite à l'extérieur des frontières du pays, à l'époque. Cela sonne complètement fou, n'est-ce pas? Mais sans ce type de vision, le Canada ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui.

Lorsque je pense aux éléments nécessaires pour transformer le Nord — si cela se produit — pour qu'il corresponde à la vision d'un grand nombre de gens, c'est-à-dire une région du pays prospère et dynamique qui exerce une souveraineté et qui offre de meilleures occasions économiques et sociales qu'aujourd'hui, je crois qu'il faudra tenir compte de la notion de l'édification d'une nation pour bien comprendre la question de savoir si cet investissement en vaut la peine. Il faudra y aller progressivement. C'est très important lorsqu'on vise haut. Le développement du Nord est un gros projet qui ne se concrétisera pas d'un coup de baguette magique.

[Français]

La sénatrice Bellemare : D'après ce que j'ai compris, si on adopte une vision pour développer le Nord — bien entendu, cela signifie que les gouvernements doivent s'impliquer, pas seulement les entreprises privées —, les gouvernements peuvent y participer de différentes façons, pas seulement au chapitre de la fiscalité. Cela pourrait aider à construire des infrastructures énergétiques.

C'est pour cette raison que je posais la question concernant l'hydroélectricité, parce que ce n'est pas nécessairement au moyen de la fiscalité qu'on aide les entreprises minières; c'est aussi à l'aide d'infrastructures de transmission d'énergie.

Dans le même ordre d'idées, avez-vous pensé à la filière nucléaire pour favoriser le développement des mines, d'abord, à moindre coût, et pour solliciter l'aide gouvernementale en faveur de ce type d'énergie?

[Traduction]

M. Marshall : Je vous remercie d'avoir posé la question. C'est une proposition intéressante, surtout pour le Nord. J'ai assisté à une conférence sur l'énergie plus tôt cet après-midi, et l'un des représentants d'un des groupes a parlé de la capacité de production d'énergie nucléaire. Il a dit que même si nous n'en étions pas encore là, l'une des solutions possibles consiste à mettre au point et à installer des micro-unités de production d'énergie nucléaire.

Cela soulève quelques questions, notamment est-ce que la technologie est fondamentalement au point? Elle doit être au point et sécuritaire. Il est également essentiel d'obtenir un permis social pour ce type d'installation.

Si ces deux choses pouvaient être accomplies, ce développement technologique lié aux sources énergétiques pourrait changer la donne, surtout en ce qui concerne les régions isolées et nordiques. Il faudrait adopter une approche par projet. Dans le cadre de mes responsabilités à l'AMC, j'assure le suivi de certains de ces développements.

Pour répondre à votre question, nous devrons traverser ce pont lorsque nous arriverons à la rivière, mais je crois que c'est une direction dans laquelle se dirige l'industrie nucléaire.

La sénatrice Seidman : J'aimerais vous poser une question au sujet du programme ou de l'initiative en matière d'exploitation minière durable de l'AMC. D'après ce que je comprends, ce programme est obligatoire pour tous vos membres et il fixe des objectifs, des protocoles et des structures de reddition de comptes. En fait, il existe depuis 2004. Cela fait donc assez longtemps.

J'aimerais que vous nous parliez de ce programme, de son efficacité et des éléments sur lesquels il tend à se concentrer, car l'exploitation minière durable est un enjeu très important.

M. Marshall : Vous avez bien présenté le programme. Il s'appelle VDMD, Vers le développement minier durable. Il a maintenant 10 ans, car il a été lancé en 2004. Au cours de l'exécution du programme, on a élaboré six protocoles. Ces protocoles visent différents domaines, notamment la gestion des résidus miniers, la gestion de l'énergie et des émissions de gaz à effet de serre et la gestion de la biodiversité. Chaque protocole contient une série de principes. Tous les membres de l'AMC sont tenus d'exécuter le programme VDMD dans toutes leurs exploitations minières au pays.

Certaines sociétés minières l'exécutent volontairement sur leurs sites internationaux, mais tous les sites du Canada appartenant à des membres de l'AMC sont inscrits au programme VDMD.

Il s'agit d'un programme de gestion du rendement et, conformément à chacun des six protocoles, les membres fixent des objectifs et des plans de gestion pour atteindre ces objectifs dans les six domaines indicateurs. Chaque année, on effectue une vérification. Tous les trois ans, les vérifications sont vérifiées publiquement, et les résultats sont rendus publics.

Si on examine l'histoire du programme, on peut brosser un portrait du rendement d'une société dans ces six domaines, et ces renseignements sont ensuite rendus publics. En général, nous avons observé un niveau très positif de reddition de comptes et l'établissement d'un degré de confiance plus élevé entre la population, la société civile et l'industrie relativement à son engagement d'obtenir un bon rendement dans ces domaines principaux.

La sénatrice Seidman : Cela m'amène à vous poser d'autres questions. Premièrement, vous dites que cela contribue d'une certaine façon à l'acceptation sociale. Cela aide les collectivités à comprendre ce que vous faites et les raisons pour lesquelles vous le faites, et cela leur inspire confiance en l'existence de normes. Est-ce bien cela?

M. Marshall : C'est ce que je pense. En général, VDMD représente pour les entreprises l'occasion de démontrer qu'elles s'améliorent concernant divers indicateurs. Vous pouvez commencer par n'importe quel domaine de rendement, mais puisque les résultats sont rendus publics, le désir de bien faire est très présent. Quand il y a eu une vérification par un tiers indépendant et que vous pouvez vous rendre dans une collectivité d'intérêt et dire : « Voici ce que nous avons fait; voici notre rendement; voici une évaluation crédible de notre rendement réalisée par un tiers », cela aide énormément à démontrer que l'entreprise est déterminée à mettre ces principes en œuvre, en plus d'inspirer un meilleur degré de confiance entre l'entreprise et les collectivités où elles font des affaires.

La sénatrice Seidman : Comment établissez-vous les normes ou les protocoles? Est-ce qu'il existe de meilleures pratiques internationales? Comment établit-on cela?

M. Marshall : Au sein de l'AMC, il y a un cadre de gestion. Je ne vais pas aller trop loin dans les détails, car ce n'est pas mon domaine de spécialité à l'AMC. Un de mes collègues, Ben Chalmers, a la responsabilité de gérer ce programme. Je me ferai un plaisir de lui transmettre les questions que le comité souhaite lui poser ou de le mettre en contact avec le président du comité ou avec la greffière pour qu'il vienne vous faire une présentation plus complète et approfondie sur VDMD. Je ne veux pas donner l'impression d'avoir un degré de compétence que je n'ai pas dans ce domaine.

La sénatrice Seidman : Je demande cela entre autres en raison du très récent rapport du gouvernement de la Colombie-Britannique sur la rupture de la digue de retenue des résidus miniers à la mine Mount Polley. D'après ce que j'ai compris, à cause de ce qui s'est produit là, il y a — sans doute encore en ce moment — une réévaluation des normes établies en particulier pour les résidus.

Je suis curieuse. Comment établissez-vous les normes au début? Puis, quand des problèmes surgissent, comment réévaluez-vous et modifiez-vous les normes au besoin? Dans ce cas, bien entendu, vous devez le faire, car c'est assez grave.

M. Marshall : Vous avez raison, c'est un incident très grave. L'industrie prend très au sérieux ses responsabilités relatives à la gestion des résidus. Elle surveille l'évolution de la situation de très près et va travailler avec les autorités sur la base des recommandations venant des rapports produits à la suite des enquêtes gouvernementales ou autres sur la cause de la rupture.

Le sénateur Patterson : Vous avez avec raison donné l'infrastructure comme étant le principal obstacle à l'exploitation minière dans le Nord, bien qu'il soit très étonnant qu'elle se fasse malgré les obstacles. D'après moi, c'est une excellente nouvelle, que des entreprises aient malgré tout réussi à investir sans l'infrastructure qu'on trouve ailleurs au Canada.

Vous avez mentionné John A. Macdonald. Mon héros, c'est John Diefenbaker, qui avait comme thème l'établissement des voies d'accès aux ressources et qui a construit l'autoroute Dempster, du Yukon à la côte de l'Arctique, qui a prolongé la voie ferrée jusqu'à Hay River, qui a construit des barrages hydroélectriques au Yukon et aux T.N.-O., ce qui a stimulé les exploitations comme celle de la mine Pine Point.

Notre gouvernement actuel a investi dans la prolongation de l'autoroute Dempster d'Inuvik à la côte, mais il y a une communauté au bout de cette route, Tuktoyaktuk, et on construit la route en ce moment. Selon la politique énoncée par notre gouvernement actuel, puisque les mines ont une durée de vie limitée, il faut que les investissements importants dans l'infrastructure au Canada profitent aux collectivités de manière à laisser un héritage à long terme. Comme vous l'avez dit précédemment, malheureusement, les dépôts miniers ne vont pas s'installer près des collectivités. De toute manière, la plupart des collectivités du Nord sont petites.

Pourriez-vous nous parler de cette politique qui a été énoncée, selon laquelle une route ou un élément d'infrastructure ne peut amener nulle part, comme à une mine dont la durée de vie est limitée, et que la route ou l'élément d'infrastructure doit laisser un héritage? Quel est le point de vue de l'industrie à ce sujet?

M. Marshall : Je crois que c'est l'une des recommandations, la contribution remboursable conditionnelle de 25 p. 100 — nous avons formulé cette recommandation en fonction de la conviction selon laquelle l'investissement dans l'infrastructure des territoires ou n'importe où ailleurs s'accompagne d'une valeur pour le public. Le potentiel est là.

Selon cette recommandation en particulier, le prêt serait radié à la fin de la vie utile de la mine en contrepartie de la transmission de l'infrastructure par l'entreprise à la Couronne. Pour les régions très éloignées, est-il garanti que l'élément d'infrastructure va servir aussi facilement que c'était le cas quand il a été construit par la compagnie minière? Il n'y a pas de garantie. Ce que nous voyons en fait dans bien des cas, c'est que le développement des collectivités dans ces régions se fait là où l'infrastructure a été construite. C'est du développement qui, sans cette infrastructure, ne se serait jamais produit.

Encore là, est-ce la solution parfaite? Non. Est-ce que cette solution offre du potentiel? Oui. Est-ce qu'il y a des risques, du point de vue de l'investissement public? Oui. Mais le risque est incroyablement grand du point de vue de l'investissement du secteur privé aussi. Quand nous pensons à la Stratégie du Canada pour le Nord, à la Politique étrangère pour l'Arctique et au Canada qui préside le Conseil de l'Arctique, à l'attention portée au Nord, au développement du Nord, nous nous disons qu'il est raisonnable de faire valoir que le risque peut être partagé, car il y a d'importants bienfaits pour les habitants du Nord, les Autochtones et les Canadiens dans l'ensemble.

Le président : Merci beaucoup de vos observations, monsieur Marshall. C'était très intéressant. Nous avons eu de bonnes questions et d'excellentes réponses. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous faire part de vos idées malgré votre horaire chargé.

M. Marshall : Merci.

(La séance est levée.)


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