Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 29 - Témoignages du 1er avril 2015
OTTAWA, le mercredi 1er avril 2015
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour étudier le projet de loi C-21, Loi visant à limiter le fardeau administratif que la réglementation impose aux entreprises.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, ce soir nous continuons notre étude du projet de loi C-21, Loi visant à limiter le fardeau administratif que la réglementation impose aux entreprises.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je veux vous faire savoir que nous avons invité la Chambre de commerce du Canada et le Conference Board du Canada. En nous remerciant, ils ont tous deux répondu qu'ils pourront peut-être nous envoyer un mémoire écrit, mais ne pourront pas venir témoigner étant donné les délais serrés que nous impose la Chambre du Sénat. Merci de les avoir suggérés comme témoins.
On m'a dit également que le budget sera probablement présenté le 20 avril. On peut s'attendre à ce qu'un projet de loi d'exécution du budget soit présenté peu de temps après, mais nous planifierons son étude au cours des semaines à venir.
Ce soir, nous sommes très heureux d'accueillir un certain nombre de témoins qui ont pu s'accommoder d'un court préavis. Nous recevons Mme Shannon Coombs, présidente de l'Association canadienne de produits de consommation spécialisés. De l'Alliance de la fonction publique du Canada, nous recevons M. Chris Aylward, vice-président exécutif national, et M. Howie West, agent de réorganisation du travail. Nous rencontrerons aussi, par vidéoconférence, Mme Laura Jones, qui est à Vancouver. Mme Jones est vice-présidente exécutive de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.
On m'a dit que nos témoins feraient une déclaration préliminaire avant que nous passions à notre période de questions. Nous allons commencer avec Mme Coombs.
Shannon Coombs, présidente, Association canadienne de produits de consommation spécialisés : Monsieur le président, honorables membres du comité, bonsoir. C'est pour moi un plaisir d'être ici aujourd'hui pour présenter le point de vue de l'Association canadienne de produits de consommation spécialisés, l'ACPCS, dans le cadre de l'étude en comité du projet de loi C-21. Je m'appelle Shannon Coombs et je suis présidente de l'ACPCS. Depuis 17 ans, je représente avec fierté une industrie proactive et responsable ainsi que ses nombreuses réussites.
L'ACPCS est une association professionnelle nationale qui représente 35 entreprises membres de partout au Canada. Collectivement, les entreprises membres ont une valeur de 20 milliards de dollars et emploient 12 000 personnes dans plus de 100 établissements. Nos membres fabriquent, transforment, emballent et distribuent des produits spécialisés destinés aux consommateurs, à l'industrie et aux institutions, comme du savon et des détersifs, des produits antiparasitaires ménagers, des aérosols, des désinfectants pour surfaces dures, des désodorisants et des produits chimiques pour les automobiles — ou, comme je les appelle, tous ces produits que l'on range sous l'évier de la cuisine. J'ai remis au greffier des exemplaires d'un document d'une page sur lequel figure une photo de tous nos produits. Je suis persuadée que bon nombre d'entre vous en ont déjà utilisé.
Pourquoi sommes-nous ici? Les entreprises de l'ACPCS sont encadrées par des règlements. Les ingrédients, les bouteilles, les étiquettes et, parfois, l'utilisation des produits — par exemple pour les trappes à fourmis et les désinfectants — sont autant d'éléments visés par des règlements et des lois, qu'il s'agisse de produits de consommation ou de produits utilisés dans les milieux de travail.
Nous appuyons le projet de loi C-21 puisqu'il établit un système de freins et de contrepoids nécessaire en ce qui concerne l'élaboration de règlements, qui, souvent, complexifient les activités et engendrent des coûts au Canada. Le projet de loi aborde le fardeau administratif, qui peut être très lourd pour l'industrie. Bien qu'il ait une portée limitée — il s'en tient au fardeau de la paperasserie —, le projet de loi constitue un pas dans la bonne direction. Il oblige les autorités à tenir compte des coûts pour l'industrie qu'engendreront l'élaboration et la mise en œuvre des règlements.
La portée du projet de loi pourrait-elle être plus large? Absolument. L'ACPCS est d'avis que le projet de loi pourrait également comprendre des dispositions modernisant les lois sur l'étiquetage et les règlements sur les ingrédients, deux éléments qui sont très coûteux pour l'industrie. À l'heure actuelle, nous devons mettre en œuvre le Système général harmonisé de classification et d'étiquetage des produits chimiques, ou le SGH, pour les produits chimiques utilisés dans les milieux de travail. L'industrie changera donc l'ensemble de ses fiches signalétiques et de ses étiquettes pour respecter le SGH des Nations Unies, qui a récemment été mis en œuvre aux États-Unis. Ce changement entraînera de grandes dépenses pour l'industrie, et la règle du un-pour-un ne s'applique pas dans ce cas. Toutefois, on a tenu compte de la règle du un-pour-un au cours de l'élaboration du règlement : Santé Canada a collaboré avec des représentants de l'Occupational Safety and Health Administration des États-Unis, ou l'OSHA afin de réduire les obstacles de manière à ce que l'industrie puisse utiliser une fiche signalétique et une étiquette par produit qui soient valables dans l'ensemble de l'Amérique du Nord.
Conformément au résumé de l'étude d'impact de la réglementation pour le SGH, on « [...] propose de modifier les exigences relatives à la classification et à la communication des dangers pour les produits chimiques dangereux utilisés au travail afin d'assurer l'harmonisation avec le système adopté par les États-Unis [...] On compte ainsi réduire les coûts pour l'industrie, tout en améliorant la santé et la sécurité des travailleurs canadiens. »
Nous soutenons l'initiative du SGH et l'intention de simplifier la réglementation pour la classification et l'étiquetage des produits chimiques en milieu de travail. Nous voyons dans le projet de loi C-21 un catalyseur du changement pour ce qui est de l'élaboration de la réglementation. Il s'agit de la première étape d'une approche graduelle qui vise à changer les processus canadiens d'élaboration de la réglementation et la culture les entourant. En outre, on met en place une fonction rigoureuse de freins et contrepoids au Conseil du Trésor.
Depuis la présentation de la règle du un-pour-un, les fonctionnaires ont été réceptifs à l'idée d'harmoniser les approches afin de réduire le fardeau réglementaire, et les fonctionnaires du Conseil du Trésor ont supervisé et orienté les pratiques des ministères afin qu'elles respectent la politique. Les deux expériences se sont avérées encourageantes et efficaces.
Lorsque j'ai comparu devant le Comité permanent des opérations gouvernementales de la Chambre des communes, j'ai suggéré au gouvernement d'entreprendre un examen ou d'élaborer un processus de reddition de comptes pour évaluer les réussites et les améliorations possibles dans le cadre de l'initiative. Il s'agirait d'examiner la feuille de pointage et les paramètres employés pour l'élaborer, de se pencher sur les réussites dont le rapport ne tient pas compte — et je suis sûre que les intervenants vous fourniront des exemples —, d'examiner les plans réglementaires à venir de chacun des ministères, qui font partie des résultats les plus positifs du processus, et de veiller à ce que les ministères publient ces plans et y donnent suite en tenant compte de la perspective des petites entreprises.
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de commenter cet important projet de loi et de vous donner notre avis à ce sujet. Nous soutenons ce projet de loi et travaillerons avec vous et les fonctionnaires pour veiller à l'atteinte des objectifs visés dans ce projet de loi.
Le président : Merci beaucoup, madame Coombs.
Chris Aylward, vice-président exécutif national, Alliance de la fonction publique du Canada : Merci d'avoir invité l'Alliance de la fonction publique du Canada à comparaître devant le comité.
L'Alliance de la fonction publique du Canada représente les fonctionnaires qui protègent les consommateurs canadiens et travaillent, entre autres, dans les domaines de la santé et de la sécurité, de la salubrité des aliments, de la sécurité des transports et de la protection de l'environnement. Ils sont fiers du travail qu'ils font pour protéger les Canadiens.
Notre principale préoccupation par rapport au projet de loi C-21 est qu'il est absolument inutile. Le projet de loi a comme objectif d'éliminer un règlement à chaque fois qu'un nouveau règlement est créé, ce qu'on appelle la règle du un-pour-un. Si on estime qu'un règlement n'est plus dans l'intérêt du public après mûre réflexion et consultation, les législateurs ont toujours la capacité de l'amender ou de le supprimer. D'ailleurs, ils le font régulièrement. Nous n'avons absolument pas besoin de la règle du un-pour-un. Tout ce que cette règle prétend faire peut déjà être fait.
Le projet de loi C-21 est truffé de termes tendancieux comme « paperasse » et « fardeau administratif ». Les lois et leurs réglementations connexes sont des moyens importants de protéger l'équilibre des droits dans une société démocratique. Nous devrions être fiers de leur existence et ne pas les qualifier de paperasse. Pourquoi devrait-on considérer comme un fardeau le fait de veiller à ce que nos citoyens soient protégés? La réglementation au Canada a contribué à faire de ce pays l'un des plus sécuritaires et un des meilleurs endroits où vivre. Les Canadiens comptent sur la réglementation pour assurer la qualité de l'eau, des aliments, des produits de santé et des biens de consommation. Grâce à la réglementation, nous pouvons assurer la sécurité des routes sur lesquelles nous conduisons et de l'environnement dans lequel nous vivons. La réglementation garde les institutions financières, les compagnies de télécommunication et les autres entreprises sur le droit chemin.
L'économie canadienne a été mise à l'abri de la débâcle économique mondiale de 2008 parce que notre réglementation des banques était plus sévère que celles de pays comme les États-Unis. Cette réglementation a porté ses fruits et protégé les Canadiens de la dévastation économique qui a presque ruiné certains autres pays.
Les Canadiens comptent aussi sur leurs gouvernements pour appliquer ces règlements. Aujourd'hui, cette confiance est compromise. Non seulement la réglementation risque de disparaître, mais il en est de même pour les gens qui en assurent l'application. Les inspecteurs fédéraux de tous les secteurs ont vu leur nombre et leurs pouvoirs d'application réduits à cause de réductions et de gels budgétaires successifs. Nous nous fions de plus en plus à l'autoréglementation des entreprises au détriment de la santé et de la sécurité des Canadiens.
Non seulement le projet de loi C-21 est inutile, mais il ne protégera pas les Canadiens de façon adéquate. Bien que le projet de loi indique que la règle du un-pour-un ne doit pas compromettre la santé publique, la sécurité publique ou l'économie canadienne, ce n'est pas suffisant. Selon les témoignages présentés au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes, les ministères se penchent déjà sur la réglementation de ces secteurs.
De plus, le projet de loi compromet l'atteinte d'objectifs plus vastes qui préoccupent les Canadiens, comme la protection des consommateurs et de l'environnement. Par exemple, notre réglementation rigoureuse actuelle du domaine financier pourrait ne pas être maintenue pour protéger les Canadiens en cas de crise économique à venir. La clause d'immunité, à l'article 8, bien qu'absolument essentielle si le projet de loi devient loi, fait en sorte qu'on se demande encore une fois si le projet de loi est même nécessaire. Cet article indique qu'aucune poursuite ou autre procédure ne peut être intentée si la loi n'est pas appliquée, et qu'un règlement n'est pas invalide du seul fait que les exigences prévues par la loi ne sont pas remplies.
Selon ce que nous comprenons, le projet de loi proposé prévoit qu'il arrivera que le gouvernement décide que la loi ne peut pas et ne sera pas appliquée. Si c'est le cas, et que la réglementation peut déjà être modifiée ou supprimée, à quoi bon adopter le projet de loi C-21?
Nous croyons qu'il faut faire preuve de transparence à l'égard des règlements actuels susceptibles d'être remplacés par une nouvelle réglementation. C'est ce qui est proposé à l'article 9. Si ce projet de loi devient loi, il doit prévoir une plus vaste consultation publique que ce qui est actuellement prévu.
Nos membres estiment qu'il est plus important pour la population canadienne de passer du temps pour effectuer les inspections et faire appliquer la réglementation en cas de non-conformité. Nous ne croyons certainement pas qu'il est dans l'intérêt de qui que ce soit de faire en sorte que les organismes de réglementation publics passent leur temps à chercher des règlements à abolir simplement pour se conformer aux exigences de ce projet de loi inutile. Voilà ce qui serait un véritable fardeau administratif.
Les témoignages présentés précédemment au Parlement ont démontré qu'en procédant régulièrement à un examen responsable des procédures administratives désuètes, on pourrait atteindre le même objectif que celui visé par la règle du un-pour-un qui est proposée dans ce projet de loi.
Le projet de loi C-21 n'est qu'une façon dont on sape les règlements établis pour protéger les Canadiens. On commence par éliminer les personnes qui veillent à l'application des règlements, puis on élimine les règlements lorsqu'on n'est plus en mesure de les faire respecter.
En résumé, nous croyons que le projet de loi C-21 est inutile. Dans le pire des cas, c'est un projet de création d'emplois artificiels qui détournera les ressources déjà limitées des organismes d'application de la loi pour les affecter aux examens visant à appliquer la règle du un-pour-un. L'examen des règlements désuets peut être utile, mais dans un contexte de compressions budgétaires, nous croyons qu'il faut accorder la priorité à l'application des règlements qui protègent les Canadiens.
Merci.
Le président : Merci, monsieur Aylward, de votre exposé on ne peut plus clair. Nous comprenons votre position, et nous allons donc entendre Laura Jones, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, qui est à Vancouver.
Laura Jones, vice-présidente exécutive, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Je vous remercie infiniment de m'avoir invitée à faire un exposé au sujet du projet de loi C-21. Je m'appelle Laura Jones, et je suis vice- présidente exécutive de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, communément appelée la FCEI.
La FCEI représente 109 000 entreprises de propriété et d'exploitation indépendantes, c'est-à-dire des entreprises qui ne font pas partie de l'économie boursière. Nous représentons ces membres en les consultant fréquemment pour ensuite faire valoir leurs positions.
Au cours de nos 44 années d'existence, le fardeau réglementaire a constamment fait partie des principales préoccupations de nos membres. D'ailleurs, il s'agit de leur deuxième priorité, juste derrière le fardeau fiscal global.
Dans le cadre d'une étude récente, nous avons estimé que le coût lié à la réglementation qui doit être assumé par les entreprises canadiennes de toutes tailles s'élève à 37 milliards de dollars par année, ce qui représente évidemment un coût considérable.
De plus, selon notre recherche, au Canada, le coût par employé qui est assumé par les petites entreprises en raison de la réglementation est plus de cinq fois plus élevé que celui assumé par les grandes entreprises, ce qui signifie que la réglementation représente un obstacle de taille pour les petites entreprises.
L'indice le plus troublant du grave problème que représente le fardeau réglementaire pour les petites entreprises, c'est peut-être le nombre de propriétaires d'entreprise qui affirment qu'ils ne recommanderaient pas à leurs enfants de démarrer une entreprise au pays à cause de l'ampleur du fardeau réglementaire. Ainsi, 42 p. 100 des membres que nous avons consultés disent qu'ils ne recommanderaient pas à leurs enfants de se lancer en affaires à cause du fardeau réglementaire, contre seulement 38 p. 100 qui affirment qu'ils recommanderaient à leurs enfants de se lancer en affaires dans le contexte réglementaire actuel.
Je tiens à préciser au comité que les petites entreprises sont d'avis qu'il y a des règlements qui sont nécessaires et bénéfiques. D'ailleurs, les petites entreprises estiment qu'on pourrait réduire d'environ 30 p. 100 le fardeau réglementaire actuel sans porter atteinte aux intérêts légitimes de la population en matière de santé, de sécurité et d'environnement, qui justifient la mise en place de règlements.
Dans ce contexte, il n'est guère surprenant que les propriétaires d'entreprise soient largement en faveur de la règle du un-pour-un. D'ailleurs, 83 p. 100 des petites entreprises l'appuient; de ce nombre, 54 p. 100 se disent très favorables au projet de loi.
Les petites entreprises sont d'avis que la règle du un-pour-un est importante parce qu'elle ajoute une contrainte pour les organismes de réglementation. Évidemment, les propriétaires d'entreprise doivent eux-mêmes faire face à des contraintes dans le cadre de leurs activités quotidiennes, compte tenu du temps qu'ils doivent passer à gérer l'entreprise et à se conformer à la réglementation. Ils sont favorables à ce projet de loi. D'ailleurs, ils croient qu'il est bon non seulement pour les entreprises, mais pour tous les Canadiens, puisqu'un grand nombre de nos membres, soit environ 65 p. 100, disent que le fardeau réglementaire excessif réduit la productivité de leur entreprise. Lorsque le niveau de productivité est moins élevé que ce qu'il pourrait être, cela tend à faire monter les prix, à faire baisser les salaires, et à réduire les possibilités d'emploi.
J'ajouterais que je pense que ce projet de loi n'est qu'une des façons de contrôler le fardeau réglementaire. Au nom des petites entreprises, nous continuons de faire valoir au gouvernement que cette mesure est importante pour contrôler le fardeau réglementaire, mais qu'il faut mettre en place d'autres mesures complémentaires pour s'attaquer à certains problèmes qui touchent les petites entreprises et qui ne peuvent pas être réglés par le simple contrôle du fardeau réglementaire découlant de la réglementation. Il y a également des règles qui découlent des lois. Le service à la clientèle qui est offert — ou qui n'est pas offert — par le gouvernement peut être une importante source de préoccupation pour les petites entreprises, et il y a des règles qui sont liées aux politiques et qui ne sont pas directement liées à la réglementation.
Merci.
Le président : En ce qui concerne le dernier point que vous avez souligné au sujet des règles qui découlent des politiques, il est question d'avoir des règles qui découlent des lois plutôt que des politiques, et de l'évolution de ce processus. Me suivez-vous?
Mme Jones : Je crois que oui. Nous souhaitons vivement que l'on se penche sur toutes les règles qui frappent les petites entreprises. Cela fait certainement partie des aspects importants, mais il y également des règles découlant directement des lois qui ne seraient pas visées par la règle du un-pour-un, notamment certaines règles anti-pourriel.
Le président : Honorables sénateurs, j'aimerais que l'on confirme que le parrain du projet de loi, le sénateur Black, nous a fait parvenir une explication pour donner suite à l'une des questions qui a été posée hier à propos des exemptions, notamment en ce qui a trait aux mesures fiscales qui feraient partie des mesures exemptées de la règle du un-pour-un, et on suppose pour le moment que cette exemption sera maintenue lorsqu'on se penchera sur la réglementation.
Nous allons commencer l'interrogation avec le sénateur Larry Smith, qui vient de Montréal.
Le sénateur L. Smith : J'ai écouté tous les témoins, et ils ont parlé de la réglementation, des règles législatives et des procédures administratives. Je crois comprendre que le projet de loi C-21 vise à réduire les obstacles auxquels les entreprises canadiennes doivent faire face afin de leur permettre de réaliser des gains d'efficacité et d'efficience.
Monsieur Aylward, dans votre exposé, notamment lorsque vous avez parlé des banques, vous avez dit qu'avec une réglementation accrue nous pourrions connaître plus de difficultés financières. Les changements mis en place par M. Flaherty étaient simples. Je crois que 57 milliards de dollars ont été accordés aux banques afin qu'elles puissent surmonter la crise majeure qui les a secouées. J'essaie seulement de comprendre. À mon sens, cela n'a rien à voir avec la réglementation. J'essaie de comprendre, et peut-être que tous les témoins peuvent m'aider. Lorsqu'on parle de procédures administratives, de réglementation et de règles législatives, qu'essaie-t-on de réduire au juste? Je songe à l'exemple donné par M. Aylward, qui dit que les banques pourraient s'effondrer. Or, les banques pourraient connaître des difficultés si on apportait plus de changements sous forme de réglementation. Les banques ont survécu grâce à l'argent qui leur a été accordé, ce qui, à l'époque, s'est avéré une mesure essentielle de la part du gouvernement du Canada.
Ce n'est pas une critique. J'essaie de comprendre ce qu'on tente de faire à l'égard de la réglementation, des lois et des procédures administratives. Qu'est-ce qu'on essaie de réduire au juste? Dans le cadre de ce processus, y a-t-il une nette distinction, notamment entre les éléments liés à l'administration et les règles législatives?
Voyez-vous où je veux en venir? Est-ce que nous comprenons bien ce que nous essayons de faire au juste? Je comprends la règle du un-pour-un; on remplace un élément par une autre.
Le président : Monsieur Aylward, nous allons commencer par vous. Si les autres témoins veulent intervenir après vous, nous leur céderons la parole.
M. Aylward : Je disais qu'un affaiblissement du règlement régissant les institutions financières mettrait davantage les Canadiens à risque qu'un renforcement du régime. Les Canadiens courent un plus grand risque lorsqu'on affaiblit le règlement. Les banques sont réglementées au Canada. Dans d'autres pays, elles ne le sont pas. C'est exposer les Canadiens à un risque accru que de réduire ou d'éliminer certains des règlements visant nos institutions financières.
Pour ce qui est du lien entre les trois, je suis tout à fait d'accord avec vous. Ce que j'ai cru comprendre des autres témoins, c'est qu'on cherche avant tout à réduire les coûts, mais quel sera le coût de cette réduction pour les Canadiens?
Le sénateur L. Smith : J'ai lu la lettre que vous avez lue ce soir. Certains de ses éléments m'ont laissé perplexe, car j'ignorais si vous parliez de fardeau administratif ou des nouvelles règles.
Pour en revenir aux banques, partout dans le monde les banques doivent suivre certaines règles pour faire partie du secteur bancaire. Toute banque majeure sait que les accords de Bâle III portent sur le montant de capital qu'il faut avoir investi dans son système bancaire pour être admissible, mais surtout pour être considéré comme étant une institution à part entière capable de travailler dans certains environnements. Ce n'est pas nuire au secteur bancaire que de modifier ces règles. Je ne considère pas que cela revienne à modifier un processus administratif.
Ma question est la suivante : y a-t-il une différence entre un processus administratif et une règle opérationnelle essentielle au bon déroulement des activités? Je crains qu'il y ait confusion et que nos efforts ne soient pas aussi efficaces si on comprend mal ce que l'on cherche à améliorer ou à modifier.
Le président : Monsieur Aylward, j'aimerais clarifier quelque chose avant de vous donner la parole. Vous avez parlé d'une lettre. Elle n'a pas été distribuée.
Le sénateur L. Smith : Non, j'ai lu le mémoire.
M. Aylward : Je pense que le sénateur parlait du mémoire que j'ai soumis.
Le président : D'accord. Merci. Aviez-vous une réponse à donner?
M. Aylward : Au sujet des règles, je dirais que ce n'est pas la même chose qu'un règlement. C'est le règlement qui nous préoccupe.
Vous affirmez que tout nouveau règlement entend l'élimination d'un règlement existant, mais le projet de loi ne précise pas de quelle façon. Il est question d'un rapport de fin d'année. C'est cela qui nous inquiète beaucoup.
Pour en revenir à votre question, notre position, c'est que l'élimination des règlements financiers en vigueur au Canada comporte un risque pour les Canadiens.
Le sénateur L. Smith : Madame Coombs, il semble que vous appuyiez le projet de loi.
Mme Coombs : C'est exact.
Le sénateur L. Smith : Je ne cherche pas à semer la discorde, mais pour avoir entendu les observations de M. Aylward, pensez-vous que je suis dans le champ quand je pose une question sur la définition d'un règlement et d'un fardeau administratif? À vous entendre parler, et selon l'application des règles touchant le SGH et les FDS à l'échelle internationale, j'ai l'impression que vous pensez que nous sommes sur la bonne voie étant donné l'effet qu'aura le projet de loi sur les petites entreprises.
Mme Coombs : Absolument, sénateur. Le projet de loi s'intéresse seulement au fardeau administratif, mais c'est selon nous un premier pas essentiel. Dans mon exemple sur le SGH, je parlais de coûts cachés associés à l'application de règlements, soit le coût du changement des étiquettes et de la création de nouvelles fiches de données de sécurité, conformément aux nouvelles exigences réglementaires. Il n'en est pas question dans le projet de loi, mais le comité consultatif qui travaille pour le ministre a bel et bien reconnu dans sa plus récente évaluation annuelle que la définition pourrait être étoffée. À notre avis, cela demeure un bon premier pas.
Je pense qu'un des fonctionnaires qui a comparu devant le comité de la Chambre des communes a vraiment su cerner l'essence même de ce nous cherchons à accomplir. C'était Environnement Canada. Il dit que la mesure nous encourage à nous pencher sur les règlements actuellement en vigueur, à réviser leur structure, à trouver de meilleurs moyens de les structurer, à déterminer les coûts administratifs exacts que les Canadiens et l'industrie doivent assumer dans l'application de ces règlements et à trouver de meilleurs moyens de diffuser l'information plus efficacement. En ce qui nous concerne, c'est absolument essentiel. Il s'agit d'améliorer les règlements, de les rendre plus efficaces et de réduire les coûts pour l'industrie. À nos yeux, c'est un excellent projet de loi.
Le président : J'aimerais donner l'occasion à Mme Jones de répondre à la question à son tour. Auriez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Jones : Nous convenons tous pour dire que les règlements sont nécessaires dans une certaine mesure. Il faut toutefois établir des mécanismes de contrôle, car la réglementation ne cesse de grossir.
Je pense que l'établissement de définitions dont le sénateur a parlé n'est pas sans difficulté, en partie parce qu'en ce qui concerne le secteur privé, le fardeau réglementaire ne se limite pas au seul fardeau administratif. L'impossibilité d'obtenir une réponse claire de l'Agence du revenu du Canada constitue, elle aussi, un élément du fardeau réglementaire; c'est une tracasserie administrative. C'est pour cela qu'il n'est pas toujours facile de débattre de cette question.
Cela dit, nous appuyons vigoureusement le projet de loi, car nous pensons qu'il s'attaque bel et bien à un problème qui, selon le secteur privé, contribue au fardeau réglementaire, soit le fardeau administratif découlant directement de la réglementation. Il est important d'adopter des mécanismes de contrôle et d'amener les organismes de réglementation à se poser des questions importantes comme celles que vient de soulever Mme Coombs.
Le président : Merci.
Pour la gouverne de nos témoins et de ceux qui nous regardent à la télévision, je précise que le Sénat a sa propre façon d'étudier de tels projets de loi. Chacun d'entre eux se voit attribuer un parrain et un porte-parole représentant chacun des deux côtés. Le rôle du parrain consiste à vous vanter les mérites du projet de loi, et celui du porte-parole, idéalement, à vous dire comment l'améliorer, le cas échéant.
Le sénateur Black, de Calgary, est le parrain du projet de loi; la parole est à lui.
Le sénateur Black : Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à vous trois pour les exposés que vous avez faits.
Je pense qu'il y a toujours lieu au Canada de nous réjouir de pouvoir discuter en toute civilité et accepter que nous ne serons pas toujours d'accord; c'est pour cela que j'aime entendre des opinions divergentes. Cela dit, monsieur Aylward, je doute que vous vous étonnerez d'apprendre que, en ma qualité de parrain, j'ai une question à vous adresser.
Elle est très simple. Je la pose dans le seul but d'apprendre quelque chose; je n'ai pas de motivations cachées. Avez- vous déterminé l'éventuel impact de l'adoption du projet de loi C-21 sur vos membres? Voilà ce que j'aimerais comprendre.
M. Aylward : Merci pour votre question.
Nous avons évalué l'impact des coupes au Canada, coupes qui touchent, comme je l'ai déjà dit, nos membres qui offrent un service, surtout dans le domaine de la salubrité alimentaire, qui connaît une certaine déréglementation. La ministre Raitt a récemment annoncé plusieurs nouveaux règlements. Ce qui nous inquiète, c'est qu'on ignore quels règlements ces nouveaux règlements viendront remplacer.
Le sénateur Black : Vous vous inquiétez donc de l'impact de l'élimination de règlements sur vos membres. Voilà ce que j'aimerais comprendre.
M. Aylward : Nous nous soucions de la sécurité des Canadiens.
Le sénateur Black : Bien entendu. Comme nous tous, d'ailleurs. J'aimerais toutefois comprendre, si vous voulez bien me l'expliquer, quel sera l'impact du projet de loi sur vos membres.
M. Aylward : L'incapacité d'appliquer les règlements en vigueur, qui pose déjà problème. Lorsqu'il y a un règlement à appliquer en l'absence des ressources nécessaires pour le faire, à quoi bon sert le règlement?
Le sénateur Black : Peut-être, mais les entreprises nous disent que certains règlements qu'il faut éliminer n'ont aucune valeur. C'est ce qu'elles nous disent.
M. Aylward : Soit, mais où sont les consultations, et quels intervenants peuvent y participer? Un des témoins vient de nous donner un exemple sur la prestation de services. En quoi la prestation de services concerne le projet de loi? Je l'ignore, mais nous ne considérons pas qu'il s'agisse d'un fardeau administratif.
Lorsqu'il est impossible d'obtenir une réponse, ou bien une réponse adéquate, d'un organisme comme l'ARC, on peut dire que c'est un problème au niveau de la prestation de services; nous ne contredisons pas cela. Ce qui nous chicote, c'est qu'on cherche à prétendre que le projet de loi C-21 s'attaque à un problème au niveau de la prestation de services. Peut-être ai-je raté quelque chose, mais s'il est vraiment question de fardeau administratif, je ne comprends pas pourquoi ce concept n'est pas défini dans le projet de loi.
Le sénateur Black : C'est ce que nous cherchons à accomplir. Nous reconnaissons que la question est complexe.
Pensez-vous que la mesure amènera vos membres à réduire leur effectif?
M. Aylward : Ce n'est pas cela qui nous inquiète, mais c'est certainement une possibilité si on élimine les règlements dont l'application incombe à nos membres. Je tiens à répéter et à souligner qu'il ne s'agit pas d'emplois ou d'éviter les mises à pied; il s'agit de protéger les Canadiens. C'est notre principale préoccupation.
Le sénateur Black : Merci beaucoup, monsieur Aylward.
Le président : Merci, sénateur Black.
Je tiens à apporter une précision aux fins du compte rendu. Il figure à l'article 2 du projet de loi une définition du terme « fardeau administratif ». Le saviez-vous, monsieur Aylward? Trouvez-vous qu'elle laisse à désirer? En haut de la page 2 du document, on peut lire :
« fardeau administratif » s'entend de tout ce qu'il est nécessaire de faire pour démontrer la conformité aux règlements, notamment de l'obligation de collecter, de traiter et de conserver de l'information, d'établir des rapports et de remplir des formulaires.
M. Aylward : J'estime encore une fois que cela touche davantage à la prestation de services. Il semble que la définition de fardeau administratif décrive plutôt des problèmes au niveau de la prestation de services.
Le président : Vous reconnaissez donc que le terme « fardeau administratif » est effectivement défini?
M. Aylward : Je conviens avec le sénateur Black. On a cherché à définir le concept.
Le président : Merci.
Passons maintenant au porte-parole dans le domaine, le sénateur Massicotte de Montréal.
Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup à vous quatre d'avoir accepté notre invitation. Je tiens à ce que ce soit très clair : en tant que porte-parole dans le domaine, j'estime que mon rôle consiste à critiquer le projet de loi, à l'examiner d'un œil critique.
Cela dit, objectivement parlant, j'appuie totalement son concept de base. Je pense qu'il est nécessaire, mais voici ce qui m'inquiète : atteindra-t-il réellement son objectif? Les mesures qu'il propose sont-elles justes? Entraînera-t-il la création d'une structure qui permettrait l'élimination de règlements qui sont dans l'intérêt des Canadiens? Voilà ce qui m'inquiète.
Madame Jones, je crois comprendre que vous avez participé de près aux efforts déployés ces dernières années par un comité auquel vous siégiez visant à formuler toutes sortes de recommandations cherchant à alléger le fardeau des entreprises, tout particulièrement les petites entreprises. Entre autres, vous avez recommandé la rédaction de ce projet de loi, qui propose la règle du un-pour-un; c'est ce qui a amené le gouvernement à agir. Mais comme vous l'avez entendu, M. Aylward a dit plus tôt que la mesure est superflue. Les bureaucrates et le ministre ont déjà l'autorité et le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour prendre toutes les mesures possibles pour améliorer l'efficacité et la valeur du système; pourquoi donc cette mesure est-elle importante? La règle du un-pour-un me semble plutôt arbitraire. C'est même redondant. On peut déjà procéder de la sorte, et on l'a déjà fait. Qu'avez-vous à dire en réponse à cet argument?
Mme Jones : Selon moi, la grande différence sous la règle du un-pour-un, c'est qu'il faudra établir un mécanisme de contestation qui entrerait en branle avant la prise du nouveau règlement, et pas après; il consisterait à déterminer quelles règles sont superflues avant même la prise du nouveau règlement. C'est une approche bien différente.
D'après mon expérience en Colombie-Britannique, où une règle légèrement différente du un-pour-un est déjà en vigueur — règle encore plus générale que celle que propose le gouvernement fédéral, car elle ne s'applique pas seulement aux questions réglementaires, mais aussi législatives et politiques —, ces règles n'entraînent pas vraiment un changement culturel qui amène les gens à réfléchir à quelles règles sont plus importantes. Ils font cet exercice avant d'apporter le changement plutôt qu'après. Je pense que c'est une distinction très importante, et un changement très important.
Soit dit en passant, je pense que c'est avantageux dans les domaines de la santé, de la sécurité et de la protection environnementale, car je pense qu'il faut amener les entreprises à réfléchir aux règles les plus importantes. Nos membres, surtout ceux du milieu des petites entreprises, nous disent parfois qu'il y a tellement de règles à respecter qu'ils ont constamment peur de ne pas s'y conformer entièrement. Dans bien des cas, ils se contentent de respecter les règles les plus importantes. Je ne pense pas que ce soit constructif si l'objectif est bel et bien de faire tout notre possible pour protéger les Canadiens.
Le sénateur Massicotte : Comme vous le savez sans doute, le projet de loi propose d'inscrire en droit une pratique déjà en vigueur, à l'échelle fédérale, depuis bientôt deux ans, même deux ans et demi, et il y a récemment eu une évaluation annuelle. Vous avez participé à sa conception, à sa création. Êtes-vous satisfaite du résultat? On dit avoir réduit les coûts de main-d'œuvre de 22 millions de dollars. J'aurais probablement dit que ce n'est pas si conséquent comme chiffre. Ce n'est pas beaucoup. Étant donné les objectifs fixés par votre comité, pensez-vous qu'on a choisi le bon processus?
Mme Jones : Vous avez raison de dire que 22 millions de dollars, ce n'est pas un chiffre très élevé. Je crois qu'un autre chiffre utilisé, ce sont les 98 000 heures qui ont été épargnées.
Cependant, la question est la suivante : quelle est la solution de rechange? La solution de rechange, ce serait de voir le fardeau réglementaire continuer de s'alourdir en l'absence de mécanismes de contrôle qui permettraient à tout le moins de le maintenir à son niveau actuel.
La règle du un-pour-un ne vise pas à alléger le fardeau réglementaire, mais plutôt à l'empêcher de s'alourdir. Une des conséquences positives de cette règle, c'est une certaine réduction du fardeau réglementaire grâce à l'imposition d'une discipline suffisante. Toutefois, je pense que c'est aussi pourquoi nous continuons d'affirmer que, en soi, la règle du un-pour-un ne permettra pas d'améliorer suffisamment la situation sur le terrain. Il s'agit malgré tout d'un élément important de l'équation, car, sans cette règle, je crois que le fardeau réglementaire continuera de s'alourdir.
Le sénateur Massicotte : Si on examine le projet de loi, on se rend compte qu'il prévoit trois exemptions. En gros, les règlements ayant une incidence sur l'économie ou la sécurité de la population seront exclus automatiquement. Le projet de loi permet également au ministre d'exclure tout élément au moment où il établit les règles.
Pour ce qui est des exceptions, je constate que, depuis 1970, tous les gouvernements parlent de la nécessité de réduire la bureaucratie. C'est très populaire, surtout quand on se trouve à quelques mois des élections. Tous les quatre ou cinq ans, un rapport est publié pour dire à quel point les autorités prennent des mesures intelligentes pour réduire la bureaucratie. Mais, comme vous le savez bien — et la Loi de l'impôt sur le revenu en est un très bon exemple —, il semble que l'appareil bureaucratique ne cesse de grossir.
Allons-nous obtenir des résultats concrets ou aurons-nous droit à un autre rapport? Nous parlons du même sujet depuis 1970, soit 45 ans. Allons-nous obtenir des résultats concrets ou s'agit-il tout simplement d'une autre façon de bien paraître en vue des élections?
Mme Jones : Je pense que c'est une question vraiment importante. Selon moi, pour qu'une réforme réglementaire soit efficace, il faut qu'elle améliore la situation concrètement, tout en continuant de protéger la santé et la sécurité de la population, l'environnement et toutes les autres choses qui sont importantes aux yeux des Canadiens.
Je crois que ce projet de loi peut améliorer la situation. Toutefois, je pense aussi que le gouvernement doit s'engager à réaliser d'autres réformes, qui serviront de complément à celle-ci. Nous continuons de discuter avec le gouvernement de l'importance d'adopter des mesures vraiment efficaces, qui tiennent compte du point de vue du secteur privé et de l'ensemble du fardeau qu'il doit assumer en matière de réglementation, afin de répondre efficacement à la question que vous soulevez.
Par conséquent, je pense que ce projet de loi fait partie de la solution; toutefois, il ne faut pas penser qu'il s'agit de la solution miracle. Nous devons relever un défi de taille au Canada, et il faudra adopter d'autres stratégies pour se débarrasser de la paperasse et pour mettre en place la réglementation nécessaire.
Le sénateur Massicotte : Madame Coombs, la politique existe déjà. Les mesures nécessaires sont prises. Nous recevons un rapport d'évaluation annuel. Pourquoi adopter une loi? Pourquoi adopter une loi au lieu de simplement continuer d'agir concrètement?
Mme Coombs : Je pense que, depuis deux ans et demi, la politique est très efficace, mais, selon nous, elle devrait être inscrite dans une loi, coulée dans le béton. Ainsi, les autorités gouvernementales seraient tenues de s'y conformer. Nous croyons qu'il est très important d'adopter une loi à cet égard, plutôt que de se contenter d'une politique, qui peut être modifiée à tout moment.
Le président : Merci de cette question et de cette réponse. Nous nous interrogions justement là-dessus hier.
Madame Jones, vous avez mentionné que la Colombie-Britannique disposait d'une loi semblable. Vous avez aussi expliqué les différences entre cette loi et le projet de loi à l'étude, soit que sa portée est plus vaste et qu'elle s'applique aussi bien à la législation qu'à la réglementation. Savez-vous si d'autres provinces ont aussi des lois de ce genre?
Mme Jones : Je tiens à préciser que, en Colombie-Britannique, la règle du un-pour-un n'est pas inscrite dans une loi, mais plutôt dans une politique. Cependant, elle existe depuis plus d'une décennie.
D'autres provinces ont déjà adopté des mesures semblables. La Nouvelle-Écosse disposait d'une règle lui permettant de réduire le fardeau réglementaire de 20 p. 100. Toutefois, l'objectif était différent : on souhaitait réduire le nombre d'heures dans cette province, ce qui a été fait.
En Ontario, on commence à travailler sur un projet semblable à ce qui est fait en Colombie-Britannique.
Ainsi, d'autres provinces ont commencé à établir des objectifs en vue de maintenir ou de réduire le fardeau réglementaire. Toutefois, les approches et les mesures utilisées sont quelque peu différentes d'une province à l'autre.
Le président : Monsieur Aylward ou madame Coombs, souhaitez-vous ajouter quelque chose? Cette réponse vous satisfait-elle? Si elle vous satisfait, elle nous satisfait aussi.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Ma question s'adresse à Mme Jones, mais les autres témoins peuvent aussi y répondre. Vous avez dit que, à l'heure actuelle, vous évaluez le coût de la réglementation à 37 milliards de dollars. C'est beaucoup. De quoi est composée cette somme de 37 milliards?
On sait que le projet de loi C-21 s'attaque à la paperasserie. Êtes-vous en mesure de ventiler le coût de la réglementation par rapport à la bureaucratie? Est-ce que l'étiquetage fait partie de vos 37 milliards? Est-ce que la santé et la sécurité en font partie? Pouvez-vous nous préciser ce qui est inclus dans cette somme, et comment vous l'avez calculé? Est-ce que vos calculs sont conformes à la méthode de calcul que nous avons utilisée au cours des deux dernières années et qu'on propose d'utiliser pour évaluer la valeur de la réglementation?
[Traduction]
Mme Jones : C'est une très bonne question. Je tiens à préciser que les coûts que nous évaluons en ce qui concerne la réglementation au Canada sont approximatifs. Il est très difficile d'établir ces coûts, car la plupart sont liés aux mesures de conformité que doivent adopter les entreprises et que certains de ces coûts sont refilés aux consommateurs. Il s'agit d'une estimation, qui, je crois, est très prudente.
Nous examinons le nombre d'heures que passent les propriétaires d'entreprise et leur personnel à essayer de comprendre et de remplir les formulaires, ainsi qu'à se conformer aux règlements. Nous tentons de déterminer le nombre d'heures que les entreprises du secteur privé consacrent non seulement aux mesures de conformité à la réglementation technique, mais aussi aux exigences gouvernementales qui touchent à l'ensemble de leurs activités.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Est-ce que cela inclut la fiscalité?
[Traduction]
Mme Jones : Oui, cela inclut les coûts liés à la fiscalité. En fait, ces coûts représentent une très grande partie du total.
Nous tenons aussi compte des coûts que doivent assumer les entreprises lorsqu'elles ont recours aux services de comptables, d'avocats et d'autres professionnels de l'extérieur pour les aider à se conformer à la réglementation.
Enfin, nous leur demandons combien d'argent elles dépensent pour faire l'acquisition de pièces d'équipement ou de machines uniquement dans le but de se conformer à la réglementation. Il s'agit donc de machines ou de pièces d'équipement qu'elles n'achèteraient pas si elles n'étaient pas obligées de le faire pour satisfaire aux règles en place.
Voilà les principaux éléments de notre estimation des coûts. Cette estimation ne tient pas compte des coûts liés aux occasions d'affaires perdues ou aux pressions que les entreprises doivent exercer pour qu'on améliore la réglementation. Nous ne tenons pas compte de ces éléments, car, selon nous, il est trop difficile d'évaluer les coûts qui y sont rattachés.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Avez-vous une idée des coûts visés par cette loi? Avez-vous une idée de la bureaucratie liée à la somme de 37 milliards de dollars? Quel est le pourcentage?
[Traduction]
Mme Jones : Il est très difficile de répondre à cette question parce que notre estimation tient compte de tous les ordres de gouvernement. Par conséquent, nous ne nous penchons pas uniquement sur la réglementation qui découle du gouvernement fédéral. Il est très difficile d'évaluer les coûts, car, parfois, les propriétaires d'entreprise ne savent même pas s'il s'agit d'un règlement fédéral, provincial ou municipal.
Votre question fait ressortir un point très important : nous devons faire mieux encore pour tenter d'obtenir des estimations justes. Quand je dis « nous », je parle du gouvernement et des groupes comme le nôtre.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Vous avez dit également que la réglementation, en termes d'employés, représente des coûts cinq fois plus élevés pour les petites entreprises que pour les grandes entreprises. C'est un ratio qui est vraiment important. Donc, cela peut nuire aux petites entreprises, et je comprends pourquoi, car, souvent, la réglementation entraîne des coûts fixes qui ne sont pas variables. Avez-vous des suggestions à nous faire pour aborder ce problème?
[Traduction]
Mme Jones : C'est une autre bonne question. Pour régler le problème, il faut notamment veiller à ce que le total des coûts liés à la réglementation soit plus raisonnable de façon générale. Évidemment, on peut aussi adopter des politiques en tenant compte des différents niveaux de réglementation et de la taille des entreprises. Il existe déjà des politiques dans le cas où les exigences sont de plus en plus nombreuses à mesure que les entreprises prennent de l'expansion. Je pense toutefois que la chose la plus importante à faire pour les petites entreprises, c'est de veiller à ce que les coûts soient raisonnables, y compris ceux liés aux services à la clientèle du gouvernement.
Une des choses qui irritent vraiment les entreprises — et le projet de loi n'en tient pas compte —, ce sont les appels qu'elles doivent faire aux divers ministères et organismes du gouvernement, dont l'Agence du revenu du Canada et Santé Canada. Il est essentiel que les petites entreprises puissent obtenir des renseignements clairs et précis. C'est pourquoi nous continuons de dire que ce projet de loi est important. Et il est tout aussi important que le gouvernement continue de se concentrer sur le problème dans son ensemble en tenant compte du point de vue du secteur privé et de la majorité des entreprises qui, au Canada, sont de petite taille.
Le président : Souhaitez-vous vous exprimer à ce sujet? A-t-on assez bien répondu à la question?
Je vais maintenant donner la parole à la sénatrice suivante dans ma liste d'intervenants.
[Français]
La sénatrice Chaput : Ma question s'adresse à Mme Jones. La lentille des petites entreprises n'a pas été incluse dans le projet de loi C-21. Est-ce que vous auriez aimé qu'elle soit incluse, et est-ce qu'il aurait été bon pour les entreprises qu'elle fasse partie du projet de loi?
[Traduction]
Mme Jones : Oui, je pense qu'il aurait été bien que le projet de loi tienne compte du point de vue des petites entreprises.
[Français]
La sénatrice Chaput : Qu'est-ce que cela aurait ajouté au projet de loi?
[Traduction]
Mme Jones : L'un des problèmes, c'est que les organismes de réglementation et, parfois, la population en général pensent que le milieu des affaires ne se compose que de grandes sociétés. Or, en réalité, la majorité des entreprises au pays comptent moins de cinq employés. Je pense qu'il est toujours bon de le rappeler aux gens.
[Français]
La sénatrice Chaput : Je vous remercie.
Mon autre question s'adresse à Mme Coombs. Dans votre présentation, vous avez dit que le projet de loi C-21 était un pas dans la bonne direction, qu'il s'agissait d'une première étape. Qu'est-ce que vous aimeriez voir comme deuxième étape pour faire suite à ce projet de loi? Qu'est-ce qui serait positif et qui viendrait ajouter à ce qui vient d'être fait?
[Traduction]
Mme Coombs : Comme je l'ai dit dans mes commentaires, nous souhaitons que la portée du projet de loi soit élargie en ce qui concerne la paperasse attribuable à réglementation. Le comité consultatif a déclaré au ministre qu'il faudrait consulter le ministère et les intervenants pour déterminer la façon d'élargir la définition actuelle. La définition de l'expression « fardeau administratif » est très étroite, mais c'est un pas dans la bonne direction.
Par ailleurs, je pense qu'il serait aussi utile d'inclure des règlements qui tiennent compte des coûts pour les entreprises, notamment ceux liés aux changements à l'étiquetage.
Le sénateur Wallace : Madame Jones, j'ai trouvé très intéressants vos commentaires, dont un en particulier. Vous avez dit que, selon vous — et je suis persuadé qu'il s'agit d'une estimation —, 30 p. 100 du fardeau administratif actuel pourrait être éliminé sans avoir d'effets négatifs sur le plan social ou économique. D'où provient ce pourcentage? Sur quelles bases repose-t-il?
Mme Jones : Ces 30 p. 100 représentent la proportion moyenne du fardeau administratif qui pourrait être réduit selon les petites entreprises. Nous leur avons demandé dans quelle mesure il serait possible d'alléger le fardeau réglementaire sans nuire à l'intérêt public.
Je pense que ce pourcentage est très sensé. Au cours des sept ou huit dernières années, nous avons interrogé les entreprises à ce sujet à trois reprises, et les résultats sont assez cohérents.
Il est aussi important de signaler que, en Colombie-Britannique, on a réduit de 42 p. 100 le nombre d'exigences réglementaires sans que personne ne soutienne que cette situation avait eu un effet négatif sur la santé et la sécurité de la population ou sur l'environnement. Je pense donc qu'il s'agit d'un pourcentage logique.
Le sénateur Wallace : Monsieur Aylward, d'entrée de jeu, vous avez fait une déclaration percutante en disant que, selon vous, ce projet de loi était inutile. Quand j'y pense, je me demande pourquoi. Pourquoi nous dit-on que ce projet de loi est nécessaire? Je pense que la seule façon de réduire le fardeau administratif et réglementaire, c'est d'exercer des pressions. Les entreprises me disent qu'on n'allégera certainement pas ce fardeau en laissant les choses suivre leur cours normal.
Ce projet de loi ne porte pas sur la Loi de l'impôt sur le revenu, mais nous pouvons tous comprendre les difficultés qui y sont liées. Il semble que, au fil du temps, on se soit contenté de proposer une série de solutions temporaires. Les règlements se succèdent à un rythme tel que, à moins d'être fiscaliste, il est absolument impossible de comprendre les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu. Je sais que bon nombre d'entre nous sont d'avis qu'il faudrait tout simplement repartir à zéro et élaborer convenablement une nouvelle loi.
Cela dit, quelle est l'expérience des deux représentantes du milieu des affaires? C'est peut-être évident, mais, si ce projet de loi n'est pas mis en application, il ne sera pas possible d'alléger le fardeau administratif. Il faudra plutôt confier aux bureaucrates la tâche de trouver une façon d'atteindre cet objectif. Pour réduire le fardeau administratif, il faut exercer des pressions. Je me demande simplement si c'est la conclusion à laquelle vous êtes aussi arrivés.
M. Aylward : Après avoir passé une trentaine d'années au sein de l'Agence du revenu du Canada, je suis tout à fait d'accord avec vos derniers commentaires concernant la Loi de l'impôt sur le revenu.
Pour ce qui est de l'utilité de ce projet de loi, nous ne voyons pas comment il nous permettrait de faire des choses qui ne peuvent pas déjà être faites à l'heure actuelle. De nos jours, les pressions doivent être exercées par les intervenants, comme les entreprises qui sont représentées aujourd'hui par deux témoins. Voilà ceux qui peuvent exercer des pressions. Pour ce qui est de la réduction du fardeau administratif, le projet de loi ne précise pas du tout comment cela pourra être fait, et c'est ce qui nous préoccupe énormément.
Il a beaucoup été question du comité consultatif. C'est lui qui est à l'origine du projet de loi. Or, sa composition nous apparaît un peu étrange. Qui siégeait concrètement au comité? Des députés siégeaient au comité. Des représentants de groupes d'entreprises siégeaient au comité. Tous les députés qui siégeaient au comité étaient membres du même parti. Pas le moindre député de l'opposition n'y siégeait. Le comité ne comptait pas le moindre intervenant susceptible d'exprimer une opposition au projet de loi.
Lorsque les choses se passent ainsi, on obtient, comme l'a dit le sénateur Massicotte, un projet de loi tel que celui-ci. Cela allume toutes sortes de lumières rouges pour nous.
Des pressions peuvent être exercées par des entreprises, des groupes d'entreprises et des associations qui représentent les entreprises, ceux-là mêmes qui réclament que les ministères et les agences fédérales assurent une meilleure prestation de services. Tout peut se passer de la même façon.
Le sénateur Wallace : De toute évidence, je conviens que ces personnes et ces groupes peuvent exercer des pressions, des pressions efficaces. Nous l'avons constaté dans les présentations, ce soir. C'est une chose que de réclamer quelque chose, mais c'en est une autre que d'intervenir pour qu'elle se concrétise.
Selon mon expérience avec l'appareil gouvernemental, à moins que quelque chose vienne imposer de tels changements, rien ne changera. Il y a autre chose à faire. On passera à d'autres dossiers. On se contente d'appliquer une série de solutions temporaires sans jamais régler le problème. On les multiplie sans cesse.
Je comprends ce que vous dites, que des gens et des groupes peuvent exercer des pressions, mais à moins de changer le système de l'intérieur, je redoute que rien ne finisse par changer.
M. Aylward : Et ce que nous redoutons s'inscrit dans le même ordre d'idées. Qu'est-ce qui sera éliminé? Quels garde- fous le projet de loi prévoit-il? On voit bien qu'il s'agit d'un tout petit projet de loi. Il ne comporte aucun garde-fou pour baliser précisément ce qui sera éliminé. On se contente d'un rapport de fin d'année.
Le sénateur Wallace : Vous avez raison. Le projet de loi ne fournit pas de précisions, mais, comme vous l'avez signalé dans vos remarques, il dit très clairement que la règle du un-pour-un ne doit compromettre ni la santé publique, ni la sécurité publique, ni l'économie canadienne. C'est inscrit dans le projet de loi.
Vous pouvez demander ce que cela signifie et comment en arriver à cette détermination. À notre dernière séance, j'ai interrogé les témoins sur la disposition relative à l'exemption qui figure à l'article 7, selon lequel on pourrait adopter des règlements pour suspendre l'application de la loi dans certains cas. Fournirait-on de plus amples précisions au moyen de ces exemptions? On m'a répondu que oui. Il semblerait que cela viendra. Vous avez tout à fait raison. Vous soulevez des arguments valables. Cependant, j'ai l'impression que le projet de loi en tient déjà compte. Il reste à voir ce que cela donnera, quels seront les effets des exemptions.
Mme Coombs : Merci, sénateur, de vos observations. Je pense qu'il serait utile de fournir un exemple, car je considère les choses sous un autre angle. Nous sommes en train de préparer un règlement. Puisque vous parliez du point de vue des petites entreprises, je dirais que nous en sommes à l'heure de vérité, celle où les ministères élaborent des règlements.
C'est le cas d'Environnement Canada. Le règlement concernera les composés organiques volatils qui entrent dans la composition de produits de consommation. Le ministère examine les coûts que cela entraînera pour l'industrie. Il se concentre exclusivement sur le fardeau administratif que le règlement représentera, sur combien il en coûtera aux entreprises de préparer la documentation requise.
J'avoue que, en 17 années d'expérience dans le domaine de la réglementation, c'est la première fois qu'on me demande combien il en coûtera en temps, aussi bien sur le plan des ressources internes que du nombre d'heures- personnes nécessaires pour remplir la documentation compte tenu de la quantité de documentation exigée.
Nous considérons les choses sous un tout autre angle. Pour nous, c'est un grand pas en avant.
Le président : Je pense que c'est Mme Jones qui a dit qu'elle avait eu quelque chose à voir avec la politique. Il y a eu une politique au cours des deux dernières années relativement à ce qu'appliquerait le projet de loi.
Avez-vous directement eu quelque chose à voir avec la politique au cours des deux dernières années?
Mme Coombs : La politique a été mise en œuvre dans divers ministères. Je pense que chaque ministère adopte une approche distincte dans sa manière de l'appliquer. Des changements sont apportés non seulement sur le plan réglementaire, mais aussi dans des documents d'orientation. Les fabricants de désinfectant qui sont membres de mon organisme, par exemple, savent quel genre de données il leur faut fournir au moment de soumettre une demande. Cela fait partie de l'orientation. C'est harmonisé avec les États-Unis. Les choses se passent de diverses façons, mais il n'importe pas moins d'inscrire le tout dans la loi afin que cela se reflète dans la politique.
Le président : J'ai compris la réponse que vous avez fournie au sénateur Massicotte sur la nécessité d'adopter une loi. Vous avez entendu Mme Jones dire que la Colombie-Britannique est régie par une politique depuis 10 ans sans avoir ressenti jusqu'ici le moindre besoin de l'inscrire dans une loi. Cependant, vous voudriez que la politique soit inscrite dans une loi?
Mme Coombs : En effet, sénateur.
Le président : Monsieur Aylward?
M. Aylward : Nous n'avons rien eu à voir du tout avec la politique ou sa mise en œuvre ou quoi que ce soit d'autre, non.
Le président : Vous ne faisiez pas partie du comité consultatif ou de la commission?
M. Aylward : Non, sénateur, comme vous venez sans doute de le lire.
Le président : Je tenais simplement à le confirmer.
Madame Jones, avez-vous autre chose à dire sur le fonctionnement de la politique au cours des dernières années?
Mme Jones : Non. Je soulignerai simplement ce qui m'apparaît être un point très important : l'une des choses que fait la politique, c'est de rendre le coût de la réglementation plus évident — Mme Coombs en a parlé — parce qu'il faut déterminer le coût de la mise en conformité. Par le passé, ces coûts étaient simplement refilés à l'entreprise sans qu'on se soucie de les rendre plus compréhensibles ou de poser le genre de questions qu'on pose maintenant, selon Mme Coombs.
Le président : Madame Jones, la même chose se serait produite avec la politique au cours des deux dernières années, n'est-ce pas?
Mme Jones : Avec la politique, c'est tout à fait vrai, mais nous appuyons le projet de loi. En fait, nous incitons la Colombie-Britannique à légiférer elle aussi en la matière de manière, comme l'a dit Mme Coombs un peu plus tôt, à pérenniser les choses, à les rendre plus difficiles à défaire, pour que les autorités réglementaires ne puissent pas se défiler. Je pense que c'est très important.
Le sénateur Massicotte : La manière dont vous avez répondu laisse entendre que vous supposez qu'il y aura un changement de gouvernement. Vous avez probablement raison. Qui vivra verra.
Cela dit, j'ai une question pour Mme Jones. Vous avez dit que la Colombie-Britannique a fait quelque chose de semblable. Pouvez-vous nous en dire davantage à propos de cette expérience et des leçons que nous pouvons en tirer? C'était peut-être Vancouver.
Mme Jones : Non, c'est la Colombie-Britannique. En 2001, les libéraux se sont engagés, en campagne électorale, à réduire le fardeau réglementaire du tiers en trois ans. Lorsqu'ils ont été élus, je pense qu'ils se sont gratté la tête en se demandant comment s'y prendre, car, à l'époque, personne au Canada ne tentait réellement de mesurer l'ampleur du fardeau réglementaire. Ils se sont mis au travail en décidant de compter les exigences réglementaires, ce qui ne correspond pas à la même approche que celle du projet de loi. Le projet de loi examine la réglementation et le fardeau qu'elle représente.
Or, un règlement peut comporter littéralement des milliers d'exigences réglementaires. L'approche de la Colombie- Britannique est donc un peu plus ciblée. Initialement, le gouvernement s'en est tenu à concrétiser la réduction du tiers, ce qui était nettement plus ambitieux que ce qui se fait au fédéral étant donné que l'objectif n'était pas de maintenir le fardeau tel quel, mais de le réduire. C'était une règle du deux-pour-un : chaque nouvelle exigence réglementaire devait entraîner la suppression de deux autres. À un certain moment, c'était même cinq pour un. La province a déterminé qu'il y avait tellement d'exigences qu'elle pouvait éliminer qu'elle en éliminait cinq pour chaque nouvelle exigence.
Quoi qu'il en soit, elle a atteint sa cible de réduction du tiers du fardeau. Ensuite, elle s'en est tenue à la règle du un- pour-un. Nous avons exercé beaucoup de pressions en ce sens, car nous avions l'impression que, à défaut de faire quelque chose pour protéger les gains réalisés, ceux-ci risquaient d'être annulés.
La règle du un-pour-un est maintenant appliquée depuis plus de 10 ans. Pas plus tard qu'en janvier dernier, le gouvernement s'est d'ailleurs engagé à maintenir la règle du un-pour-un jusqu'en 2019. À intervalles de quelques années, il reconduit l'engagement à appliquer la règle du un-pour-un.
La Colombie-Britannique dispose aussi d'une loi qui oblige le gouvernement à faire un bilan annuel de la réglementation. Encore là, cette loi a bouleversé du tout au tout la culture qui prévalait. Une autorité réglementaire a expliqué que sa fonction avait été transformée : alors qu'elle était auparavant chargée d'adopter de plus en plus de règlements, elle est désormais une gestionnaire de la réglementation qui se concentre vraiment sur les règlements nécessaires et importants.
Le sénateur Massicotte : Je veux qu'on réponde à M. Aylward, qui redoute — comme nous devrions tous le faire — l'élimination de certains règlements. J'imagine que si ces règlements existent, c'est qu'il a dû y avoir de bonnes raisons de les appliquer. Je comprends que certains d'entre eux aient pu finir par faire double emploi, mais ne risque-t-on pas de commettre des erreurs, des erreurs dont la population ferait les frais? Est-ce que cela s'est produit en Colombie- Britannique?
Mme Jones : Pas à ce que je sache. S'il y avait eu quoi que ce soit de majeur, ce serait sorti dans les médias.
Bien sûr, il arrive toujours que des personnes aient l'impression qu'il faut davantage de règlements ou qu'on ne se soit pas rendu compte que telle ou telle chose serait un problème, sauf qu'il y a maintenant de nouveaux renseignements et qu'il faut réglementer à ce sujet. Cependant, l'important, selon moi, c'est de reconnaître qu'il faut que le fardeau réglementaire global reste gérable. Concentrons-nous donc sur les règlements les plus importants. Nous n'avons encore jamais eu l'impression que la réduction a été excessive. Il y a encore un peu de marge pour éliminer du superflu au fur et à mesure que l'on constate la nécessité d'adopter d'autres règlements.
C'est aussi une façon de reconnaître que nous ne vivons pas dans un monde figé, que les choses évoluent. Certains règlements étaient nécessaires il y a 50 ans, mais ils ne le sont plus aujourd'hui. Il faut de nouveaux règlements, des règlements différents. Il faut évoluer tout en restant raisonnables par rapport aux entreprises.
Le sénateur Massicotte : Merci.
Le président : Au nom du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je remercie Laura Jones, en Colombie-Britannique, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, ainsi que Chris Aylward et Howie West. Nous ne nous sommes pas beaucoup entretenus avec vous, monsieur West, mais votre simple présence nous a été utile. Nous vous savons gré à tous deux d'avoir représenté l'Alliance de la fonction publique du Canada. Nous avons aussi accueilli Shannon Coombs, de l'Association canadienne de produits de consommation spécialisés. Merci à tous d'avoir été présents et de nous avoir aidés à comprendre les répercussions que le projet de loi aurait pour vous.
Honorables collègues, voilà qui conclut les travaux prévus relativement à ce projet de loi. Nous nous réunirons demain matin, dans la même salle, pour procéder à l'étude article par article du projet de loi.
Je viens de penser que nous avons soumis le rapport sur le Budget principal des dépenses pour l'exercice qui s'est terminé hier. Le rapport fait près d'une centaine de pages. Si quelqu'un veut intervenir à ce sujet, c'est le moment de le faire et de parler de ce que nous avons accompli au cours de la dernière année, à l'aube du nouvel exercice.
(La séance est levée.)