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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 26 - Témoignages du 26 mars 2015


OTTAWA, le jeudi 26 mars 2015

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 1, pour poursuivre son étude sur le développement des énergies renouvelables et non renouvelables dans les trois territoires du Nord, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld, je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je suis le président du comité.

Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public ici présents dans la salle ainsi qu'aux Canadiens et Canadiennes qui nous regardent à la télévision. Je rappelle aux spectateurs que les séances du comité sont ouvertes au public et peuvent également être regardées sur le Web au site sen.parl.gc.ca. Vous trouverez de plus amples renseignements sur le calendrier de comparution des témoins sur le site web, sous la rubrique « Comités du Sénat ».

Je demanderais aux sénateurs de se présenter. Je commencerai en présentant le vice-président, le sénateur Paul Massicotte du Québec.

Le sénateur MacDonald : Je suis Michael MacDonald de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Sibbeston : Je suis Nick Sibbeston et je représente les Territoires du Nord-Ouest.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Je m'appelle Pierrette Ringuette, sénatrice du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Je suis Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Patterson : Je m'appelle Denis Patterson, et je suis du Nunavut.

Le président : J'aimerais maintenant présenter notre personnel, en commençant par la greffière, Mme Lynn Gordon, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Marc LeBlanc.

Le 4 mars 2014, le Sénat a permis à notre comité d'entreprendre une étude sur le développement des énergies renouvelables et non renouvelables, y compris le stockage, la distribution, la transmission et la consommation d'énergie, de même que les technologies émergentes, et ce, dans les trois territoires du Nord.

Aujourd'hui, j'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à M. David Morrison, qui témoignera pendant la première moitié de notre séance. M. Morrison comparaît devant nous aujourd'hui en tant que résidant de longue date du Yukon, y ayant pris sa retraite de son poste de président et PDG de la Société d'énergie du Yukon à la fin de 2014, après 10 années de service. Certains membres du comité se souviendront peut-être que nous avons rencontré M. Morrison pour la première fois à Whitehorse en mai 2014 lors de notre voyage dans les trois territoires du Nord.

Monsieur Morrison, merci d'être venu aujourd'hui. Nous avons hâte de vous entendre. Une fois que vous aurez terminé votre déclaration, nous passerons aux questions et réponses. Vous avez la parole.

David Morrison, à titre personnel : Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous demanderais de me pardonner la qualité de ma voix, car je suis enrhumé depuis quelques jours. Mis à part cela, je me plais bien dans ma retraite, si je peux me permettre cette observation comme entrée en matière.

Mesdames et messieurs, je n'ai pas de longue déclaration à vous faire, mais j'aimerais avancer certains points qui, espérons-le, alimenteront notre conversation ce matin.

Tout d'abord, je crois que le travail qu'effectue le Sénat, ainsi que celui du comité, est très important, car personne dans le Nord n'a la même perspective d'ensemble vis-à-vis de ce thème que vous. Je ne dirais pas que c'est le sujet d'actualité le plus brûlant dans le Nord actuellement, car il y a beaucoup de pain sur la planche au chapitre de la gouvernance, et ce, dans chacun des trois territoires, mais la question de l'énergie et de l'environnement sous-tend presque toutes les autres. Je vous félicite, en tant qu'organisation, de vous pencher sur cette région, de choisir une perspective qui englobe tout le Nord, et d'effectuer une analyse claire et objective des problèmes auxquels le Nord est confronté dans ces domaines. Votre travail est très important.

Il y a quelques problèmes. J'hésite presque à en parler, tellement ils sont évidents. Lorsque l'on regarde le Nord, on constate une certaine réalité. Les vastes distances entre les collectivités, qui sont petites et ne sont pas reliées par la 401 ou les autoroutes qui traversent Ottawa. Les collectivités bénéficient certes du transport aérien, mais dans le sud du Canada, l'approvisionnement en énergie est assuré en vrac par de grands fournisseurs, ce qui crée d'énormes économies d'échelle.

Il y a Hydro One, le principal fournisseur de l'Ontario. Vous avez de grandes sociétés de production d'énergie qui alimentent le système d'approvisionnement et qui tirent profit de ces économies, et vous avez de grands centres qui sont relativement près des installations.

La situation dans le Nord est tout autre, même si Whitehorse et, dans une certaine mesure Yellowknife, font exception à la règle. Les centrales hydroélectriques sont situées tout près de ces villes, sinon à l'intérieur de celles-ci. Les collectivités bénéficient des économies d'échelle offertes par ces installations, mais le reste des territoires n'est pas si bien nanti.

En étudiant l'histoire de la région, mise à part la prévoyance qui a servi à construire les centrales hydroélectriques existantes, en général destinées à alimenter les mines dans le passé, on se rend compte que l'approche a toujours consisté à se dire : « Faisons ce qu'il y a de plus facile. » Le plus facile, c'était de faire venir du diesel par camion, bateau ou avion. À l'époque, le prix était abordable, même s'il n'était pas le plus intéressant, et on a fait ce qui était le plus facile. De nos jours, lorsqu'on tente une approche différente, il faut concurrencer les systèmes déjà en place, et prévoir les coûts de remplacement de l'infrastructure ainsi que les frais d'exploitation qui sont peut-être différents.

Il me semble que les énergies renouvelables, même si elles sont accompagnées de certains défis, sont la solution. À propos, nous devons tous arrêter de penser au présent et plutôt songer à ce que sera l'avenir et comment nous pouvons nous y préparer et prendre les mesures nécessaires qui tout au moins auront un effet durable dans l'avenir.

Ce qui est important dans le cadre de votre étude, c'est trouver le chemin pour certaines des très petites collectivités qui doivent payer des tarifs exorbitants du fait qu'elles sont contraintes à une solution qui était la plus facile il y a 40 ou 50 ans. Nous n'avons pas vraiment pensé aux diverses solutions de rechange qui pourraient permettre à ces collectivités d'avancer, de se sevrer du diesel et de trouver des sources d'énergie moins chères.

En dernier lieu, je vous dirais que la solution à retenir aujourd'hui n'est peut-être pas celle qui coûte le moins cher. J'espère que vous y accorderez tout au moins quelques instants dans vos délibérations. Il faudrait peut-être trouver un moyen de subventionner les coûts pendant une certaine période de temps afin qu'une collectivité puisse assumer des frais qui sont plus élevés aujourd'hui, mais qui baisseront dans l'avenir et deviendront avantageux.

Je vais prendre l'exemple de l'énergie hydroélectrique. La centrale Mayo a été construite en 1951. En 1951, les coûts de construction de cette centrale hydroélectrique de 5 mégawatts devaient sembler énormes pour une toute petite collectivité. La collectivité avait la chance d'avoir une mine pas loin, même si la mine n'était pas très grande. À son plus fort, la mine avait des centaines d'employés, et non des milliers.

L'énergie hydroélectrique est propre, c'est son grand avantage. Il se peut que cette énergie ne soit pas verte dans le sens le plus strict du terme, mais c'est une énergie propre. Les coûts en capital élevés de construction doivent être assumés par quelqu'un, mais au fur et à mesure que le temps avance, la centrale continue de produire de l'énergie avec la même efficacité. Les coûts baissent à presque un angle de 30 degrés. Après 10 ou 15 années d'existence, les coûts associés à la centrale hydroélectrique semblent très raisonnables.

Je ne dis pas que ce soit le modèle, mais j'encourage le comité à réfléchir sérieusement non seulement aux options qui s'offrent, mais aussi à la manière dont les résidants du Nord peuvent les payer. Je considère que les gens doivent payer la facture; je ne vous demande donc pas de recommander que le gouvernement paie tout cela, ce que je suis certain que vous feriez, car le gouvernement a beaucoup d'argent. Comment procède-t-on? Comment pouvons-nous réaliser dans les communautés des projets pilotes qui pourraient nous permettre de connaître les avantages et les inconvénients de ces nouvelles technologies au chapitre du coût?

C'était là mon exposé, monsieur le président. Je répondrai à vos questions avec plaisir.

Le président : Merci beaucoup de cet exposé. Nous commencerons par le vice-président, le sénateur Massicotte.

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Morrison, de comparaître de nouveau devant nous. Nous attachons de toute évidence une grande valeur à vos conseils et à vos observations.

J'ai bien entendu votre premier commentaire sur l'importance de notre travail. C'était facile. Mais permettez-moi de contester un peu votre deuxième point, et j'exagérerai certaines choses pour vous permettre d'aller plus loin dans vos conclusions.

Vous avez indiqué que le Nord est froid, qu'il est essentiellement un territoire géographique extrêmement vaste...

M. Morrison : Et peu peuplé.

Le sénateur Massicotte : ... qui est peu peuplé. Les gens parlent toujours des coûts élevés de l'énergie, qui réduisent les occasions de développement et d'autres possibilités.

Compte tenu de ces réalités, que nous examinons et que nous continuons à avoir à l'œil, vous avez évoqué les énergies renouvelables. Parlons de l'énergie éolienne. Certains endroits sont prometteurs, mais ce n'est pas évident. Certains exemples montrent que les pales gèlent; c'est un obstacle qui complique les choses.

Quant à l'énergie solaire, les coûts sont en chute libre dans le monde, mais comme vous le savez, l'ensoleillement est insuffisant pendant bien des périodes dans le Nord, ce qui signifie qu'il faut disposer quand même d'une énergie redondante.

Les granulés de bois semblent prometteurs à certains endroits, comme vous le savez. Cette énergie est utilisée. Nous ignorons pourquoi elle n'est pas employée partout ailleurs, mais elle l'est à certains endroits.

L'hydroélectricité, vous le savez, ne peut fonctionner à bien des endroits. Nous ne sommes pas tellement certains que le courant ou l'énergie soient adéquats.

Je sais que les coûts de l'énergie sont élevés, et c'est là où le bât blesse. Mais tout est relativement cher comparativement aux prix qui ont cours dans le sud, peut-être parce que ces prix sont trop bas; ils sont environ les mêmes qu'à New York, mais inférieurs à ceux de bien des régions d'Europe, et la situation évolue.

Que faire, alors? La pensée magique, c'est bien joli, mais quelle est la vraie solution? Si vous aviez à écrire un rapport, que conseilleriez-vous?

M. Morrison : Sénateur, il y a un ou deux points, et je pense que nous en avons discuté.

Les résidants de Whitehorse paient probablement environ le même taux que vous. Whitehorse fait-elle vraiment partie de l'équation? Le Nord présente un large éventail de problèmes.

Si je vous aidais à rédiger ce rapport, j'indiquerais notamment qu'il n'existe pas de panacée ou de solution miracle, et qu'il faudrait que vous examiniez les attributs de chaque solution. Peut-être que la solution s'appliquerait à de petites régions ou peut-être même de grandes communautés, mais il existe des moyens de faire les choses qui permettront de réduire les coûts dans une certaine mesure à quelques endroits.

Même si l'énergie éolienne n'est pas nécessairement la solution, elle pourrait convenir dans certaines régions. La formation de givre constitue un problème « pArcticulier », mais il ne se manifeste pas dans les vallées. Ce phénomène s'observe davantage au sommet des montagnes.

Dans quelles communautés les granulés de bois conviendront-ils? Où le gaz sera-t-il approprié? Y a-t-il des communautés suffisamment grandes pour incinérer les déchets, les rebuts afin de produire de l'énergie? Il existe de l'équipement pour incinérer les déchets et les rebuts, auxquels on peut ajouter les résidus ligneux. N'allez pas dire que j'ai affirmé que ce sont des granulés de bois, mais au moins des copeaux et de la sciure, qu'on peut mélanger, comme j'ai pu l'observer.

Le problème, dans les petites communautés du Nord, c'est que le côté économique n'y est probablement pas beaucoup mieux aux étapes initiales que dans le système actuel. Donc si tout est une question de coût, si on fait une comparaison économique par rapport aux premiers jours en escomptant un remboursement sur cinq, six ou sept ans, comment permet-on aux gens de passer de la norme actuelle à celle de demain si l'on veut que l'environnement soit plus sain? Je dirais que nous disposons d'un éventail de solutions, dont certaines seront tout aussi onéreuses.

Comment les gouvernements territoriaux peuvent-ils financer ces communautés ou ces projets tout en faisant payer les consommateurs?

Le sénateur Massicotte : Si le remboursement s'effectue sur cinq à sept ans, je pense qu'on pourrait aisément trouver des solutions.

M. Morrison : Bien sûr. Je le pense aussi.

Le sénateur Massicotte : Cela dit, comment y parvenir? Nous ne sommes pas ingénieurs et nous n'avons pas les outils pour chercher la réponse. Que fait-on? Comment parvenir à implanter un système qui permet d'exploiter la meilleure source d'énergie en dépit du fait que le coût du pétrole a diminué de moitié ces derniers temps? J'ai entendu dire ce week-end qu'il y a pour 300 ans de gaz naturel aux États-Unis. Cela fait beaucoup de gaz naturel.

M. Morrison : Je devrais peut-être corriger mes propos, car j'ai peut-être employé certains termes.

Le prix du pétrole est maintenant plus bas, et d'après le travail que j'avais entrepris avant de quitter la Société d'énergie du Yukon, je dirais que je comprends le gaz naturel liquéfié et l'approvisionnement en gaz au pays aussi bien que j'en ai certainement besoin, et le gaz naturel abonde, même assez près du Nord.

Je ne pense pas que le gaz naturel ou le pétrole soient des solutions à rejeter. Je considère qu'ils font partie de l'éventail de solutions que vous devez étudier afin de tenter d'en trouver une qui fonctionne, selon la situation. Il faudra peut-être recourir pendant un temps à l'approvisionnement en diesel ou en gaz naturel liquéfié pour alimenter certaines communautés, mais d'après le travail que j'ai vu, le gaz permettra au moins de réduire certains coûts. Vous avez l'occasion de le faire. Vous pourriez ensuite envisager d'autres solutions pendant que le coût de l'énergie diminue.

Je pense que le défi consiste à examiner la situation non seulement dans son ensemble, mais aussi du point de vue régional afin d'étudier les solutions possibles et de voir si elles peuvent constituer des solutions collectives.

J'aurais également dû faire remarquer que nous devons trouver un moyen d'utiliser notre énergie plus efficacement, même si nous allons l'utiliser. Il ne faudrait pas que nous utilisions l'énergie, mais gaspillions la chaleur dans les communautés qui ne disposent pas de système de chauffage communautaire ou central. Nous devrions utiliser cette chaleur.

La sénatrice Seidman : Il ne fait aucun doute que dans le cadre de la présente étude, nous avons découvert qu'il est extrêmement difficile de trouver des moyens d'approvisionner le Nord en énergie fiable, durable et efficace. Je pense que vous nous avez parfaitement bien expliqué comment nous devrions envisager des solutions adaptées à chaque région au lieu de brosser un tableau global, car la situation varie considérablement d'une région à l'autre. Je vous en remercie.

J'allais vous interroger au sujet des modèles internationaux et vous demander si vous vous étiez intéressé aux autres pays de l'Arctique pour voir ce qu'ils font pour tenter d'exploiter une énergie efficace, fiable et durable. J'aimerais toutefois donner suite à vos derniers propos sur l'efficacité énergétique et vous demander quelles mesures peuvent être prises pour encourager les résultats à cet égard.

M. Morrison : Il y en a plusieurs. Je tenterai de répondre à vos deux questions ensemble parce que c'est un aspect auquel je me suis beaucoup intéressé.

Pour vous donner un exemple, nous avons envisagé d'incinérer de façon économique les déchets destinés à la décharge de Whitehorse ou qui s'y trouvent afin de produire de l'énergie. J'ai cherché l'équipement pour le faire, et il se trouve en Écosse. J'ai parlé avec des employés de la Scottish Environment Protection Agency qui accordent des permis pour utiliser cette technologie, et ils considéraient que ce permis était vraiment simple à obtenir. Il existe un ensemble donné de critères; quiconque ne satisfait pas aux seuils n'obtient pas de permis, et ceux qui y satisfont en obtiennent un.

Le point le plus important dans le cadre de notre discussion, c'est que si ce promoteur — je ne me souviens plus de qui il s'agit — avait dû vendre la chaleur de trois à six mois après l'ouverture de l'usine et avait jugé que c'était inefficace, il aurait fermé l'usine. Il ne l'aurait pas laissée fonctionner inefficacement, et il considérait que la simple vente d'électricité ne constituait pas une utilisation efficace de l'énergie qui y était produite.

C'est essentiellement la même chose en Suède. Ne vous laissez pas abuser par le fait que ce pays affirme être le producteur d'énergie le plus propre et le plus vert de toute la planète, alors qu'il est branché, pour assurer un approvisionnement auxiliaire, au réseau de transmission de la Baltique, qui est à peu près le plus polluant du monde. Mais il faut vraiment féliciter les Suédois de prendre les mêmes mesures pour exploiter pleinement l'énergie disponible dans les communautés. Quand on examine des projets, comme nous l'avons fait, qu'ils concernent les déchets, l'énergie géothermique ou même le gaz naturel liquéfié, on doit vraiment trouver un client qui utilisera la chaleur résiduelle. Le côté économique de ces projets dépend en grande partie non pas de l'électricité, mais de la chaleur.

Nous avons « pArcticipé » avec quelques partenaires, les Premières Nations de Champagne et de Aishihik, à un projet de petite usine d'incinération des déchets à Haines Junction, et le projet a été un échec, car il a été impossible de trouver suffisamment de clients pour utiliser la chaleur. Mais dans bien des cas, si on envisage de produire de la chaleur à partir des déchets, la quantité de chaleur qu'on peut tirer de ces usines peut avoir une incidence considérable. Si on peut réduire le prix que les consommateurs paient pour l'électricité, on diminue probablement le prix qu'ils paient pour la chaleur, car on n'achemine pas tout en double. Je sais que certaines communautés des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut ont des systèmes de chauffage central. Il n'y en a aucun au Yukon. Certains édifices sont connectés à d'anciens systèmes de combustion de la biomasse.

Je sais que vous n'avez pas de baguette magique, mais je pense que le fait que vous ayez lancé cette discussion pourrait susciter d'autres discussions. Je n'ai pas le monopole des idées, et il existe ailleurs d'excellentes idées qui pourraient faire partie de la solution.

La sénatrice Seidman : Merci. Je vous suis reconnaissante, car je pense que vous avez contribué à expliquer qu'il existe, dans d'autres pays, des modèles qui pourraient nous aider à comprendre comment nous pourrions assurer une utilisation durable, mais efficace de l'énergie dans le Nord.

M. Morrison : Sénatrice, je pense que c'est vraiment essentiel. Il faut utiliser l'énergie disponible de manière durable et efficace.

La sénatrice Ringuette : Quand vous travailliez à la Société d'énergie du Yukon, avez-vous rencontré le groupe des affaires du Nord qui s'intéresse précisément aux projets communautaires d'énergie durable?

M. Morrison : Non.

La sénatrice Ringuette : Vous n'avez pas traité de l'énergie nucléaire dans votre exposé; or, je pense que c'est une option que nous devons considérer.

Vous parlez en outre des communautés, et je considère que l'examen global que nous faisons de la situation doit inclure le développement économique potentiel, l'exploitation minière dans l'avenir et d'autres aspects. Les besoins en énergie ne concernent pas que les communautés. Que nous recommanderiez-vous pour que nous puissions inclure le développement économique dans notre prévision?

M. Morrison : Merci, sénatrice. Je me suis montré négligent en ne traitant pas du développement économique dans l'avenir. Selon moi, il s'agit du prochain point en importance dans ce dossier. Comment assurer le développement économique dans l'avenir? Dans ma carrière, j'ai passé beaucoup de temps dans le secteur de l'énergie du Nord à tenter de prédire de quoi les tendances auront l'air dans 10 ou 20 ans. C'est très difficile.

Si vous me donniez un chèque en blanc, je construirais des centrales hydroélectriques au Yukon, dans de grandes parties des Territoires du Nord-Ouest et là où je le pourrais au Nunavut. Je tenterais de réaliser des projets de la bonne ampleur. J'ai toujours pour théorie qu'on doit exécuter le bon projet de la bonne taille au bon endroit au bon moment au bon prix. Comme on ne peut pas toujours satisfaire à tous ces critères, je m'efforcerais d'être toujours un peu en avance. Je ne pense pas qu'on puisse construire une centrale de 200 ou de 300 mégawatts quand on n'en consomme que 10. Mais pourrait-on en construire une de 20 ou de 30 mégawatts si on n'en consomme que 10, puis prendre de l'expansion? Tout dépend des perspectives d'avenir.

Un des défis dans le Nord, c'est que nous bénéficions de la mise en valeur des ressources, mais que nous devons aussi composer avec les hauts et les bas de l'industrie. Il y a eu des projets miniers, mais nous savons qu'ils connaissent des hauts et des bas. Parfois, ils se concrétisent, mais pas toujours. Comment peut-on planifier en conséquence?

Si vous voulez encourager les emplois et l'économie, vous incombe-t-il de toujours fournir de l'énergie à ce secteur? Peut-être est-il temps d'envisager de nouvelles façons de faire, car quand ces projets prennent fin, qui paie? C'est la communauté. Si on construit quelque chose et que des clients mettent les voiles, c'est le reste de la clientèle qui doit payer. Voilà le défi, et il est vraiment important de réaliser un projet de la bonne ampleur.

Je construirais des centrales hydroélectriques. J'édifierais peut-être des éoliennes, auxquelles j'ajouterais une alimentation en diesel à certains endroits.

Dans les petites communautés, j'ignore comment on pourrait procéder, à moins qu'on ait accès à des lignes de transmission et à de grandes centrales hydroélectriques ou, comme vous l'indiquez, à l'énergie nucléaire. Les Territoires du Nord-Ouest n'exploitent certainement pas l'énergie nucléaire, si je me souviens bien. Je ne suis pas certain qu'on puisse l'utiliser au Yukon, même si cette énergie figurait en haut de la liste des solutions que les gens privilégiaient lors de la séance de planification en matière d'énergie de trois jours que nous avons organisée. Je tiens à vous dire que le processus réglementaire est un travail pour un homme bien plus jeune que moi.

Le sénateur MacDonald : Merci, monsieur Morrison, de comparaître. Comme vous êtes originaire du Yukon, je pense que vous avez une situation géographique quelque peu différente de celle du Nunavut au chapitre des ressources disponibles et de la manière d'y accéder.

Je remarque que dans votre rapport, vous recommandez d'utiliser davantage les poêles et les chaudières à granulés de bois dans des endroits comme le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest. Dans des régions comme le Yukon — et vous avez parlé de l'efficacité énergétique et de l'importance de ne pas gaspiller l'énergie —, devons-nous envisager de chauffer les maisons d'un point de vue différent plutôt que de fournir de l'électricité et de l'énergie pour éclairer les maisons? Voici où je veux en venir : est-ce que le Yukon produit ses propres granulés de bois?

M. Morrison : Non.

Le sénateur MacDonald : Il les importe donc. Mais rien ne l'empêche d'en produire?

M. Morrison : Aucune raison technologique ne l'en empêche.

Le sénateur MacDonald : Non. Serait-ce en raison des ressources?

M. Morrison : Non. Il pourrait y avoir une raison économique. Je l'ignore. Est-ce économiquement viable? Peut-il produire une certaine quantité et la vendre?

Le sénateur MacDonald : Arrive-t-il que toutes les conditions économiques soient réunies? C'est l'une des questions qu'on se pose dans le cadre de presque tous les projets.

M. Morrison : C'est juste.

Le sénateur MacDonald : J'aime ce que vous dites au sujet de l'hydroélectricité dans certaines régions, et j'ai aimé ce qu'a dit la sénatrice Ringuette au sujet de l'énergie nucléaire, mais évidemment, au début, les dépenses liées à l'empreinte économique sont très élevées.

M. Morrison : Elles sont très élevées, en effet.

Le sénateur MacDonald : Dans une certaine mesure, nous racontons-nous des histoires? Nous sommes-nous presque résignés à importer des sources dispendieuses de combustible carboné?

M. Morrison : Je suis conscient qu'il s'agit d'un défi important. Il n'y a pas de solution facile. Mais j'aimerais revenir sur le point que je faisais valoir, c'est-à-dire que je pense que nous avons un grand nombre de ressources inexploitées que nous n'avons pas encore examinées de manière approfondie. Permettez-moi de vous donner un exemple.

Whitehorse, et surtout la région de Riverdale, se trouve sur un aquifère d'eau tiède, et non sur un aquifère d'eau chaude. Il ne s'agit pas du type de projet géothermique qu'on peut voir dans les films, par exemple des geysers et des cours d'eau à débit élevé qui produisent des centaines de mégawatts d'énergie. Nous venons de construire une école à Whitehorse, et je vais probablement m'attirer des problèmes en disant cela, mais cette eau n'est pas chaude, elle est tiède.

Le sénateur MacDonald : Oui, mais peut-on extraire de la chaleur de cette eau?

M. Morrison : On peut extraire de la chaleur de cette eau. L'école est située sur cet aquifère. Nous aurions pu utiliser cette ressource pour chauffer l'école, mais nous ne l'avons pas fait.

Le sénateur MacDonald : Vous auriez pu installer une thermopompe pour exploiter la ressource.

M. Morrison : Exactement, mais nous ne l'avons pas fait. Le même scénario s'est produit lorsque nous avons construit la prison, mais cet édifice est chauffé aux granules de bois. Toutefois, je crois qu'on a cessé de les utiliser dans la prison; cela n'a pas duré longtemps.

J'aimerais faire valoir deux points. Tout d'abord, lorsque nous avons le choix d'utiliser d'autres technologies, un faible impact — je n'essaie pas du tout de dire que c'est une ressource que nous aurions pu exploiter. Énergie Yukon a dépensé plusieurs millions de dollars pour étudier des projets géothermiques — surtout ceux axés sur la chaleur, par exemple les geysers — et pour comprendre que ce sont des projets à risque élevé et très dispendieux, mais ils offrent certainement un potentiel.

Mais je ne parle pas de cela. Je parle d'une utilisation à petite échelle — par exemple où il y a un peu d'eau chaude — ou de trouver une collectivité à proximité d'un cours d'eau. Pourrions-nous y installer une petite turbine hydroélectrique? Je crois que la ville de Yellowknife envisageait la possibilité d'extraire de la chaleur de l'une des mines abandonnées.

Le sénateur Patterson : La mine Con.

M. Morrison : C'est exact. On parlait d'extraire la chaleur de cette mine et de l'utiliser dans un système de chauffage central.

Nous ne cesserons pas d'utiliser complètement le gaz et le diesel, mais je crois que nous pourrions réduire notre empreinte si nous nous mettions au défi de remporter de petites victoires, et non de grandes victoires, dans ce domaine.

À ma connaissance, il est certainement possible de remporter de petites victoires, par exemple dans le secteur hydroélectrique, au Yukon et aux Territoires du Nord-Ouest. J'ai visité les collectivités. Je suis au courant des défis qui se posent. À une certaine époque, je dirigeais un service public pour toutes ces collectivités. C'est très stressant de tenter de trouver des solutions.

C'est la raison pour laquelle ces travaux sont tellement importants. Vous ne réussirez sûrement pas à écrire une conclusion brillante dans laquelle vous avez trouvé la solution idéale, mais vous cernez les problèmes qui doivent être réglés et, espérons-le, d'autres personnes passeront à la prochaine étape et s'attaqueront à quelques-uns de ces problèmes.

Il faut examiner chaque région, ou chaque collectivité dans certains cas. Lorsque les gens souhaitent accomplir quelque chose, ils le peuvent. Les gouvernements peuvent les aider en éliminant les restrictions, et en utilisant les ressources disponibles lorsqu'ils construisent des édifices pour les rendre aussi efficaces que possible.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie d'être ici. Je crois que les membres du comité ont été très surpris, lorsqu'ils sont allés dans le Nord, de constater qu'on ne parlait pas beaucoup de la conservation de l'énergie et de l'efficacité énergétique là-bas, même si c'est le moyen le plus facile de réduire la consommation d'énergie. Convenez-vous qu'il s'agit d'un domaine dans lequel on pourrait apporter des améliorations, et qu'est-ce qui nous en empêche?

M. Morrison : Sénateur Patterson, je conviens tout à fait qu'il s'agit d'un domaine dans lequel on pourrait apporter de grosses améliorations. Qu'est-ce qui nous en empêche? Il y a deux ou trois choses. Je vais vous donner un exemple.

Je dirais que ces jours-ci, je ne connais pas bien les processus réglementaires en vigueur au Nunavut, mais je comprends certainement comment le processus réglementaire fonctionne au Yukon et aux Territoires du Nord-Ouest. Les coûts liés à la conservation de l'énergie assumés par les clients des services publics doivent passer par un processus.

Lors de notre dernière réunion — je suis désolé, il ne s'agissait même pas de notre réunion, mais d'une réunion de l'ATCO, car nous avons établi un partenariat avec cet organisme relativement à un système de conservation d'énergie pour le Yukon. Les membres du conseil d'administration ont refusé tous les projets à petite échelle, c'est-à-dire les initiatives résidentielles. Les grands gagnants sont les édifices gouvernementaux et commerciaux, car ce sont de gros propriétaires. Ils occupent plus d'espace, et il est donc plus facile d'obtenir un bon rendement des investissements, non seulement sur le plan de la conservation d'énergie, mais également en dollars.

Les organismes de réglementation ont souvent beaucoup de difficulté à dépenser de l'argent pour en épargner ailleurs. Je ne sais pas pourquoi. À ma connaissance, le groupe de témoins que nous avons entendus était composé de gens très compétents qui avaient participé à la conception et à la mise en œuvre de systèmes de conservation d'énergie partout au pays, et nous n'avons pas réussi à les convaincre. Ils hésitent.

L'autre façon de stimuler ces initiatives, à mon avis, c'est de mettre en œuvre des normes de construction qui forcent les gens à mener des activités efficaces sur le plan énergétique. C'est difficile pour moi d'admettre que je souhaite qu'on prenne davantage de règlements, car en général, je ne les aime pas beaucoup, mais les normes en matière de construction établies par le gouvernement doivent être plus élevées et plus rigoureuses.

En ce qui concerne les systèmes énergétiques et la conservation, nous devons commencer à envisager de partager la chaleur. Par exemple, dans un centre-ville où tous les habitants possèdent un système de chauffage, il vaut la peine de vérifier s'il est possible de relier trois ou quatre ou même une douzaine d'édifices ensemble par des tuyaux et utiliser la chaleur résiduelle. Tout le monde produit de la chaleur résiduelle, et ce serait donc plus écoénergétique.

Encore une fois, les gouvernements pourraient mener cette initiative, car ils ont le pouvoir du propriétaire ou du locataire. Lorsque le gouvernement du Yukon loue un édifice pour y installer ses ministères ou son personnel, les propriétaires devraient être tenus de respecter une norme très rigoureuse en matière de conservation d'énergie. Autrement, il se produit deux choses. Tout d'abord, si le coût du loyer est peu élevé, les coûts d'exploitation de l'édifice sont probablement extrêmement élevés, car l'édifice n'est pas très écoénergétique. Si l'édifice est écoénergétique, il se peut que le prix du loyer soit un peu plus élevé par pied carré, car le propriétaire a investi plus d'argent dans l'édifice, mais les coûts d'exploitation devraient diminuer, car il utilise moins d'énergie. Si on ajoute ensuite des programmes pour encourager les gens à fermer les lumières et à utiliser des robinets et des toilettes à faible débit d'eau, on peut faire d'une pierre deux coups. On obtient un effet double. Je crois qu'avec le temps, les gens pourraient vraiment réaliser des économies grâce à ces mesures.

Je suis d'accord. Je crois que la conservation d'énergie doit être au premier plan. Il nous faut un chef de file dans ce domaine. Le gouvernement est un propriétaire très important dans le Nord, et ce serait un bon endroit pour commencer.

Le sénateur Patterson : Le fait que vous ayez travaillé pour la Commission d'énergie du Nord canadien dans les années 1980 m'intéresse. À l'époque, les gouvernements territoriaux, et j'en faisais partie, étaient tous impatients d'acheter cette société d'État et de mettre sur pied leurs plus petites installations de services publics dans les trois territoires, en procédant service par service au cours des ans.

M. Morrison : C'est exact.

Le sénateur Patterson : Les gouvernements territoriaux ont dit à notre comité qu'ils aimeraient établir des partenariats avec les intervenants du secteur minier et avec le gouvernement fédéral pour investir dans de gros projets énergétiques dans lesquels le gouvernement fédéral jouerait un rôle. Étant donné que le gouvernement fédéral faisait partie de cette société d'État qui, je présume, était aux prises avec ces difficultés à l'époque, le gouvernement a réussi à faire le transfert en obtenant que les gouvernements territoriaux assument la dette, du moins dans le cas des Territoires du Nord-Ouest.

M. Morrison : Oui.

Le sénateur Patterson : Dans cette perspective, que diriez-vous au sujet du rôle actuel du gouvernement fédéral lorsque les gouvernements territoriaux le supplient d'augmenter le plafond de leur dette, afin qu'ils puissent investir dans l'énergie renouvelable, car ils ne peuvent pas se le permettre? Quel est le rôle du gouvernement fédéral à cet égard?

M. Morrison : C'est une question intéressante. Permettez-moi d'abord de parler du plafond de la dette, car cela me donnera le temps de réfléchir au reste de la question.

La question du plafond de la dette est un enjeu énorme dans l'exploitation des ressources renouvelables, car ce type de ressources coûte beaucoup d'argent. Je crois que je connais le plafond de la dette approximatif du Yukon ces jours- ci. Je ne connais pas celui des Territoires du Nord-Ouest ou du Nunavut. Permettez-moi de vous donner un exemple.

Si le Yukon construisait une centrale hydroélectrique de 50 mégawatts, c'est-à-dire une petite centrale qui pourrait peut-être alimenter au plus un projet d'exploitation minière et une partie d'un autre en développement, selon moi, la facture s'élèverait à 500 millions de dollars. Je suis sûr qu'un habitant du sud du Canada vous dira que je suis fou, car l'hydroélectricité coûte de 2 à 3 $ le mégawatt. Ce n'est pas le cas. En effet, elle coûte de 10 à 12 $ et davantage dans certains cas. Pour 500 millions de dollars, nous avons donc seulement construit une centrale de 50 mégawatts. Personne n'a un plafond de la dette assez élevé pour y arriver, et c'est un projet minuscule. Nous ne parlons même pas de construire quelque chose en réalité, et nous avons déjà dépassé le plafond de la dette.

Je crois que si vous voulez vraiment mettre au point des solutions énergétiques pour le Nord, le gouvernement fédéral a un rôle à jouer, car il a déjà fixé un plafond de la dette et les gens devront trouver un moyen d'y arriver.

Je crois vraiment qu'il est important que les exploitants des ressources paient leur part, et nous espérons que nous avons exercé une certaine influence à cet égard. Lorsque nous avons construit la ligne de transport d'énergie de Carmacks jusqu'à Stewart Crossing pour connecter nos deux réseaux, nous avons dit à toutes les sociétés minières qu'elles devaient payer une partie du réseau principal si elles souhaitaient s'y connecter. En effet, le fonctionnement du système a toujours exigé que ceux qui souhaitaient se connecter au réseau paient leur connexion. Nous leur avons dit qu'elles doivent payer, car elles utilisent le réseau. Elles ont donc payé une contribution. Les exploitants des ressources doivent également faire partie de cette solution. Ils ne peuvent pas se contenter de profiter de l'énergie qui leur est fournie. Ils doivent faire partie de la solution.

Au cours d'une discussion entre les trois territoires du Nord, les exploitants des ressources et le gouvernement fédéral pourraient contribuer à propulser ces questions à l'avant-plan. Sénateur Patterson, je ne propose pas au gouvernement fédéral de se contenter de signer de gros chèques et de disparaître, mais il tient certains des cordons de la bourse.

Le gouvernement fédéral pourrait également fournir des fonds de démarrage qui seraient remboursés. Il pourrait s'agir de capitaux lents, c'est-à-dire qu'ils pourraient être remboursés sur une période beaucoup plus longue que d'habitude, peut-être de façon progressive, par exemple lorsqu'on les rembourse par la production d'énergie, mais nous devrions les rembourser, car il ne faut pas demander au gouvernement fédéral de toujours jouer le rôle du pourvoyeur.

Si le gouvernement choisit d'investir dans certains projets, c'est bien. J'ai profité des largesses du gouvernement fédéral lorsque je travaillais pour Énergie Yukon. En effet, nous avons obtenu quelque 70 millions de dollars pour notre centrale hydroélectrique dans le cadre d'un programme d'énergie verte. Mais si vous réfléchissez vraiment aux coûts de certains de ces projets, vous vous rendrez compte que nous parlons de milliards de dollars. Il faut donc éliminer les obstacles financiers pour que les gouvernements territoriaux puissent faire ces investissements ou quelqu'un doit trouver un moyen de créer un bassin d'investissement qui peut être utilisé et ensuite remboursé sur une certaine période, mais actuellement, il y a une autre restriction importante à cet égard. Dans le domaine du développement énergétique, si le gouvernement ne peut pas emprunter d'argent, s'il a atteint le plafond de la dette, il ne pourra jamais construire quoi que ce soit.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Je m'intéresse beaucoup à la récupération d'énergie et à l'efficacité énergétique. Or, ce sont des sujets dont vous avez parlé un peu plus tôt.

J'ai eu la chance de visiter les îles Shetland, et j'ai été très surprise de voir comment ces îles étaient organisées en ce qui concerne la récupération des déchets domestiques et commerciaux. Les îles Shetland se chauffent grâce à la récupération d'énergie, et il s'agit d'une énergie très propre. Cela semble être un processus très efficace et rentable.

Les îles Shetland représentent un petit territoire qui compte plus ou moins 20 000 habitants. Est-ce qu'il y a une taille spécifique nécessaire à l'élaboration d'un tel système de récupération des déchets? Est-ce que ce système pourrait convenir à de plus grandes villes? Ma première question est la suivante : à quel type de municipalité ce système de récupération des déchets s'applique-t-il?

Ma deuxième question est liée à ce que vous venez d'expliquer. Vous avez dit que l'investissement public faisait défaut et qu'il était difficile d'élaborer des montages financiers permettant de partager les coûts d'investissement public qui seraient rentables sur le plan social. Avez-vous réfléchi à des montages financiers précis qui impliqueraient les populations qui en bénéficient, les entreprises et les gouvernements?

À mon avis, une concertation de la part de tous est nécessaire, et la fiscalité pourrait être un instrument important pour permettre d'investir dans le temps et pour récupérer l'investissement initial de la part de ceux qui ne peuvent le faire, mais qui peuvent contribuer à le rembourser de façon plus spécifique. Bref, avez-vous réfléchi à un type de municipalité spécifique pour l'application des systèmes de récupération, et aux montages financiers basés sur la fiscalité?

[Traduction]

M. Morrison : Merci, madame la sénatrice. Lorsqu'il s'agit de production de chaleur et de récupération d'énergie, je ne crois pas qu'il y ait nécessairement une échelle appropriée. Mais si c'est une petite collectivité, c'est une bonne chose. Si elle est petite, mais très étendue, et que les maisons sont très éloignées les unes des autres, cela pourrait faire augmenter les coûts. Je crois que cela dépend surtout de la capacité d'installer des tuyaux pour transporter la chaleur de façon efficace.

De nos jours, partout au pays, des systèmes utilisent la chaleur résiduelle pour produire du chauffage. Lorsque nous faisions tourner des moteurs au diesel en tout temps, il y avait toujours des pertes de chaleur et nous utilisions cette chaleur pour produire du chauffage. Cela ne se fait pas partout, mais cela devrait se faire partout. Si on doit utiliser ce produit, on devrait au moins profiter de la chaleur générée, et je ne crois pas qu'il y ait une bonne ou une mauvaise échelle. Vous pourriez le faire à petite et à grande échelle.

Plusieurs différents moyens d'investissement peuvent être mis à profit dans ces cas-ci, et nous l'avons certainement fait. L'un d'entre eux — et il est très important partout dans le Nord — concerne les investissements des Premières Nations dans les systèmes énergétiques. À mon avis, ces investissements sont extrêmement importants. En effet, les Premières Nations du Yukon ont, pour la plupart, conclu des ententes sur les revendications territoriales, elles ont des sociétés d'investissements et elles prennent des décisions financières avec l'aide de conseillers financiers lorsqu'elles déterminent si elles participeront ou non à des projets énergétiques. Cela aide grandement à compenser le problème lié au plafond de la dette publique. Je vous remercie, madame la sénatrice, car j'avais oublié de faire valoir ce point.

Lorsqu'Énergie Yukon a construit l'usine de GNL avec la Première Nation des Kwanlin Dün, l'une des deux Premières Nations de Whitehorse, nous avons offert une participation représentant 25 p. 100 du projet à chacune des deux Premières Nations. L'une des Premières Nations a refusé l'offre, et avec la permission du gouvernement, nous avons offert leur participation à l'autre Première Nation. La Première Nation des Kwanlin Dün est donc un partenaire à 50 p. 100.

J'entre un peu dans les détails, mais les projets énergétiques mis sur pied au Yukon sont financés selon le ratio d'endettement. La dette est la partie sur laquelle tout le monde doit se pencher, car la dette d'une société énergétique devient la dette du gouvernement, et c'est donc un ratio de 60/40. Faites le calcul. Dans un projet de 100 millions de dollars, la dette représente 60 millions de dollars, et si un partenaire Première Nation participe à 50 p. 100, la dette diminue à 30 millions de dollars. On a réduit l'impact de la dette sur le gouvernement de moitié. Si la participation est de 25 p. 100, vous l'avez réduite de 25 p. 100, et cetera. C'est un moyen d'investissement qui peut être utilisé à profusion.

Le partenaire pourrait être un investisseur complètement indépendant, et en général, les partenariats devront être plus répandus. La production indépendante d'énergie devra être plus répandue. Je ne suis pas certain si les producteurs d'énergie indépendants échapperont à la dette du gouvernement, car notre gentil vérificateur général affirmera probablement que l'engagement pris dans le contrat est lié à la dette du gouvernement, mais en ce qui concerne votre point, on pourrait utiliser des moyens d'investissement. Ces moyens pourraient être créatifs et ils pourraient compenser certains des impacts. Ils ne les élimineront pas tous, mais ils seront utiles.

Je m'attire des problèmes; je n'essayais pas de vous presser, madame la sénatrice.

La sénatrice Bellemare : Je vous remercie de votre réponse.

Le président : J'aimerais poser une brève question, et le vice-président aussi. Je vais donc me limiter à une brève question et à une brève réponse.

Je suis tout à fait d'accord avec la conservation. Je sais que le sénateur Patterson a abordé le sujet, et d'autres l'ont fait également. En ce qui concerne la conservation, vous avez dit que les tarifs d'électricité du Yukon étaient environ les mêmes que ceux du Québec, de la Colombie-Britannique ou du Manitoba.

M. Morrison : Non, lorsque j'ai dit que les taux étaient à peu près les mêmes qu'ici, je ne parlais pas de la Colombie- Britannique, du Québec ou du Manitoba. Il existe deux paliers de tarification au pays. Il y en a un pour ces trois provinces, et un autre pour le reste du Canada.

Le président : J'en suis tout à fait conscient.

M. Morrison : C'est ce que je croyais.

Le président : Nous allons comparer à ce que nous connaissons ici. Est-ce que le Yukon a envisagé la mise en place d'un régime de tarification à deux paliers pour favoriser la conservation? C'est ce que fait actuellement la Colombie- Britannique à beaucoup plus grande échelle. Il y a deux niveaux de tarifs pour tout le monde, tant pour l'industrie que pour les particuliers.

Est-ce que des mesures ont été prises pour inciter les producteurs d'énergie à intégrer l'aspect conservation à leurs activités visant l'accroissement de l'offre énergétique? On peut exiger par exemple que 50 p. 100 de l'offre énergétique supplémentaire soit le fruit de mesures de conservation. C'est une façon d'inciter les gens à vraiment repenser le fonctionnement du système, plutôt qu'à simplement toujours demander des fonds additionnels pour l'administrer.

M. Morrison : Je dois vous dire que ce n'est pas le cas, sénateur Neufeld. Je suis tout à fait d'accord avec l'approche que vous suggérez. Je pense vraiment que c'est une excellente façon de faire les choses, mais on ne pourrait pas aller de l'avant si la politique énergétique de la province ne précisait pas clairement la marche à suivre et les différentes exigences à remplir.

Nous n'avons jamais bénéficié d'une telle orientation stratégique, mais vous avez tout à fait raison. C'est vraiment une incitation à mieux faire les choses, et j'ose espérer que cela fera partie des recommandations formulées dans votre rapport.

Le président : Merci. Je pense qu'il est bon d'amener tout le monde à réfléchir à ces enjeux.

M. Morrison : Je suis d'accord.

Le président : Nous avons un système; il faut se demander comment il peut être plus efficace.

Le sénateur Massicotte : En réponse à une question précédente, vous avez mis l'accent sur la conservation, ce qui est une très bonne chose à mon avis. Comme vous le savez très bien, le meilleur incitatif à la conservation demeure toutefois l'application des prix du marché, établis en fonction des coûts véritables. Certains gouvernements du Nord subventionnent l'énergie dans une mesure telle que l'usager n'est pas conscient des vrais coûts, ceux-ci étant payés indirectement, d'une manière ou d'une autre. Dans un tel contexte, l'effet d'incitation se fait moins ressentir que si les coûts étaient bien visibles.

La solution logique pour encourager la conservation serait donc de trouver le moyen pour que cet argent soit transféré directement de telle sorte que chacun sache ce pour quoi il paie et ce qu'il advient de cet argent. Du point de vue politique, les choses ne se déroulent pas toujours aussi facilement. Comment pourrions-nous y arriver?

M. Morrison : Vous proposez en fait, sénateur, une façon d'offrir les subventions énergétiques qui seraient plus efficaces que les modèles que nous connaissons actuellement. Ceux-ci consistent essentiellement à réduire la facture du consommateur. Le gouvernement subventionne les services publics à cette fin, ou encore certains secteurs doivent payer des tarifs plus élevés que les clients résidentiels.

Vous faites notamment valoir que personne n'est conscient de ces subventions. Elles passent inaperçues. Personne ne tient vraiment à examiner de près sa facture de services publics; tout cela est tellement compliqué. On se contente de regarder le montant à payer, de soupirer et de faire un chèque.

Il y a une multitude de façons possibles pour que cet argent se retrouve dans les poches des consommateurs. Si l'on veut subventionner un secteur ou récompenser les efforts de conservation, il faut que les gens voient la couleur de l'argent pour pouvoir en ressentir les effets.

Nous avons un programme de facturation nette qui permet aux gens d'alimenter le réseau, sans toutefois rien recevoir de concret en retour. Ils obtiennent certains crédits ou des avantages semblables. Les gens ne vont pas adhérer à un tel programme. Il faut que l'argent parvienne jusqu'à eux.

J'estime nettement préférable de moduler un programme de subventions à cette fin. Je ne suis pas un grand partisan de ces programmes, mais je comprends qu'il y a des secteurs où les tarifs doivent vraiment être subventionnés, d'une manière ou d'une autre. Je pense que si l'on arrive à combiner ces subventions et ces objectifs de conservation tout en procurant des avantages concrets au consommateur, on pourra constater des améliorations sensibles au chapitre de la consommation énergétique.

Le président : Comme nous avons dépassé le temps prévu, je dois vous dire un grand merci, monsieur Morrison. Nous avons été ravis de pouvoir nous entretenir avec vous aujourd'hui.

J'ai maintenant le plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Louie Azzolini, directeur exécutif de l'Arctic Energy Alliance.

Nous avons eu l'occasion de vous rencontrer le printemps dernier à Yellowknife dans le cadre de notre voyage d'étude, et nous vous remercions grandement d'être des nôtres aujourd'hui. Nous avons tous grand hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire, après quoi les sénateurs vous poseront leurs questions. Vous avez la parole.

Louie Azzolini, directeur exécutif, Arctic Energy Alliance : Merci, monsieur le président. Afin de conserver le plus de temps possible pour les questions des sénateurs, je vais m'efforcer d'être bref dans mes observations préliminaires.

Je représente l'Arctic Energy Alliance. Au moyen d'un budget d'environ 3 millions de dollars, nous offrons des programmes dans tous les secteurs économiques des Territoires du Nord-Ouest. Nous recevons 95 p. 100 de notre financement du gouvernement territorial et nous sommes incapables de répondre à la demande pour la plupart de nos programmes. Notre vision consiste à miser d'abord et avant tout sur la conservation énergétique en intégrant dans la mesure du possible des énergies de substitution.

Je tiens à inscrire mes observations dans le contexte de l'édification de la nation. Je suis conscient que cela puisse vous sembler inapproprié, mais laissez-moi vous expliquer.

Les défis énergétiques auxquels les Territoires du Nord-Ouest sont confrontés sont à la fois leur talon d'Achille et leur principal atout. Notre sous-sol regorge de quantités énormes d'énergie qui bénéficieront à tous les Canadiens. Parallèlement à cela, l'énergie représente pour les Territoires du Nord-Ouest et leur économie la principale difficulté à surmonter.

Dans un tel contexte, les défis à relever sont assez clairs. Ils sont liés aux coûts énergétiques et notamment à ceux de l'énergie électrique et de l'énergie thermique. Ces coûts peuvent être perçus différemment selon le revenu disponible de chacun. Pour un consommateur à faible revenu, une facture salée peut prendre un tout autre sens.

Notre situation économique est difficile. Le pouvoir d'achat est plutôt limité. L'éventail de projets possibles est assez étroit. Il y a des pochettes de développement, mais la croissance économique n'est pas chose facile. Sans argent à investir pour réduire notre consommation d'énergie ou adopter des énergies de remplacement, nous sommes coincés dans une impasse.

Nous devons en outre composer avec une infrastructure énergétique vieillissante. L'une de nos génératrices à proximité de Yellowknife est encore ornée d'un swastika. C'est la triste vérité. Notre infrastructure prend de l'âge.

Il s'agit de réussir à avoir accès à une énergie qui est abondante. Le Nord regorge en effet de ressources énergétiques, qu'il s'agisse de l'eau, de la biomasse, du gaz naturel ou du pétrole. Nous sommes inondés de potentiel énergétique que nous ne pouvons pas exploiter. C'est comme mourir de soif en plein milieu de l'océan, si vous me permettez la métaphore.

Il y a aussi lieu de s'interroger sur la viabilité financière du modèle actuel, et c'est là qu'entre en jeu le concept d'édification de la nation. À mon avis, les investissements nécessaires devront être consentis au fil de plusieurs générations. Les théories économiques qui peuvent sembler logiques dans une perspective contemporaine à court terme ne résistent pas au niveau d'analyse requis. Il faut plutôt aborder ces questions dans une optique englobant l'ensemble de la nation et plusieurs générations.

Que font donc le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement du Canada pour relever tous ces défis par l'entremise de l'Arctic Energy Alliance?

Nous offrons neuf types de programmes différents aux entreprises, aux administrations locales et aux particuliers. Nous mettons l'accent sur l'énergie renouvelable et l'efficience énergétique, ce dernier aspect constituant notre principale priorité.

La demande est supérieure à l'offre pour tous nos programmes, à une exception près. Nous avons des listes d'attente. Pour notre programme destiné aux entreprises, le dépassement a été de 200 000 $. Ce fut la même chose pour notre Programme de technologies énergétiques de remplacement. Ce montant a atteint 150 000 $ dans le cas du programme de rabais visant à stimuler la demande sur le marché des produits offrant une meilleure efficacité énergétique. Du point de vue d'Ottawa, ces sommes peuvent sembler dérisoires, mais pour les Territoires du Nord- Ouest, c'est beaucoup d'argent.

Que vous dire de plus sur nos activités? Nous travaillons en collaboration à l'échelle des territoires. Le Secrétariat à l'énergie du Nunavut a un siège au sein du conseil d'administration de l'Arctic Energy Alliance, et je communique assez régulièrement avec mes homologues du Yukon. J'estime que nous devons chercher des solutions applicables aux trois territoires en misant sur les forces respectives de chacun. Étant donné nos faibles populations éparpillées sur une si vaste superficie, les gouvernements territoriaux ne doivent pas agir en vase clos. À titre d'exemple, nous avions du personnel qui travaillait à Iqaluit le printemps dernier. Nous avons offert des services d'évaluation énergétique pour aider les gens à réduire leur consommation. Nous avions le temps de traiter 10 demandes de la sorte. Dans l'espace d'une semaine, nous en avons reçu 100. Il existe donc une demande pour ce service qui n'est pas actuellement offert à cet endroit. Nous travaillons en partenariat avec le Secrétariat à l'énergie du Nunavut. C'est un exemple de situation où nous nous efforçons de miser sur nos forces respectives afin d'améliorer notre sort en tant que territoire du Nord canadien, plutôt qu'à titre d'entité souveraine sous la dénomination Territoires du Nord-Ouest. C'est donc une approche de collaboration et de coopération.

C'est en mode de concertation que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest consent des investissements d'importance pour favoriser l'émergence d'une approche énergétique misant d'abord sur la conservation, mais aussi sur les énergies de remplacement. C'est une démarche qui est digne de mention. Si vous êtes à la recherche d'un modèle à suivre, vous devriez à mon avis vous inspirer du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, car les résultats sont effectivement au rendez-vous. Les difficultés à surmonter sont si considérables, compte tenu de la taille de notre population et de l'assiette fiscale à notre disposition, que l'on ne pourra pas y parvenir à long terme sans obtenir de l'aide — ce qui nous ramène à ce concept d'une nation plus forte.

Quelle avenue pourrons-nous envisager pour l'avenir? Je pense que le modèle panterritorial est une piste de solution.

Nous devons trouver des moyens de mettre plus d'argent dans les poches des gens. Il faut bien avouer que la sécurité du revenu et la sécurité énergétique doivent passer par des investissements stratégiques. C'est en investissant ainsi dans nos enjeux prioritaires que nous pourrons avoir accès à des ressources énergétiques actuellement inexploitées qui procureront à nos citoyens une source de revenu leur permettant d'assumer les coûts énergétiques plus élevés qui sont le lot du Nord et des collectivités éloignées. Chez nous, il fait froid et sombre pendant une bonne partie de l'année, et la population est éparpillée. Il est donc raisonnable de s'attendre à devoir payer des tarifs plus élevés.

Il faut construire une route praticable en toutes saisons dans la vallée du Mackenzie; accroître l'accessibilité des ressources; réduire les risques associés à l'isolement des collectivités, intensifier le potentiel de développement économique et les revenus des gens, et réduire les coûts que les entreprises doivent engager pour avoir accès à ces ressources et les exploiter.

Nous avons un tracé autorisé pour le passage d'un pipeline, mais ce corridor énergétique n'est pas actuellement utilisé. Le premier ministre a essentiellement suggéré que l'on inverse le flux de ce pipeline, si on en vient à le construire, à destination d'un terminal d'exportation dans l'Extrême-Arctique. Je pense que c'est une idée qui mérite réflexion. En combinant une telle pensée visionnaire à des solutions pratiques, on contribuera grandement à relever les défis qui se posent aux Territoires du Nord-Ouest en matière énergétique.

Il faudra pour ce faire prendre en compte simultanément les différents aspects de la problématique pour nous donner une boîte à outils pouvant convenir à toutes les situations. Il arrive parfois en effet qu'il y ait contradiction entre les résultats obtenus aux différents niveaux d'analyse et les solutions dégagées dans chaque cas. Il faut alors déterminer où se situent ces contradictions et quelles devraient être nos priorités.

Notre territoire est plutôt jeune. Il fut un temps où l'Alberta s'amalgamait aux Territoires du Nord-Ouest. Nous faisons partie du Canada; nous avons beaucoup à lui offrir et nous voulons apporter notre contribution. Nous concertons nos efforts à cette fin. Nous avons un secteur bioénergétique en pleine émergence. De fait, au prorata de la population, nous consommons davantage de granules et produisons plus d'énergie à partir de la biomasse que n'importe où ailleurs au Canada. Notre modèle pourrait être exporté dans toutes les collectivités vivant dans la forêt boréale qui sont confrontées aux mêmes problèmes d'accès aux ressources et de coûts de l'énergie.

Nous souhaitons faire bénéficier le reste du Canada du savoir-faire que nous acquérons en relevant les défis qui s'offrent à nous. Nous y parvenons en partie, mais certaines des difficultés sont tellement considérables, étant donné notre population et notre assiette fiscale, qu'il sera presque impossible de les surmonter sans cette vision plus large à long terme.

Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup. Nous passons maintenant aux questions en débutant par le vice-président du comité, le sénateur Massicotte.

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Azzolini, d'être des nôtres ce matin.

Vous avez parlé d'édification de la nation et de concepts de la sorte. Est-ce pertinent pour nous? Devrions-nous prendre en considération la question de la souveraineté? Est-ce que ces enjeux méritent que l'on s'y intéresse?

M. Azzolini : D'après moi, oui. Quand on sait que d'autres pays construisent des brise-glaces nucléaires et militarisent leur espace nordique, je crois que le Canada n'a d'autre choix que de faire valoir fermement son statut et sa souveraineté dans ses territoires du Nord.

Le sénateur Massicotte : Parlez-vous du passage ou de plus que cela?

M. Azzolini : Je parle de plus que cela, sénateur.

Le sénateur Massicotte : Pouvez-vous me donner quelques exemples?

M. Azzolini : La Russie vient juste de terminer la mise en service du plus gros brise-glace au monde, un brise-glace nucléaire. Elle s'emploie en outre à militariser encore davantage l'Arctique en mettant sur pied 10 bases militaires d'opérations avancées. La totalité de l'Arctique est désormais sous commandement militaire.

Cela n'a rien d'hypothétique; c'est ce que nous rapportent les médias. Les Russes adoptent une position agressive et déterminée par rapport au Nord, et je crois qu'il serait sage que le Canada s'assure d'y laisser dans la neige des empreintes bien profondes et visibles.

Le sénateur Massicotte : Merci.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Je trouve votre discours très intéressant. Il soulève une problématique fondamentale lorsqu'il s'agit de développer économiquement des territoires riches en ressources naturelles, avec une population dont les revenus ne sont pas très élevés, et d'investir les fonds nécessaires pour amorcer le développement. Vous soulevez la question quant à la façon de mettre en place l'action collective au Canada pour le développement économique des territoires.

De façon plus pratique, de quel budget votre groupe, qui est l'Arctic Energy Alliance, dispose-t-il actuellement? Dans votre conseil d'administration, y a-t-il des corporations de développement économique fédéral?

Je pose cette question, parce que le Comité sénatorial permanent des finances nationales a tenu un débat avec les corporations de développement économique du Nord pour connaître leur démarche selon laquelle ils utilisent l'argent dont ils disposent pour créer des projets de développement économique.

J'ai été surprise par l'absence de « visionary thinking and pratical action », comme vous l'avez mentionné. À mon avis, vous mettez le doigt sur quelque chose qui est fondamental. Dans un contexte géopolitique mondial, cela prend tout son sens.

Y a-t-il des acteurs clés dans votre conseil d'administration? Pour initier la pompe, la participation d'acteurs économiques clés est essentielle. Avez-vous des agents de développement économique? Est-ce qu'ils ont voix au chapitre?

J'aimerais entendre votre point de vue à ce sujet.

[Traduction]

M. Azzolini : Je serai bref. Notre budget est d'environ 3,1 millions de dollars par année. Plus de 95 p. 100 de ce budget nous vient du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Notre conseil d'administration est formé de sous- ministres du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et de représentants des services publics — la Société d'énergie des Territoires du Nord-Ouest, Northland Utilities — et nous n'avons aucun représentant du gouvernement fédéral.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Pourquoi?

[Traduction]

M. Azzolini : Je ne sais pas pourquoi.

Avant mon arrivée au début des années 2000, la plus grande partie du financement de l'alliance provenait du gouvernement fédéral. Pour une raison ou pour une autre, ce n'est plus le cas et le financement est maintenant assuré par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

Je pourrais très facilement vous faire valoir que les 3 millions de dollars fournis à notre alliance procurent un rendement supérieur tant du point de vue des retombées économiques que des autres investissements consentis du fait que nous ne versons pas d'argent sans condition. Les gens doivent investir pour obtenir des subventions. Si l'on considère les avantages combinés de l'effet multiplicateur sur les autres investisseurs et des économies que nous contribuons à rendre possibles, nous générons une activité économique dont la valeur dépasse les 3 millions de dollars. Le gouvernement fédéral n'est pas actuellement représenté au sein de notre conseil d'administration.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Est-ce que vous avez invité des organismes de développement économique fédéraux? Je ne veux pas entrer dans le débat, mais je vous conseille d'essayer de développer un partenariat avec la corporation économique du Nord qui dispose d'un budget, qui met en route des projets. Cela peut développer des synergies, ce qui crée un effet levier encore plus important, si tous les joueurs sont réunis. Je m'arrête ici.

[Traduction]

M. Azzolini : Je prends bonne note de votre commentaire. En notre qualité d'agence sans but lucratif et sans lien de dépendance avec le gouvernement, nous mettons l'accent sur la prestation des programmes. Autrement dit, nous voulons avoir un effet concret dans la vie des gens.

Les initiatives dont vous parlez se situent davantage au niveau stratégique. Cela ne fait pas partie de ma sphère de compétence; c'est plutôt du ressort du conseil d'administration et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Patterson : L'Arctic Energy Alliance existe depuis un bon moment déjà. Je crois vous avoir entendu dire que vous offrez neuf programmes. Pouvez-vous nous indiquer dans quels secteurs vous recevez le plus de demandes dans le cadre du Programme des technologies énergétiques de remplacement?

M. Azzolini : Merci, sénateur Patterson. Je suis ravi de vous revoir.

Notre alliance a été créée en 1997, et je vous remercie de signaler ses longs états de service. Nos activités ont une portée considérable.

Pour ce qui est du Programme des technologies énergétiques de remplacement, c'est dans les secteurs de l'énergie solaire et de la biomasse que la demande est la plus forte.

Le sénateur Patterson : Puis-je vous poser une question au sujet de la biomasse? Dans quelle mesure est-ce une source d'énergie moins coûteuse que le mazout? Y a-t-il suffisamment de chaudières à biomasse et de techniciens spécialisés dans les Territoires du Nord-Ouest pour répondre à la demande? Est-ce que l'approvisionnement en biomasse est suffisant pour permettre ce type de chauffage? Pouvez-vous nous dire si vous pensez que la baisse récente des prix du pétrole pourrait rendre la biomasse moins concurrentielle par rapport au mazout domestique?

M. Azzolini : Ce sont là d'excellentes questions.

L'écosystème d'entreprises et de spécialistes en soutien technique qui s'est développé au sein du secteur de l'énergie produite à partir de la biomasse dans les Territoires du Nord-Ouest n'a pas son pareil. Il continue à gagner en maturité, et j'estime qu'il est actuellement à l'avant-garde de l'industrie bioénergétique au Canada, tant pour ce qui est de la disponibilité du personnel pouvant vendre ces équipements que de la variété de ceux-ci. Des détaillants offrant toute une gamme de marques, modèles, types et dimensions se livrent en effet concurrence dans ce secteur.

Le secteur de la vente et de l'entretien de ces appareils s'est maintenant développé au point qu'il y existe une très forte concurrence à l'interne. Il y a deux membres de ce secteur commercial qui font actuellement partie de comités de l'Association canadienne de normalisation. Il est donc reconnu même à ce niveau-là qu'ils possèdent tout le savoir-faire requis en matière de biomasse et d'appareils bioénergétiques.

La biomasse utilisée sous forme de granules pour ce type d'énergie provient principalement de la Colombie- Britannique et de l'Alberta. Pas moins de 95 p. 100 de la production est exportée à l'étranger. Les Territoires du Nord- Ouest figurent parmi les clients importants. L'approvisionnement n'a jamais été problématique pour nous. Il y a eu à l'occasion des problèmes de qualité, mais le tout a été corrigé via le pouvoir d'achat des consommateurs.

Je suis secrétaire-trésorier de la NWT Biomass Energy Association, et ces gens-là n'ont noté aucune diminution de leur chiffre d'affaires. Je crois que cela s'explique notamment du fait qu'ils peuvent encore offrir de l'énergie thermique à un prix inférieur par unité au mazout, et ce, malgré la diminution des prix du pétrole. En se procurant un appareil semblable, on se met à l'abri de l'instabilité bien connue des cours du pétrole en misant sur la biomasse dont les fluctuations sont plutôt limitées. Dans un contexte où la structure de coûts peut être très instable, certaines décisions d'investissement peuvent comporter de grands risques, c'est le moins que l'on puisse dire.

En bref, c'est un secteur formidable qui gagne en maturité et demeure concurrentiel par rapport au pétrole, même avec les prix inférieurs que l'on observe actuellement. Si je puis me permettre d'aller un peu plus loin, je crois que c'est un secteur industriel que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest pourrait appuyer de telle sorte que l'on puisse exporter vers d'autres provinces et d'autres territoires du Nord le savoir-faire et la capacité de service qui ont pu être développés.

Le sénateur Sibbeston : Monsieur Azzolini, ne prévoit-on pas la construction d'une nouvelle usine à Hay River pour la production de granules?

M. Azzolini : Oui, c'est ce qu'on projette de faire. Les ententes d'aménagement forestier ont été signées. L'analyse de rentabilisation a été effectuée. Je crois que les deux ententes d'aménagement forestier sont en place pour que le promoteur puisse avoir accès à la ressource qui servira à l'alimentation en combustible. Il s'agit maintenant simplement de construire l'usine. Il faut ainsi espérer que les Territoires du Nord-Ouest puissent compter sous peu sur des granules produites localement. Il y a également des perspectives d'exportation de ces granules vers l'étranger.

Le sénateur Sibbeston : Quant au personnel que vous avez déployé dans différentes régions du Nord, je sais que vous avez quelqu'un à Simpson — elle s'appelle Teresa — mais je sais également qu'il y a un stock de panneaux solaires à l'aéroport de Fort Simpson. Avez-vous un rôle à jouer à cet égard?

Je sais aussi que vous avez récemment collaboré avec la communauté de Lutselk'e pour y établir une usine de panneaux solaires. Pouvez-vous nous en dire plus long? Est-ce un produit que vous souhaitez rendre accessible à la plupart des collectivités du Nord à l'avenir?

M. Azzolini : Merci, sénateur Sibbeston. Comme je l'indiquais dans mes observations, la stratégie des Territoires du Nord-Ouest consiste à s'attaquer simultanément aux défis qui se posent par rapport aux différents aspects de la problématique et à trouver des solutions lorsque ces différents défis ne vont pas dans le même sens.

Les solutions d'inspiration locale pavent la voie à l'acceptation. Lorsque vous intervenez localement avec l'appui des gens, il y a plus de chances que les choses se concrétisent.

Nous avons du personnel dans les cinq régions des Territoires du Nord-Ouest : Inuvik, Norman Wells, Fort Simpson, Whati et Hay River. Ces gens-là sont aux premières lignes de l'action. Ils traitent directement avec les citoyens pour que l'on puisse aller de l'avant. Les méthodes traditionnelles de marketing où l'on distribue des feuillets peuvent être efficaces, mais il faut ici procéder individuellement pour aider chacun à faire les choix qu'il juge préférables. C'est donc une approche très adaptée et individualisée.

Les panneaux solaires dont vous parlez se trouvent à Simpson, il s'agit d'une installation de la NTPC, la Northwest Territories Power Corporation. Le projet de Lutselk'e est intéressant, parce que c'est la communauté de Lutselk'e qui en a pris l'initiative, qui l'a financé en partie et l'a installé. La communauté a mené le projet du début à la fin et elle veut vendre de l'électricité dans le réseau. Ce n'est pas un client dont l'électricité est mesurée au compteur. Elle veut produire de l'électricité, ce qui présente des défis sur le plan politique dans les Territoires du Nord-Ouest, particulièrement lorsqu'on fait affaire avec de petits réseaux.

Je dois mettre ce petit village en contexte. Pendant 15 ans, il y a eu un projet de construction d'une ligne de transmission hydroélectrique autour de la région pour approvisionner les mines, et l'opposition de la communauté explique en partie pourquoi ce projet n'a pas vu le jour. On a évalué la possibilité d'y établir une centrale hydroélectrique au fil de l'eau pendant quelques années, mais les facteurs économiques ont joué contre le projet.

En fait, quand la communauté a pris l'initiative de trouver une solution qui lui conviendrait, elle a tout de suite entrepris son projet. Elle a trouvé les ressources nécessaires pour qu'il se concrétise. Elle a établi un partenariat avec Bullfrog Power, il y a donc des sources de financement externes. La communauté s'est organisée pour que le projet voie le jour.

On peut parler pendant longtemps de grands projets ou on peut se concentrer sur des projets pratiques et réalisables, qui reçoivent l'appui des collectivités, de sorte qu'elles sont prêtes à investir pour qu'ils se concrétisent. La communauté a investi dans ce projet. Elle a géré la construction; elle a lancé l'appel d'offres pour la construction et l'acquisition des panneaux. Il ne reste plus qu'à mettre la touche finale à l'accord pour l'achat d'énergie, à raccorder les câbles et le tour est joué.

Sur le plan financier, est-ce un super projet? Non. Il est super en ce sens qu'on a fait quelque chose plutôt que de seulement en parler. C'est fantastique! Nous avons besoin d'autres projets du genre. Il faut croire en soi. C'est une partie de la clé.

Le sénateur Sibbeston : L'été dernier, quand notre comité a fait son voyage dans le Nord, nous nous sommes rendus à Whati, où nous avons rencontré la population. Nous savons que la communauté y a un plan ou l'espoir de construire une centrale hydroélectrique au fil de l'eau, parce qu'il y a une rivière qui coule tout près.

J'ai remarqué que vous avez dit avoir un employé là-bas. Cette personne est-elle là en partie pour aider la communauté à préparer son projet de centrale hydroélectrique?

M. Azzolini : Sonny Zoe, qui travaille pour l'Arctic Energy Alliance, fait valoir ce projet au fil de l'eau depuis 8 à 10 ans.

La source d'énergie dont vous parlez est perçue de diverses façons. Elle a un grand potentiel pour approvisionner en énergie le projet de mine à proximité. L'une des options serait de construire une plus grande centrale hydroélectrique, qui nécessiterait plus de capital pour être reliée au réseau. Sinon, on envisage la possibilité de construire une centrale au fil de l'eau. En ce moment, je pense que le projet privilégié est le grand projet afin de générer une plus grande quantité d'énergie dans le cadre d'un projet plus capitalistique.

Sonny y travaille et il joue un rôle assez central dans l'examen du projet de centrale au fil de l'eau, mais surtout, c'est lui qui a attiré l'attention sur le potentiel que présentent cette eau vive et l'énergie qu'elle contient, qui pourrait servir avantageusement aux habitants locaux.

Le sénateur MacDonald : Je vous remercie d'être ici. Il y a tellement de questions à poser sur le Nord en matière d'énergie. Je vais en poser deux, assez différentes l'une de l'autre.

Premièrement, j'aimerais vous entretenir d'électricité subventionnée. La plupart des villages dépendent exclusivement du diesel pour l'énergie. Yellowknife reçoit une subvention de 28,53 cents par kilowattheure pour les 1 000 premiers kilowattheures, puis 600 kilowattheures le reste de l'année. Qui verse cette subvention? D'où vient-elle?

M. Azzolini : Je ne suis pas un expert en la matière, donc prenez ce que je dis avec un grain de sel. Ce sera à vérifier ultérieurement.

Yellowknife utilise essentiellement de l'hydroélectricité, à environ 98 p. 100 depuis longtemps. La dernière année a été inhabituelle, parce que le faible débit d'eau a obligé la ville à consommer plus de diesel. Sa consommation d'hydroélectricité représente actuellement environ 75 p. 100, si je ne me trompe pas.

On parle d'édification de la nation; il y a aussi l'édification du territoire. Pour l'édification du territoire, on s'entraide pour porter le poids de la charge, au propre comme au figuré. Lorsque les tarifs d'électricité sont bas parce que les coûts de production sont plus faibles, la différence entre le coût de production et le prix de vente, si je ne me trompe pas, contribue à la subvention du coût de l'énergie dans les autres régions des Territoires du Nord-Ouest, ce qui est compréhensible, à raison de 2 $ par kilowatt à certains endroits.

Le sénateur MacDonald : Qui verse cette subvention? D'où vient l'argent?

M. Azzolini : Du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. La Northwest Territories Power Corporation est considérée comme une entité liée à des fins comptables. D'après ce que je comprends, son statut d'entité liée fait en sorte que la plus grande partie de son financement vient du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Si l'on suit l'argent et selon ce qu'en disent les comptables, c'est le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest qui paie pour l'essentiel de ce projet de loi.

Le sénateur MacDonald : Vous dites « si l'on suit l'argent ». Je serais curieux de savoir où il aboutit en fin de compte. Y a-t-il de l'argent qui vient d'une façon ou d'une autre du gouvernement fédéral pour les Territoires du Nord-Ouest?

M. Azzolini : Vous posez une question très complexe, à forte connotation politique.

Le sénateur MacDonald : C'est vrai.

M. Azzolini : Le gouvernement fédéral contribue énormément au Trésor des Territoires du Nord-Ouest par les paiements de transfert. Nous le savons bien. Quelle partie de ces paiements de transfert sert à subventionner ou à aider la NWT Power Corporation, je n'en sais rien. Mais si nous voulons qu'il y ait des gens qui vivent là-bas, il faut faire quelque chose, parce que les gens vont commencer à voter avec leurs pieds, et c'est ce qui se passe. Il y a un exode net de la population des Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur MacDonald : Je suppose que cela m'amène à mon autre question. Dans votre exposé, vous avez mentionné un certain nombre d'éléments que vous considérez comme des priorités. J'aimerais vous parler de la route toute-saison de la vallée du Mackenzie. Évidemment, ce genre de choses a un coût. Selon moi, si l'on investissait dans quelque chose, ce serait là. Je sais que le gouvernement du territoire parle d'en construire une partie, de commencer par une partie. Le projet final de la route prévoit un tracé de Wrigley jusqu'à Tuktoyaktuk.

D'après vous, quelle serait l'incidence de cette route si elle était terminée? Je pense que c'est l'un des grands projets en gestation là-bas, et c'est certainement celui que je financerais. Si je devais choisir une priorité, ce serait celle-là.

M. Azzolini : Sénateur, je partage votre sentiment. J'ai eu la chance, hier, d'assister aux délibérations du Sénat et d'entendre le sénateur Patterson parler. Je pense qu'il était question de faire des investissements stratégiques dans l'édification de la nation. Le hasard veut que dans une autre carrière, j'aie « pArcticipé » à une analyse économique sur les incidences de la construction de cette route.

Elle aurait pour incidence à court terme de restructurer l'économie du transport. Le Nord est si vaste et les villages si éloignés les uns des autres qu'il est tout naturel que le transport soit un grand facteur économique. Les déplacements coûtent très cher. À court terme, quand cette route sera construite, les frais de transport vont diminuer, ce qui signifie qu'il va y avoir moins d'argent à injecter dans ce secteur.

L'inconvénient, c'est que l'exploration et le développement coûtent cher : il faut alimenter les appareils de forage, assurer l'approvisionnement alimentaire et toutes les autres petites choses pratiques, parce que le transport fait habituellement grimper les coûts, mais ces coûts vont diminuer parce que l'accès aux ressources et la prestation de services le long de la route toute-saison vont faire réduire les prix.

C'est LA chose la plus importante pour faciliter l'accès aux ressources, renouvelables comme non renouvelables. Il y a un grand potentiel hydroélectrique, par exemple, dans la rivière Great Bear. Il y a des études en cours à ce sujet. La construction de cette route permettrait d'installer une ligne de transmission qui relierait les Territoires du Nord-Ouest au potentiel hydroélectrique qu'il y a là-bas.

Le transport est l'enjeu le plus critique auquel sont confrontés les Territoires du Nord-Ouest, pour la construction du territoire et son unité, mais c'est également le plus grand défi pour l'édification de la nation du Canada, telle que l'a entreprise Diefenbaker.

La sénatrice Seidman : Vous travaillez au service des collectivités des Territoires du Nord-Ouest depuis 18 ans, soit depuis 1997, si j'ai bien compris, et vous leur offrez de toute évidence un service de grande valeur. Vous reprenez en partie les mêmes thèmes que M. Morrison, dans la dernière heure de témoignage, c'est-à-dire que les défis se situent à différents niveaux, qu'il faut une approche coordonnée, très bien adaptée à la réalité des communautés, une approche à petite échelle, pratique, plutôt qu'une grande vision à long terme, mais l'essentiel, c'est qu'il faut adapter les solutions aux réalités des communautés, comme vous le dites beaucoup aujourd'hui, si je vous comprends bien.

Vous avez dit qu'il y avait neuf programmes différents. Je me demande lequel reçoit le plus de demandes de la part des résidants et des entreprises et quel rôle vous jouez dans l'éducation du public sur l'efficacité et la conservation énergétiques, ou même dans l'élaboration de nouvelles solutions pour atténuer les problèmes que vivent les communautés. Dans votre présentation au nom de l'Arctic Energy Alliance, vous affirmez avoir pour objectif de favoriser une meilleure coordination de l'éducation publique et des services de conservation énergétique. C'est une question alambiquée, mais j'aimerais savoir comment c'est possible, d'après vous.

M. Azzolini : Ce n'est pas alambiqué du tout. C'est une question franche et directe.

La plupart des demandes que nous recevons portent sur le Programme d'incitation à l'efficacité énergétique, c'est-à- dire le programme qui oriente le marché quant aux produits qui sont commercialisés et à la demande qui existe pour ces produits, comme les ampoules DEL. Dès qu'on accorde une subvention, la demande augmente, ce qui stimule l'offre sur le marché. C'est un programme très populaire, mais ce n'est pas le plus populaire.

Notre programme de conservation de l'énergie et d'efficacité énergétique dans les immeubles commerciaux aide les entreprises à moderniser ou à remplacer leurs systèmes existants. Il ne s'agit pas là d'installer un nouveau système de chauffage, mais de se demander ce que l'entreprise fait et de trouver des façons de conserver l'énergie. Il est extrêmement populaire lui aussi.

Les demandes abondent pour tous ces programmes, donc il est difficile de dire lequel est le plus populaire puisqu'ils sont tous utilisés jusqu'au dernier sou.

Il y a aussi le Programme sur les technologies énergétiques de remplacement.

Je serais porté à dire que ce sont les trois plus populaires, et les trois sont utilisés au maximum.

Le Programme des technologies énergétiques de remplacement, comme je l'ai dit, est très populaire, notamment pour l'énergie de biomasse et l'énergie solaire. L'énergie solaire commence à gagner en popularité. Nous n'y sommes pas encore tout à fait. Les plus avant-gardistes ont commencé à l'adopter. Nous verrons comment la demande va évoluer.

Pour ce qui est du rôle d'éducation et d'information du public sur l'énergie et les choix que les gens peuvent faire dans leur vie quotidienne, c'est un élément central de nos activités. D'abord et avant tout, nous travaillons avec les gens, souvent de un à un. Mais dans tout ce que nous faisons, pour tous nos programmes, nous nous préoccupons d'abord et avant tout de la conservation. Vous pouvez dépenser 15 000 $ pour installer des panneaux solaires, ou vous pouvez dépenser 300 $ pour changer des ampoules. Que voulez-vous faire? La réalité économique frappe en plein visage, parce que bien souvent, ce n'est pas plus compliqué que cela.

Pour tous les programmes, toutes les personnes qui y travaillent (et nous sommes une vingtaine) demandent toujours avant tout « Comment pouvons-nous vous aider à conserver votre énergie »? On a beau rêver à un panneau solaire parce que cela semble extraordinaire et que cela semble être la réponse aux problèmes, mais il pourrait suffire de remplacer 30 ampoules. C'est tout.

La sénatrice Seidman : Vous affirmez concentrer vos efforts sur l'éducation publique et rencontrer les personnes individuellement. C'est la première chose que vous faites. Comment cela se passe-t-il? Rencontrez-vous ces personnes chez elles et dans les entreprises? Elles vous présentent une demande, puis vous vous assoyez avec elles pour discuter de leur cas?

M. Azzolini : Oui. Nous avons cinq bureaux régionaux, et les gens qui y travaillent connaissent les gens de la région. Si quelqu'un présente une demande dans le cadre du Programme des technologies énergétiques de remplacement, par exemple, pour acheter des panneaux solaires, nous allons travailler individuellement avec lui pour déterminer les dimensions et l'emplacement pertinents, puis nous allons lui fournir l'information voulue pour qu'il puisse faire un choix de consommation éclairé.

Pour les entreprises, nous en évaluons l'efficacité énergétique. Nous menons des vérifications détaillées dans leurs installations, après quoi elles peuvent faire un choix d'investissement. Nous les conseillons sur les choix possibles et le rendement associé à chacun, mais le choix ultime leur revient.

Pour ce qui est des communications en général, nous travaillons avec la Northwest Territories Power Corporation, qui a également un volet communications. Nous travaillons en partenariat avec elle pour élaborer des documents sur la consommation publique. Nous pouvons donc lui donner notre avis. Nous rendons l'information accessible par nos bureaux locaux, de même que sur notre site web. Nous faisons la même chose avec Northland Utilities.

Dans l'ensemble, pour le marketing, nous travaillons essentiellement en partenariat avec les conseils d'administration. Nous faisons un travail de coordination, ce qui est vraiment l'objectif même de l'organisation, mais quand il s'agit d'offrir un service aux clients, nous offrons un service personnalisé, individuel, professionnel, objectif et factuel.

La sénatrice Seidman : Je veux bien comprendre. De toute évidence, vous allez du bas vers le haut et vous tissez d'excellents liens personnels, à la base. À quel point participez-vous à l'élaboration des politiques en général? Vous observez les véritables besoins sur le terrain et vous en discutez, donc à quel point cela vous permet-il de présenter des recommandations à l'échelle politique, en général, et quels sont les moyens à votre disposition pour le faire?

M. Azzolini : Il y a beaucoup de façons. Le Nord est très petit. Récemment, les dossiers de l'énergie du portefeuille de l'énergie ont été regroupés pendant la dernière année financière au sein du ministère des Travaux publics et des Services. C'est l'organisme avec qui l'Arctic Energy Alliance signe des ententes de contribution. Il s'agit d'un groupe d'une vingtaine de personnes, ce n'est pas énorme. Ces personnes nous incluent dans les discussions politiques lorsqu'elles le jugent approprié, mais je n'ai jamais senti qu'il y avait des obstacles, et j'ai toujours l'impression d'être écouté attentivement, que ces personnes respectent notre compétence de base. Cela permet un dialogue franc et éclairé. De même, nous respectons le fait que le ministère gère certaines choses qui ne sont pas de notre ressort et que nous ne serions pas en mesure de contester, mais nous pouvons tout de même lui donner l'information à notre disposition.

Le président : Je ne pose habituellement pas de questions, mais je vais en poser quelques-unes aujourd'hui.

Vous avez dit que l'Arctic Energy Alliance existe depuis 1997. Je ne sais pas si vous êtes là depuis sa création.

J'ai entendu de très bonnes choses. Je comprends ce que vous dites. D'après ce que je comprends de votre mandat et de votre objectif, vous voulez réduire les coûts et les effets environnementaux de la consommation d'énergie grâce à la conservation, à l'efficacité énergétique et à des projets d'énergie renouvelable.

Depuis sa création, il y a 17 ans, quelles sont les plus grandes réalisations de votre organisation? Quelles seraient- elles si vous pouviez en nommer quelques-unes? Ce n'est peut-être pas facile de répondre à cette question, mais vous pouvez peut-être essayer de le faire pour moi, s'il vous plaît.

M. Azzolini : Je ne suis pas là depuis 17 ans. J'y suis depuis quatre ans. J'ai vécu toute ma vie dans le Nord, donc j'ai une certaine perspective. Le fait que cette organisation existe depuis 17 ans et qu'elle ait continué d'être financée est la preuve, à mon avis, que le service public qu'elle fournit est reconnu et apprécié.

L'une des choses les plus importantes, c'est de pouvoir compter sur cinq bureaux régionaux pour offrir des services aux gens dans leur collectivité, là où ils vivent. Si ce n'était pas possible, nous serions perçus non seulement comme une entité de Yellowknife, mais comme une organisation qui nourrit ses propres ambitions.

Plus le Nord vieillit, si l'on peut présenter la chose ainsi, plus nous constatons que c'est de moins en moins un simple lieu de passage. Quelqu'un me l'a fait remarquer il y a quelques semaines, et cela m'a fait réfléchir. Nous sommes en train de devenir un chez-soi. Je suis arrivé ici comme immigrant, mais mes enfants y sont nés.

Je constate que l'organisation prend de la maturité parallèlement à l'évolution du territoire lui-même et de son caractère. Je semble un peu esquiver la question, parce que je n'ai pas de réponse claire à vous donner, je n'ai pas de programme particulier à citer, et ma fenêtre d'observation est assez limitée, mais je peux vous dire que la planification énergétique et les profils énergétiques des villages que nous avons préparés ont été fondamentaux dans la planification à long terme. Le Programme d'incitation à l'efficacité énergétique a joué un rôle central pour structurer le marché, tout comme le Programme des technologies énergétiques de remplacement, plus récemment. Je crois que ces trois programmes, de même que la prestation de services locaux à la population par nos bureaux régionaux, sont les grands jalons de l'organisation.

Le président : Je crois que vous n'avez pas touché le volet de la conservation. Réussissez-vous à créer un élan en faveur de la conservation d'énergie?

M. Azzolini : Bonne question.

Le président : On ne peut pas payer moins cher le mégawatt que par la conservation. C'est l'électricité la moins chère qui existe dans le système.

M. Azzolini : On fait de l'argent grâce à cela. C'est encore mieux. J'aimerais pouvoir vous répondre que oui, mais c'est faux. Nous ne serions pas là si nous avions atteint notre objectif.

Le président : Je vous remercie infiniment de cette réponse. Je l'apprécie.

J'ai une dernière petite question à vous poser. Vous avez dit qu'à votre avis, la priorité numéro un est la route toute- saison de la vallée du Mackenzie. Vous avez vécu là-bas toute votre vie. Quels sont les villages par lesquels passerait cette route? Je comprends très bien ce qu'elle représente pour l'industrie pétrolière et gazière. Je ne parle pas du transport d'appareils de forage. Quels seraient les villages par lesquels cette autoroute passerait?

M. Azzolini : Wrigley, Tulita, Fort Good Hope, Inuvik.

Le président : Tuktoyaktuk et Inuvik sont déjà bien desservis. Une autoroute s'y rend depuis longtemps. Norman Wells?

M. Azzolini : Norman Wells, bien sûr. C'en seraient les principaux bénéficiaires. Les villages situés le long des routes d'hiver en profiteraient également.

Le président : Donc à votre avis, quelle serait la responsabilité d'Imperial Oil dans la construction de cette route? Cette entreprise exploite du pétrole à Norman Wells depuis probablement une cinquantaine d'années.

M. Azzolini : C'est une question politique qui revient aux politiciens.

Le président : Ne l'évitez pas. Le dernier témoin nous a donné des réponses à cette question. Elle n'est pas politique du tout. C'est une question très simple. Quelle est la responsabilité de l'industrie dans ce genre de projet? N'y a-t-il que les gouvernements qui doivent les financer?

M. Azzolini : Je crois qu'ils relèvent de l'État.

Le président : Merci.

Le sénateur Massicotte : Je suis intrigué. Lorsque nous sommes allés au Yukon, nous avons rencontré l'entrepreneur qui produisait du carburant à partir de déchets. C'était un brevet européen. Il s'apprêtait à augmenter la production. Qu'est-il arrivé? Êtes-vous au courant?

M. Azzolini : Je ne suis pas au courant.

La sénatrice Bellemare : M. Morrison a parlé de chauffage à l'énergie produite à partir des déchets. Y aviez-vous songé pour les collectivités?

M. Azzolini : Oui, mais superficiellement, parce que la récupération de cette énergie des déchets n'était pas une priorité pour nous.

Le sénateur Patterson : Nous avons étudié un certain nombre de programmes de divers ministères fédéraux, à la recherche d'initiatives vertes et d'initiatives pour l'économie d'énergie au Canada, et je n'ai pas été impressionné par le fait que le Nord du Canada était sur le radar, même si ses défis sont grands. Avez-vous cherché à obtenir des fonds fédéraux?

M. Azzolini : Vous parlez d'Arctic Energy Alliance?

Le sénateur Patterson : Oui.

M. Azzolini : Nous le faisons pour chacun de nos programmes, par l'entremise de Ressources naturelles Canada, avec l'Initiative écoÉnergie, le service d'évaluation du rendement énergétique que fournit le ministère à des fins de surveillance.

Était-ce un objectif auquel nous tenions beaucoup? Non. En effet, chaque dollar que nous obtenons nous en coûte presque autant en frais d'administration. Ça ne vaut pas la peine.

Le président : Merci, monsieur Azzolini, pour vos observations et vos réponses sérieuses. Nous vous en sommes très reconnaissants. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir témoigner.

(La séance est levée.)


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