Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 2 - Témoignages du 25 novembre 2013 (séance de l'après-midi)
OTTAWA, le mardi 25 novembre 2013
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 16 h 38, pour étudier la teneur du projet de loi C-4, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous sommes ravis d'accueillir à nouveau cet après-midi l'honorable James Michael Flaherty, C.P., député et ministre des Finances.
Merci infiniment, monsieur le ministre, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. Nous réalisons fort bien que, comme tous les membres de l'équipe qui vous accompagnent, vous avez un horaire chargé. Nombre de ces personnes ont déjà participé à nos travaux au cours des six dernières réunions que nous avons eues. Nous avons terminé une partie très importante de notre travail préliminaire, ce qui nous permet maintenant d'avoir une meilleure compréhension de la nature et du contenu de ce projet de loi. Cela nous facilitera la tâche lorsque viendra le moment du vote article par article. Nous vous remercions d'être ici pour nous donner un aperçu des objectifs que vous espérez atteindre avec ce texte de loi. Monsieur le ministre, la parole est à vous.
L'honorable James Michael Flaherty, C.P., député, ministre des Finances : Je vous remercie, monsieur le président. Je prie les honorables sénateurs de bien vouloir excuser les quelques minutes de retard que j'avais, mais je suis avec vous maintenant et vais y rester pendant l'heure prévue.
Comme l'a signalé le président, je suis accompagné de fonctionnaires du ministère des Finances qui seront en mesure de nous aider sur des questions techniques.
Je vais commencer, avec votre permission, par vous situer rapidement ce projet de loi dans son contexte. Lorsque nous avons été élus, en janvier 2006, nous avons ausculté la situation dans le monde en nous demandant « Quels sont les phénomènes qui peuvent s'avérer dangereux pour le Canada? » À l'époque, il nous a paru que c'étaient la situation des États-Unis avec l'ampleur de leur déficit et de leur dette publique accumulée. Je me souviens, lors d'une réunion avec Hank Paulson et d'autres personnes, en août 2007, que nous étions tous inquiets, et en particulier tous les ministres des Finances, des montants d'argent qui circulaient alors en eau trouble.
Comment cela pouvait-il prendre un tour négatif? Je me souviens que le secrétaire américain au Trésor m'a appelé un mois plus tard à la maison, à Whitby, en m'annonçant de bonnes et de mauvaises nouvelles. La bonne nouvelle était que nous avions identifié la nature du problème. La mauvaise était qu'il s'agissait des hypothèques à risque aux États- Unis.
Depuis lors, nous avons essayé de nous sortir de la crise du crédit qui a suivi en 2007 et au début de 2008, et ensuite de la crise de l'économie réelle qui a suivi. Au cours de nos deux premières années au gouvernement, nous avons remboursé environ 38 milliards de dollars de dette publique. Je suis ravi que nous l'ayons fait parce que cela nous a permis de nous trouver dans une meilleure position lorsque la « grande récession » s'est produite, de prendre des mesures pour protéger les emplois au Canada et de réduire les conséquences pour le Canada d'une récession prolongée et profonde. En repensant à cette époque, aucun de nous n'avait de boule de cristal et nous étions très inquiets. En décembre 2008 et en janvier 2009, la situation n'était pas encourageante.
Je me dois, bien évidemment, de reconnaître que le premier ministre convenait avec moi que nous allions avoir une dette publique très importante, et nous sommes alors passés d'un budget équilibré, avec des excédents et des remboursements de la dette publique, à un déficit en une seule année de 58 milliards de dollars. Cet argent a été consacré essentiellement aux infrastructures et cela a fonctionné. Cela a aidé le Canada à éviter que des millions de personnes se retrouvent au chômage. Ce qui importait beaucoup à l'époque était que les fonctionnaires qui travaillaient au ministère des Finances, à Infrastructure Canada et au Conseil du Trésor s'assurent que l'argent soit effectivement dépensé. C'était absolument essentiel pour combattre les effets de la récession qui, à l'époque, paraissait très sombre et très profonde.
Dans les faits, le Canada est le premier pays des membres du G7 à être sorti de cette récession. Nous avons connu cette récession pendant trois trimestres, puis en sommes sortis en juillet 2009.
[Français]
Quand la récession mondiale a frappé, nous avons pu réagir rapidement et efficacement avec le Plan d'action économique du Canada en janvier 2009. Nous avons pris la décision délibérée d'accuser un déficit temporaire afin de protéger notre économie et nos emplois. Et tous les partis politiques au Parlement étaient d'accord.
[Traduction]
Il est bon de rappeler, et dans les deux langues, que le Parlement a voté le budget d'urgence au cours de la dernière semaine de janvier 2009. Bien évidemment, j'avais auparavant consulté les autres partis et m'étais efforcé de les convaincre de la gravité de la situation d'alors.
Dans tous les cas, ce fut un électrochoc pour l'économie canadienne et cela a donné de bons résultats, mais nous avons toujours eu l'intention de revenir à l'équilibre budgétaire. Pour y parvenir à moyen terme, nous avons expliqué aux représentants des autres pays membres du G7, et d'autres pays membres du G20, que nous devons tous nous doter de plans pour revenir à cet équilibre et commencer à rembourser nos dettes publiques. Nous faisons maintenant ce que nous avons prêché. Nos finances seront équilibrées dans environ 14 mois et nous serons alors en mesure d'enregistrer un excédent budgétaire et de prendre les décisions de politique sur l'utilisation que nous ferons de cet excédent budgétaire.
L'économie du Canada a enregistré l'une des meilleures performances économiques des pays membres du G7, aussi bien durant la récession économique mondiale et que pendant la reprise.
[Français]
Le Canada a créé plus d'un million d'emplois depuis le pire de la récession mondiale, en juillet 2009.
[Traduction]
Les deux grandes organisations internationales que sont le FMI et l'OCDE, prévoient que le Canada enregistrera la plus forte croissance économique des pays membres du G7 au cours des années à venir.
Le Canada a maintenant le plus faible taux global d'imposition des nouveaux investissements des entreprises parmi les pays membres du G7. Nos banques sont les plus saines au monde et occupent cette place depuis six ans consécutifs. Toutes les grandes agences de notation, soit Moody's, Fitch, Standard & Poor's, ont confirmé la cote de crédit inébranlable du Canada, triple A. Il n'y a plus qu'une poignée de pays dans le monde à avoir cette cote.
Dans un rapport récent, Moody's a déclaré que, malgré nos liens étroits avec l'économie canadienne, surtout dans les domaines des échanges commerciaux et des finances, le Canada a été en mesure de se redresser beaucoup plus rapidement que les autres grands pays industrialisés.
J'en viens maintenant à la réduction du déficit. Parmi les grands pays industrialisés du monde, nous sommes celui qui se trouve dans la meilleure situation budgétaire. Notre déficit a été réduit à 18,9 milliards de dollars en 2012-2013. C'est environ 7 milliards de dollars de moins que prévu. Il a baissé de plus d'un quart du déficit de 26,3 milliards de dollars en 2011-2012, et de près des deux tiers par rapport à celui de 55,6 milliards de dollars enregistré en 2009-2010.
Je prends à mon compte une partie du crédit de ce résultat, surtout par comparaison à ce qu'a fait le gouvernement précédent. Les dépenses du gouvernement fédéral entrent dans trois grandes catégories. Les transferts aux provinces et aux territoires constituent l'une d'entre elles. Nous ne les avons pas réduits d'un cent. En vérité, nous avons abandonné le cent et donc nous ne les avons tout simplement pas réduites.
Le grand domaine suivant des dépenses fédérales est celui des transferts aux particuliers, aux personnes handicapées, aux personnes âgées, et cetera. Nous n'avons pas réduit ces paiements non plus. En vérité, ils ont augmenté. Nous avons veillé à bien faire notre travail et nous avons été très rigoureux dans la surveillance des dépenses des divers programmes du gouvernement du Canada.
Toutes ces mesures nous ont permis de parvenir à une situation budgétaire meilleure que celle que nous aurions eue autrement. Les charges des programmes directs ont diminué de 1,2 p. 100 par rapport à l'année précédente. Depuis 2010-2011, ces charges, qui sont le troisième grand domaine de dépenses fédérales, ont baissé de 3,8 p. 100.
Je suis un ferme partisan du remboursement de la dette publique. Je suis convaincu que si nous ne la remboursons pas, nous ferons porter le poids de nos factures sur la génération suivante. Comme je l'ai annoncé dans la mise à jour économique et financière que j'ai faite à Edmonton, nous aurons un budget équilibré en 2015.
En vérité, nous prévoyons un excellent surplus de près de 4 milliards de dollars en 2015-2016. Comme Yves St- Maurice l'écrit dans le document Analyse budgétaire du service des études économiques de Desjardins.
Les projections financières... indiquent un contrôle très serré des dépenses de programme. Les résultats affichés pour l'exercice précédent donnent une grande crédibilité à ces projections... Le gouvernement a donc montré qu'il était capable de livrer la marchandise en ce qui concerne le contrôle des dépenses...
Si le Canada a obtenu de meilleurs résultats que la plupart des autres pays, nous ne pouvons néanmoins pas nous asseoir sur nos lauriers. Comme nous le savons tous, les turbulences économiques et budgétaires se poursuivent en Europe et aux États-Unis.
[Français]
Le Plan d'action économique de 2013 est axé sur des initiatives positives visant à soutenir la création d'emploi et la croissance économique, tout en retournant à l'équilibre budgétaire.
[Traduction]
Permettez-moi d'attirer votre attention sur quelques éléments du projet de loi C-4, le projet de loi d'exécution du budget que vous étudiez en ce moment. L'augmentation et l'élargissement du crédit à l'embauche pour les petites entreprises donnent de bons résultats. Cela fait maintenant deux ans que nous l'appliquons. Nous savons que cela crée des emplois dans le secteur des petites entreprises.
En second lieu, nous avons accru et indexé l'exonération cumulative des gains en capital pour permettre aux investissements dans les petites entreprises d'être plus attirants. Partout au pays, on nous dit que les gens veulent investir davantage dans leurs entreprises, ou qu'ils veulent les transférer à quelqu'un d'autre, et qu'ils ne veulent pas que le gouvernement se mêle de leurs affaires.
Ensuite, et c'est le troisième point, comme vous le savez, nos avons gelé les taux de cotisation au régime d'assurance- emploi pour trois ans, ce qui laisse 660 millions de dollars dans les poches des employeurs et des travailleurs, rien qu'en 2014.
[Français]
Utiliser judicieusement l'argent des contribuables; moderniser le programme canadien de prêts aux étudiants en passant à la prestation électronique des deux services; éliminer le crédit d'impôt relatif à une société à capital de risque de travailleurs, une subvention inefficace.
[Traduction]
Ce sont là quelques-uns des éléments qui figurent dans ce projet de loi. Je vais maintenant me faire un plaisir de répondre à vos questions sur n'importe quel volet de ce texte. Les fonctionnaires qui m'accompagnent sont prêts à nous apporter leur concours au besoin. Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, de votre patience.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous pouvons maintenant passer aux questions.
La sénatrice Buth : Merci beaucoup, monsieur le ministre d'être venu. C'est un plaisir de vous accueillir cet après- midi. L'un des sujets dont nous avons discuté pour comprendre comment nous avons pu sortir de la récession économique est le fonctionnement du secteur bancaire au Canada. Je vous saurais gré de nous expliquer en quoi le Plan d'action économique de 2013 et ce budget ont permis de soutenir le secteur bancaire au Canada et de s'assurer de sa solidité.
M. Flaherty : Eh bien, nous sommes sans aucun doute partisans d'une réglementation rigoureuse du secteur bancaire au Canada, et de façon plus générale, des institutions financières.
Nous comptons environ 440 institutions financières réglementées par le gouvernement fédéral. Nous avons permis aux caisses de crédit, qui relèvent pour leur constitution et leur fonctionnement des provinces, de se joindre à nous. Nous observons maintenant un mouvement en ce sens, parce que certaines de ces caisses de crédit deviennent passablement importantes. Mais elles doivent respecter les règles fédérales, ce qui revient à dire qu'elles sont soumises à l'examen du Bureau du surintendant des institutions financières.
Mme Julie Dickson va, comme elle l'a annoncé à tous, prendre sa retraite l'an prochain. Elle a été une excellente surintendante des institutions financières. Ce n'est pas un travail facile. Je sais qu'elle fait un très bon travail parce que des PDG de banques me téléphonent de temps en temps pour me dire combien elle est exigeante avec eux. Je lui téléphone alors pour la féliciter.
L'essentiel de ce que nous faisons en ce domaine est de réglementer.
Comme vous le savez, pendant la récession, nous avons acheté des hypothèques résidentielles que le gouvernement du Canada, par l'intermédiaire de la SCHL, assurait déjà. Cela a permis aux banques de disposer de certaines liquidités pour s'assurer qu'elles n'aient pas de problèmes dans ce domaine. L'opération a été bénéfique pour les contribuables canadiens qui y ont gagné de l'argent. Les fonds ont en effet été remboursés, et nous avons enregistré un profit.
Mais nous n'avons eu à renflouer aucune banque ni aucune institution financière au Canada.
Pour essayer de répondre à votre question, tout se passe bien. Nous sommes dans une bonne situation et nous allons continuer à collaborer avec nos institutions financières.
La sénatrice Buth : Je vous remercie, monsieur le président. J'aurai peut-être une autre question plus tard.
Le président : Je vous inscris alors pour la seconde série de questions.
Je donne maintenant la parole au sénateur L. Smith, le vice-président de notre comité.
Le sénateur L. Smith : Je vous remercie, monsieur le président. Monsieur le ministre, au sujet de l'aide dont ont bénéficié certains fabricants d'automobiles, pourriez-vous nous parler des résultats? J'ai en effet lu que GM aurait remboursé une partie de l'aide qui lui a été accordée. Il semble donc que le secteur automobile ait fortement redressé sa situation. À quelle raison attribuez-vous ce redressement? Est-il imputable uniquement à l'aide que les entreprises de ce secteur ont reçue?
M. Flaherty : Eh bien, elles ont survécu. En 2008, on se demandait vraiment très sérieusement si ces entreprises allaient ou non survivre. Il ne s'agissait pas uniquement du sort du personnel des usines de montage d'automobiles de Chrysler et de General Motors, mais de celui de tous ceux du secteur des pièces d'automobiles, des sous-traitants, des plombiers et des travailleurs qui alimentent ces usines. La décision à prendre était lourde de conséquences. Je suis fier que le premier ministre ait décidé d'intervenir ainsi.
Bien évidemment, puisque je suis député de Whitby-Oshawa, tout ceci me concernait au premier chef. Mais il s'agit là d'une industrie importante. Les sièges sociaux de certaines des plus importantes sociétés de pièces d'automobiles dans le monde sont situés au Canada. C'est le cas de ceux de Linamar Corporation, de Magna International, et d'autres.
Le cas de Chrysler est réglé, mais nous détenons encore des actions de General Motors. Nous en avons même beaucoup. En décembre de l'année dernière, nous avons subi des pressions pour vendre notre participation. Je n'ai pas trouvé à l'époque que le prix était suffisamment élevé. Le Trésor américain a vendu des quantités importantes d'actions à 27,50 $. Nous avons conservé les nôtres et les avons vendues ensuite il y a peu pour 30 millions de dollars, soit à 37,50 $ l'action. Et nous en avons encore.
Je suis d'accord avec vous, sénateur. Ce secteur s'est redressé. C'est une activité de niveau mondial et je crois qu'il faut que nous fassions deux choses. L'une est, comme gouvernement, de nous retirer du secteur de l'automobile. Il n'y a pas de raison pour que nous détenions des actions d'entreprises de ce secteur. Il faut cependant que nous obtenions un prix décent pour couvrir les risques que les Canadiens ont pris avec General Motors.
Le sénateur L. Smith : J'ai une question complémentaire à vous poser : Avec l'entente commerciale envisagée avec l'Union européenne et la réduction des tarifs douaniers, l'une des questions soulevées portait sur les débouchés de nos entreprises, comme celles du secteur automobile. Pensez-vous que, du fait de l'aide temporaire que nous avons apportée à ces entreprises pendant la crise, les usines canadiennes qui en ont bénéficié devraient maintenant trouver des débouchés plus importants sur les marchés étrangers?
M. Flaherty : Oui, et comme je l'ai dit, sénateur, c'est maintenant un secteur d'activités de niveau mondial. Je ne vais pas vous donner les noms des entreprises, parce que leurs dirigeants n'aimeraient pas m'entendre vous répéter tout ce qu'ils me disent, mais nous avons maintenant des sociétés qui conçoivent des voitures pour le marché européen, y compris avec le volant à droite, et qui vont les exporter en Europe à partir du Canada. C'est là une très grande nouveauté qui fait dorénavant de nous un intervenant sur le marché mondial de l'automobile, un marché où il fait bon être.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre. Je vais commencer en anglais pour laisser à chacun le temps de mettre ses écouteurs pour entendre la traduction. J'aimerais vous féliciter d'avoir comblé des failles du système d'imposition. À mes yeux, ce sont de vraies mesures budgétaires, en particulier en ce qui concerne les fiducies. Nous allons donc recouvrer davantage d'argent. J'en suis très heureuse.
[Français]
J'aimerais que vous nous donniez un aperçu de l'étude des coûts et bénéfices de votre ministère concernant les fonds de travailleurs pour cette mesure visant à diminuer les bénéfices du crédit d'impôt pour les fonds des travailleurs et qui atteint le Québec de plein front. J'aimerais connaître les sommes d'argent qui feront en sorte que vous aiderez à payer le déficit relié à cela.
Dans la partie 2 des articles 160 et suivants, qui vous a demandé et de quelle façon? Nos fonctionnaires en poste seront sur les conseils d'administration des banques, des compagnies d'assurance et fiducies, où on paie généralement des honoraires de 100 000 $ à 185 000 $ par année, en plus du temps que ces gens prendront, alors que vous avez des fonctionnaires retraités. Vous venez de parler d'une personne qui prendra sa retraite sous peu. En vertu de quoi va-t-on permettre cela, puisque la présidente qui administre la Loi fédérale sur les conflits d'intérêt nous dit qu'elle n'a pas les pouvoirs de régir ces gens, que c'est une mesure interne? Il n'y aura donc pas de loi précise qui s'applique à ces fonctionnaires. Comment peut-on réconcilier le service public et le profit des actionnaires?
[Traduction]
M. Flaherty : Je vais demander aux fonctionnaires qui m'accompagnent de m'aider à répondre à la première question.
Quant à la seconde, elle porte, si j'ai bien compris, sur les nominations publiques et sur les divers rôles que le gouvernement joue en procédant à des nominations de fonctionnaires.
Je vais vous répondre deux choses. Tout d'abord, je suis partisan d'obtenir les personnes les meilleures et les plus brillantes au service de la fonction publique fédérale. Si nous pouvons trouver des gens qui acceptent de le faire de façon bénévole, et d'aider le Canada, cela me convient tout à fait. La plupart d'entre eux le font pour presque rien, et certains pour absolument rien. Je peux vous affirmer que personne, en sept ans et demi, ne m'a jamais répondu non, y compris des personnes très éminentes. C'est une des raisons pour lesquelles je suis fier d'être Canadien.
La Loi sur les conflits d'intérêts s'applique dans tous les cas. Point final. Tout le monde doit s'y conformer quand il s'agit de nominations publiques. Point.
Quant à la première question...
La sénatrice Hervieux-Payette : Attendez un instant, monsieur le ministre. Votre réponse ne m'éclaire pas beaucoup. Je vous parle des fonctionnaires, des sous-ministres adjoints ou des directeurs de services gouvernementaux qui siègent à des conseils d'administration de banques. Je suis d'accord avec votre affirmation que nous avons effectivement besoin des meilleures personnes pour siéger au conseil d'administration du gouvernement et je trouve normal que vous les nommiez par décret ou en collaborant avec les diverses sociétés que nous avons. Cela ne me pose pas de problème.
À la lecture de l'article 160 et d'autres qui suivent, et c'est expliqué très clairement dans les documents que j'ai reçus, je comprends que :
[Français]
Désormais, les mandataires de l'État et les fonctionnaires seront assujettis aux lois confirmées, auront le droit de siéger sur les conseils d'administration des banques, des compagnies d'assurance et des fiducies. C'est ainsi que je l'ai compris.
[Traduction]
Ce qui me pose un problème est que je croyais que les fonctionnaires étaient au service de l'intérêt public, et non pas de celui des actionnaires des banques. Pouvez-vous m'expliquer comment ces dispositions se sont retrouvées dans ce projet de loi?
M. Flaherty : Cela tient à plusieurs raisons. Une d'elles, par exemple, découle des réformes que nous avons apportées à la Société canadienne d'hypothèques et de logement.
Mon sous-ministre siège désormais au conseil d'administration de la SCHL. Celle-ci est maintenant une institution financière importante au Canada. Je tiens à ce que mon sous-ministre siège à son conseil d'administration parce que nous surveillons étroitement ce qu'elle fait.
La sénatrice Hervieux-Payette : Non. C'est une société d'État. Je suis d'accord. Des représentants du gouvernement siègent au conseil d'administration de la Banque de développement du Canada depuis fort longtemps. Cela ne me pose pas de problème. Ce que je vous demande c'est pourquoi des fonctionnaires, des gens présents à cette table qui occupent des postes de haut niveau et qui ne sont pas régis par la Loi sur les conflits d'intérêts, comme le président nous l'a dit la semaine dernière, siègent au conseil d'administration de la Banque Royale ou de la Banque Toronto- Dominion, ou à celui d'une compagnie d'assurances?
M. Flaherty : Madame la sénatrice, vous pouvez me corriger si je me trompe, mais à ma connaissance, tous les « fonctionnaires » qui siègent à des conseils d'administration de banques sont à la retraite.
La sénatrice Hervieux-Payette : Mais je veux savoir comment interpréter le texte de votre projet de loi à compter de l'article 160. C'est ce que j'ai lu, qui figure dans les notes qu'on nous a remises.
Le président : Madame la sénatrice, cela va devenir très rapidement un débat entre le ministre et vous.
La sénatrice Hervieux-Payette : Mais je n'ai pas la réponse.
Le président : Vous n'avez pas la réponse. Vous avez posé la question. Elle a été bien comprise et vous avez obtenu la réponse qui vous a été donnée. Souhaitez-vous une réponse à votre première question?
Je vous inscris à la seconde série de questions. J'ai un certain nombre de sénateurs qui souhaitent également poser des questions et je vais donc leur donner la parole.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je vais poursuivre sur l'élimination graduelle des sociétés à capital de risque des travailleurs. Vous avez fait la remarque que c'était inefficace. La sénatrice Hervieux-Payette a demandé de l'information sur les études. Que dit-on aux petits épargnants qui ont mis leurs économies dans les fonds de capital de risque des travailleurs, surtout les plus petits fonds? Certains sont bien capitalisés, mais il existe de plus petits fonds. Doivent-ils s'inquiéter des dispositions budgétaires? Leur épargne est-elle à risque? Que dit-on à ces petits épargnants?
[Traduction]
M. Flaherty : Tout d'abord, madame la sénatrice, ce n'est pas la première fois que cela se produit au Canada. L'Ontario a aboli ce privilège fiscal depuis environ cinq ans. Celui-ci ne permettait pas d'atteindre l'objectif pour lequel il avait été conçu. Il devait permettre d'accroître les investissements dans les entreprises, les petites entreprises, et faciliter leur croissance. Ce n'est pas ce qu'il faisait.
Je vais laisser les fonctionnaires vous répondre. Je ne sais pas lequel va prendre la parole.
Sean Keenan, directeur, Division de la taxe de vente, ministère des Finances Canada : Des organismes indépendants, comme l'OCDE, et d'autres spécialistes également indépendants, ont étudié le crédit d'impôt dont bénéficiaient les sociétés à capital de risque de travailleurs et ils sont arrivés à la conclusion que ce crédit d'impôt n'était pas efficace pour soutenir un secteur en santé du capital de risque. Il s'agissait donc d'une piètre utilisation des ressources gouvernementales et c'est pourquoi le gouvernement a mis en place un plan d'action pour le capital de risque qui permettra de mieux soutenir ce secteur au Canada.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Est-ce qu'il y a des risques pour les petits épargnants de perdre leurs économies si le fonds en question, dans lequel ils ont investi, n'existe plus? Est-ce qu'il y a un risque ou a-t-on pensé à cet aspect dans les mesures proposées dans le budget?
[Traduction]
M. Keenan : Ce crédit sera éliminé progressivement sur un certain nombre d'années, qui permettra aux fonds en question de disposer du temps nécessaire pour s'adapter à la modification. Certains de ces fonds sont importants et bien capitalisés, et seront donc certainement en mesure de s'adapter.
Il y a eu une période de consultation sur les modifications à apporter à la réglementation fiscale qui aideraient les fonds à franchir la période d'élimination de ce crédit et à s'adapter, afin de voir les préoccupations qui se dégageraient de ces consultations. Celles-ci sont maintenant terminées et l'analyse des réponses que nous avons reçues se poursuit.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Si je comprends bien, il n'y a pas d'inquiétude. La transition prévue à l'élimination des crédits ne sera pas dommageable à l'existence des fonds, et les épargnes seront protégées. C'est exact?
[Traduction]
M. Flaherty : C'est exact.
La sénatrice Callbeck : C'est un plaisir de vous compter parmi nous, monsieur le ministre.
Je veux vous interroger sur la section 17 de ce texte de loi qui concerne les relations de travail dans la fonction publique. Nous avons entendu des témoins qui nous ont expliqué que l'une des deux principales considérations retenues par un arbitre sera la situation budgétaire du Canada.
Est-ce que le gouvernement donnera des directives à ces arbitres? Chaque arbitre peut réagir différemment à cela. L'un pourra dire : « Eh bien, nous ne disposons pas d'excédents budgétaires et ils ne vont donc obtenir aucune hausse cette année. » Un autre dira : « C'est un déficit assez faible et donc, pas de problème, nous allons accorder des augmentations. »
Le gouvernement donnera-t-il des directives aux arbitres?
M. Flaherty : Je ne m'attends pas à ce qu'on leur donne de directives précises, si ce n'est qu'ils auront d'autres contraintes découlant de l'accumulation inévitable de la jurisprudence découlant de la nouvelle loi, si celle-ci est effectivement votée par la Chambre et par le Sénat.
Il s'agit là d'une préoccupation qui a la vie dure. J'ai été, il y a longtemps, ministre du Travail en Ontario et le problème se posait déjà. On peut parler de la capacité de payer, de la situation budgétaire, mais je n'apprécie guère les arbitres qui ignorent les réalités budgétaires, je ne sais pas comment l'exprimer autrement, et qui estiment que le gouvernement peut toujours imposer davantage les gens afin de donner satisfaction au petit groupe de gens assis à la même table qu'eux, en en mécontentant beaucoup d'autres, et qui privent ainsi d'argent le secteur de la santé, nos forces armées et nos anciens combattants. Non, nous nous attendons à ce que les arbitres œuvrant dans le domaine des relations de travail aient lu les budgets, nous attendons d'eux qu'ils aient pris connaissance du plan financier du gouvernement.
Si je dois leur en adresser une copie, je le ferai, pour qu'ils sachent ce que nous faisons et pourquoi nous avons choisi de procéder ainsi.
La sénatrice Callbeck : J'ai une autre question au sujet des caisses de crédit. Elles vont perdre le bénéfice d'un crédit d'impôt spécial dont elles disposaient, sur cinq ans, et seront imposées au même taux que les banques, ce qui ne me paraît pas juste. J'ai ici un document qui indique que la plus petite des cinq grandes banques que nous avons au Canada, la Banque de Montréal, a des actifs de 278 milliards de dollars. Les caisses de crédit seront dorénavant traitées de la même façon que les banques, or la plus importante de ces caisses, Vancity, n'a que des actifs de 17 milliards de dollars. Elles ne se trouvent donc pas sur un pied d'égalité et je crains les conséquences sur les caisses de crédit, parce que je viens de l'Île-du-Prince-Édouard, où elles sont fortement implantées et qu'elles ont tendance à être présentes à des endroits où les banques ne vont pas. Cette mesure va néanmoins faire perdre 75 millions de dollars par année aux caisses de crédit, des fonds qu'elles pourraient prêter aux petites entreprises.
M. Flaherty : Je vous remercie, madame la sénatrice, de poser cette question.
Cette mesure fiscale a été conçue à une époque où les caisses de crédit étaient petites. Maintenant, comme vous l'avez rappelé, certaines d'entre elles, au Canada, ne sont plus du tout petites et sont, en vérité, très rentables. Nous étions d'avis, et quand je dis nous, cela m'englobe, qu'il n'était plus nécessaire de leur accorder ce crédit d'impôt. Je dois vous avouer que pratiquement aucune d'elles ne s'est plainte, ce qui signifie en général qu'elles savent fort bien que la situation était avantageuse pour elles depuis longtemps. Ce n'est plus aussi vrai aujourd'hui, parce qu'elles vont devoir payer leur part d'impôt.
Au fait, je crains que la Banque de Montréal ne soit pas très contente de vous entendre dire qu'elle est la plus petite. C'est peut-être le cas de la CIBC. Je vous en laisse la responsabilité.
La sénatrice Callbeck : Eh bien, ce n'est pas ce que disent les chiffres sur cette feuille, mais vous avez peut-être raison.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Monsieur le ministre, ma question comporte deux volets : les ponts et les vétérans.
Vous êtes en train de réunir sous une même entité les quatre ponts qui font le lien entre Canada et les États-Unis. Est-ce que cette décision a été prise afin d'obtenir de meilleures mesures de sécurité sur ces ponts? Est-ce que ces mesures permettront de faciliter les besoins d'entretien? Y aura-t-il des gens qui perdront leur emploi dans la création de cette entité unique? Et finalement, pourquoi ne pas inclure les problèmes que connaissent le pont Champlain et le pont Jacques-Cartier — mais surtout le pont Champlain —, qui auraient peut-être pu bénéficier de cette initiative améliorant ainsi leur efficacité?
M. Flaherty : Nous allons avoir un système efficace.
[Traduction]
Il y a quelque chose de très étrange au Canada : pour une raison que j'ignore, certains ponts appartiennent au gouvernement fédéral, et d'autres non, ce que vous savez certainement, sénateur. Un des derniers ponts à avoir été construits est le pont Champlain, et il est sur le point de s'effondrer. C'est à n'y rien comprendre. On me dit que le pont Victoria est en assez bon état. C'est une relique d'une autre époque, je crois, une époque où la qualité de la construction n'était peut-être pas aussi élevée qu'auparavant.
Nous tentons de créer une structure plus efficace pour les ponts et d'en améliorer aussi la gestion. Seul le temps nous dira si cette étape fonctionne ou non.
Le sénateur Dallaire : Mais vous n'allez pas vous défaire du secteur des ponts.
M. Flaherty : Non. En fait, c'est tout le contraire. Comme vous le savez déjà, le ministre Lebel a annoncé clairement que nous allons construire un nouveau pont sur le Saint-Laurent qui remplacera le pont Champlain, et ce sera un pont à péage, comme le pont Champlain après sa construction, ce que quelques-uns d'entre nous peuvent se rappeler.
Le sénateur Dallaire : En tant que Montréalais, je m'en souviens très clairement.
J'aimerais maintenant parler des anciens combattants et obtenir des éclaircissements sur certains points. Les anciens combattants sont de plus en plus nombreux, et leurs besoins aussi, et nous avons maintenant une nouvelle génération d'anciens combattants qui chamboulent le ministère des Anciens Combattants du Canada avec la Nouvelle Charte des anciens combattants. Une institution fait sa réputation en étant le dernier recours des personnes qui veulent déposer une plainte et se faire entendre en toute équité.
Selon la division 11, section 276, le tribunal qui devrait compter 29 membres, dont le président, devrait aussi faire tout en son pouvoir pour afficher une efficacité de 100 p. 100, car chaque ancien combattant compte. Ce n'est pas comme un camion qui présente un taux d'efficacité de 85 p. 100, ce qui est jugé satisfaisant. Ce que je veux dire, c'est que vous traitez des êtres humains et que vous devez atteindre un taux d'efficacité de 100 p. 100.
L'organisation affiche un taux de 85 p. 100. Elle traite certains dossiers qui sont retenus pendant plus d'un an pour diverses raisons. Au fil du temps, on remarque que moins de 25 membres sur 29 membres ont été nommés, et parmi ceux-ci, certains sont en formation, d'autres sont malades et d'autres encore attendent leur nomination. On peut donc dire qu'il y a environ 25 membres qui travaillent efficacement et que jusqu'à 4 900 décisions sont rendues chaque année, ce qui représente une charge de travail considérable.
Comment peut-on affirmer qu'ils sont trop nombreux et que l'effectif sera réduit à 25, si tout indique qu'il nous en faut 29 au lieu de 25? Je suis désolé de vous entraîner dans le sujet comme cela, mais l'impact est considérable.
M. Flaherty : Eh bien, je comprends et j'éprouve un grand respect pour ce que vous avez vécu, sénateur. Je l'apprécie.
Ce dont nous avons besoin, c'est une commission efficace composée de 25 membres dévoués. C'est notre objectif. Selon nos estimations, ce nombre suffit à la charge de travail.
Nous sommes confrontés au même problème à la Cour supérieure du Québec, à la Cour supérieure de l'Ontario et dans les cours supérieures et cours d'appel de l'Ouest canadien. Quel est le nombre suffisant?
Le secret pour moi — et je suis avocat plaidant pour le meilleur et pour le pire —, c'est de trouver les bonnes personnes ayant une bonne éthique de travail qui s'acquitteront bien de leurs tâches.
Le sénateur Dallaire : Y avait-il un problème de leadership?
M. Flaherty : Je ne côtoie pas assez les anciens combattants pour porter quelque jugement que ce soit.
Le sénateur Dallaire : Je voulais lancer la question. Merci beaucoup.
Le sénateur Mockler : Je vous remercie, monsieur le ministre, de prendre le temps de vous joindre à nous et d'emprunter la voie que nous prenons. Je me rappelle très bien les choses que vous ne faites pas en ce moment, comme couper les transferts aux provinces. Je me rappelle mes années à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, de 1993 à 2004-2005. Je pense à toutes sortes de choses qui posent problème dans notre province, et je peux en dire autant d'autres provinces. Il y a un point dont j'aimerais que vous parliez devant tous ceux qui nous écoutent, un point qui touche votre leadership au sein de notre gouvernement : l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada.
L'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada constitue maintenant une des plus grandes caisses de retraite au monde, et c'est grâce au leadership. En ce moment, seuls des résidents canadiens peuvent siéger au conseil d'administration qui compte 12 membres. Je constate que, dans le projet de loi C-4, le gouvernement propose de permettre à trois non-résidents de se joindre à l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada.
Pouvez-vous expliquer aux membres du comité ici présents et aux Canadiens comment cette mesure contribuera à la prospérité à long terme du Régime de pensions du Canada?
M. Flaherty : Merci, sénateur. Comme vous l'avez mentionné, le Régime de pensions du Canada figure parmi les plus grandes caisses de retraite au monde avec son actif total de plus de 183 milliards de dollars. Le régime a affiché un taux de croissance de 10,1 p. 100 en 2012, et il investit une partie importante de son actif à l'étranger. L'office m'a demandé il y a quelque temps déjà si j'autoriserais l'embauche de quelques administrateurs non canadiens. J'ai consulté mes collègues provinciaux, les ministres des Finances, et ils ont affirmé à l'unanimité que nous devrions leur ouvrir nos portes. Nous vivons à l'ère de l'économie mondiale, et les administrateurs de notre immense régime de pensions investissent à Singapour, en Australie, en Europe et un peu partout. L'office a besoin des meilleurs conseils qui soient, et c'est pourquoi nous avons fait cette proposition.
Le sénateur Mockler : Si j'ai bien compris, monsieur le ministre, vous avez consulté les ministres des Finances des provinces?
M. Flaherty : Oui. C'est bien connu que je consulte largement mes collègues. Je leur ai tous parlé, et nous nous sommes bien compris. Nous sommes tous d'accord. Ils reconnaissent qu'il ne faut pas avoir l'esprit de clocher lorsqu'on gère un fonds d'une telle ampleur.
La sénatrice Buth : Monsieur le ministre, vous avez déjà commenté le contrôle des dépenses du gouvernement. Pouvez-vous nous faire part de vos attentes à l'égard des dépenses des ministères et de votre vision de la situation pour les deux ou trois prochaines années? Nous avons été témoins de beaucoup de compressions, mais à quoi vous attendez- vous au sujet des dépenses ministérielles ou qu'exigerez-vous des ministères?
M. Flaherty : Eh bien, nous avons dit aux ministères que leurs enveloppes respectives sont gelées pour les deux prochaines années. Maintenant, il revient pleinement aux sous-ministres, aux sous-ministres délégués et sous-ministres adjoints et aux hauts dirigeants d'affecter les ressources de la manière qu'ils jugent appropriée et de promouvoir ou de rétrograder, selon ce qu'ils choisissent de faire. Nous tenons à ce que le budget de 2015 soit équilibré, et une façon d'y arriver est de contrôler les dépenses publiques, dont les dépenses de programmes, avant que la situation n'échappe à tout contrôle.
La sénatrice Buth : Essentiellement, cela veut dire que toute nouvelle initiative doit provenir des ministères eux- mêmes. C'est à eux de déterminer ce qui est important et d'établir l'ordre de priorité.
M. Flaherty : C'est exact. Je sais que certains honorables sénateurs ici présents possèdent une expérience de l'appareil gouvernemental et que certains ont été ministres, entre autres. Comme vous le savez, il faut avoir un certain niveau de discipline pour atteindre un objectif. On a tendance à dépenser jusqu'à ce que quelqu'un nous dise d'arrêter. C'est comme avec nos enfants : ils dépenseront tant et aussi longtemps que personne ne leur dit d'arrêter.
Comme je l'ai mentionné précédemment, la fonction publique fédérale a fait un travail remarquable, particulièrement durant la grande récession, et s'est assuré que tout ce qui devait être accompli était fait en temps opportun. Je ne suis pas du genre à critiquer la fonction publique fédérale, mais je crois que les circonstances font en sorte que nous devons imposer certaines contraintes afin que nous puissions atteindre l'équilibre budgétaire.
La sénatrice Buth : Un commentaire : ayant participé aux lois budgétaires au cours des deux dernières années, nous avons été témoin des compressions de dépenses et des réductions de postes, mais il n'y a eu aucune réduction des dépenses des ministères au chapitre de la fonction publique. J'aimerais simplement savoir vers quoi nous nous dirigeons, car nous avons dû nous plier à un processus très mesuré et contrôlé, et on dirait bien que ce n'est pas terminé.
M. Flaherty : Je peux vous donner l'exemple du ministère des Finances. Je n'ai peut-être pas les bons chiffres, et permettez-moi de m'excuser si c'est le cas, mais lorsque j'ai commencé, je crois qu'environ 1 000 personnes travaillaient au ministère des Finances. Maintenant, je crois que nous sommes 750.
Est-ce que nous travaillons moins bien? Peut-être que certains l'affirmeront, mais je ne crois pas. La direction est très forte, comme le sous-ministre et les SMA, et c'est cela qui compte. Comme vous le savez, ceux qui dirigent les ministères — ce ne sont pas les ministres, qui ont d'autres occupations — sont très disciplinés dans leur approche.
La sénatrice Buth : Merci, monsieur le ministre.
La sénatrice Hervieux-Payette : J'ai lu les informations de votre ministère afin que nous nous comprenions bien et que ce dont je veux vous parler soit très clair. L'article 162 abroge l'article 160.1 de la Loi sur les banques, qui autorise les employés du gouvernement à siéger au conseil d'administration d'une banque à titre d'administrateur, si la banque est contrôlée par une coopérative de crédit locale. Il permet aussi aux mandataires de la Couronne et aux employés fédéraux et provinciaux de siéger à titre de directeur au conseil d'administration d'une société de portefeuille bancaire. Et c'est la même chose pour les compagnies d'assurance.
Je vous demande, monsieur le ministre, pourquoi on retrouve cela dans le budget et pourquoi vous permettez à ces très efficaces technocrates de se retirer de leurs fonctions pour siéger au conseil de grandes banques, sociétés de fiducie et compagnies d'assurance alors qu'il y a 250 employés de moins. Vous seul pouvez m'expliquer cela.
M. Flaherty : Non. En fait, c'est le sous-ministre adjoint qui vous répondra.
La sénatrice Hervieux-Payette : Vous aurez peut-être quelque chose à apprendre.
M. Flaherty : Je vais écouter attentivement.
Jeremy Rudin, sous-ministre adjoint, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances Canada : Merci, monsieur le ministre.
Comme l'a mentionné le ministre, ces mesures permettront de simplifier et de moderniser les dispositions sur le conflit d'intérêts associé à la participation au conseil d'administration d'institutions financières réglementées par le gouvernement fédéral. Certaines dispositions de la loi actuelle sont plus anciennes que d'autres instruments législatifs adoptés par le gouvernement depuis. À titre d'exemple, la Loi sur les conflits d'intérêts régit les personnes nommées aux sociétés d'État, et la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles constitue le fondement législatif du Code de valeurs et d'éthique du secteur public fédéral.
Compte tenu de ces changements, le gouvernement estime qu'il n'est plus nécessaire d'avoir une disposition générale visant les membres du conseil d'une société d'État et les fonctionnaires. Il n'est plus nécessaire qu'ils soient visés par une disposition générale afin de les empêcher de siéger au conseil d'une institution financière réglementée par le gouvernement fédéral parce que le système est protégé contre les conflits d'intérêts par, d'une part, la Loi sur les conflits d'intérêts et, d'autre part, le Code de valeurs et d'éthique. Et ce n'est pas tout : le Bureau du surintendant exige aussi que les institutions financières aient leur propre politique sur les conflits d'intérêts pour les membres du conseil.
La sénatrice Hervieux-Payette : Donnez-moi un exemple. Le sous-ministre de l'Agriculture pourrait-il siéger au conseil d'administration de la Banque Royale?
M. Rudin : Je ne dispose pas d'une analyse détaillée de cas hypothétiques, et si je vous donnais un exemple de cas hypothétique, il y aurait évidemment un conflit.
Cependant, un fonctionnaire provincial — disons du ministère de l'Agriculture — serait-il en conflit d'intérêts s'il siégeait au conseil d'administration d'une caisse d'épargne et de crédit fédérale? Il était peut-être membre depuis longtemps de cette caisse avant de se lancer dans l'arène fédérale. Peut-être qu'il serait toutefois en conflit d'intérêts. Il faudrait analyser la situation au cas par cas. Par contre, tout ce que cette disposition ferait, c'est annuler l'interdiction générale et exiger un examen de chaque cas.
La sénatrice Hervieux-Payette : Dans un contexte provincial, je suppose que c'est le gouvernement provincial qui a le dernier mot et qui accorde les permissions. Ce qui m'intéresse, c'est ce qui se passe au gouvernement fédéral. Je ne parle pas des membres du secteur privé qui siègent à un de nos comités, que ce soit EDC, la BDC ou la SCHL. Je n'ai aucune objection à ce qu'ils siègent ici et au conseil d'administration de la Banque Royale.
Ce qui me préoccupe, c'est de voir un sous-ministre de la Santé siéger à la Banque TD. Je sais que ce sont deux secteurs différents, mais je me demande comment un fonctionnaire de haut niveau peut avoir le temps et l'énergie nécessaires pour lire les documents tout en touchant, évidemment, les 175 000 $. Peut-être que ce serait déduit de sa paye. Je vous demande seulement pourquoi il est question de cela.
M. Rudin : On ne vise pas exclusivement les hauts fonctionnaires. Vous avez peut-être raison; il peut être difficile pour un haut fonctionnaire fédéral de ne pas se trouver en situation de conflit d'intérêts. Mais si c'est le cas, il ne pourra pas siéger au conseil en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts, s'il s'agit d'un sous-ministre ou d'une personne nommée par le gouverneur en conseil, ou du Code de valeurs et d'éthique, s'il occupe un échelon inférieur, ainsi que de la politique interne sur les conflits d'intérêts de l'institution financière, comme l'exige le surintendant.
La sénatrice Hervieux-Payette : Mais ce que je me demande, c'est d'où vient cette idée — des banques, des compagnies d'assurance ou des employés de notre gouvernement?
M. Rudin : Elle découle de notre examen des dispositions adoptées après l'application de la Loi sur les conflits d'intérêts et de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, et de, par exemple, l'interdiction de siéger au conseil d'une société d'État et au conseil d'une institution financière réglementée en même temps. La question est ensuite de savoir qui d'autre fait face à une interdiction semblable qui n'est plus nécessaire, et cela nous mène aux fonctionnaires provinciaux et ensuite aux fonctionnaires fédéraux.
[Français]
La sénatrice Bellemare : En terminant, monsieur le ministre, je pense que vous avez réussi à amener le Canada à bien traverser la dernière récession. Dans le budget, il y a de bonnes mesures en ce qui concerne l'emploi.
Toutefois, quelles sont les meilleures mesures, dans le budget, pour faire face au défi qui s'en vient, celui de la productivité au Canada? On sait que la croissance de la productivité pourrait être grandement améliorée. Selon vous, quelles sont les mesures qui vont régler cette problématique?
[Traduction]
M. Flaherty : Je vous remercie de votre question, sénateur. Je tiens à mentionner que, pendant toutes ces années durant lesquelles nous avons dû trouver des façons d'épargner, nous n'avons jamais réduit le financement des trois organismes subventionnaires, même pas d'un cent. Tous les organismes subventionnaires étaient pleinement financés. Pourquoi? Parce que nous croyons en la R-D. Nous croyons en l'innovation. Nous avons créé un fonds de capital- risque de 400 millions de dollars dans le cadre du budget de l'an dernier. Il a pris de l'expansion parce qu'il a été conçu dans le but d'établir des partenariats, et certaines provinces et sociétés privées sont devenues nos partenaires. Je pourrai vous en dire davantage en temps opportun.
Nous avons continué de miser sur les bourses de recherche postdoctorales et nous tentons toujours d'attirer des étudiants étrangers au Canada. J'ai toujours cru fermement en l'éducation supérieure et les études collégiales. Nous investissons davantage dans les collèges communautaires parce que les mêmes études ne conviennent pas à tous. Alors je peux vous dire que non, nous n'avons pas du tout tourné le dos à cela.
Le président : Monsieur le ministre, le comité a mené une étude sur l'écart des prix de produits entre le Canada et les États-Unis. Nous vous remercions d'avoir mis en œuvre une de nos recommandations quant à la réduction du tarif applicable à certains articles, dont l'équipement de hockey.
Mais nous avons affirmé qu'un examen exhaustif des tarifs serait approprié. Pouvez-vous nous dire si un tel examen est envisagé ou en cours?
M. Flaherty : Oui, monsieur le président, nous examinons les tarifs en général afin d'en avoir une meilleure idée. Comme vous le savez, des tiers indépendants sur le terrain se penchent sur les prix au détail, font des comparaisons et nous présenterons un rapport sur le sujet. J'ai récemment rencontré les PDG de grands détaillants canadiens et je leur ai fait part de mes préoccupations, car deux ou trois d'entre eux ne voulaient pas divulguer de renseignements sur les prix, mais ils collaborent bien maintenant. C'est une bonne chose. Je crois donc que nous disposerons de données exactes sur les prix au détail.
Nous examinons aussi les tarifs dans leur ensemble. Nous avons tenté d'éliminer des tarifs au cours des sept ou huit dernières années, et nous allons continuer dans cette voie.
Le président : Merci. J'ai une autre question avant de donner la parole au sénateur Dallaire. Ma question concerne le projet de loi que nous étudions ici. Le projet de loi C-4 compte 308 pages et 472 articles modifiant 50 textes législatifs, et il est divisé en 3 parties.
Je me demande si vous avez déjà entendu nos commentaires sur les projets de loi omnibus de nature financière ou budgétaire. Pourriez-vous envisager de séparer les questions d'ordre fiscal des autres questions afin que nous ne soyons pas le seul comité à étudier ce projet de loi de 308 pages qui traitent de mesures financières et d'autres choses?
M. Flaherty : J'ai peut-être été mal informé, monsieur le président, mais je croyais que certaines parties du projet de loi avaient été confiées à l'examen d'autres comités du Sénat.
Le président : Afin de vous éclairer, sachez que l'étude article par article n'est faite que par un seul comité. Même si d'autres comités contribuent à l'étude, seul notre comité se penchera sur chaque article du projet de loi. Nous devons donc savoir tout ce qu'il contient pour que nous puissions nous prononcer sur chaque article.
M. Flaherty : Cela ne fait que confirmer la prééminence du Comité des finances nationales.
Le président : Ce serait vraiment très bien que vous nous considériez comme prééminents pour l'examen de deux projets de loi distincts au lieu d'un seul. Je tenais simplement à le dire pour le compte rendu.
Il y a un autre point sur lequel j'aimerais vous entendre, car je sais qu'il en préoccupe certains. Vous en avez parlé dans votre mot d'ouverture, soit la différence de 7 milliards de dollars par rapport à ce qui avait été prévu pour l'exercice 2012-2013. Au moment de la présentation du budget, on prévoyait 26 milliards de dollars. À la mise à jour de novembre, on prévoyait toujours 26 milliards de dollars. En fait, lors du dépôt du budget suivant, vous prévoyiez encore 26 milliards de dollars. Lorsque les comptes publics ont été produits cet automne, il y avait 7 milliards de dollars en moins. Comment se fait-il que vous n'en sachiez pas davantage sur ce qui se passe au gouvernement afin que le public puisse être sûr que vos prévisions ne sont pas si éloignées de la réalité?
M. Flaherty : Vous savez, nous avons un budget d'environ 275 milliards de dollars, et ce montant est réparti entre les ministères et les organismes. Le budget ne gère pas les dépenses; ça, c'est la responsabilité du Conseil du Trésor. Si un ministère veut réaliser quelque chose et obtenir des fonds, c'est au Conseil du Trésor qu'il en fait la demande.
Nous avons été témoins d'écarts substantiels — c'est comme cela qu'on les appelle —, lorsque des ministères ne demandent même pas les fonds qui leur étaient attribués dans le budget. Voilà votre réponse.
Le président : Merci.
Le sénateur Dallaire : Monsieur le ministre, vous touchez un point important. Dans le cas du budget de la Défense nationale, nous pouvions affecter des fonds du crédit 5 au crédit 1 en prévision de l'année suivante, même si le report de crédits était autorisé. Nous tentions également de réduire au minimum les fonds réservés aux immobilisations qui n'étaient pas dépensés en faisant cheminer certains projets dans le système. Des milliards de dollars n'ont pas été consacrés aux immobilisations, ce qui est bien dans le contexte de réduction du déficit, mais il semble injuste que le ministère dispose de fonds qu'il ne peut pas dépenser. Le ministère est-il incapable de dépenser les fonds ou appliquons- nous tellement de règles, de règlements, de mesures de vérification et de matrices qu'il est maintenant impossible de faire approuver les dépenses en temps opportun?
M. Flaherty : Dans le cas du ministère de la Défense nationale, vous connaissez probablement mieux la réponse que moi.
Le sénateur Dallaire : Nous tentons d'avoir un échange ici.
M. Flaherty : Dans le cadre financier, l'argent que nous avons attribué à la Défense nationale est là pour la défense nationale. Le ministère le dépensera comme le Conseil du Trésor l'autorise à le faire. Personnellement, je suis quelque peu préoccupé par l'approvisionnement, qui me semble assez lent.
Le sénateur Dallaire : Seriez-vous passé maître dans l'art de l'euphémisme?
M. Flaherty : Je ne suis pas un expert en la matière, mais je peux vous garantir, sénateur, que les crédits ont été affectés; c'est dans le cadre financier. Lorsque le ministère a besoin de fonds, il n'en manque pas.
Le sénateur Dallaire : Je vous remercie.
Le président : Monsieur le ministre, notre temps est écoulé. Au nom du prééminent Comité permanent des finances nationales, je tiens à vous remercier chaleureusement d'avoir pris le temps de nous éclairer sur certaines questions. Je tiens aussi à vous souligner l'excellent travail des fonctionnaires qui forment votre équipe et qui nous aident depuis quelques jours à comprendre le projet de loi et ses 472 articles. Soyez assuré que, en votre absence, ils font un travail remarquable.
Je vous remercie de votre présence.
M. Flaherty : Merci, monsieur le président.
Le président : La séance est levée.
(La séance est levée.)