Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 11 - Témoignages du 17 novembre 2014
OTTAWA, le lundi 17 novembre 2014
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 13 h 1, pour procéder à l'étude des menaces à la sécurité nationale afin d'en faire rapport.
Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Le 19 juin 2014, le Sénat a convenu que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense serait autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les menaces à la sécurité nationale, notamment, le cyberespionnage, les menaces aux infrastructures essentielles, les opérations antiterroristes et les poursuites contre les terroristes, et que le comité ferait rapport au Sénat au plus tard le 31 décembre 2015.
Chers collègues, avant de commencer l'audition des témoins, nous allons nous présenter. Je suis Dan Lang, sénateur du Yukon. À ma gauche se trouve la greffière du comité, Josée Thérien. J'invite les sénateurs à se présenter.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Sénateur Dagenais, du Québec.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Sénatrice Fortin-Duplessis, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Ngo : Thanh Hai Ngo, de l'Ontario.
La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur White : Vernon White, de l'Ontario.
Le sénateur Day : Sénateur Joseph Day, du Nouveau-Brunswick.
Le président : Chers collègues, avant de commencer l'audition de nos témoins, je voudrais passer en revue ce que nous avons accompli au cours des dernières semaines.
Selon les témoignages que le comité a reçus au cours des audiences précédentes, nous avons entre 135 et 145 Canadiens ayant une double nationalité qui combattent en Syrie et en Iraq dans les rangs de l'EIIL. De plus nous avons environ 80 ressortissants qui sont revenus au Canada et nous avons aussi 93 personnes inscrites actuellement sur la liste de surveillance des voyageurs à haut risque. Cela me paraît assez alarmant, surtout si l'on tient compte des responsabilités qui incombent à nos services d'application de la loi pour surveiller ces personnes.
Nous avons aussi entendu dire que, en 2010, 50 associations terroristes étaient répertoriées au Canada et qu'aujourd'hui notre gouvernement a désigné 53 entités qui soutiennent le terrorisme sous une forme ou sous une autre.
D'autre part, lorsqu'il s'agit de soutenir financièrement le terrorisme, nous avons appris que le financement du terrorisme émanant du Canada se chiffre en centaines de milliers de dollars et qu'il est souvent présenté faussement comme une aide humanitaire. Le comité a entendu dire que très peu de poursuites pour terrorisme ont été intentées au Canada en vertu de l'article 83 du Code criminel. C'est alarmant en soi si l'on pense que cet article permet de porter des accusations contre ceux qui soutiennent matériellement un groupe ou une entité terroristes.
Cet après-midi, le comité va tenir trois groupes de discussion pour son étude des menaces pesant sur le Canada, et surtout du terrorisme. Nous allons nous intéresser particulièrement au contre-terrorisme et à ce que les services d'application de la loi et le gouvernement font pour répondre à ces menaces grandissantes.
Pour discuter du contre-terrorisme et de la contre radicalisation, nous recevons aujourd'hui trois représentants de Sécurité publique Canada : M. Gary Robertson, sous-ministre adjoint, Secteur de la sécurité et de la cybersécurité nationale, M. John Davies, directeur général, Politique de sécurité nationale, Secteur de la sécurité et de la cybersécurité nationale et Mme Anna Gray-Henschel, directrice principale, Division des politiques sur la sécurité nationale. Le Service canadien du renseignement de sécurité est représenté par M. Tom Venner, directeur adjoint, Politiques et partenariats stratégiques.
Je crois que M. Robertson et M. Venner ont des déclarations préliminaires à nous faire et nous allons commencer par M. Robertson.
Gary Robertson, sous-ministre adjoint, Secteur de la sécurité et de la cybersécurité nationale, Sécurité publique Canada : Il y a un peu plus de deux ans, le gouvernement du Canada a dévoilé sa stratégie antiterrorisme, une réponse à volets multiples pour faire face à une menace dont la portée est nationale et mondiale.
[Français]
La stratégie repose sur quatre éléments qui se complètent : empêcher, déceler, priver et intervenir.
[Traduction]
Les organismes canadiens de sécurité et d'application de la loi ont réussi à repérer des terroristes et à les priver des moyens et des possibilités d'exécuter leurs activités. Au cours de la dernière décennie, ils ont déjoué et perturbé une série de complots terroristes qui, autrement, auraient pu avoir des conséquences dévastatrices.
Malgré cela, les événements d'octobre nous rappellent que la menace de l'extrémisme violent est toujours présente. Elle nous guette comme nation et comme Canadiens. La menace des groupes terroristes comme l'EIIL et al-Qaïda peut sembler éloigner pour la majorité des Canadiens, mais les auteurs solitaires qui s'inspirent d'une idéologie pernicieuse peuvent présenter une menace directe pour les Canadiens.
[Français]
Les Canadiens qui voyagent dans d'autres pays à des fins terroristes représentent d'énormes défis.
[Traduction]
Ils s'entraînent souvent dans des camps terroristes et prennent part aux combats et aux opérations terroristes. Ceux qui retournent au Canada sont bien dotés pour planifier et exécuter des attentats terroristes dans notre pays. Ce qui est tout aussi important, c'est qu'ils ont la crédibilité pour encourager et recruter des aspirants extrémistes violents ici au Canada.
[Français]
Ce qui nous amène à poser une question cruciale : comment empêcher la radicalisation qui mène à la violence dès le départ?
[Traduction]
Le gouvernement du Canada tient à mettre en œuvre le volet « empêcher » de la stratégie antiterrorisme; il s'est engagé dans la lutte contre l'extrémisme violent sous toutes ses formes. Notre approche de prévention, qui est énoncée dans le Dossier spécial du Rapport public de cette année qui porte sur la réaction face à l'extrémisme violent, repose sur trois thèmes qui vont de pair.
Nous déployons des efforts pour renforcer la capacité communautaire et la capacité en matière d'application de la loi, et nous menons des interventions précoces pour détourner les jeunes des voies menant à la violence extrémiste.
[Français]
Nous ne devons pas oublier que la lutte contre l'extrémisme violent ne concerne pas véritablement le gouvernement, la police ou les agents du renseignement; elle concerne les collectivités.
[Traduction]
Les membres de la famille, les pairs, les chefs religieux et les dirigeants communautaires, même les enseignants, les médecins, les infirmiers et les travailleurs sociaux sont mieux placés pour détecter les changements dans les attitudes et les comportements, qui sont des précurseurs de l'extrémisme violent, ainsi que pour intervenir. Et, lorsqu'ils reçoivent le soutien approprié, ils sont mieux placés pour prendre des mesures positives et utiles afin de gérer les signes avant-coureurs avant qu'ils ne se transforment en problèmes.
Donc, les connaissances communautaires sur la radicalisation menant à la violence, et la sensibilisation communautaire à la dynamique et aux signes précurseurs de la radicalisation menant à la violence sont les éléments essentiels d'une approche de prévention dans le cadre de la lutte contre l'extrémisme violent. Les réseaux de sensibilisation et de mobilisation créés par les services de police locaux, la GRC et des groupes de consultation et de liaison, comme la Table ronde transculturelle sur la sécurité, sont absolument essentiels à l'acquisition des connaissances et à l'amélioration de la sensibilisation.
[Français]
Des programmes précis, qui comprennent des dossiers de sensibilisation communautaire, ont été élaborés par Sécurité publique Canada en collaboration avec la Table ronde transculturelle sur la sécurité.
[Traduction]
Nous avons engagé des conversations avec des groupes communautaires dans lesquels nous discutons de l'extrémisme violent dans le contexte d'expériences de vie personnelles. Ceci est réalisé avec l'aide d'animateurs professionnels qui créent une « ambiance sécuritaire » afin d'encourager les collectivités à discuter de la radicalisation menant à la violence, et à déterminer les possibilités d'intervention au niveau personnel et communautaire. Avec l'aide de la Table ronde transculturelle sur la sécurité, nous avons organisé sept séances de partage animées au Québec, en Ontario et en Alberta. La réponse a été très positive. À présent, la demande dépasse l'offre, et nous sommes en train d'élaborer des séances de formation à l'intention des animateurs communautaires.
[Français]
Notre travail à cet égard a été reconnu comme une pratique novatrice et remarquable dans plusieurs pays, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni.
[Traduction]
J'ai tout à l'heure parlé de la police, de l'importance d'instaurer un climat de confiance ainsi que des réseaux communautaires que la GRC et nos services de police municipaux et provinciaux ont mis en place au fil des ans. Il est évident que la sensibilisation et la mobilisation occupent une grande partie de notre stratégie de lutte contre l'extrémiste violent. La sensibilisation et la mobilisation sont des initiatives que les services de police connaissent très bien, parce qu'elles sont ancrées dans les principes les plus fondamentaux des services de police communautaires.
[Français]
Les services de police communautaires comptent sur des agents de police avertis et capables de détecter les signes avant-coureurs et d'intervenir de façon appropriée dans un contexte communautaire.
[Traduction]
Une intervention communautaire face à l'extrémisme violent et au problème des combattants étrangers concerne donc les policiers et, idéalement, d'autres premiers intervenants dont les connaissances et la compréhension de l'extrémisme violent sont aussi complètes que celles ayant trait à d'autres types de comportement criminel.
Nous voulons que les collectivités comprennent la menace liée à l'extrémisme violent; cela implique que les policiers qui aident ces collectivités aux efforts de lutte contre l'extrémisme violent doivent avoir le même niveau de connaissances.
[Français]
Le gouvernement du Canada aidera à promouvoir et à améliorer le matériel de formation actuel qui porte sur l'extrémisme violent.
[Traduction]
Plus particulièrement, nous voulons miser sur le succès de programmes comme le Programme de coordonnateurs d'information sur la menace terroriste de la GRC. Dans le cadre du Programme de CIMT, les policiers de première ligne et d'autres premiers intervenants suivent des séances de formation essentielles sur les signes avant-coureurs et les indicateurs de l'extrémisme violent. Environ 2 000 candidats ont participé au Programme de CIMT depuis sa création il y a cinq ans.
Une intervention communautaire des services de police pour contrer l'extrémisme violent ne remplace pas les enquêtes, les arrestations et les poursuites, mais elle appuie une approche de prévention qui permet aux ressources responsables de l'application de la loi de se concentrer sur les cas les plus graves.
[Français]
Il est évident que les enquêtes, les arrestations et les poursuites doivent entrer en jeu lorsque les mesures de prévention ne portent pas leurs fruits.
[Traduction]
Mais à quoi ressemblerait une intervention axée sur la prévention pour contrer la radicalisation menant à la violence? Comment dissuader et détourner les personnes qui sont en train de se faire radicaliser, mais qui n'ont pas encore franchi le seuil de la violence extrémiste, que ce soit au Canada ou à l'étranger?
[Français]
L'établissement d'un programme d'intervention précoce est l'une des composantes de base d'une stratégie de lutte contre l'extrémisme violent.
[Traduction]
Une initiative commune entre la police et les collectivités ainsi que les programmes de prévention précoce devraient cibler les personnes qui se situent à la limite de l'activité extrémiste violente, mais qui ne sont pas arrivées au point où des mesures de perturbation — enquêtes, accusations criminelles, poursuites, sont justifiées. Des mentors dans la collectivité qui fournissent des conseils et un soutien dans le but d'encourager des réponses constructives à l'idéologie de l'extrémisme violent est une pratique exemplaire.
[Français]
Une intervention précoce ne garantit pas que des personnes ne se radicaliseront pas ou qu'elles ne voyageront pas à l'étranger pour prendre part aux activités terroristes.
[Traduction]
Mais, comme outil visant à détourner les personnes susceptibles de devenir des extrémistes violents, l'intervention précoce est une solution de rechange constructive aux enquêtes et aux poursuites.
Fondamentalement, il s'agit d'une intervention conjointe entre la collectivité et les organismes d'application de la loi pour faire face au problème de la radicalisation menant à la violence et des voyages à des fins terroristes.
Les idéologies de l'extrémisme violent demeurent puissantes. Elles continuent d'encourager les personnes à prendre part aux opérations terroristes à l'autre bout du monde. Elles continuent d'évoluer et, comme les événements tragiques d'octobre le démontrent, elles continuent d'inspirer et d'influencer des gens ici au Canada.
[Français]
Mais c'est un problème qui ne se règle pas avec des arrestations.
[Traduction]
Comme société, la tâche dont nous devrons nous acquitter est la lutte contre l'extrémisme violent à l'échelle communautaire.
Comme gouvernement, notre tâche est de veiller à ce que les collectivités aient à leur disposition un éventail d'options à l'appui de la prévention et de l'intervention. Merci de votre attention.
Le président : Je crois que M. Venner désire faire une déclaration.
[Français]
Tom Venner, directeur adjoint, Politiques et partenariats stratégiques, Service canadien du renseignement de sécurité : Honorables sénateurs, bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité à participer à votre étude sur les menaces qui pèsent sur la sécurité du Canada. Je suis heureux d'être ici, aujourd'hui, pour discuter des mesures prises par le Canada et, en particulier, du rôle que joue le Service canadien du renseignement de sécurité pour appuyer le volet lié à la prévention de la stratégie antiterroriste.
[Traduction]
Tout ce que réalise le SCRS tire son origine dans son mandat, lequel est clairement défini dans la Loi sur le SCRS. Par l'entremise de son mandat relatif à la sécurité nationale, le SCRS est autorisé à recueillir et à analyser des informations sur la menace qui pèse sur la sécurité du Canada ainsi qu'à conseiller ses partenaires à ce sujet. Aux fins de la présente discussion, il importe de souligner que le SCRS n'est pas autorisé à agir directement pour contrer la menace ou prévenir la radicalisation vers la violence.
Toutefois, nous pouvons appuyer les efforts déployés par le gouvernement pour prévenir la radicalisation vers la violence de manière significative, et c'est ce que nous faisons, d'abord en comprenant le contexte de la menace et la dynamique de la radicalisation, puis en appuyant le dialogue avec les communautés.
[Français]
Afin que les partenaires au sein du gouvernement puissent élaborer des stratégies efficaces de lutte contre l'extrémisme violent, ils doivent comprendre comment et où se manifeste l'extrémisme. C'est dans ce domaine que le SCRS possède des compétences considérables. Le SCRS est bien placé pour donner une idée de l'étendue et de la nature du phénomène, à la fois au Canada et dans le monde, grâce à ses enquêtes, à ses analyses et à ses solides relations avec ses alliés.
[Traduction]
Certes, quand on pense au SCRS, on pense couramment à son rôle d'enquête, qui le place à l'avant-garde des efforts de détection des activités terroristes. Cependant, le Service ne limite pas ses activités à la détection des menaces pour la sécurité du Canada. Il cherche également à les comprendre, ce qui a été le sujet de l'allocution de mon collègue à des honorables sénateurs à la fin du mois dernier. Le SCRS mène d'importants travaux pour déchiffrer la dynamique de la radicalisation, à savoir tenter de comprendre, en d'autres mots, ce qui rend certaines personnes vulnérables aux idéologies extrémistes. Plus nous en saurons sur le processus de radicalisation, plus nos stratégies de lutte seront efficaces.
Dans ce but, le SCRS participe activement au projet Kanishka de Sécurité publique et possède ses propres moyens de recherche. Ce travail d'analyse fait partie de ses activités de collecte et de ses opérations. Les résultats sont communiqués aux partenaires afin d'enrichir leur propre recherche, leurs politiques et leurs programmes. Le SCRS participe également aux travaux du Canadian Network for Research on Terrorism, Security and Society, lequel favorise la communication et la collaboration entre les universitaires et les responsables politiques au Canada en matière de sécurité nationale.
Même si le Service n'a pas pour mandat juridique de prendre directement des mesures de sensibilisation proprement dites, il est néanmoins un fervent partisan de ce genre de mesures, comme la Table ronde transculturelle sur la sécurité. La Table ronde nous a permis de rencontrer les représentants de diverses communautés et a créé des occasions d'accroître la sensibilisation et de mieux connaître les communautés au sein desquelles nous œuvrons. Au cours des quatre dernières années, le SCRS a participé à 12 événements de la table ronde sur une vaste gamme de thèmes. En outre, grâce à notre présence dans toutes les régions du pays, nous avons participé à un éventail de mesures de sensibilisation au sein des communautés, des mesures dirigées par un partenaire, la GRC.
[Français]
Évidemment, il importe que tous les Canadiens comprennent qui nous sommes et ce que nous faisons. Il importe également que la population comprenne que notre mandat consiste à veiller à la sécurité de tous les Canadiens.
Les Canadiens s'intéressent vivement à ce qui se rapporte à la sécurité nationale, et le SCRS est en mesure, lorsque c'est possible, de favoriser, grâce à des tribunes comme la table ronde, un dialogue public éclairé.
[Traduction]
Voilà ce qui conclut mon allocution, monsieur le président.
Le président : Merci. La sénatrice Beyak va ouvrir la période de questions.
La sénatrice Beyak : Je vous remercie de vos exposés, messieurs. Je me demande dans quelle mesure vous vous êtes penchés sur les politiques des autres pays pour formuler notre politique. La situation empire au lieu de s'améliorer, particulièrement en France, en Belgique et au Royaume-Uni. Je me demande ce que vous faites différemment ou quelle leçon vous avez tirée de l'expérience de ces pays. Merci.
M. Robertson : Nous avons examiné de près ce qui se passe sur la scène internationale et nous avons envoyé récemment une délégation en France pour en discuter avec un certain nombre de nos collègues des autres pays. Je dirais que nous avons largement exploité l'information disponible ailleurs, surtout les méthodes qui ont démontré leur efficacité. Néanmoins, nous avons adopté une approche unique en son genre, en ce sens que nous avons élaboré des scripts qui amènent les communautés avec lesquelles nous essayons de travailler à se mobiliser beaucoup plus. C'est d'ailleurs considéré comme une pratique exemplaire sur la scène internationale.
La sénatrice Beyak : Pourquoi pensez-vous que la situation s'aggrave dans les pays en question, surtout en France, en Belgique et au Royaume-Uni?
M. Robertson : Je dirais que c'est actuellement un problème international très préoccupant. Je ne dirais pas qu'il s'aggrave, mais je dirais que toute situation non résolue continue de s'envenimer et que cela nous pose donc un problème. C'est un problème concret, comme nous l'avons constaté ces derniers mois au Canada. Nous le connaissons depuis des années et nous voulons absolument mieux le maîtriser.
La sénatrice Beyak : Une dernière question. Avez-vous une stratégie pour le faire?
M. Robertson : Oui. Je ne vais pas vous la vanter, mais nous avons une stratégie depuis 2012 et c'est dans ce cadre que nous travaillons.
À Sécurité publique, nous nous occupons surtout de prévention, mais nous participons également dans une certaine mesure aux trois autres piliers, dans le cadre d'une coordination ou d'autres activités. Nous nous efforçons de mettre en œuvre la stratégie que nous avons déjà en place.
Le sénateur Day : Mesdames et messieurs, je vous remercie infiniment de votre présence parmi nous. Je crois qu'il serait utile d'obtenir quelques éclaircissements au sujet de ce que M. Venner a dit à propos du programme Kanishka, de Sécurité publique. Pourriez-vous nous parler un peu de ce projet dont vous avez dit qu'il était positif?
M. Robertson : C'est une initiative de Sécurité publique Canada que le premier ministre a lancée en 2011. Un investissement de 10 millions de dollars a été fait pour améliorer la capacité au niveau des collectivités. Un certain nombre d'initiatives, financées en grande partie par des subventions et contributions, ont donc été lancées par des organismes qui font des recherches dans les domaines qui nous intéressent le plus.
Le sénateur Day : Cette stratégie existe donc depuis un certain nombre d'années et des fonds publics y sont investis chaque année. De quel budget proviennent-ils? Si je voulais en retrouver la source, où la trouverais-je?
M. Robertson : Pour ce qui est des subventions et contributions, la somme de 10 millions de dollars sur cinq ans donne 1,5 à 2 millions de dollars pour l'exercice en cours.
Le sénateur Day : Merci. L'autre question que j'aimerais que vous abordiez est la Table ronde transculturelle sur la sécurité dont nous avons entendu parler. Néanmoins, nous avons aussi entendu différents points de vue au sujet de cette table ronde, alors pouvez-vous nous dire, tout d'abord, depuis combien de temps elle existe? Combien de membres permanents siègent à son conseil d'administration? Où obtiennent-ils leur financement? Pourriez-vous nous faire part de tous les renseignements que vous avez à ce sujet, s'il vous plaît.
Anna Gray-Henschel, directrice principale, Division des politiques sur la sécurité nationale, Sécurité publique Canada : La Table ronde a été créée dans le cadre de la Politique de sécurité nationale, vers 2004. Elle a tenu sa première réunion aux environs de 2005.
Son mandat prévoit un maximum de 15 membres dont font partie des personnes des deux sexes, des quatre coins du pays, représentant différentes communautés et différents milieux. Toutes ces personnes sont considérées comme des chefs de file de leurs collectivités. Au cours des années, il y a eu des arrivées et des départs au sein du groupe. Je n'ai pas la réponse à votre question. J'ignore ce qu'il en est du financement. C'est du ressort de notre Direction de l'engagement des citoyens, mais je peux obtenir ce renseignement pour vous. Désolée. Je suis psychologue et non pas spécialiste des finances.
Le sénateur Day : Si vous pouviez nous communiquer des renseignements sur le montant total du financement accordé, sur combien d'années, que ce soit 10 ans à raison de 1,5 million par année ou tout autre chiffre, et le maximum de 15 membres. Vous pourriez nous faire parvenir ces précisions afin que nous comprenions bien la situation. Le maximum est de 15 membres?
Mme Gray-Henschel : Oui.
Le sénateur Day : Mais combien de membres y a-t-il actuellement? L'un d'entre vous a-t-il recommandé des candidatures pour la table ronde, par exemple?
M. Robertson : Comme l'a dit Anna, nous allons vous obtenir les chiffres financiers que vous avez demandés.
Les réunions sont assez fréquentes. Je signalerais que, souvent, les membres y participent pendant les week-ends. Cela peut occuper un vendredi soir, un samedi et une bonne partie du dimanche. La prochaine réunion doit avoir lieu vendredi qui vient et je vais donc aller sur la côte est pour y participer, avec Anna.
Le sénateur Day : La côte est?
M. Robertson : Oui, donc plus près de chez moi.
Le sénateur Day : C'est bien. J'ai remarqué que vous n'aviez pas cité la côte est, mais que vous avez tenu sept réunions au Québec, en Ontario et en Alberta. Je me suis demandé ce qu'il en était de la Colombie-Britannique et de l'Est. Vous comblez donc cette lacune ou du moins la moitié.
Le sénateur White : Je vous remercie tous de votre présence ici aujourd'hui. Je vais mentionner le document intitulé Protéger une société ouverte qui date d'une dizaine d'années. J'essaie d'établir s'il y a eu une mise à jour. Où en sommes-nous par rapport aux changements que nous avons constatés au cours des 10 dernières années qui pourraient entraîner un revirement ou au moins la production d'un nouveau document à l'égard des menaces contre la sécurité nationale?
M. Robertson : Je dirais que la nature de la menace évolue et que les participants à la menace changent, mais que les principes fondamentaux restent à peu près les mêmes. L'élément fondamental de ce document n'a donc pas beaucoup évolué. Ce qui a changé, c'est la façon dont nous ciblons nos ressources pour faire face aux nouvelles menaces. Comme je l'ai dit, en 2012, nous avons élaboré une stratégie de contre-terrorisme qui a clairement établi les quatre piliers sur lesquels nous nous basons.
Pour mieux répondre à votre question, ce qui a changé en 2012, c'est l'engagement du gouvernement de faire rapport des progrès. Par conséquent, au cours des deux dernières années, nous avons fait rapport chaque année de ce qui s'est passé, de l'évolution de la situation, de ce que nous avons investi et des avantages que nous en tirons. Le rapport le plus récent est le Rapport public de 2014 sur la menace terroriste pour le Canada et c'est un document utile. Il est à la disposition du public.
J'ajouterais seulement au sujet de ce rapport que, comme c'est normal, il porte sur la période précédente. Vous n'y trouverez pas les activités de 2014, du moins pas celles qui se rapprochaient du délai de publication, mais vous aurez une très bonne idée de la façon dont les choses ont évolué entre-temps.
Le sénateur White : Ma deuxième question s'adresse sans doute davantage à M. Venner, si vous le permettez. Nous entendons beaucoup parler de radicalisation et d'endoctrinement, et il est surtout question d'Internet, mais comme chacun sait, le même genre de phénomène existe dans des sphères plus officielles. Certains se demandent s'il ne se retrouve pas dans les établissements scolaires ou au moins les lieux de culte.
J'essaie de voir, du point de vue du SCRS, ce que nous pouvons faire pour combattre ou changer les choses dans ces milieux plus structurés. Si nous prenons le groupe des 18 de Toronto, par exemple, d'après certaines preuves, nous savons que leur endoctrinement s'est produit en partie dans ce genre de contexte. À l'heure actuelle, nous essayons de lutter contre ce phénomène au Canada et je crois que nous devrions également faire plus, sur le plan législatif, pour essayer de le combattre.
M. Venner : Je vais d'abord revenir sur ce que j'ai dit au départ au sujet de notre collecte de renseignements sur les menaces. Nous ciblons les activités reliées aux menaces et les personnes qui participent à ces activités. Nous ne centrons donc pas notre attention sur les établissements comme tels.
Le sénateur White : Peut-être les personnes et les établissements?
M. Venner : Peut-être, mais ce n'est pas à proprement parler une enquête sur un établissement.
Le sénateur White : Je comprends.
M. Venner : Bien entendu, nous pouvons communiquer les résultats de ces enquêtes à nos partenaires afin qu'ils puissent décider d'intervenir, par exemple pour contrer l'extrémisme violent, ce qui n'est pas la première fonction de notre service. Cela relève davantage des mécanismes qui sont alertés, de la GRC et Gary a mentionné, je crois, l'importance d'une police communautaire de première ligne pour aborder le problème.
N'allez pas croire que nous nous éloignons de ce rôle. Bien entendu, à l'occasion, nous recueillons des renseignements utiles qui peuvent être partagés, mais ce n'est pas vraiment notre objectif. Nous nous soucions des activités reliées à la menace qui risquent de mettre en danger la sécurité publique et, au cours de nos enquêtes, nous pouvons analyser les tendances ou certains aspects de la radicalisation, et si nous pensons que cela peut être utile à nos partenaires, nous partageons ces renseignements avec eux.
Le sénateur White : Merci. Je vais certainement poser une question similaire plus tard quand la GRC comparaîtra.
J'ai une question à poser à Sécurité publique au sujet du partage de l'information pour savoir si elle est vraiment partagée ou non. Nos deux provinces les plus grandes et nos principales villes qui ont des services de police ne sont pas desservies par le service national de police de notre pays, n'est-ce pas? J'essaie de voir si nous avons vraiment la possibilité de partager les renseignements, à tous les niveaux, avec les services de police qui ne répondent peut-être pas toujours aux exigences de sécurité pour obtenir des renseignements. Ils peuvent en fournir, mais peuvent-ils en recevoir? Je voudrais aussi savoir si Sécurité publique Canada croit nécessaire d'avoir une norme nationale à laquelle tous les services de police et leurs agents devront répondre pour recevoir les renseignements dont ils ont besoin, surtout par les temps qui courent.
M. Robertson : Peut-être devriez-vous poser la question à la GRC lorsqu'elle comparaîtra plus tard aujourd'hui.
Nous avons cinq Équipes intégrées de la sécurité nationale réparties aux quatre coins du pays, dont le seul but est d'intégrer les activités des diverses forces policières, qu'elles soient municipales, provinciales ou fédérales, et de mener des enquêtes lorsque c'est nécessaire. Il s'agit certainement d'un des objectifs des services d'application de la loi.
Ce que nous espérons surtout faire valoir aujourd'hui, je pense, est que davantage de gens apprécient la dimension application de la loi qui, malheureusement, intervient souvent quand les choses sont allées trop loin. Sur le plan de la prévention, nous espérons promouvoir davantage le travail qui a été fait, en coopération avec les forces policières, pour aider les collectivités à comprendre que les interventions peuvent avoir lieu plus tôt; qu'il y a du personnel d'application de la loi bien formé et sensibilisé à ces questions particulières; que ce personnel sait comment travailler avec les praticiens de la collectivité, comme je l'ai dit en réponse à votre question précédente, qu'il s'agisse de conseillers scolaires, d'infirmières ou qui que ce soit d'autre, et que si la famille ou les amis signalent aux autorités un cas qui les inquiète, cela n'entraînera pas nécessairement une incarcération.
Le président : Chers collègues, je voudrais revenir, avec M. Venner, sur quelques-unes des questions que le sénateur White a posées afin d'obtenir des éclaircissements.
Dois-je comprendre que le SCRS n'a aucune responsabilité vis-à-vis des établissements qui enseigneraient la doctrine islamiste radicale ou toute autre doctrine politico-religieuse dans une institution religieuse ou une université? Je pose la question, car si vous avez lu la presse internationale, il y avait récemment un article concernant l'Angleterre, je crois, qui disait qu'une bonne partie de l'endoctrinement et de la radicalisation des jeunes a lieu dans divers établissements. Si personne ne surveille ce qui se passe, comment savoir si cela a lieu ou non? Si vous ne le faites pas, qui s'en charge?
M. Venner : Je vais essayer d'être plus clair. Je n'ai pas voulu dire qu'il y a certains secteurs où notre service n'enquête pas. Nous avons une politique qui régit la façon de mener des enquêtes touchant certains établissements sensibles tels que les établissements d'enseignement et les institutions religieuses en raison des répercussions évidentes que pourrait y causer toute activité d'enquête ou opérationnelle.
Cela ne veut pas dire que nous les laissons de côté ou les considérons intouchables, mais nous abordons ces enquêtes avec délicatesse. Comme je l'ai dit, nous ne ciblons pas les établissements comme tels; nous nous intéressons aux personnes susceptibles de s'y livrer à des activités reliées à la menace. Nous ne ciblons pas l'établissement. Nous suivons l'activité reliée à la menace, quel que soit l'endroit où elle a lieu. Lorsque c'est dans des lieux sensibles, nous procédons, bien sûr, avec beaucoup de prudence. Des politiques sont en place pour veiller à ce que ce soit autorisé au niveau voulu et conformément à la stratégie et aux paramètres qui conviennent.
Le président : Soyons clairs. Vous dites que pour ce genre d'établissements, si nécessaire, vous avez l'autorité voulue et, en cas de menace, vous pouvez surveiller s'il y a endoctrinement puis, bien sûr, prendre les mesures qui s'imposent.
Deuxièmement, ces établissements relèvent parfois des autorités provinciales. Quelle relation avez-vous avec les provinces à cet égard?
M. Venner : Je ne sais pas exactement de quel genre d'établissement vous parlez. Parlez-vous d'un établissement d'enseignement?
Le président : Oui.
M. Venner : Que l'établissement soit fédéral ou provincial, ce qui nous intéresse, c'est sa nature. Dans ce cas, il s'agirait d'une institution sensible. Si c'est une université ou un autre lieu d'enseignement, c'est ainsi que nous le définissons. Nous ne disons pas vraiment : « Comme c'est provincial, nous n'allons pas y aller. »
Quelle était l'autre question?
Le président : À propos de votre pouvoir d'enquêter dans ces établissements, qu'ils soient religieux ou éducatifs, avez-vous le pouvoir de surveiller ce qui s'y passe et ensuite pouvez-vous prendre les mesures appropriées si vous constatez, par exemple, qu'on y incite à la haine. Vous en feriez alors rapport à la GRC et au groupe intégré, n'est-ce pas?
M. Venner : Premièrement, pour ce qui est du niveau de preuve requis pour lancer des enquêtes, en général, nous devons avoir des motifs raisonnables de soupçonner que l'activité est reliée à une menace contre la sécurité du Canada. C'est ce qui détermine si nous enquêtons ou non dans l'établissement.
Quant à la façon dont nous procédons, comme je l'ai mentionné, nous avons notre politique interne et si une enquête vise ce genre d'établissement, nous devons y adhérer. Bien entendu, il faut l'autorisation des hautes instances et ce genre de choses pour assurer le bon déroulement de l'enquête.
Je ne sais pas ce que je pourrais ajouter. Nous avons certainement le pouvoir de le faire, mais c'est ainsi que nous procédons.
Le président : Le sénateur White voudra certainement revenir sur ce sujet un peu plus tard. Je pense qu'il l'a mentionné.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à M. Davies. Le commissaire de la GRC, Bob Paulson, a affirmé au comité qu'il voudrait que soit abaissé le niveau de preuve nécessaire pour obtenir du procureur général l'autorisation d'imposer un engagement de ne pas troubler l'ordre public à une personne ciblée en matière de sécurité nationale. Il a déclaré que, au lieu du soupçon raisonnable, il devrait suffire d'avoir la croyance raisonnable qu'une infraction est commise ou que quelqu'un est mêlé à cette infraction.
Il a ajouté que, bien qu'il suffise à l'agent de la paix d'avoir des motifs raisonnables de croire qu'une mesure comme la détention préventive s'impose pour empêcher, au terme de l'article 83.3 du Code criminel, une personne liée par un engagement de ne pas troubler l'ordre public de commettre une infraction de terrorisme, il doit d'abord convaincre le procureur général qu'il y a motif raisonnable de croire que le sujet a commis ou commettra une infraction terroriste.
Le même jour, M. Brian Saunders, directeur des poursuites pénales, au Service des poursuites pénales du Canada, nous a dit que l'obtention du consentement du procureur général ne posait pas de problème à la police. On a cependant rappelé au comités que le Code criminel autorise l'arrestation préventive sans le consentement du procureur général ni mandat. Si les circonstances l'exigent, les forces de l'ordre peuvent arrêter quelqu'un, obtenir ensuite le consentement, puis déposer la dénonciation en vue d'obtenir l'engagement assorti de condition.
Que pense Sécurité publique Canada de l'abaissement du niveau de preuve nécessaire pour obtenir du procureur général l'autorisation d'imposer un engagement assorti de conditions?
M. Davies : Je vous remercie de votre question, sénateur.
[Traduction]
Excusez-moi. Je n'ai pas de réponse satisfaisante à vous donner. Je sais que le commissaire a fait certaines déclarations. Suite aux événements d'Ottawa et dans le contexte des voyages que font les extrémistes, il y a actuellement beaucoup de choses dont on discute en ce qui concerne le niveau de preuve et les autres mesures politiques et législatives que nous pourrions prendre. Un certain nombre de questions sont actuellement abordées avec le ministre sous la forme de recommandations au ministre et au Cabinet. Il me serait difficile de parler d'une proposition en particulier.
Bien entendu, nous nous intéressons au niveau de preuve. Nous cherchons à soumettre les renseignements au tribunal de façon à protéger leur confidentialité. Nous cherchons à améliorer l'échange de renseignements. Il est difficile d'entrer dans les détails maintenant.
[Français]
Le sénateur Dagenais : En ce qui concerne la version britannique de l'engagement assorti de conditions, l'ordre d'enquête et de prévention du terrorisme a une durée d'effet maximale de deux ans, contre un an seulement pour l'engagement de ne pas troubler l'ordre public. Pour quelle raison aurait-on décidé de limiter la durée d'effet de l'engagement assorti de conditions à 12 mois?
[Traduction]
M. Davies : Tout d'abord, je pense que des nouvelles propositions viennent d'être formulées. Je crois que le premier ministre Cameron a annoncé des nouveaux changements en Australie. Nous n'avons pas eu l'occasion de les examiner en détail. Par le passé, quand les Britanniques ont pris des mesures dans ce domaine, ils ont eu des difficultés devant les tribunaux. Un grand nombre de propositions n'ont pas tenu la route. Le ministère de la Justice dirige une bonne partie du travail qui a lieu actuellement. Je ne sais pas si le comité doit rencontrer des collègues de la Justice à ce sujet, mais c'est ce ministère qui est le principal conseiller à l'égard des engagements de ne pas troubler l'ordre public, des engagements assortis de conditions et des autres dispositions du projet de loi S-7.
Le président : Le comité essaie de voir si le niveau de preuve actuel n'est pas trop élevé, car on nous a informés qu'au moins 240 Canadiens ou personnes ayant la double citoyenneté se sont livrés à des activités terroristes, ou y ont été mêlés d'une façon ou d'une autre, sans qu'aucune accusation ne soit portée, sauf dans un cas particulier, si j'ai bien compris. La question est de savoir si le niveau de preuve n'est pas trop élevé. S'il est trop élevé, que devons-nous faire pour l'abaisser, afin que vous-mêmes et les organismes d'application de la loi puissiez travailler?
M. Davies : Ce n'est pas seulement une question de niveau de preuve. C'est important, mais il faut aussi s'assurer que les renseignements obtenus sont utilisables devant les tribunaux. Ce n'est pas toujours une simple question de niveau de preuve.
Le niveau de preuve est un élément important, mais il est également important de veiller à ce que l'information parvienne aux services de renseignement pour qu'ils puissent l'utiliser et qu'elle puisse ensuite servir efficacement devant un tribunal. Il faut envisager le problème sous tous ses angles. Nous avons aussi à notre disposition des instruments administratifs comme les passeports, les listes de surveillance, les mesures d'immigration, et cetera. Ce n'est pas seulement une question de niveau de preuve.
M. Robertson : J'ajouterais une chose, si vous le permettez. Il faut également voir si certains des autres mécanismes dont John vient de parler contribuent à réduire le nombre d'arrestations et de détentions en vertu de l'article que vous avez cité par rapport à ce qu'on pourrait attendre.
Il y a aussi les listes de surveillance. Lorsque les organismes ou les personnes qui se livrent à des activités que nous jugeons nuisibles se retrouvent sous le feu des projecteurs, il est rare qu'ils commettent de nouvelles infractions au Canada. Souvent, ces personnes ne reviennent pas au pays. Elles ne reviennent pas ou ne causent pas de problème ici, car nous leur avons signalé clairement que les comportements que nous ciblons poseraient un problème.
Toujours à propos de l'absence ou du faible nombre de mises en accusation, idéalement, si nous faisons de la prévention et si tous les mécanismes agissent de concert pour atteindre le but de la recherche, le nombre d'accusations ne devrait pas être important étant donné que le nombre d'incidents serait limité.
Le président : Désolé, chers collègues, mais je ne pense pas qu'on puisse s'arrêter là. Nous avons été informés qu'il y a environ 80 Canadiens ou personnes possédant la double citoyenneté qui reviendront au pays après avoir participé d'une façon ou d'une autre à des activités terroristes ou qui ont au moins été identifiés. Vous venez de me dire que si nous désignons un groupe, ses membres ne reviennent pas.
M. Robertson : Dans certains cas. Je ne cherchais pas à généraliser. Permettez-moi d'aborder la question sous un autre angle. Lorsqu'une personne est allée à l'étranger, nous nous intéressons surtout aux cas extrêmes où les gens ont participé à un conflit armé ou à d'autres activités. Certains de ceux qui vont là-bas reçoivent une formation très élémentaire ou repartent. D'autres participent directement au financement qu'ils en aient eu ou non l'intention au départ. Dans certains cas, ceux qui reviennent ont perdu leurs illusions et on peut donc s'attendre à ce qu'une partie des 80 personnes en question n'aient aucune intention de poursuivre le genre d'activités dont nous parlons aujourd'hui, parce qu'elles en ont vu assez ou parce qu'elles n'ont pas vécu les expériences extrêmes que d'autres ont vécues et ne s'en sont pas glorifiées. Je ne parle pas de la totalité des 80 personnes; je veux dire que certaines d'entre elles ne présentent pas un risque aussi élevé que les autres.
Le sénateur White : J'essaie de voir comment nous recueillons et partageons les renseignements. Je vais essayer de ne pas parler des institutions, parce que M. Venner ne le veut pas. En réalité, des gens se livrent à certaines activités dans certains établissements et nous le savons. Nous avons vu que le partage de l'information a permis de contrer un certain nombre de tentatives dans notre pays et de les poursuivre avec succès devant les tribunaux. Je n'ai pas entendu dire que nous avions suffisamment de ressources dans les collectivités pour recueillir et partager l'information. Il est vrai que les renseignements peuvent provenir d'un enseignant ou d'une infirmière qui travaille dans un établissement, mais en réalité, il reste des étapes à franchir pour que l'information devienne un renseignement et se traduise en preuve.
Je connais les antécédents de Mme Gray-Henschel. Je suis certain qu'elle va nous expliquer tout cela. Je ne suis pas convaincu que nous ayons, dans les collectivités, les ressources voulues pour recueillir l'information et l'utiliser pour contrer le terrorisme avec succès, et même avec un très grand succès comme nous l'avons fait dans notre pays depuis une décennie. Je ne suis pas sûr que notre avenir soit aussi prometteur.
Ma question s'adresse à Mme Gray-Henschel : Le niveau de nos ressources et notre capacité à combattre ce phénomène ont-ils augmenté, sont-ils les mêmes qu'au cours de la dernière décennie ou ont-ils reculé? Je ne tiendrai pas compte des deux incidents d'octobre. Néanmoins, dans l'ensemble, notre pays est-il en bonne position? Je sais que je vous mets sur la sellette.
Mme Gray-Henschel : Pas de problème. Merci pour cette question. Les services d'application de la loi ont déployé beaucoup d'efforts pour gagner la confiance des communautés. Comme cela fait partie du travail policier de base, les forces de l'ordre peuvent facilement s'engager dans la sphère de la radicalisation à la violence. Une des choses que nous allons envisager pour l'avenir est le renforcement de la capacité communautaire.
Comme nous demandons aux communautés de venir à nous, d'intervenir avant la commission d'un acte criminel, mais aussi en cas de passage à l'acte, de faire confiance aux forces de l'ordre, il faut qu'elles sachent quels sont les indicateurs. Nous devons les équiper. Un grand nombre de parents, d'enseignants, d'infirmières et de médecins sont témoins d'un certain nombre de menaces. Nous cherchons à les sensibiliser en leur donnant des exemples.
Nous avons une chose qu'un grand nombre de pays nous envie. Au Canada, la police jouit de la confiance de nombreuses communautés. Pouvons-nous faire mieux? Bien sûr, nous pouvons toujours faire mieux. Néanmoins, maintenant que nous avons ce problème, les gens sont prêts à tenir une discussion sur la radicalisation menant à la violence et c'est à cela que nous consacrerons notre énergie. Récemment, à l'occasion d'une réunion provinciale-territoriale, nous avons parlé d'une collaboration avec les autres paliers de gouvernement. La solution est d'exploiter nos bonnes relations et de miser maintenant sur une intervention précoce et la prévention.
Le sénateur White : Je reconnais que nous avons fait beaucoup de progrès pour sensibiliser les personnes en mesure de recueillir des renseignements. Mais nous savons aussi que si elles ne comprennent pas exactement ce qu'elles doivent rechercher, une surabondance d'information inutile est pire que l'insuffisance d'information. J'essaie de voir comment rendre cet échange de renseignements plus officiel. J'en reviens à la question suivante : Avons-nous besoin d'une norme, au Canada, pour que les personnes bien placées pour recueillir l'information puissent l'obtenir? « Voici ce que vous devriez chercher; ce groupe nous inquiète et voici comment il se radicalise. » Si nous ne pouvons pas leur dire cela, elles ne pourront pas nous fournir les renseignements dont nous avons besoin.
En sommes-nous arrivés au point où nous avons besoin d'une norme pour l'ensemble des forces policières? Les membres de la plupart des services de police du pays n'ont pas le niveau voulu pour recevoir certains des renseignements que vous avez sur votre bureau, et ne parlons même pas des autres organismes avec qui nous essayons de travailler. Faudrait-il aller dans cette voie afin que les 66 000 policiers du pays partagent davantage l'information qu'ils ne l'ont fait par le passé?
Mme Gray-Henschel : Je peux dire, pour avoir parlé aux communautés et les avoir écoutées, qu'elles ont demandé ces renseignements et que nous avons eu un excellent dialogue à ce sujet. Elles peuvent nous présenter leurs points de vue et leurs possibilités d'intervention. Il s'agit d'un vrai dialogue. La menace est tellement diffuse qu'il est nécessaire que tout le monde reconnaisse les changements de comportement, les changements d'attitude.
Une bonne partie de la discussion ne porte pas sur des renseignements confidentiels. Cela se situe dans la sphère de la prévention. Nous y consacrons beaucoup de travail et les collectivités nous ont réservé un accueil très favorable lorsque nous sommes allés leur parler des changements d'attitude et de comportement, car ce sont elles qui les constatent et qui peuvent ensuite en discuter avec nous. Que faisons-nous de ces renseignements? Qui sont nos personnes-ressources au sein de la collectivité? Telle est la question prioritaire dont nous nous occupons actuellement avec les autres paliers de gouvernement.
Le sénateur White : Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Robertson? J'ai vu que vous hochiez la tête.
M. Robertson : Bien entendu, nous sommes actuellement en pleine réflexion. Nous examinons un grand éventail de solutions que nous pourrions envisager, surtout dans le sens que vous avez évoqué. Rien n'est exclu. Nous examinons tout ce qui semble logique. Même quand j'ai parlé du programme que nous avons mené, nous avons eu beaucoup de succès sur le plan numérique, mais pas dans les proportions dont vous avez parlé. Une des solutions consiste à former davantage de gens, car nous savons que nous n'aurons jamais les ressources nécessaires pour communiquer directement avec chacun des membres de la communauté que cela intéresse ou chaque policier qui souhaite adopter un processus fondé sur des normes. Rien n'est exclu pour le moment.
Le sénateur White : Je vous remercie tous les deux pour vos réponses. Je les apprécie.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : C'est ma toute première fois au Comité de la défense. Je suis très heureuse de vous avoir entendus.
Ma première question est la suivante : quand prévoyez-vous que le ministre de la Sécurité publique déposera son prochain rapport annuel sur les cas d'arrestations sans mandats, aux termes de l'article 83.31 du Code criminel? J'aurai ensuite deux autres petites questions.
[Traduction]
M. Robertson : Normalement, le rapport qui est déposé chaque année est préparé au cours du printemps et au début de l'été et il est généralement publié à la fin de l'été ou au début de l'automne. Le prochain sera probablement publié en août ou septembre 2015.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Le rapport de 2014 a-t-il déjà été déposé?
[Traduction]
M. Robertson : Oui, il a été préparé et publié. Nous pouvons d'ailleurs vous en obtenir un exemplaire, si vous le désirez.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Le ministre de la Sécurité publique est tenu, aux termes de l'article 83.31 du Code criminel, d'exprimer, dans le rapport annuel, son opinion quant à la nécessité de proroger ou non l'article 83.3.
Croyez-vous que le ministre se prononcera en faveur de la reconduction de cette disposition telle qu'elle est actuellement formulée?
[Traduction]
M. Robertson : Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Pourriez-vous reformuler la question?
[Français]
Pouvez-vous reformuler la question?
La sénatrice Fortin-Duplessis : Il faudrait peut-être que je vous la pose en anglais?
[Traduction]
Prévoyez-vous que le ministre appuiera la reconduction de cette disposition telle qu'elle est actuellement formulée à l'article 83.3 du Code criminel?
M. Robertson : Je ne suis pas certain d'avoir ce renseignement sous la main. Malheureusement, je dois vous dire que je n'en suis pas certain. John?
M. Davies : Je ne me souviens pas de l'article 83.3. Quelle est cette disposition?
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : C'est l'article 83.31.
[Traduction]
Le président : Me permettez-vous d'apporter une précision? Je crois qu'aux termes de l'article 83.3 du Code criminel, le ministre, par conséquent le ministère, doit déposer une liste de ce qui a été fait en application de l'article en question. À votre connaissance, aucun rapport n'a été déposé depuis 2007. Est-ce exact? Si c'est le cas, avez-vous l'intention de vous conformer à cet article du Code criminel?
M. Davies : Nous allons devoir vous répondre ultérieurement. Je crois qu'il s'agit de la liste des mandats ou des demandes de mandat de la GRC. Si je me souviens bien, ce n'est pas notre groupe qui s'en occupe, mais nous allons nous informer et vous fournir la réponse.
M. Robertson : Je suis désolé de ne pas avoir pu vous répondre.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Pouvez-vous nous l'envoyer par écrit?
M. Robertson : Oui, bien sûr.
[Traduction]
La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Pour faire suite à ma première question ainsi qu'à celles du sénateur Lang, il y a des pays où cela ne donne pas de bons résultats. Avez-vous examiné ceux où cela fonctionne? L'Australie semble avoir une bonne politique. Dans votre exposé vous parlez d'un « extrémisme violent », mais vous ne parlez pas de ce qu'on appelle, sur la scène internationale, un « extrémisme islamiste djihadiste violent ». Si nous ne pouvons par reconnaître le problème, comment pouvons-nous trouver une solution? Il y a, dans la salle, un éléphant dont personne ne veut parler.
Je crois qu'aux États-Unis, le FBI a les outils voulus pour aller dans les établissements qu'il croit être radicaux, qui enseignent un extrémisme radical. Si nous n'avons pas les moyens d'entrer dans ces établissements, que devons-nous modifier? Comment pouvons-nous vous doter des outils voulus dans l'intérêt des Canadiens qui veulent des solutions? Je reconnais que nous travaillons tous très fort, mais apparemment, nous parlons beaucoup sans faire grand-chose pour résoudre le problème.
M. Robertson : Je dirais que nous avons certainement constaté, dernièrement, les répercussions d'une forme particulière d'extrémisme qui ont été graves et évidentes. Comme le dirait, je crois, mon collègue du Service, ce n'est pas la seule menace. Nous avons aussi d'autres extrémistes et divers extrémistes écologistes. Il y a toutes sortes de gens qui constituent des menaces pour notre pays.
Je suis entièrement d'accord avec vous. Il faut que nous sachions exactement où les gens sont endoctrinés. Néanmoins, comme je l'ai dit, il y a d'énormes avantages à vivre au Canada. Nombreux sont ceux qui, dans le monde, souhaitent ardemment venir s'établir ici et c'est surtout parce que nous nous respectons mutuellement et respectons les opinions d'autrui, dans la limite du raisonnable, si elles ne tombent pas dans l'extrémisme.
Le programme de prévention dont nous avons parlé consiste à faire un meilleur travail sur le plan de l'application de la loi, et également sur le plan communautaire, pour définir clairement ce qu'il en est, en dehors du Code criminel et de l'aspect formel, et il est entendu que nous ne devons pas aller plus loin. Dans certaines situations, nous devons contacter les autres services, ou nous voulons intervenir plus tôt. J'espère que cela répond au moins en partie à votre question.
Mme Gray-Henschel : Me permettez-vous de répondre également? Nous avons la chance d'avoir des relations étroites avec le Groupe des cinq et certains des pays que vous avez mentionnés. Nous échangeons beaucoup de renseignements à ce sujet. Nous avons notamment appris que les communautés qui s'occupent elles-mêmes du problème et travaillent avec les forces de l'ordre, avec les services sociaux, avec les professionnels en santé mentale, comme le programme Channel au Royaume-Uni, peuvent élaborer un programme spécialement adapté à la situation de la personne en question, qui peut être particulière. Les autres pays n'ont pas hésité à nous faire partager leur succès ainsi que leurs outils. Le Royaume-Uni et l'Australie ont partagé ces renseignements.
De notre côté, nous avons nous-mêmes partagé ce que nous avons appris. Une de nos pratiques exemplaires est la Table ronde sur la sécurité, le partenariat que nous avons avec ses membres qui se portent garants de nous auprès des collectivités, ce qui permet de bâtir des réseaux en profondeur. Nous partageons cela et nous essayons vraiment de travailler ensemble dans cette sphère, ce qui n'est pas facile, mais nous avons des relations de confiance. Peu importe comment la menace évolue, nous devons continuer de créer des outils supplémentaires afin que les communautés puissent prendre ce dont elles ont besoin en fonction du sexe et de l'âge de la personne, et de qui sera crédible à ses yeux. Est-ce un camarade? Est-ce un adulte? Est-ce un entraîneur? Est-ce un professeur? Merci beaucoup d'avoir posé cette question.
La sénatrice Beyak : Avez-vous besoin d'un outil supplémentaire pour pouvoir aller dans les mosquées que vous soupçonnez d'avoir des programmes de radicalisation? Nous en avons entendu parler dans les médias. Je ne révèle là aucun secret. Avons-nous besoin d'un outil de plus pour pouvoir aller là où nous avons peut-être des enseignants radicaux?
Mme Gray-Henschel : La radicalisation se produit dans nos quartiers et dans nos rues et elle est facilitée par les médias sociaux. Il faut que ces conversations se déroulent dans des endroits sûrs et il faut se fier aux dirigeants communautaires pour savoir ce dont ils ont besoin et leur donner les outils et le soutien dont ils ont besoin. Mais il faut qu'ils les adaptent à leur situation particulière. C'est à ce niveau-là que le dialogue est vraiment productif.
Je suis enthousiasmée par la façon dont le Canada aborde le problème. La GRC a vraiment bâti des relations de confiance, ce qui nous permet de tenir ces discussions difficiles et chargées d'émotion et de demander ce que nous pouvons faire. Voici ce que nous attendons. Qu'attendez-vous de nous? Que savez-vous à ce sujet? Voici ce que nous savons. Voici quelques mesures qui peuvent être prises. Qui va le faire? Et intervenir de façon bien coordonnée afin que nous ayons le maximum de chance de réorienter le jeune en question vers la voie qui lui permettra d'être un citoyen canadien responsable et productif.
Mes parents sont venus au Canada et quand j'étais jeune, on m'a enseigné qu'au Canada, vous pouviez vivre comme vous le vouliez à la condition de ne faire de tort à personne. Cela m'a vraiment rassurée et m'a permis de vivre en bonne entente avec tous mes amis. Voilà les discussions productives que nous avons avec les diverses communautés du pays et c'est là que les mesures de prévention les plus efficaces peuvent être prises.
La sénatrice Beyak : Je crains seulement que nous n'agissions pas assez vite compte tenu de ce qui se passe.
Le sénateur Day : J'essaie de voir quels sont les différents programmes qui existent du point de vue de la prévention et du point de vue sociologique, ce qui me semble être un aspect important que nous devons examiner ici.
J'ai dressé la liste des divers programmes mis en place depuis l'entrée en vigueur de la politique de sécurité nationale de 2004. Il y a le projet Kanishka qui doit bientôt prendre fin si rien n'est fait et qui a un mandat intéressant pour étudier la psychologie de la radicalisation. Il faut que nous en sachions un peu plus sur les aspects fondamentaux avant de commencer à parler de mesures de prévention. Je crois que c'est un bon programme si l'on comprend son approche fondamentale.
Il y a le Programme canadien pour la sûreté et la sécurité dont j'aimerais que vous me parliez un peu. Nous avons mentionné tout à l'heure le projet Kanishka. Il y a l'Initiative de sensibilisation communautaire à la sécurité nationale de la GRC. Vous direz peut-être que nous devrions parler à la GRC lorsqu'elle comparaîtra devant nous, mais je crois que M. Venner a mentionné une participation à cette initiative de sensibilisation. Il y a la Table ronde transculturelle sur la sécurité et vous allez me fournir des renseignements à ce sujet. J'ai trouvé ensuite le Canadian Network for Research on Terrorism, Security and Society, le TSAS, et il y a le SCRS. M. Venner a dit que vous développez également vos propres activités de communication et de collaboration avec le milieu universitaire et le public, et cetera.
Ai-je nommé tous les programmes, et toutes ces initiatives sont-elles en cours? Découlent-elles toutes de l'énoncé de politique de 2004 du gouvernement sur la sécurité? L'un d'entre vous travaille-t-il à quelque chose d'un peu plus récent? Cela date d'il y a 10 ans. Qui voudrait commencer?
M. Davies : La plupart de ces programmes ne découlent pas du document de 2004 sur la sécurité nationale.
Un grand nombre de mécanismes dont vous parlez découlent du plan d'action résultant de l'enquête sur Air India, par exemple le financement de 10 millions de dollars du programme de recherche Kanishka. Nous ne connaissons aucun autre pays occidental qui fait autant de recherche sur le problème de l'extrémisme violent. Nos alliés nous considèrent certainement comme le chef de file de la recherche pure sur l'extrémisme violent.
Le sénateur Day : Le programme Kanishka découle-t-il des recommandations de la Commission d'enquête sur Air India?
M. Davies : Oui. Certains des autres mécanismes sont financés par Kanishka. Vous avez mentionné le TSAS. Je ne me souviens pas de l'acronyme.
Le sénateur Day : J'ai essayé de mentionner le nom complet.
M. Davies : Je crois que c'est un projet mené par l'Université de la Colombie-Britannique en collaboration avec neuf autres universités du pays. Le but visé est de créer un réseau de spécialistes du terrorisme et de l'extrémisme violent.
Comme Anna l'a mentionné, la table ronde remonte en partie au début des années 2000.
Le sénateur Day : La Table ronde transculturelle sur la sécurité.
M. Davies : La GRC fait sans doute de la sensibilisation depuis sa création. Une bonne partie des efforts de Sécurité publique sont reliés aux efforts de la GRC ou en tiennent compte. Nous nous renforçons et nous complétons mutuellement. Un bon nombre d'initiatives sont prises sur le plan de la prévention et de la mobilisation. Des mécanismes sont en place pour que les différents programmes communiquent entre eux et ne se chevauchent pas, mais la plupart des initiatives sont sans doute plus récentes que la Politique de 2004 sur la sécurité nationale.
Le sénateur Day : L'un d'entre vous veut-il répondre à la question de savoir si nous préparons une nouvelle politique de sécurité nationale, un livre blanc, un livre vert du gouvernement? Participez-vous à ce travail?
M. Robertson : Pas à ma connaissance. Nous sommes certainement en train de réexaminer les divers outils que nous avons actuellement à notre disposition et un certain nombre de discussions sont en cours, mais nous n'envisageons pas un livre blanc.
Le sénateur Day : Je ne peux pas le trouver maintenant, mais la direction de la recherche des Forces armées canadiennes participe aussi à l'élaboration du matériel de sécurité et de communication. Vous avez la hiérarchie des Forces armées canadiennes, vous avez le SCRS, vous avez Sécurité publique Canada ainsi que la GRC qui participent tous aux différents programmes que vous financez partiellement ou avec les autres. Un des problèmes, je pense, est que lorsqu'on élabore une politique, il faudrait qu'elle cherche à réunir tous ces éléments.
Mme Gray-Henschel : Nous avons un groupe de travail interministériel contre l'extrémisme violent et c'est là que nous échangeons des renseignements au sujet des diverses initiatives et priorités et que nous travaillons ensemble dans le cadre d'une approche pangouvernementale. Pour certaines recherches, nous sommes invités à participer, à faire notre évaluation et à examiner les propositions du Programme canadien pour la sûreté et la sécurité. C'est là que nous donnons notre opinion et essayons de coordonner la recherche, mais nous coordonnons aussi nos activités par l'entremise de ce comité. Il se réunit toutes les deux semaines.
Le sénateur Day : Nous avons créé un certain nombre de silos qui se réunissent périodiquement pour discuter de ce que chacun d'eux s'apprête à faire. C'est l'impression que j'en ai. Si nous voulons une approche pangouvernementale, pourquoi ne pas charger un ministère ou un organisme de s'en occuper afin que nous sachions où nous allons? Ai-je mal interprété vos propos?
M. Robertson : Si vous le permettez, cette initiative en est encore à ses débuts. Nous ne comprenons pas encore pleinement toutes les caractéristiques, variantes et solutions en jeu de façon à pouvoir trouver des réponses toutes prêtes.
Un autre domaine qui pose les mêmes problèmes est le cyberespace où 20 ministères différents interviennent de leur propre point de vue, où la Défense nationale a des raisons légitimes d'intervenir, même si Sécurité publique Canada est considérée comme le coordonnateur de la politique.
Il est utile qu'un grand nombre de gens s'activent dans la sphère de la technologie des communications. Ils ont tous un mandat légitime et l'important est qu'ils n'agissent pas isolément. Par conséquent, quand nous examinons et évaluons les programmes que proposent les divers organismes, notre communauté peut comprendre quels sont ceux qui donnent les meilleurs résultats, qui nous en donnent le plus pour notre argent, qui ont le plus d'effets positifs et y consacrer les ressources de l'ensemble du système.
Ce n'est qu'un début. L'initiative Kanishka n'a été annoncée qu'en 2011. Comme vous l'avez dit, ce programme doit prendre fin au bout de cinq ans s'il n'est pas reconduit, mais quatre ans de recherche pure, c'est encore assez récent. Nous poursuivons nos efforts pour comprendre beaucoup mieux le problème.
M. Venner : Vous avez demandé si vous aviez énuméré les principaux outils et vous l'avez fait du point de vue des services. Le SCRS, TSAS et Kanishka sont les principaux programmes auxquels nous participons.
J'ajouterais qu'il a été question, tout à l'heure, du programme AILAT, le Service d'agents d'information pour la lutte antiterrorisme. Nous avons soutenu l'élaboration de ce programme. Nous offrons également des conseils et de l'aide pour l'élaboration de programmes de LEV qui sont mis en œuvre par d'autres organismes. Ce sont d'autres façons dont nous participons à l'effort global, en plus des programmes que vous avez mentionnés.
Le sénateur Day : Je n'ai pas compris le dernier acronyme.
M. Venner : Désolé, ce sont les programmes de lutte contre l'extrémisme violent.
Le sénateur Day : Pour que ce soit bien clair, les autres ministères que je n'ai pas mentionnés dans la liste des ministères sont les Affaires étrangères et la Justice qui participent également.
Le président : Et la Défense nationale.
Le sénateur Day : J'ai mentionné la Défense nationale.
Le président : Nous ne voudrions pas en oublier un seul.
Le sénateur Day : Non.
Mme Gray-Henschel : Puis-je ajouter une précision? Je ne voudrais pas laisser entendre que ces activités ne sont pas coordonnées. C'est une sphère très active et nous soutenons la totalité des différents ministères. Nous sommes constamment en train de téléphoner ou d'envoyer des courriels, car les Affaires étrangères ont un mandat, mais elles comptent sur nos conseils et vice versa. C'est la même chose pour le Programme national de prévention du crime du ministère de la Justice, le mandat de la GRC et le mandat du Service.
Nous partageons constamment des renseignements et chacun se livre à ces activités en fonction de son mandat. Je dois dire que nous nous complétons les uns et les autres.
Le sénateur Day : En réalité, je trouve que 10 ans c'est beaucoup dans une sphère qui évolue aussi rapidement. La coordination, qui est très importante, serait peut-être un peu plus précise et meilleure si nous avions une nouvelle politique nationale en matière de sécurité.
Le sénateur White : Je vais partir sur une nouvelle piste. Je vais poser une question à Sécurité publique, mais n'importe qui peut y répondre, à propos du financement du terrorisme et des succès, ou de l'insuccès des poursuites de ce genre d'affaires. Je n'ai pu trouver qu'un exemple, mais je me trompe peut-être.
J'ai essayé de voir si les Tigres tamouls avaient été poursuivis. Je ne pense pas qu'ils l'aient été non plus, même s'ils ont opéré pendant un certain nombre d'années.
Faut-il modifier la loi ou manquons-nous d'outils, de ressources humaines ou autres, pour préparer des poursuites? Le niveau de preuve est-il trop élevé pour pouvoir autoriser le ministère de la Justice à porter des accusations? J'essaie surtout d'obtenir votre point de vue.
M. Robertson : Je crois que des représentants du CANAFE ont comparu devant vous récemment et vous ont décrit son approche en matière de dépistage des opérations suspectes.
Ils vous ont probablement dit, je pense, qu'ils relèvent un grand nombre de cas, qu'ils transmettent aux organismes d'application de la loi, puis qu'ils procèdent au criblage, à un contrôle approfondi et, au besoin, à un suivi.
Il arrive que les chiffres signifient autre chose que ce qui est attendu. De nouveau, il peut être utile d'obtenir une condamnation dans des cas particuliers de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes. Dans d'autres cas, c'est un bon signe.
Il n'y a pas tellement longtemps, le gouvernement du Canada avait inscrit à la liste une organisation qui était connue, ou se disait telle, comme étant un organisme de bienfaisance. De nouveau, il ne faudrait pas s'attendre à ce qu'une poursuite soit intentée contre une personne qui y est affiliée parce que, selon toute vraisemblance, toutes les activités entourant cette organisation cesseraient dès son inscription.
On retrouve en quelque sorte le paradoxe de la poule et de l'œuf : si nous réussissons à bien répertorier et identifier les organisations et les individus susceptibles de commettre ce genre de crime, nous n'arriverons peut-être pas à obtenir des condamnations du simple fait que nous aurons réussi à bloquer leur action.
Le sénateur White : Ainsi, la perturbation de ces pratiques a pour effet de perturber l'organisation en cause du fait qu'elle figure dans la liste.
M. Robertson : Ce n'est qu'un exemple. Un autre, dans un autre domaine, serait le projet Kanishka, dont John a parlé, qui résulte de l'affaire d'Air India. Il y a également des contrôles d'embarquement visant certains individus et la liste des personnes précisées, qui comporte le signalement des personnes susceptibles de représenter une menace immédiate, et à qui il est donc interdit de monter à bord de l'avion. Un grand nombre de mécanismes préventifs ont été mis en place.
Le sénateur White : Les organismes d'enquête seraient-ils d'accord pour dire qu'une telle perturbation se produit et elle n'est pas un outil « perspective » quand il s'agit de préparer un dossier ou une poursuite? Pensez-vous que la GRC et les autres services policiers que nous entendrons soient du même avis?
M. Robertson : Je pense que chacun vous dira qu'il pourrait faire davantage s'il avait plus de ressources, mais il n'existe pas de source intarissable de fonds, comme vous le savez.
Il s'agit d'établir un bon équilibre entre les résultats obtenus et les ressources investies. Je ne permettrai pas d'anticiper sur ce que le commissaire ni, quant à cela, le directeur diront à ce sujet.
Le président : J'aimerais, monsieur Robertson, si vous le voulez bien, poursuivre dans cette ligne.
Nous avons été informés, il y plusieurs semaines, qu'il y avait des organismes de bienfaisance enregistrés pour administrer des dons humanitaires qui — cela nous a été dit officiellement — recueillaient de l'argent pour aider et soutenir le terrorisme et que les sommes recueillies à cette fin s'élevaient dans les centaines de milliers de dollars.
Êtes-vous en train de nous dire que nous n'avons pas identifié ces organisations et que c'est donc pour cette raison qu'elles poursuivent leurs activités? Je n'ai pas saisi tout à fait ce que vous venez de nous dire. Vous avez bien dit que, dès que nous les identifions, elles cessent leurs activités?
M. Robertson : Je dirais que c'est un processus. D'abord, on détermine la possibilité que telle personne se livre à des activités suspectes. Ensuite, on suit le processus établi par les pouvoirs publics pour contrôler la véracité de l'allégation ou du soupçon. S'il s'avère fondé, alors, oui, nous procéderons à son inscription à la liste. À partir de ce point-là, ce serait un acte criminel pour l'entité en question de poursuivre ses activités ou pour quiconque de soutenir ses activités. Il se peut qu'il y ait des entités, soupçonnées d'agir ainsi, qui font actuellement l'objet d'un examen.
Comme vous le savez, les organismes de bienfaisance, de par leur nature, ainsi que les organismes à but non lucratif, constituent une cible de choix pour les blanchisseurs d'argent ou les bailleurs de fonds du terrorisme du fait qu'ils manipulent surtout de l'argent comptant et que leurs activités s'étendent, dans bien des cas, à l'échelle mondiale. Un certain nombre de ces organismes ont été établis à des fins louables qui peuvent cependant être faussées.
Le président : Je n'insisterai pas sur ce point. Je suppose que la vraie question est de savoir pourquoi, si ces organisations ont des activités, directes ou indirectes, au Canada, il n'y a pas eu d'accusations au cours des 10 dernières années. Nos méthodes d'enquêtes sont-elles bonnes? Comment devrions-nous les modifier pour empêcher que cet argent soit « blanchi », pour utiliser votre terme, afin de soutenir des activités terroristes? Voilà la question qui m'importe. C'est aussi la question qu'aurait un observateur extérieur. Aucune accusation n'a été portée en 10 ans.
M. Robertson : De nouveau, tout ce qui je puis dire, c'est que, si nous prenons connaissance de faits montrant que quelqu'un se livre à de telles activités, des accusations seront portées, mais je ne crois pas que nous ayons réussi à confirmer ces faits. Je soupçonne que cela est dû, pour une certaine part, aux mesures préventives que nous avons prises.
Est-ce que je voudrais laisser entendre que nous avons réglé toutes les situations de ce genre? Non, mais les programmes mis en place ont certainement eu des répercussions.
Le président : Chers collègues, si vous le permettez, je voudrais donner suite à cette intervention. Nous approchons la fin de la séance. Je souhaite revenir à M. Venner sur un certain nombre de points.
Il y a la question de la responsabilité du SCRS pour ce qui est du filtrage des personnes pressenties pour siéger dans divers conseils. Je veux, par exemple, revenir à la décision de la GRC de se dissocier du manuel Unis contre le terrorisme qui a été rendu public il y a plusieurs semaines. La GRC avait participé à la rédaction de ce document, mais, à la dernière minute, a retiré son appui. Je crois comprendre qu'on a découvert que quatre conspirateurs, identifiés depuis les États-Unis, agissaient comme conseillers dans la préparation de ce manuel.
Le SCRS assume-t-il la responsabilité, en tant qu'organisme consultatif, de s'assurer que les personnes qu'on envisage de nommer sont réellement qui elles disent être? Je ne puis imaginer que la GRC a pu se mettre dans une situation d'étroite collaboration avec des individus ayant de tels antécédents tout en sachant qui étaient ces individus et quelle était leur allégeance.
M. Venner : Je crains de ne pas pouvoir parler des détails de cette affaire. Je ne suis pas au courant de quelque demande que ce soit qui aurait été adressée au service à cet égard.
Le président : J'ai une autre question. Je ne sais pas si vous êtes en mesure d'y répondre sur-le-champ, mais j'aimerais, si non, que vous nous reveniez lorsque vous le pourrez.
Pour ce qui est des nominations à divers conseils ou comités consultatifs dans le domaine précis que Mme Gray a mentionné, c'est un domaine où il faut un dialogue public afin de nous assurer que les individus représentant divers organismes sont réellement qui ils disent être, qu'ils ne véhiculent pas un message différent ailleurs.
Est-ce que nous nous assurons, par le truchement du SCRS, que ces individus se présentent avec le soutien entier du public qu'ils sont censés représenter?
M. Venner : Depuis que je suis dans mon poste, je n'ai jamais eu connaissance qu'on a demandé au service de faire une telle vérification.
Le président : J'imagine que vous la feriez si l'on vous le demandait.
M. Venner : Eh bien, je suppose que la question est de savoir s'il s'agit d'une demande qui découle du fait qu'il y a dans les renseignements dont ils disposent quelque chose qui nous porterait à penser que cela relève de notre mandat. Il faudrait, par exemple, établir s'il y a des motifs raisonnables de soupçonner l'existence d'une menace à l'égard de laquelle le service aurait un rôle à jouer pour déterminer si elle est réelle. Si oui, nous avons le pouvoir, en vertu de l'article 19 de la loi, de divulguer de l'information s'y rapportant, mais cela dépendrait de la nature du problème ou de la demande et des renseignements qui auraient été soumis à notre examen.
Le président : L'autre point sur lequel je veux revenir, si vous le permettez, vous l'avez reconnu plus tôt lorsqu'il était question d'enquêtes sur ce que vous avez appelé, si je ne me trompe, les institutions névralgiques, les points névralgiques. Je puis, dans une certaine mesure, convenir que c'est probablement une très bonne description de ce à quoi nous sommes confrontés dans le cas d'institutions telles que les écoles, peut-être les organisations religieuses, ce genre de chose. Par ailleurs, nous devons tous être préoccupés si certaines choses se passent derrière les portes closes, s'il y a des gens qui se font endoctriner. C'est de cela que nous devons nous préoccuper dans l'optique du public canadien.
Vous avez dit qu'une politique était en place qui pouvait s'appliquer, si la demande était faite, d'examiner ce genre de situation. Pourriez-vous nous communiquer ces lignes directrices?
M. Venner : Oui, certainement.
Le président : Je vous remercie.
La sénatrice Beyak : J'ai une question à poser, puis une clarification à demander. Nous avons reconnu la glorification comme problème dans le cheminement vers la radicalisation, et je me demande si les politiques et lois en vigueur sont suffisantes pour obliger les fournisseurs de services Internet à fermer les comptes — les gazouillis, les twitters — qui glorifient la radicalisation ou si vous avez besoin d'autres outils à cette fin.
M. Robertson : Je dirais que nous avons de très bonnes relations avec les fournisseurs de services de télécommunication au Canada et que beaucoup d'entre eux sont disposés à retirer les contenus inadmissibles lorsqu'ils leur sont signalés, ne serait-ce que pour des raisons de bonne gouvernance et de civisme. Cependant, et malheureusement, une grande partie de ce contenu se trouve dans des serveurs à l'extérieur du Canada, qui ne sont donc pas de notre ressort. C'est ici un autre cas où nos relations avec nos alliés à l'étranger entrent en jeu, puisque nos relations étant positives et nos valeurs communes, nous pouvons faire appel à eux et ils peuvent, à leur tour, intervenir auprès de leurs fournisseurs de services de télécommunication. Par contre, si ces serveurs se trouvent dans des pays avec lesquels nos relations ne sont pas positives, il est peu probable que les contenus offensants soient retirés des serveurs.
La sénatrice Beyak : En tant que comité, y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire pour aider? Une nouvelle politique?
M. Robertson : Je pense que nous considérons que la glorification est l'un des problèmes. La difficulté réside dans la manière de la caractériser utilement parce que le Canada, comme de nombreux autres pays progressistes, préconise l'ouverture d'Internet et sa gouvernance non gouvernementale du fait qu'il s'agit d'un outil tellement efficace pour promouvoir, entre autres évolutions positives, la démocratisation.
Chaque restriction que nous imposons à Internet remet en question cette approche. Ainsi, dans la mesure où la glorification de la radicalisation s'apparente au discours ou aux crimes haineux, je pense que nous pouvons l'examiner sous ces angles. Nous ne voudrions pas aller bien au-delà au chapitre de la gouvernance d'Internet.
Le président : Vous pouvez peut-être nous éclairer étant donné que vous avez des rencontres avec nos alliés. Est-ce que vous abordez cette question dans vos discussions sur la propagande haineuse et les doctrines de ce genre? Peut-être pouvez-vous nous dire où vous en êtes.
M. Robertson : Chaque pays est aux prises avec ce problème, puisque sa source est assez évidente. Différents peuples ont adopté des approches différentes. Le Royaume-Uni a une approche qui lui est propre, comme vous le savez sans doute. Le problème, c'est qu'aucune de ces approches n'a encore abouti ni ne s'est avérée tellement efficace en regard de tous les autres aspects à considérer. Alors oui, nous les étudions; oui, nous sommes conscients de ce qui est actuellement en jeu, mais nous sommes de retour à la réponse du sénateur Day. Nous sommes en train d'évaluer les approches afin de déterminer laquelle est la meilleure, laquelle produit l'effet maximal.
Le président : Au nom de mes collègues, je tiens à remercier les témoins qui ont comparu aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants du travail que vous accomplissez. Nous sommes ici pour aider le gouvernement de toutes les façons que nous le pouvons à résoudre le problème auquel sont confrontés les Canadiens.
Deux porte-parole de la GRC se joignent à nous cet après-midi, soit le surintendant Shirley Cuillierrier, directrice générale, Partenariats et relations externes; et le sergent Renuka Dash, officier responsable par intérim, Police fédérale, Mobilisation du public.
Je sais que le surintendant Shirley Cuillierrier a préparé une allocation d'ouverture, et je lui cède donc la parole.
[Français]
Surintendante Shirley Cuillierrier, directrice générale, Partenariats et relations externes, Gendarmerie royale du Canada : Monsieur le président, membres du comité, bonjour.
J'aimerais tout d'abord vous remercier de m'avoir invitée à vous parler aujourd'hui du travail de prévention que nous faisons à la GRC pour combattre le terrorisme.
La prévention constitue le premier volet de la Stratégie antiterroriste du Canada. Nous comprenons maintenant que notre meilleure arme pour atténuer la menace terroriste, au Canada et à l'étranger, est d'empêcher la radicalisation menant à la violence.
En résumé, nous ne pouvons pas compter uniquement sur nos activités de détection et de perturbation pour lutter efficacement contre la menace; il faut miser davantage sur la prévention. C'est dans cette optique que la GRC concentre ses efforts de prévention sur le programme de lutte contre l'extrémisme violent, ou LEV.
[Traduction]
Il est très important de préciser que le processus de la radicalisation menant à la violence est extrêmement complexe et qu'il évolue sans cesse. II s'agit d'un problème dont les services de police et nos partenaires du milieu de la sécurité et du renseignement ne pourront pas venir à bout sans aide. Toute la société doit s'y engager. Actuellement, la GRC met beaucoup d'énergie sur la collaboration avec la communauté et l'élaboration de programmes nouveaux et novateurs.
Je suis ici aujourd'hui en compagnie du sergent Renuka Dash, directrice intérimaire de l'équipe responsable de la participation du public. Le sergent Dash fait partie de l'équipe d'agents chargés de concevoir et de mettre en œuvre le programme de lutte contre l'extrémisme violent, ou LEV, de la GRC. Ma collègue et moi répondrons volontiers à vos questions à la fin de mon allocution.
Le terrorisme et la radicalisation menant à la violence sont à l'avant-plan du débat public depuis les attentats dévastateurs perpétrés à la fin d'octobre au Québec et en Ontario. Plus tôt cette année, un autre courant idéologique violent a mené à l'assassinat de trois agents de la GRC au Nouveau-Brunswick. Dans chacune de ces attaques, des Canadiens ont perpétré des actes violents contre leurs concitoyens.
Nous sommes aussi confrontés au phénomène des individus qui se rendent ou cherchent à se rendre outre-mer pour participer à des activités terroristes. Tous ces exemples mettent en lumière la gamme des conséquences possibles de la radicalisation menant à la violence.
Lorsque je parle de radicalisation menant à la violence, je ne fais pas allusion à des individus qui entretiennent des croyances radicales ou qui défendent des points de vue passionnés. Tous les citoyens ont le droit d'avoir leurs propres croyances. En fait, je parle du cheminement des individus qui peu à peu se convainquent que la violence infligée aux autres peut faire avancer leur cause. C'est quand le phénomène évolue dans ce sens ou qu'il a déjà atteint ce stade qu'il devient préoccupant pour les responsables de l'application de la loi et la société tout entière.
Bien que la décision de se livrer à des activités violentes soit souvent soudaine et imprévisible, il existe souvent des indices qu'un changement de croyances est en train de s'opérer. Les modifications du comportement sont souvent les signes avant-coureurs de la radicalisation et, encore plus important, d'une radicalisation menant à la violence.
Les indices peuvent aller du délaissement des interactions et des activités sociales positives à l'isolement et à la ségrégation. Ils peuvent se manifester par une intensification des propos haineux ou par l'adhésion croissante aux vertus de la violence, avec en trame de fond la dichotomie « nous contre eux ».
De toute évidence, aucun de ces comportements n'est criminel ou ne devrait susciter d'inquiétude en soi. Toutefois, ces indices de changement doivent alerter les proches. C'est pourquoi nous insistons autant sur l'importance pour les membres des communautés, des familles et les amis de venir nous voir le plus rapidement possible s'ils ont des inquiétudes.
[Français]
Comme le commissaire l'a mentionné lors de sa comparution, il est loin d'être facile de dépister ce type de changements chez une personne, même pour ses proches, et encore moins pour les responsables de l'application de la loi. Il n'existe pas de modèle ou de parcours uniques. Certaines personnes montrent peu de signes extérieurs très manifestes. De plus, ces personnes ont peu de traits en commun, si ce n'est qu'elles pourraient en venir à se livrer à des actes violents.
Le dépistage pose tout un défi, mais il est tout aussi difficile de trouver la meilleure façon d'aborder ces personnes. Les responsables de l'application de la loi disposent d'outils pour expliquer le comportement d'une personne en fonction du contexte, mais les adeptes de la violence font rarement confiance à l'État. Cette réalité restreint notre capacité collective d'obtenir la coopération de ces individus et de les orienter vers une voie plus positive.
[Traduction]
Bien que les membres de la communauté, de la famille et du cercle d'amis soient les mieux placés pour identifier les personnes à risque et obtenir leur coopération, il arrive trop souvent que le manque d'information, de connaissance des signes avant-coureurs et de ressources les empêche d'intervenir.
La GRC propose des pistes de solution dans son nouveau programme de LEV, programme qui s'appuie sur les dizaines d'années d'expérience que la GRC a accumulée en matière de mobilisation des collectivités grâce à son approche en matière de services de police communautaires. La GRC souhaite renforcer la capacité et créer de nouvelles possibilités par deux moyens : l'éducation et la sensibilisation, et l'instauration de méthodes de mobilisation axée sur la coopération.
Essentiellement, l'objectif de la GRC est d'offrir aux communautés et aux responsables de l'application de la loi les outils nécessaires pour identifier et obtenir la coopération des individus à risque. L'autre objectif est de créer des mécanismes de soutien qui permettront de détourner les personnes à risque de la voie de la violence.
La nouvelle formation associée au programme vise à faire comprendre aux intervenants de première ligne des milieux de l'application de la loi et communautaires ce qu'est la radicalisation menant à la violence et à leur procurer des outils efficaces d'intervention. La formation exposera notamment le contexte élargi de la menace et donnera une description précise des premiers indicateurs comportementaux ainsi que des vulnérabilités à surveiller. Elle expliquera en outre les méthodes actuelles, en constante évolution, utilisées à l'appui de la radicalisation menant à la violence, y compris l'usage généralisé des médias sociaux et d'autres outils web.
La deuxième composante a trait au renforcement des ressources d'aide, en favorisant la collaboration entre les communautés et les organismes d'application de la loi. C'est ce que nous appelons des « noyaux communautaires ».
Ces noyaux communautaires sont en fait des réseaux d'intervenants provenant de divers organismes d'application de la loi et communautaires, ainsi que du domaine des services sociaux. Leur rôle est d'assurer que des représentants des échelons municipal et provincial travaillent en coopération pour intervenir auprès des personnes à risque. Le regroupement de plusieurs organismes permet de donner les moyens d'action nécessaires aux personnes et aux groupes les plus compétents et qui ont les meilleures chances de réussite.
Il est important de souligner que le programme de LEV de la GRC cible les personnes qui n'ont pas encore commis d'actes violents.
Comme je l'ai mentionné précédemment, notre but est de prévenir la radicalisation menant à la violence, avant qu'elle soit un fait accompli. C'est ce que nous appelons le stade « précriminel ». Une fois qu'il est acquis qu'un individu a l'intention ferme de s'adonner à la violence, nos enquêteurs du domaine de la sécurité nationale lancent une enquête criminelle. Nous nous assurons ainsi que tous les outils dont dispose la GRC sont mis à contribution pour lutter contre cette menace.
Je suis convaincue de l'effet positif qu'aura notre programme dans la lutte contre cette menace, mais je suis aussi tout à fait consciente que la GRC ne peut pas y arriver seule. Il est important de continuer de sensibiliser les Canadiens au rôle central qui est le leur dans la sauvegarde de notre sécurité collective.
Pour que nos efforts collectifs portent leurs fruits, tous les citoyens doivent être engagés et informés. Je le répète, les membres des familles, les amis et la communauté tout entière sont les mieux placés pour pressentir que « quelque chose ne va pas », pour s'apercevoir que l'un des leurs a changé.
Pour conclure, permettez-moi de revenir sur le travail de prévention active de la GRC. Nous tenons à ce que les membres du public sachent qu'ils ne doivent jamais hésiter à faire part de leurs préoccupations à la GRC ou aux autorités policières compétentes.
Nous poursuivrons nos efforts pour bâtir la confiance et la compréhension mutuelles entre la GRC, les organismes d'application de la loi et les communautés touchées par des activités criminelles.
Nous voulons instaurer un climat de coopération afin que les organismes d'application de la loi et les communautés travaillent ensemble pour améliorer la protection de tous les Canadiens.
[Français]
Je tiens à vous remercier de m'avoir offert l'occasion de vous parler du travail de prévention de la GRC. La sergente Dash et moi serons heureuses de répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie beaucoup, surintendante Shirley Cuillierrier. Je voudrais simplement insister sur les efforts que vous faites pour informer le public de vos responsabilités et sur le fait que les Canadiens, pris individuellement, ont également des responsabilités. L'un des buts de ces audiences est d'ouvrir une discussion publique pour faire en sorte que les Canadiens soient de plus en plus nombreux à prendre conscience des menaces qui planent sur eux et aussi des moyens par lesquels nous pouvons les conjurer.
Le sénateur White : Merci beaucoup, surintendante Shirley Cuillierrier et sergent Dash. Merci d'être venues ici aujourd'hui.
Je vous sais gré de nous avoir expliqué en détail votre programme. Sans citer de noms, pourriez-vous nous donner un exemple de sa mise en application dans une localité donnée, où vous avez réussi à prévenir la violence au stade « précriminel », comme vous l'appelez? Pouvez-vous nous donner un exemple de son fonctionnement, si possible avec le concours d'un autre organisme?
Mme Cuillierrier : Je vous remercie de poser la question.
Nous sommes en train de mettre en œuvre les éléments de notre programme et nous avons débuté la formation. Il est encore trop tôt pour parler des interventions individuelles ou du succès du programme. Nous avons un cadre de mesure du rendement, parce que nous savons qu'il sera important d'être en mesure de suivre nos progrès quant à ces interventions. Nous avons commencé avec les éléments de mise en œuvre de la formation pour lesquels nous avons environ 30 formateurs qualifiés un peu partout au pays actuellement.
Sergente Renuka Dash, officier responsable par intérim, Police fédérale, mobilisation du public, Gendarmerie royale du Canada : Une chose que j'ajouterais, c'est qu'à la lumière des études ayant porté sur les différents types de programmes de déjudiciarisation, nous avons constaté que ces derniers ont beaucoup de succès au Canada. Qu'il s'agisse des drogues, du crime organisé ou du mentorat des enfants à diverses étapes, ces programmes de déjudiciarisation connaissent un très grand succès. Notre programme ajoute un volet sécurité nationale à ces éléments. Nous croyons fermement au succès de ce programme, parce qu'il permet une intervention précoce auprès des personnes vulnérables à risque auxquelles nous allons offrir un soutien.
Le sénateur White : Je suis heureux d'entendre que vous vous êtes engagés auprès d'autres organismes également. La GRC n'est pas le plus vaste service de police dans les deux plus grandes provinces ni dans aucune des 10 plus grandes villes au pays. Comment va cette alliance avec ces organismes de police pour qu'ils forment leur personnel en même temps?
Mme Cuillierrier : En septembre dernier, un agent de police du programme PREVENT du Royaume-Uni est venu ici et, avec le sergent Dash, a donné des cours à neuf organismes de police, dont la GRC, pendant lesquels nous avons formé une partie des 30 formateurs dont j'ai déjà parlé.
Nous constatons un besoin réel au pays et nous essayons de gérer les demandes qui nous parviennent actuellement, mais nous avons commencé les pourparlers avec les services de police de Toronto, Calgary, Montréal, Peel et Vancouver, et il ne manque pas de demandes. Il s'agit maintenant d'être en mesure de répondre aux attentes à l'aide des ressources que nous avons en main.
Le sénateur White : Est-ce que les ressources que vous avez répondent aux besoins et aux demandes? Il est évident que ce n'est pas le cas. Vous venez de le dire. À quoi ressembleraient les besoins ou la demande, si nous tentions de les satisfaire?
Mme Cuillierrier : Un des aspects positifs de notre programme de lutte contre l'extrémisme violent, appelé aussi le LEV, c'est qu'il tient compte du fait qu'il existe beaucoup d'agents de police compétents au pays qui pourraient recevoir une formation de formateurs. Notre programme LEV s'appuie essentiellement sur ce modèle, former le formateur. Une partie de ces 30 agents font partie d'organismes de police différents au pays et l'idée, c'est qu'ils travailleront à leur tour avec leurs collègues dans leurs organismes de police respectifs et avec des membres des communautés pour parler de radicalisation et faire connaître les signes et les vulnérabilités manifestés par les personnes à risque.
Le sénateur White : Donc, vous n'avez aucune idée de l'ampleur des ressources nécessaires pour répondre à ces besoins?
Mme Cuillierrier : Nous avons une petite équipe au quartier général d'Ottawa et, essentiellement, nous essayons de faire de notre mieux et d'exploiter au maximum les services de police plus importants au pays. Nous travaillons également avec l'Association canadienne des chefs de police, donc nous tentons de fonctionner de manière à multiplier les forces afin d'offrir cette formation le plus rapidement possible d'une manière professionnelle.
Le sénateur White : J'en suis heureux. Merci de votre réponse.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Madame la surintendante, madame la sergente, soyez les bienvenues. Je vous remercie pour votre mémoire.
Vous savez, c'est rassurant, dans le mémoire que vous nous avez présenté, de voir que vous avez des outils pour lutter contre le terrorisme. Un ancien professeur d'études religieuses de l'Université de Calgary, M. Aaron Hughes, a déclaré à la presse que les dirigeants de l'université n'avaient tenu aucun compte de ses mises en garde au sujet de la radicalisation apparente de certains étudiants.
Pouvez-vous nous parler un peu de la manière dont la GRC et les services de police locaux encouragent les établissements d'enseignement à coopérer avec eux pour sensibiliser la société à la radicalisation sur les campus et dans les collèges?
Mme Cuillierrier : Notre approche consiste à travailler avec les corps policiers locaux dans la perspective que, à leur tour, ils travailleront avec les communautés pour partager l'information. Il peut s'agir aussi de cégep ou d'universités. En ce qui concerne l'université que vous avez mentionnée, en même temps que ce professeur faisait des remarques aux journalistes, il y avait une conférence importante à Calgary qui regroupait le corps policier municipal, la GRC, des membres de la communauté, de même que, je crois, des membres des institutions académiques. Tous ces gens étaient venus discuter de ce point, à savoir comment identifier des indicateurs ou le comportement des gens avant qu'ils ne fassent l'objet d'une enquête pour des raisons criminelles. Notre programme vise donc à transmettre le message et à procurer des outils tant aux communautés qu'aux policiers.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci beaucoup.
Le sénateur Dagenais : Mesdames, merci. En référence à votre mémoire de présentation, vous dites, à la dernière page, vouloir instaurer un climat de coopération afin que les organismes d'application de la loi et les communautés travaillent ensemble pour améliorer la protection des Canadiens.
Vous me corrigerez si je me trompe; je vous réfère à une publication intitulée Unis contre le terrorisme, qui était le fruit d'un effort d'action communautaire avec la GRC. Je pense que vous vous êtes retirés ou désolidarisés de cette publication; si oui, j'aimerais savoir quelle expérience vous en avez tirée.
Mme Cuillierrier : Je crois que mon commissaire, lorsqu'il a témoigné devant le comité, en a parlé un peu. En ce qui concerne la partie no 3 de ce livret, nous y avons participé et nous y tenons. C'est une section dans laquelle nous avons contribué à tout ce qui y est écrit, mais nous n'avons pas contribué au reste du livret. La GRC, qui déploie beaucoup d'efforts pour travailler constamment avec les communautés, valorise le fait que des communautés se regroupent pour livrer un message et redonner aux jeunes de leurs communautés. Il est important d'établir ce niveau de confiance avec les communautés. Il faut du travail, et cela ne se fait pas du jour au lendemain; il faut y mettre parfois des mois et des années. À la GRC, d'un bout à l'autre du Canada, nous sommes très fiers de nos efforts et de notre approche envers la police communautaire.
Le sénateur Dagenais : Dans un autre ordre d'idée, des gens veulent entrer au pays ou y sont entrés, qui ont des doctrines religieuses différentes et qui ont parfois participé à des activités terroristes. Pourriez-vous me dire dans quelle mesure le Canada a examiné les motivations de ces gens qui entrent ou veulent entrer au pays avec leur doctrine religieuse?
Mme Cuillierrier : Notre programme porte plutôt sur la période qui précède l'enquête criminelle. Nos collègues qui procèdent aux enquêtes seraient, je crois, plus en mesure de répondre à cette question; la sergente Dash voudrait peut-être ajouter quelque chose?
[Traduction]
Mme Dash : C'est exact. Notre programme vise réellement l'intervalle qui précède le geste criminel. Du point de vue de l'application de la loi, en général, il y a le volet criminel et le volet précriminel. Tout notre programme vise à repérer les personnes à risque le plus tôt possible, avant qu'elles ne s'organisent pour commettre des actes de violence. Donc le dossier de quiconque qui revient au pays et/ou qui a déjà été évalué comme présentant une menace à la sécurité nationale sera automatiquement confié au service des opérations criminelles.
Le sénateur Day : Je vous remercie d'être ici. Ma question est reliée en partie à celle du sénateur Dagenais et est aussi complémentaire.
Je m'inquiète qu'une grande partie de l'extrémisme violent sur lequel on écrit ou dont on entend parler est associé à quelque idéologie religieuse, même si ce n'est pas nécessairement le cas. Bien des fois, vous voyez un extrémisme prenant forme dans une communauté et il n'a aucun lien avec une Église en particulier. Ces personnes peuvent détester ceux et celles qui portent l'uniforme, elles peuvent avoir tendance à faire preuve de violence contre les personnages politiques.
C'est du précriminel. Elles n'ont encore rien fait de criminel, mais elles manifestent une radicalisation qui n'est pas liée à une idéologie. Avons-nous laissé tomber cela? Est-ce que nous nous fions uniquement à l'approche idéologique à cette étape?
Mme Cuillierrier : Le programme LEV est très large et nous n'allons pas nous arrêter à l'idéologie religieuse ou politique. Nous recherchons les vulnérabilités, les risques et les comportements. Comme l'a mentionné le sergent Dash, parce que nous travaillons dans l'espace précriminel, sur le plan policier, il n'est pas inhabituel de repérer quelqu'un qui est vulnérable ou qui présente un comportement qui pourrait l'amener à être recruté par un groupe criminalisé ou une jeune fille recrutée en ligne aux fins d'un trafic sexuel, ou encore un jeune homme qui est amené à une violence qui constitue une menace à la sécurité nationale.
Notre programme est basé essentiellement sur l'examen du comportement, les indicateurs dans un contexte qui précède toute criminalité.
Le sénateur Day : Je pense à une personne qui a grandi dans une petite communauté, comme la sénatrice Beyak et moi-même, ou qui a grandi ailleurs avant de déménager dans une grande communauté. D'abord, il y a la reconnaissance du phénomène et, ensuite, il y a la tentative d'intervention, pour que cette personne ne passe pas à l'étape de la radicalisation.
Il y a eu un cas récemment à Ottawa; cette personne avait vécu dans différents endroits. La communauté ne pouvait connaître cette personne suffisamment pour être en mesure de déceler un changement de comportement. Votre programme n'est pas conçu pour cela, puisque vous parlez d'utiliser la communauté comme axe principal de votre programme qui vise la prévention.
Les membres des communautés pourraient ne pas être en mesure de vous aider parce que vous n'avez pas identifié la personne en question, d'abord, ou ils ne seraient pas en mesure d'aider à repérer cette personne parce qu'ils ne la connaissent pas depuis longtemps et soudain elle se radicalise. Cette personne peut, au dernier moment, chercher quelque allégeance religieuse pour justifier son activité sur le plan psychologique, mais sa radicalisation n'est pas motivée par cette religion. C'est juste un outil pratique adopté en route.
Pouvez-vous intégrer ce genre de situation dans votre programme ou est-ce que votre programme est plus ciblé que cela?
Mme Dash : La radicalisation peut se produire dans bien des circonstances. Ce qui est différent, c'est le cheminement préalable de chacun et, à titre de service d'application de la loi, nous en tenons compte. C'est pourquoi nous admettons que les premiers répondants soient les agents de police. Nous recevons l'information voulant qu'il y ait eu un changement de comportement et c'est ce sur quoi le programme va axer ses activités. L'élément constant, c'est le changement de comportement, et les personnes les mieux placées pour se rendre compte de ce fait, ce sont les membres de la famille, les amis, les enseignants, donc ça ne se limite pas à la communauté.
Ce que va faire notre programme, c'est de multiplier les forces; les agents de police en première ligne tiennent ce dialogue et cet échange informel chaque fois qu'ils répondent à un appel. Dans le cas d'un agent de liaison avec les écoles, il pourra amorcer ce dialogue avec les enseignants en mesure de constater un changement de comportement et une inquiétude.
Notre programme vise à éduquer les gens en première ligne de sorte qu'ils seront en mesure d'avoir ce dialogue tout comme ils parlent des drogues, du crime organisé ou de l'absentéisme scolaire. C'est vraiment cela, le programme. Le programme vise essentiellement les services de police en première ligne et les gens qui vont reconnaître les incohérences dans le comportement d'une personne.
Le sénateur Day : Juste pour poursuivre, je crois que l'élément capital, c'est que la personne doit faire partie d'une communauté et par la suite être signalée par les chefs de file de cette communauté. Si nous n'avons pas cet élément, votre programme ne va pas du tout marcher. Vous ne pouvez pas aller au-delà. Vous ne savez pas qui est cette personne.
Mme Dash : En fait, la communauté peut être la famille, des amis, des enseignants. Ce peut être n'importe qui. Nous n'axons pas vraiment nos efforts sur les chefs de file des communautés. La communauté peut être n'importe qui avec qui cet individu est associé. Le programme fonctionnera et tant que nous recevrons cette information, nous fournirons le service et le soutien appropriés.
La sénatrice Beyak : Au risque de me répéter, j'ai dit aux témoins précédents que je crois que nous avons ici un éléphant dont personne ne souhaite signaler la présence. Nous parlons de violence extrême ici au Canada, mais ailleurs, on l'appelle le terrorisme du djihad islamique. Est-ce que nous nous en occupons de manière adéquate? N'y aurait-il pas la possibilité d'avoir un numéro pour les appels anonymes que pourraient composer les parents s'ils entendent parler de quelque chose dans une institution, qu'il s'agisse d'une école ou d'une mosquée, ou par leurs enfants ou leurs amis? Y a-t-il un endroit anonyme où recevoir les appels et les signalements et faire enquête, ou nous ne parlons que des communautés? Le problème est grave et les Canadiens sont inquiets. J'ai l'impression que nous procédons très lentement.
Mme Cuillierrier : Madame la sénatrice, comme je l'ai déjà dit, nous n'allons pas axer nos efforts sur la religion et nous n'allons pas axer notre activité sur un type d'idéologie. Je crois que c'est un élément très important à communiquer aux communautés. Nous n'allons pas nous intéresser à l'ethnicité, à une communauté en particulier, mais nous allons bâtir des liens avec toutes les communautés au sein desquelles œuvre la GRC au Canada, tout comme nos partenaires policiers.
Le travail auprès des jeunes dans les écoles est vraiment important, pour leur passer ce message. Je crois que notre programme fonctionnera dans la mesure où nous créerons un milieu fertile, un terrain propice, qui fera que les parents, les enseignants, les entraîneurs et les chauffeurs de taxi pourront téléphoner au service de police de leur région et sauront que le service de police utilisera peut-être une méthode autre que la simple enquête criminelle.
Les gens, et en particulier les parents, doivent savoir qu'il y a différentes options à leur disposition et que ces options peuvent être appliquées à l'échelon de la communauté par les professionnels des services à la personne, soit les services sociaux, les services de santé ou le service policier, mais il faut avoir cette conversation dans l'ensemble des communautés au pays.
J'ai suffisamment d'expérience pour savoir que, lorsque les membres d'une communauté décident de s'attaquer à un problème, même si c'est de l'ordre du criminel, parce que c'est une menace et qu'ils ont peur, ils s'unissent. Ils se réunissent et vont de l'avant.
Nous utilisons souvent l'organisation MADD lorsque nous parlons aux agents de police au Canada. Nous avons des récalcitrants au sein même de nos services de police; ils affirment que ce sera un travail très difficile, mais si vous avez œuvré au sein des communautés assez longtemps, vous savez que les gens, une fois déterminés à apporter des changements, vont s'unir. Nous offrons simplement le cadre leur permettant de s'unir et de tenir des discussions.
Le président : Plus tôt, le sénateur Dagenais a parlé de la publication, intitulée United Against Terrorism. Vous avez signalé, surintendant, à l'instar du commissaire de la GRC, que vous étiez plutôt contente de votre contribution à cet ouvrage, pourtant vous avez rompu les liens. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez rompu avec les autres auteurs de cette publication, si vous étiez contente de ce que vous avez exposé?
Mme Cuillierrier : La GRC a adopté la position voulant que les autres auteurs du livret aient employé un ton quelque peu décalé; la rupture a été signifiée par le commissaire. Comme il l'a dit, nous soutenons le chapitre 3 auquel nous avons contribué.
Le président : J'ai une question générale, mais elle concerne spécifiquement les personnes qui ont participé à cette publication et dont on fait la promotion dans l'ouvrage.
Quatre personnes ont été désignées aux États-Unis comme des conspirateurs relativement au Département de la justice américain. C'est ce que j'ai compris. Ce que je ne comprends pas, c'est comment une publication gouvernementale peut en arriver là, d'utiliser des personnes dont la réputation est pour le moins discutable au regard de ce que vous voudriez qu'elles favorisent? J'ai posé la question au représentant du SCRS aujourd'hui. Pourquoi est-ce que les personnes auxquelles on fait appel pour représenter la communauté à risque, peu importe qu'il s'agisse de la communauté islamique ou d'une autre, ne s'assurent pas que ses porte-parole sont bien ce qu'ils disent être et qu'ils ne mettent pas nécessairement de l'avant leur appartenance à une autre organisation, directement ou indirectement, par exemple les Frères musulmans ou autre?
Pensez-vous qu'il serait bon de mettre en place une politique visant à ce que les personnes fassent l'objet d'un examen minutieux pour s'assurer que leur volonté va résister à l'épreuve du temps par rapport à vos attentes?
Mme Cuillierrier : Pour ce qui est de votre première question, sénateur, je ne suis pas au courant de ces quatre conspirateurs. Je ne sais rien à leur sujet.
Quant à la prudence de la GRC lorsqu'elle s'associe à d'autres personnes dans une publication ou dans un partenariat, je crois qu'il y a diligence raisonnable quant à nos associés.
Comme je l'ai déjà indiqué au sénateur Dagenais, je pense que les communautés qui s'unissent pour lutter contre l'extrémisme violent font preuve d'un certain courage. D'après ce que j'ai compris, dans la communauté du Manitoba où ça s'est produit, il y a un an, on avait organisé une rencontre de grande envergure et nous avions beaucoup de partenaires policiers. Je vais donner la parole au sergent Dash à ce sujet.
Mme Dash : La rencontre réunissait vraiment les membres de la communauté; ils s'inquiétaient pas mal, non seulement de l'extrémisme, mais également des drogues, de leurs enfants et de leurs occupations, le matériel en ligne.
En ce qui concerne notre programme, c'est la raison pour laquelle nous voulons que les communautés se réunissent, pour partager et lancer le dialogue et la discussion sur leurs préoccupations fondamentales.
Cette discussion fut vraiment fructueuse et c'est ce à quoi nous voulons aboutir avec les communautés : avoir un échange ouvert et honnête avec tous les partenaires du milieu. La rencontre a eu lieu il y a un an et nous sommes très fiers que des communautés viennent nous demander de faire partie de leurs discussions. Le cheminement a été très difficile dans certaines communautés. Nous avons dû ressouder des liens et renouveler la mobilisation, mais pour ces communautés, qu'elles réussissent à avoir cette discussion difficile avec les parents, je crois que c'est bien.
Le président : Sergent Dash, personne ne remet cela en question et je suppose que toutes les personnes à cette table sont d'accord, mais la question a trait à la diligence dont vous faites preuve quant à la vérification des antécédents des personnes qui représentent les communautés en question. Avez-vous une politique en place assurant une diligence raisonnable de votre part, de sorte que nous ne nous retrouverons pas dans une situation comme celle vécue avec cette publication dont nous avons parlé plus tôt?
Mme Cuillierrier : Je ne suis pas au courant de l'existence d'une politique, bien qu'il pourrait y en avoir une. Je fais partie de l'organisation depuis assez longtemps pour savoir que nous faisons preuve de diligence raisonnable quant aux personnes avec lesquelles nous nous associons et à ce que nous appuyons. Je crois que c'est un élément essentiel, parce que nous cherchons la confiance des communautés et nous souhaitons avoir la confiance des Canadiens. C'est extrêmement important à nos yeux.
Le président : J'ai hâte de savoir si vous avez bel et bien une politique en place, si vous pouviez vérifier.
Mme Cuillierrier : Bien sûr.
Le président : Vous parlez de l'espace précriminel. J'ai une question et je vais formuler une préoccupation à ce moment-ci de l'échange. Je dirais que vous marchez sur la corde raide dans votre travail en tant qu'organisme d'application de la loi, relativement à l'établissement de relations avec les communautés et aux efforts de prévention d'une situation où il y a criminalité.
Ce qui m'inquiète, c'est qu'il semble que diverses infractions ou apparences d'infractions ont été commises dans le domaine du terrorisme. Il y a des Canadiens ayant une double nationalité qui reviennent au pays après avoir participé à des activités terroristes, qui sont à l'étranger et qui contribuent réellement et luttent aux côtés de l'EI. Certains semblent adopter l'attitude voulant que du fait qu'ils ne se battent pas nécessairement et utilisent simplement Internet, la faute est moins grave; pourtant, de retour au pays, nous avons des audiences et très peu de poursuites, s'il y en a, sont déposées. Je pense que les Canadiens se demandent franchement ce qui se passe, si ces personnes présentent un risque aussi élevé.
C'est la question qu'il faut se poser. Ce que je me demande, c'est la distinction que vous faites entre la précriminalité et la criminalité dans vos relations avec les communautés, lorsque vous savez qu'une personne en particulier a déjà participé à des actes terroristes qui contreviennent au Code criminel — du moins à ce que j'en comprends — et nous ne faisons rien.
Mme Cuillierrier : En ce qui concerne les personnes qui reviennent au pays après une longue absence, notre programme de lutte contre l'extrême violence met l'accent sur l'étape précriminelle. Lorsqu'une personne revient d'un endroit où elle aurait pu combattre ou participer à des activités terroristes, nous confions aux enquêteurs de la sécurité nationale le soin de faire le nécessaire à son endroit. Encore une fois, notre programme mettra l'accent sur la première ligne.
Mme Dash : Je crois qu'il faut souligner que l'étape précriminelle est associée à des indicateurs précoces et que c'est là que notre programme entre en jeu. Si, à un moment donné, vous voulez considérer comme un continuum que la personne à risque affiche un comportement qui pourrait l'amener dans l'espace criminel, cette information est communiquée au même titre que toute autre demande de service et nous mettons à contribution nos opérations. Nous ne mettrons aucune opération à risque et notre ligne de conduite est très claire. Nous aidons les personnes à risque à une étape très précoce.
Le sénateur White : Je vous félicite pour la méthode de récupération que vous appliquez en particulier auprès des jeunes gens pour essayer de les mobiliser avant qu'ils ne participent à l'activité criminelle dont nous parlons essentiellement ici. Je comprends que vous mettez l'accent sur les communautés et les membres de ces communautés. En fait, j'ai vu des succès similaires au Canada quand il est question d'agir auprès des gangs à Calgary et, pour être franc, ici aussi, à Ottawa et à Toronto. Je pense que c'est la réponse au problème.
Le défi que nous avons, c'est que les incidents de ces dernières semaines nous ont appris que certains signes précurseurs ne sont pas décelés et qu'il faut se demander si nos efforts suffisent à retenir les gens qui vont faire preuve de violence ou qui se rendent à l'étranger pour recevoir une formation ou aider à financer l'extrémisme et les actes terroristes. Si je puis me permettre, c'est l'un des manquements qui m'amènent à une question.
Pour que vous compreniez bien, il ne s'agit pas ici de savoir si ce que vous faites fonctionne ou non — je crois que ça fonctionne et je crois que ça fonctionnera —, mais il y a un second volet qui demeure et c'est de savoir ce qui ne fonctionne pas et si nous mobilisons ou non les personnes qui reviennent au pays.
Voici maintenant ma question : Y a-t-il une participation suffisante de la part des chefs de file des communautés lorsqu'il est question de mobilisation? Est-ce que les chefs de file nous disent vraiment être autant préoccupés que nous? Nous leur avons offert un cadre sécuritaire. Vous leur dites que vous ne cherchez pas à arrêter leurs enfants. Si je comprends bien ce que vous dites, nous disons qu'il faut les mettre à contribution à un moment donné afin de trouver une solution.
Est-ce que vous voyez les chefs de file croire en cela maintenant et venir vous voir pour vous dire qu'ils veulent que vous fassiez partie de leur communauté et que vous preniez la parole à l'occasion de quelques manifestations organisées? Est-ce que vous effectuez une mobilisation à un échelon supérieur de manière à rejoindre un plus grand nombre ou procédez-vous toujours au cas par cas?
Mme Cuillierrier : Je crois que la donne est en train de changer en ce qui concerne la participation des communautés et l'engagement des leaders communautaires. Je dois reconnaître qu'au cours de l'année écoulée, à chaque fois que la GRC a procédé à des arrestations dans des affaires de terrorisme, les leaders communautaires se sont exprimés dans les médias. Ils ont expliqué comment ils travaillent avec le service de police compétent ou avec la GRC.
En discutant avec d'autres officiers de la police canadienne qui étaient à Ottawa en septembre pour notre atelier de formation des formateurs, je me suis rendu compte qu'ils observent un changement dans les communautés, chez les leaders communautaires et les chefs religieux. Je crois vraiment que la donne est en train de changer et que les communautés acceptent qu'elles doivent s'engager de manière préventive, plutôt que d'attendre qu'il y ait des arrestations ou des tragédies.
J'ai le sentiment qu'à mesure que nous avançons et que les interactions et les concertations avec les autres services de police canadiens démultiplient nos forces, les gens s'engageront, que cela soit dans un cadre universitaire ou dans une mairie. Nous avons vu des mères venir et dire : « Je ne savais pas ce qui se passait et maintenant je reconnais que si j'avais vu les choses telles qu'elles sont, j'aurais agi différemment. »
Je suis convaincue qu'en mobilisant davantage de gens dans ce débat cela aura pour effet de faciliter la démarche qui consiste à aller vers la police ou vers des professionnels de santé ou des services sociaux au sein des communautés.
Le sénateur Day : Le programme de lutte contre la violence dont nous avons discuté aujourd'hui est une émanation de la stratégie de contre-terrorisme du Canada qui a été mise au point par Sécurité publique Canada en 2012, n'est-ce pas?
Mme Cuillierrier : Oui. Nous travaillons dans le cadre du pilier « prévention ».
Le sénateur Day : Cette annonce d'une nouvelle politique a-t-elle été suivie de nouveaux financements?
Mme Cuillierrier : Je n'occupais pas ce poste à l'époque, alors je ne sais pas s'il y a eu des financements en 2012.
Le sénateur Day : Si vous pouviez vous renseigner à ce sujet, cela nous serait utile. Ce que je voudrais savoir, c'est le montant total du financement qui est consacré à votre programme LEV, destiné à contrer les violences terroristes. Vous avez dit avoir actuellement 30 stagiaires dans tout le pays. Sont-ils payés spécialement pour ce travail, ou sont-ils en uniforme et remplissent-ils cette mission dans le cadre de leurs fonctions normales au sein de la GRC?
Mme Cuillierrier : Sur les 30 stagiaires dont nous disposons en ce moment dans tout le pays, certains sont employés à temps plein. Certains sont agents de liaison avec les écoles ou peuvent travailler dans différents secteurs, mais ils aiment travailler dans les communautés ou sont d'excellents animateurs capables de former d'autres officiers de police. C'est pour cela qu'ils ont été choisis pour participer à la formation.
Le sénateur Day : Touchent-ils une rémunération en plus de leur traitement habituel pour ce travail de formation?
Mme Cuillierrier : Non. Cela est au cœur de leur mission.
Le sénateur Day : Bien. Revenons à votre secrétariat, ici à Ottawa, c'est le seul endroit où des gens travaillent sur cette initiative en particulier. Pouvez-vous me dire quel budget y est consacré? Est-ce que cela fait partie du fonctionnement opérationnel, ou y a-t-il une ligne budgétaire séparée que nous pourrions examiner?
Mme Cuillierrier : Je dirais que le directeur général des finances de la GRC serait plus à même de répondre à des questions liées au financement et au budget. Je travaille surtout avec mon équipe et je suis à même de travailler avec les équipes EISN dans tout le Canada, ainsi qu'avec les divers services de police municipale qui souhaitent travailler avec nous sur la LEV.
Le sénateur Day : Madame le surintendant, si vous aviez besoin de plus de financements, iriez-vous voir votre hiérarchie en disant : « Il me faut plus de personnel », ou est-ce que l'on vous dirait d'inscrire cela dans votre budget pour l'année suivante? Établissez-vous un budget pour votre opération?
Mme Cuillierrier : Oui, ma réponse serait : les deux. Je dresse un budget prévisionnel et je m'adresse aussi à ma hiérarchie au sujet de certaines pressions ou demandes qui se font jour avec notre nouveau programme.
Le sénateur Day : Je crois que le sergent souhaitait donner sa réponse aussi.
Mme Cash : Je voudrais ajouter quelque chose aux remarques du surintendant au sujet de Sécurité publique Canada. Nous avons travaillé en collaboration dans le cadre du financement Kanishka, et nous avons bénéficié de certains outils et de certaines études qu'ils ont pu fournir aux policiers de terrain, donc dans un sens nous avons utilisé les ressources de Sécurité publique Canada.
Le sénateur Day : Je suis ravi de l'entendre. Nous avons appris que ce financement se terminerait l'an prochain, en 2015.
La sénatrice Beyak : Merci pour votre exposé. Je crains malgré tout que cela ne soit pas suffisant pour s'attaquer à ce vaste problème, mais j'apprécie énormément le travail que vous faites au sein de communautés.
En mars 2011, le Sénat a fait un rapport qui identifiait quatre étapes menant au djihad. Je vais devoir le lire, car c'est assez long. Première étape, votre situation de départ. Deuxième étape, le sentiment d'appartenance. Troisième étape, l'endoctrinement. Quatrième étape l'entrée dans le djihad, le passage à l'acte. Il semble que nous ne pouvons influer sur les islamistes radicaux qu'à la deuxième étape, le sentiment d'appartenance et à la troisième étape, l'endoctrinement. Que faites-vous précisément pour contrer l'endoctrinement, et à quel moment le signalez-vous aux enquêteurs de la sécurité nationale avec lesquels vous collaborez? Dans votre exposé vous avez parlé des centres communautaires, mais je ne vois toujours pas comment ils pourraient prendre en charge un individu qui serait sur le point de perpétrer un acte comme celui qui a eu lieu à Ottawa.
Mme Dash : Notre programme vise à détecter les signes précoces indiquant qu'un individu s'engage dans la voie du crime et qu'il peut potentiellement y avoir une menace pour la sécurité nationale. Je sais que j'ai déjà expliqué que les signes précoces sont en réalité mieux détectés par la famille, les amis et les enseignants. Au début il peut s'agir de changements dans le discours, un état d'esprit : « c'est eux contre nous ». Il y a aussi des discours liés à l'idéologie politique ou religieuse. Lorsque ce type d'informations est porté à la connaissance des forces de l'ordre, d'un leader communautaire ou d'une personne de confiance, alors nous pouvons potentiellement nous mobiliser. Dans ce cas nous examinons la situation et nous nous en occupons en fournissant les ressources adéquates. Il peut s'agir d'un mentor, de quelqu'un qui intervient et discute avec l'individu en question pour dire : « C'est une interprétation de l'idéologie, et ce n'est pas ce que vous pensez. » Cela dépend. C'est au cas par cas. Voilà comment nous intervenons de façon précoce.
Les quatre étapes que vous avez décrites correspondent plus ou moins au moment où l'individu s'est déjà radicalisé. Cela peut prendre deux ou trois mois, ou bien des années, mais ils sont déjà dans une démarche criminelle.
La sénatrice Beyak : À quel moment contactez-vous les enquêteurs de la sécurité nationale? À quel stade quelqu'un du centre communautaire va-t-il détecter le problème?
Mme Dash : Cela dépend de l'évaluation. Si une intervention est en cours et que l'individu ne répond vraiment pas aux aides, une évaluation est faite et l'on décide de la conduite à tenir.
Le président : Chers collègues, j'aimerais revenir aux individus qui ont été impliqués dans des activités terroristes à l'étranger, qui sont revenus et ont été identifiés.
Madame le surintendant, vous avez pu conclure que certains de ces individus sont revenus en ayant perdu leurs illusions. Leur expérience n'a pas été ce qu'ils espéraient. Ils sont revenus au pays parce qu'ils ne voulaient pas rester là où ils étaient et ne voulaient peut-être pas continuer ce qu'ils étaient en train de faire. Dans votre programme, parmi ces personnes combien en avez-vous identifié, en gros, qui sont revenues parce qu'elles étaient désabusées? Vous appuyez-vous, par exemple, sur ces personnes dans votre programme afin de vous adresser à ces communautés et dire aux jeunes quelle est la véritable réalité. Faites-vous cela? Et si non, pourquoi?
Mme Cuillierrier : Sénateur, comme je l'ai dit tout à l'heure, lorsque des individus reviennent, ils sont l'objet d'enquêtes criminelles et sont pris en charge par les enquêteurs de la sécurité nationale, ce sont eux qui assurent le suivi. Ils mènent les interrogatoires et la surveillance, et utilisent les techniques de police nécessaires en fonction des informations disponibles au vu du dossier criminel et de l'enquête.
En ce qui concerne notre programme de prévention de la criminalité, nous avons envisagé d'utiliser des individus revenus de l'étranger ou des gens qui ont fait certaines expériences. Nos partenaires internationaux ont parfois fait cela, et c'est tout à fait efficace. À vrai dire nous allons utiliser un outil lors d'une de nos sessions de formation qui s'appuie directement sur ces exemples; une personne jeune ayant été incarcérée au Royaume-Uni a accepté de participer à une vidéo et d'expliquer aux gens son expérience à l'étranger. Il en ressort de manière évidente les possibilités d'intervenir que la communauté et les services sociaux auraient eues s'ils s'étaient rendu compte de ce qui se passait ou s'ils avaient eu des connaissances minimums sur les manifestations d'une radicalisation violente et ses symptômes.
Votre idée est bonne. Nous y avons pensé. Nous ne sommes pas vraiment dans une situation, dans ce pays, qui nous permettrait d'avoir accès à ce type d'outil, mais nous avons travaillé avec le consultant de Sécurité publique Canada sur une initiative pour développer des outils canadiens qui permettront de transmettre ces expériences, comme vous le proposez.
Le président : Comme je l'ai déjà dit, le but de ces auditions est d'avoir un débat public pour que les Canadiens sachent précisément à quoi nous sommes, ou ne sommes pas, confrontés. Sur plus de 80 personnes qui sont revenues, combien sont revenues désabusées et sont revenues parce que cela ne s'est pas passé comme elles l'espéraient? Pourriez-vous vous renseigner au sujet de ces chiffres?
Mme Cuillierrier : Si je peux faire une suggestion, il vaudrait mieux poser cette question à nos collègues des opérations criminelles qui travaillent sur ces rapatriés, ils pourraient mieux vous répondre. Je suis certaine qu'ils seraient en mesure de vous donner un aperçu de ce qui se passe quand ces individus reviennent au Canada.
Le président : Chers collègues, nous allons attendre pour voir si nous obtenons des informations à ce sujet.
Je voudrais revenir à une autre question avant de conclure. Nous avons évoqué un programme qui s'intitule lutte contre l'entraînement à l'extrémisme violent, comme faisant partie de certains des programmes existants. En avez-vous connaissance? L'un des programmes sur lesquels vous travaillez s'intitule lutte contre l'extrémisme violent, n'est-ce pas?
Mme Cuillierrier : Oui.
Le président : J'aimerais que vous nous donniez la liste, si c'est possible, des individus faisant partie de ce programme, qui sont en formation, et de ceux qui sont en dehors de la sphère gouvernementale et qui ont un rôle de conseillers sur ces questions.
Mme Cuillierrier : Cela serait facile pour les formateurs de la police. En ce qui concerne nos ressources communautaires, la liste n'est certainement pas exhaustive actuellement. Nous y travaillons littéralement tous les jours.
Le président : Donnez-nous ce que vous avez.
Mme Cuillierrier : D'accord. Nous nous connectons.
Le président : Nous savons que c'est une liste fluctuante. C'est très bien.
Mme Cuillierrier : D'accord.
Le président : Merci, madame le surintendant.
Le sénateur Day : Une question rapide pour mieux cerner vos activités communautaires. En 2004, une table ronde interculturelle sur la sécurité a été créée spécialement pour améliorer la confiance et la compréhension au sein des différentes communautés ethniques, et, bien entendu, la GRC et le SCRS participent depuis longtemps aux activités communautaires, et c'est ainsi qu'ils recrutent des informateurs. Qu'y a-t-il dans les activités communautaires entourant cette initiative qui soit différent des activités communautaires auxquelles vous avez déjà participé?
Mme Cuillierrier : Dans le cas de la lutte contre l'extrémisme violent, comme vous l'avez souligné, sénateur, nous avons une longue expérience de travail communautaire. Les services policiers communautaires sont au cœur du fonctionnement de la police au Canada, et c'est le cas dans tout le pays.
Au sujet des différences, je dirais qu'il s'agit surtout de tirer parti de ce que nous faisons déjà très bien, à savoir principalement bâtir une relation de confiance avec les communautés. Je pense que former des policiers, transmettre l'information, sensibiliser et éduquer sont des choses que nous faisons régulièrement. Il s'agit d'un phénomène nouveau. Les policiers canadiens veulent ce type de formation et de renseignements, mais ils veulent aussi savoir quoi faire. Ils disent : « D'accord, j'ai ces connaissances. Je reçois un coup de téléphone d'un membre de la famille. Qu'est-ce que j'en fais? À qui est-ce que je m'adresse? Comment est-ce que je trie ces données ou comment puis-je aider cet individu ou cette famille? ». Voilà ce qui est différent avec ce programme. C'est un mélange de formation, de sensibilisation et d'éducation, et il s'agit de tirer parti des services sociaux au sein de la communauté, même s'ils ont plus l'habitude de s'occuper des abus sexuels, de la violence des gangs ou de l'absentéisme scolaire. Cette fois, il s'agit de lutter contre l'extrémisme violent et de faire en sorte que ces professionnels et les gens au sein de la communauté comprennent la radicalisation menant à la violence.
Il y a des professionnels de la santé qui sont bien placés pour nous aider et nous informer. Il y a des enseignants qui sont à même de détecter les changements de comportement, de langage et de tenue vestimentaire chez des jeunes. Il faut capitaliser sur tout ce que nous avons fait jusqu'à présent et combiner tout cela pour lutter contre l'extrémisme violent et la radicalisation menant à la violence.
Le sénateur Day : Merci, c'était très instructif. Est-ce que le programme de LEV de la GRC fait partie du Programme canadien pour la sûreté et la sécurité? Connaissez-vous ce programme? Nous en avons entendu parler lors de la précédente séance.
Mme Cuillierrier : Non.
Le sénateur Day : En faites-vous partie? Le Programme canadien pour la sûreté et la sécurité est financé par un autre mécanisme. Nous l'avons découvert en même temps que le projet Kanishka, par lequel vous recevez des fonds de façon indirecte, selon ce que vous nous avez dit.
Si vous n'en avez pas entendu parler, c'est qu'à l'évidence vous n'en faites pas partie.
Mme Dash : Non.
Le sénateur Day : J'ai ma réponse.
Le président : Merci, sénateur.
Je tiens à remercier les témoins de s'être déplacées. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir ici pour participer à ces auditions parce qu'il est très important que le grand public entende les membres de la GRC, bien entendu. Nous apprécions votre travail.
Pour la dernière partie de la journée, nous avons le plaisir d'accueillir le sous-commissaire Scott Tod, de la Police provinciale de l'Ontario, qui est coprésident du Comité sur l'antiterrorisme et la sécurité nationale. Bienvenue au comité. Nous sommes ravis de vous avoir parmi nous.
Nous avons le texte de votre exposé. Chers collègues, il est en anglais seulement. Puis-je obtenir une motion pour le distribuer en tant qu'ébauche pour que nous ayons quelque chose à suivre? La motion est présentée par le sénateur Day. Elle est adoptée.
Monsieur le sous-commissaire Scott Tod, vous avez la parole.
Sous-commissaire Scott Tod, Police provinciale de l'Ontario, coprésident du Comité sur l'antiterrorisme et la sécurité nationale, Association canadienne des chefs de police : Honorables sénateurs, je suis ravi d'accepter votre invitation et de représenter aujourd'hui le chef Clive Weighill, président de l'Association canadienne des chefs de police, en tant que coprésident du Comité sur l'antiterrorisme et la sécurité nationale.
La mission de l'ACCP est d'assurer la sûreté et la sécurité de tous les Canadiens au moyen d'un leadership novateur. Cette mission est accomplie grâce aux activités et projets spéciaux de plusieurs comités ainsi qu'en assurant une liaison avec les différents niveaux de gouvernement et les ministères ayant une responsabilité législative et exécutive dans le domaine de l'application de la loi et des services policiers.
Le Comité sur l'antiterrorisme et la sécurité nationale est l'un des comités de l'ACCP, dont le mandat est d'harmoniser le travail que doit accomplir le secteur de l'application de la loi au Canada pour déceler et prévenir les activités criminelles liées au terrorisme et à la sécurité nationale, les décourager, enquêter sur celles-ci et intervenir.
Les priorités stratégiques du comité sont, premièrement, de promouvoir la collaboration et l'intégration parmi les organismes d'application de la loi grâce à des partenariats public-privé appropriés dans les domaines de la sécurité et du renseignement; deuxièmement, d'améliorer la capacité à opérer de façon coopérative et intégrée dans le but de s'attaquer aux tendances émergentes; troisièmement, de développer des processus et de faciliter une communication étroite à tous les niveaux; quatrièmement, de recommander des réformes législatives; et cinquièmement, de promouvoir l'éducation et la formation en matière de contre-terrorisme et de sécurité nationale.
Le comité est composé de cadres supérieurs des services de police de partout au Canada et d'organismes gouvernementaux qui ont un mandat opérationnel qui implique notamment de lutter contre les menaces à la sécurité du Canada. Je peux vous fournir une liste des organismes membres si vous le souhaitez.
Le comité rassemble des organismes partenaires qui évaluent et gèrent les enjeux liés au contre-terrorisme et à la sécurité nationale, soit d'un point de vue opérationnel, soit du point de vue du renseignement. Des représentants du secteur privé peuvent également participer à nos réunions avec un rôle consultatif, ou lorsqu'ils sont approuvés et invités par les coprésidents.
Au cours de l'année écoulée, le comité a continué à renforcer la communication, la coopération et la coordination au sein de la collectivité d'application de la loi et des partenaires clés voués à la sécurité et au bien-être des communautés.
Les activités du comité incluent une initiative pour la création d'un guide du contre-terrorisme en vue de la mise en œuvre de mesures et de stratégies en matière de contre-terrorisme dans toutes les provinces. Le but de ce guide est de créer une boîte à outils pour les chefs de police canadiens, qui serait conforme à la Stratégique antiterroriste du Canada.
Le comité a organisé un forum national les 16 et 17 septembre derniers à la Direction générale de la GRC afin de permettre aux participants de comprendre les menaces qui pèsent sur la sécurité nationale et les défis posés par les efforts d'enquête en matière de contre-terrorisme et d'être informés au sujet des quatre volets, soit empêcher, déceler, priver et intervenir. Plus de 125 représentants d'organismes gouvernementaux et d'application de la loi ont participé à cette conférence.
La collectivité internationale d'application de la loi est confrontée au défi d'accroître ses efforts afin de détecter et de prévenir les actes de terrorisme. Ce défi a été exacerbé par la dissémination sur la planète des groupes et individus terroristes, ce qui oblige les cadres supérieurs des services de police à mettre davantage l'accent sur les importantes relations qui s'étendent au-delà de nos villes, de nos provinces et de notre nation.
Vu cette menace sérieuse, la GRC codirige un groupe international de pays et d'organismes aux vues similaires conçu pour intégrer nos approches à l'égard du leadership, du terrorisme et du renseignement, en mettant l'accent sur la réflexion stratégique, la prévention et la vision d'ensemble.
Le Comité sur l'antiterrorisme et la sécurité nationale de l'ACCP a assisté la GRC en évaluant et en sélectionnant les candidats des organismes canadiens d'application de la loi et de sécurité pour la participation à des occasions d'apprentissage dans un cadre international.
On demande aux représentants d'organismes d'application de la loi au Canada de rédiger un document dans le cadre de la préparation de leur candidature. Le comité a contribué à l'examen de ces documents et à l'approbation des candidatures pour la prochaine conférence. Les sujets approuvés sont encore une fois axés sur les quatre volets, à savoir empêcher, déceler, priver et intervenir.
Au cours d'une réunion typique du Comité sur l'antiterrorisme et la sécurité nationale, on présente aux membres un aperçu des menaces au Canada. C'est un élément qui figure toujours à l'ordre du jour et qui permet de déclencher des échanges au sujet des enjeux qui touchent tous les organismes membres du comité. Des bulletins et des avis sont diffusés par les organismes et partagés au niveau national par le Comité sur l'antiterrorisme et la sécurité nationale et l'ACCP sur les sujets liés aux menaces, aux tendances et aux pratiques d'application de la loi.
Au cours des réunions, on discute des menaces, des tendances, des pratiques exemplaires et d'autres sujets d'actualité. L'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels a récemment fait un exposé à l'intention du comité. Il a été également question du travail de la GRC sur la prévention de la radicalisation et la création de programmes de mobilisation communautaire.
En plus des travaux du Comité sur l'antiterrorisme et la sécurité nationale de l'ACCP, d'autres activités policières sont en cours pour contrer la menace du terrorisme. Il y a par exemple les activités de la Section provinciale de lutte contre le terrorisme, mieux connue sous le nom de PATS, en Ontario.
La PATS est une section d'opération policière conjointe dirigée par la Police provinciale de l'Ontario. Elle se compose d'agents des services de renseignement de huit services de police municipaux, ainsi que de représentants d'organismes provinciaux et fédéraux, dont l'Agence des services frontaliers du Canada. L'équipe de la PATS a pour mandat de mener des opérations de renseignement intergouvernementales et stratégiques portant sur des affaires liées au terrorisme d'envergure internationale ou nationale ou bien qui concernent l'Ontario. L'équipe travaille en étroite collaboration avec l'équipe de la sécurité nationale de l'Ontario dirigée par la GRC et se réunit avec elle régulièrement pour échanger des renseignements et s'entraider dans leurs enquêtes sur le terrorisme.
Plus récemment, à l'échelon municipal, les services policiers de Calgary ont organisé une conférence sur la lutte contre la radicalisation, à laquelle ont participé des experts, des universitaires et des conférenciers d'autres pays et plus particulièrement d'autres régions du Canada.
Des responsables de l'application de la loi et du domaine de la sécurité publique ont assisté à cette conférence de deux jours, qui illustre la nécessité de documenter et d'échanger nos meilleures pratiques, nos constatations, nos recherches et nos solutions au problème de la radicalisation et des activités extrémistes.
J'espère vous avoir donné un compte rendu assez objectif des activités et des mesures que le Comité sur l'antiterrorisme et la sécurité nationale de l'ACCP et ses membres ont entreprises en matière de terrorisme et de sécurité nationale à l'échelle fédérale, provinciale et municipale. Je vous remercie et je suis prêt à répondre à vos questions.
Le sénateur White : Je remercie le sous-commissaire de sa présence ici aujourd'hui.
Vous avez beaucoup parlé de la GRC et du soutien qu'elle offre. La GRC ne contrôle pas nos deux plus grandes provinces ni les plus grandes villes du pays. Les chefs de police et les organismes — je m'en tiendrai à l'Ontario pour vous faciliter la tâche — obtiennent-ils suffisamment de renseignements du SCRS, pour ne citer qu'un exemple? Ces renseignements vous parviennent-ils toujours par l'intermédiaire de la GRC? Sont-ils pertinents et opportuns?
Quand j'étais chef de police à Durham, je me plaignais du fait que le SCRS faisait passer l'information qui m'était destinée par les EISN ou d'autres et qu'il me fallait parfois attendre des semaines avant de la recevoir. Ne faudrait-il pas fournir les renseignements directement aux partenaires municipaux?
M. Tod : Comme vous le savez, la Loi sur les services policiers de l'Ontario établit les responsabilités du chef de police et la façon de conduire les enquêtes criminelles. Nous assurons la sécurité publique à cet égard à la discrétion de ce chef de police.
Quant à la sécurité nationale, je peux vous dire que les renseignements circulent de bas en haut et de haut en bas. Je commencerais par vous donner un exemple de l'approche de bas en haut.
En Ontario, l'équipe de la PATS dont je viens de parler compte huit services policiers, auxquels s'ajoutent quelques partenaires officieux. Nous avons également un programme de liaison avec le secteur privé. Tous ces gens fournissent des renseignements à l'équipe de la PATS, qui informe à son tour les EISN. Tous ces renseignements s'ajoutent à ceux que fournit le SCRS à ces équipes et nous permettent d'avoir une idée plus précise et une meilleure compréhension d'une menace éventuelle.
Le SCRS fournit des renseignements à l'EISN de la GRC selon le concept de la vision unique. Il agit conformément aux lois du Canada. Je ne m'inquiète pas d'un manque de communication de l'information. C'est peut-être parce que je siège au Comité sur l'antiterrorisme et la sécurité nationale et que le SCRS y siège également à titre de représentant.
Tout récemment, nous avons échangé des renseignements dans un solide esprit de collaboration active. Je crois que cela est attribuable en grande partie au climat de confiance qui règne dans les milieux policiers ontariens depuis deux ou trois ans.
Le sénateur White : Nous avons amplement discuté avec des témoins qui nous ont posé des questions au sujet de la législation. Avons-nous besoin de nouvelles lois ou faut-il modifier les lois existantes?
Par exemple, un chef de police a remis en question la nécessité d'obtenir l'approbation du vérificateur général concernant les engagements de ne pas troubler l'ordre public. Pensez-vous que nous devrions recommander des changements en matière de terrorisme et notamment une modification du Code criminel?
M. Tod : Par exemple, le récent projet de loi fédéral visant à accorder de nouveaux pouvoirs au SCRS concernait la protection des informateurs. Je pense que c'est un aspect nécessaire dont les services de sécurité ont besoin. Je crois que l'autre projet de loi à l'étude concernant les citoyens canadiens qui voyagent, qui ont l'occasion de voyager, est également une loi importante qui viendrait soutenir nos efforts.
En ce qui concerne plus précisément le Code criminel, j'estime que les amendements apportés au projet de loi S-10 ou à d'autres lois qui ont été adoptées, sont satisfaisants. Dans l'optique de l'ACCP, je ne vois pas aujourd'hui de loi actuelle dont je serais un ardent défenseur.
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur Tod. J'ai deux petites questions rapides.
Que pourrions-nous faire pour garantir une meilleure coordination entre tous les corps policiers à toutes les étapes, c'est-à-dire du moment où nous sommes informés de l'existence d'une menace terroriste jusqu'aux poursuites judiciaires?
M. Tod : Comme j'avais commencé par vous parler des permissions que la loi accorde aux chefs de police, je m'en tiendrai à l'Ontario. La Loi sur les services policiers de l'Ontario décrit les obligations, les fonctions et les responsabilités d'un chef de police. Elle ne mentionne pas spécifiquement le terrorisme, mais il y est question de la sécurité publique et des droits et libertés.
Les règlements de l'Ontario portent spécifiquement sur le terrorisme, la lutte contre le terrorisme, la prévoyance et l'état de préparation des chefs de police. Ils parlent de coordination des efforts, c'est-à-dire de la collaboration avec d'autres organismes qui fournissent ces services.
Le problème est de savoir qui doit assumer la responsabilité face à un événement concret. La loi dit que c'est le chef de police, mais dans certains cas, ce n'est pas nécessairement la personne la mieux placée pour prendre une décision dans ce genre de situation. Il me semble que cela peut prêter à confusion par rapport aux autres pièces du casse-tête dont nous disposons pour assurer une bonne coordination.
Par exemple, le chef de police a le choix de ne pas faire appel à une équipe de sécurité nationale ou provinciale et de ne pas demander l'aide d'un service de police partenaire ou voisin.
L'autre aspect de la question de la coordination est celui du renseignement. La question que nous nous posons toujours est celle de savoir dans quelle mesure nous sommes prêts. Or, j'ai appris que l'état de préparation dépend de la collaboration, de la coordination et du partage de l'information.
Voilà pourquoi l'équipe de la PATS, qui comprend de nombreux services policiers de l'Ontario, travaille en étroite collaboration avec la police fédérale au sein des Équipes intégrées de la sécurité nationale. Nous avons appris que le meilleur moyen de fournir et de recevoir de l'information est d'agir de concert avec ces équipes et de partager l'information avec elles.
J'espère avoir répondu à votre question. Encore une fois, c'est le chef de police qui décide en fin de compte du montant de collaboration et de coordination nécessaires.
Le sénateur Dagenais : Combien de ressources nos services policiers locaux consacrent-ils aux questions de lutte contre le terrorisme et la radicalisation?
M. Tod : Pour le terrorisme, nous avons les Équipes intégrées de la sécurité nationale. Je crois qu'il y en a six en tout au Canada. Ces équipes invitent les services policiers municipaux et provinciaux à collaborer avec elles. En Ontario, je crois que l'EISN de Toronto compte huit autres services policiers partenaires et partage des locaux avec eux. L'autre équipe, l'EISN d'Ottawa, compte trois services policiers qui travaillent ensemble.
La collaboration se situe au niveau des services policiers de grande envergure, les services policiers qui sont responsables d'une population importante et de nombreuses menaces et qui sont présents dans le contexte de la sécurité nationale.
Quant à la radicalisation, il s'agit de quelque chose de relativement nouveau — je dirais un an ou deux, deux ans de surveillance policière. Pour ce qui est du volume de travail, vous avez entendu les témoins précédents parler ici aujourd'hui des activités de la GRC. J'ai mentionné une conférence qui a récemment eu lieu à Calgary. Je sais que deux autres sont prévues en décembre — une dans la région de Niagara Falls et l'autre à Ottawa — pour lutter contre l'extrémisme violent et la radicalisation.
Je crois que l'on fait beaucoup actuellement à ce chapitre. Comme je l'ai dit, il s'agit d'un phénomène récent, et ce n'est que depuis la dernière année que nous le surveillons attentivement.
Je parle ici dans l'optique des activités policières. À mon avis, nos partenaires fédéraux chargés de la sécurité surveillent ces aspects depuis plus longtemps que nous.
La sénatrice Beyak : Merci beaucoup pour votre exposé. Nous avons entendu un représentant du CANAFE il y a quelque temps. Je me demandais à quel point les services policiers locaux et la Police provinciale de l'Ontario pourraient porter des accusations et entamer des poursuites en matière de terrorisme financier. La GRC a un rôle national, mais je suppose que vous auriez un rôle à jouer à l'échelon local.
M. Tod : Le CANAFE siège comme représentant à la table nationale du Comité sur l'antiterrorisme et la sécurité nationale de l'ACCP. Il donne des renseignements sur le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Cette information est à la disposition de tout service de police sur demande ou sur réception d'un avis du CANAFE.
Le blanchiment d'argent est un aspect que nous surveillons, d'autant plus maintenant dans le contexte de la radicalisation. C'est le problème des voyageurs à haut risque et du processus de radicalisation de ces voyageurs, mais celui de la facilitation du voyage lui-même est également très important. Nous cherchons à savoir comment le financement est obtenu et quelle est la source des fonds. Nous ne pouvons pas le faire sans l'aide du CANAFE.
Le sénateur Kenny : J'ai assisté à la conférence à Calgary la semaine dernière. Ce furent deux jours remarquables. Il y a été notamment question d'une séparation entre un programme de mobilisation communautaire, comme ce dont a parlé le dernier groupe de témoins, et les personnes qui se chargent de la collecte de renseignements au sein d'un organisme.
Croyez-vous que cela soit réaliste?
M. Tod : Je le crois, sénateur. En parlant au nom de la Police provinciale de l'Ontario, et à l'issue d'un examen approfondi de nos interventions dans l'affaire du Camp Ipperwash et de l'enquête publique qui a suivi, nous avons pu étudier notre organisation, notre gestion de l'information et notre communication avec le public. Nous avons créé des équipes de liaison provinciales — des personnes qui se déplacent dans les collectivités, qui travaillent avec des groupes et avec des particuliers qui peuvent donner une perspective des deux côtés ou une perspective sur le droit ou sur les droits d'autres personnes ou d'autres prises de position sur tel ou tel sujet. Je pense que c'est un rôle très important, qui est distinct du travail de renseignement.
Nos équipes de liaison provinciales n'ont pas pour mission de recueillir des renseignements ni de renvoyer de l'information au centre ou à une section d'analyse, mais d'offrir une perspective, d'entamer le dialogue et d'ouvrir la porte à la participation du public. Je crois qu'il est très possible d'entreprendre un programme analogue dans le contexte de la radicalisation ou de la lutte contre l'extrémisme violent.
En Ontario, le gouvernement a créé un groupe de travail chargé d'élaborer des plans de sécurité communautaire pour les collectivités. J'espère que ce groupe traitera également de la radicalisation et de la lutte contre l'extrémisme violent et que nous utiliserons les mêmes facteurs criminogènes telles la pauvreté, l'itinérance, les dépendances et la santé mentale pour étudier l'extrémisme et la radicalisation afin de pouvoir repérer les personnes vulnérables qui pourraient se nuire ou nuire à autrui.
Le sénateur Kenny : Que se passerait-il à la Police provinciale de l'Ontario si dans ce contexte de dialogue communautaire, on découvrait des renseignements exploitables?
M. Tod : Selon la politique de la police provinciale, on doit signaler toute information susceptible d'empêcher qu'un acte criminel se produise ou que quelqu'un soit blessé, toute information sur une infraction à une politique ou à une pratique importante pour l'organisme policier.
Le sénateur Kenny : Les programmes de mobilisation dépendent de la confiance des gens qui y participent. Je me mets à la place d'une mère dont le fils commence à avoir un comportement problématique. Que doit faire un policier pour expliquer à cette mère à quel moment elle peut se présenter avec des renseignements qui bénéficieront à son fils ou bien décider de ne pas le faire? Il est inévitable qu'il y ait une certaine méfiance, du moins au départ.
M. Tod : Absolument, sénateur. J'ai entendu un témoin précédent parler de l'espace précriminel. La mobilisation et la participation ne relèvent pas de la fonction policière; c'est une fonction communautaire. Les policiers sont des agents de liaison qui encouragent la mobilisation. Nous préférerions ne pas avoir à le faire, pas la totalité. Nous préférions faciliter cette mobilisation communautaire.
Dans le cas de cette mère, nous chercherions sans doute à établir un climat de confiance avec l'aide d'un responsable communautaire, un champion communautaire ou un champion d'une cause particulière au sein de la collectivité qui peut représenter la police ou plaider non seulement en son nom, mais au nom des membres de la collectivité pour qu'elle prenne la bonne décision.
Nous savons que demander à la police de s'acquitter de toutes les responsabilités et obligations en matière de participation et de liaison n'est pas la bonne réponse. Il faut un élément de facilitation communautaire. Nous devons activement recruter, à défaut d'un autre mot, des dirigeants de confiance au sein des collectivités et des personnes responsables de questions particulières pour faire passer le message ou pour être les personnes de confiance dont vous parlez.
La sénatrice Beyak : Pour donner suite à ma question précédente, à l'intention de ceux qui nous regardent, quel rôle doit jouer chaque niveau des services policiers pour préparer un cas et formuler des accusations, police locale, police provinciale et GRC, s'agissant du blanchiment d'argent, du financement du terrorisme et de la facilitation des voyages dont vous avez parlé?
M. Tod : De nombreux services policiers ont des liens avec le CANAFE. Dans l'idéal, il s'agirait des rapports avec les EISN fédérales qui s'occupent des enquêtes sur le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent dans ce contexte. Pour qu'un service de police se charge lui-même d'une enquête, il faut qu'il possède une expertise en comptabilité et en comptabilité judiciaire et il doit comprendre le système de gestion économique que nous avons au Canada. En général, le service ferait appel à l'expertise d'un organisme ou d'une agence plus importants ayant l'expérience et les connaissances voulues pour lui permettre de mener des enquêtes sur le blanchiment d'argent.
Mais tout commence avec l'agent de patrouille. C'est vraiment là que tout commence. L'agent comprend qu'un voyage à l'étranger coûte cher. Dans bien des endroits, c'est même très cher, selon le mode de déplacement. Cet agent comprend qu'il a l'occasion de rechercher des billets d'avion, des factures Visa, des reçus, de l'argent comptant, qu'il s'agisse de la personne qui voyage ou de son entourage, et je parle ici des voyageurs à haut risque, ou d'autres types de personnes qui pourraient avoir participé à des actes terroristes au Canada. Tout le monde joue un rôle. Je parle de l'agent patrouilleur, mais également des cadres supérieurs, à mon niveau, pour pouvoir travailler ensemble, plus particulièrement avec le CANAFE. Le CANAFE fournit des rapports annuels à tous les chefs de police du pays pour que nous puissions travailler tous ensemble.
Le président : Honorables collègues, me permettez-vous de continuer sur cette question? Je pense que c'est un sujet important. On nous a informés que l'on est passé de 50 à 53 organisations terroristes agissant d'une manière ou d'une autre ici au Canada. Voilà ce que notre comité a appris. On nous a parlé également du grave problème du financement du terrorisme par le biais d'organismes de bienfaisance qui prétendent faire du travail humanitaire.
Ce que je ne comprends pas, c'est que plusieurs témoins sont venus nous dire que ce problème existe, ils ont décrit le problème et son ampleur, mais à ce que je sache, il n'y a pas eu d'accusations portées au cours des 10 dernières années.
Le seuil est-il trop élevé par rapport à ce que notre système judiciaire exige pour porter des accusations ou existe-t-il un autre moyen de mener ce genre d'enquête afin d'obtenir les preuves nécessaires pour porter ces accusations? Cela doit nécessairement vous inquiéter, vous et le grand public, si c'est effectivement ce qui se passe et que rien n'est fait. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
M. Tod : Oui. C'est vrai. Nous nous inquiétons du financement d'activités terroristes au Canada ou par des citoyens canadiens à l'étranger. Jusqu'à présent, la difficulté était de prouver que ces fonds servaient à faciliter le terrorisme et de suivre la piste des fonds — « suivez l'argent », c'est le terme que nous utilisions quand j'étais enquêteur des fraudes — et de montrer que le résultat final était bien que l'argent facilitait vraiment un acte terroriste ou une forme ou autre de terrorisme. C'est là qu'a toujours été la difficulté.
Auparavant, il s'agissait en partie de l'expérience et des connaissances que possédaient les services policiers. Je crois que nous avons tous bien travaillé pour améliorer la situation. Mais la grande question est de savoir combien d'argent venant du Canada sert en fait à faciliter des actes terroristes au Canada et ailleurs dans le monde et ce chiffre, nous ne le connaissons pas. Je ne peux pas vous donner le montant exact pour le pays ni le pourcentage par rapport au terrorisme dans le monde. Je ne le sais pas. Bien des aspects entrent en jeu, mais nous examinons toujours cette question dans le cadre des enquêtes sur les activités terroristes et nous recherchons toujours la source des fonds et les moyens de facilitation. Les montants ne sont pas très élevés en général, d'après notre expérience.
Le président : On nous a dit, je pense que c'était à la dernière réunion du comité, que c'est un montant allant jusqu'à six chiffres. Nous parlons de centaines de milliers de dollars pour une seule organisation, selon les témoignages que nous avons entendus.
Je voudrais revenir à ma question. Le seuil est-il trop élevé pour des organismes tels que votre service de police ou d'autres? Demande-t-on que des accusations ne soient pas portées ou est-ce que je peux formuler ma question ainsi : D'après votre expérience et ce que vous savez d'autres services policiers, est-ce que l'on compile des informations, est-ce que différents services d'application de la loi mènent des enquêtes qui sont ensuite présentées au bureau du procureur de la Couronne, mais que l'on n'y donne pas suite? Est-ce bien ce qui se passe?
M. Tod : Je ne peux pas vous donner une réponse précise. Je suis désolé.
Le sénateur Day : La réunion de Calgary se déroulait sous les auspices de quel organisme, les chefs de police?
M. Tod : C'était le chef du service de police de Calgary.
Le sénateur Day : Comment cela se passe-t-il? Vous avez dit que d'autres conférences vont avoir lieu. Est-ce les contribuables d'une région donnée qui en défraient les coûts? Avez-vous un système de roulement au sein de l'Association canadienne des chefs de police?
M. Tod : Nous n'avons pas de système de roulement. Le forum dont j'ai parlé et qui s'est déroulé les 16 et 17 septembre était en fait le tout premier que le Comité sur l'antiterrorisme et la sécurité nationale de l'ACCP ait organisé. Nous avons déjà parlé d'extrémisme dans le milieu de l'ACCP, mais c'était la toute première fois que nous tenions un forum sur la question du terrorisme. Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, chaque chef de police est responsable de la sécurité publique dans sa propre localité.
Le sénateur Day : Oui.
M. Tod : Le chef Hanson de Calgary a pris l'initiative — je suppose que c'est en grande partie à la suite de ses discussions avec d'autres services policiers de l'Alberta et de la police nationale — et a décidé que les agents de l'Alberta auraient tout intérêt à écouter l'avis des experts qu'il a invités à l'événement. Je crois qu'il a procédé de son propre chef, comme pour la conférence de Niagara Falls au mois de décembre. C'est le chef des services policiers régionaux de Niagara et de la Section provinciale de lutte contre le terrorisme qui a décidé d'organiser une conférence sur les attentats terroristes et la radicalisation.
Le sénateur Day : Mais c'est assez aléatoire. Vous vous contentez d'espérer qu'un chef dans telle ou telle région aura l'idée de convoquer une conférence pour échanger des informations au lieu de décider objectivement de partager ces informations à intervalles réguliers, tous les six mois ou à la fréquence que vous voudrez.
M. Tod : C'est surtout à cause du phénomène de radicalisation, qui est devenu un enjeu majeur depuis l'an dernier, que de nombreux chefs de police ont décidé de prendre l'initiative. Le Comité sur l'antiterrorisme et la sécurité nationale de l'ACCP compte un représentant des services policiers de Calgary. Je ne peux pas vous dire si l'idée de la conférence vient du comité dans le cadre de nos travaux sur la radicalisation et le terrorisme ou si c'est le représentant qui l'a suggérée une fois de retour au service. Toujours est-il qu'il nous faut surveiller la question, comme nous le faisons, et nous offrons de l'aide en proposant des conférenciers et des experts aux chefs de police qui souhaitent organiser des conférences sur le terrorisme.
Le sénateur Day : Avez-vous participé à la table ronde sur la lutte contre l'extrémisme?
M. Tod : Je ne participe pas à cette tribune.
Le sénateur Day : Est-ce le genre de chose à laquelle on vous inviterait à participer à l'occasion?
M. Tod : Désolé, je ne peux pas répondre sans avoir de données précises.
Le sénateur Day : La Table ronde transculturelle sur la sécurité.
M. Tod : Je ne connais pas du tout ce comité.
Le sénateur Day : Et qu'en est-il du programme de la GRC dont nous venons d'entendre parler, à savoir le programme de lutte contre l'extrémisme violent, ainsi que les séances de formation connexes? Êtes-vous au courant?
M. Tod : J'ai reçu deux exposés à ce sujet, oui.
Le sénateur Day : Est-ce quelque chose d'utile qu'il faudrait maintenir à votre avis?
M. Tod : Très utile et opportun.
Le sénateur Day : Merci. C'est utile de le savoir.
Le sénateur Ngo : J'aimerais poursuivre en revenant à la question soulevée par le président et d'autres personnes ici. Nous savons que plus de 130 Canadiens ont des activités liées au terrorisme à l'étranger et participent notamment à des activités de formation, de collecte de fonds, de promotion d'opinions radicales, voire à la planification d'actes terroristes violents. Nous savons également que quelque 80 d'entre eux sont revenus au Canada.
La Loi sur la lutte contre le terrorisme vous permet-elle d'arrêter temporairement les personnes soupçonnées de terrorisme?
M. Tod : Des arrestations temporaires?
Le sénateur Ngo : Oui, des arrestations temporaires, car la Loi sur la lutte contre le terrorisme le permet. L'avez-vous fait jusqu'ici? Selon le président, pour l'instant nous n'avons qu'une seule inculpation.
M. Tod : Je ne suis pas du tout au courant.
Le sénateur Ngo : Savez-vous combien de fois la Loi sur la lutte contre le terrorisme a été invoquée pour arrêter ces personnes?
M. Tod : Je ne peux pas répondre à cette question non plus, monsieur.
Le président : Chers collègues, je crois que nous sommes tous en train d'essayer de comprendre ce que fait la GRC, ce que fait votre organisation avec les autres organismes d'application de la loi.
J'aimerais juste revenir aux 80 ou 90 personnes qui ont été jugées à haut risque pour la sécurité. Est-ce uniquement la GRC qui s'en occupe ou est-ce que vous y participez si une partie de la surveillance et du contrôle de ces personnes se déroule dans la province de l'Ontario?
M. Tod : Nous offrons de l'aide aux équipes chargées de faire appliquer la sécurité nationale — et je parle au nom de la Police provinciale de l'Ontario —, nous offrons un soutien spécifique et une aide aux enquêtes à l'équipe chargée de la sécurité nationale pour toutes les activités, qu'il s'agisse d'un voyageur à haut risque ou d'un attentat proprement dit. Nous leur fournissons des ressources continuellement, notamment pour les besoins de surveillance, ainsi que de l'aide technique et l'analyse des renseignements. Nous leur fournissons de l'aide continuellement. Il en est ainsi pour le partenariat que nous avons en Ontario.
Le président : Mais dites-moi : ce n'est pas vous qui décidez si une accusation doit être portée. Ce n'est pas vous qui présentez le cas au procureur; c'est la GRC, n'est-ce pas?
M. Tod : Dans une large mesure, oui, en effet.
Le président : Pourriez-vous en décider?
M. Tod : Oui, nous le pourrions certainement. N'importe quel chef de police en Ontario a le pouvoir de le faire.
Le président : Je voudrais vous poser une question pour poursuivre sur ce sujet. Compte tenu des lois qui ont été approuvées par le Parlement sur le terrorisme — et j'estime qu'elles sont très claires; je ne crois pas qu'on puisse avoir des doutes sur leur contenu — pourquoi ne sommes-nous pas en train de porter des accusations contre certaines de ces personnes compte tenu de ce que nous savons? Le seuil est-il si élevé que vous devez vous fonder sur une preuve pour porter une accusation?
M. Tod : Vous parlez des voyageurs à haut risque?
Le président : Oui.
M. Tod : Je dirais que le seuil n'est pas trop élevé. Il est très difficile pour les agents de police d'obtenir, d'analyser et de comprendre les renseignements pour pouvoir porter une accusation. Cela exige énormément de ressources. Pour vous donner une idée, si une personne est sous surveillance 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, il nous faudrait une équipe de 30 agents par jour pour cette seule personne.
Le chiffre que vous avez mentionné, sénateur, 130, ou les 80 personnes de retour au Canada, si vous le multipliez par 30 agents par jour, le nombre de ressources policières nécessaires est absolument énorme. Et ce n'est là que l'élément humain de la surveillance matérielle. Il y a ensuite la surveillance technique, qui représente également un très grand défi pour les services policiers. Nous pourrions en fait épuiser une grande partie de nos ressources de surveillance et de nos ressources techniques si nous nous occupions des voyageurs à haut risque aux dépens d'autres éléments du crime organisé et d'autres facilitateurs d'actes criminels dans nos collectivités.
Le défi c'est d'avoir à commencer par déterminer le niveau de menace que posent les personnes qui font partie du groupe en question, et je n'ai pas un chiffre précis avec moi aujourd'hui. Leur nombre change continuellement.
Le président : Pouvez-vous nous faire parvenir cette information?
M. Tod : Je peux l'obtenir au besoin, oui.
Le président : Mais pourriez-vous l'obtenir pour nous?
M. Tod : Oui.
Le sénateur White : J'apprécie ce que vous dites sur le fait de travailler ensemble. Nous avons accueilli le commissaire de la GRC encore tout récemment, ainsi que d'autres représentants de la police. Nous sommes conscients des coupures que la GRC a subies elle aussi depuis quelques années. La GRC dispose-t-elle des ressources nécessaires aujourd'hui pour poursuivre ses activités tout en consacrant l'énergie dont nous avons tous besoin pour contrer cette menace? Comme vous ne travaillez pas pour la GRC, vous pouvez parler franchement, j'en suis sûr.
M. Tod : Je suis au courant de certains aspects concrets du déploiement des ressources à la GRC. Je ne saurais vous donner un aperçu du déploiement à l'échelle nationale ni provinciale, pas plus que pour les autres responsabilités fédérales qu'elle partage. Ce serait injuste.
Laissez-moi vous dire que la Police provinciale de l'Ontario consacre des ressources énormes au phénomène des voyageurs à haut risque. Nous évaluons non seulement le terrorisme et nos projets de sécurité nationale, mais également tous les autres projets visant le crime organisé, les jeux de hasard, les activités criminelles et les gangs de motards criminalisés. Nous évaluons tous ces projets ou cibles d'enquête, mais nous avons aussi besoin de ressources pour nous occuper des menaces les plus pressantes dans nos collectivités. En ce moment, nous nous concentrons sur les voyageurs à haut risque.
La GRC a-t-elle assez de ressources? Je crois que le commissaire de la GRC peut vous répondre beaucoup mieux que moi. Pourrait-elle en utiliser davantage? Je dirais que la réponse sera invariablement « oui », et je le dis avec beaucoup de prudence, car je comprends les difficultés économiques. Je sais ce que cela coûte pour nos collectivités. Je le comprends. Nous devons déployer chaque jour nos ressources le plus efficacement possible, et c'est ce que nous essayons de faire.
Le sénateur White : J'apprécie votre réponse, monsieur le sous-commissaire, vraiment. Je crois que c'était lundi après-midi que nous avons accueilli M. Yaworski du SCRS, l'après-midi même où le soldat a été tué au Québec, il me semble que c'était même aux alentours de la même heure. Nous lui avons posé la question, je ne me souviens plus qui l'avait posée, à savoir si nous avions oui ou non assez de ressources dans ce pays pour surveiller les activités de ces 85 personnes, sans parler des personnes à risque moyen ou faible qui peuvent passer de moyen à élevé et vice versa. Il avait répondu qu'il nous fallait toujours prendre un risque et décider de nos priorités. Cette semaine-là, nous avons assisté à deux incidents où les personnes, l'une d'elles sous surveillance, l'autre pas, ont réussi à faire ce qu'elles avaient l'intention de faire.
Que la GRC ait ou non assez de ressources, vous pensez qu'au Canada nous n'avons pas assez de ressources pour faire face à cette situation en plus de tout ce que nous devons faire. C'est bien cela?
M. Tod : Encore une fois, c'est une question très difficile. Je crois qu'elle se résume à une question de capacité de gestion du risque, la capacité de gérer le risque dans une organisation. Plus l'organisation est petite, moins on est en mesure de gérer un risque. Plus l'organisation est grande, plus le budget pour la police l'est aussi, plus il y a de ressources humaines et il est plus facile de gérer le risque. Je crois que les principaux organismes d'application de la loi au Canada peuvent gérer le risque malgré des ressources humaines et financières restreintes. Je ne réponds peut-être pas franchement, mais comme je l'ai dit, pourrions-nous utiliser davantage de ressources? Absolument. Le tout dépend de la stratégie de gestion du risque et de l'attention qu'on lui accorde. Compte tenu des diverses hiérarchies et modèles de gouvernance des services policiers, ce sont là des questions qu'il faudrait poser aux dirigeants des services policiers locaux. Quels risques prenez-vous? Quels risques gérez-vous? C'est sur ce point que le débat doit s'articuler en matière de ressources et de déploiement.
Le président : Mais tout cela ne nous ramène-t-il pas au seuil qu'on vous demande de respecter pour pouvoir procéder à des poursuites judiciaires? S'il vous faut 30 policiers par jour pour surveiller une seule personne, nous n'avons pas assez d'argent au Canada pour le faire avec des chiffres pareils, qui ne font qu'augmenter d'ailleurs. Il doit y avoir d'autres remèdes à part la surveillance et des choses de ce genre. C'est une question à volets multiples. Êtes-vous d'accord?
M. Tod : Absolument, sénateur, je suis d'accord. La capacité d'obtenir des renseignements sur les criminels, comme vous l'avez dit, est une affaire coûteuse, compte tenu des besoins de surveillance et des ressources humaines nécessaires. C'est aussi très cher sur le plan des capacités techniques. Le seuil pour déterminer la criminalité, si je peux m'exprimer ainsi, l'activité terroriste qui exige qu'une accusation soit portée, ce seuil est normal. C'est la capacité d'obtenir des renseignements, de les analyser et de faire en sorte que tout le monde y ait accès qui est très important pour définir la menace et porter une accusation.
Le président : Eh bien, il est évident que nous n'obtenons pas d'informations, puisque nous n'avons pas encore porté d'accusations, sauf dans un cas.
Le sénateur Day : Je voulais simplement que vous commentiez la question de la mobilisation communautaire dont nous parlions tout à l'heure. Plusieurs services policiers, surtout les plus importants, le font depuis un certain temps et recueillent des renseignements sur le crime organisé, les gangs de motards, et cetera. Nous voilà face à l'antiterrorisme, qui est un stade précriminel et exige énormément de ressources. Je déduis de ce que vous avez dit que seuls les services policiers les plus importants pourraient y participer, car les plus petits sont trop occupés par l'aspect détection et inculpation.
Du point de vue des services policiers qui participent à la collecte de renseignements précriminels, à la mobilisation communautaire pour tenter de voir s'il se passe des choses anormales, est-ce l'Association canadienne des chefs de police qui s'en occupe ou laissez-vous à chaque chef de police le soin de parler de mobilisation et d'équilibre ethnique et de tous ces facteurs importants, en particulier lorsqu'il s'agit de sensibiliser une collectivité? D'où vient l'initiative?
M. Tod : Je ne peux pas parler de ce que font d'autres comités de l'ACCP. Je m'en tiendrai donc à l'Ontario.
Comme je vous l'ai dit, depuis 2009, le modèle de surveillance policière privilégié en Ontario est celui de la mobilisation et de la participation communautaire et les quatre champs d'action concrets dans le cadre de ce modèle sont la mobilisation et la participation, la liaison et la participation, la collaboration axée sur le risque et enfin, la suppression policière. Tout service, quelle que soit sa taille, a la possibilité de remplir les quatre quadrants du modèle de mobilisation et participation.
Je vais vous parler plus spécialement de l'Ontario. C'est le modèle que nous avons privilégié pour nos groupes de travail sur la sécurité communautaire et pour permettre à la collectivité de diriger le volet liaison et participation; autrement dit, la liaison concerne le travail avec la collectivité pour l'aider à prospérer, mais il appartient à la collectivité de s'engager. La police facilite et prend du recul. Nous offrons notre appui et nous permettons ensuite à la collectivité proprement dite d'identifier ce que nous appelons des personnes à risque critique, en grande partie en raison de facteurs criminogènes — santé mentale, dépendances, absentéisme, itinérance, pauvreté, ce genre de choses. Après quoi nous avons le volet suppression, le travail policier. Nous travaillons dans ce que l'on appelle l'espace criminel.
Quand vous parlez d'espace précriminel, pour moi l'espace précriminel en Ontario correspond au volet liaison et participation. L'espace précriminel est là où la police n'a qu'une responsabilité minime et un rôle limité à jouer. L'espace précriminel correspond en fait au volet collaboration communautaire. C'est là que la police et les responsables communautaires cherchent ensemble à identifier les personnes à risque critique, les problèmes et les préoccupations, et cherchent à collaborer.
Le dernier volet, c'est lorsque la collaboration ne va pas fonctionner, la liaison ne va pas fonctionner, la participation ne va pas fonctionner et que nous devons faire notre travail de police, faire enquête, accuser et poursuivre les gens.
Le sénateur Day : La GRC nous a informés que cette nouvelle initiative visant à contrer l'extrémisme violent se situe à la phase précriminelle et qu'elle comporte un aspect de sensibilisation communautaire extrêmement important, mais que les chefs de police ou les services policiers de tout le Canada, autres que la police nationale, n'y participent pas beaucoup.
M. Tod : Je crois que tous les services policiers vont y participer. Je sais que les chefs de police de tout le Canada comprennent désormais l'aspect participation et liaison et ce groupe de risques. J'appelle cela une collaboration axée sur le risque. Il s'agit de travailler de concert avec les collectivités.
En 2008, j'ai visité Prince Albert, et le chef McFee, aujourd'hui le sous-ministre McFee, était en train de lancer tout cet aspect de la mobilisation communautaire. Au fil des ans, c'est devenu une véritable approche en collaboration pour identifier ce qu'ils appellent un milieu névralgique, et il y en a beaucoup. Vous l'avez peut-être entendu.
Le sénateur Day : Nous avons en effet entendu cette expression, oui.
M. Tod : C'est là que s'inscrit tout l'aspect de la lutte contre l'extrémisme violent, la participation et la liaison. La collaboration se produit dans le milieu névralgique communautaire où les gens peuvent identifier des enseignants, des agences de services sociaux, des groupes communautaires de jeunes ou des groupes sportifs. Ils peuvent identifier une personne ou une inquiétude et collaborer à ce sujet sans que la police n'intervienne et fournisse toutes les ressources. Si ce mécanisme fonctionne bien, nous avons des ressources qui peuvent être consacrées de nouveau à des choses comme des enquêtes sur le terrorisme, sur le crime organisé et à d'autres activités qui relèvent de la responsabilité de la police.
Je suis peut-être en train de généraliser, mais les dirigeants novateurs auxquels nous parlons dans le mandat de l'ACCP, le leadership par l'innovation, ces dirigeants de la police comprennent cet aspect de la collaboration communautaire et la place qu'elle occupe. Cet espace précriminel est une responsabilité communautaire sur le plan de la liaison et de la participation et la responsabilité policière commence par une approche en collaboration avec nos partenaires. Mais il y a des gens dans le monde du crime organisé qui ne sont ni toxicomanes, ni sans-abri, ni démunis; ils sont scolarisés et appartiennent malgré tout à une grande organisation criminelle. C'est là que la police intervient et c'est là que nous sommes efficaces.
Le président : J'aimerais aborder un autre sujet. Je vais vous poser une question. Je vais peut-être vous mettre dans l'embarras, mais si c'est le cas, je vous demande un peu de patience.
Le premier ministre Cameron avait annoncé son intention de faire adopter une loi selon laquelle un citoyen britannique qui quitte son pays et est membre d'une organisation terroriste identifiée par son pays, verrait sa citoyenneté révoquée pendant au moins deux ans. Je crois qu'il avait annoncé cela en Australie.
Avez-vous des commentaires à ce sujet? La raison pour laquelle je pose la question c'est que quand je suis rentré chez moi la semaine dernière, de nombreuses personnes m'ont demandé « Eh bien, si les gens ont participé à de telles activités, pourquoi leur permet-on de rentrer au pays? » Évidemment, cela vous oblige, et les membres que vous représentez, à placer ces personnes sous surveillance, compte tenu de leurs activités après avoir quitté le pays.
Avez-vous réfléchi à une loi de ce genre, que le Canada ou d'autres pays pourraient envisager?
M. Tod : Non, sénateur, je n'y ai pas trop pensé, mais je préférerais consacrer notre temps et nos ressources aux citoyens qui sont actuellement au Canada pour les empêcher de se radicaliser et travailler sur la question des personnes qui voyagent à l'étranger.
Je ne crois pas que la réponse soit aussi simple que de révoquer la citoyenneté. Je ne crois pas que cela mettra fin au terrorisme ou diminuera cette menace. Je ne crois pas pouvoir répondre. Ce n'est pas une question toute simple à laquelle je puisse répondre simplement.
Le président : Chers collègues, nous avons épuisé le temps qui nous a été imparti pour cette séance. J'aimerais remercier nos témoins d'être venus. Nous vous remercions d'avoir répondu franchement à nos questions.
J'aimerais poursuivre à huis clos pendant quelques minutes avant de partir. Merci.
(La séance se poursuit à huis clos.)