Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 24 - Témoignages du 26 février 2015
OTTAWA, le jeudi 26 février 2015
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-40, Loi concernant le parc urbain national de la Rouge, se réunit aujourd'hui, à 8 h 6, pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la province de Colombie-Britannique au Sénat et je préside le comité.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public qui sont présents dans la salle et à ceux qui nous regardent partout au pays. Je rappelle à ceux qui suivent les délibérations que les séances du comité sont ouvertes au public et qu'elles peuvent être visionnées sur le Web, à l'adresse sen.parl.gc.ca. Vous trouverez de plus amples renseignements sur l'horaire des témoins sous la rubrique « Comités du Sénat ».
J'aimerais maintenant demander aux sénateurs assis à la table de se présenter. Je vais d'abord présenter le vice-président, le sénateur Paul Massicotte, du Québec.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l'Alberta.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Bonjour, je m'appelle Pierrette Ringuette, sénatrice du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Sibbeston : Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, Nunavut.
Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto.
Le président : J'aimerais également présenter les membres de notre personnel, en commençant par la greffière, Lynn Gordon, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.
Le projet de loi C-40, Loi concernant le parc urbain national de la Rouge, a été présenté au nom du ministre de l'Environnement à la Chambre des communes le 13 juin 2014. Il a été adopté par la Chambre des communes le 26 janvier 2015 et, à la suite de la deuxième lecture au Sénat, il a été renvoyé à notre comité le 19 février.
Au lieu de modifier la Loi sur les parcs nationaux du Canada afin d'établir le parc de la Rouge en tant que parc national, le projet de loi crée une nouvelle loi indépendante établissant le parc urbain national de la Rouge, un nouveau type d'aire protégée fédérale.
Mesdames et messieurs les sénateurs, je voudrais aborder rapidement une question d'ordre pratique avant de présenter les témoins. En réponse à la demande de la sénatrice Ringuette, Parcs Canada a transmis à la greffière trois protocoles d'entente concernant les ententes sur le transfert des terres relativement aux terres que comprendra le nouveau parc. Comme ces ententes n'étaient rédigées qu'en anglais, il n'y a aucune version française. Le comité est-il d'accord pour que la greffière distribue ces copies aux membres à titre informatif relativement à notre étude du projet de loi C-40?
Des voix : D'accord.
Le président : J'ai maintenant le plaisir d'accueillir les témoins suivants qui vont nous présenter un exposé aujourd'hui : Larry Noonan, président de l'Altona Forest Stewardship Committee; Alan Wells, ancien président de l'Alliance du parc de la Rouge; et Kim Empringham, secrétaire, trésorière et directrice de la York Region Federation of Agriculture.
Je vous remercie de votre présence aujourd'hui. Veuillez noter qu'une autre réunion du comité aura lieu dans cette salle à la suite de la présente réunion; par conséquent, si vous pouviez bien vouloir respecter la période de 10 minutes conseillée par la greffière pour vos déclarations préliminaires, nous vous en serions reconnaissants.
Nous allons commencer par M. Noonan. Vous avez la parole, monsieur. Après les exposés, nous passerons à une période de questions.
Larry Noonan, président, Altona Forest Stewardship Committee : C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui pour vous parler du projet de loi C-40. Je suis le président de l'Altona Forest Stewardship Committee. La forêt Altona est une réserve écologique de Pickering qui a un statut d'importance provinciale. Notre comité y a conçu plus de six kilomètres de sentiers d'interprétation, le tout accompagné de guides et de cartes. Nos projets comprennent la restauration d'une zone humide et la création d'une autre, ce qui a entraîné le retour naturel de cinq espèces d'amphibiens dans la forêt.
La forêt Altona est située très près du parc de la Rouge, et on peut accéder au sentier Orchard par un corridor hydroélectrique.
J'ai contribué à diverses initiatives environnementales de la Ville de Toronto et de Pickering et j'ai siégé au comité des sentiers du parc urbain national de la Rouge. À l'heure actuelle, je discute avec des résidants du bassin versant de la Rouge. Certaines de ces familles sont dans la région depuis plus de 150 ans. Certaines d'entre elles sont d'ailleurs arrivées dans des chariots couverts de type Conestoga. Les entrevues que je mène actuellement avec les résidants visent à préserver leur histoire comme partie intégrante du patrimoine culturel et de la tradition agricole du bassin et du nouveau parc urbain national de la Rouge. À cet égard, j'ai été très heureux de constater que le patrimoine culturel et les collectivités agricoles du nouveau parc sont encouragés et soutenus dans le projet de loi C-40.
Mon intérêt pour la Rouge a pris racine il y a environ 40 ans, quand je visitais la région pour y découvrir les couleurs automnales et pour skier à Caper Valley. Il y a près de 30 ans, j'ai commencé à faire de la randonnée pédestre dans le parc de la Rouge et depuis plusieurs années je me fais un point d'honneur de parcourir un ou deux des sentiers au moins une fois par semaine. Je guide des groupes d'adultes, de jeunes et d'élèves dans la vallée de la Rouge pour le plaisir et pour y étudier l'environnement. La toute dernière randonnée que j'ai faite, c'était à l'automne avec un groupe de 55 élèves de septième année.
Les précédents intendants de la région ont fait du bon travail, surtout pour ce qui est de regrouper des terres du bassin versant à l'intérieur du parc. Cependant, la gestion n'a essentiellement pas été prise en compte. Il y a des mois, j'ai demandé au ministre Duguid de l'Ontario de communiquer la somme d'argent que le gouvernement ontarien a consacrée à la gestion du parc au cours des dernières années, mais je n'ai reçu aucune réponse. Personnellement, je n'ai vu aucune donnée probante concernant d'éventuelles dépenses de l'Ontario en ce qui a trait au maintien et à l'entretien du parc de la Rouge. Le temps est venu de mieux protéger le bassin versant de la Rouge en désignant de nouveaux intendants qui ont l'expérience et les fonds nécessaires pour avoir de solides répercussions favorables sur le parc.
Ces nouveaux intendants sont des experts de Parcs Canada, qui compte plus de 100 ans d'expérience en exploitation de parcs ainsi qu'en évaluation des besoins écologiques, en élaboration et en mise en œuvre de procédures de restauration et en gestion de parcs nationaux. Cette expertise sans précédent de Parcs Canada en matière de restauration de grandes aires naturelles lui a valu une réputation mondiale bien méritée pour ce qui est de s'occuper de l'environnement des aires naturelles, de l'améliorer et de le remettre en état. L'Union internationale pour la conservation de la nature a adopté les lignes directrices en matière de restauration de Parcs Canada et en a fait la norme internationale en ce qui a trait à la restauration des aires naturelles dégradées partout dans le monde. La responsabilité du parc de la Rouge ne saurait être attribuée à un meilleur organisme. Le temps est venu d'accorder notre confiance à ceux qui la méritent et qui ont l'expérience nécessaire pour s'occuper adéquatement du parc de la Rouge. Le projet de loi C-40 rend tout cela possible.
J'ai participé aux processus de planification pour des parcs, des sentiers et d'autres initiatives environnementales, mais j'ai rarement vu des consultations aussi approfondies avec le public, les intervenants et les visiteurs réguliers de la Rouge que celles qui ont été tenues par Parcs Canada. Les dispositions législatives reflètent ce rigoureux processus de consultation.
Certaines personnes s'interrogent sur la pertinence d'une loi différente pour le parc de la Rouge. Le projet de loi C-40 a été rédigé précisément pour un parc urbain. Lorsque des personnes affirment que les parcs nationaux dont l'infrastructure est perturbée ont une intégrité écologique et que, par conséquent, les parcs urbains nationaux devraient être soumis à la même norme, c'est un raisonnement fallacieux. Les aires de nature sauvage dans le parc urbain national de la Rouge sont fragmentées par bien des choses, qu'il s'agisse d'autoroutes menant aux villages ou de pipelines gaziers, ou encore de l'ancienne plus grande décharge de la région du Grand Toronto. Soixante-quinze pour cent de la superficie actuelle du parc de la Rouge est perturbée, comparativement à 4 p. 100 de celle du parc national Banff. Quand on examine la situation sous cet angle, il est clair qu'il faut une nouvelle loi pour les parcs urbains nationaux, une loi qui contienne des définitions, des stratégies et des échéanciers tenant compte du caractère unique d'un parc situé en milieu urbain. Cette loi, c'est le projet de loi C-40.
Le ministre Duguid a exigé que le terme « intégrité écologique » soit enchâssé dans la loi. Selon la Loi sur les parcs nationaux du Canada, l'« intégrité écologique » englobe « le maintien de processus écologiques ». À cette définition, Parcs Canada ajoute que les processus écologiques sont « les "moteurs" de l'écosystème, p. ex. le feu, les inondations [...] ». La régénération naturelle de la forêt est un autre processus à l'appui. Selon ce processus, il est interdit de planter des arbres, alors qu'il faut jusqu'à 160 ans à une forêt pour se régénérer naturellement. Certains endroits de la Rouge doivent faire l'objet d'une reforestation plus rapide que cela.
Le ministre Duguid défend l'importance de l'intégrité écologique; pourtant, la loi provinciale qui s'applique à la forêt-parc actuelle de l'Ontario n'a pas comme principal objectif l'intégrité écologique. Si cette intégrité est si importante pour le gouvernement de l'Ontario, pourquoi n'est-elle même pas mentionnée dans la Loi sur la ceinture de verdure, qui régit une si grande partie des terres de l'Ontario et l'ensemble des terres que le gouvernement de l'Ontario a accepté de transférer au parc urbain national de la Rouge?
L'« intégrité écologique » ne peut s'appliquer au parc urbain national. Nous ne pouvons permettre des feux et des inondations dans l'environnement urbain de Toronto, Markham et Pickering. Le projet de loi sur le parc urbain national de la Rouge ne peut donc inclure cette expression sans rattacher, à la définition, une liste d'exceptions qui pourraient réduire son impact dans la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Le projet de loi C-40 parle plutôt de la préservation des espèces sauvages indigènes et du maintien de la santé de ces écosystèmes. Le parc urbain national de la Rouge et le plan directeur établissent des stratégies visant à assurer la préservation de la santé optimale des écosystèmes du parc. Anne Bell, directrice d'Ontario Nature, a affirmé ce qui suit dans un courriel qu'elle m'a adressé le 26 janvier 2015, il y a exactement un mois :
Ontario Nature a travaillé en étroite collaboration avec tous les groupes [...] et a abordé avec force détails les compromis et les solutions de rechange possibles à l'intégrité écologique. Nous avons accepté d'appuyer les solutions de rechange qui étaient proposées, si elles sont acceptées par le gouvernement, notamment la santé écologique.
Le projet de loi C-40 et le plan de gestion assurent la santé écologique de la Rouge.
La province de l'Ontario a demandé que la nouvelle loi respecte ou dépasse les mesures législatives existantes ou autres mesures de protection. C'est ce que le projet de loi C-40 fait. Par exemple, pour les stratégies de protection et de rétablissement des espèces en péril, le plan directeur du parc de la Rouge de 1994 prévoit « la surveillance des espèces rares. Des programmes de protection ou de rétablissement précis visant à assurer leur présence continue dans le parc peuvent être mis en œuvre au besoin. » Cela constitue, au mieux, une protection moyenne. L'article 60 du projet de loi C-40 modifie le paragraphe 58(2) de la Loi sur les espèces en péril pour y inclure un renvoi au parc urbain national de la Rouge et, ce faisant, donne aux végétaux, aux animaux et aux écosystèmes du parc urbain national de la Rouge la pleine protection de la Loi sur les espèces en péril. L'article 6 de cette loi précise que :
La présente loi vise à prévenir la disparition — de la planète ou du Canada seulement — des espèces sauvages, à permettre le rétablissement de celles qui, par suite de l'activité humaine, sont devenues des espèces disparues du pays, en voie de disparition ou menacées et à favoriser la gestion des espèces préoccupantes pour éviter qu'elles ne deviennent des espèces en voie de disparition ou menacées.
L'alinéa 7(2)a) précise en outre que les ministres concernés doivent veiller à « l'élaboration et la mise en œuvre des plans d'action ».
De par son lien avec la Loi sur les espèces en péril, le projet de loi C-40 exige la prise de mesures immédiates pour identifier les espèces en péril et la mise en œuvre d'une stratégie de rétablissement, et non pas simplement une surveillance ou l'élaboration d'un plan d'action. Pour illustrer comment cela fonctionnera dans l'avenir, le 30 juin 2014, Parcs Canada, le zoo de Toronto, l'Office de protection de la nature de Toronto et de la région et un groupe environnemental appelé Earth Rangers ont pris des mesures concrètes et ont réintroduit, dans le parc de la Rouge, 10 tortues mouchetées, une espèce en péril à l'échelle provinciale et nationale.
Une préoccupation commune au sujet du parc de la Rouge, dans sa forme actuelle, est qu'il est difficile d'assurer des services policiers et l'application des règles dans le présent contexte de gestion. Un exemple récent de cette difficulté a eu lieu dans le cadre d'une randonnée effectuée le 11 février de cette année, quand un randonneur a découvert une flèche dans la clôture le long du sentier Mast — le sentier du mât. La flèche avait la longueur du visage d'un enfant de 7 ans en moyenne. L'article 23 du projet de loi C-40 prévoit des services policiers, et on a déjà embauché des gardes. Ils ne pourront toutefois exercer leurs pouvoirs qu'après l'adoption du projet de loi. Les services policiers seront alors visibles et actifs, jour après jour. Cette disposition, conjuguée aux conséquences prévues dans le projet de loi C-40, permet d'améliorer de beaucoup les services policiers dans le parc.
Il est clair que le projet de loi C-40 va au-delà des anciennes mesures de protection élaborées pour le parc de la Rouge.
L'endroit réservé à l'agriculture dans le parc de la Rouge suscite des préoccupations chez les agriculteurs. Le projet de loi C-40 appuie l'agriculture autant que le patrimoine et l'environnement naturel. Récemment, le ministre Duguid a déclaré :
[...] notre gouvernement ne cherche pas à exclure les activités agricoles du parc; il veut plutôt [...] que le point de vue de l'intégrité écologique forme le premier principe de la gestion du parc.
Les agriculteurs savent que, si ce point de vue est adopté, au moins 1 700 autres acres de terre agricole de classe 1 seront éliminées. Le ministre Duguid cherche non pas à faire cesser l'agriculture dans le parc de la Rouge, mais seulement à réduire considérablement sa taille au point où elle ne serait plus viable.
Pour la protection du parc de la Rouge, de son patrimoine naturel, culturel et agricole, je vous prie d'adopter le projet de loi C-40 dès que possible.
Alan Wells, ancien président, Alliance du parc de la Rouge, à titre personnel : Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant le comité pour expliquer pourquoi j'appuie la création du parc urbain national de la Rouge. J'ai travaillé pour la municipalité régionale de York pendant 27 ans, et les 7 dernières années j'ai été directeur municipal. J'ai pris ma retraite en juin 2002. Après avoir quitté la municipalité régionale de York, j'ai été consultant pendant 3 ans avant d'être nommé facilitateur provincial de l'aménagement par le gouvernement de l'Ontario en mai 2005. En février 2008, j'ai été nommé président de l'Alliance du parc de la Rouge, par décret, à nouveau par le gouvernement de l'Ontario, et j'ai occupé ce poste jusqu'à la dissolution de l'alliance en juillet 2012 — elle a alors été remplacée par une structure de gestion de transition.
J'ai été très honoré de diriger le conseil d'administration, qui comprenait l'honorable Michael Chong, député, Mme Helena Jaczek, députée provinciale, M. Gerri Lynn O'Connor, maire, le président de l'Office de protection de la nature de Toronto et de la région, les chefs du conseil ou leurs représentants, pour les cinq municipalités dans les limites du parc de la Rouge et les régions de Durham et de York, le représentant du zoo de Toronto, le représentant de Save the Rouge Valley System et l'honorable Pauline Browes, représentante de la Toronto Waterfront Regeneration Trust Corporation.
Le parc de la Rouge est une magnifique vallée fluviale, mais l'alliance a éprouvé des problèmes en 2008 en ce qui concerne la gestion du parc. J'ai recommandé au conseil d'administration de procéder à un examen de toutes les responsabilités gérées par l'alliance.
Les problèmes vécus par l'Alliance du parc de la Rouge ont bien été résumés par « Strategy Corp », la firme d'experts-conseils que le conseil d'administration a chargée de procéder à cet examen. Selon elle, voici ce qui faisait défaut à l'Alliance du parc de la Rouge : une assise territoriale consolidée et bien définie; un plan directeur exhaustif; une stratégie de mise en œuvre bien financée; un modèle de gouvernance fonctionnel; et une marque connue pour le parc.
L'étude mettait principalement l'accent sur la gouvernance et le financement. L'équipe d'examen a conclu que l'Alliance du parc de la Rouge avait besoin d'environ 100 millions de dollars au cours des 10 prochaines années pour payer ses dépenses en capital et ses dépenses de fonctionnement. Cette somme était presque 10 fois plus élevée que son financement annuel à l'époque.
Huit modèles de parcs ont été évalués dans le cadre de l'examen (notamment un parc municipal, une société sans but lucratif, une filiale de l'Office de protection de la nature de Toronto et de la région, un parc provincial ou un parc national) en fonction des critères suivants : financement, contrôle du territoire et autorité et expertise.
Les recommandations approuvées par le conseil d'administration comprenaient le fait de soutenir la création d'un parc national. Le rapport a été remis à chaque membre du conseil municipal et aux directeurs de chaque organisme. Ils ont tous appuyé la recommandation qui consistait à transférer les responsabilités à Parcs Canada. La province de l'Ontario, dans une lettre du ministre des Ressources naturelles, a aussi appuyé cette recommandation.
Il y a maintenant plus de deux ans que le gouvernement fédéral a inclus le parc urbain national de la Rouge dans ses énoncés de politique et son budget. Au cours des deux dernières années, Parcs Canada a participé à la planification de la transition pour créer le parc urbain national de la Rouge. Voyons maintenant comment Parcs Canada a abordé les principales préoccupations de l'alliance.
Le budget fédéral comprend maintenant un plan décennal (dépenses totales de 143 millions de dollars) pour gérer le parc, ce qui règle les préoccupations financières de l'Alliance du parc de la Rouge, qui affirmait avoir besoin d'une somme minimale de 100 millions de dollars sur la période de 10 ans.
Le gouvernement fédéral, par l'entremise de Parcs Canada, a soumis des limites bien définies. La zone proposée comprend aussi un élargissement d'environ 4 800 acres supplémentaires situées sur des terrains aéroportuaires fédéraux à Markham, ce qui porte la superficie totale à plus de 14 500 acres.
Parcs Canada a démontré qu'il possédait l'expérience et l'expertise requises pour gérer le premier parc urbain national au Canada. Il a installé une équipe de gestion sur place qui collabore avec l'Office de protection de la nature de Toronto et de la région — l'actuel gestionnaire du parc —, des groupes communautaires et des intervenants pour produire un plan de gestion provisoire à des fins de consultations.
Parcs Canada a reconnu que la question des politiques et plans agricoles était complexe et délicate. Parcs Canada a misé sur le travail accompli par l'Alliance du parc de la Rouge en 2010, qui a ajouté le volet agricole aux objectifs du plan du parc de la Rouge. Jusqu'en 2010, l'utilisation de l'agriculture se reflétait uniquement dans les cartes du parc pour le plan de Toronto, mais elle n'apparaissait jamais aux côtés de l'héritage naturel, de l'héritage culturel et de l'aspect récréatif, qui étaient considérés comme les trois « buts principaux » du parc. Parcs Canada a continué de reconnaître que l'agriculture constitue une partie importante du parc. Son travail a gagné la confiance du milieu agricole, tant dans le parc que dans les organisations agricoles régionales.
Parcs Canada a proposé des plans qui tiennent compte de la nécessité d'améliorer le réseau de sentiers dans le parc. Les plans provisoires des sentiers inclus dans l'ébauche de plan de gestion reposent sur le travail de planification récemment accompli par l'alliance. Le nombre de chefs de randonnée bénévoles a augmenté considérablement au cours des deux dernières années, et il y a un appui vigoureux de la part des adeptes de plein air.
Au cours des 20 dernières années, l'héritage culturel et la préservation des édifices historiques ont été négligés en raison d'un manque de financement et d'engagement. Parcs Canada a le mandat, l'expérience et les ressources nécessaires pour régler ce problème et a inclus l'héritage culturel dans le projet de loi C-40. J'ai observé le travail accompli par Parcs Canada à Dawson City, à North Battleford, à Halifax et à Fort William et j'ai bon espoir que l'héritage culturel sera préservé dans le parc.
Le parc de la Rouge a été réglementé par 10 organismes différents, qui étaient responsables du respect des règles du parc, de la réglementation, des infractions liées aux armes à feu (chasseurs sans permis et braconniers). Par le passé, les utilisateurs du parc ont formulé de nombreuses plaintes, et les fournisseurs de financement ont refusé les demandes des utilisateurs, qui souhaitaient que des employés additionnels soient embauchés. Depuis que Parcs Canada est impliqué, il y a trois gardes de parc en service prêts à faire appliquer les dispositions de la loi, lorsqu'elle sera adoptée.
Parcs Canada a énoncé dans un plan de gestion préliminaire les concepts et les stratégies nécessaires pour développer, entretenir, protéger et améliorer le premier parc urbain national du Canada. Le plan préliminaire décrit clairement les mesures de protection du patrimoine naturel, de la culture et de l'histoire tout en reconnaissant l'importance de l'agriculture. Le plan se caractérise par une approche innovatrice à l'égard de la conservation qui contribue à la santé de l'écosystème du parc en préservant et en rétablissant ses forêts caroliniennes et mixtes naturelles, les terres humides, les prés et l'écosystème aquatique. Le plan prévoit de nouvelles consultations avec le gouvernement de l'Ontario, les groupes environnementaux et d'autres intervenants clés.
Fait plus important encore, Parcs Canada comprend à quel point il est difficile de préserver et de protéger le patrimoine naturel dans le parc de la Rouge. C'est une tâche difficile parce que le parc renferme aussi des infrastructures municipales, des réseaux de distribution des sociétés privées, des lignes électriques, des routes provinciales et des chemins de fer fédéraux. Il y a également des résidences privées et des entreprises dans le parc de la Rouge. Malgré ces obstacles, c'est un magnifique trésor national qui est apprécié par ses voisins et ses utilisateurs. Le parc urbain national de la Rouge sera apprécié par des millions d'utilisateurs potentiels du parc dans la région du Grand Toronto et dans l'ensemble du Canada. Je suis persuadé que Parcs Canada, considéré comme l'un des meilleurs réseaux de parcs au monde, réussira à relever ces défis et à poursuivre sa longue tradition. Certes, notre premier parc urbain national évoluera, mais il demeurera un parc en santé offrant une oasis sauvage en ville.
Le président : Merci, monsieur.
Kim Empringham, secrétaire, trésorière et directrice, York Region Federation of Agriculture : Je vous remercie au nom de notre fédération de me donner l'occasion d'exprimer le point de vue des 700 membres de notre région, y compris les agriculteurs actifs sur le territoire du futur parc urbain national de la Rouge. Nous représentons les agriculteurs de la région dans les dossiers qui influent sur leurs activités et relativement aux décisions qui pourraient façonner leur avenir.
Nous appuyons le processus de consultation mené par Parcs Canada auprès de plus de 150 groupes d'intérêt et de milliers de Canadiens aux fins de la création du parc urbain national de la Rouge. Nous sommes favorables à l'approche intégrée conciliant patrimoine naturel, agriculture durable, patrimoine culturel et expérience des visiteurs que l'on retrouve à la fois dans le projet de loi C-40 et dans l'ébauche de plan directeur. Nous sommes persuadés que Parcs Canada parviendra à améliorer la santé écologique du parc tout en maintenant la production agricole.
Deux des principes directeurs établis pour le parc urbain national de la Rouge consistent à maintenir et améliorer la santé écologique et l'intégrité scientifique, et à respecter, intégrer et soutenir l'agriculture durable et d'autres utilisations compatibles des terres. Voici ce que dit l'ébauche de plan directeur :
La protection, la conservation et la restauration de ressources naturelles, culturelles et agricoles du parc seront les critères fondamentaux de toutes les décisions de gestion relatives au parc.
Les quelque 7 500 acres en culture dans le parc urbain national de la Rouge sont des terres de catégorie 1, c'est-à-dire les meilleures pour la production agricole. La catégorie 1 regroupe moins de 1 p. 100 des terres agricoles au Canada. Les agriculteurs du parc ont déjà cédé 1 000 acres de terres productives pour des projets de reboisement réalisés dans le contexte de l'ancien parc de la Rouge.
Étant donné que la population mondiale devrait passer de sept milliards à neuf milliards d'ici 2050, il deviendra plus que jamais primordial de protéger les ressources agricoles et d'appuyer la production alimentaire pour répondre aux besoins du pays et de toute la planète. Les terres agricoles doivent être préservées pour continuer à être utilisées de la meilleure façon qui soit : pour l'agriculture et la production alimentaire. Les activités de plantation d'arbres et de remise en état de l'habitat devraient être encouragées dans les secteurs où l'agriculture est impossible, comme les terrains en pente, les rives des cours d'eau, les milieux humides ou les couloirs séparant les champs. Les agriculteurs appuient la protection des milieux naturels, mais il faut s'assurer que la remise en état de notre patrimoine naturel n'empiète pas de façon indue sur les terres cultivées.
Les fermiers du parc appliquent des plans agro-environnementaux misant sur les pratiques optimales pour assurer la gouvernance continue des terres agricoles qu'ils cultivent depuis des générations. Les terres agricoles ont différents usages : production alimentaire, séquestration du carbone, régulation du climat, amélioration de la qualité de l'air, habitat faunique, fonctions hydrologiques, réapprovisionnement de la nappe souterraine et zone tampon pour la protection des composantes du patrimoine naturel.
Que nous pensions aux 51 000 fermes de la province de l'Ontario, aux 800 de la région de York ou aux 40 du parc urbain national de la Rouge, nous avons affaire à des exploitations agricoles familiales, plutôt qu'à des entreprises industrielles. Plus de 98 p. 100 des fermes au Canada appartiennent à une famille et sont exploitées par cette famille. Elles sont transmises de génération en génération, mais il ne faut pas oublier que ces fermes familiales demeurent des entreprises agricoles. Le secteur agroalimentaire est le deuxième moteur économique en importance pour la province.
Nous avons un mandat primordial à remplir en nourrissant non seulement nos voisins de Markham ou de Toronto, mais les citoyens de toute la province et d'un peu partout dans le monde. L'agriculture est notre raison d'être, mais nous avons à cœur l'intérêt de nos familles et de nos terres.
Pour que l'exploitation agricole demeure viable dans le parc du point de vue environnemental et économique, il sera important de veiller à ne pas imposer aux agriculteurs une réglementation ou des restrictions indues. Ils ne peuvent pas être désavantagés par rapport à leurs concurrents du reste de la province.
Les agriculteurs du parc urbain national de la Rouge sont issus de ces mêmes familles qui s'occupent de la terre et produisent des aliments pour les Ontariens depuis 200 ans. L'avenir de l'agriculture dans le parc est incertain depuis que des fermes ont été expropriées dans les années 1970. Les agriculteurs qui ont choisi de demeurer sur la ferme familiale après l'expropriation ont dû composer avec des baux d'une année n'offrant aucune certitude pour l'avenir et ne leur permettant pas d'améliorer leurs installations agricoles, dont ils pouvaient être évincés du jour au lendemain. Les baux à long terme décrits dans le plan de gestion provisoire permettront aux agriculteurs d'investir dans l'avenir de leur exploitation à l'intérieur du parc.
On recense 46 cultures agricoles différentes au sein du parc urbain national de la Rouge. Une partie des récoltes sont vendues directement aux consommateurs pendant que le reste exige une forme quelconque de transformation. Cela ne veut pas dire que l'une est meilleure que l'autre.
Comme dans d'autres industries, c'est la demande sur le marché qui dicte ce qui est produit et comment c'est commercialisé, mais, dans le domaine de l'agriculture, nous tenons également compte du climat et du type de sol au moment de décider quelles cultures nous allons produire. Grâce à la certitude que procureront les baux à long terme, vous observerez probablement une plus grande diversité au chapitre des cultures produites et du bétail élevé dans le parc, mais il faut également se rappeler que, depuis longtemps, le sol et le climat dans le parc sont parfaits pour la production de maïs et de blé.
Je voudrais vous remercier de nouveau de m'avoir donné la possibilité de m'adresser à vous aujourd'hui, et je veux insister sur le fait que les terres agricoles doivent être protégées et préservées dans le parc de telle sorte que les fermiers des générations futures puissent continuer à produire des aliments, des fibres et du carburant pour notre population qui augmente sans cesse.
Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions, et je vais commencer par le vice-président, le sénateur Massicotte.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie tous les trois de votre présence aujourd'hui. C'est très apprécié. Il s'agit d'un projet de loi important pour l'Ontario et les gens de Toronto, et nous essayons de bien le comprendre.
Monsieur Noonan, c'est vous, en particulier, qui traitez précisément de la différence de formulation par rapport à la province de l'Ontario, et vous êtes tous les trois très favorables à ce qui est présenté dans le projet de loi.
Idéalement, ce serait bien si tout le monde s'entendait sur une loi finale et l'appuyait, d'autant plus que l'Ontario fournit plus de la moitié des terres. Même si les arguments à l'appui du scénario tel quel sont solides, comment pouvons-nous amener les gens à souscrire au projet de loi? Et comment pouvons-nous faire en sorte que les gens, surtout ceux de la province de l'Ontario, fournissent les terres et règlent le problème?
Monsieur Wells, quelle est la solution? Quel est le problème, et comment pouvons-nous régler la question?
M. Wells : Tout d'abord, aucun problème n'a été lié à l'élaboration des plans et à leur présentation. En tant que président, je relevais directement du ministre ontarien des Richesses naturelles et des Forêts, et lorsque je siégeais à notre conseil, nous avons reçu l'honorable Helena Jaczek, députée provinciale d'Oak Ridges — Markham. J'ai vérifié très attentivement si la province appuyait la formation d'un parc national.
Nous avons d'abord demandé aux responsables de l'Ontario — étant moi-même un ancien garde forestier débutant — si l'exploitation du parc les intéressait, et ils ont répondu que cette tâche ne correspondait pas à leur mandat et qu'elle était trop importante financièrement pour qu'ils l'envisagent. Mais la création d'un parc national était totalement appuyée par le gouvernement de l'Ontario, par le cabinet du premier ministre. Le soutien était là, il l'a toujours été, jusqu'à cet automne, quand le ministre Duguid, en consultation avec un certain nombre de groupes environnementaux, a déclaré que le parc ne répondait pas aux normes ontariennes en matière de protection environnementale. C'était nouveau.
Les normes n'ont pas changé depuis deux ans, et les plans ont été perfectionnés; il s'agit donc d'une divergence d'opinions au sujet de la signification du degré de protection, une différence au chapitre de la formulation. Le projet de loi C-40 et ses plans utilisent le terme « santé des écosystèmes » parce que les personnes qui les ont rédigés ne pensent pas que le parc répond aux normes associées à leur définition du terme « intégrité écologique », qui est défini dans la Loi sur les parcs nationaux du Canada. D'autres personnes utilisent ce terme dans un sens plus générique. M. Noonan a donné l'exemple d'Ontario Nature, dont la représentante affirmait que les responsables de tous les parcs provinciaux disent que le parc doit répondre aux normes en matière d'intégrité écologique et que le parc de la Rouge devrait donc les respecter.
Il nous a été dit dès le départ que ce parc avait été trop perturbé par le développement et par d'autres utilisations pour répondre aux normes en matière d'intégrité écologique de Parcs Canada; par conséquent, le terme générique « santé de l'écosystème » est utilisé, et ces termes sont presque interchangeables.
Pour en arriver à votre question, je pense que les diverses parties doivent acquérir une meilleure compréhension du degré de soutien qui est nécessaire. Heureusement, cette discussion a commencé. Hier, la Ville de Toronto a reçu un rapport du personnel analysant le projet de loi et le plan provisoire, et elle a produit des diagrammes qui font partie de ce rapport et de ce plan provisoire. Ces diagrammes indiquent clairement que le parc proposé, selon son plan de gestion proposé, respecte ou dépasse les normes en matière de santé écologique.
Pour d'autres intervenants, comme ceux de la région de York, où j'ai travaillé pour leurs gardes forestiers, leurs experts sont pas mal satisfaits, tout comme les autres anciens propriétaires terriens. Les gens qui savent à quoi sert le parc, ceux qui savent comment gérer un parc, affirment que le plan du parc est très bien.
Ceux qui se concentrent sur un domaine restreint disent qu'ils préfèrent une autre définition et, pour diverses raisons, n'appuient pas le projet de loi. Certaines de ces personnes refusent d'appuyer ce plan parce que, autrefois, le dirigeant de l'organisme écologique plantait tous les arbres dans le parc.
En ce moment, ce degré de restauration n'aura pas lieu avant que nous ne trouvions un nouveau propriétaire pour le parc.
La réponse à votre question, c'est que — et je suis également un ancien animateur pour le cabinet de l'Ontario — les parties doivent se rassembler pour élaborer une définition et mettre de côté les différences partisanes parce que tout le monde, jusqu'à cet automne, pensait que c'était une excellente idée et que tout le monde en Ontario, en particulier dans la RGT, pensait que ce serait génial d'avoir un parc national. Je ne pense pas que nos opinions soient si éloignées, et, selon moi, nous devrions pouvoir en arriver à ces conclusions. L'essentiel, c'est que, lorsque notre conseil a approuvé ce plan, nous connaissions la réputation et le rendement de Parcs Canada, et nous étions prêts à affirmer que ce groupe possédait l'expertise nécessaire pour exploiter le parc. Je le pense encore.
Le sénateur Massicotte : Que les parties le fassent ou ne tentent même pas de le faire, devrions-nous approuver le projet de loi proposé, selon la recommandation, et espérer que la province fournira les terres dans un an ou dans 10 ans?
M. Wells : Oui. Je vous recommande d'aller de l'avant, car si vous ne le faites pas et n'approuvez pas le projet de loi en raison de la lettre — dont j'ai pris connaissance — envoyée par M. Duguid, il faudrait reprendre tout le processus de zéro au cours de la prochaine session. Je crois que vous devriez aller de l'avant et approuver le texte législatif. J'ai encouragé Parcs Canada à communiquer avec les intervenants clés pour déterminer si les préoccupations qu'ils ont formulées concernant la protection de la santé écologique pourraient être dissipées dans le cadre du plan directeur, et j'encouragerai le gouvernement de l'Ontario à faire de même. Je viens tout juste de rencontrer quelques députés, l'adjoint parlementaire de M. Duguid et Helena Jaczek — que j'ai mentionnée — et je les ai encouragés à tenter d'établir si le plan directeur qui sera approuvé permet de dissiper les préoccupations qu'ils ont formulées à propos du projet de loi. Bien honnêtement, si le plan ne permet pas d'atténuer les préoccupations soulevées par le gouvernement de l'Ontario — et j'ai entendu des rumeurs selon lesquelles, pour une raison ou une autre, il souhaite reporter toute décision à novembre prochain, c'est-à-dire après l'élection, je suppose —, vous devriez tout de même aller de l'avant et approuver le projet de loi. Si un nouveau gouvernement est élu, il pourra décider, s'il le souhaite, de modifier le projet de loi. Toutefois, je ne vois pas pourquoi nous devrions mettre en veilleuse un projet très solide qui a le vent dans les voiles. Nous pouvons mettre en œuvre le projet de loi et travailler de concert pour adopter un plan directeur qui satisfait toutes les parties concernées.
M. Noonan : Puis-je ajouter quelque chose? Le texte législatif prévoit que le plan directeur doit être établi à l'intérieur d'un certain délai, et quelques organisations environnementales ont hâte de formuler leurs préoccupations de manière à ce qu'elles soient prises en compte dans le cadre de ce plan. À mes yeux, la version préliminaire du plan directeur permet véritablement de dissiper quelques-unes des autres préoccupations formulées par certaines parties. Une fois que le projet de loi aura été adopté, il sera possible de mettre la touche finale au plan directeur en tenant compte des observations formulées par l'ensemble des organisations. J'estime qu'il est très important d'adopter le projet de loi, et que l'on s'affaire ensuite à élaborer un plan de gestion qui contribuera à atténuer une foule de préoccupations soulevées par d'autres parties.
M. Wells : L'unique intervenant de premier plan qui n'a pas commenté le plan directeur — et c'est l'une des raisons pour lesquelles il ne peut pas être diffusé — est le gouvernement de l'Ontario. Comme j'ai déjà travaillé avec quelques-uns des membres du personnel des ministères ayant des compétences en matière environnementale, par exemple ceux des Ressources naturelles, des Affaires municipales et de l'Environnement, je sais que les commentaires du personnel ont déjà été rédigés, mais qu'ils n'ont pas été transmis à Parcs Canada. Dès que Parcs Canada connaîtra la position de l'Ontario sur la version préliminaire du projet de loi, les deux organismes pourront tenter d'en arriver à un consensus.
Le sénateur Massicotte : Merci.
Le sénateur Enverga : Merci de vos exposés. Je suis très heureux de constater que des gens ont contribué pendant un grand nombre d'années à faire en sorte que le parc urbain national de la Rouge voie le jour.
Monsieur Noonan, vous avez dit que vous aviez parlé à des gens, à une foule de gens. Pouvez-vous nous donner un exemple de ce que ces personnes vous disent?
M. Noonan : Ce que je tente de faire, c'est de constituer une histoire de la Rouge à partir des récits de gens qui vivent dans la région et dont les ancêtres ont vécu là depuis 100 ou 200 ans. J'ai entrepris ce projet afin de recueillir de l'information supplémentaire destinée aux gens qui font de la randonnée pédestre et aux autres personnes qui visitent le parc. Je suis un historien amateur. J'adore l'histoire. Au départ, les gens me parlaient beaucoup de méfiance. Ils m'ont dit des choses à propos des gouvernements fédéral et provincial et de la façon dont ils les avaient expropriés à la fin des années 1960 et dans les années 1970, mais ils m'ont aussi raconté des choses à propos de la manière dont leurs ancêtres étaient arrivés là, des activités agricoles qu'ils menaient et de ce que la terre signifiait pour eux. Par exemple, ils m'ont expliqué comment la ferme Whittamore était devenue une exploitation d'auto-cueillette et ils m'ont raconté l'histoire derrière le nom de quelques-unes des rues de l'endroit. J'ai entendu d'innombrables récits de ce genre. J'ai élaboré 10 documents contenant toutes sortes de récits, notamment en ce qui a trait au lien entre Anne de la maison aux pignons verts et la Rouge. Il ne s'agit là que d'un exemple.
J'ai regroupé tous ces récits sous le titre People's Stories for a People's Park. On en retire des informations que, pour ma part, je juge extrêmement intéressantes, par exemple en ce qui concerne le lien entre la Rouge et le Royal Tyrrell Museum de l'Alberta ou le fait que le Dr Jackson était un créateur d'aliments santé reconnu dans le monde entier dans les années 1930, avant même qu'on ne s'intéresse à ce type d'aliments. Des choses de ce genre en viennent à être connues; j'estime que cela est très intéressant, et j'espère que d'autres personnes seront de cet avis.
Le sénateur Enverga : Monsieur Wells, vous avez mentionné que l'un des groupes qui s'opposent à cela prévoyait planter des arbres. Les membres de ce groupe prônent l'intégrité écologique, mais l'une des définitions de cette notion indique qu'elle ne se restreint pas à la simple plantation d'arbres. Est-ce que cela suscite de la confusion? Ceci va à l'encontre de cela.
M. Wells : Les activités de remise en état représentent l'une des façons d'améliorer la santé écologique, et depuis la création du parc de la Rouge, des terres agricoles abandonnées et d'autres propriétés ont été remises en état. Le groupe à la tête des organisations environnementales est l'un des principaux planteurs d'arbres de cet ensemble d'organisations. Dans les années 1980, nous nous sommes affairés à planter davantage d'arbres, et nous pensions que cela était nécessaire afin d'améliorer la qualité de l'air en atténuant les effets des émissions de gaz carbonique. Au cours de la dernière décennie, nous avons acquis une plus grande compréhension de la nécessité de protéger également les terres agricoles et l'agriculture locale. Il s'agit d'un carrefour. Nous disposons d'exploitations agricoles autour du centre urbain, et nous ne devrions pas prendre ces terres de catégorie 1, comme Mme Empringham l'a mentionné, afin de mener des projets de remise en état. À Uxbridge, où je vis, il y a une foule de sols sableux et de terres agricoles pauvres. Il s'agit d'un bon endroit pour planter des arbres, et on ne peut pas en dire autant de terres agricoles viables.
Il y a toutes sortes d'éléments à prendre en compte. Nous devons améliorer l'état environnemental et la santé du parc, et il faudra des années avant que les millions d'arbres qui ont été plantés au cours des 20 dernières années permettent de rétablir une forêt. Dans une centaine d'années, on pourra réévaluer l'intégrité écologique du parc, une fois que tous les petits arbres que moi et d'autres avons plantés depuis 20 ans seront devenus adultes. Il faut 100 ans pour constituer une forêt mature. On doit passer par plusieurs cycles. Il faut commencer par planter des conifères, sous lesquels on plantera ensuite des feuillus. Il n'est tout simplement pas possible d'affirmer que le parc remplit ces normes, vu qu'il y a encore beaucoup de travail à faire et que ces arbres n'atteindront leur maturité que dans un certain nombre d'années.
Le sénateur Enverga : Ma question s'adresse à Kim. Qu'est-ce que vos membres pensent de l'ensemble des pratiques exemplaires obligatoires qu'on mettra en œuvre afin d'encadrer leurs activités?
Mme Empringham : À ce sujet, il y a une chose que j'aimerais tout simplement tirer au clair : nous disposons déjà d'un ensemble de pratiques exemplaires en matière de gestion, mais les pratiques de ce genre ne doivent pas être considérées comme un ensemble de préceptes gravés dans la pierre. Il s'agit d'outils que les agriculteurs peuvent utiliser. De la même façon, un enseignant dispose d'une kyrielle d'outils lui permettant de transmettre une connaissance à un élève, et celui qu'il décidera d'utiliser variera d'un jour à l'autre ou en fonction des circonstances.
Cela vaut également en agriculture. Les outils que nous emploierons varieront d'une année à l'autre selon le climat ou les conditions météorologiques. Toutefois, le fait est que les agriculteurs utilisent telle ou telle pratique exemplaire en matière de gestion, et qu'ils ont toujours voulu le faire.
Certaines pratiques sont plus coûteuses que d'autres, et le fait de ne disposer que de baux d'une année... Le drainage par tuyaux, par exemple, s'effectue au moyen de canalisations en terre cuite qui ont parfois plus de 100 ans. Elles se brisent sous l'effet du gel ou lorsque des racines d'arbres les pénètrent. Certains réseaux sont si vieux qu'ils doivent être remplacés. Comme il faudrait probablement de 5 à 10 ans pour payer le remplacement d'un réseau de drainage, les agriculteurs qui disposent d'un bail de un an décident de ne pas le faire, à moins qu'ils ne choisissent de tenir le pari et d'espérer demeurer en possession de leur exploitation. Les agriculteurs n'ont pas été en mesure de mettre en pratique quelques-unes des pratiques les plus coûteuses, mais ils ont assurément adopté quelques-unes des pratiques les moins astreignantes — dans certains cas, il est dans leur propre intérêt de le faire, car en plus d'être avantageuses sur le plan environnemental, elles les aident à accroître leur récolte.
Le sénateur Enverga : Pouvez-vous me donner votre avis concernant la lettre du ministre Duguid, du gouvernement de l'Ontario?
M. Noonan : J'estime que cette lettre est très trompeuse. Le ministre mentionne qu'il a consulté un certain nombre d'organisations environnementales, mais il ne précise pas lesquelles. J'ai moi aussi consulté des organisations environnementales, et elles ne savaient pas que leur nom allait figurer dans une lettre. Quelques-unes d'entre elles ne savaient même pas qu'il y aurait une lettre.
J'ai la lettre sous la main. Il y est également question d'une rencontre avec des gens. Un représentant d'une organisation a indiqué qu'il avait assisté à cette rencontre, mais qu'elle portait non pas sur le projet de loi C-40, mais sur le plan directeur en tant que tel. Les conclusions sont quelque peu différentes à ce chapitre.
J'ai déjà dit que l'organisation Ontario Nature avait fait savoir qu'elle était disposée à faire un compromis au sujet de l'expression « intégrité écologique », mais l'intention, ici, semble être de ne pas le mentionner.
En outre, M. Duguid affirme qu'il a discuté avec des agriculteurs, mais je l'ai fait moi aussi, et ils m'ont dit que la lettre semblait indiquer qu'ils étaient d'accord avec lui, alors que ce n'est pas le cas.
Les dispositions réglementaires, par exemple, ne seraient pas respectées. Je crois comprendre que des dispositions réglementaires sont rédigées seulement après qu'un projet de loi a été adopté. Par conséquent, il n'est pas possible de respecter les dispositions réglementaires puisqu'elles n'existent pas. À mes yeux, cette lettre est insultante à l'égard de Parcs Canada et des gens qui affirment être d'accord avec cet organisme. Je suis moi-même très mécontent de cette lettre.
M. Wells : Cette lettre me rend moi aussi très mécontent.
Vous avez utilisé le terme « trompeur ». Je crois que M. Duguid a été induit en erreur par plusieurs organisations environnementales. J'ai discuté avec les représentants de quelques-unes de ces organisations. La plus connue d'entre elles est SNAP, la Société pour la nature et les parcs du Canada. Cette organisation n'est pas favorable à la définition de l'expression « intégrité écologique ». Elle soutient la définition du terme « santé écologique » établie par Parcs Canada. Ce qui la préoccupe, c'est l'établissement de normes plus rigoureuses. Elle ne soutient donc pas dans une même mesure ces deux définitions.
J'ai moi aussi rencontré le ministre Duguid, et je lui ai expliqué de manière assez précise la différence entre l'intégrité écologique et la santé de l'écosystème dans le contexte du parc de la Rouge. Dans la lettre qu'il a adressée au Sénat, il ne me nomme pas, mais il indique que l'Office de la protection de la nature de Toronto et de la région l'a consulté. Il ne précise pas que cet organisme n'était pas d'accord avec son point de vue ni celui de l'organisation environnementale.
Je ne connais pas l'objet de cette rencontre. Je sais que de grands efforts semblent être déployés afin de ralentir le processus, et cette démarche est trompeuse puisqu'elle semble fondée sur l'information erronée selon laquelle le parc répondra à des normes moins rigoureuses. D'une part, cela n'a pas été établi, et, d'autre part, cela n'est mentionné dans aucun des documents.
La sénatrice Ringuette : Comme je suis originaire d'une région agricole, la préservation des exploitations agricoles familiales revêt assurément un intérêt à mes yeux. Ma question s'adresse à Mme Empringham. Vous pensiez qu'un plan directeur avait été ébauché, et je crois comprendre que tous les agriculteurs l'ont consulté, n'est-ce pas?
Mme Empringham : Oui.
La sénatrice Ringuette : Est-ce qu'une ébauche d'entente de bail a été soumise à la collectivité agricole?
Mme Empringham : Il n'y a pas eu d'ébauche. Nous avons eu une rencontre. Comme la collectivité agricole compte un grand nombre de personnes, quelques-uns d'entre nous ont rencontré le personnel de Parcs Canada au cours des premières étapes de l'élaboration d'une stratégie en matière d'affermage. L'objectif consiste en l'établissement de baux à long terme. Aucun nombre d'années n'a été fixé, mais on envisage des baux de 20 à 25 ans, peut-être de 30 ans. Je crois comprendre que Parcs Canada prévoit mettre en place un bail-type et de conclure ensuite un bail propre à chaque exploitation agricole.
La sénatrice Ringuette : Ni vous ni les agriculteurs n'avez consulté ce modèle de bail?
Mme Empringham : Non, mais nous avons collaboré à son élaboration. Il s'agit d'un nouveau type de bail. Parcs Canada n'a jamais affermé de terres à des agriculteurs dans le passé, de sorte qu'il tente de comprendre toutes les préoccupations et tous les problèmes, il essaie de cerner ce dont les agriculteurs auront besoin pour que leurs activités soient couronnées de succès et ce qui fonctionnera le mieux pour eux et pour nous. Nous n'avons pas encore pris connaissance de ce modèle de bail, mais je sais par quel processus nous sommes passés. Ce n'est pas prêt. Nous ne sommes pas mécontents du fait que nous ne l'avons pas encore consulté. Il s'agit d'un long processus.
La sénatrice Ringuette : Je peux comprendre qu'il s'agit d'un long processus, vu que la collectivité agricole revêt une très grande importance dans le cadre du parc proposé. J'estime qu'il s'agit d'une très bonne proposition, mais j'ai des préoccupations, et le projet de loi ne comporte rien qui puisse atténuer les préoccupations de la collectivité agricole à cet égard. Vous avez répété qu'une ébauche de bail n'avait pas encore été conclue, et, à mes yeux, il semble y avoir encore énormément de choses en suspens. En ce qui a trait à la collectivité agricole, l'idée est bonne, l'intention est bonne, mais nous n'avons peut-être pas encore commencé à nous occuper de cet élément incontournable que représente la collectivité agricole de la Rouge.
Mme Empringham : Je ne me rappelle pas le libellé exact du texte législatif, mais je sais qu'il énonce que Parcs Canada doit veiller à la viabilité des exploitations agricoles — il a la responsabilité de s'assurer de leur viabilité économique.
La sénatrice Ringuette : Il s'agit d'une très vaste notion. Il n'existe aucune définition de « viabilité économique ».
Mme Empringham : Je ne suis pas certaine qu'il s'agisse là des termes employés.
La sénatrice Ringuette : J'ai des préoccupations en ce qui concerne la collectivité agricole, et j'espère qu'on les dissipera sous peu. Merci.
Le sénateur Mitchell : Merci de vos exposés. Je suis très enthousiasmé par l'idée d'un parc urbain, et je suis donc très heureux d'apprendre que c'est aussi votre cas.
Je suis originaire d'Edmonton, une région où les terres agricoles posent un problème. Pour votre part, Mme Empringham, vous n'êtes pas contre le projet. Il vous intéresse beaucoup, et, en fait, vous pensez qu'il se révélera extrêmement avantageux à long terme.
Mme Empringham : Oui.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Noonan, j'aimerais vous poser une question d'ordre historique. Le nom « Rouge » semble indiquer un passé francophone. Est-ce le cas? Est-ce que cela fait partie de la richesse historique que le projet pourrait révéler?
M. Noonan : Ce nom renvoie à l'argile rouge qu'on trouve le long des rives de certaines sections de la rivière. Ce nom est d'origine francophone. Un certain nombre d'explorateurs et de pionniers se sont rendus là et ont emprunté cette rivière, et ils l'ont baptisée. Ce nom s'est perpétué.
Le sénateur Mitchell : Ces renseignements et cette richesse historique font partie de ces choses que Parcs Canada met en évidence dans...
M. Noonan : Parcs Canada est très intéressé par le patrimoine. Je mène actuellement une foule de travaux sur des sites archéologiques là-bas. La région de la Rouge compte une foule de villages établis avant l'arrivée des Européens et un assez grand nombre de sites archéologiques, y compris Bead Hill, site national qui fait également partie de cette région. On trouve des secteurs au passé autochtone, francophone, anglais et hollandais, et d'autres choses qui remontent à très loin. Il s'agit d'une région dont le passé est riche et diversifié.
Le sénateur Mitchell : Ainsi, on veillera également à protéger cela, en mettant l'accent sur le rôle joué par les francophones du Québec et de la France en plein cœur de Toronto.
M. Noonan : Oui.
Le sénateur MacDonald : J'ai deux ou trois questions à poser. Monsieur Noonan, je n'ai pas pu m'empêcher de relever le fait que vous avez évoqué l'expropriation. À ma connaissance, et selon ce que j'ai pu observer, à coup sûr chez moi, rien ne ressemble plus à de l'intimidation qu'une démarche d'expropriation entreprise par un gouvernement provincial. Le pouvoir dont dispose l'État à ce chapitre semble très vaste. Combien de terres ont été expropriées dans la région dont nous parlons?
M. Noonan : Je ne saurais vous en indiquer la superficie. Le gouvernement fédéral a procédé à des expropriations dans la partie centrale où allait être installé l'aéroport, de même que dans la couronne qui l'entourait. Le gouvernement provincial a exproprié les terres dans une autre partie de la région autour de celle-là.
Les divers gouvernements qui ont procédé à ces exportations ont fait vivre toutes sortes de choses aux gens. Le ressentiment des gens était attribuable à la valeur qu'on a attribuée à leurs propriétés. Il est arrivé que des représentants du gouvernement provincial entrent dans la maison d'agriculteurs de la région des terres boisées à un moment où ils n'étaient pas présents — ils étaient allés se cacher dans la forêt parce qu'ils croyaient que, pour que l'expropriation ait lieu, ils devaient remettre leur propriété en mains propres aux représentants du gouvernement. Ils ont vu des voitures arriver chez eux. Ils ont vu les gens descendre de ces voitures, entrer dans leur maison, déposer un accord de vente et un chèque sur la table de la cuisine et quitter les lieux. Ces gens — la famille Lapp — ont quitté leurs propriétés et n'y sont retournés que deux ans plus tard. Je leur ai demandé de me faire faire une visite guidée des lieux, et ils sont très heureux que la propriété sera préservée.
J'ai constaté que l'attitude des gens de la région est extrêmement différente de ce qu'elle était lorsque j'ai commencé à mener des entrevues auprès d'eux. Ils apprécient l'ouverture des membres du personnel de Parcs Canada et ils commencent à faire confiance aux gens. Par exemple, bon nombre d'agriculteurs se rendent aux réunions organisées par les représentants de Parcs Canada et leur apportent des tartes maison et d'autres choses. Les gens qui organisent ces réunions trouvent cela tout à fait extraordinaire. L'attitude semble être en train de changer.
Le sénateur MacDonald : Vous m'enlevez les mots de bouche. Lorsque les gens constatent que leurs terres sont utilisées à bon escient et à des fins utiles, cela change leur attitude à l'égard de l'expropriation. Dans ma ville natale de Louisbourg, quelque 10 000 acres de terres ont été expropriées dans les années 1960 aux fins de la reconstruction d'une forteresse. Dans la partie ouest de la ville et cinq miles à l'ouest de là, toutes sortes de personnes ont perdu leur propriété.
Le gouvernement provincial s'est présenté et il a procédé à l'expropriation. Il a essentiellement fait fuir les gens, il leur a donné des terres dénuées de toute valeur ou de vastes parcelles de manière à ce qu'ils s'en aillent, et une fois que l'accord était signé, ils devaient quitter les lieux. Je sais très bien comment cela se passe. Je suis extrêmement heureux d'entendre parler de la manière dont les choses se déroulent, car les gens qui perdent leurs terres veulent qu'on en fasse quelque chose de bon.
Mon autre question s'adresse à M. Wells. Quel rôle a joué l'administration municipale? A-t-elle adopté une position officielle? A-t-elle eu une correspondance avec quiconque? Exerce-t-elle quelque influence que ce soit?
M. Wells : L'Alliance du parc de la Rouge était une fédération représentant toutes les administrations municipales et les gouvernements provincial et fédéral. Toutes les municipalités ont appuyé cela.
J'ai sous la main une lettre provenant d'une organisation que nous avons créée et qui est constituée d'anciens membres de l'alliance et d'autres personnes intéressées. Dans cette lettre, nous enjoignons à l'honorable Kathleen Wynne de nous rencontrer pour tenter de régler le problème, comme nous l'avons mentionné plus tôt. Les parties doivent se rencontrer. La lettre est signée par l'adjoint au maire de la Ville de Toronto, de même que par les maires de Markham, Richmond Hill et de Pickering, municipalités d'attache de propriétaires de terres attenantes.
L'ensemble des municipalités et l'office de protection de la nature sont en faveur non seulement de la cession des terres, mais également avec le projet de loi et ce qui est connu du plan directeur. Ce plan n'est pas complet. Il doit faire l'objet de commentaires de la part du gouvernement provincial et de quelques organisations environnementales. En un mot, le soutien du secteur municipal est total.
Le sénateur MacDonald : C'est merveilleux. Merci.
Le sénateur Eggleton : À la lumière de certaines choses qui se sont passées, je ne suis pas certain que ce soutien du secteur municipal demeure valide.
M. Wells : La lettre est datée du 26 février.
Le sénateur Eggleton : Elle est signée par l'adjoint au maire de Toronto?
M. Wells : La signature de l'adjoint au maire de Toronto figure sur cette lettre.
Le sénateur Eggleton : Quel est le nom qu'on peut lire?
M. Wells : Glenn De Baeremaeker est un adjoint au maire de Toronto.
Le sénateur Eggleton : Un adjoint au maire.
Je ne pense pas que les conseils ont eu l'occasion d'examiner la lettre depuis que le gouvernement provincial a retiré son soutien et que d'autres organisations ont fait part de leurs préoccupations concernant le projet de loi.
Quand tout cela a commencé il y a quelques années, tout le monde était sur la même longueur d'onde, tout le monde s'entendait sur la nécessité et le bien-fondé du projet, et tout le monde était d'accord pour dire que l'instauration d'un parc national urbain constituait un grand avantage. À présent, le gouvernement provincial a changé d'avis. Il affirme que le protocole d'entente n'est pas respecté. Je sais que Parcs Canada soutient le contraire, mais il existe un différend à ce chapitre.
En outre, un certain nombre d'organisations ont fait valoir que le projet de loi devrait être modifié. Ces organisations — parmi lesquelles la Société pour la nature et les parcs du Canada, Friends of the Rouge Watershed, Environmental Defence, STORM Coalition, Nature Canada, Ontario Nature et la David Suzuki Foundation — sont toutes d'accord avec le principe à l'origine du parc, mais, de toute évidence, la façon dont se déroule sa création par le truchement du projet de loi C-40 leur pose quelques problèmes.
Compte tenu du fait que le gouvernement provincial possède un nombre considérable des terres en cause et qu'il se retire — ce qui diminue notablement la taille du parc —, ne serait-il pas avisé de prendre une petite pause? À coup sûr, je n'ai entendu personne affirmer qu'un fossé séparait les parties là-dessus. En fait, la plupart des gens ont dit qu'ils croyaient qu'il s'agissait d'une question sur laquelle ils pourraient s'entendre.
Plutôt que d'adopter le projet de loi à ce moment-ci et de recommencer plus tard tout le processus — ce qui pourrait exiger des années et des années —, ne serait-il pas sage de prendre une pause, par exemple, de 60 ou de 90 jours, de manière à ce qu'on puisse suggérer aux parties de se réunir et de régler cela?
M. Wells : Cette question s'adresse-t-elle à moi?
Le sénateur Eggleton : Elle s'adresse à vous trois.
M. Wells : Je pourrais tenter d'y répondre. Devant un comité permanent de la Chambre des communes, j'ai moi aussi recommandé deux amendements. Dans la disposition relative à la constitution d'un comité consultatif, j'ai suggéré qu'on remplace l'expression « le ministre peut » par « le ministre doit », vu qu'il s'agit d'une mesure que nous prenons depuis fort longtemps.
Le sénateur Eggleton : Je suis d'accord avec cela.
M. Wells : J'ai également formulé des recommandations essentiellement semblables à celles de la SNAP. Au cours de la même réunion, j'ai été rassuré par le président-directeur général de Parcs Canada, Alan Latourelle, qui était également là pour présenter un exposé et qui a mis l'accent sur le fait que les questions concernant la définition du degré de protection de l'environnement relevaient davantage du plan directeur. De fait, les discussions touchant des points de détail des baux agricoles et d'autres questions de ce genre sont d'une nature davantage administrative que législative. Je l'ai pris au mot, et je n'ai pas répété ici les recommandations que j'avais formulées pendant la réunion en question. J'ai déjà demandé officieusement — et je le ferai officiellement — à Parcs Canada de continuer à rencontrer les principaux intervenants, que vous avez mentionnés, en vue d'établir un consensus sur ces questions dans le cadre du plan directeur.
Un report de 30, de 60 ou de 90 jours nous mènerait, à mon avis, au-delà de la présente session. Cela nous mènerait à l'automne. Il se pourrait alors que nous devions tout reprendre de zéro avec un nouveau gouvernement dans le cadre d'une nouvelle session. Ainsi, comme nous sommes si près d'une entente, j'estime que nous devrions adopter le projet de loi et régler les désaccords dans le cadre du plan directeur final. Même quelques-unes des organisations que vous avez mentionnées s'entendent à présent avec Parcs Canada. La SNAP n'est pas très favorable au terme « intégrité écologique ». Je collabore aussi de très près avec la David Suzuki Foundation, et je suis membre d'Ontario Nature — je suis président de la section de North Durham de cette organisation, avec laquelle je collabore de très près. Je suis certain que nous ne sommes pas très loin de nous entendre. Bien honnêtement, la question est la suivante : à quel moment le gouvernement de l'Ontario veut-il procéder à la cession de ses terres? Il a changé d'avis à ce sujet au cours des six derniers mois. Il était tout feu tout flamme. Parcs Canada ne serait jamais allé de l'avant si le gouvernement de l'Ontario n'avait pas signé le protocole d'entente et affirmé qu'il céderait, sous certaines conditions, les terres mentionnées dans ce document. À présent, il affirme que ces conditions ne sont pas remplies. À mes yeux, l'unique condition du protocole qui n'a pas été remplie tient à l'engagement du gouvernement de l'Ontario de céder les terres.
M. Noonan : Je suis tout à fait d'accord avec ce que M. Wells a dit. Le plan directeur peut permettre de régler les points de détail. Je pense qu'il s'agit là de son objet. Je crois que la plupart des organisations — du moins celles avec lesquelles j'ai discuté — ont mentionné qu'elles avaient hâte que le parc soit créé.
Mme Empringham : Je suis d'accord. L'expropriation était une mauvaise chose, mais les groupes de gestion qui se sont occupés des baux avec lesquels les agriculteurs avaient dû composer se sont révélés pires que l'expropriation en tant que telle. Ainsi, il faut aller de l'avant pour que les agriculteurs disposent de la sécurité liée à des baux à long terme et qu'ils puissent planifier l'évolution de leur entreprise. À l'heure actuelle, abstraction faite des questions d'ordre politique, il est probable que, si vous décidez d'adopter le projet de loi sans amendements, les agriculteurs pourront poursuivre leur vie. Nous ne savons pas à quoi ressemblera la situation si nous devons attendre jusqu'à la période suivant les prochaines élections. Nous ne savons pas s'il y aura un gouvernement qui sera en mesure de promulguer quoi que ce soit. Nous pourrions nous retrouver bloqués pendant 5 ou 10 ans. Qui sait? En ce moment-ci, nous pouvons mener cela à bien. Si le projet de loi pose un si grave problème, nous pourrons le régler dans l'avenir. À coup sûr, si nous en sommes au point mort en ce qui a trait aux dispositions réglementaires et au plan de gestion, je pense que cela s'explique par des raisons d'ordre politique. À mon avis, le gouvernement provincial se sert de l'intégrité écologique comme d'une excuse; lorsqu'on examine de près les définitions et la manière dont elles se traduiraient sur le terrain, on constate que le gouvernement se cache derrière un écran de fumée.
Le sénateur Eggleton : Nous entendrons des représentants de quelques-unes de ces organisations la semaine prochaine.
Le sénateur Black : Je n'ai pas de questions à poser aux trois témoins, mais j'ai une observation à formuler à leur intention. Je crois qu'il s'agit d'une initiative fantastique, tout simplement fantastique et j'espère qu'on pourra la reproduire dans d'autres centres urbains du Canada. Nous souhaitons que le projet se réalise. Nous voulons établir un formidable précédent.
En un mot, je tenais simplement, au nom du comité, à vous remercier tous les trois et à remercier vos collaborateurs et vos amis de ce que vous avez fait. Nous sommes en présence de quelque chose de très bien.
Une voix : Bravo.
Le sénateur Black : Vous avez consacré bénévolement énormément de temps et d'effort à un projet auquel vous croyez, à un modèle très solide destiné aux Canadiens, et je tenais simplement à vous dire que je vous suis reconnaissant de ce travail. J'espère que les gens qui suivent notre débat seront témoins de votre dévouement, car nous avons besoin que plus de Canadiens fassent exactement la même chose, à savoir prendre à bras le corps un projet qui leur tient à cœur et tenter de le mener à bien. Ainsi, je vous remercie infiniment.
La sénatrice Seidman : Je joins ma voix à celle du sénateur Black pour vous féliciter de l'énergie et des efforts que vous avez investis dans un projet auquel vous croyez.
Madame Empringham, j'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à propos du volet agricole du parc. Tout d'abord, j'aimerais savoir si, à votre connaissance, on s'est appuyé sur d'autres modèles de parcs urbains au moment de tenter de trouver la façon optimale d'accentuer le rôle joué par l'agriculture au sein du parc qui nous intéresse.
Mme Empringham : À ma connaissance, il n'y a aucun autre parc urbain où on fait de l'agriculture.
M. Wells : Je pourrais répondre. Il n'y en a pas beaucoup. Il y a un parc national américain à Cleveland, qui est semblable à celui-ci. Il s'agit d'une vallée fluviale. Il est plus petit, mais on a réussi à faire coexister un lieu de patrimoine naturel et des activités agricoles. Le meilleur exemple se trouve en Floride, près de Naples. Le Corkscrew Swamp Sanctuary est géré par la National Audubon Society. Ce parc est bien plus grand que notre parc de la Rouge. Le périmètre du parc sert aux activités agricoles, et cela crée une zone tampon. Puis, le parc naturel retient les serpents dangereux et les alligators, ou peu importe, à l'intérieur. Mais les exemples sont peu nombreux. L'un des avantages de l'agriculture, si elle fait aussi partie de la conception, c'est qu'elle agit comme un genre de zone tampon entre la zone urbaine et les espèces rares que vous désirez protéger dans la partie du patrimoine naturel du parc. Donc, il s'agit d'une première au Canada à si grande échelle.
La sénatrice Seidman : C'est très utile et intéressant.
Madame Empringham, vous nous avez dit qu'il y avait actuellement 40 agriculteurs dans le parc — et ce sont des fermes familiales; ce ne sont pas des fermes industrielles — et qu'il y a 46 différentes cultures. L'un d'entre vous serait-il en mesure de m'éclairer sur le rôle actuel de l'agriculture dans le parc et la façon dont cela changera sous ce nouveau régime, pour ainsi dire, ou avec ce plan de gestion, qui fait référence de façon très précise à des choses comme les pratiques de l'agriculture durable, par exemple?
Mme Empringham : D'accord. L'agriculture dans le parc ne changera pas nécessairement à cause du parc en tant que tel; toutefois, si vous regardez les baux à long terme, ils permettront aux agriculteurs d'investir davantage dans leur ferme, d'être en mesure d'élargir leur portée. De plus, l'âge moyen des agriculteurs s'approche de 60 ans. En Ontario, l'âge moyen est de 56 à 57 ans. Toutefois, les agriculteurs qui s'y trouvent pensent à prendre leur retraite, et il s'agit souvent du moment où ils vont vivre dans une maison de retraite. Ils font de l'agriculture aussi longtemps qu'ils le peuvent. Donc, il y aura une progression naturelle : la famille prendra la relève ou, comme nous le constatons partout au Canada, où une plus grande proportion des enfants d'agriculteurs se dirigent vers les zones urbaines, alors les enfants quitteront la ferme. Donc, il y aura de nouveaux agriculteurs, des agriculteurs plus jeunes, qui reprendront ces baux, ce qui supposera alors un élargissement de la portée des différentes activités agricoles. Je ne suis pas certaine si cela répond à votre question.
La sénatrice Seidman : Pourriez-vous simplement décrire un peu plus en détail le type d'activités agricoles qui sont effectuées aujourd'hui, afin que nous puissions mieux comprendre?
Mme Empringham : Il y a 50 ans, une bonne proportion des fermes comprenaient 100 ou 200 acres consacrées à l'agriculture mixte, donc, vous auriez vu un peu plus de fermes laitières, plus de bétail. Les agriculteurs pouvaient faire un peu de tout. Toutefois, à mesure que l'industrie agricole de la province a pris de la maturité et a progressé grâce aux nouvelles technologies, les agriculteurs se sont spécialisés dans une ou deux choses, plutôt que de faire un peu de tout.
À cause des baux de un an — donc, si vous aviez une ferme laitière, afin d'être en mesure de la renouveler et de veiller à sa modernité, de gros investissements étaient nécessaires, investissements que les agriculteurs n'étaient pas prêts à faire. Bon nombre d'entre eux sont passés de la production laitière à la production de maïs et de soja, donc, leur infrastructure est constituée de matériel mobile. Les fermes sont devenues de plus en plus grandes à cause de l'économie d'échelle. L'équipement agricole est bien plus onéreux, donc, il faut cultiver beaucoup d'acres afin d'être en mesure de le payer.
Bon nombre d'agriculteurs ont maintenu leurs activités agricoles qu'ils menaient dans le parc, mais louaient ou possédaient aussi d'autres acres à l'extérieur du parc. S'ils récoltent du maïs et du soja, ils peuvent le faire avec de l'équipement mobile qui, dans le passé, s'ils perdaient le bail, aurait pu être utilisé ailleurs.
Donc, cela signifie qu'avec un bail à long terme, ils pourront investir d'autres façons sur leur propriété.
La sénatrice Seidman : Je veux vous poser une question. Je vis à Montréal. Je connais de plus en plus d'agriculteurs dans les environs, dans la grande région de Montréal, dans les Cantons de l'Est et à différents endroits. On met l'accent sur la philosophie d'acheter à l'échelle locale. Les agriculteurs tentent de comprendre les désirs et les besoins des citadins, et ils élaborent un programme visant à fournir aux citadins des produits locaux sur le pas de leur porte, de façon hebdomadaire. Vous pouvez réellement passer une commande pour recevoir ces produits. C'est une progression assez intéressante de l'industrie agricole. Nous parlons d'agriculture durable et de ce genre de choses. C'est ce qui me vient à l'esprit, dans une certaine mesure. Je me demande si vous avez pensé à cette approche, étant donné que votre situation est si unique; vous êtes au centre de la ville.
Mme Empringham : Exactement. Partout autour de la RGT, la proximité de la population a définitivement été un atout pour les agriculteurs qui souhaitent fournir des légumes ou des fruits frais. La RGT constitue le deuxième pôle agroalimentaire en importance en Amérique du Nord. Même si on pense à d'autres choses que les fruits et les légumes frais, la transformation qui est effectuée à Toronto, dans la RGT, est phénoménale. La proximité de ces industries de transformation est aussi importante que celle des produits frais.
Quand nous parlons, par contre, des nouveaux agriculteurs qui prendront possession des baux avec le temps, il y a de fortes probabilités que bon nombre d'entre eux veuillent fournir des produits frais. Pour ce qui est d'avoir la possibilité de les vendre dans le parc, c'est la même chose que pour toute autre industrie. Vous ne voudriez pas que l'on retrouve six Whittamore Farms une à côté de l'autre. Elles ne pourraient pas rivaliser les unes avec les autres. Je ne suis pas certaine que quiconque vient d'arriver pourrait rivaliser avec son voisin pour le même produit. Toutefois, Whittamore est un bon exemple de programme de mentorat qui a bien fonctionné. L'un de leurs employés s'est établi à côté d'eux avec ses cultures ethniques, ses légumes d'origine étrangère, pour cette population, et cela a beaucoup de succès. Il pourrait sans doute vendre tout ce qu'il peut produire. L'un des modèles que nous envisageons, c'est de mettre à l'essai différents types de mentorat afin d'être en mesure de soutenir les nouveaux agriculteurs.
La sénatrice Seidman : Donc, ce parc, au bout du compte, pourrait être un genre de modèle de pratique exemplaire pour de nombreux autres parcs urbains qui pourraient être créés à l'avenir. Comme l'a dit M. Wells, il s'agit d'une situation assez unique.
Mme Empringham : Je sais que Parcs Canada aimerait trouver une propriété agricole, une fois qu'un bail aura été cédé, qui pourrait être utilisée comme une vitrine à des fins éducatives. À Toronto, nous avons le Black Creek Pioneer Village, qui montre les méthodes d'agriculture des pionniers. Avec seulement 2 p. 100 de la population agricole au Canada, l'agriculture a toute une histoire à raconter. J'ai remis le magazine The Real Dirt on Farming à chacun d'entre vous. Il s'agit d'un magazine éducatif qui est créé par un certain nombre de groupes, afin que vous puissiez comprendre à quoi ressemble l'agriculture moderne. Il y a de nombreux mythes qui doivent être dissipés, selon lesquels nos activités ne sont pas industrialisées. Même si cela peut sembler être le cas; c'est simplement moderne. Nous utilisons des méthodes scientifiques que tout le monde dans les autres industries a le droit d'utiliser, mais, quand les agriculteurs les utilisent, cela paraît mal. Nous n'utilisons pas les mêmes méthodes que celles que nous utilisions dans les années 1920, tout comme vous ne conduisez pas le même type de voiture ou que vous utilisez votre ordinateur au lieu d'un crayon.
M. Noonan : Je voulais simplement ajouter qu'en tant que consommateurs, mon épouse et moi achetons des aliments, des fruits et légumes, auprès des agriculteurs du parc de la Rouge pratiquement chaque semaine, surtout du maïs frais de la journée. De plus, il y a un marché public à Pickering, où viennent les agriculteurs de la région, et nous y allons et achetons une diversité de fruits et légumes. En tant que consommateurs, c'est merveilleux de pouvoir goûter à ces produits, qui sont frais de la journée dans de nombreux cas. Je crois que cela sera populaire. Une autre chose dont a parlé Parcs Canada, dans le cadre de la négociation avec l'un des agriculteurs, c'est de la possibilité d'établir un marché public à l'intérieur même du parc de la Rouge.
Le sénateur Patterson : Monsieur le président, le 2 septembre 2014, huit groupes environnementaux, dont Ontario Nature, Environmental Defence, Friends of the Rouge Watershed, la Fondation David Suzuki, SNAP, Nature Canada, Sierra Club Canada et la Save the Oak Ridges Moraine Coalition, se sont manifestés avec une affirmation très forte, qui a été bien médiatisée. Cette affirmation disait, fondamentalement, que l'avant-projet de loi que nous étudions ne donne pas la priorité à l'intégrité écologique dans la gestion du parc, contrairement aux politiques provinciales régissant le parc de la Rouge. Ces groupes disent que l'avant-projet de loi ne respecte pas un protocole d'accord datant de janvier 2013 signé par Parcs Canada et le gouvernement de l'Ontario exigeant des politiques écrites relatives au parc qui respectent ou qui excèdent les politiques provinciales. Ils demandent au gouvernement fédéral de respecter l'engagement qu'il a pris dans le cadre du protocole d'accord, et ils disent, de façon assez dramatique :
Dans sa formulation actuelle, le projet de loi menace de saper 25 années de consultations, d'études scientifiques et d'élaboration de politiques provinciales qui avaient fait de l'intégrité écologique la raison d'être du parc et la priorité à l'égard de sa gestion.
Je crois que nous sommes chanceux de pouvoir profiter ce matin, particulièrement grâce à la présence de M. Noonan et de M. Wells, de décennies d'expérience solide dans le développement de ce parc.
Je suis certain que vous connaissez bien ce communiqué. Je me demande si vous pouvez aider le comité en formulant quelques commentaires sur ces fortes déclarations, s'il vous plaît.
M. Wells : Monsieur le président, voulez-vous que je réponde?
Le président : Oui.
M. Wells : Premièrement, j'ajouterais que je suis actuellement membre du Conseil de la ceinture de verdure. Il s'agit d'un groupe nommé par le ministre des Affaires municipales de l'Ontario afin de lui faire des recommandations au sujet de l'efficacité de la ceinture de verdure. Le Plan de la ceinture de verdure est l'une des dispositions législatives auxquelles on fait référence dans cette discussion. Actuellement, en tant que facilitateur provincial de l'aménagement, j'ai participé à l'élaboration d'une stratégie de croissance, qui est une autre disposition législative à laquelle on fait référence ici. J'ai aussi fait partie du groupe de travail qui a élaboré le Plan de conservation de la moraine d'Oak Ridges quand je travaillais dans la région de York. Il est clair que je connais bien ces dispositions législatives.
En ce qui a trait au plan en tant que tel, le plan du parc de la Rouge ne parle pas d'intégrité écologique. Il parle de l'intégrité relative à la planification, et le Plan de la ceinture de verdure ne parle pas d'intégrité écologique. Je crois que M. Noonan a mentionné cela. L'objectif principal du Plan de la ceinture de verdure est de protéger les terres agricoles dans l'ensemble de la région, et des commentaires ont été formulés plus tôt au sujet de la protection des terres agricoles.
Le protocole d'accord établit que le parc respectera les normes actuelles. Selon l'analyse de Parcs Canada, cela respecte ces normes. Selon le personnel de la Ville de Toronto, qui a déposé un rapport hier auprès de son Parks and Environmental Committee, il respecte ces normes.
Le 10 mars, vous entendrez Ian Buchanan, et il dira que la région de York est préoccupée par le fait qu'il respecte ces normes, et c'est ce que dira aussi la Toronto and Region Conservation Authority. J'ai parlé de façon non officielle avec le personnel des ministères provinciaux des Ressources naturelles, de l'Environnement, des Affaires municipales, et l'ensemble de leur personnel soutient le plan. Cela n'a jamais été formellement établi, parce que le monde a chaviré le 2 septembre quand le ministre et les groupes environnementaux se sont manifestés.
Je connais la majorité de ces groupes environnementaux. Ce sont de bonnes personnes qui travaillent sur de bonnes politiques, mais je vais déclarer qu'elles n'ont pas tous les renseignements nécessaires pour comprendre ce qu'est le parc urbain national de la Rouge. Lors de notre première rencontre, en 2008, avec le directeur de la planification de Parcs Canada d'alors, M. Doug Stewart, il a dit oui, nous sommes intéressés à travailler afin que ce parc fasse partie de Parcs Canada, mais assurons-nous que le parc de la Rouge ne peut pas respecter les normes d'un parc national. C'est pourquoi ce parc s'appelle le parc urbain national de la Rouge. Il est en mesure de respecter ces normes. Son intégrité en tant que ressource naturelle a été bouleversée pour un certain nombre de raisons. L'agriculture est l'une de ces raisons, même s'il s'agit d'un bouleversement favorable.
Il y a une évolution. Un parc à ferraille se trouve au milieu du parc, tout comme un zoo, qui est adjacent à un site d'enfouissement. Tous ces éléments sont en cours de restauration, mais ils ne respectent pas les critères. L'avocat des groupes environnementaux a analysé la Loi sur les parcs nationaux du Canada, la législation provinciale sur les parcs et les normes nationales et a dit que le parc ne respectait pas les normes. Tout le monde qui participe aux activités du parc savait qu'il ne pouvait pas respecter ces normes, mais il peut tout de même respecter des normes élevées.
Je dirais que peut-être que selon les critères d'une personne, il obtient un A+ et, selon les critères d'une autre, il obtient un A. Nous ne savons pas; nous avons des arguments des deux côtés. Nous savons de façon générale que Parcs Canada peut exploiter ce parc urbain conformément à des normes élevées.
Si nous voulons trouver ce genre de critiques afin de tout arrêter, c'est une chose. Si nous voulons dire oui, nous reconnaissons que vous avez des préoccupations, la préoccupation la plus importante étant celle que vous avez mentionnée, soit d'établir l'objectif, ou l'utilité, prioritaire. Kim a mentionné cela plus tôt.
SNAP, organisme pour lequel j'ai beaucoup de respect, dit : « Oui, nous aimons le terme "santé de l'écosystème" pour parler de l'évaluation de la mesure dans laquelle vous respectez les normes. Toutefois, nous croyons que la priorité de tous les parcs nationaux devrait être de protéger la santé environnementale et l'intégrité écologique avant tout. » Cela ne s'applique pas concrètement dans le parc de la Rouge. Cela s'applique concrètement dans le contexte naturel d'un parc sauvage où rien n'a été bouleversé, que ce soit une île sur la côte Est ou une région de l'Arctique, mais pas dans ce parc.
On ne peut réellement pas respecter ces critères. C'est ce que veulent certains des groupes environnementaux. Si vous dites que la priorité est toujours de protéger le patrimoine naturel, alors l'exploitation des fermes sera toujours une source de conflits, un objectif ou deux seront toujours opposés les uns aux autres. Nous avons parlé de Bead Hill, un lieu de sépulture autochtone. Si nous disons que la protection du patrimoine naturel l'emporte sur la protection d'un lieu historique national, selon moi, il ne s'agit pas d'un bon ordre des priorités.
La leçon d'histoire n'a pas fait mention du fait que les principaux colonisateurs du parc de la Rouge étaient des mennonites qui sont venus de la Pennsylvanie parce qu'ils étaient en désaccord avec le quatrième amendement permettant de porter une arme. Ils sont venus ici et y sont demeurés. Ils y font de l'agriculture depuis 200 ans. Ce sont des gens merveilleux. La ferme entière est un lieu historique. Les fermes originales sont incroyables, pas aussi vieilles qu'au Québec, mais vieilles de quelques centaines d'années.
Si nous devons dire que la protection du patrimoine naturel primera toujours dans les conflits touchant les diverses utilisations du parc, alors ce serait vraiment dommage. Je serais d'accord s'il s'agissait de l'endroit où aménager un sentier, mais pas quand il s'agit de protéger la culture et les terres agricoles.
C'est pourquoi nous en sommes arrivés à plusieurs priorités qui sont d'importance égale, y compris la culture, l'agriculture et le patrimoine naturel. Si vous observez l'ébauche du plan, le patrimoine naturel vient toujours en premier, mais il n'a pas la prédominance qu'il aurait dans un parc national. Cela est prévu dans la conception, et, fait plus important encore, il s'agit de comprendre ce qu'est le parc de la Rouge.
Je soutiens qu'une partie des personnes qui formulent des critiques ne comprennent pas. Elles n'ont pas parcouru les terres à pied comme l'ont fait d'autres et ne connaissent pas l'utilité du parc.
M. Noonan : Je ne peux rien ajouter à ce qu'a dit M. Wells. Il l'a dit de façon très éloquente, et je suis d'accord avec lui.
Le sénateur Eggleton : Le terme « intégrité écologique » revient souvent. Vous avez parlé du Plan de la ceinture de verdure, mais le protocole d'entente entre la province et le gouvernement fédéral établit que le parc doit respecter ou excéder les exigences des politiques provinciales, y compris les politiques établies dans le Plan de la ceinture de verdure, du Plan de conservation de la moraine d'Oak Ridges et du Plan de croissance pour la région élargie du Golden Horseshoe. J'ai des extraits de ces trois plans, et ils parlent tous d'intégrité écologique, y compris le Plan de la ceinture de verdure.
Voici ce qu'on y dit :
Les politiques du système naturel protègent les zones du patrimoine naturel, les éléments hydrologiques et les éléments du relief [...] qui ensemble appuient la biodiversité et l'intégrité écologique globale.
Cela est tiré directement du Plan de la ceinture de verdure.
Tout le monde réalise que cette propriété peut être utilisée de plusieurs façons. Il y a des fermes, il y a des lieux patrimoniaux. En passant, Altona Forest, le groupe de M. Noonan, a aussi intégré le terme « intégrité écologique » à son plan de gestion. Tout le monde comprend qu'il y a plusieurs utilisations ici, mais pourquoi croyez-vous qu'une interprétation stricte qui s'appliquerait à l'ensemble des propriétés sera faite?
Les propriétés agricoles sont là depuis un certain temps. Elles peuvent être protégées par le zonage, n'est-ce pas? Pourquoi cette intégrité écologique constitue-t-elle une telle menace pour ce que vous voyez comme une préservation de ce qu'il y a dans le parc?
M. Wells : J'hésite à parler au nom de Parcs Canada parce que ses représentants l'expliquent bien mieux que moi.
Dans la législation de Parcs Canada et dans la documentation relative aux parcs nationaux, « intégrité écologique » a une signification et une portée très spécifiques, et la documentation donne des exemples précis de la façon dont ce terme doit être interprété. Cela porterait à confusion que Parcs Canada utilise un terme pour définir deux réalités différentes, la situation normale d'un parc sauvage et un parc urbain. Les intervenants préfèrent utiliser les mots « santé de l'écosystème ». Plusieurs des groupes qui ont signé ce formulaire ont aussi utilisé cette définition. D'autres l'utilisent d'une manière plus générique : « La crème glacée a bon goût. » Ils ne mentionnent pas la saveur de la crème glacée.
C'est un terme plus général. La Loi sur la ceinture de verdure mentionne cela, et elle dit aussi que, dans la région du parc de la Rouge, le plan relatif au parc de la Rouge aura préséance sur les politiques de la Loi sur la ceinture de verdure, et le plan relatif au parc de la Rouge n'utilise pas le terme « intégrité écologique ». Il mentionne à un endroit le mot « intégrité ». Différentes lois utilisent ce terme à plusieurs reprises. Il ne s'agit pas d'un terme scientifique absolu, même si Parcs Canada a déployé certains efforts pour expliquer ce qu'il signifie dans sa documentation et sa législation.
Je crois que pour le parc dans son ensemble, il s'agit d'un enjeu, et on en a parlé tellement en détail que les eaux rouges du parc de la Rouge deviennent vaseuses. Je comprends que Parcs Canada souhaite se pencher plus étroitement sur cette formulation, et c'est ce qu'il a fait. Toutefois, nous n'avons pas vu l'avantage des modifications proposées à apporter à l'ébauche, et nous n'avons pas vu, malheureusement, l'opinion de la province concernant le changement. Elle dit : « vous ne respectez pas nos normes », mais elle n'a pas communiqué ces normes à Parcs Canada, donc, nous ne faisons que du sur place.
Le sénateur Eggleton : Pourquoi les parties doivent-elles absolument s'entendre là-dessus?
M. Wells : Il y a quelques jours, j'ai vu le premier ministre Prentice à la télévision, un ancien ministre de l'Environnement, et il a dit — venant de Jim Prentice, j'ai trouvé cela fabuleux — que le problème au Canada, c'est que les gouvernements ne travaillent pas assez en collaboration et ne respectent pas les opinions des autres parties afin de tirer des conclusions raisonnables. C'était la journée avant que je vienne à Ottawa. J'ai dit que j'aurais souhaité qu'il reste aux alentours et dise cela ici. En passant, il aurait préféré que Fish Creek, un parc provincial à Calgary, devienne le premier parc urbain — c'est un magnifique endroit.
Nous devrions être en mesure de trouver des solutions à ce sujet. Les deux points de vue ne sont pas si éloignés l'un de l'autre.
Le sénateur Mitchell : Fish Creek serait un bon choix, tout comme le système de parcs d'Edmonton, qui est fantastique.
Je m'intéresse aux politiques dont vous parlez, madame Empringham. C'est de la pure spéculation, mais il me semble que, de façon générale, les gouvernements ne plient pas face aux pressions des groupes environnementaux, donc, on ferait un peu de politique ici. Des pressions sont-elles exercées par des promoteurs-constructeurs qui seraient contre ce parc? Quels sont les enjeux politiques liés à au fait d'être en désaccord avec ce parc, outre les préoccupations de certains groupes environnementaux, dont je ne minimise pas l'importance?
Mme Empringham : Je ne crois pas que ce parc est un enjeu politique. Je crois qu'il s'agit de politique générale. Je crois que si l'Ontario et le gouvernement fédéral pouvaient mieux s'entendre — j'ai entendu qu'il s'agit de l'enjeu dont ils ont décidé.
Le sénateur Mitchell : Si la première ministre de l'Ontario et le premier ministre pouvaient s'asseoir et parler de cela, peut-être — le fait que cela n'arrive pas n'est-il pas intéressant?
Mme Empringham : C'est ce que je me demande. Il y a des liens personnels étroits entre le ministre Duguid et l'un des groupes. Dans la première lettre dans laquelle il s'est exprimé, il a dit qu'il avait rencontré les intervenants. Eh bien, il n'avait pas rencontré les gens qui vivent dans le parc; il n'avait pas rencontré les agriculteurs. Il avait rencontré un petit groupe d'environnementalistes. À la suite de beaucoup de pression, il a rencontré la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, mais c'était dans le cadre d'une discussion en table ronde où les autres groupes environnementaux étaient présents. C'était une seule rencontre, même s'il a parlé de nous dans une lettre, et, dans des lettres plus récentes, il a dit que l'agriculture se poursuivrait dans le parc alors qu'il soutient aussi le ou les groupes environnementaux qui souhaiteraient toujours que le corridor de 600 mètres soit mis en place dans l'ensemble du parc. Si ce corridor est mis en place, il passera à travers des terres agricoles.
Donc, il aurait raison de dire que les agriculteurs ne seraient pas expulsés, mais, si vous avez un corridor de 600 mètres qui passe au milieu de votre terre, il est peu probable que votre ferme puisse être viable, donc, il joue avec les mots, je crois.
Le sénateur Mitchell : Merci.
Le sénateur Enverga : J'aimerais poursuivre sur votre déclaration selon laquelle nous devons adopter le projet de loi tout de suite parce qu'il faut s'occuper tout de suite des terres agricoles et du développement du parc.
Je sais qu'il faut prendre certaines mesures concernant la faune. De votre côté, monsieur Wells et monsieur Noonan, pourquoi pensez-vous que nous devons adopter le projet de loi tout de suite et que Parcs Canada devrait prendre immédiatement le contrôle? Pourquoi cela doit-il se passer ainsi? Nous n'avons pas besoin de prendre davantage de retard.
M. Noonan : Ma préoccupation principale, c'est la surveillance. Actuellement, il n'y a aucune surveillance là-bas. Nous avons été témoins de chasse à l'arbalète. Il y a deux semaines, un randonneur et moi avons trouvé une flèche logée dans une clôture directement sur le sentier Mast. Comme je l'ai déjà dit, cette flèche aurait pu transpercer l'œil de quelqu'un. Cette flèche en particulier ne pourrait pas tuer un cerf, même si ce type de flèche a déjà été trouvé là avant.
Il y a beaucoup de choses interdites qui se font dans le parc. J'ai vu des gens voler des crosses de fougère. Quand j'ai appelé les policiers, ils m'ont simplement demandé si les personnes en question étaient là et où elles étaient, et, pour être honnête, je n'étais pas en mesure de leur dire par où entrer afin d'attraper ces gens.
Il y a beaucoup de choses comme ça qui arrivent et qui sont totalement illégales. Laisser la question en suspens plus longtemps ne fera qu'aggraver le problème.
Il y a d'autres choses. Bon nombre de sentiers s'érodent. Je suis allé en randonnée avec des gens de Parcs Canada qui ont dit que ce sentier est en mauvais état et qui m'ont dit ce qu'il faudrait faire pour arrêter l'érosion. L'un des sentiers, par exemple, est érodé si profondément que, quand vous le suivez, vous pouvez à peine voir les côtés du sentier où il se trouvait avant. Le problème est aussi grave que ça. Il y a des mesures qui auraient pu être prises.
Il y a un pont dont une partie de l'extrémité est totalement effondrée. Cela a été porté à l'attention du gouvernement de l'Ontario, et rien n'est arrivé. Cela doit être réparé avant que quelqu'un ne se blesse gravement.
Certains pêcheurs dans le parc sont totalement irresponsables; bon nombre d'entre eux sont responsables, mais certains ne le sont pas. Un chien a avalé un hameçon lors d'une marche avec son maître, et il a fallu payer 3 200 $ en frais médicaux pour sauver la vie du chien. L'hameçon se trouvait par terre sur le bord de la rivière, juste à côté du sentier où ils marchaient.
Nombre de choses illégales se passent; M. Wells pourrait peut-être parler de nombreuses autres choses. Si on ne s'en occupe pas, cela va seulement s'aggraver.
M. Wells : Actuellement, nous avons formé un groupe de personnes veillant à l'application des règlements dans le parc. On trouve sur place trois services de police — Toronto, Markham et Pickering, trois groupes d'application des règlements ainsi que les offices de protection de la nature, les groupes provinciaux et la Toronto and Region Conservation Authority. Tous ces groupes sont là, et il est difficile de faire en sorte que la bonne personne soit là au bon moment.
La chasse dans le parc et l'abus de ces privilèges constituent un enjeu important. Toutefois, nous avons un budget alloué, et nous avons un plan relatif au parc qui établit que nous devons construire cinq ponts afin d'atteindre l'objectif d'avoir un sentier qui relie le lac Ontario à la moraine d'Oak Ridges. L'infrastructure est là; des stationnements sont fermés l'hiver parce qu'il est trop dangereux de les utiliser dans la Ville de Toronto, par exemple, Twyn Rivers, qui fait partie de Scarborough. Parcs Canada a pris l'engagement de travailler avec le gouvernement provincial sur la qualité de l'eau, la protection du système aquatique et d'autres règlements.
Selon mon expérience, quand vous faites arrêter les choses, il est difficile de les relancer, et il faut beaucoup de temps pour céder un terrain.
La Société immobilière de l'Ontario est un groupe qui pèse assez lourd dans la balance. À Uxbridge, nous avons tenté d'obtenir certaines terres dont le gouvernement a pris possession et d'arrêter la cession à des fins de développement pendant huit ans, ce que nous n'avons toujours pas réussi à faire.
Je crois qu'il serait très néfaste de nous arrêter sur notre lancée. Tout le travail relatif à la cession a été fait. Tout est prêt à partir. Les parties devraient être en mesure de se rassembler et d'établir une définition concernant la santé de l'écosystème que peuvent accepter les autres. Je ne vois pas pourquoi cela doit être complètement arrêté. Je crois qu'on devrait aller de l'avant, et que nous devrions adopter ce projet de loi durant la présente session et continuer à travailler ensemble sur le plan relatif au parc.
Pour ceux qui souhaiteraient arrêter — si nous adoptons le plan relatif au parc maintenant, si vous l'adoptez, et qu'un autre gouvernement est élu dans un autre mandat, il pourra toujours modifier la loi, mais pourquoi arrêter les choses? Pourquoi stationner la voiture sur le côté de la route et la laisser rouiller quand vous pouvez rouler vers la victoire?
Le sénateur Eggleton : L'idée de rouler vers à la victoire m'intéresse, mais bon nombre de problèmes dont vous parlez concernent des terres provinciales, et ne seront pas intégrés dans le projet de loi C-40. C'est le principal problème.
M. Wells : Si je peux me le permettre, monsieur, c'est un peu un mythe. Ces terres provinciales, dont le gouvernement a, pour une raison ou une autre, pris le contrôle, ont été remises à la Toronto and Region Conservation Authority au cours des 10 dernières années en différentes étapes. Certaines terres ont été remises à la Ville de Markham. La province dit qu'elle a le droit de refuser toute autre cession. Une femme, la mairesse de Brampton, Linda Jeffrey, a pris une entente quand elle était la ministre des Ressources naturelles, et je m'attends à ce qu'elle approuve la cession. Les recommandations formulées par chaque ministère ont été approuvées. Maintenant, les gens qui ont payé pour faire fonctionner le parc durant toutes ces années et qui en étaient les gestionnaires se sont fait dire : « tassez-vous, nous allons prendre le contrôle du parc » par des personnes qui n'ont pas investi dans le parc et n'ont pas géré le parc dans les 10 dernières années. Tout d'un coup, ils veulent l'arrêter? Pourquoi? Tout le monde pensait, y compris la province et le bureau de la première ministre, ainsi qu'une personne qui est très occupée actuellement à Ottawa et qui était le conseiller en chef du premier ministre McGuinty — ces personnes ont toutes dit qu'il s'agissait d'une bonne idée, et c'est toujours une bonne idée, et je ne vois pas pourquoi nous l'arrêterions.
Le sénateur Eggleton : Tout le monde s'entend pour dire qu'il s'agit d'une bonne idée. C'est la législation.
Le sénateur Massicotte : J'ai une petite question supplémentaire concernant ce que vous venez de dire. Vous avez dit que c'est un mythe de dire que les terres de l'Ontario ont réellement été assignées, ou que l'administration de ces terres a été confiée à la Ville de Markham?
M. Wells : Markham et la Toronto and Region Conservation Authority.
Le sénateur Massicotte : Par conséquent, tout ce que l'Ontario avait, c'était le droit de premier refus?
M. Wells : Il y a une parcelle, soit les East Markham Lands, qui est toujours détenue par l'Ontario, mais la plus grande partie de ces terres a été gérée par la Toronto and Region Conservation Authority, et elle est inscrite sur le titre de propriété qu'elle détient.
Le sénateur Massicotte : D'après ce que je comprends, Markham est en accord avec le projet de loi.
M. Wells : Oui, et la Ville de Toronto possède certaines terres, et elle est d'accord avec le projet de loi.
Le sénateur Massicotte : Par conséquent, même si la province de l'Ontario se mettait à l'écart et disait qu'elle n'est pas d'accord, contrairement à ce que j'ai compris, vous avez dit qu'un très grand pourcentage des terres serait cédé malgré le différend, sauf si la province a réellement le droit de premier refus. Est-ce exact?
M. Wells : C'est exact. La Ville de Toronto possède une certaine partie des terres, mais la majorité des terres ont été cédées à l'office de protection de la nature et aux villes afin qu'ils les gèrent, paient et en soient responsables. L'Ontario a le droit de premier refus concernant toute cession. La province exerce maintenant ce droit. Nous indiquons dans notre lettre ici que l'Ontario exerce un contrôle sur les terres. Si l'Ontario voulait vraiment faire cela, il pourrait reprendre le parc et exploiter un parc provincial et payer ce que cela suppose, mais il a aussi dit : « Nous n'avons pas l'argent pour faire cela. »
Le sénateur Massicotte : Merci.
Le président : Merci beaucoup, tout le monde, de vos présentations. Elles étaient très intéressantes. Il y a eu de bonnes questions et de nombreuses bonnes réponses. La séance est levée.
(La séance est levée.)