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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 1 - Témoignages du 21 novembre 2013


OTTAWA, le jeudi 21 novembre 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 31, pour étudier la teneur des éléments des Sections 5, 10 et 11 de la Partie 3 du projet de loi C-4, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kevin Ogilvie. Je représente la Nouvelle-Écosse au Sénat. Je suis également président de ce comité. Avant de procéder, j'aimerais demander à mes collègues de se présenter, en commençant à ma droite.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal.

Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Eaton : Nicki Eaton, de Toronto.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Diane Bellemare, de Montréal, Québec.

[Traduction]

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

La sénatrice Cordy : Je suis Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.

[Traduction]

La sénatrice Dyck : Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton, de Toronto. Je suis le vice-président du comité.

Le président : Merci, collègues. Je rappelle à tous, pour les fins du compte rendu, que nous étudions la teneur du projet de loi C-4 et, en particulier, les éléments de la Section 5 traitant du Code canadien du travail.

Nous accueillons aujourd'hui deux groupes de témoins. Je les présenterai à mesure que je les inviterai à présenter leurs exposés. Je crois savoir qu'il y a eu entente pour que M. Walter Manning, directeur, Santé, sécurité et fonds de formation en relations industrielles d'Unifor, prenne la parole en premier. À vous, monsieur Manning.

Walter Manning, directeur, Santé, sécurité et fonds de formation en relations industrielles, Unifor : Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue au comité aujourd'hui. Toutefois, nous sommes déçus d'avoir à utiliser cette occasion pour donner notre avis sur les dispositions du projet de loi C-4, dans le Plan d'action économique, traitant de la santé et de la sécurité.

Unifor est un syndicat assez récent, formé cette année au cours du week-end de la fête du Travail, par la fusion du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier et des Travailleurs canadiens de l'automobile. Nous avons quelque 300 000 membres partout dans le pays, dont 80 000 travaillent dans des secteurs sous réglementation fédérale.

Les parties intéressées, c'est-à-dire les employeurs et les syndicats, collaborent depuis longtemps pour recommander des changements au Code canadien du travail. La proposition visant à diluer le droit de refuser un travail dangereux constitue un grave écart par rapport à une longue tradition. Unifor n'a pas été consulté au sujet de ces changements.

Au sujet du droit de refus, le gouvernement soutient que, dans l'ensemble, 80 p. 100 des refus sont injustifiés et frivoles. Notre expérience démontre plutôt que les travailleurs hésitent à exercer leur droit de refus par crainte des représailles de l'employeur, malgré les dispositions législatives qui sont censées les protéger.

Loin de déposer des plaintes frivoles, nous croyons que les travailleurs craignent d'exercer leur droit de refus, même dans le cas d'un travail évidemment dangereux. Par conséquent, au lieu de diluer le droit de refuser un travail dangereux, il aurait fallu le renforcer et veiller à ce que les travailleurs se sentent à l'abri des représailles lorsqu'ils signalent un travail dangereux.

De plus, nous devrions renforcer l'application de la loi et les inspections plutôt que d'affaiblir des gains chèrement acquis en matière de santé et de sécurité.

Au sujet de l'enquête sur le refus de travail, les dispositions supplémentaires proposées à l'article 128 du projet de loi C-4 établissent un long processus formel d'enquête sur le refus de travail nécessitant la présentation de différents rapports écrits.

L'employeur doit établir un rapport écrit en vertu du nouveau paragraphe 128(7.1). Le comité local rédige un rapport comme le prévoit le nouveau paragraphe 128(10.1). Ensuite, l'employeur peut fournir des renseignements complémentaires et demander une révision du rapport d'origine, en vertu du nouveau paragraphe 128(10.2). Puis l'employeur prend une décision, ce qui est nouveau. S'il est en désaccord, il en avise le travailleur par écrit. C'est également une nouvelle disposition. Si le travailleur maintient son refus, l'employeur en avise le ministre et produit un rapport. C'est encore une nouvelle disposition. Enfin, le ministre décide s'il y a lieu de poursuivre l'affaire.

La nouvelle insistance sur le caractère imminent du danger pour le travailleur est sans valeur compte tenu de la longueur de la nouvelle procédure destinée à parer à ce danger. Auparavant, le processus législatif permettait de prendre quelques minutes ou quelques heures pour déterminer si l'intervention d'un agent de santé et de sécurité était nécessaire. En imposant des rapports écrits, les nouvelles dispositions semblent devoir prendre des heures sinon des jours, particulièrement dans le cas d'opérations qui ne souffrent aucune interruption, comme les chemins de fer.

Si l'employeur décidait d'agir de manière frivole, vexatoire ou de mauvaise foi, il pourrait prolonger ce processus presque indéfiniment. Comme si ce n'était pas assez, la suppression du paragraphe 127.1(7) concernant l'arrêt du travail permettrait de poursuivre le travail en question durant toute cette procédure administrative, même dans le cas d'un danger réel et imminent. À notre avis, cette procédure ne fera que décourager davantage les travailleurs de signaler le travail dangereux.

Pour ce qui est de la définition du « danger » au paragraphe 122(1), le texte actuel est le suivant : Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade — même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats —, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

Voici la définition proposée : situation, tâche ou risque qui pourrait vraisemblablement présenter une menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée avant que, selon le cas, la situation soit corrigée, la tâche modifiée ou le risque écarté.

La définition actuelle de « danger » permet à un travailleur de prendre sa propre décision en déterminant de façon pragmatique et raisonnable si le travail demandé peut lui causer des blessures ou une maladie, immédiatement ou à l'avenir.

Dans la nouvelle définition, l'expression « menace imminente ou sérieuse » ouvre la porte à des discussions infinies sur le degré de risque du travail à faire, reléguant à l'arrière-plan l'enjeu véritable, qui consiste à établir s'il y a, oui ou non, danger pour le travailleur.

La définition actuelle du danger comprend les situations dont les effets sur la santé ne sont pas immédiats ainsi que l'exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur. Elle reconnaissait donc le fait historique que les effets de presque tous les produits chimiques considérés comme nocifs pour les humains ont été prouvés après que des travailleurs y ont été exposés.

La définition proposée fait abstraction de notions scientifiques maintenant établies quant aux effets des substances dangereuses sur l'organisme et oblige encore une fois le travailleur à prouver l'existence d'une relation à court terme de cause à effet plutôt que de reconnaître la période de latence de plusieurs maladies causées par l'exposition à des substances dangereuses en milieu de travail. C'est un recul inacceptable de la protection des travailleurs dans le Canada d'aujourd'hui.

Pour ce qui est du système de responsabilité interne, le projet de loi C-4 propose d'abroger le paragraphe 127.1(7) qui prévoit ce qui suit :

(7) Lorsque les personnes chargées de l'enquête concluent à l'existence de l'une ou l'autre des situations mentionnées au paragraphe 128(1), il incombe à l'employeur, dès qu'il en est informé par écrit, de faire cesser, jusqu'à ce que la situation ait été corrigée, l'utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose visée, le travail dans le lieu visé ou la tâche visée, selon le cas.

Comme nous l'avons mentionné en parlant du droit de refus, l'abrogation de cette disposition retire au comité mixte le pouvoir de suspendre le travail dangereux, même s'il a établi l'existence d'un danger.

Si l'employeur est en désaccord, il peut sans restrictions confier le travail à d'autres employés jusqu'à ce que la plainte soit acheminée au ministre en vertu de l'article 129. Cette période peut maintenant durer indéfiniment s'il faut se conformer aux dispositions de l'article 128 concernant les rapports écrits.

Il est clair que cette modification du code augmentera le risque de blessures et de décès pour les travailleurs tout en maintenant pour l'employeur la possibilité de poursuivre le travail sans restrictions. Il n'y a pas de doute que les changements proposés visent à renforcer ce que les experts appellent la sécurité théorique ou sur papier plutôt que les mesures proactives de santé et de sécurité qui favorisent l'instauration d'une meilleure culture de sécurité en milieu de travail.

J'en viens à la substitution de « ministre » à « agent de santé et de sécurité ». Les agents de santé et de sécurité sont considérés comme des experts indépendants dans l'application des décisions visant à assurer la conformité à la loi et la sécurité des travailleurs sous réglementation fédérale. La substitution proposée retire à ces experts le pouvoir d'agir de façon indépendante, à l'abri des influences politiques. Le ministre exerce maintenant un contrôle absolu sur la nomination des personnes chargées d'administrer le code et de mener les enquêtes.

Si nous voulons être sûrs que la loi est appliquée d'une manière impartiale, nous devons maintenir les attributions des agents de santé et de sécurité prévues dans la loi. Pourquoi avons-nous besoin de mesures législatives et réglementaires fermes en matière de santé et de sécurité? Dans l'arrêt R. c. Wholesale Travel Group Inc., 1991, le juge Cory a dit :

Les lois de nature réglementaire ont pour objectif de protéger le public ou divers groupes importants le composant (les employés, les consommateurs et les automobilistes pour n'en nommer que quelques-uns) contre les effets potentiellement préjudiciables d'activités par ailleurs légales. La législation réglementaire implique que la protection des intérêts publics et sociaux passe avant celle des intérêts individuels et avant la dissuasion et la sanction d'actes comportant une faute morale. Alors que les infractions criminelles sont habituellement conçues afin de condamner et de punir une conduite antérieure répréhensible en soi, les mesures réglementaires visent généralement à prévenir un préjudice futur par l'application de normes minimales de conduite et de prudence.

Le juge Cory a ajouté :

[...] bref, les mesures réglementaires sont absolument essentielles pour assurer notre protection et notre bien-être en tant qu'individus et pour permettre le fonctionnement efficace de la société. Elles sont justifiées dans tous les aspects de notre vie. Plus une activité est complexe et plus nous avons besoin des dispositions réglementaires et de leur mise en application. [...] Par la force des choses, la société se fie à la réglementation gouvernementale pour assurer sa sécurité.

Lorsqu'il est question de la santé et de la sécurité des travailleurs dans les industries à risque élevé et, bien sûr, de la sécurité du public, une réglementation ferme et une application rigoureuse sont absolument indispensables à la sécurité tant de ceux qui y travaillent que du public en général.

C'est ainsi qu'en 2013, malgré des pressions sans cesse croissantes pour augmenter la production et effectuer de nouvelles tâches, nos 2 000 membres sous réglementation fédérale travaillant pour le Chemin de fer Canadien Pacifique ont soumis deux refus de travail en vertu de l'article 128, ce qui a entraîné la production d'instructions écrites aux termes de l'alinéa 145(2)a) ordonnant à l'employeur de mettre un terme à une activité dangereuse.

Par conséquent, nous sommes d'avis que toute tentative d'atténuer les dispositions de mesures législatives aussi importantes est inacceptable. Les lois et les règlements ne sont efficaces que dans la mesure où elles sont connues, appliquées, utilisées en milieu de travail et sanctionnées par les personnes responsables de la protection de notre bien- être comme travailleurs.

Nous ne pouvons nous en remettre exclusivement aux employeurs pour assurer la sécurité de nos lieux de travail. À cause de leur raison d'être, les employeurs ont un objectif de rentabilité qui peut entrer en conflit avec la sécurité. Nous devons accepter cette situation et agir en conséquence. C'est pourquoi nous avons besoin d'une intervention vigilante et proactive du gouvernement, ce qui est incompatible avec des mesures tendant à diluer les droits des travailleurs et à réduire les pouvoirs des personnes chargées de veiller à notre sécurité.

Permettez-moi de dire en conclusion que depuis 2000, le temps perdu à cause de blessures au travail est en régression constante. Par contre, les décès sont demeurés à peu près constants à plus de 900 par an. Il faut noter que, malgré la protection supérieure qu'il assure aux travailleurs, le code actuel n'a pas réussi à réduire le nombre de décès. Cela nous amène à nous demander pourquoi nous ne cherchons pas à trouver des moyens d'améliorer la santé et la sécurité au travail plutôt que de miner les droits des travailleurs dans ce domaine.

Par conséquent, nous nous opposons aux changements qu'apporte le projet de loi C-4 aux dispositions concernant la santé et la sécurité au travail. Je vous remercie de votre attention.

Le président : Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à ETCOF, ou Employeurs des transports et communications de régie fédérale. Nous avons ici deux représentants d'ETCOF : John Farrell, directeur administratif, qui commencera, je crois, et John Beckett, président du Comité de santé et de sécurité au travail. Messieurs, la parole est à vous.

John Farrell, directeur administratif, Employeurs des transports et communications de régie fédérale (ETCOF) : Je vous remercie, monsieur le président et membres du comité, de nous avoir donné l'occasion de nous adresser à vous aujourd'hui au sujet du projet de loi C-4. Je m'appelle John Farrell. Je suis le directeur administratif d'ETCOF.

Je suis accompagné aujourd'hui de John Beckett, vice-président, Sécurité, formation et recrutement, à la British Columbia Maritime Employers Association, qui est aussi président du Comité de santé et de sécurité au travail d'ETCOF. John Beckett est également président représentant l'employeur du Comité d'examen de la réglementation et membre du conseil d'administration du Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail.

Employeurs des transports et communications de régie fédérale, ou ETCOF, représente la plupart des grands employeurs des secteurs des transports et des communications de régie fédérale. Les membres d'ETCOF comptent environ 450 000 employés sous réglementation fédérale.

ETCOF a pris connaissance pour la première fois des changements proposés à la partie II du Code canadien du travail après le dépôt du projet de loi C-4 à la Chambre des communes. Nous avons pris part à une réunion du Comité d'examen de la réglementation d'Emploi et développement social Canada. Il s'agit d'un comité tripartite établi sur une base consultative qui permet aux employeurs et aux représentants syndicaux de faire profiter le Programme du travail de leur expertise et de leurs conseils dans le but d'améliorer sans cesse la santé et la sécurité dans les lieux de travail fédéraux. C'est au cours de cette réunion qu'on nous a expliqué les dispositions du projet de loi.

ETCOF appuie les modifications proposées du Code du travail, car elles permettront de renforcer le système de responsabilité interne, d'améliorer l'efficacité et la gestion globales des agents de santé et de sécurité au travail sur le terrain et de préciser le rôle des comités de santé et de sécurité.

Nous souhaitons examiner en détail chacune de ces composantes, je vais donc céder la parole à mon collègue John Beckett, qui vous présentera le reste de notre exposé.

John Beckett, président, Comité de santé et de sécurité au travail, Employeurs des transports et communications de régie fédérale (ETCOF) : Bonjour. Je vais commencer par le renforcement du système de responsabilité interne. Les obligations et les responsabilités juridiques des employeurs, des superviseurs et des travailleurs se chevauchent et se complètent dans le but d'obtenir les meilleurs résultats possible en matière de santé et de sécurité. Ensemble, elles forment ce qu'on appelle le système de responsabilité interne. Ce concept est aussi fondamental, dans la législation en matière de santé et de sécurité, que celui de la diligence raisonnable. Le système de responsabilité interne est une composante essentielle au bon fonctionnement de tout système de santé et de sécurité au travail, dont la finalité est d'assurer la sécurité et de protéger la santé des travailleurs.

Le système législatif en place comporte des mécanismes qui permettent aux intervenants en milieu de travail de résoudre les problèmes qui se posent. Ces mécanismes prévoient notamment le partage des droits et des responsabilités : les employeurs ont l'obligation d'offrir un milieu de travail sûr, et les travailleurs ont le droit d'être informés, de participer et de refuser un travail dangereux. Mais, plus important encore, le droit de participer impose aux travailleurs de faire de leur mieux pour s'assurer que les normes les plus élevées possible de santé et de sécurité sont respectées dans le contexte particulier de chaque environnement de travail.

Le système législatif comporte aussi des mécanismes de participation destinés à régler les problèmes dès qu'ils sont signalés. Il s'agit là d'une responsabilité partagée entre les employeurs, les employés et les comités mixtes de santé et de sécurité ou les représentants en matière de santé et de sécurité.

Le projet de loi C-4 améliore le système de responsabilité interne. Les représentants des employeurs et des employés en matière de santé et de sécurité et les comités de santé et de sécurité doivent travailler ensemble pour résoudre les problèmes dans les lieux de travail sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir des agents de santé et de sécurité nommés par le gouvernement.

Depuis toujours, les comités de santé et de sécurité constituent le principal mécanisme permettant de régler les problèmes de santé et de sécurité au travail. Les employeurs et les syndicats du Canada ont énormément investi dans la formation et les processus pour s'assurer que les comités de santé et de sécurité travaillent efficacement. Le projet de loi C-4 permet de renforcer cette fonction en exigeant des employeurs et des représentants des employés de participer à l'évaluation et à la résolution des problèmes liés aux pratiques de travail dangereuses et au refus de travailler.

En ce qui concerne la définition du danger, le projet de loi C-4 propose de la remplacer par « menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée ». Cette définition ne limite pas le droit des employés de refuser de travailler dans des conditions dangereuses et ne réduit pas la protection prévue par le Code canadien du travail. La définition actuelle, beaucoup plus générale, prête à une évaluation spéculative des risques fondée sur le danger éventuel d'activités futures, ce qui contribue inévitablement à des refus de travail injustifiés. Les conjectures liées à des conditions de travail qui ne présentent pas un danger imminent ou sérieux doivent être examinées par les intervenants du milieu de travail, par l'intermédiaire des comités de santé et de sécurité, sans qu'il soit nécessaire d'exercer le droit de refus de travailler et de requérir l'intervention du gouvernement. Aucune des deux parties ne prend à la légère le refus de faire un travail dangereux.

L'approche actuelle consiste en un processus en trois étapes auquel participent les parties. Le projet de loi C-4 améliore ce processus en exigeant des rapports écrits de l'employeur et renforce le rôle du comité de santé et de sécurité dans les enquêtes relatives aux refus de travail

J'ai une diapositive qui a été distribuée. Présentée en noir et en rouge, elle explique les modifications apportées au système. J'aimerais vous les expliquer brièvement.

Sur la diapositive que vous avez devant vous, les éléments en noir constituent l'actuel processus en trois étapes. Au départ, l'employé qui croit qu'il est sur le point d'entreprendre un travail dangereux en parle à l'employeur. En réalité, il en parle à son superviseur, lui disant : « Il y a un problème que nous avons besoin de résoudre. » La plupart des refus qui se produisent tous les jours s'arrêtent à ce stade parce que le superviseur répond : « Vous avez raison. Nous allons régler le problème pour pouvoir nous remettre au travail. »

Dans le processus actuel, si le superviseur n'est pas d'accord, l'employeur charge un membre du comité de santé et de sécurité de participer à l'enquête avec l'employé qui refuse de travailler et son superviseur. Les trois en discutent et décident s'il y a vraiment danger. Si c'est le cas, on s'occupe de l'élément dangereux et chacun reprend le travail. S'il n'y a pas de danger, le processus actuel impose d'appeler l'employeur et le Programme du travail pour qu'un agent de santé et de sécurité vienne s'occuper du refus.

Dans le nouveau processus, d'autres étapes sont ajoutées pour améliorer et mieux cibler l'enquête faite par les parties. Si l'employé refuse toujours, il en parle avec le superviseur, qui en fait rapport à l'employeur. Celui-ci fait une enquête auprès de l'employé.

L'employeur doit alors remettre à l'employé un rapport écrit sur sa conclusion. Encore une fois, si le risque est éliminé, chacun reprend le travail. En cas de désaccord, on fait appel au comité de santé et de sécurité.

L'amélioration apportée à ce stade est que le comité et les représentants de l'employeur et de l'employé doivent participer à l'enquête et produire un autre rapport à présenter à l'employeur pour lui dire si, oui ou non, il y a danger. C'est une deuxième étape qui est ajoutée. De plus, comme le rapport doit être présenté, c'est une troisième étape supplémentaire.

Il y a encore une étape à ce stade : si l'employeur possède des renseignements complémentaires que les intéressés n'ont peut-être pas songé à examiner, il peut les produire. Une fois de plus, s'il est établi qu'il y a danger, on élimine le risque et les gens reprennent le travail. Autrement, l'employeur rédige un rapport final adressé à l'employé pour exposer toute l'information recueillie et expliquer les raisons pour lesquelles il ne croit pas qu'il y a du danger. À ce point, s'il y a encore désaccord, l'employeur téléphone à un agent des affaires du travail pour lui demander d'intervenir.

Pour nous, le projet de loi introduit quatre étapes supplémentaires et renforce le rôle du comité de santé et de sécurité.

Nous croyons que le gouvernement ne doit intervenir qu'en cas d'échec du système de responsabilité interne. Ce n'est pas le cas dans le secteur fédéral. On a trop souvent demandé aux agents des affaires du travail d'intervenir beaucoup trop tôt dans le processus, ce qui a eu pour effet de miner les responsabilités des employeurs, des employés et de leurs représentants dans la recherche commune de solutions appropriées.

Les statistiques fournies par le Programme du travail indiquent qu'au cours des 10 dernières années, environ 80 p. 100 des refus de travailler qui ont nécessité l'intervention du gouvernement n'étaient pas fondés. Un pourcentage aussi élevé indique que la majorité des refus de travail sont injustifiés.

Les intervenants du milieu de travail sont mieux placés pour évaluer et gérer ces risques que les agents de santé et de sécurité, car l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité nécessite souvent une expertise et des connaissances techniques liées au lieu de travail. Il y a de nombreux exemples d'interventions hâtives et injustifiées des agents de santé et de sécurité, qui réduisent l'efficacité du système réglementaire fédéral en matière de santé et de sécurité. Demander au gouvernement d'intervenir dans le cas de risques hypothétiques revient à lui demander de remplir un rôle d'expert dans des domaines où les données probantes sont rares, voire inexistantes. Ce rôle doit être assumé par les parties du milieu de travail.

Dans les provinces, les ministres du Travail et les commissions des accidents du travail ont mis au point des protocoles semblables à ceux qui sont proposés dans le projet de loi C-4, de façon à minimiser les interventions touchant le système de responsabilité interne en matière de santé et de sécurité au travail. La plupart des provinces n'ont pas défini le danger, et celles qui l'ont fait l'assimilent à une menace imminente pour la vie et la santé.

Le dernier point que je veux aborder concerne l'amélioration du système gouvernemental. Les changements proposés dans le projet de loi C-4 retirent des responsabilités déléguées jusqu'ici aux agents de santé et de sécurité pour les confier au ministre du Travail. Cette modification est conçue pour améliorer la gestion et la délégation des responsabilités sur le terrain, y compris les responsabilités déléguées aux agents de santé et de sécurité. Il ne s'agit pas de réduire leur rôle ou leur effectif, que nous appuyons énergiquement.

ETCOF appuie les dispositions du projet de loi conçues pour assurer une répartition plus efficace des ressources par le ministre du Travail, de façon à libérer des fonds à consacrer au règlement des problèmes sérieux de santé et de sécurité et au renforcement de la clarté et de la cohérence des décisions prises en milieu de travail partout dans le pays.

Parmi les mesures positives proposées dans le projet de loi, il y a lieu de signaler la possibilité de combiner les problèmes de santé et de sécurité identiques ou semblables et le fait que le ministre est habilité à se fonder sur les conclusions d'enquêtes antérieures du même employeur sur la même question ou une question très proche. Ces initiatives permettront aux agents de santé et de sécurité de concentrer davantage leurs efforts sur d'importants problèmes ainsi que sur des mesures proactives destinées à améliorer la santé et la sécurité en milieu de travail.

M. Farrell : Je voudrais juste mentionner un dernier point. Quand viendra le temps de changer la législation du travail et d'élaborer des règlements et des directives sur la mise en œuvre des mesures législatives et réglementaires, il conviendra de prendre en compte les conseils avisés des intervenants du milieu de travail.

ETCOF est favorable à des consultations prélégislatives aussi vastes que possible, chaque fois qu'elles peuvent être organisées. Nous remercions le comité de son attention.

Le président : Merci à vous tous. Je vais maintenant donner la parole à mes collègues pour qu'ils puissent poser des questions. Nous allons commencer par le sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Merci beaucoup, messieurs, de votre présence et de votre contribution à notre examen de ces dispositions du budget.

La définition de « danger » qui figure actuellement dans le code était le fruit de plusieurs années de travail. Elle avait été adoptée en 2000 et avait fait l'objet d'importantes consultations avec les représentants tant des employeurs que des employés. Dans le cas de la nouvelle définition, je n'ai pas l'impression qu'il y a eu beaucoup de consultations.

Est-ce que les trois témoins peuvent me dire si des consultations sérieuses ont eu lieu et si elles ont abouti à ce changement de la définition?

M. Farrell : ETCOF n'a pas été consulté avant la rédaction de ces mesures.

Le sénateur Eggleton : D'accord. C'est parfaitement clair. Et vous, monsieur Manning?

M. Manning : Unifor n'a pas été consulté du tout.

Le sénateur Eggleton : Je vois. Très bien. Je vous remercie, monsieur Beckett, pour ce tableau que vous nous avez décrit. Il me semble clair, en le regardant et surtout en examinant les éléments en rouge, que le nouveau processus est plus long que l'actuel puisqu'il exige davantage de rapports écrits. J'ai l'impression que cela ralentira les choses alors qu'à l'heure actuelle, s'il y a entente entre les parties, on peut facilement remédier au problème. S'il n'y a pas d'entente, on a recours à des tiers, les agents de santé et de sécurité. On fait appel à ces gens, qui viennent régler le problème. Maintenant, il y a tous ces rapports écrits à produire et on n'a plus à faire appel aux agents de santé et de sécurité. En cas de désaccord, l'affaire finit devant le ministre. J'ai nettement l'impression que ce processus n'avantage personne.

M. Beckett : Ce sont de bonnes observations, mais je ne suis pas d'accord avec vous. Parlons du processus actuel. Tout d'abord, quand un employé refuse de faire un travail, cela occasionne une situation très éprouvante. Il y a beaucoup de tension parce que le travail n'est pas fait. Il y a une machine qui cesse de fonctionner, des marchandises qui ne sont pas déchargées ou quelque chose d'autre qui ne se produit pas : le travail s'arrête lorsqu'il y a un refus.

Comme je l'ai déjà dit, la majorité des refus qui se produisent couramment tous les jours n'ont rien à voir avec cette discussion.

Un travailleur perçoit un danger et en parle à son superviseur. Le superviseur dit : « Oui, vous avez raison, les feux ne fonctionnent plus », ou bien « La ceinture de sécurité est défectueuse. Nous allons la réparer, puis reprendre le travail. » Ces incidents ne sont jamais consignés. Ils ne font pas partie de notre discussion. Je dirai qu'ils représentent probablement 95 p. 100, peut-être même 99 p. 100 des refus qui se produisent.

Toutefois, dans le processus actuel en trois étapes, il y a des cas qui occasionnent beaucoup de tension et de colère. La situation dégénère rapidement à partir du moment où le travailleur dit « Je refuse ». Le superviseur éprouve de la frustration. À ce stade, on fait appel au comité de sécurité et on demande à l'agent des affaires du travail d'intervenir immédiatement. Il n'y a pas vraiment d'enquête selon l'intention des mesures législatives actuelles.

Par ailleurs, lorsqu'il y a un refus et que le travail ne se fait pas, de fortes pressions s'exercent sur toutes les parties pour que le travail reprenne. On a affirmé tout à l'heure que les nouvelles dispositions ralentiront le processus. Ce n'est pas le cas. En fait, elles y mettront plus de rigueur.

Le sénateur Eggleton : Qu'en pensez-vous, monsieur Manning?

M. Manning : Pour nos membres — et je crois que c'est la même chose pour n'importe quel travailleur —, invoquer le droit de refus est bien la dernière chose qu'ils souhaitent faire. C'est vraiment très éprouvant. John vient de dire que lorsque cela se produit, le superviseur éprouve une grande frustration. C'est une situation que personne ne souhaite.

Nous sommes d'avis que les changements proposés ont pour but d'intimider encore plus le travailleur. Pourquoi voudrais-je invoquer mon droit de refus s'il faut passer par tous ces niveaux différents? Il faut écrire ceci à tel comité, écrire cela à tel autre comité. Avoir à supporter encore plus de stress est bien la dernière chose que veut un travailleur. Nous avons donc l'impression que les changements envisagés visent à intimider les travailleurs et à faire en sorte que le lieu de travail ne soit plus aussi sûr ou convivial.

Le sénateur Eggleton : J'ai une seule autre question à poser. La nouvelle définition ne comprend plus l'expression « effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur ». Qu'est-ce que vous en pensez?

Au chapitre des effets à long terme, nous entendons parler depuis longtemps de nombreux cas de personnes qui ont fini par tomber malades par suite de leurs conditions de travail : au bout d'un certain temps, les gens sont atteints d'un cancer ou d'une autre maladie chronique. Pourquoi a-t-on supprimé cette expression? Pourquoi appuieriez-vous cette suppression?

M. Beckett : Je préfère une définition ciblée plutôt que la définition générale que nous avons actuellement. En toute franchise, je crois que cette définition très vaste a abouti, comme le montrent les statistiques, à ce qu'environ 80 p. 100 des refus sont jugés non fondés, même après appel.

La définition ciblée assure quand même une certaine protection contre les préjudices physiques et les effets à long terme sur la santé. Elle parle de « menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé ». La menace pour la santé peut être immédiate, par exemple en cas d'exposition des mains à un produit chimique, ou à long terme, comme en cas d'exposition à de l'amiante, dont nous savons que les effets ne se manifestent qu'au bout de 20 ou 30 ans. Les deux aspects sont implicites dans la nouvelle définition.

Le code prévoit d'autres protections contre les produits chimiques dans les sections portant sur les aspects préventifs. Il ne faut pas perdre de vue que le code compte une vingtaine de sections. Toute importante qu'elle soit, cette demi-page n'aborde pas l'aspect prévention. Elle ne parle que de ce qui peut se produire en cas d'échec des moyens préventifs. Les 20 autres sections traitent toutes de prévention. Aucune d'entre elles n'a été modifiée.

M. Manning : Je voudrais faire un commentaire au sujet des statistiques que John cite, et notamment les 80 p. 100 de cas de refus de travail jugés frivoles ou sans fondement.

Je ne sais pas d'où viennent ces statistiques. J'ai fait des recherches, mais je n'ai pas réussi à les trouver. Ce que je sais par suite de mes recherches, c'est que dans les 10 dernières années, nous n'avons probablement eu qu'un millier de cas de refus. Par rapport à un effectif d'un million de travailleurs, ce n'est vraiment pas beaucoup.

Pour revenir à votre question, sénateur, au sujet des risques pouvant occasionner d'autres maladies, nous croyons que la formulation actuelle devrait être maintenue. Le fait que d'autres dispositions du code assurent la même protection ne suffit pas. Combien de travailleurs qui se présentent à l'usine tous les jours connaissent le code d'un bout à l'autre? La définition actuelle les renseigne bien s'ils en ont besoin. Il y a des choses comme le carburant diesel, par exemple, qui viennent d'être reconnus comme cancérigènes. Beaucoup de nos membres dans les chemins de fer travaillent près de moteurs diesel et autres, et sont exposés à un danger dont les effets ne sont pas immédiats. Nous devons veiller à ce que les hommes et les femmes qui prendront leur retraite dans 25 ou 30 ans ne seront pas à l'article de la mort parce qu'ils ont respiré des vapeurs de carburant diesel pendant de longues années sans que nous ayons rien fait pour les protéger.

La sénatrice Eaton : J'aimerais poursuivre dans la même veine. Vous allez devoir me renseigner, monsieur Manning et monsieur Farrell. Je voudrais faire un suivi de la question posée par le sénateur Eggleton au sujet de la définition de « danger ».

Le changement n'empêchera pas les travailleurs de dire que quelque chose est dangereux. La nouvelle définition n'interdira pas aux gens de dire : « Je me sens en danger. » Les travailleurs continueront d'être rémunérés, si j'ai bien compris. On les garde et on les paie indépendamment de la durée du processus.

M. Beckett : C'est exact.

La sénatrice Eaton : Monsieur Manning, vous connaissez bien les chaînes de production. Il n'y a pas de doute, si vous construisez une usine ou exploitez un chemin de fer, des événements dangereux peuvent survenir à n'importe quel moment. Je ne pense pas que la nouvelle définition modifie la situation, mais, dans le cas d'une usine qui fonctionne ou d'une chaîne de production ordinaire, il n'arrive pas souvent que des choses deviennent soudain dangereuses sans qu'il soit possible d'y remédier immédiatement, comme dans le cas d'une ceinture de sécurité qui se rompt ou d'un garde- corps qui se détache sur la chaîne de production. J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi vous croyez que le changement est tellement important et pourquoi vous pensez que des dangers vont surgir tout à coup et être beaucoup plus graves qu'ils ne le sont actuellement.

M. Manning : C'est une bonne question. Vous avez donné l'exemple de la ceinture de sécurité, mais ce ne sont pas les choses de ce genre qui nous inquiètent parce qu'en général, elles sont faciles à réparer. Nous craignons en fait qu'en limitant le danger à une « menace imminente », on multiplie les désaccords sur ce qui constitue ou non un danger immédiat.

Je conviens que les travailleurs gardent le droit de refuser de travailler, mais nous craignons la multiplication des tensions. Nous ne voulons pas que les employeurs, les travailleurs et les superviseurs frustrés discutent longuement de ce qui est ou n'est pas dangereux. Je pense vraiment que c'est là que les changements nous conduiront. Les gens n'auront plus tendance à dire : « Allons donc voir et réglons le problème. » Ils vont plutôt se disputer pour déterminer s'il y a ou non un problème.

La sénatrice Eaton : Qui fait partie du comité de sécurité dans une usine? Quelles compétences ont les membres?

M. Manning : Dans les usines que nous représentons, le comité est constitué d'un nombre égal de syndiqués ou de travailleurs et de membres de la direction. Pour ce qui est des compétences, les représentants des travailleurs sont soit élus soit choisis dans l'effectif des ateliers. Comme ils n'ont pas beaucoup d'expérience, l'employeur et le syndicat s'arrangent pour leur donner la formation nécessaire afin qu'ils puissent s'acquitter de leurs fonctions au sein du comité.

M. Beckett : Je voudrais faire une petite mise au point. Les membres du comité sont en fait choisis par les syndicats, qui ont différents processus de sélection. De toute façon, le code exige maintenant que les membres soient nommés par les syndicats eux-mêmes.

Habituellement, la représentation n'est pas égale. Il y a d'ordinaire plus de travailleurs que de membres de la direction, ce qui est facile à comprendre compte tenu de la nature du travail. Évidemment, la règle dit qu'il ne peut pas y avoir plus de gestionnaires que d'employés, ce qui est censé.

Dans la plupart des comités dont j'ai fait partie, il y avait deux ou trois représentants de la direction et, selon la taille de l'usine, entre 6 et 10 employés.

La sénatrice Eaton : Personne ne s'inquiète du fait que les membres du comité de sécurité n'ont aucune compétence particulière, c'est-à-dire ne sont pas ingénieurs ou médecins? Choisit-on les membres parce que les gens les aiment bien dans l'atelier ou parce qu'ils comptent parmi les plus anciens?

M. Manning : Non, je ne suis pas d'accord. Selon le secteur d'où il vient, le représentant des travailleurs est considéré comme un expert du travail qu'il fait et apporte beaucoup de connaissances au comité. Il n'est peut-être pas ingénieur, médecin ou avocat, mais je peux vous affirmer qu'il connaît bien le milieu de travail.

La sénatrice Eaton : Ainsi, il comprend bien le fonctionnement des machines?

M. Manning : Oui, certainement.

En toute équité, il faut dire que ces gens font du bon travail et s'exposent à bien des désagréments à cause des décisions qu'ils prennent.

M. Beckett : La personne que les gens aiment le mieux dans l'usine ne fait en général pas partie du comité de sécurité. Les membres de ces comités travaillent vraiment fort.

Je suis d'accord avec M. Manning. Ils n'ont peut-être pas les compétences techniques ou scientifiques dont vous parlez, mais ce sont des experts dans le travail qu'ils font. Ils siègent au comité pour s'occuper des questions de santé et de sécurité touchant ce travail particulier.

La sénatrice Seidman : Je voudrais revenir à ce chiffre de 80 p. 100 qu'on répète constamment pour essayer d'obtenir quelques détails. Disposons-nous de renseignements généraux — je ne cherche à avoir ni des noms ni rien de semblable — d'ordre sociodémographique? Quand on parle de femmes, s'agit-il de femmes enceintes?

Avons-nous des renseignements quelconques sur ces 80 p. 100 de refus de travail qui ont été jugés sans fondement, même après appel?

M. Beckett : Nous n'avons pas de chiffres à ce niveau de détail. Les renseignements dont nous disposons nous viennent du Programme du travail de RHDCC, qui a ventilé les données par secteur fédéral, sur une base statistique. Les données sont même réparties entre le secteur public et le secteur privé, mais il n'y a pas de répartition démographique.

La sénatrice Seidman : La répartition par secteur pourrait être intéressante.

M. Beckett : Elle est très intéressante.

La sénatrice Seidman : Si vous disposez des données par secteur... Les avez-vous ici? D'accord. Pendant que vous vérifiez...

M. Beckett : Excusez-moi, j'allais dire que nous avons reçu les données la semaine dernière. Nous nous sommes empressés de faire une analyse statistique rapide, mais le travail a été fait à la hâte.

La sénatrice Seidman : Si vous n'arrivez pas à les retrouver tout de suite, pourriez-vous nous les transmettre?

M. Beckett : Absolument.

La sénatrice Seidman : Monsieur Manning, avez-vous d'autres renseignements précis à ce sujet?

M. Manning : En fait, non. J'ai quelque chose ici, mais je n'ai pas eu l'occasion de l'examiner.

Comme je l'ai déjà dit, le chiffre de 80 p. 100 est colporté un peu partout. Nous avons fait des recherches, mais nous ne savons toujours pas d'où il vient.

Le président : Monsieur Beckett, j'ai cru comprendre que vous tenez ces renseignements de RHDCC.

M. Beckett : RHDCC a fourni le chiffre des refus — qu'ils aient été jugés fondés ou non — par secteur des industries sous réglementation fédérale. Ces chiffres ont été transmis aussi bien aux employeurs qu'aux syndicats. Il y a une certaine ventilation, mais pas en fonction des facteurs démographiques qui vous intéressent. Il y a cependant une répartition selon l'appartenance au secteur public ou au secteur privé, et cetera.

La sénatrice Seidman : Il serait vraiment très utile de disposer de ces chiffres. Nous devrions les obtenir.

M. Manning : J'en ai une copie. Je peux vous la donner.

La sénatrice Seidman : Nous allons l'obtenir? Excellent.

Je voudrais maintenant revenir à la définition du danger. Comme vous le savez, la publicité négative qui a été faite au sujet de cette question était centrée sur le changement de définition. Je vais rapidement donner deux exemples, puis vous m'aiderez à comprendre quelles répercussions le changement de la définition aurait dans ces cas. Le projet de loi supprime essentiellement dans cette définition toute mention de « substances dangereuses ». Voici la nouvelle définition :

« danger » Situation, tâche ou risque qui pourrait vraisemblablement présenter une menace imminente ou sérieuse...

Ceci par opposition à une définition s'étendant à une substance dangereuse pouvant avoir des effets à long terme.

Je voudrais d'abord prendre l'exemple d'une personne qui est exposée à une substance toxique ou dangereuse, comme l'amiante ou un pesticide, et qui finit par être atteinte d'une maladie neurodégénérative, d'un cancer ou d'une autre affection chronique. L'autre exemple serait celui d'une technicienne en radiologie qui tombe enceinte et qui court évidemment des risques à cause de son exposition quotidienne. Cette femme doit bien sûr être affectée à d'autres tâches.

Pouvez-vous penser à ces deux exemples et me dire de quelle façon la nouvelle définition pourrait se répercuter sur les droits des personnes en cause?

M. Beckett : Tout d'abord, comme M. Farrell l'a indiqué, nous n'avons pas du tout été consultés au sujet de ces changements. J'ai donc à défendre des modifications sans avoir participé à leur élaboration. De ce fait, je ne les défendrai pas autrement qu'en disant que les responsables du Programme du travail ont insisté sur le fait qu'elles ne modifient en rien la protection contre les problèmes de santé à long terme que vous évoquez. Cette protection reste la même qu'auparavant.

Quant à votre préoccupation relative aux femmes enceintes, elle est couverte par l'article 132 du code portant précisément sur les femmes enceintes ou qui allaitent un enfant. Cet article d'environ une demi-page prévoit des mesures spéciales de protection de ces femmes qui, par conséquent, bénéficient après les changements de la même protection qu'elles avaient avant.

Votre autre exemple concernait l'exposition à un produit chimique. Les deux substances que vous avez mentionnées — l'amiante et les pesticides — présentent des dangers bien connus et font l'objet de moyens de protection également bien connus. J'ai entendu des commentaires selon lesquels il n'y aurait plus de protection contre l'amiante. De toute évidence, il y en a. Nous savons que l'amiante a des effets à long terme pouvant aboutir au cancer. Les moyens de protection sont bien connus, et la réglementation est très serrée. Il ne faut pas perdre de vue que le code compte une vingtaine d'autres sections qui n'ont pas changé sur la prévention et la protection des travailleurs.

La seule chose qui ait changé, c'est que si un travailleur croit qu'il a été exposé ou risque d'être exposé à de l'amiante, il peut recourir à un processus plus rigoureux avant qu'on fasse appel à un agent de santé et de sécurité. Les nouvelles dispositions imposent simplement à l'employeur de faire une enquête plus approfondie et de présenter les résultats par écrit avant qu'il ne soit nécessaire de faire appel à un représentant du gouvernement. Le travailleur garde le droit de refus. L'employeur doit encore faire enquête, et on aura encore recours au Programme du travail en cas de désaccord. Ce qui a changé, c'est que le processus à suivre avant d'appeler l'agent est considérablement plus rigoureux.

M. Manning : Je voudrais répéter que ces changements sont délibérément conçus pour faire baisser le nombre de refus. Pourquoi, autrement, aurait-on retiré tout cela du code? M. Beckett parle de l'article 132. Je l'ai lu : il concerne les femmes enceintes. Mais que fait-on avant que la femme ne tombe enceinte? Qu'en est-il, par exemple, des produits chimiques et des risques susceptibles d'avoir des effets sur son système reproducteur? Pourquoi retirer ces dispositions?

Je crois que ces mesures ont pour but de décourager les gens et d'empêcher, par exemple, les femmes de dire : « Attendez un instant. Je ne suis pas enceinte, mais je suis une femme. Le travail que je fais peut nuire à ma santé. »

Le président : Nous avons besoin d'éclaircissements. Ensuite, nous passerons à la question suivante.

M. Beckett : Il est important, je crois, de se souvenir des raisons pour lesquelles ce changement est apporté. Comme nous l'ont expliqué les responsables du Programme du travail, le changement a essentiellement pour but d'éliminer les plaintes frivoles et vexatoires. Dans 80 p. 100 des cas, il a été établi qu'il n'y avait pas de danger. On cite constamment le chiffre de 1 000 refus. Eh bien, 800 d'entre eux, qui représentent beaucoup de travail et d'énergie et de nombreux arrêts de travail, se sont révélés non fondés après avoir été examinés par des agents ou avoir fait l'objet d'appels.

Les changements ne sont pas conçus pour empêcher les gens de refuser. On veut simplement rendre le système plus efficace.

Ayant rempli pendant 25 ans les fonctions de professionnel de la santé et de la sécurité et ayant examiné des cas de refus aux niveaux aussi bien provincial que fédéral, je peux dire que les refus frivoles sont plus nombreux dans le secteur fédéral que dans le secteur provincial. Les changements proposés permettront en fait de faire correspondre le système fédéral à ce qui existe au niveau provincial, où on insiste davantage sur la responsabilité interne, ce qui oblige l'employeur à régler les problèmes avant de faire appel à l'organisme de réglementation.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J'ai entendu ce que vous aviez à dire, c'était très instructif. Monsieur Beckett, dans votre intervention, vous dites :

[Traduction]

Dans les provinces, les ministres du Travail et les commissions des accidents du travail ont mis au point des protocoles semblables à ceux qui sont proposés dans le projet de loi C-4, de façon à minimiser les interventions touchant le système de responsabilité interne en matière de santé et de sécurité au travail.

[Français]

J'aimerais la réaction de M. Manning à l'effet de comparer cette législation aux législations provinciales existantes. À votre connaissance, cette législation va-t-elle plus loin ou moins loin? Est-elle équilibrée? L'est-elle plus ou moins que celles des juridictions provinciales?

[Traduction]

M. Manning : La seule réponse que je puisse vous donner, c'est que ces mesures paraissent semblables aux mesures provinciales, quoique les lois provinciales varient d'une province à l'autre. Je ne connais pas suffisamment ce domaine pour en dire davantage.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ma deuxième question s'adresse à vous trois. Vous avez dit, l'un et l'autre, que vous n'avez pas été consultés pour les modifications qui sont apportées ici. Croyez-vous que, dans le souci d'une plus grande efficacité, s'il y avait eu consultation, cela aurait changé quelque chose? En d'autres mots, le projet de loi aurait-il été très différent, ou on s'en approche tel qu'il est présenté? J'aimerais votre réaction.

[Traduction]

M. Manning : J'essaie de déterminer si c'est une question piège... Je plaisante, bien sûr.

Eh bien, nous avons l'habitude de travailler avec nos employeurs pour en arriver à une entente, que ce soit au sujet d'une convention collective ou autrement. De plus, comme nous sommes des experts du milieu de travail, nous avons une importante contribution à apporter à la discussion. Avec tout le respect que je dois aux responsables du ministère du Travail, je dois dire qu'il est très, très important de connaître le point de vue des gens qui ont travaillé dans les ateliers et qui les connaissent bien. Peu importe qu'il s'agisse du gouvernement provincial, du gouvernement fédéral, des employeurs ou des travailleurs, il est toujours essentiel que tous les intervenants travaillent ensemble et se consultent.

M. Farrell : Oui, ETCOF attache une grande valeur aux consultations prélégislatives. Je crois que c'est en permettant à toutes les parties de travailler ensemble qu'on aboutit aux meilleurs résultats dans le domaine de la législation et de la réglementation du travail. Nous sommes donc très en faveur des consultations prélégislatives. Nous avons de très bons rapports avec le Congrès du travail du Canada. Nous collaborons et avons des consultations régulières avec le Congrès afin de trouver des solutions aux problèmes qui se posent. Au chapitre de la sécurité, nous travaillons bien ensemble pour assurer la sécurité des employés en milieu de travail.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Cette réponse est intéressante. C'est ce que dit la théorie également. Le processus aurait-il été beaucoup plus long s'il y avait eu consultation et négociation, ou les relations de travail sont-elles assez bonnes, dans le secteur public fédéral, pour arriver rapidement à une entente sur des propositions visant à améliorer la situation?

[Traduction]

M. Manning : Non, je ne sais pas s'il y aurait eu de grandes différences. D'après tout ce que j'ai lu et entendu, les relations de travail dans les secteurs sous réglementation fédérale ne sont pas très bonnes.

M. Beckett : Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question, mais je crois que vous voulez savoir si ce changement aurait pris beaucoup plus de temps. Les résultats auraient-ils été différents? Oui, bien sûr. Par nature, les négociations aboutissent toujours à des compromis. Aurait-il fallu plus de temps? Encore une fois, oui. Le comité tripartite d'examen de la réglementation, dont je suis le président représentant l'employeur, fonctionne. Il est lent. Il est unique en son genre au gouvernement parce que c'est un groupe tripartite qui prend des décisions au consensus au sujet des changements apportés aux règlements et au code, mais ses délibérations prennent beaucoup de temps.

Ainsi, nous travaillons depuis quatre ans sur des changements à apporter à la Partie 12 concernant l'équipement de protection individuelle. Les modifications seront publiées dans la Gazette l'année prochaine. Cela aussi fait partie de la nature des négociations.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J'imagine que, lorsqu'on suit ce processus, on est plus apte à faire la formation et impliquer tout le monde. Les changements sont connus plus rapidement.

[Traduction]

M. Farrell : La valeur des consultations prélégislatives et de la collaboration des parties tient au fait que, même si on est obligé d'accepter des compromis, lorsque les parties arrivent à s'entendre, les employeurs, les syndicats et les employés — nous le savons par expérience — sont mieux en mesure de mettre en œuvre les décisions prises en commun. Par conséquent, si nous participons à l'élaboration des règlements et avons un rôle à jouer à cet égard, le résultat est inévitablement meilleur.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup. Je crois que tout le monde est à peu près du même avis. Comme les autres, je suis très déçue de constater qu'ETCOF et Unifor n'ont pas du tout été consultés et qu'on leur a juste présenté les nouvelles dispositions. Je suis d'accord avec M. Farrell : si on participe aux discussions, on est plus attaché aux résultats et on est mieux à même de les faire accepter par les syndiqués et les employeurs. Le gouvernement a-t-il consulté d'autres groupes syndicaux? Vous êtes probablement le groupe le plus important du Canada.

M. Manning : Unifor est le plus important syndicat du secteur privé. C'est le Congrès du travail du Canada qui coiffe tous les syndicats. Je ne sais pas s'il a été consulté. En fait, je suis à peu près sûr qu'il ne l'a pas été.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie. Ces dispositions font partie d'un projet de loi omnibus budgétaire de plus de 300 pages. Elles ne figurent pas dans une mesure législative distincte. Il est plutôt inhabituel pour nous d'examiner de telles dispositions dans le cadre d'un projet de loi budgétaire. Est-ce la première fois que cela arrive? Y a-t-il eu auparavant des mesures liées à la législation du travail dans des projets de loi d'exécution du budget?

M. Manning : Pas à ma connaissance.

M. Farrell : Oui, il est déjà arrivé que des mesures liées à la législation du travail figurent dans un projet de loi budgétaire.

La sénatrice Cordy : Je voudrais revenir à la question que d'autres ont déjà abordée, celle des 80 p. 100. Monsieur Manning, vous avez cité l'exemple du Chemin de fer Canadien Pacifique où il y a eu deux refus de travailler en 2013, c'est-à-dire pendant presque un an. Vous avez dit que près de 80 p. 100 des refus n'étaient pas fondés. En 10 ans, ce pourcentage représenterait un total de 801 refus, soit environ 80 par an. Quel est l'effectif total des employés en cause?

M. Beckett : Le secteur sous réglementation fédérale compte 1,2 million de travailleurs.

La sénatrice Cordy : Par conséquent, sur 1,2 million de travailleurs, il y a eu 800 cas de refus de travail injustifiés en 10 ans. Ce chiffre ne me semble pas excessif. Quand on entend parler de 80 p. 100, on a l'impression que c'est très élevé, mais concrètement, ce n'est pas le cas. Êtes-vous d'accord?

M. Manning : C'est ce que nous soutenons depuis le tout début. Tout d'abord, nous ne savons pas d'où vient le chiffre de 80 p. 100, mais, même s'il est exact, appliqué à 1,2 million de personnes sur 10 ans, il n'explique pas pourquoi il est urgent de faire ce qu'on nous propose ici.

M. Beckett : Permettez-moi d'ajouter un peu de contexte. Je ne peux pas confirmer le chiffre de 80 p. 100, mais je peux vous parler de mon expérience dans le secteur fédéral.

Je fais maintenant partie d'une industrie qui a la chance d'avoir une convention collective d'une durée de huit ans, qui a été signée il y a trois ans. Nous avons probablement eu deux ou trois refus par an depuis la signature de la convention. Avant, nous en avions un par mois.

Je ne sais pas non plus d'où vient le chiffre de 80 p. 100, mais lorsque je vois les statistiques concernant les cas fondés et non fondés, je pense à ce que j'ai pu constater dans mon secteur : dans les périodes tendues, par exemple lors de la négociation d'une convention collective, la formulation actuelle du code est exploitée pour perturber le travail. J'ai eu la même expérience lorsque je travaillais pour le secteur provincial. J'ai déjà occupé des fonctions dans des aéroports, des municipalités et des lieux de travail syndiqués et non syndiqués.

J'ai été des deux côtés de la barrière. J'ai été agent local du Syndicat canadien de la fonction publique bien avant de tourner casaque pour passer dans les rangs de la direction. J'ai vu les choses des deux côtés. Je ne peux donc qu'émettre des hypothèses au sujet de ce que cachent ces statistiques. Nous n'avons pas de certitude à ce sujet.

La sénatrice Cordy : Il serait intéressant de connaître le contexte parce que 801 refus sur un effectif de plus d'un million de travailleurs dans une période de 10 ans ne me paraissent pas excessifs. J'aimerais cependant examiner toute documentation dont vous disposez.

M. Beckett : Nous avons les statistiques. Le Programme du travail a été cité dans un autre exposé présenté mardi. Il semble que le nombre soit plus élevé que ce qu'on mentionne. C'est le Programme du travail qui a fourni les renseignements. Nous ne pouvons donc que vous présenter ce qu'il nous a transmis.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie pour vos exposés. Je m'intéresse surtout au processus d'examen. Je constate qu'il y a maintenant un rapport écrit à remettre à l'employé. J'aimerais savoir quelle forme ce rapport avait jusqu'ici.

M. Beckett : Auparavant, tout était verbal. L'employé s'adresse au superviseur de vive voix. La conversation du superviseur est également orale. La participation du comité de sécurité se faisait aussi sur une base verbale. Le recours à l'agent des affaires du travail était verbal. C'est seulement à ce stade qu'on commence à avoir des documents écrits. En effet, l'agent des affaires du travail était tenu de rédiger un rapport établissant s'il y avait ou non danger.

Le sénateur Enverga : Je suis surpris qu'on puisse avoir des statistiques. Si tout est verbal, il est probable que beaucoup de renseignements ne sont pas consignés.

M. Beckett : C'est un bon point. Comme je l'ai dit au début de mon exposé, la majorité des refus de travail n'impliquent aucune intervention du gouvernement. C'est le cas de 99 p. 100 des refus. Nous parlons seulement des cas où on fait appel au gouvernement. Les 1 000 cas mentionnés sont ceux où les parties n'ont pas pu s'entendre sur la question de savoir s'il y avait ou non danger et où le gouvernement a été appelé à intervenir.

Une fois que l'employeur et l'employé ont épuisé tous les recours... Nous avons constaté que, dans le secteur fédéral, les agents sont appelés avant que les parties n'aient engagé la moindre discussion. Elles renoncent et décident de ne rien faire. Malheureusement, les agents des affaires du travail, aussi bien intentionnés qu'ils soient, essaient d'intervenir sans obliger l'employeur, l'employé et ses représentants à faire ce que leur impose le code. C'est la raison pour laquelle il y a tant de décisions établissant qu'il n'y avait pas de danger.

Le sénateur Enverga : J'ai l'impression que beaucoup de refus n'ont pas eu de suites. Le chiffre de 81 p. 100 est peut- être trop bas. Croyez-vous que ce soit le cas? Si on dit que dans 81 p. 100 des cas, il a été établi qu'il n'y avait pas de danger, il doit y avoir beaucoup de rapports qui ne sont pas signalés. Le chiffre réel pourrait donc être supérieur ou inférieur à 81 p. 100.

Le président : Sénateur, je crois qu'il y a une distinction que les témoins ont clairement établie : les refus qui sont rapidement réglés ne sont pas comptés dans les statistiques. Les chiffres mentionnés concernent les refus qui ont fait l'objet d'un désaccord et qui sont donc allés à l'étape suivante.

Le sénateur Enverga : Oui, je pense aux avantages de la nouvelle politique, qui devrait être bonne à cause des dispositions concernant les rapports écrits.

M. Beckett : Une partie de l'avantage profitera à l'agent des affaires du travail. C'est encore lui qui interviendra. Même si la décision est prise par le ministre, c'est l'agent qui interviendra en premier lorsque les parties n'arrivent pas à s'entendre.

L'intérêt pour l'agent des affaires du travail, c'est qu'une grande partie de son enquête aura déjà été faite et aura fait l'objet de rapports écrits. L'agent pourra tout de suite se faire une idée de la situation, ce qui accélérera le processus de décision quant à la présence d'un danger. Les nouvelles dispositions devraient augmenter quelque peu l'efficacité, mais c'est surtout parce que l'employeur devra s'acquitter de ses responsabilités, ce qu'il ne faisait pas jusqu'ici.

Le sénateur Enverga : Avez-vous des observations à ce sujet, monsieur Manning?

M. Manning : Écoutez, il y a bien sûr de bons employeurs. Je l'admets volontiers. Nous collaborons et avons de bonnes relations avec beaucoup d'entre eux. Je ne crois pas que les nouvelles dispositions auront d'importants effets à cet égard parce que la plupart des problèmes continueront d'être réglés au tout début. Toutefois, nous avons aussi des employeurs qui ne jouent pas le jeu et ne respectent pas les principes de la santé et de la sécurité au travail. Nous devons être vigilants dans leur cas. Nous croyons que les nouvelles dispositions leur donneront un autre moyen de contourner le système et d'intimider les travailleurs.

[Français]

La sénatrice Chaput : Merci, monsieur le président. Vous nous avez remis un tableau qui explique le processus de refus de faire un travail dangereux. On se retrouve maintenant avec une nouvelle définition de « danger » dans le projet de loi C-4 et dans lequel on a retiré « exposition à des substances dangereuses ». De quelle manière cela va-t-il affecter un employé qui refuse de travailler parce qu'il s'estime exposé à des substances dangereuses, une fois le projet de loi mis en vigueur?

[Traduction]

M. Beckett : C'est en fait prévu dans la nouvelle définition du danger, qui parle de menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé. Comme les substances dangereuses ont des effets sur la santé, elles sont, à notre avis, comprises dans la nouvelle définition

La sénatrice Chaput : À votre avis. D'accord.

[Français]

Avez-vous des statistiques concernant le pourcentage de plaintes de refus de travailler reliées à l'exposition à des substances dangereuses?

[Traduction]

M. Beckett : Nous ne disposons pas de statistiques à ce sujet. Aucun chiffre ne nous a été fourni par le Programme du travail.

La sénatrice Chaput : Et vous n'avez aucune idée?

M. Beckett : Non.

[Français]

La sénatrice Chaput : Si vous aviez été consultés avant cette modification — et je m'adresse à vous trois —, auriez- vous recommandé une définition différente de « danger » et auriez-vous modifié le projet de loi C-4 d'une manière ou d'une autre?

[Traduction]

Le président : Qui veut commencer? Allez-y, monsieur Manning.

M. Manning : Nous aurions probablement abouti à quelque chose de nouveau. J'ai participé à une multitude de négociations et de réunions patronales-syndicales. Au début, nous avons toujours l'impression que nous n'arriverons à rien, mais, en fin de compte, nous finissions par nous entendre. Il est donc probable que nous aurions trouvé quelque chose de nouveau.

M. Beckett : Je suis bien d'accord. Nous aurions réussi à trouver quelque chose de nouveau. Il est difficile d'en imaginer la forme, compte tenu de la nature des négociations et des compromis qui sont consentis.

Je dirai cependant ceci : la définition actuelle est trop lourde. Je suis donc sûr que nous aurions abouti à quelque chose de différent.

Le président : Au sujet des substances dangereuses, l'un d'entre vous ou peut-être plusieurs ont cité l'amiante comme exemple. L'amiante est clairement désigné comme substance dangereuse. Si un employé en trouve dans un lieu de travail, que se passe-t-il en vertu des nouvelles dispositions?

M. Beckett : Rien n'a changé. Comme je l'ai dit, les risques et les moyens de protection sont bien connus dans le cas de l'amiante. Il n'y a rien de secret. Ce n'est pas un sujet qui vient tout juste de se manifester. Nous connaissons l'amiante depuis 30 ans. Nous avons appris à l'affronter. Le nombre de décès est relativement constant. Enfoui dans ces statistiques, il y a le nombre de décès dus à l'amiante qui, comme chacun le sait, a une période de latence de 20 à 30 ans.

L'employé continuerait donc à refuser de travailler. S'il croit avoir des chances d'être exposé à de l'amiante, c'est un danger. Tout le processus s'appliquerait. Rien n'a changé à cet égard.

Le président : Monsieur Manning, êtes-vous d'accord?

M. Manning : Oui, je suis d'accord. J'ajouterai que nous avons découvert les effets dévastateurs de l'amiante lorsque des travailleurs en sont morts. Nous ne voulons pas attendre que les gens soient à l'article de la mort pour dire : « Savez-vous? Nous aurions dû nous rendre compte de ce danger il y a 10 ans. »

M. Beckett : Je vais parler de ce point particulier en me fondant sur mes notes. Une partie du problème soulevé par les changements proposés tient à ce que la société continue toujours d'en apprendre davantage sur toutes sortes de questions, y compris les substances et les produits chimiques dangereux. Quelqu'un a déjà parlé des vapeurs de carburant diesel. Les scientifiques ont accumulé de plus en plus de données indiquant que ces vapeurs ont des effets à long terme sur la santé. Nous ne disposons pas encore de résultats concluants. Nous n'avons pas encore établi si ces effets sont avérés, mais différents indices semblent étayer la thèse des effets à long terme.

Nous avons aussi la nanotechnologie, qui représente un nouveau procédé de fabrication que je ne comprends toujours pas bien et dont on n'a pas encore bien cerné les risques. Ces choses continueront d'évoluer à mesure que les connaissances de la société augmentent. À un moment donné, des règlements seront mis en vigueur. Nous ne voulons pas que cela se fasse au détriment des gens qui ont été exposés à ces effets. Nous voulons nous baser sur la science.

Le problème que nous avons dans le présent système, c'est que l'actuelle définition très générale du danger permet à des employés de refuser de travailler en disant : « Je crois que la nanotechnologie peut avoir des effets sur la santé à l'avenir. » Personne ne peut l'affirmer, mais nous devons quand même faire appel à des agents de santé et de sécurité qui ne sont pas des experts de tous les domaines pour qu'ils établissent s'il y a ou non danger, alors qu'il n'existe pas suffisamment d'indices pour trancher d'un côté ou de l'autre. C'est l'un des problèmes que nous avons actuellement à cause du caractère trop vaste de la définition.

La sénatrice Seth : Je vous remercie. Je suis en train de passer en revue les choses qu'un employé peut refuser de faire et le processus suivi jusqu'au stade de la présentation au ministre. J'ai cru comprendre que vous représentez les employeurs sous réglementation fédérale. Pouvez-vous m'expliquer comment on s'assure de la sécurité dans les lieux de travail relevant du gouvernement fédéral et de quelle façon ces lieux se distinguent de ceux du secteur privé?

M. Beckett : Eh bien, il n'y a pas de différence. Le code du secteur fédéral s'applique aux employeurs aussi bien privés que publics, le processus étant le même pour tous. Dans le code fédéral, les employeurs sont tenus d'avoir un programme de prévention des risques. Cela figure dans la partie 19 du règlement. Aux termes du programme, les employeurs doivent procéder à ce qu'on appelle une évaluation des risques. Il importe de garder à l'esprit que tout travail, de même que tout danger, comporte des risques. La question qui se pose est toujours : Gérons-nous davantage les risques qui peuvent porter préjudice aux gens que les risques moindres qui ont peu de chances de nuire?

Le système de responsabilité interne fait partie intégrante de tout système de gestion de la sécurité qui nécessite des consultations avec les travailleurs. Ces consultations se font par l'entremise de la communauté de la sécurité. Il y a des mécanismes de refus, que nous examinons justement aujourd'hui. Il y a des évaluations des risques qui sont faites et de la formation qui est donnée. Le comité de sécurité procède à des inspections, qui sont faites sur une base quotidienne par les superviseurs. C'est essentiellement ainsi que la prévention est réalisée.

Il importe de se souvenir que les règlements que nous élaborons représentent le minimum à respecter pour avoir des activités commerciales dans le secteur fédéral canadien. Je suis d'accord avec M. Manning : il y a des employeurs qui ne se conforment pas à la réglementation aussi étroitement qu'il le faudrait, mais je dirais que la majorité — et notamment parmi les employeurs à qui j'ai affaire — vont beaucoup plus loin que ne l'exige la réglementation.

La sénatrice Seth : Croyez-vous que les gens courent de plus grands risques à cause des changements proposés dans le projet de loi?

M. Beckett : Vous me demandez si les gens sont exposés à plus de risques à cause des changements? Non, je ne crois pas que plus de gens courront des risques, certainement pas dans les lieux de travail syndiqués. Il ne faut pas oublier qu'en cas de refus dans un lieu de travail syndiqué, la personne en cause n'agit pas seule. Elle peut compter sur l'aide et les conseils de l'agent syndical, du représentant syndical et de l'ensemble du syndicat tout le long du processus. La situation est différente dans les lieux de travail non syndiqués. On s'inquiète toujours de la façon dont les choses s'y font. Toutefois, j'ai travaillé comme consultant dans plusieurs de ces lieux non syndiqués et j'ai pu constater, sur un certain nombre d'années, que les gens prennent la sécurité au sérieux autant que dans les lieux de travail syndiqués.

La sénatrice Dyck : Je vous remercie des exposés que vous nous avez présentés ce matin. Vous nous avez clairement donné matière à réflexion.

Je voudrais revenir à ce tableau que vous nous avez présenté. Je le trouve très utile. À un moment donné, monsieur Beckett et monsieur Farrell, vous avez dit qu'il arrive trop souvent que les agents des affaires du travail interviennent beaucoup trop tôt dans le processus. À quel stade interviendraient-ils dans ce modèle?

M. Beckett : Les éléments en noir représentent le processus actuel en trois étapes. Les deux du milieu... excusez-moi, l'étape du comité de sécurité serait sautée. En fait, là où les tensions sont fortes et les gens frustrés, si l'employé dit qu'il y a danger et que le superviseur dit qu'il n'y en a pas, le comité intervient inévitablement. Ses membres disent : « Il y a danger. Pas besoin d'une enquête. Nous ne sommes pas d'accord. » On fait alors appel à l'agent des affaires du travail. En réalité, il n'y a pas vraiment d'enquête.

La sénatrice Dyck : On a l'impression que le processus actuel peut être efficace sauf que, pour une raison ou une autre, l'intervention du comité de sécurité a été omise.

M. Beckett : C'est exact. Par conséquent, les changements proposés renforcent le rôle du comité de sécurité. L'employeur doit maintenant faire intervenir son représentant et celui de l'employé au sein du comité, ce qui améliore et légitime son rôle en cas de refus de travail. Le comité doit ensuite présenter un rapport écrit à l'employeur.

La sénatrice Dyck : D'une certaine façon, cela pourrait en fait aider l'employé en cas de différend ultérieur concernant la décision prise. Il y aurait des rapports écrits alors qu'il n'y a maintenant que des réunions sans procès- verbal.

M. Beckett : Oui, c'est également notre point de vue.

La sénatrice Dyck : Vous êtes donc d'avis que les changements ne ralentiront pas le processus et feront en sorte que les décisions soient prises par des gens qui font partie du milieu de travail et par les membres du comité de sécurité, qui sont plus susceptibles qu'un agent des affaires du travail de comprendre la situation.

M. Beckett : Il ne faut pas perdre de vue que les membres du comité de sécurité doivent, en vertu du code, recevoir une formation adaptée à leurs activités et à leurs fonctions. Ils sont donc formés. Les changements proposés imposeront évidemment un niveau différent de formation puisqu'ils auront à remplir un nouveau rôle. Quoi qu'il en soit, je ne crois pas du tout que cela ralentira le processus.

Bien sûr, si le refus se produit au milieu de la nuit, tout ralentira parce qu'il n'y aura pas assez de gens présents. Toutefois, les employeurs disposent de différents moyens de surmonter cette difficulté en gardant des gens en disponibilité ou autrement. Bref, je ne pense pas que cela ralentisse le processus.

La sénatrice Dyck : Vous avez mentionné qu'environ 80 p. 100 des refus ne sont pas fondés. En même temps, on nous a distribué un tableau selon lequel il y a eu moins de 1 000 incidents de refus de travail pendant 10 ans. Cela ne fait qu'une centaine par an, ce qui n'est pas très élevé. Si vous soutenez que vous avez besoin de ces changements à cause des statistiques, votre argument n'est pas très fort puisque que les nombres sont assez petits. Une centaine d'incidents par an, cela ne fait que sept ou huit par mois.

M. Beckett : J'ai deux observations à formuler à ce sujet. Premièrement, même à ce nombre et avec un tel pourcentage de refus non fondés, il y a de l'énergie et des ressources gouvernementales qui sont gaspillées. Des agents perdent du temps qu'ils auraient pu consacrer à la prévention.

Deuxièmement, chaque fois qu'il y a un refus... J'ai justement eu à m'occuper d'un cas qui a duré quatre jours. Pendant ces quatre jours, rien n'a été fait. C'est anormal. Ce qu'il est important de retenir, c'est que lorsqu'il y a un refus et que les tensions sont fortes, l'affaire ne finit pas une fois que l'agent a pris une décision. La décision peut ne pas être acceptée par les parties. Il y a alors des appels qui peuvent mettre des années à se régler. Tout cela coûte cher, à part ce qui se passe le jour où l'agent se présente et décide s'il y a ou non danger.

La sénatrice Dyck : J'examinais aussi le graphique que vous nous avez fourni au sujet du nombre d'accidents du travail. Ce nombre a régulièrement diminué à mesure que la réglementation devenait plus serrée. Il se situe maintenant à environ 15 incidents par 1 000 travailleurs, ce qui semble assez bon. Je crois que M. Manning a dit que, malgré toutes les lois et tous les règlements, le nombre de décès n'a pas changé. Croyez-vous que l'amélioration du processus aura des effets quelconques sur le nombre de décès parmi les travailleurs?

M. Beckett : La première observation que je voudrais faire, c'est que, comme dans le cas du chiffre de 80 p. 100 dont l'origine et les détails sont incertains, je ne connais pas les circonstances entourant le chiffre de 900 décès. Je sais que l'amiante, dont la période de latence est de 20 à 30 ans, en a occasionné un bon nombre.

Je suis persuadé que les changements auront des effets positifs dans la fonction publique fédérale. En même temps, je ne pense pas qu'en eux-mêmes, ils puissent réduire le nombre d'accidents ou, inversement, rendre la situation plus dangereuse. Les changements améliorent le processus en imposant aux employeurs de mieux remplir leur rôle qu'ils ne l'ont fait jusqu'ici. Le point important à retenir en ce qui concerne cette diapositive, c'est que les propositions figurant dans le projet de loi C-4 représentent en fait les dispositions actuelles de la législation provinciale. Or 92 p. 100 du travail qui se fait au Canada relève de la compétence provinciale. Ce graphique révèle que le taux des accidents du travail est passé de 50 pour 1 000 travailleurs dans les années 1990 à 14,7 en 2010. Le taux a constamment baissé à mesure que les employeurs, les syndicats et les employés ont acquis plus de connaissances et ont reçu une meilleure formation et un meilleur équipement. Ce sont les 92 p. 100 du travail fait sous réglementation provinciale qui ont fait baisser le taux d'accidents. Le projet de loi C-4 propose des dispositions identiques à celles des provinces. À mon avis, les changements proposés ne rendront pas le travail dans la fonction publique fédérale plus dangereux qu'il ne l'est actuellement.

La sénatrice Dyck : J'ai une dernière question. Est-ce que les cas de refus jugés non fondés, dans lesquels l'employé est tenu de reprendre le travail après une enquête ayant établi qu'il n'y avait pas de danger, constituent une importante proportion des accidents du travail qui sont signalés?

M. Beckett : Nous ne disposons pas de telles statistiques. Je suis quand même persuadé que si un agent affirme qu'il n'y a pas de danger, personne n'est blessé ni avant ni après le refus.

La sénatrice Dyck : Je vous remercie.

Le président : Avant de passer au second tour, je voudrais vous poser une question au sujet de votre diapositive. La réponse est implicite dans tout ce que vous avez dit, mais j'aimerais bien que vous nous la donniez explicitement. Au cours des cinq étapes du nouveau processus, qui sont présentées en rouge, je suppose que l'employé n'est pas obligé de reprendre le travail. Est-ce exact?

M. Beckett : C'est exact. Il y a quelques autres règles qui s'appliquent. L'employé n'est pas obligé de reprendre le travail. L'employeur ne peut pas désigner quelqu'un d'autre pour faire le même travail sans mettre au courant l'employé en cause. En fait, le travail est interrompu. Bien sûr, il y a quelques exceptions très circonscrites. Si le refus se produit au cours de l'exploitation d'un navire ou d'un avion, il n'est pas question d'interrompre la conduite du navire ou le pilotage de l'avion. Il y a donc certaines exceptions, mais, dans l'ensemble, un refus entraîne l'arrêt du travail, qui ne reprend pas avant qu'une décision soit prise.

Le président : Tout cela était implicite dans les réponses que vous avez données tous les trois, mais j'ai cru bon que le compte rendu établisse clairement que rien n'a changé à cet égard et qu'on ne force pas les employés à reprendre le travail.

M. Beckett : Non.

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de revenir sur cette question, car, une fois de plus, je ne peux pas comprendre pourquoi le système proposé est plus avantageux pour l'employeur ou, à plus forte raison, pour l'employé. Tout ce que vous avez indiqué en rouge prendra plus de temps. Vous avez dit que dans le processus actuel, tout se fait de vive voix, ce qui me semble favoriser des décisions plus rapides, tandis que le nouveau système paraît beaucoup plus lent. Tout doit être fait par écrit. Il y a des rapports à rédiger. Il faut s'adresser au ministre. Le ministre doit charger quelqu'un d'intervenir. Les étapes indiquées en rouge vont prendre beaucoup de temps. J'ai donc du mal à comprendre pourquoi le nouveau système est plus avantageux. Vous dites en même temps que l'employé ne sera pas forcé de reprendre le travail. J'espère qu'il ne perdra rien au chapitre de la rémunération et des avantages sociaux.

M. Beckett : C'est exact.

Le sénateur Eggleton : Vous avez dit qu'on peut désigner quelqu'un pour remplacer un employé qui refuse de travailler. L'employeur peut charger une personne de faire le travail à sa place, mais pas sans l'avertir.

M. Beckett : C'est exact.

Le sénateur Eggleton : Pas sans l'avertir. Qu'est-ce que cela signifie? Faut-il demander la permission de l'employé?

M. Beckett : Je vais vous donner un exemple. J'ai eu à m'occuper la semaine dernière d'un refus au port. Un grutier a refusé d'aller chercher un conteneur assez spécial à bord d'un navire. Il estimait qu'il y avait du danger à le faire. L'agent syndical est venu voir l'employé et lui a dit : « Je ne suis pas d'accord avec vous qu'il y a danger. » L'agent syndical a ensuite demandé à un autre grutier s'il voulait bien se charger de la cargaison en cause. Le second grutier a accepté. Cela est permis dans le processus. Il ne faut pas perdre de vue que le refus est basé sur la conviction d'une personne qu'il y a un danger. Cela ne signifie pas nécessairement que tout le monde en convient. C'est pour cette raison que nous avons le processus qui permet d'aboutir à une entente.

Le sénateur Eggleton : Je voudrais poser une autre question. Les différentes provinces ont différents moyens d'agir dans ce domaine, comme on nous l'a dit plus tôt. Prenons le cas de la province d'Ontario. Comment le système actuel ou le nouveau système proposé se comparent-ils à celui de l'Ontario au chapitre du danger?

M. Beckett : Je n'en ai aucune idée. Je peux parler de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, que je connais bien. En Colombie-Britannique, c'est exactement ce qui est proposé ici.

Le sénateur Eggleton : D'accord. Je vous remercie.

Le sénateur Enverga : Les témoins ont répondu à la plupart de mes questions en répondant à la sénatrice Dyck. Il s'agissait des heures de travail et de ce que nous avons perdu à cause du système actuel. Je vous remercie.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Moi aussi la plupart de mes questions ont été posées notamment sur le taux de décès, mais j'ai un petit commentaire.

Monsieur Manning vous avez parlé du système de responsabilité interne qui serait affecté avec le projet de loi C-4. Ce que je comprends et c'est pour cela que je pose la question, à l'issue du débat je ne vois pas comment le système de responsabilité interne va être affecté, alors peut-être pouvez-vous m'éclairer davantage? Puis si la partie patronale a des commentaires, je serais intéressée aussi à les entendre.

[Traduction]

M. Manning : Eh bien, comme je l'ai dit, le problème que le nouveau système présente pour nous réside dans toutes les démarches bureaucratiques qu'on ajoute en exigeant tous ces rapports écrits. C'est la raison pour laquelle nous croyons que le nouveau système est mauvais.

La sénatrice Seth : Les articles 176 et 179 du projet de loi C-4 confèrent plus de pouvoirs au ministre, qui peut donner davantage d'instructions relatives à la santé et à la sécurité au travail. Qu'en pensent les syndicats? Croyez-vous que le processus sera plus efficace?

M. Manning : Non. Nous voyons des inconvénients à ce que la ministre soit investie des pouvoirs prévus dans le projet de loi. Nous estimons que l'agent de santé et de sécurité est le mieux placé pour s'occuper de ces questions, compte tenu de la formation spécialisée qu'il possède. Maintenant, tout relève de la ministre, qui peut nommer ou déléguer — je sais que c'est peut-être un peu exagéré — n'importe qui selon son bon plaisir. Nous y voyons des inconvénients. Maintenant, tout relève de la ministre. Auparavant, c'était l'agent de santé et de sécurité qui en était responsable.

M. Beckett : Je ne crois pas que la ministre nomme n'importe qui. Comme nous tous, elle a l'obligation d'agir d'une manière réfléchie. Rien de tout cela n'a un caractère frivole ou vexatoire.

Je suis bien d'accord avec M. Manning lorsqu'il dit que les agents de santé et de sécurité sont des experts, mais leur savoir a des limites. Les agents sont souvent engagés parce qu'ils ont de l'expérience en sciences infirmières, en construction, en fabrication, en énergie nucléaire ou dans un autre secteur sous réglementation fédérale. Cela permet à la ministre de faire un certain nombre de choses. Supposons qu'il y ait un problème dans une centrale nucléaire. Elle a le pouvoir de désigner quelqu'un qui a de l'expérience dans ce domaine, au lieu de laisser la centrale faire appel au premier agent qui répondra au téléphone. C'est ainsi que le système actuel fonctionne en général. L'agent qui répond à l'appel est celui qui se rend sur place, indépendamment de ses compétences particulières. Si le problème est complexe, il est logique que la ministre soit habilitée à désigner une personne ayant les connaissances nécessaires. La personne choisie peut avoir eu à s'occuper d'un problème semblable dans un autre secteur, ce qui permet d'avoir recours à elle puisqu'elle possède déjà les compétences voulues. Cela accélère le processus. Nous sommes très en faveur de ce changement.

Il arrive, dans certains secteurs, que les employeurs et les travailleurs abusent du système actuel. Quelqu'un peut dire qu'il y a tel danger et, une fois le problème réglé, quelqu'un d'autre dira qu'il y a tel autre danger, et ainsi de suite. Cela peut ralentir le travail et même l'arrêter complètement. La ministre a maintenant le pouvoir de combiner plusieurs refus en disant qu'ils concernent tous le même problème. C'est là un nouvel élément du processus.

Il y a dans le projet de loi quelques changements concrets qui permettent à la ministre de gérer des ressources limitées. Nous avons tous ce problème. Nous avons tous plus de travail que ne peuvent en prendre nos travailleurs. Cela permet à la ministre de mieux gérer les ressources dont elle dispose au profit de tous.

Le président : Je remercie les témoins de leurs exposés. Vous nous avez tous aidés à mieux comprendre les détails du projet de loi grâce aux réponses claires que vous nous avez données. Je voudrais également remercier mes collègues qui ont posé une gamme complète de questions.

Cela met fin à la réunion.

(La séance est levée.)


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