Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 13 - Témoignages du 27 mai 2014 - après-midi
OTTAWA, le mardi 27 mai 2014
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 14 h 34, pour étudier la teneur du projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, cet après-midi nous allons continuer notre étude de la teneur du projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.
[Traduction]
Honorables sénateurs, vous vous rappellerez qu'en plus du Comité des finances nationales, cinq autres comités ont examiné des parties du projet de loi C-31. Le Sénat avait demandé à divers comités de faire une étude préalable de certains éléments du projet de loi C-31. Lorsque le projet de loi sera déposé au Sénat, probablement dans une ou deux semaines, il sera renvoyé au Comité des Finances nationales, qui devra examiner tous les articles, y compris ceux ayant fait l'objet d'une étude préalable par d'autres comités. C'est donc pour cette raison que nous avons demandé l'aide des autres comités. Nous avons leurs rapports, mais nous aimerions mieux comprendre les dispositions dont ils ont été saisis.
Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui un ancien membre du comité, le sénateur Runciman, président du Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, ainsi que le sénateur Baker, vice-président du même comité. Ils discuteront de la teneur des éléments contenus aux articles 164 et 165 de la section 5 de la partie 6 qui concernent la Loi sur les juges. Dans la version anglaise, cela se trouve à la page 131 du projet de loi d'exécution du budget.
Je demanderais donc à nos collègues de nous donner un aperçu de l'objet de ces dispositions ainsi que leurs opinions à leur sujet.
L'honorable Bob Runciman, président, Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vois que vous gardez vos témoins à distance. Je suis ravi d'être ici aujourd'hui et je vous remercie de votre invitation.
Le mercredi 9 avril dernier, le comité a reçu un ordre de renvoi le chargeant d'étudier la teneur de certains éléments du projet de loi C-31. Plus particulièrement, le Sénat lui demandait d'examiner les dispositions portant sur la Loi sur les juges prévues à la section 5 de la partie 6 du projet de loi. On nous a demandé de tenir des audiences publiques et de faire rapport de nos conclusions au Sénat le 19 juin 2014 au plus tard pour que le Sénat et le comité puissent examiner les faits et les observations recueillis au sujet de cette partie précise du projet de loi d'exécution du budget. Je vais résumer brièvement ce que prévoit cette section du projet de loi. Nous y proposons un amendement très simple.
Le gouvernement fédéral nomme les juges de la Cour supérieure des provinces et des territoires et pourvoit à leurs traitements et pensions aux termes de la Loi constitutionnelle de 1867. Les autorités compétentes établissent le nombre de ces postes financés par le gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur les juges.
Dans le budget de février 2014, le gouvernement fédéral a octroyé 4,4 millions de dollars sur deux ans pour la création de six nouveaux postes de juge de nomination fédérale, quatre au Québec et deux en Alberta. Selon le budget, cette augmentation est justifiée par le nombre de causes criminelles et civiles complexes et médiatisées qui ont grandement retardé la tenue des audiences des cours supérieures de ces provinces. Les postes supplémentaires visent à réduire ces retards, assurant ainsi que les causes sont entendues en temps opportun et que des accusations ne sont pas abandonnées en raison du retard des audiences.
La section 5 de la partie 6 du projet de loi C-31 modifie en conséquence la Loi sur les juges afin d'augmenter le nombre des juges de la Cour supérieure du Québec et de la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta. Le comité a entendu des représentants de Justice Canada, qui ont présenté les amendements proposés à la section 5 de la partie 6 du projet de loi C -31 et en ont expliqué les raisons. Il a aussi entendu l'Association du Barreau canadien, qui appuie les amendements. Le comité a aussi invité le procureur général de l'Alberta, la procureure générale du Québec, le Commissariat à la magistrature fédérale ainsi que le Barreau du Québec. Cependant, ils n'ont pas participé aux audiences publiques du comité.
Des membres du comité ont soulevé des questions sur la cohérence des critères que Justice Canada applique aux demandes de nomination de juges supplémentaires présentées par les provinces, mais le comité a néanmoins appuyé les éléments de la section 5 de la partie 6 du projet de loi C-31 qui apporteraient les modifications nécessaires à la Loi sur les juges et a inclus ces observations dans son rapport au Sénat, déposé le mardi 13 mai dernier. J'ai apporté des exemplaires des mémoires, ainsi que la transcription non éditée des réunions du comité, pour examen.
Le vice-président aurait peut-être quelque chose à ajouter.
L'honorable George Baker, vice-président, Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à titre personnel : Non, essentiellement, vous avez fait le tour du sujet. Vous n'avez toutefois pas mentionné qu'à la section 5, la Loi sur les juges, le salaire de 288 100 $ correspond en fait à un peu plus de 300 000 $ par année par juge de la Cour supérieure à partir du 1er avril. Veuillez garder ça en tête.
On dit ici qu'il y a 144 juges puînés. On parle ici de tous les juges qui ne sont pas des juges en chef.
Les deux provinces concernées, le Québec et l'Alberta, avaient demandé davantage de juges qu'elles n'en ont obtenus, mais elles sont tout de même satisfaites, d'après ce qu'on nous a dit.
Certains membres du comité ont soulevé des préoccupations quant à la cohérence des critères employés par Justice Canada lorsqu'il s'agit d'approuver ces salaires. Il ne faut pas oublier que les provinces paient les locaux et les installations des tribunaux. Les ressources institutionnelles sont payées à même le budget provincial et non pas le budget fédéral. On comprend donc qu'en demandant ces juges, les provinces doivent tenir compte de leur propre budget. Certains membres du comité ont exprimé des réserves à propos de la cohérence des critères appliqués aux demandes de nomination puisque, comme notre président l'a signalé et comme en fait état le discours sur le budget, les postes supplémentaires visent à assurer que les accusations criminelles ne soient pas abandonnées faute d'avoir été entendues en temps opportun.
Comme vous le savez, monsieur le président, cette mesure découle de l'alinéa 11b) de la Charte et elle s'applique uniquement aux affaires criminelles, lorsqu'un tribunal ne peut, pour une raison ou une autre, régler l'affaire dans un délai raisonnable. Le délai ici couvre la période à partir de l'enregistrement du plaidoyer jusqu'à la détermination de la peine.
La Cour suprême du Canada, comme vous le savez, monsieur le président, a déterminé dans les arrêts Askov de 1990 et Morin de 1992, la longueur tolérée des délais institutionnels ou tout autre type de délai. Un délai trop long peut être jugé déraisonnable et toutes les accusations criminelles peuvent être abandonnées.
Nous observons cette tendance dans chacune des provinces. Comme vous le savez, monsieur le président, nous rendons les lois plus complexes sur la Colline du Parlement. Par conséquent, il faut plus de temps pour rendre une décision dans des cas compliqués; des accusations sont donc portées, mais elles finissent par être abandonnées. C'est le problème que le projet de loi à l'étude vise à régler.
Certains membres du comité ont dit : un instant! Au Nouveau-Brunswick, d'où vous venez, monsieur le président, il y a constamment des accusations qui sont abandonnées parce que les causes n'ont pas été entendues en temps opportun. Je tiens à signaler que ce n'est pas toujours attribuable à un manque de juges ou d'installations. Il peut y avoir des contraintes de temps qui découlent du travail de la Couronne ou des policiers.
C'est tout ce que j'avais à dire.
Le président : Merci beaucoup, messieurs les sénateurs Runciman et Baker. Je sais qu'il y a des sénateurs qui aimeraient poser des questions ou peut-être obtenir des précisions.
[Français]
Le sénateur Rivard : Merci de votre comparution; j'ai lu avec attention vos recommandations. Maintenant, je suis surpris de voir que les procureurs généraux de l'Alberta et du Québec ainsi que le Barreau du Québec ne se sont pas présentés. J'ose supposer que ce sont eux qui ont fait la demande au ministère de la Justice, et qu'ils ne voulaient probablement pas venir répéter ou justifier la demande. J'ai l'impression que le ministre avait tout ce qu'il fallait pour faire la recommandation, n'est-ce pas?
[Traduction]
Le sénateur Runciman : Ce qu'on nous a dit, c'est qu'ils étaient satisfaits de la décision prise concernant les nominations supplémentaires. S'il y avait eu des préoccupations importantes, à mon avis, on nous l'aurait dit en comité ou on nous l'aurait écrit, mais cela ne s'est pas produit.
[Français]
Le sénateur Rivard : Donc il n'y a eu ni comparution ni rapport écrit. Ils ne se sont pas présentés.
Le sénateur Runciman : Non.
Le sénateur Rivard : Le dernier point fera sourire beaucoup de personnes, je suppose. Depuis 2006, nous avons rebaptisé le budget qui s'appelle maintenant le Plan d'action économique. Dans votre rapport, vous faites seulement allusion au « budget ». Quant au terme légal, est-ce que c'est « le budget » ou est-ce que la nouvelle appellation « Plan d'action économique » s'emploie strictement lorsque nous présentons ledit budget?
[Traduction]
Le sénateur Runciman : Bien noté.
Le président : C'est la réponse qui ressemble le plus à un « oui » et à un « non » que nous avons entendue depuis longtemps.
La sénatrice Callbeck : Je vous remercie de comparaître aujourd'hui et de nous donner ces explications. Si je comprends bien, on n'a pas vraiment soulevé de préoccupations. Vous dites que certains membres du comité ont exprimé des réserves à propos de la cohérence des critères, mais ce n'est pas le cas des témoins.
Le sénateur Runciman : George pourrait vous en dire davantage s'il le désire. Je pense que le Barreau appuyait la demande initiale des provinces, c'est-à-dire les six et quatre juges supplémentaires, qui ont plutôt été réduits à quatre et à deux. En gros, les témoins étaient favorables à la modification. Si je me souviens bien, leur seule critique, si vous voulez, c'est le fait qu'on a obtenu moins de juges que ce qu'on avait demandé.
La sénatrice Callbeck : D'accord, merci.
Le sénateur Baker : En fait, ils nous ont dit clairement qu'aucune autre province n'avait demandé des ressources judiciaires additionnelles. Aucune autre province n'a fait une demande semblable. Maintenant, cela ne veut pas dire pour autant que les juges en chef des cours supérieures provinciales n'ont pas demandé à leur gouvernement provincial davantage de ressources. Cela veut simplement dire que les gouvernements provinciaux n'ont pas demandé au gouvernement fédéral des salaires supplémentaires.
La sénatrice Callbeck : D'accord. Merci.
Le président : À titre de précision, à l'article 165, les 57 autres juges de la Cour du Banc de la Reine, est-ce pour l'Alberta et le Québec?
Le sénateur Runciman : Est-il question des juges surnuméraires?
Le sénateur Baker : Non.
Le président : Il s'agit simplement d'une modification à la loi, évidemment, que l'on retrouve à l'article 165 de la section 5. Le nombre sera porté à 57. Est-ce que c'est seulement pour ces deux provinces?
Le sénateur Baker : Oui. Comme vous le savez bien, monsieur le président, certaines provinces ont ce qu'on appelle la Cour du Banc de la Reine.
Le président : En effet.
Le sénateur Baker : Les autres provinces l'appellent la Cour supérieure. Il y a donc trois provinces, si je ne me trompe pas, qui ont une Cour du Banc de la Reine et sept provinces qui ont une Cour supérieure.
Le président : D'accord.
Le sénateur Baker : En Ontario, on retrouve une Cour supérieure. Ce n'est pas la Cour suprême. Il y a la Cour supérieure de l'Ontario et la Cour de l'Ontario, mais ici, on veut faire la distinction entre les cours supérieures et les cours du Banc de la Reine. Il s'agit de la même instance et des mêmes dossiers — ce sont simplement des appellations différentes d'une province à l'autre —, et les salaires sont versés par le gouvernement fédéral. Les salaires sont les mêmes et, comme je le disais tout à l'heure, ils s'élèvent à un peu plus de 300 000 $ et ne correspondent pas aux 288 000 $ affichés ici.
Le président : Pouvez-vous nous expliquer ça, sénateur Baker?
Le sénateur Baker : Le budget a été présenté en février, si je ne m'abuse. Le 1er avril, il y avait une augmentation prévue aux salaires de tous les juges des cours supérieures, des cours du Banc de la Reine, de la Cour canadienne de l'impôt et de la Cour fédérale du Canada. Cette augmentation est entrée en vigueur le 1er avril, par conséquent, ce chiffre devrait se lire 300 008 $. C'est le salaire qu'ils reçoivent depuis le 1er avril.
Le président : Lorsque le projet de loi d'exécution du budget sera adopté, je suppose que ce sera rétroactif à la date de l'annonce, qui est avant le 1er avril; il y aura donc une autre augmentation pour ces juges. Une au 1er avril et une autre rétroactive, lorsque le projet de loi sera adopté.
Le sénateur Baker : Espérons que ce sera les 300 000 $ et non pas les 288 100 $.
Le président : Est-ce que les 4,4 millions de dollars indiqués dans votre rapport figurent dans le budget du gouvernement ou s'ils ne font qu'indiquer les coûts de cette augmentation?
Le sénateur Baker : C'est pour les juges supplémentaires. D'après ce que je comprends, il s'agit d'un autre crédit dans le budget.
Le président : Y avait-il des questions à ce sujet?
Pourriez-vous nous rafraîchir la mémoire quant au nombre de nouveaux juges nommés à la Cour du Banc de la Reine? Cinquante-sept est le nouveau nombre. Combien y avait-il auparavant?
Le sénateur Baker : Je ne suis pas certain. Au Québec, c'est une Cour supérieure.
Le président : Grâce à ces modifications, il y aura 144 juges puinés de la Cour supérieure, ce qui est le nouveau nombre; et 57 autres juges pour la Cour du Banc de la Reine des autres provinces. Chacun d'entre eux recevra une augmentation au moment de l'annonce. Leur salaire passera de 288 100 $ à 300 008 $.
Le président : Comme il n'y a pas d'autres questions, je tiens à vous remercier tous les deux de nous avoir consacré de votre temps afin que nous soyons prêts à procéder à l'étude article par article du projet de loi.
Le sénateur Baker : Merci.
Le président : Nous sommes très heureux d'accueillir le président et le vice-président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, messieurs les sénateurs Lang et Dallaire. Nous allons traiter de la teneur des éléments contenus aux articles 102 à 105 de la section 1 de la partie 6, intitulés « Paiements — Anciens combattants », qui figurent à la page 84; et aux articles 168 à 171 de la section 7 de la partie 6 qui concernent la « Loi sur la défense nationale » et qui se trouvent à la page 133 de la version anglaise.
Sénateur Lang, nous avons une copie de votre rapport.
L'honorable Daniel Lang, président, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, à titre personnnel : Merci, monsieur le président. Comme mon collègue l'a fait remarquer, nous aurions presque besoin de jumelles. Vous êtes loin. Quoi qu'il en soit, cela ne devrait pas être très long.
Tout d'abord, je tiens à signaler que le Comité de la sécurité nationale et de la défense n'a aucune observation ni aucune modification à proposer.
Comme on l'a déjà dit, notre comité a été autorisé à examiner la teneur des éléments contenus aux sections 1 et 7 de la partie 6 du projet de loi C-31. Étant donné que ces dispositions traitaient des anciens combattants, le comité a demandé au Sous-comité des anciens combattants, présidé par mon collègue, le sénateur Dallaire, de procéder à l'examen officiel. Nous l'avons divisé en deux parties. Je vais vous parler de la première partie qui porte sur les modifications à la Loi sur la défense nationale. C'était très simple.
Les modifications reconnaissent les noms historiques de la Marine royale canadienne, de l'Armée canadienne et de l'Aviation royale canadienne tout en préservant l'intégration et l'unification réalisées en vertu de la Loi sur la réorganisation des forces canadiennes et afin que les désignations de grade et leur cas d'emploi soient par règlement du gouverneur en conseil.
Nous avons fait comparaître des représentants du ministère de la Défense nationale et de la Légion royale canadienne. La légion était en faveur des modifications recommandées. Étant donné que vous êtes le comité des finances, j'imagine que vous aimeriez savoir s'il y avait des questions monétaires liées à cette partie. On a posé la question aux témoins qui ont comparu devant le comité. On nous a dit que tous les engagements seraient assumés par le ministère. Il n'a pas demandé de fonds supplémentaires en ce qui concerne cette modification.
Je vais maintenant céder la parole au sénateur Dallaire au sujet du versement des sommes pour compenser les déductions faites à certaines allocations et prestations dues au titre de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, de la Loi sur les allocations aux anciens combattants et de la Loi sur les prestations de guerre pour les civils.
L'honorable Roméo Dallaire, vice-président, Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, à titre personnel : Le projet de loi C-31 modifie deux des nouvelles prestations de retraite offertes aux anciens combattants en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants pour refléter une décision qui a été prise concernant les pensions d'invalidité aux termes de l'ancienne Charte et de l'ancienne Loi sur les pensions par les tribunaux dans l'arrêt Manuge. On a cessé de déduire de leur pension d'invalidité un montant de gains équivalent à cette pension. Cela s'est fait en date du 29 mai 2012 pour la Nouvelle Charte des anciens combattants, la décision dans l'affaire Manuge a été mise en œuvre en 2013. Cela a permis de régler le cas de 4 500 anciens combattants, ce qui a coûté 600 millions de dollars. Pour ce qui est de la Nouvelle Charte des anciens combattants, les montants sont beaucoup moins élevés puisque cette fois, le réajustement touche seulement une centaine d'anciens combattants.
Il est utile également d'aligner deux très vieilles pensions d'invalidité : celle de la Loi sur les allocations des anciens combattants adoptée en 1930; et celle de la Loi sur les prestations de guerre pour les civils adoptée en 1946. La deuxième pourrait présenter un intérêt particulier, car elle concerne les civils, et non les militaires, qui ont contribué à l'effort de guerre. Bon nombre se sont retrouvés à l'étranger en tant qu'infirmières, membres de la Croix-Rouge et membres des Chevaliers de Colomb et recevaient une pension d'invalidité pour avoir été blessé à l'étranger. Les indemnisations et avantages qu'ils recevaient étaient déduits de leur pension d'invalidité.
Le gouvernement a décidé que le changement ne serait pas rétroactif à 1930 ou à 1946; vous pouvez vous imaginer l'ampleur de la tâche que cela aurait imposée. Nous sommes conscients qu'il est question ici d'anciens combattants de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée; ils sont de moins en moins nombreux.
La rétroactivité par rapport à la Nouvelle Charte des anciens combattants soulèvera certaines questions. Malgré le fait qu'une ordonnance judiciaire formulée en 2012 reconnaisse que le processus doit changer, ce changement sera rétroactif au 29 mai 2012 pour ceux qui sont assujettis à la Nouvelle Charte des anciens combattants. Ceux qui sont assujettis à la vieille charte ou à la loi sur les pensions verront leurs dossiers traités séparément selon un processus différent.
Ça peut paraître complexe, mais, essentiellement, le gouvernement a rendu le processus plus juste. Dorénavant, les allocations pour perte de revenus ne seront pas déduites des pensions d'invalidité, car il s'agit de deux choses différentes. Par exemple, auparavant, si un ancien combattant touchait une pension mensuelle d'invalidité de 4 000 $, disons, ainsi qu'une indemnisation pour préjudice moral de 1 500 $ par mois, cette dernière était déduite de la pension d'invalidité. Donc, la pension d'invalidité passait de 4 000 $ à 2 500 $, et un montant de 1 500 $ était ensuite envoyé à l'ancien combattant, ce qui ramenait son montant mensuel à 4 000 $, alors qu'il aurait dû recevoir 5 500 $. La décision Manuge a finalement réglé ce problème. Cette situation tourmentait les anciens combattants depuis des décennies. C'était donc une initiative louable.
On estime à environ 19,2 millions de dollars la somme nécessaire pour couvrir la rétroaction en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants.
Le président : Merci, sénateur Dallaire.
Quel a été le tournant, le 29 mai 2012?
Le sénateur Dallaire : J'ai presque utilisé le même terme. Le directeur des politiques à Anciens Combattants Canada et, bien entendu, les représentants de la Légion ont analysé la question. Même si la recommandation était d'appliquer les changements rétroactivement à avril 2006, date de l'entrée en vigueur de la Nouvelle Charte des anciens combattants, en raison de l'effort nécessaire pour regrouper ces quatre voire ces cinq processus différents de pension, notamment en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants, le personnel du gouvernement était d'avis qu'il ne pouvait traiter équitablement tous les dossiers sur le plan administratif à moins de fixer une date raisonnable permettant de surmonter les difficultés relatives aux différents régimes. C'est la raison pour laquelle le changement sera rétroactif à 2012. Ce n'est pas une réponse très satisfaisante. C'est davantage une question d'équité administrative du point de vue du personnel administratif.
Le président : La décision Manuge a-t-elle été rendue le 12 avril?
Le sénateur Dallaire : Non, le 1er mai 2012.
Le président : Donc, il n'y a rien qui se rattache au 29 mai 2012?
Le sénateur Dallaire : Il s'agit d'une date dans le processus.
Le sénateur Lang : J'ajouterais une chose. Il y a eu un laps de temps entre le moment où le gouvernement a annoncé ses intentions et l'adoption de la loi. Par conséquent, on a cru bon de faire l'annonce le jour où les changements allaient entrer en vigueur. C'est la raison pour laquelle les changements seront rétroactifs à la date à laquelle ils ont été annoncés, car l'adoption de la loi a été retardée pour diverses raisons. Il y a une raison pour laquelle la rétroactivité a été fixée pour cette période.
Le président : Merci.
L'article 102, à la section 1 de la partie 6, parle d'une période commençant le 29 mai 2012 et se terminant le 30 septembre 2012. Ce n'est qu'une seule journée.
Le sénateur Dallaire : Parce que le changement est entré en vigueur.
Le président : Ce jour-là?
Le sénateur Dallaire : Le jour suivant. Donc, tout s'est arrêté. On n'allait pas...
Le président : Cela a réglé le problème.
Le sénateur Dallaire : En fait, les changements ont été mis en œuvre avant que le processus soit terminé. On ne fait que régler certains détails concernant la rétroactivité.
Le sénateur Lang : Ce sera très avantageux pour un grand nombre d'anciens combattants. Les représentants de la Légion qui sont venus témoigner, ainsi que leurs membres, sont très heureux, car c'est un problème qu'ils ont soulevé.
Le président : Ces changements ont été apportés à la suite de la décision Manuge.
Le sénateur Dallaire : Oui.
Le président : Qui a déposé la plainte devant les tribunaux? Le sait-on?
Le sénateur Dallaire : C'est lui, M. Manuge.
Le président : C'est un comptable qui vit au centre-ville?
Le sénateur Dallaire : Non, c'est un ancien combattant qui avait le soutien de milliers d'autres anciens combattants. Lorsque j'étais SMA, je me souviens des luttes incroyables qui ont été menées pour tenter de convaincre les avocats que la méthodologie était erronée et que nous n'allions nulle part.
En fin de compte, le gouvernement a réagi à l'ordonnance judiciaire. Le projet de loi C-31 ne fait qu'aligner les autres régimes de pension à l'ordonnance et à ce qui a déjà été mis en œuvre. Maintenant, nous cherchons à obtenir les fonds nécessaires pour la rétroactivité.
Le sénateur Lang : Il est important de souligner que cette décision fut discrétionnaire. La rétroactivité n'a pas été imposée par les tribunaux. Les responsables étaient d'avis que c'était la chose équitable à faire au moment de l'annonce.
Le président : Le seul point de discorde serait peut-être la date choisie pour la rétroactivité.
Le sénateur Lang : C'est exact.
Le président : Mais, nous appuyons tous la décision du tribunal.
Le sénateur Dallaire : Oui, et comme l'a souligné le sénateur Lang, la rétroactivité est une décision politique. Aussi, les fonctionnaires étaient d'avis qu'il s'agissait d'une date acceptable. La Légion a déjà indiqué qu'elle s'inquiétait de certains commentaires formulés, bien entendu, en ce qui a trait à la rétroaction au 1er avril 2006.
Le président : Merci.
Le sénateur Lang, j'aimerais confirmer une chose. À la page 133, le changement proposé à la Loi sur la défense nationale découle-t-il d'un événement en particulier? Est-ce simplement de la gestion courante ou un retour vers le futur? Pourquoi cela est-il nécessaire?
Le sénateur Lang : On peut se demander si nécessaire, mais cette décision a été prise en fonction de l'histoire de nos forces militaires et pour redonner aux divers groupes de nos forces militaires leur nom de façon à ce que les membres et le public reconnaissent l'importance historique de ceux qui ont servi leur pays. Il s'agit d'une décision politique. D'ailleurs, la décision elle-même a été prise il y a plusieurs années. Cet article ne fait que la mettre en vigueur.
Le sénateur Dallaire : Je faisais partie de la première classe à graduer après l'unification des uniformes. La structure hiérarchique actuelle dans les Forces canadiennes est en vigueur depuis maintenant 45 ans. Cet article propose de réinstaurer la structure hiérarchique préunification, tant au chapitre des titres que des noms et des attributs. Ça ressemble beaucoup au système britannique qui existait auparavant et que nous utilisions avant l'unification. Nous ramenons l'ancien système.
Le président : Merci beaucoup pour cette explication.
La sénatrice Eaton : J'aurais une question complémentaire, sénateur Dallaire. Cela signifie qu'il y aura des commandants dans la marine et des capitaines dans l'armée?
Le sénateur Dallaire : Non, dans l'armée, le grade correspondant à celui de commandant dans la marine est un lieutenant-colonel.
La sénatrice Eaton : C'est ce que je voulais dire.
Le sénateur Dallaire : Pardonnez-moi.
La sénatrice Eaton : Ça va. Vous allez recommencer à porter un uniforme de la marine. Autrement dit, en regardant un militaire, je pourrais savoir immédiatement à quel groupe il appartient.
Le sénateur Dallaire : En 1986, le gouvernement Mulroney à réinstaurer les trois uniformes originaux, que l'on appelait le vert des FC, au coût de 46 millions de dollars. L'armée de l'air a retrouvé le bleu et le noir, la marine, le bleu foncé, et la couleur de l'uniforme de l'armée de terre a été ajustée au vert foncé, la couleur originale des régiments de carabiniers. Cet article propose d'ajuster les attributs en conséquence.
La sénatrice Eaton : Sur les uniformes actuels?
Le sénateur Dallaire : Oui, de façon à retrouver le système préunification qui reposait sur le modèle britannique. C'est le modèle que nous utilisions, et ça fonctionnait.
Toutefois, nous ramènerons également les noms des grades originaux. Donc, l'armée de l'air retrouvera le commandant d'escadron, ce qui correspond au grade de lieutenant-colonel. Le grade correspondant dans la marine est commandant et, dans l'armée de terre, c'est lieutenant-colonel. Tous ces noms seront utilisés de nouveau. Cela sèmera la confusion chez les civils, et ça nous fait plaisir.
La sénatrice Eaton : Même si j'étais très jeune à l'époque, je me souviens d'un débat important selon lequel l'unification entraînait une démoralisation des effectifs, car on leur retirait leur uniforme et leurs grades.
Le sénateur Dallaire : Effectivement.
La sénatrice Eaton : Ce retour aux sources a certainement été accueilli avec enthousiasme?
Le sénateur Dallaire : L'unification a pratiquement détruit l'âme de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air, car elle tentait de les réunir sous un corps des marines. Cette décision a simplement renversé les régiments de la milice, eux qui ont toujours contesté les codes vestimentaires, mais ils ont pu être réintégrés. En 1986, lorsque les trois uniformes ont été réinstaurés, il y a eu un énorme débat à savoir si l'investissement de 46 millions de dollars en valait la peine. La question était de savoir quel était l'impact, en pourcentage, des uniformes sur l'efficacité opérationnelle, la cohésion, l'esprit de corps et l'éthos. Permettaient-ils d'accroître l'efficacité opérationnelle de 10 p. 100, de 20 p. 100 simplement parce qu'ils jouaient sur la fierté des membres? Nous étions nombreux à prétendre que l'impact était considérable.
En vertu de la structure hiérarchique actuelle, presque aucun militaire actuellement en service n'a porté les vieux uniformes et servi sous l'ancienne structure hiérarchique; la plupart n'ont connu que la nouvelle structure hiérarchique. Cette question soulève des débats. Certains préfèrent conserver la structure hiérarchique actuelle, alors que d'autres sont heureux de retrouver l'ancienne. Il y aura une certaine divergence d'opinions, mais ce n'est pas péjoratif, puisque ce changement reconnaît les trois groupes distincts sur lesquels on peut bâtir une fierté régimentaire, ce qui, à mon avis, permettra d'accroître le rendement.
Le président : J'ai épuisé ma liste d'intervenants. Vous avez bien expliqué le dossier. Nous comprenons qu'en fin de compte, votre comité, qui a étudié ces sections, appuie les initiatives proposées.
Le sénateur Lang : C'est exact.
Le président : Merci beaucoup.
Chers collègues, j'aimerais que quelqu'un propose une motion pour poursuivre à huis clos. Je vous expliquerai alors la raison. La sénatrice Callbeck propose la motion. Merci.
J'aimerais également que quelqu'un propose une motion pour permettre aux membres du personnel de rester. La sénatrice Bellemare propose la motion. Merci.
Chers collègues, nous allons maintenant poursuivre à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)