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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 8 - Témoignages du 2 juin 2014


OTTAWA, le lundi 2 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 13 heures, pour étudier la situation des relations internationales du Canada en matière de sécurité et de défense, notamment ses relations avec les États-Unis, l'OTAN et le NORAD (sujet : la défense antimissiles balistiques).

Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Nous sommes aujourd'hui le lundi 2 juin 2014. Avant de souhaiter la bienvenue à notre témoin, j'aimerais d'abord présenter les gens autour de la table. Je m'appelle Daniel Lang, sénateur du Yukon. Tout de suite à ma gauche se trouve la greffière du comité, Josée Thérien; à ma droite se situe l'analyste de la Bibliothèque du Parlement qui nous a été affectée, Holly Porteous. J'invite maintenant les sénateurs à se présenter eux-mêmes et à indiquer la région qu'ils représentent.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, sénateur de l'Alberta.

Le sénateur Campbell : Larry Campbell, sénateur de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Segal : Hugh Segal, de Kingston-Frontenac-Leeds, en Ontario.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur White : Vern White, de l'Ontario.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de Land of Lakes, dans le nord-ouest de l'Ontario.

Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le président : Notre séance d'une heure cet après-midi porte sur la défense antimissiles balistiques. Je vous informe qu'en raison de ses nombreux déplacements, le commissaire Paulson a dû annuler son témoignage ici aujourd'hui. Je l'ai invité à revenir plus tard ce mois-ci, le 9 ou le 16 juin, pour notre examen de la GRC. Le commissaire devrait être en mesure de participer à une de ces séances.

Chers collègues, le 12 décembre 2013, le Sénat a adopté l'ordre de renvoi suivant :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à examiner, dans le but d'en faire rapport, la situation des relations internationales du Canada en matière de sécurité et de défense, notamment ses relations avec les États-Unis, l'OTAN et le NORAD;

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 décembre 2014 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant 90 jours après le dépôt de son rapport final.

Nous poursuivons notre étude sur la défense antimissiles balistiques et nous sommes très heureux d'accueillir le lieutenant-général J. A. J. Parent, commandant adjoint, Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord.

Après avoir été cadet de l'air, le général Parent s'enrôle dans les Forces canadiennes en 1979 pour étudier au Collège militaire royal de Saint-Jean-sur-Richelieu. Diplômé en 1984, il termine la formation de pilote en 1985. Avant son affectation actuelle, il était commandant de la 1re Division aérienne du Canada et de la Région canadienne du NORAD, responsable de la génération et de l'emploi du secteur opérationnel de l'Aviation royale canadienne. Le général Parent détient un baccalauréat en administration des affaires et une maîtrise en études stratégiques de l'U.S. Air Force Air War College, de l'Air University. Il est également diplômé du Collège de commandement et d'état-major de l'Armée canadienne. Après avoir été promu lieutenant-général, le général Parent est nommé commandant adjoint du NORAD et commandant de l'état-major canadien du NORAD le 4 septembre 2012.

Bienvenue, lieutenant-général Parent. Au nom du comité, je vous remercie ainsi que le général Charles Jacoby de votre hospitalité durant nos deux journées de visite très instructive à Colorado Springs.

Si vous voulez bien commencer, nous allons entendre votre exposé. La séance va durer une heure. Merci.

Lieutenant-général Alain Parent, commandant adjoint, Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) : Merci beaucoup, monsieur le président. Membres du comité, je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Avant de commencer, j'aimerais vous transmettre les salutations de votre commandant du NORAD, le général Chuck Jacoby. Le général Jacoby a été honoré de votre visite aux quartiers généraux du NORAD et de l'USNORTHCOM et sera heureux de vous recevoir de nouveau si vous avez l'occasion d'y retourner.

D'entrée de jeu, je m'en voudrais de ne pas préciser à quel point je me considère chanceux et honoré d'avoir été choisi pour représenter notre merveilleux pays en qualité de commandant adjoint du NORAD. J'aimerais donc commencer par rappeler au comité que, d'un commun accord, le NORAD a trois missions, soit celle d'alerte aérospatiale, de contrôle aérospatial et d'alerte maritime. Comme il s'agit de la mission la plus récente, j'aimerais débuter par l'alerte maritime.

L'alerte maritime consiste à traiter, à évaluer et à diffuser les renseignements relatifs aux approches, aux zones maritimes et aux voies navigables intérieures respectives du Canada et des États-Unis. À la suite de l'ajout de cette mission en 2006, le NORAD a émis son premier avis maritime en 2010. Il en a émis 14 en 2013, et quatre de plus en 2014. Sur le plan de la défense, une préoccupation d'ordre maritime peut devenir assez rapidement une alerte aérospatiale et un enjeu en matière de défense aérienne. Bien qu'il y ait encore certains obstacles, tout particulièrement en ce qui concerne l'échange d'information, l'alerte maritime constitue un exemple de taille du consensus des deux nations quant à la lacune sur le plan des missions et quant à la possibilité de combler cette lacune au moyen de mécanismes coopératifs et prouvés établis sous l'égide du NORAD.

L'alerte aérospatiale consiste à traiter, à évaluer et à diffuser les renseignements relatifs aux objets artificiels dans le domaine aérospatial et à détecter toute attaque contre l'Amérique du Nord, à la confirmer et à donner l'alerte, qu'il s'agisse d'aéronefs, de missiles ou de véhicules spatiaux. De façon générale, nous nous soucions de la multiplication et de la prolifération de missiles de croisière perfectionnés, de divers types de missiles balistiques et de menaces volant lentement et à basse altitude telles que des véhicules aériens sans pilotes. Tous représentent des défis d'envergure qui mettent à l'épreuve les limites de nos systèmes d'alerte. Fondamentalement, l'envoi d'une alerte sans équivoque et le maintien de moyens fiables de communiquer cette alerte sont ce qui caractérise le NORAD, et nous devons continuer de nous assurer que nos systèmes demeurent pertinents et efficaces.

Le contrôle aérospatial complète notre ensemble de missions. Celui-ci consiste à surveiller l'espace aérien du Canada et des États-Unis et à en effectuer le contrôle opérationnel. Nos efforts continus pour maintenir l'état de préparation de nos forces sont essentiels à cette mission.

Nos capacités actuelles en matière de défense reposent indéniablement sur des équipages bien entraînés et sur des aéronefs tout aussi bien équipés et entretenus. En outre, à mesure que nous comprendrons mieux les capacités de nos adversaires potentiels, nous aurons besoin de systèmes de défense aérospatiale capables de suivre et d'engager des aéronefs long-courriers, des missiles de croisière à faible visibilité, voire même des véhicules aériens sans pilotes. Nous ne serons pas en mesure de prendre de l'avance sur les nouvelles menaces sans évoluer et nous adapter pour relever ces défis.

Au cours des 18 derniers mois, le NORAD s'est penché sur un éventail de changements sur le plan des acteurs étatiques et non étatiques qui pourraient remettre en question les notions et les concepts de la défense qui ont été, pour la plupart, mis en œuvre au siècle dernier. Je dois être absolument clair sur ce point. Je n'essaie pas de sonner l'alarme. Or, la commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis a fustigé le NORAD lorsqu'il a déclaré ce qui suit :

Un changement coûteux de la position en matière de défense du NORAD pour réagir face au danger que représentent les pirates de l'air constitués en commandos-suicides, avant qu'une telle menace se soit concrétisée, aurait été difficile à faire passer. Mais le NORAD n'a pas sondé le renseignement disponible et tenté d'établir le bien-fondé d'un tel changement.

À la lumière des changements qui surviennent, nous nous affairons à déterminer comment le NORAD pourrait évoluer afin de répondre aux exigences du XXIe siècle. Les menaces à l'égard de notre sécurité nationale deviennent plus diffuses et plus difficiles à attribuer, et l'Amérique du Nord est de plus en plus vulnérable à un éventail de menaces changeantes — qu'elles soient étatiques ou non étatiques, traditionnelles ou asymétriques — dans tous les théâtres, soit l'air, la terre, la mer, l'espace et le cyberespace.

Qui plus est, les conflits régionaux peuvent rapidement s'étendre et avoir des répercussions mondiales et nationales. Entre autres exemples, lorsque la situation en Syrie s'est aggravée, nous nous inquiétions de la possibilité de cyberattaques contre l'Amérique du Nord.

Je vais maintenant prendre quelques instants pour souligner certains des changements importants qui s'opèrent. Depuis l'automne 2011, la doctrine, les opérations, les tactiques et les procédures militaires russes se sont considérablement transformées. La Russie met en place des missiles de croisière tirés à partir des airs ou de la mer plus précis et plus efficaces, participe à des déploiements en mer plus longs et à des exercices plus complexes — tout particulièrement dans le Grand Nord — et a entrepris de vastes programmes de modernisation de tous ses systèmes d'armes importants pour inclure des missiles balistiques navals et des missiles balistiques intercontinentaux. Elle a accru la fréquence des exercices des forces stratégiques et a annexé la Crimée. Bien que certains éléments de l'ancien modèle soviétique s'appliquent, il est manifeste que la Russie s'efforce de rompre avec le passé en ce qui concerne ses capacités militaires. Nous croyons que la Russie vise à instaurer une nouvelle doctrine qui fait fond sur l'utilisation stratégique d'armes de précision qui auront un effet stratégique.

Entre-temps, la Chine poursuit de vastes programmes de modernisation de ses systèmes d'armes tactiques et stratégiques, y compris des avancées en matière d'armes d'interdiction d'accès et d'interdiction de zone, d'espace et de cyberespace. En même temps, la Chine s'affirme dans les mers de Chine orientale et méridionale. Bien que cela puisse sembler être une préoccupation d'ordre régional, on ne peut oublier que la Chine construit également un nouveau brise-glace, est maintenant un observateur au conseil de l'Arctique et a conclu un accord de libre-échange avec l'Islande. Voilà des événements qui sous-entendent un désir accru d'accès à l'Arctique et d'influence dans cette zone.

La Corée du Nord et l'Iran continuent tous deux d'investir dans les missiles balistiques, le nucléaire, le cyberespace et d'autres technologies d'armement de pointe. Tenant compte du lancement spatial réussi et des précédents essais nucléaires de la Corée du Nord, le général Jacoby a affirmé se préoccuper du fait que les missiles balistiques de ce pays soient passés d'une menace théorique à une menace réelle, contre laquelle nous devons nous protéger.

En outre, les menaces des organisations terroristes, bien que moindres qu'auparavant, ne se sont en aucun cas évaporées. Une question qui s'avère particulièrement préoccupante est la probabilité croissante de collusion, volontaire ou non, entre les organisations criminelles transnationales et les terroristes, suivant une volonté de faire le trafic d'armes, de drogues, de personnes, et cetera. Les terroristes auraient ainsi de plus en plus d'occasions d'utiliser des armes modernes, telles que des missiles de croisière ou des missiles balistiques à courte portée lancés à partir de conteneurs d'expédition, ou de livrer des armes de destruction massive dans des véhicules aériens sans pilotes ou des aéronefs de l'aviation navale.

S'ajoute à ces menaces le retrait continu de la glace de mer dans le Nord, faisant de l'Arctique une approche maritime continentale qui pourrait être utilisée à des fins opportunistes.

Malgré les défis qui se posent, l'accord du NORAD, qui a été signé il y a 56 ans, demeure l'idée phare pour la défense de l'Amérique du Nord. La meilleure façon d'assurer la défense du continent et de la perfectionner est de collaborer, en misant sur l'expérience de longue date du NORAD.

Le général Jacoby fait souvent référence au niveau de collaboration exceptionnelle entre nos deux pays et à l'avantage concurrentiel militaire qui en découle, et il mentionne souvent le fait que nos deux pays sont à ce point stables sur le plan de la souveraineté que chacun commande couramment les forces de l'autre.

La réussite continue de ces missions et la capacité de devancer les menaces contre l'Amérique du Nord sont des objectifs pour lesquels je peux vous assurer que le NORAD ne reste pas les bras croisés. Par l'entremise de la Commission permanente mixte de défense, le général Jacoby a demandé qu'un examen stratégique soit réalisé, ce que le chef d'état-major de la Défense et le président du Joint Chiefs of Staff ont enjoint le commandement de faire.

Cet examen a pour but de fournir l'analyse opérationnelle nécessaire pour éclairer et soutenir les investissements requis sur le plan des capacités du NORAD. Il comprend un examen des rôles, des missions et des rapports de commandement actuels et futurs. En plus de cet examen, le NORAD procède à un grand nombre d'exercices et d'essai à la recherche de moyens d'atténuer et d'affronter les défis changeants du XXIe siècle.

J'ai jusqu'à présent mis l'accent sur les missions binationales du NORAD. J'aimerais maintenant prendre quelques instants pour souligner nos efforts bilatéraux continus. Depuis sept ans, le NORAD, l'USNORTHCOM et le commandement des opérations interarmées du Canada, anciennement le commandement du Canada, tiennent des discussions en vue d'améliorer la coordination dans l'Arctique, l'échange d'information, la connaissance de la situation dans tous les théâtres, les exercices et la coopération pour la sécurité du cyberespace et des théâtres.

Voilà seulement un exemple de la mesure dans laquelle l'esprit de l'accord du NORAD est allé au-delà de ses trois missions établies.

Enfin, je ne peux vous dire à quel point je suis fier de servir et d'assurer la garde avec les soldats, les matelots, les aviateurs et aviatrices du Canada et des États-Unis qui servent généreusement nos deux grands pays. Considérant leur volonté, leur professionnalisme et leur ingéniosité sans borne, je suis persuadé que notre avenir est entre bonnes mains. Je vous remercie. C'est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, lieutenant-général Parent. Vous avez donné un excellent aperçu. Notre comité fait écho à votre conclusion sur l'engagement des hommes et des femmes militaires du Canada et des États-Unis, surtout ceux que nous avons visités à Colorado Springs. Je vous remercie encore de tout le temps et de tous les efforts que vous consacrez pour que nous soyons tous mieux renseignés sur le travail que vous accomplissez pour la population en général.

Chers collègues, j'aimerais commencer par une question sur la défense antimissiles balistiques. Comme vous le savez, nous examinons si le Canada devrait participer à part entière ou non à la défense antimissiles balistiques du NORAD. C'était la principale raison de notre visite à Colorado Springs. Nous sommes allés voir ce que fait votre organisation et en quoi consisterait exactement notre participation à cet aspect précis de votre mandat.

En quoi la participation à part entière du Canada à la défense antimissiles balistiques changerait-elle vos opérations quotidiennes et vos responsabilités actuelles?

Lgén Parent : Merci beaucoup de la question, monsieur le président. Si j'ai bien compris, vous voulez savoir comment les opérations quotidiennes et concrètes du NORAD changeraient.

Le président : Oui.

Lgén Parent : Tout d'abord, le commandement et le contrôle de la défense antimissiles balistiques changeraient, parce qu'ils passeraient du Commandement du Nord des États-Unis au NORAD. La défense antimissiles balistiques relève présentement du commandant de l'USNORTHCOM. Le commandement et le contrôle seraient mieux intégrés, autant pour les indicateurs et les alertes d'attaques de missiles balistiques que pour l'engagement et tous les autres aspects.

Présentement, si un missile balistique intercontinental est lancé, le commandement et le contrôle doivent changer. Ils passent du NORAD à l'USNORTHCOM lorsque le missile peut être engagé. Si le missile revient dans l'atmosphère, le NORAD assume de nouveau le contrôle et le commandement. Je pense que mon rôle changerait. En plus de la commande et du contrôle de la défense antimissiles de croisière, je me chargerais aussi de la défense antimissiles balistiques.

Le président : Si vous me permettez d'apporter une précision, chers collègues, le Canada et les États-Unis gèrent ensemble les systèmes d'alerte de missiles. Par contre, le Canada doit ensuite se retirer et il ne participe pas aux décisions en matière de défense antimissiles balistiques, n'est-ce pas?

Lgén Parent : L'accord du NORAD stipule que le NORAD soutient le commandement responsable de la défense antimissiles balistiques, soit le Commandement du Nord des États-Unis. L'engagement d'un missile qui approche commence par les indicateurs et l'alerte, puis le NORAD cherche à détecter la signature infrarouge. Nous évaluons au départ l'objectif et la trajectoire, puis nous informons le commandement national qu'un missile a été lancé. Lorsque le missile entre dans l'espace et fait partie de la séquence d'engagement du Commandement du Nord des États-Unis, le NORAD et l'état-major de la station de défense antimissiles balistiques du Canada, qui fait partie du centre intégré du NORAD et du NORTHCOM, ne participent pas aux opérations. Mais devant ce dernier se trouve la station d'alerte de missiles, où travaillent des membres des états-majors américain et canadien. Les deux sont donc étroitement liés. Durant l'engagement, l'USNORTHCOM est seul aux commandes. Si l'engagement échouait, le NORAD reprendrait le commandement, parce que le missile entrerait de nouveau dans l'atmosphère. Le NORAD doit aussi détecter toutes les détonations nucléaires dans le monde. Le NORAD soutient en effet certaines phases de l'engagement de missiles, mais c'est stipulé dans l'accord.

Le président : Sénateur Mitchell?

Le sénateur Mitchell : Je suis ravi de vous revoir, général. Merci de votre présence parmi nous et de votre exposé fort intéressant. J'aimerais poursuivre dans le sens de la réponse que vous venez de donner.

Dans l'état actuel des choses, si le Canada et/ou les États-Unis étaient attaqués par une ogive nucléaire lancée à partir d'un avion ou d'un missile de croisière, il y aurait coopération à part entière entre les deux pays dans le cadre du NORAD.

Lgén Parent : C'est exact.

Le sénateur Mitchell : Si la même ogive nucléaire avait été lancée par un missile balistique, il ne serait plus question de contrôle pleinement intégré des opérations entre les deux pays. Ce sont les Américains qui prendraient le contrôle pour peut-être ensuite mettre le NORAD à contribution. De toute évidence, les choses ne seraient pas aussi simples qu'elles pourraient l'être et ce ne serait pas une situation idéale.

Lgén Parent : Vous avez raison de dire que le NORAD ne participerait pas à l'intervention. Cela changerait les modalités de commandement et de contrôle entre le NORAD et NORTHCOM alors que pour un missile de croisière, il y aurait collaboration sur toute la ligne. Le général Jacoby se plaît à répéter que nous devrions régler nos fonctions de commandement et de contrôle à la phase zéro, c'est-à-dire au niveau de nos opérations quotidiennes, de la même manière que nous le faisons pour les situations de crise. Au quotidien, le système est donc réglé de manière à ce que ce soit le NORAD qui intervienne dans le cas des missiles de croisière, alors que pour les missiles balistiques, c'est USNORTHCOM, avec la participation de certains éléments du NORAD.

Le sénateur Mitchell : Par définition, le Canada aurait donc un rôle moins important à jouer dans le cas d'un missile balistique. Étant donné que ces missiles sortent de l'atmosphère terrestre, on s'est mis à craindre au début des années 2000 l'émergence d'un tout nouvel ordre des choses. Ainsi, on a commencé à parler d'une guerre des étoiles en appréhendant une arsenalisation de l'espace et la présence de satellites qui lanceraient des projectiles vers notre planète. Ce n'est pas ce qui est arrivé. Ces missiles ont simplement un arc de vol plus prononcé que les avions ou les missiles de croisière, et reviennent dans l'atmosphère après l'avoir quitté. Il ne peut en être autrement si l'on veut atteindre une cible sur terre. C'est vraiment la distinction à faire. Ce n'est pas comme si nous lancions des projectiles depuis l'espace. Ce n'est pas vraiment chose possible.

Lgén Parent : Tout dépend du milieu dans lequel on se déplace. Lorsqu'un sous-marin lance un missile balistique, il amorce sa course dans l'eau. Il monte ensuite dans l'atmosphère pour se retrouver dans l'espace avant de pénétrer à nouveau dans l'atmosphère. Il est donc pratique pour le NORAD d'avoir une fonction d'alerte maritime pour les missiles de croisière lancés à partir d'un sous-marin, car l'activité amorcée en mer se transforme en problème de défense aérienne. Pour revenir aux arguments mis de l'avant au début des années 2000, il n'y a effectivement pas de guerre des étoiles. Il n'y a pas d'armes qui sont déployées dans l'espace. Tout se fait au moyen d'intercepteurs basés au sol.

Je veux aussi préciser qu'il ne s'agit pas d'un bouclier sur lequel les missiles lancés iraient terminer leur course. C'est un missile qu'on lance pour contrer un autre missile. L'interception se fait dans l'espace. Dans le cas d'un missile de croisière, nous lançons un missile à partir d'un avion pour en frapper un autre qui a son propre mode de propulsion. Les deux missiles ont un effet cinétique l'un sur l'autre. Pour l'intercepteur de missile, c'est assez semblable. On lance ce qu'on appelle un véhicule de destruction exoatmosphérique, qui consiste essentiellement en une pièce de métal qui frappe la cible à son retour dans l'atmosphère. La vitesse de l'impact est telle que le missile visé se désintègre dans l'espace.

Vous avez raison de dire que nous devons composer avec différents types de missiles qui traversent différents milieux. Pour l'instant, le NORAD n'intervient pas lorsqu'un missile transite dans l'espace.

Chose intéressante, certains pays travaillent à la conception d'un planeur hypersonique. Il s'agit essentiellement d'un missile qui entre dans l'espace en empruntant une trajectoire ascendante, revient dans l'atmosphère en suivant une trajectoire descendante, puis se met à planer. Lorsqu'ils sont dans l'espace, ces planeurs deviennent des missiles balistiques intercontinentaux et, une fois revenus dans l'atmosphère, ils sont pour ainsi dire des missiles de croisière. La technologie évolue sans cesse et nous devons nous adapter.

Le sénateur Mitchell : Le NORAD n'a pas évolué.

Lgén Parent : Le NORAD doit s'adapter également.

Le sénateur Wells : Général Parent, je suis ravi de vous revoir. Merci pour votre exposé. De toute évidence, nous avons d'excellentes raisons de croire que la menace nord-coréenne n'est plus simplement théorique, mais est devenue tout à fait concrète, surtout pour les pays et les territoires de l'Ouest et du Pacifique, comme le Japon et la Corée du Sud. Pourriez-vous nous expliquer quelles pourraient être les conséquences pour l'Amérique du Nord?

Lgén Parent : Le 12 décembre, le jour même où ce comité a été formé, si je ne m'abuse, la Corée du Nord a lancé une fusée à étages. Lors de mon premier passage au NORAD entre 1997 et 1999, j'ai été témoin du premier lancement d'un missile à deux étages par la Corée du Nord. Ce missile a survolé le Japon. C'est à partir de ce moment-là que la Corée du Nord a commencé à représenter une menace pour le Japon. En décembre dernier, la Corée du Nord a lancé une fusée à trois étages, ce qui signifie qu'elle détient désormais un missile capable d'atteindre à peu près n'importe quelle cible en Amérique du Nord. Si vous disposez de la technologie multiétages nécessaire pour lancer un objet dans l'espace, vous avez aussi la possibilité d'étendre sa portée à l'ensemble de l'Amérique du Nord. C'est à ce moment-là que la menace théorique qui planait pendant qu'on s'employait à développer cette technologie est devenue bien concrète. Nous savons que leurs missiles ont la portée nécessaire pour cibler tout notre continent.

Le sénateur Wells : Nous savons qu'ils disposent de tous les éléments requis, mais savons-nous s'ils ont réussi à combiner le tout pour être prêts à lancer un missile?

Lgén Parent : Ce que nous savons pour l'instant, c'est qu'ils continuent à travailler au développement d'un missile. Ils s'emploient à concevoir un missile mobile sur route, le KN-08, qui aura la portée des missiles balistiques intercontinentaux. Ils ont également testé avec succès leurs armes nucléaires, mais ils n'ont pas encore combiné les deux à notre connaissance. Ce sont généralement deux processus qui se déroulent en parallèle. Je ne pense pas qu'ils effectueraient des essais nucléaires pour le simple plaisir de la chose.

Le sénateur Wells : Est-il plus probable que l'on procède au lancement à partir du territoire nord-coréen, ou disposent-ils d'une capacité navale ou aérienne permettant de tels lancements?

Lgén Parent : La capacité nord-coréenne est uniquement terrestre.

Le sénateur Segal : Général, merci de votre présence. Nous apprécions grandement le travail accompli pour le Canada par vos collègues et vous-même à Cheyenne Mountain. C'est un travail important, et nous sommes privilégiés de pouvoir compter sur votre présence là-bas.

Lgén Parent : Merci.

Le sénateur Segal : Vous avez peut-être remarqué que deux anciens ministres de la Défense ont comparu devant notre comité. L'un d'entre eux était en poste au moment où l'on a décidé de ne pas participer au programme américain de défense antimissiles balistiques. Les deux nous ont indiqué que, tout bien considéré, il serait bon que l'on revoie cette décision. Je ne vais pas demander à un officier en uniforme comme vous d'exprimer une opinion politique.

Lgén Parent : Je vous en suis reconnaissant.

Le sénateur Segal : Je comprends vos contraintes, mais il y a tout de même une question que je voudrais vous poser. Vous nous avez expliqué très clairement les liens qui existent entre les activités de défense aérienne du NORAD et le groupe de défense antimissiles balistiques au sein duquel on ne retrouve aucun Canadien. Si un gouvernement du Canada décidait pour une raison ou pour une autre de se joindre à cet effort en tant que partenaire à part entière, sans égard aux modalités d'application qui pourraient être établies, en quoi cela modifierait-il selon vous le mode d'opération actuel structuré en fonction de la non-participation du Canada? Qu'est-ce qui changerait dans vos opérations quotidiennes? En présumant que cela ferait l'objet d'un accord via les voies normales et à un niveau qui échappe sans doute à notre compétence à tous, pourriez-vous nous dire ce qui changerait d'un point de vue strictement technique quant aux liens opérationnels entre les différentes chaînes de commandement et à l'échange de renseignements, si un gouvernement canadien en venait un jour à décider qu'il souhaite participer à cette initiative?

Lgén Parent : À l'heure actuelle, le NORAD est en charge du contrôle aérospatial, mais il y a une restriction. Ainsi, dans le cadre de notre mission de surveillance aérospatiale, nous nous intéressons aux objets de fabrication humaine, y compris les missiles, qui transitent dans l'espace et dans l'air. Notre surveillance s'exerce en continu autant dans l'atmosphère que dans l'espace.

La fonction de contrôle consiste pour sa part en des activités d'inspection et d'intervention dans l'espace aérien, qu'elles soient asymétriques — transporteurs civils dans le cadre de l'opération Noble Eagle — ou symétriques, comme pour l'interception et l'inspection de bombardiers à long rayon d'action pouvant être équipés d'armes nucléaires et n'ayant pas fourni un plan de vol. Nous ne faisons pas vraiment de contrôle aérospatial. Nous nous limitons au contrôle aérien et aux menaces aérobies. La décision que vous évoquez aurait essentiellement pour effet de supprimer cette restriction dans la défense aérospatiale en Amérique du Nord. Il y aurait ainsi intégration parfaite avec une seule chaîne de commandement et un seul et même objectif. Dans la pratique, on ne me demanderait plus nécessairement de quitter la pièce lorsque l'on veut discuter d'une intervention de défense antimissiles balistiques. Il pourrait également s'ensuivre que le général Jacoby m'invite à participer au processus décisionnel pour une telle intervention, ce qui n'est pas le cas actuellement. Je devrais aussi sans doute me tenir plus près du téléphone, car on pourrait fort bien vouloir me consulter davantage. Cela permettrait en outre la présence de Canadiens dans tous les secteurs d'intérêt des centres de commandement du NORAD et de NORTHCOM.

Pour ce qui est des activités de R-D, les scientifiques qui travaillent pour le NORAD au Canada pourraient sans doute aussi essayer de voir quelles avancées technologiques canadiennes pourraient permettre d'améliorer le système.

Enfin, cela faciliterait la tâche du général Jacoby lorsqu'un missile s'approche de la frontière. Il serait plus simple pour lui de décider s'il doit défendre le Canada ou non.

Le sénateur Segal : J'aurais une question supplémentaire, monsieur le président. Vous avez eu la générosité de nous faire part de votre point de vue quant à l'évolution de notre position relativement à la doctrine militaire russe. Je crois bien sûr que l'initiative de défense antimissiles n'était vraiment pas une réponse à la menace causée par la Russie — et les autres pays dotés d'une capacité de lancement multiple —, car cette menace peut très bien être contrée par le NORAD, de la manière dont nous concevons ses fonctions actuelles.

Dans l'éventualité du lancement d'un missile vers l'Amérique du Nord par un État mal intentionné, et vu que les capacités technologiques dont disposent ces États ne nous garantissent pas qu'un missile ayant pour cible Chicago ne frappera pas plutôt Winnipeg, devons-nous comprendre que, du fait que nous ne sommes pas actuellement partenaires, on vous demande de quitter la pièce lorsque vient le moment de discuter au quartier général du déploiement de la défense antimissiles. Je veux m'assurer de vous avoir bien compris. Est-ce bien ce que vous avez dit?

Lgén Parent : Je suis exclu des discussions surtout lorsqu'il y a échange de renseignements menant à une intervention antimissiles balistiques. Une fois l'intervention engagée, je peux demeurer présent.

Le sénateur Segal : Très bien.

Lgén Parent : Mais je dois observer en silence tout le cycle décisionnel menant aux interventions.

La sénatrice Ringuette : Bienvenue, général.

Lgén. Parent : Merci.

La sénatrice Ringuette : C'est ma première séance au sein de ce comité, alors nous sommes un peu dans le même bateau, car vous avez dit que c'était votre première comparution devant un comité sénatorial.

Il y a tout de même un aspect qui m'intéresse concernant l'Arctique. Je me rends bien compte que des mesures de sécurité s'imposent pour préserver la souveraineté canadienne dans l'Arctique. Vous avez parlé de la Russie et de la Chine. Quelle est la position des États-Unis par rapport à la souveraineté dans l'Arctique?

Lgén Parent : Qu'entendez-vous par là?

La sénatrice Ringuette : Notre souveraineté semble de plus en plus contestée par de plus en plus de gens. D'après ce que vous avez pu observer, est-ce que les Américains la contestent également?

Lgén Parent : Merci pour la question. Désolé de ne pas l'avoir comprise du premier coup.

Les politiques américaines et canadiennes concernant l'Arctique sont assez bien harmonisées et synchronisées. Je sais que nous avons des divergences d'opinions quant aux secteurs longeant le territoire alaskien, mais des démarches diplomatiques sont en cours à ce sujet. La situation ne crée aucune tension du point de vue militaire.

Les forces militaires visent toutes des objectifs de sûreté, de sécurité et de défense. Du point de vue sûreté, il faut posséder une capacité de réaction suffisante. Dans une optique de sécurité, nous devons veiller à pouvoir apporter notre aide au besoin et permettre aux Américains de le faire également. Pour ce qui est de la défense, le Canada et les États-Unis n'entrevoient aucun conflit dans l'Arctique. Le NORAD est du même avis, mais nous envisageons une coopération militaire entre les deux pays. Depuis sa création, le NORAD est actif dans l'Arctique, notamment pour l'interception d'avions de longue portée en provenance de Russie. La mission de surveillance maritime du NORAD s'est ajoutée en 2006, et l'ouverture des passages maritimes fait en sorte que nous devons porter une attention aussi soutenue à l'océan qu'à nos voies maritimes intérieures ainsi qu'à l'autre côte.

Du point de vue du NORAD, il y a toujours un élément de confiance par rapport à tous ceux qui transitent par l'Arctique, mais il est quand même bon de s'assurer que chacun se conforme aux lois et aux usages internationaux en vigueur.

La sénatrice Ringuette : Puis-je poser une autre question?

Le président : Y a-t-il des chances que cela concerne la défense antimissiles balistiques?

La sénatrice Ringuette : Oui.

Le président : Je vous prie de vous en tenir le plus possible au sujet de notre séance, car nous souhaitons tirer pleinement avantage de la présence du général.

La sénatrice Ringuette : D'accord. Dans quelle proportion le niveau d'activité dans l'Arctique s'est-il accru au cours des 10 dernières années en raison de la présence étrangère?

Lgén Parent : Je n'ai pas ces chiffres avec moi, mais je pourrai les transmettre au comité. Nous avons des données sur la circulation dans l'Arctique.

La sénatrice Beyak : Je suis ravie de vous revoir, général. Notre visite des installations du NORAD a été formidable. Les Canadiens seraient très impressionnés et tout à fait rassurés de voir le travail que vous accomplissez là-bas.

Lgén Parent : Merci.

La sénatrice Beyak : Dans le cadre de notre voyage d'observation, nous avons appris que la protection offerte par le système de défense antimissiles balistiques du territoire américain ne couvre pas l'ensemble du Canada. Pourriez-vous m'indiquer quel pourcentage du Canada fait actuellement partie de la zone protégée par ce système et ce qu'il faudrait pour étendre cette zone à l'ensemble du pays? Je pense que c'est un aspect qui intéresse vivement ceux qui nous regardent à la maison.

Lgén Parent : J'ai pris note de votre question, car j'ai une excellente mémoire, mais à très court terme.

Il faut d'abord savoir que le système a pour mandat de protéger le territoire des États-Unis, ce qui comprend l'Alaska. Pour que les choses soient bien claires, on parle d'une protection à l'encontre de la menace posée actuellement par la Corée du Nord et l'Iran, des pays peu avancés dans la prolifération ou la construction de missiles balistiques intercontinentaux. Il ne s'agit d'aucune manière d'essayer de déstabiliser nos relations actuelles avec la Chine ou la Russie. Je tenais à le préciser. L'ensemble du territoire canadien n'est pas protégé. Comme il s'agit d'un système entièrement américain, le Canada n'a pas son mot à dire quant à ce qui est protégé ou non. Une partie du Canada bénéficie d'une protection du fait que les États-Unis ont décidé de prévoir une zone tampon à proximité de leurs frontières pour tenir compte du manque de précision de ces armes et s'assurer ainsi que le territoire américain ne soit pas atteint. Je ne saurais vous dire en quoi consiste cette zone tampon, car cela est établi dans des réunions auxquelles je ne participe pas.

Que faudrait-il faire pour étendre la protection à l'ensemble du Canada? Il faudrait que notre pays entame des négociations avec les États-Unis. À la faveur de ces négociations, je suppose que les États-Unis pourraient convenir avec le Canada de ce qui reste à faire pour offrir toute la protection souhaitée.

Dans ce contexte, il faut noter que la configuration géographique du Canada n'a jamais été prise en compte lors de l'élaboration de ce système, car on n'y avait tout simplement pas accès. Il faudra donc entreprendre des négociations avec les États-Unis pour répondre à ces questions.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vous remercie, général Parent, d'être ici aujourd'hui. Évidemment, on ne va pas s'éloigner de la question des missiles, mais dans quelle mesure pouvez-vous évaluer que la présence de véhicules aériens sans pilote se compare à celle des missiles balistiques? Et comment le Canada pourrait-il aider NORAD à contrer cette menace?

Lgén Parent : La première menace ou la deuxième?

Le sénateur Dagenais : Je dirais la première. En fait, ce sont les véhicules aériens sans pilote.

Lgén Parent : D'accord. La menace est réelle en ce qui concerne les véhicules sans pilote, plus particulièrement dans le domaine du terrorisme ou du crime organisé transnational. Il ne serait pas très compliqué pour un terroriste de remplir une boîte de carton d'agents biologiques ou toxiques et de la lancer quelque part. Sur Internet, on trouve facilement des vidéos explicatives. Le site Amazon offre de petits appareils qui peuvent livrer un colis.

Donc, à NORAD/Canada-États-Unis, on coopère. On examine, au moyen de la recherche et du développement, les règles d'engagement qui devraient être appliquées. Il s'agit de déterminer le type de règles que nous devrions appliquer concernant l'utilisation pacifique de ces véhicules tout en essayant de nous défendre contre des acteurs malins qui pourraient nous faire du tort. Ainsi, il est tout à fait du mandat de NORAD d'examiner ces questions.

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le président. Pourrais-je poser une autre question?

D'après vos connaissances des menaces actuelles et peut-être des menaces projetées, à quels risques le Canada pourrait-il s'exposer s'il décidait de participer pleinement au programme de défense antimissile balistique? Quels seraient les avantages d'une telle décision pour le Canada?

De plus, dans quelle mesure pouvez-vous estimer que l'Iran ou la Corée du Nord, s'ils lancent une attaque contre le Canada ou les États-Unis, le feraient dans les 10 prochaines années?

Lgén Parent : Le problème avec la Corée du Nord, principalement, c'est que nous devons faire une analyse perpétuelle entre les intentions et la menace. Pour ce qui est de l'Iran, la menace grandit, et ses intentions ne sont pas connues. C'est un acteur. On ne comprend pas quels sont ses objectifs, donc ils sont beaucoup plus difficiles à évaluer. Ce qui est concret, c'est que ces pays continuent à développer leur programme. L'Iran et la Corée du Nord contribuent, s'entraident. C'est évident.

Je m'excuse, je préfère m'exprimer en anglais, parce que c'est la langue de travail chez NORAD. Je ne sais pas si j'ai répondu à toutes vos questions. Quel élément vous manque-t-il?

Le sénateur Dagenais : L'évaluation de la menace de l'Iran et de la Corée du Nord.

[Traduction]

Lgén Parent : La menace est réelle. Le général Jacoby s'est dit convaincu que le système en place peut permettre pour l'instant de contrer la menace en provenance de l'Iran et de la Corée du Nord.

N'aviez-vous pas aussi une question concernant les risques pour le Canada dans le contexte de la défense antimissiles balistiques?

Le sénateur Dagenais : Non.

Lgén Parent : D'accord, j'ai dû mal comprendre.

Le sénateur White : Voilà déjà un certain nombre de témoignages que nous entendons, et je crois que la plupart des Canadiens ont maintenant une idée de la situation des missiles balistiques qui est bien différente de leurs perceptions d'il y a une dizaine d'années alors qu'on appréhendait l'arsenalisation de l'espace et d'autres éventualités semblables. La plupart des Canadiens estiment maintenant que si un missile était lancé dans notre espace aérien par l'un des pays qui nous menacent, il y aurait tout lieu d'espérer et de supposer que l'on ferait le nécessaire pour veiller à ce qu'il n'atteigne pas notre territoire.

Croyez-vous que si notre participation était plus sentie, on en viendrait à « savoir » que des mesures seront prises, plutôt que de « supposer » et d'« espérer » que l'on fera le nécessaire avant qu'un tel engin n'atteigne le territoire canadien? Je parle d'une participation plus directe du Canada.

Vous dites que certaines portions de notre territoire ne sont pas protégées. Si nous devenions davantage des partenaires, plutôt que de simples passagers, croyez-vous que cela nous permettrait d'assurer la protection d'une plus grande partie de notre territoire et de diminuer les risques — rien n'est garanti à 100 p. 100 — qu'un missile ne puisse être intercepté avant de nous atteindre?

Lgén Parent : Encore là, cela ferait partie des choses dont il faudrait discuter...

Le sénateur White : Je comprends bien, mais cela ferait aussi de nous des participants plus actifs.

Lgén Parent : Si nous participions à l'initiative, nous aurions voix au chapitre lorsque vient le temps de décider ce qui devrait être protégé, si ce n'est pas la totalité du territoire.

Le sénateur White : Alors, la réponse est oui.

Lgén Parent : La réponse est oui.

Le président : D'un point de vue strictement pratique, si je vous comprends bien, général, pour ce qui est du programme de défense antimissiles balistiques et de la possibilité de positionner des intercepteurs jusque sur la côte Est, si nous étions des partenaires à part entière dans ce programme, nous pourrions participer pleinement à toutes les discussions, et peut-être même contribuer à rendre le programme plus efficace et plus sécuritaire en permettant l'installation d'intercepteurs sur le territoire canadien. Pourrions-nous tout au moins être présents lorsqu'on discute de ces considérations?

Lgén Parent : Nous serions présents de telle sorte que les scientifiques et les spécialistes des missiles qui doivent composer avec ce délicat problème pourraient déterminer dans quelle mesure la configuration géographique de notre pays pourrait aider à rendre le système plus efficace. Dans le cadre des négociations, le Canada pourrait faire valoir qu'il permet aux États-Unis de tirer parti de cette configuration géographique.

L'emplacement des intercepteurs et des radars est une question de simple géométrie. Il s'agit d'utiliser au mieux cette géométrie pour maximiser le temps de décision et la marge de manœuvre de manière à pouvoir procéder à l'interception à l'endroit qui nous convient.

Le sénateur Mitchell : J'ai une question de suivi. Quels seraient les niveaux de participation possibles à l'intérieur de ce spectre qui peut aller d'un simple soutien à la défense antimissiles balistiques jusqu'à la présence d'un missile d'interception sur notre territoire, ce qui est toutefois peu probable.

Y a-t-il des discussions relativement aux sommes qui pourraient être en cause? Comment les Américains évaluent-ils l'ampleur de l'effort à consentir?

Lgén Parent : Pour l'instant, nous ne discutons pas de financement ou de choses semblables, parce que nous ne participons pas à l'initiative.

Mais disons, pour vous aider à mieux comprendre, que l'engagement antimissiles s'articule autour de différents vecteurs qui vont des indicateurs et des alertes jusqu'aux mesures des commande et contrôle, en passant par les intercepteurs, la discrimination des cibles radar ainsi que les activités de R-D. Il faudrait donc que le Canada discute avec les États-Unis des secteurs où il voudrait investir et des composantes qui l'intéressent moins.

Vous avez donné l'exemple de l'intercepteur. Soit dit en passant, les États-Unis ne demandent absolument rien en ce moment de mon point de vue. Mais il pourrait s'agir d'une chose aussi simple que d'attribuer le commandement et le contrôle à NORAD pour les raisons que j'ai déjà mentionnées, ou cela pourrait aller jusqu'à la mise en place d'intercepteurs en sol canadien, mais il reviendrait alors au gouvernement canadien d'en décider. Nous pourrions aussi peindre la cocarde de l'Aviation royale canadienne sur l'un des intercepteurs, payer pour ce missile en y mettant notre sceau.

Le sénateur Wells : Si c'est ce qu'on choisit de faire, j'espère que ce ne sera pas qu'une question de peinture.

Général, merci encore. J'aimerais revenir à une question posée par la sénatrice Ringuette sur l'Arctique. Les membres du comité comprennent que la zone d'identification de défense aérienne dans l'Arctique est limitée par la capacité du Système d'alerte du Nord. Pouvez-vous nous expliquer l'importance pour le NORAD de la portée limitée du Système d'alerte du Nord et des autres système radars dans la région?

Lgén Parent : Chaque radar a une certaine portée, et l'emplacement actuel des radars est tel qu'ils ne couvrent pas la totalité du territoire canadien, que la zone d'identification de défense aérienne ne couvre pas la totalité du territoire canadien. Ainsi, nos opérations avancées s'effectuent à partir d'endroits qui nous limitent dans le temps et la distance en raison de l'emplacement des radars. Il est donc très difficile de couvrir tout le territoire canadien pour intercepter les aéronefs qui s'en approcheraient par le Nord.

Le sénateur Wells : Pouvez-vous me donner le pourcentage de la couverture actuelle du territoire par nos radars et nous dire ce qu'il en serait si le Canada était un partenaire à part entière, ce qui nous assurerait en théorie ou peut-être même en pratique une couverture radar à 100 p. 100?

Lgén Parent : Le Système d'alerte du Nord et la défense antimissiles balistiques n'ont rien en commun. Il n'y a pas de lien entre le Système d'alerte du Nord et la défense antimissiles balistiques, si bien que notre participation à la défense antimissiles balistiques n'a rien à voir avec la couverture du territoire par mission aérienne. Je dirais qu'il n'y a pratiquement que l'archipel qui n'est pas couvert, le triangle au Nord de notre territoire.

Le sénateur Segal : Je voulais justement vous interroger sur le lien entre la responsabilité de surveillance maritime et la responsabilité aérospatiale, surtout depuis que vous nous avez dit que les Russes déploient une capacité de lancement en mer plus grande que par le passé et que les Américains déploient des destroyers équipés du système Aegis et de missiles antimissiles balistiques dans le cadre de leur exercice de préparation.

Pouvez-vous m'aider à comprendre le lien entre les divers éléments? Je crois qu'on a dit qu'un État voyou pourrait lancer un missile à partir d'un conteneur d'expédition situé à l'arrière d'un navire commercial sous notre surveillance maritime. Pouvez-vous me donner une idée des liens qui s'établiraient entre les divers éléments le cas échéant? Il semble y avoir des éléments du cadre maritime qui sont liés à ce genre d'opération de sécurité. Je garde en tête la distinction très claire que vous avez établie entre ce dont nous faisons partie comme partenaire et ce dont ne nous faisons pas partie.

Lgén Parent : C'est une excellente question, monsieur. Je vous en remercie.

Après les événements du 11 septembre, le général Eberhart, commandant à l'époque, a déclaré que son deuxième objet de préoccupation était les menaces venant de la mer. Les responsables de l'attaque du 11 septembre ont réussi à nous atteindre par les airs et par la mer. Il y a donc lieu de craindre des lancements balistiques à partir de conteneurs en mer. Ainsi, un missile de croisière ou un missile balistique à courte portée pourrait venir de nos côtes. Vous avez dit que nous avons besoin d'un NORAD maritime. Il faut en fait que le NORAD évolue dans le domaine maritime, afin de bâtir sur les bases établies au cours des dernières décennies. Cela illustre qu'un danger maritime peut rapidement devenir un danger aérien, parce que dès qu'un missile de croisière est lancé, il est clairement du ressort du NORAD. Honnêtement, je ne sais pas si le NORAD interviendrait en cas de lancement d'un missile balistique à courte portée. Je sais que nous n'avons pas à intervenir dans le cas des ICBM, mais nous avons signé une doctrine de l'OTAN sur la défense antimissiles balistiques en plus petit théâtre d'opérations.

Bref, si un missile balistique à courte portée nous arrivait du large de nos côtes, demain matin, ce serait probablement une mission de l'USNORTHCOM, mais vous pouvez constater la confusion qui règne et comment une opération peut passer facilement d'un domaine à l'autre et à quel point sa gestion peut devenir compliquée.

Je souligne un autre fait intéressant. Vous avez parlé d'Aegis, qui est une plateforme de défense aérienne conçue pour une escadre en mer, mais si ses radars sont pointés vers le ciel, c'est également considéré un navire BMD. Encore une fois, quand un navire est attribué au NORAD ou à NORTHCOM et qu'il a les deux types de capacités, je dois m'entretenir avec le général Jacoby pour lui dire : « Si vous l'utilisez comme navire BMD, il relève de NORTHCOM, mais si vous l'utilisez en défense aérienne, c'est un navire de l'OTAN. » Nous savons qu'il s'agit d'une seule et même entité, mais il y a maintenant deux J-3 qui essaient de comprendre comment le gérer. Nous travaillons donc à nous doter d'un système intégré de défense aérienne et antimissiles par lequel nous nous concentrerions sur la destruction de l'objet. Nous ne voulons pas perdre notre temps à décider de quel genre de véhicule provient l'objet.

C'est le lien entre la défense maritime et aérienne.

Le sénateur Segal : Vous avez indiqué assez clairement dans votre allocution que toutes les ressources aériennes sous le contrôle des Forces armées des États-Unis ainsi que toutes nos ressources aériennes peuvent être déployées en appui d'une mission du NORAD au besoin. Peut-on en dire de même des ressources navales sous le contrôle des Forces armées canadiennes ou américaines?

Lgén Parent : Lorsqu'il y a un avertissement maritime, la mission relève du NORAD. En revanche, le contrôle maritime, soit l'engagement et l'inspection, relève du Commandement des opérations interarmées du Canada et de NavNorth, aux États-Unis. Ces deux commandements sont complètement interopérables. Ils partagent de l'information et leurs membres se parlent tous les jours. C'est un très bon exemple de coopération bilatérale positive qui existe depuis longtemps entre les États-Unis et le Canada, entre le COIC et NORTHCOM.

Le sénateur Segal : Est-ce que le même genre de partenariat existerait en ce moment avec le NORAD en général, son commandant et son commandant adjoint, dans des circonstances similaires?

Lgén Parent : Pas tout à fait, parce que le NORAD est une organisation binationale, ce qui signifie que nous sommes intégrés. On parle plutôt de relations bilatérales lorsqu'il y a des agents de liaison et qu'on fait preuve de bonne volonté. Pour la binationalité, je ferais plutôt l'analogie avec le mariage, où tout dépend des listes de priorités non négociables de chacun.

Le sénateur Segal : Merci.

Le président : J'aimerais poser une question en complément de celles de la sénatrice Ringuette et du sénateur Wells, sur l'Arctique et le Système d'alerte du Nord.

Dans votre exposé, vous avez mentionné l'examen stratégique en cours au NORAD avec votre collègue, le général Jacoby.

Vous pourriez peut-être nous parler un peu du cycle de vie de notre Système d'alerte du Nord et de ce que nous pourrions envisager pour le remplacer le temps venu.

Lgén Parent : Le Système d'alerte du Nord, si nous le laissons suivre son cours normal, a une espérance de vie qui devrait se terminer autour de 2025. On pourrait la prolonger en investissant maintenant ou dans quelques années, mais tôt ou tard, toute pièce d'équipement doit être réparée ou remplacée, particulièrement dans les conditions extrêmes de l'Arctique.

Personnellement, je ne sais pas exactement combien il en coûterait. Je pense que compte tenu de la situation dans l'Arctique, nous devons nous demander si le Système d'alerte du Nord est au bon endroit. Le gouvernement doit prendre une décision.

Dans l'histoire du système d'alerte, il y a eu divers systèmes radars. Nous l'avons toujours placé à hauteur de la ligne des pins, dans le réseau d'alerte avancé, et cette limite se déplace constamment vers le nord. En vue du remplacement du Système d'alerte du Nord, nous devons nous demander si nous acceptons ou non de concéder une partie du territoire canadien avec l'ouverture de l'océan. Ce sera une question à examiner.

Je pense qu'il faudrait aussi réfléchir aux systèmes polyvalents, pour en avoir plus pour notre argent; j'espère qu'un système de surveillance aérienne pourrait nous permettre de suivre aussi la situation maritime.

Le président : Chers collègues, il est 14 heures. Je tiens à remercier notre témoin. Lieutenant-général Parent, nous en avons appris beaucoup pendant la dernière heure. Je pense que vous avez clarifié beaucoup la défense antimissiles balistiques et son lien pratique avec vos responsabilités.

Je vous demanderais encore une fois de bien vouloir transmettre nos plus sincères remerciements au général Jacoby. Comme je l'ai déjà dit, le voyage que nous avons eu la chance de faire à Colorado Springs a été très instructif. Je peux confirmer ce qu'a dit la sénatrice Beyak : les Canadiens se sentent très en sécurité grâce au travail des hommes et des femmes qui se consacrent, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, à la sécurité de l'Amérique du Nord.

Je vous remercie d'être venu nous rencontrer.

(La séance est levée.)


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