Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule no 7 - Témoignages du 10 mai 2016
OTTAWA, le mardi 10 mai 2016
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 33 pour mener une étude sur les pratiques exemplaires et les problèmes constants de logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, du Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest.
La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour. Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs et aux membres du public qui assistent à la réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ou qui la regardent sur la chaîne CPAC ou sur le Web. Je m'appelle Lillian Dyck, je viens de la Saskatchewan et j'ai l'honneur et le privilège de présider le comité. J'invite maintenant mes collègues sénateurs à se présenter, en commençant par notre vice-président, le sénateur Patterson.
Le sénateur Patterson : Bonjour. Dennis Patterson, du Nunavut.
La sénatrice Beyak : Bonjour. Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur Oh : Bonjour. Sénateur Victor Oh, de l'Ontario.
La présidente : Le sénateur Oh remplace aujourd'hui le sénateur Enverga.
La sénatrice Raine : Sénatrice Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
La présidente : Le mandat de notre comité est d'examiner les lois et les questions qui concernent les peuples autochtones du Canada dans leur ensemble. Ce matin, nous continuons d'entendre les témoignages en lien avec notre étude du logement dans les collectivités du Nord, qui porte plus spécifiquement sur les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, du Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest.
Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Madeleine Redfern, maire d'Iqaluit, qui est notre premier témoin. Nous n'avons pas réussi à la rencontrer lorsque nous nous trouvions à Iqaluit, il y a deux ou trois semaines, et nous sommes vraiment heureux qu'elle soit disponible ce matin.
Avant de vous donner la parole, madame Redfern, j'aimerais souligner que vous avez reçu en 2015 le Prix Indspire en récompense de votre travail dans la fonction publique. Ce prix est considéré comme l'un des plus importants par les collectivités autochtones.
Madame Redfern, vous avez la parole, après quoi nous passerons aux questions.
Madeleine Redfern, maire, Ville d'Iqaluit : Merci. Je suis désolée de ne pas avoir été présente à Iqaluit lorsque vous y êtes venus, je m'excuse de n'avoir pas pu vous recevoir. Nous sommes cependant heureux que vous ayez pu venir dans notre collectivité. Il est important pour nous que les gens viennent voir notre réalité de leurs propres yeux, plutôt que de n'en voir que des photos ou des comptes rendus.
J'aimerais également remercier Dennis Patterson, notre sénateur. Je suis certaine qu'il a été un hôte absolument parfait.
Je vais donc ce matin vous parler du problème du logement, non seulement en ce qui a trait aux Inuits et au Nunavut, mais en particulier du problème du logement auquel nous faisons face, à Iqaluit.
J'ai eu l'honneur de faire partie de la Qikiqtani Truth Commission de 2008 à 2010; nous avons effectué une enquête historique. Nous nous sommes entre autres penchés sur la question du logement, et je vais faire parvenir au comité sénatorial le lien en question. La partie qui concerne le logement n'est pas très longue, mais je recommanderais aux membres du Sénat d'y jeter un coup d'œil ou d'en prendre connaissance. Elle présente un résumé très succinct qui vous aidera à comprendre pourquoi et comment nous en sommes arrivés là, en matière de logement. C'est un résumé très bref, puisque le gouvernement canadien n'a commencé à assurer une plus grande gouvernance et une plus grande administration dans notre région du Canada, le Nord, et dans l'Est, qu'en 1950 seulement, environ.
À titre seulement de résumé, ce que nous avons été capables de déterminer, c'est que les Inuits avaient reçu des promesses ou s'étaient fait donner, malheureusement, de très mauvaises explications ou informations sur les logements qui allaient leur être fournis. Les fonctionnaires ont eu beaucoup de difficulté à expliquer les concepts du bien-être et du logement social, ce qui fait qu'au bout du compte, les Inuits se sont souvent fait dire que le gouvernement leur procurerait des logements gratuits, des logements pour personnes à faible revenu, des logements à loyers modiques à perpétuité, ce qui était une façon de les encourager à déménager dans des établissements permanents. Cette notion initiale est encore aujourd'hui celle que les gens comprennent.
Nous avons également pu apprendre que, lorsque le gouvernement a commencé à construire des maisons dans le Nord, la planification était déficiente, l'environnement de l'Arctique et la culture inuite étaient insuffisamment compris, il n'y a pas eu pour ainsi dire de consultation sur la façon ou les lieux où le gouvernement devait construire les maisons, le processus de mise en œuvre était médiocre, et les ressources, insuffisantes, et les toutes premières maisons qui ont été construites étaient clairement inadéquates, trop peu nombreuses et mal adaptées.
En conséquence, il n'est pas surprenant, étant donné ce mauvais départ au chapitre du logement, que nous nous retrouvons plus de 50 ans plus tard à avoir le plus souvent aggravé le problème en reprenant la même approche.
La raison pour laquelle nous nous retrouvons avec un nombre important d'Inuits qui vivent dans des logements surpeuplés, c'est tout simplement que les logements sont en nombre insuffisant. La raison pour laquelle nous nous retrouvons avec un grand nombre de logements endommagés, en particulier les logements publics, tient à un certain nombre de facteurs sociaux très diversifiés, par exemple la faible scolarisation, le surpeuplement des logements, la mauvaise santé, les frustrations, l'ennui, la colère et les souffrances découlant de différentes dérives des programmes gouvernementaux comme celui des pensionnats. Cela représente donc un grand défi. Le logement est l'un des enjeux qui ont clairement une incidence sur une vaste gamme d'autres enjeux.
J'aimerais maintenant passer à l'année 1999, date de la création de notre territoire. Comme vous le savez, notre territoire a vu le jour grâce à une entente de revendication territoriale qui a mené à la décision de créer ce territoire. Iqaluit a été désignée capitale au terme d'un référendum, et nous nous sommes retrouvés face tant à des débouchés qu'à des défis.
L'une des premières institutions qui ont été créées et mises en place pour aider les dirigeants à aménager le territoire a été la Commission d'établissement du Nunavut. Le commissaire, avec l'aide de son personnel et au moyen de consultations, a examiné un certain nombre d'enjeux. Le logement en était un.
L'objectif, toutefois, avait principalement trait au logement des fonctionnaires. Comme c'était la pratique dans les Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement fournit un nombre assez important de logements aux gens prêts à venir s'installer sur le territoire pour travailler.
Malheureusement, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest avait vendu avant 1999 bon nombre des logements sur le territoire qui allait devenir le Nunavut. Cette décision était extrêmement malheureuse. Les logements ont souvent été achetés par des gens qui en avaient les moyens ou qui ont pu les acheter à un prix relativement bas. Il n'est pas surprenant de constater que certains de ces logements ont fini par être loués par le gouvernement du Nunavut.
De plus, le commissaire à l'établissement du Nunavut avait recommandé que le gouvernement signe des baux de longue durée afin de s'assurer d'un nombre suffisant de logements. Bien sûr, je sais que le nouveau gouvernement avait d'autres préoccupations ou problèmes à régler ou qu'il n'était pas en mesure d'emprunter l'argent nécessaire pour construire ses propres logements pour les fonctionnaires et que les baux à long terme étaient donc une solution. Les promoteurs n'étaient pas disposés à construire des logements en s'appuyant sur des conjectures, même s'il était clair que le gouvernement allait avoir besoin de plusieurs centaines d'unités pour ses quelques milliers d'employés du territoire.
Le programme de subventions qui a été élaboré a malheureusement eu des conséquences inattendues et malheureuses, fort possiblement. Je vais vous donner un exemple. Lorsque le gouvernement du Nunavut a décidé de louer des logements à deux ou trois chambres, il a conclu une entente avec les promoteurs pour louer chaque logement au prix de 3 200 $. Le gouvernement verserait au propriétaire ou au promoteur une subvention d'environ 2 000 $. La différence, d'environ 1 200 $, serait payée par l'employé. Ainsi, comme il fallait construire plusieurs centaines de logements et que chaque logement donnait droit à une subvention de 2 000 $, pour 20 ans dans bien des cas, nous avons immédiatement créé un petit nombre de multimillionnaires.
L'autre conséquence inattendue, c'est l'inflation des loyers dans la collectivité, en particulier à Iqaluit. Un logement d'une seule chambre situé dans la tour d'habitation que vous avez vue, je crois, lorsque vous êtes venus dans notre collectivité, se louait environ 700 $ par mois. L'hypothèque sur ce complexe était certainement toute payée en 1999, étant donné que ces immeubles avaient été construits au début des années 1970, et il avait servi à de nombreux fonctionnaires au cours des 30 années. Quelques années plus tard, le même logement d'une chambre, qui était loué 700 $, se louait 2 225 $. Voilà les conséquences de ces subventions.
Il ne faut pas non plus se surprendre que, de la même façon, elles ont entraîné une augmentation du prix des logements. Le prix des maisons que l'on pouvait acheter en 1998 pour un peu moins de 200 000 $ s'est mis en quelques années à grimper, passant de 200 000 $ à 250 000 $, puis à 300 000 $ et à 350 000 $, puis à 400 000 $. Aujourd'hui, une première maison, à Iqaluit, coûte environ 500 000 $, que ce soit une maison déjà existante ou une maison que vous faites construire.
Je ne sais pas comment nous pourrions corriger cette décision et ses conséquences, mais voilà ce qui s'est passé, à Iqaluit, du moins.
Dans notre collectivité, nous avons un modèle mixte, davantage que ce que vous verrez dans les 24 autres petites collectivités. Nous avons, oui, des logements sociaux, moins de 20 % du total. Nous avons aussi des logements privés, car il y a des gens qui achètent ou qui construisent leur maison. Je vais m'assurer que mon personnel va transmettre les chiffres exacts au Sénat, mais, selon mes estimations, cela représente environ 25 % du total. La plus grande partie des résidences, à Iqaluit, sont des logements destinés au personnel, que les promoteurs ou les propriétaires mettent à la disposition du gouvernement du Nunavut, du gouvernement du Canada ou de la ville; il y a aussi, bien sûr, les logements fournis pour attirer des employés par des compagnies de taxi, des restaurants ou des hôtels. Les grands employeurs vont la plupart du temps fournir à leurs employés des logements subventionnés.
Il y a aussi un tout petit nombre de logements disponibles que des propriétaires offrent sur le marché. Au fil des ans, nous nous sommes retrouvés dans la situation où il coûte environ 1 000 $, 1 300 $, voire 1 400 $ pour louer une chambre dans un logement. Un logement d'une chambre coûte plus de 2 000 $, un logement de trois chambres, plus de 3 000 $, et un logement de quatre chambres, plus de 4 000 $.
Nous sommes une capitale, et notre population croît à une vitesse spectaculaire depuis 1999. Nous comptions environ 3 000 habitants au moment de la création du territoire. Nous en comptons aujourd'hui environ 8 000. Au cours de mon dernier mandat à la mairie, la ville enregistrait selon les estimations environ 300 nouveaux résidents par année. Cela fait près de 1 000 nouveaux résidents tous les trois ans.
La Ville aménage de nouveaux quartiers et offre des lots à mettre en valeur. Malheureusement, ces trois dernières années, aucun nouveau lot n'a été exploité ou offert. Des immeubles ont été construits, mais les constructeurs étaient déjà propriétaires des lots qu'ils mettaient maintenant en valeur.
La Ville a besoin d'une somme énorme, des centaines de millions de dollars, pour aménager un nouveau quartier. Nous devons nous occuper des travaux d'ingénierie, de l'arpentage, de la construction des routes, de l'installation des services publics ou des canalisations. Lorsque nous l'avons fait, nous recouvrons nos coûts en vendant les lots. Nous calculons au pied carré notre capacité à récupérer la mise de fonds. La plupart du temps, un lot à Iqaluit se vend rarement sous la barre des 75 000 $, le plus souvent, il atteindra des centaines de milliers de dollars, selon ses dimensions. C'est beaucoup d'argent, et c'est un obstacle pour bien des gens, car c'est un ajout important au prix de la construction d'une maison.
Malheureusement, la Ville se retrouve aux prises avec un déficit. Nous cherchons des moyens créatifs d'offrir un petit nombre de lots, cette année, mais notre but et notre espoir, c'est d'être en mesure, l'année prochaine et l'année suivante, de pouvoir aménager tout un nouveau quartier pour réaliser cela. Nous allons peut-être devoir demander l'aide du gouvernement territorial et du gouvernement fédéral.
Quand nous nous retrouvons dans cette situation, les employeurs, comme le gouvernement du Nunavut ou le gouvernement du Canada, ou encore même la ville, et d'autres employeurs, ont de la difficulté à attirer des employés ou à les conserver, pour la seule raison qu'il n'y a pas suffisamment de logements dans notre collectivité.
L'autre question que j'aimerais porter à l'attention de votre comité, c'est que, même si la situation semble très désespérante, je suis quand même relativement optimiste, dans la mesure où la construction et le développement sont bons pour notre collectivité et bons pour le territoire. Nous constatons que les chiffres sur la population des petites collectivités demeurent assez statiques; par exemple, la population de Kimmirut est toujours d'environ 400 personnes, et celle de Grise Fiord, d'environ 150 personnes. Ces collectivités affichent un taux de naissance élevé, mais les habitants migrent vers les centres régionaux. Ils migrent; ils viennent vivre et travailler à Iqaluit. C'est une bonne chose, dans la mesure où, idéalement, ils ont déjà un emploi et que, idéalement, ils ont négocié avec leur employeur afin d'avoir accès à un logement; ainsi, ils ne se retrouveront pas à vivre sur la plage, ou sous une tente, parce qu'ils ne savaient pas que, dans notre collectivité, ils ne trouveraient pas de logement.
Je suis très heureuse de voir que le nouveau gouvernement s'est engagé à mettre en œuvre une stratégie nationale en matière de logement. Le gouvernement de notre territoire, de concert avec le gouvernement des deux autres territoires, cherche des moyens d'en élaborer une.
La Ville d'Iqaluit fait elle-même une bonne part de ce travail, parce que nous sommes conscients que nous devons prendre les choses en main et élaborer notre propre stratégie en matière de logement, ce qui englobe vraiment tout: l'itinérance, les logements sociaux, la propriété foncière, les logements des fonctionnaires, et aussi, idéalement, les politiques des programmes, leur adaptation dans le but d'augmenter le nombre de logements qui seront construits dans nos collectivités, la façon dont nous pourrions offrir des logements abordables et offrir des logements à bien plus de gens, réduire le surpeuplement et atténuer tous ses effets négatifs, et aussi augmenter le nombre des travailleurs du secteur de la construction et du secteur des métiers, non pour notre seule collectivité, mais pour toutes les collectivités.
Je suis venue vous dire aujourd'hui que les solutions à mon avis sont nombreuses. Nous ne devons pas le perdre de vue. Nous ne nous cachons pas que le logement représente certains défis ou problèmes, que ces problèmes en entraînent d'autres. Mais je crois que nous devons travailler de manière plus stratégique. Les trois ordres de gouvernement et les organisations inuites doivent apprendre à mieux collaborer. Idéalement, les organisations inuites et nos dirigeants devraient également reconnaître qu'il leur faut investir dans le logement. Je crois qu'il faut absolument qu'ils arrêtent de penser qu'ils ne sont pas responsables du logement.
Je vais répondre à vos questions avec plaisir. Merci.
La présidente : Merci, madame Redfern.
Avant de passer aux questions, j'aimerais souhaiter la bienvenue au comité au sénateur Moore.
Je vais exercer ma prérogative de présidente et poser une question. Nous nous sommes rendus dans le Nord, il y a deux ou trois semaines, et ce voyage nous a réellement ouvert les yeux. Comme vous l'avez dit vous-même, il est mieux de voir ces choses sur le terrain que d'en lire le compte rendu.
Nous avons entendu parler, à Iqaluit en premier probablement, de la question du logement du personnel. Vous nous avez donné beaucoup d'information sur la façon dont le système du logement du personnel avait été établi. Il m'a semblé que vous avez dit que la plupart des logements étaient réservés au personnel, le personnel d'un des ordres de gouvernement ou le personnel d'un des grands employeurs. Nous avons entre autres entendu deux jeunes témoins affirmer que les logements réservés au personnel représentaient pour eux un obstacle, car ils sont, eux, des habitants du Nord et les logements sont plus ou moins réservés à des gens du Sud.
Est-ce que la Ville d'Iqaluit a envisagé de modifier d'une manière ou d'une autre sa politique afin de répondre à ce type de préoccupation? Avez-vous élaboré un plan pour les jeunes qui ont quitté Iqaluit et qui y reviennent après avoir suivi une formation postsecondaire et qui ont de la difficulté à trouver un endroit où vivre? Avez-vous élaboré des solutions à ce problème?
Mme Redfern : Merci de poser la question. La majeure partie des logements réservés au personnel, dans notre collectivité et partout ailleurs sur le territoire, sont fournis par le gouvernement du Nunavut. Nous lui avons expliqué que, à notre avis, il lui faudrait revoir sa politique en raison du fait que les logements qu'il offre sont presque toujours offerts uniquement à des gens qui viennent du Sud.
Il ne fait aucun doute qu'il y a dans notre collectivité bien des gens qui ont besoin d'un logement. L'idée selon laquelle les gens ont déjà un logement, dans la collectivité, est bien trop simpliste. Je vais vous donner un exemple. Je connais une famille habitant dans un logement ne comptant qu'une seule chambre fermée: il y a la mère, le père, une fille adulte avec son conjoint et leurs quatre enfants qui vivent dans la chambre; il y a aussi trois autres frères et sœurs. Au total, une dizaine de personnes environ vivent dans un logement de trois pièces. La fille adulte travaillait pour Parcs Canada. Je lui ai dit: « As-tu demandé à ton gestionnaire d'avoir un logement? Nous savons qu'il y a encore des logements vides dans notre collectivité. » Elle est donc allée voir son superviseur, qui lui a répondu: « Mais non, tu as déjà un logement. » Je lui ai alors demandé: « Lui as-tu expliqué dans quelles conditions vous viviez? » Elle est retournée voir son superviseur qui lui a dit qu'il ne pouvait rien y faire. Ce qui est malheureux, c'est qu'elle a décidé de quitter son emploi, en partie en raison de sa colère et de sa frustration; quelques mois plus tard seulement, elle a appris que la personne qui l'avait remplacée, une célibataire venue du Sud, avait eu droit à un logement de trois chambres. Ce type de politique, la façon dont elle est mise en œuvre... je vous affirme qu'elle est une source de tensions raciales, de colère et de frustration.
Pendant mon dernier mandat à la mairie, un immeuble d'habitation comptant environ 27 logements a été détruit par un incendie. Le gouvernement du Nunavut a pu reloger tous les locataires en moins de 48 heures, étant donné le grand nombre de logements vides dans notre collectivité. De la même façon, un an plus tard, une rangée d'environ 22 logements tous de couleur blanche a été détruite par un incendie; ces logements étaient occupés par des étudiants du collège et leur famille; encore une fois, ils ont tous été relogés en moins de 48 heures.
Dans les deux cas, étant donné qu'il s'agissait d'employés du gouvernement du Nunavut et d'étudiants auxquels le gouvernement du Nunavut assure un logement, ils devaient être relogés. Si le feu s'était déclaré dans une résidence privée, où n'habitaient ni employés ni étudiants, ces gens se seraient retrouvés sans toit, et seraient restés sans toit pendant des années. Dans bien des cas, ils n'auraient d'autre solution que de quitter la collectivité ou d'emménager avec des membres de leur famille ou des amis vivant eux-mêmes dans des cabanes ou des abris de fortune.
C'est pourquoi il faut absolument revoir cette politique. Merci, madame la sénatrice.
La présidente : Merci d'avoir donné ces exemples. Ils illustrent vraiment bien le fait que cette politique entraîne bien des inégalités et des tensions. Savez-vous combien de logements sont actuellement vides, en ce qui concerne les logements destinés au personnel? Avez-vous ces chiffres en main?
Mme Redfern : Je n'ai pas les chiffres en tant que tels. Je crois que le ministre responsable, George Hickes, devrait pouvoir le communiquer à votre comité. Toutefois, il suffit de circuler dans la ville pour voir quels logements sont vides. La rangée de logements verts, tout le monde sait qu'elle est presque vide. C'est très frustrant.
Je sais que le gouvernement du Nunavut a choisi d'attribuer un logement à un poste en particulier. Lorsque le poste est vacant, le logement reste vide. Le vérificateur général du Canada a déjà souligné dans un de ses rapports qu'il faut environ 320 jours au gouvernement du Nunavut pour combler un poste. J'aimerais également rappeler à votre comité qu'environ 25 p. 100 des postes de la fonction publique du gouvernement territorial du Nunavut sont aujourd'hui vacants, ce qui fait que les logements sont vacants, non seulement à Iqaluit, mais sur tout le territoire.
Je suis aussi présidente de la Commission des services juridiques; une de nos employés de longue date, qui travaillait avec nous depuis 16 ans, a perdu son logement parce qu'elle s'est séparée. Elle vivait avec sa famille, et nous avons fait pression constamment, pendant deux ans, afin qu'elle puisse obtenir un logement à Gjoa Haven. En même temps, cependant, nous cherchions à combler un poste de gestionnaire de bureau, et nous avons demandé qu'elle puisse tout simplement obtenir le logement associé à ce poste. Nous faisions des annonces, mais nous n'arrivions pas à combler le poste de gestionnaire de bureau; pendant ce temps, elle n'avait toujours pas de logement. Une politique comme celle-là, la façon dont elle est interprétée et mise en œuvre, entraîne des problèmes inutiles. C'est très frustrant.
Le sénateur Patterson : Merci. Je souhaite la bienvenue à notre maire.
Je me suis toujours demandé combien de personnes occupant un logement social — c'est une minorité — affichaient un revenu familial important. Les locataires de ces logements doivent obligatoirement déclarer leur revenu aux autorités responsables du logement chaque année, je crois, pour obtenir un logement social, un logement public, ce qui fait que les responsables du logement ont une assez bonne idée du revenu familial de leurs locataires.
J'ai toujours espéré que l'on réglerait le problème des pressions sur les logements sociaux en encourageant les locataires qui ont un revenu familial élevé à devenir propriétaires de leur résidence, en les encourageant à libérer ces logements sociaux pour qu'ils soient disponibles pour ceux qui en ont davantage besoin et n'ont pas les moyens d'être propriétaires de leur maison.
Je crois que Mme Redfern a déjà encouragé des gens à devenir propriétaires de leur résidence, en travaillant auprès de la société du logement sans but lucratif des Inuits, qui a bâti des maisons sur le territoire qui s'appelait à ce moment- là les Territoires du Nord-Ouest, et aussi, je crois, à Ottawa.
À titre d'information supplémentaire, j'ajouterais que, si les membres du comité s'en souviennent, nous avons entendu que, à Iqaluit, il ne s'agit pas vraiment d'une option viable, qu'il coûte très cher d'acheter et d'entretenir une maison, et qu'en fait, nombre des personnes qui ont pu avoir une maison grâce au programme d'accès à la propriété de la Société du logement des Territoires du Nord-Ouest ou du Nunavut ont fini par perdre leur maison. Elles ne pouvaient plus en assumer les coûts. Il s'agissait dans certains cas de personnes qui avaient pris leur retraite et qui, en raison de leur revenu réduit, ne pouvaient plus payer leur hypothèque, ce qui fait que les banques ont repris leur maison; dans certains autres cas — je crois que le terme est « renonciation » —, la société du logement a repris possession de leur maison.
J'aimerais que Mme Redfern nous fasse part de son opinion et nous parle de son expérience quant à la façon dont cela pourrait être fait, en précisant si cela peut être fait, s'il vous plaît.
Mme Redfern : Merci, monsieur le sénateur Patterson. Il y a en effet à Iqaluit des gens qui vivent avec leur famille dans un logement social et qui gagnent un revenu important. Je me souviens, lorsque j'étais présidente de la Commission des services juridiques, nous nous sommes occupés du cas de 44 locataires, environ, à qui les responsables du logement social avaient envoyé un avis d'éviction en raison de leur revenu trop élevé. En fait, nous les avions aidés à contester ces avis d'éviction; toutefois, je reconnais que les responsables du logement d'Iqaluit ne devraient vraiment pas utiliser cette approche.
Ce qui me dérange, ce que je trouve frustrant, c'est qu'il n'existe que très peu de mécanismes de soutien pour aider les gens qui ont un revenu suffisant pour envisager la possibilité d'acheter une maison. Je compte dans ma famille et parmi mes amis des gens qui n'ont tout simplement pas suffisamment de connaissances financières, qui ne savent pas ce qu'est une hypothèque, qui ne connaissent pas les étapes à suivre pour acheter une maison, qui n'ont aucune idée de la notion de principal et d'intérêt ou de tout ce que suppose la propriété foncière.
Les 44 locataires visés, avec leur famille, auraient probablement pu trouver un logement sur le marché privé s'ils avaient eu accès à une aide ciblée; se contenter de leur envoyer un avis d'éviction, c'est trop peu. Un certain nombre d'entre eux ont donc décidé de quitter leur emploi pour avoir le droit de conserver leur logement social. Il y en a, bien sûr, qui se sont adressés à l'aide juridique et pour qui nous avons contesté les avis. Mais la possibilité de libérer ces 44 logements de manière que chaque famille puisse acheter une maison serait d'une grande importance.
Lorsque je travaillais pour la société du logement sans but lucratif des Inuits, nous avons effectué d'assez nombreuses recherches pour trouver le moyen d'augmenter le nombre des personnes qui pouvaient avoir un logement ou s'acheter une résidence. À l'échelle du pays, il y a un certain nombre — un petit nombre, malgré tout — de bandes et de réserves qui ont adopté une approche beaucoup plus créative, selon laquelle la bande devient le garant, la collectivité ou la municipalité fournit le terrain, la banque s'occupe de l'hypothèque, et le territoire ou la province offre des programmes d'aide pour la mise de fonds.
La bande a pris l'initiative pour s'assurer que les critères du programme et la façon dont celui-ci avait été conçu permettaient de s'assurer que les gens qui présentaient une demande gagnaient un revenu suffisant et stable et pouvaient participer à ce programme d'accession à la propriété. Les gens pouvaient suivre des cours pour savoir comment établir un budget, en particulier un budget personnel. Il y avait aussi des cours sur le paiement de l'hypothèque, la propriété foncière, tout ce que cela suppose. Les coordonnateurs des programmes de logement de la collectivité n'étaient donc pas seulement responsables de la collecte des loyers des locataires des logements sociaux; ils étaient également des personnes-ressources, qu'il s'agisse de logement coopératif ou d'accès à la propriété. L'objectif était de s'assurer que les gens comprenaient leurs responsabilités et qu'ils avaient accès à de l'aide, au besoin; de cette façon, ils pouvaient avec leur famille avoir la joie d'occuper un logement.
Quand j'y pense, je trouve frustrant de savoir qu'il y a probablement des dizaines, si ce n'est pas plus d'une centaine de personnes qui, au Nunavut, ont un emploi lié au logement alors qu'un si grand nombre des habitants de notre territoire n'ont presque pas accès à de l'aide ou à de l'information sur leurs options au chapitre du logement et ne savent pas s'ils pourraient même acheter une maison, en construire une ou prendre les moyens pour que cela soit possible.
Je connais au moins un cas, celui de mon frère, dont le revenu familial a à un moment donné dépassé les 150 000 $ alors qu'il vivait avec sa famille dans un logement social. Avec de l'aide, il a pu faire construire sa propre maison. Mais, dans la grande majorité des cas, les locataires d'un logement social demeureront locataires s'ils n'ont pas dans leur famille ou parmi leurs amis une personne qui pourra les aider à franchir toutes ces étapes.
Le sénateur Oh : Bienvenue, madame la maire. Je vais vous poser une question sur le référendum qui s'est déroulé hier. À ma connaissance, les résidents et les investisseurs du Nunavut doivent payer des droits à l'administration locale pour louer des terrains, étant donné que seules les municipalités ont le droit d'être propriétaires des terres. Mais il y a eu hier un référendum visant à déterminer si les terres publiques pouvaient être vendues à des particuliers ou à des sociétés. Dans le cadre de ce référendum historique, la plupart des votants du Nunavut ont répondu « non » à la question de savoir si les terrains municipaux pouvaient être vendus et achetés. Pourriez-vous nous dire de quelle façon ce résultat pourrait se répercuter sur le marché du logement d'aujourd'hui?
Mme Redfern : La raison pour laquelle les terres du Nunavut sont tenues à bail par nos municipalités, c'est l'entente de revendication territoriale. Les négociateurs inuits et les Inuits eux-mêmes jugeaient qu'il ne fallait pas que les terres soient des propriétés franches tant que nous ne serions pas capables de les acheter et d'en être les principaux locataires ou propriétaires, dans nos propres collectivités. Les revendications territoriales prévoyaient la tenue d'un référendum 20 ans plus tard, et ce référendum a eu lieu hier à l'échelle du territoire.
Si la majorité a voté contre la transformation d'un système de tenure à bail en un système de propriété franche, c'est pour plusieurs raisons. Premièrement, les gens n'ont pas été suffisamment informés des répercussions d'un « oui » à ce référendum. Deuxièmement, on croit ou on pense toujours qu'il n'y a pas suffisamment de propriétaires parmi les Inuits, même dans le cadre d'un système de location-achat. Troisièmement, enfin, du point de vue du moins de la municipalité d'Iqaluit, comme nous l'avons constaté en discutant avec notre avocat, nous ne sommes pas assez bien préparés pour passer à un nouveau système.
En tant que propriétaire foncier, la Ville d'Iqaluit peut collecter les arriérés et les paiements dus concernant une propriété, et rien ne peut se faire tant que les parties ne nous ont pas payé tout ce qu'elles nous doivent. Cela s'est révélé une bonne façon de nous assurer du paiement des arriérés sur une propriété. Cela deviendrait impossible avec un système de tenure à bail.
Ensuite, les installations des services publics, celles, du moins, que nous ne pouvons pas voir, par exemple les canalisations qui sont enfouies, ne sont pas adéquatement cartographiées, et il est donc impossible de les inscrire sur les titres. Si nous passions à un système de propriété franche, notre avocat nous a mis en garde contre la possibilité que les propriétaires demandent à la ville ou aux services publics de retirer les installations de leur propriété. Cela entraînerait des coûts importants.
Un autre aspect sous-jacent, c'est que la Ville d'Iqaluit et un certain nombre d'autres municipalités imposent une exigence de résidence, et, si nous pouvons faire cela, c'est en raison du système de tenure à bail. Nous offrons dans notre collectivité des terrains à bâtir assez grands pour une famille, mais les acheteurs doivent être âgés de plus de 18 ans, être résidants dans notre collectivité depuis 2 ans et ne jamais nous avoir acheté de lot auparavant. C'est un programme qui s'adresse aux nouveaux propriétaires. Notre avocat nous a dit que, à moins de modifier les lois du territoire, nous ne pourrions plus faire cela dans le cadre d'un système de propriété franche.
La résidence est la clé. Comme je l'ai déjà dit, de nombreux Inuits voudraient sincèrement que nous devenions les principaux propriétaires des maisons et des terrains sur notre propre territoire. Nous n'avons tout simplement pas été en mesure de réaliser cela pour le moment. Mais si nous nous attaquons à la crise du logement avec de meilleurs outils et une meilleure stratégie, je crois que nous pourrons un jour envisager que le résultat d'un tel référendum serait « oui » dans nombre de nos collectivités.
Le sénateur Oh : En ce qui concerne le logement abordable, avez-vous une idée de ce que représente le loyer total d'un logement, dans votre région, et du taux d'inoccupation?
Mme Redfern : Le taux d'inoccupation est toujours de zéro, ou à peu près, en tout temps, à Iqaluit. Quand il n'est pas tout simplement nul, c'est que le loyer est trop cher et que personne ne peut se le permettre, sur le marché. Pourtant, comme je l'ai dit plus tôt, il y a des logements vacants, c'est-à-dire des logements réservés au personnel qui restent vacants parce qu'un poste est vacant. Il s'agit techniquement d'un logement vacant, mais il n'est pas disponible.
J'essaie de me souvenir de votre première question. Je m'excuse, monsieur le sénateur.
Le sénateur Oh : Je vous posais une question sur le nombre total de logements locatifs abordables qui étaient accessibles.
Mme Redfern : Je vais répondre avec plaisir à votre question. Il y a trois grands propriétaires, je pourrais vous transmettre plus tard les chiffres exacts. Mais en principe, il n'y a jamais de logements vacants. Il y a souvent des listes d'attente, sauf pour les logements trop chers que les gens ne peuvent pas payer.
Le sénateur Oh : Il y a donc un certain nombre de logements vacants, mais ils ne sont pas offerts en location. Ils restent vides.
Mme Redfern : Ce sont surtout les logements réservés au personnel qui restent vides. Sur le marché privé, il n'y a presque jamais de logements vacants, et quand il y en a un ou deux, c'est tout simplement parce qu'ils sont trop chers.
La sénatrice Raine : Je dois dire que j'ai aimé ma visite à Iqaluit. Je suis désolée que vous n'ayez pas été là pour nous piloter, mais nous avions un très bon guide.
La situation que vous vivez est très différente, mais je ne puis m'empêcher de penser à la situation que j'ai vécue dans l'Ouest du Canada, dans les centres de ski; le prix des terrains avait tellement augmenté qu'ils étaient hors de portée des travailleurs, qui devaient vivre et travailler dans ces centres. Les sociétés de logement ont élaboré des solutions assez créatives en offrant seulement aux travailleurs des centres, qui y vivaient, la possibilité d'acheter un terrain sur un lotissement afin d'y construire une maison. Lorsqu'ils voulaient vendre leur maison, ils ne pouvaient s'adresser qu'à des travailleurs comme eux. Cela a été utile. Je crois que vous pourriez examiner cette solution.
J'ai une question que j'avais très hâte de poser, et j'espère que vous saurez y répondre. Nous avons vu le grand immeuble construit par l'armée américaine pendant la guerre froide, près de l'aéroport, et qui est vide. J'ai oublié son nom. L'immeuble semble assez grand. Il servait de résidences universitaires avant de connaître des problèmes, un incendie, des moisissures, d'autres choses. De qui relèverait une décision concernant cet immeuble? Il me semblerait dommage de le détruire alors qu'il serait peut-être possible de lancer un appel de propositions au secteur privé, pour le réaménager, en faire peut-être des logements qui répondraient aux besoins. Je sais que les besoins sont grands à ce chapitre. Pourriez-vous me dire ce qui doit se passer avec cet immeuble en particulier?
Mme Redfern : J'imagine que vous parlez de la vieille résidence.
La sénatrice Raine : Oui.
Mme Redfern : C'est un édifice du gouvernement territorial qui a servi surtout au Collège de l'Arctique, il y avait des salles de classe, des bureaux, des résidences, un gymnase et une cafétéria. Il y avait aussi des annexes, un atelier et quelques entrepôts.
Je n'ai jamais entendu dire qu'on prévoyait le détruire. Il en a été question de façon épisodique pendant 30 ans. Je sais que des travaux de rénovation ont été effectués, pour supprimer les moisissures et quelques autres contaminants. Il y a eu des rumeurs selon lesquelles ces travaux étaient faits en raison du nouvel aéroport. Je ne crois pas que c'était le cas, mais je peux m'informer et demander au gouvernement du Nunavut quels sont ses plans. Il n'a rien fait savoir à la ville pour le moment.
La sénatrice Raine : J'ai l'impression à vous entendre qu'il y a comme une coupure entre la réalité de la vie, l'administration d'une capitale comme Iqaluit, et le gouvernement du Nunavut, les restrictions qu'il impose. De quelle façon les conflits de ce type vont-ils être réglés? Est-ce que vous vous assoyez parfois à la même table? La Ville d'Iqaluit loge de 80 à 90 p. 100 de la population du territoire, ou, quoi qu'il en soit, un pourcentage énorme. Est-ce que vous vous assoyez parfois à la même table?
Mme Redfern : Généralement, quand nous communiquons, c'est parce qu'une personne a décidé qu'il le fallait ou encore en raison des priorités stratégiques ou bureaucratiques de l'heure. Mais il ne fait pas de doute qu'il y a eu dans certains cas une coupure. Je suis très contente de la nomination récente de l'honorable George Hickes au poste de ministre responsable de la Société d'habitation du Nunavut. Je crois qu'il est tout à fait ouvert à l'idée de travailler avec les différents ordres de gouvernement.
Toutefois, je me souviens d'un commentaire qu'il avait fait dans le cadre d'un forum des maires, à Baffin, en réponse à une question que j'avais posée: quels sont les plans du gouvernement du territoire quant à l'élaboration d'une stratégie territoriale en matière de logement, dans le cadre de la stratégie fédérale en matière de logement, et le gouvernement territorial s'engagerait-il à collaborer avec les municipalités? Il a répondu que c'était une entreprise de taille et qu'il lui serait impossible de consulter toutes les collectivités.
Je lui ai rappelé que nous étions la capitale, une ville importante dont la croissance était assurée par une importante migration intérieure et qu'à ce titre, nous étions tout à fait disposés à l'aider et à élaborer, non pas nécessairement notre propre stratégie, mais toute l'information dont il aurait besoin pour intégrer notre réalité, nos besoins, les débouchés et les défis qui sont les nôtres dans sa stratégie territoriale.
Parfois, c'est la dynamique des échanges entre les bureaux, les priorités, les politiques ou les personnes qui est le problème.
La sénatrice Beyak : Merci beaucoup de tous ces renseignements et du travail acharné que vous avez fait sur cette question. C'est vraiment rafraîchissant.
Nous avons reçu récemment des témoins de l'organisme Habitat pour l'humanité qui parlaient d'efficience, de prix et de collaboration. Est-ce que vous travaillez avec des organismes de ce type ou avec d'autres organismes? J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de détails.
Mme Redfern : Je suis une fervente partisane d'Habitat pour l'humanité, en particulier quand il est question de notre collectivité. Pendant mon dernier mandat à la mairie, nous avons reçu des membres de cet organisme et nous avons cherché des mécanismes grâce auxquels la ville pourrait soutenir leur programme, en particulier en leur offrant un terrain, soit sans frais, soit à frais minimes, de façon à réduire le coût total du logement que l'organisme voulait construire.
Le défi, bien sûr, c'est que ce modèle ne permet de construire qu'un logement par tranche de quelques années. Nous avons un minuscule groupe de bénévoles, sur le terrain, et quand ils ont enfin les moyens de construire un logement dans notre collectivité, ils font venir un grand nombre d'autres bénévoles de toutes les régions du pays. En fait, je crois qu'ils ont fait venir quelques bénévoles de l'étranger. Ils ont eux-mêmes payé leur billet d'avion, et ont été hébergés par les membres de notre collectivité.
C'est un programme précieux. Il permet de construire des logements beaucoup plus abordables, parce que l'hypothèque est fondée sur son seul coût, non pas sur sa valeur sur le marché, et qu'une bonne partie de la main- d'œuvre, des matériaux et du terrain sont soit donnés, soit offerts à rabais. Mais, comme je l'ai dit, à l'heure actuelle cet organisme ne peut même pas construire un logement par année. Les responsables ont envisagé la possibilité de construire au moins des duplex.
Je crois qu'il est important de reconnaître, en ce qui concerne le problème du logement, non seulement à Iqaluit, mais dans toutes nos petites collectivités, c'est qu'il n'y a pas de solution unique. Je n'aime pas entendre les institutions ou le gouvernement qui demandent toujours au gouvernement fédéral des logements sociaux, des logements sociaux, des logements sociaux. Je crois que nous devrions examiner toute la gamme des options et en retenir plusieurs.
Le sénateur Moore : Merci, madame la maire, d'avoir fait le déplacement pour vous joindre à nous. J'ai deux ou trois questions.
J'aimerais revenir sur la question de Mme Greene Raine, l'édifice résidentiel qui avait été construit par la U.S. Air Force. Différentes personnes nous ont affirmé qu'il allait être démoli pour faire place à un nouveau terminal aéroportuaire. On nous a dit également qu'il s'agissait d'une très solide construction. Je crois que quelqu'un a dit que les planchers de béton étaient indestructibles. À qui appartient cet immeuble?
Mme Redfern : Il appartient au gouvernement territorial.
Le sénateur Moore : C'est le propriétaire.
Mme Redfern : C'est le propriétaire.
Le sénateur Moore : À quel moment est-il devenu propriétaire?
Mme Redfern: Il en a probablement hérité du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, qui, fort probablement, en a hérité du gouvernement du Canada, à qui les États-Unis l'avaient remis en 1959 ou autour de cette date.
Le sénateur Moore : Le terrain sur lequel se trouvent l'aéroport et le nouveau terminal, à qui appartient-il?
Mme Redfern : Je crois que c'est également une propriété du gouvernement territorial, car les aéroports relèvent du gouvernement territorial. La propriété foncière est compliquée, à Iqaluit. Certains terrains appartiennent à l'État, près de l'aéroport, ou au gouvernement territorial; certains terrains appartiennent à notre ville, et il y a aussi un tout petit nombre de propriétés qui sont demeurées en fief simple, en raison d'une clause grand-père, car ils avaient été achetés avant la signature de l'entente de revendication territoriale.
Le sénateur Moore : Par exemple, au moment de la construction du nouveau terminal, est-ce que les constructeurs ont demandé à vous voir et à rencontrer le conseil pour parler de cette proposition et des répercussions possibles sur les propriétés attenantes, leur utilisation, et ainsi de suite?
Mme Redfern : Oui. De hauts fonctionnaires ou des représentants du gouvernement territorial ont en effet rencontré le maire et le conseil — c'était pendant mon mandat précédent — de même que nos consultants, et je me souviens que je leur avais présenté quelques observations. Entre autres, je leur avais rappelé qu'en général, lorsque des terrains sont mis en valeur, quand nous avons vendu le terrain ou que nous le louons, nous pouvions récupérer les coûts des travaux publics, par exemple la construction des routes, l'asphaltage, les services publics ou les stations de pompage. Mais comme le terrain sur lequel le nouvel aéroport se trouve appartient déjà à un autre ordre de gouvernement, notre administration n'avait aucun moyen de récupérer les montants importants nécessaires pour, par exemple, refaire la route ou offrir les autres services connexes.
Lorsque je leur ai demandé si les coûts de construction de cet aéroport de plus de 300 millions de dollars allaient couvrir la réparation de la route, l'asphaltage et tout cela, ils m'ont regardée l'air stupéfait. Leur expression voulait dire: « Ce n'est vraiment pas notre problème. Vous avez la chance d'avoir un aéroport de plus de 300 millions de dollars. » Je leur ai dit: « Nous n'avons pas cet argent, et je ne peux vraiment pas en faire assumer les coûts par notre minuscule population de contribuables. »
Le sénateur Moore : Ne doivent-ils pas s'adresser au conseil pour discuter du zonage, obtenir une approbation et un permis de construction?
Mme Redfern : Il y avait déjà eu une approbation conditionnelle, ou des conditions qui avaient été imposées, concernant entre autres une étude sur le transport qui devait porter sur ces coûts connexes. Selon ce que je comprends, dans l'intérim, quand je n'étais pas maire, on a exercé des pressions importantes sur le conseil et sur la Ville pour que les permis soient émis et que les conditions soient supprimées, et c'est ce qui s'est passé, malheureusement. Nous avons perdu un important moyen de négociation grâce auquel nous aurions pu couvrir ces coûts, par exemple en disant: « Écoutez, vous vous engagez à réparer la route et à offrir les services en question, et nous allons vous délivrer un permis de construction. » Au contraire, il n'en a pas été question.
Le sénateur Moore : Et ce seul exemple concerne un dossier plutôt important, n'est-ce pas? On parle de très longue durée, de longue vie. Est-ce que le conseil a demandé des conseils, des conseils juridiques, des conseils touchant la planification ou l'infrastructure? Est-ce qu'on vous a demandé: « Combien est-ce que cela va vous coûter? Vous devez demander une compensation. Il vous faut quelque chose en échange. » Est-ce que cela a été fait ou est-ce que le conseil est resté passif pendant que les experts venus du Sud lui tapaient sur la tête?
Mme Redfern : Mes fonctionnaires municipaux m'ont mise au courant, alors je sais qu'en effet, la décision que le conseil a prise allait à l'encontre des recommandations du personnel, et je n'étais pas présente. Le conseil a subi des pressions des milieux politiques. Je crois malheureusement que, comme je l'ai dit, il a perdu un important moyen de négociation, et j'ai beaucoup plus de difficultés aujourd'hui à rouvrir les négociations.
Le sénateur Moore : Madame la maire, j'ai été conseillé municipal à Halifax. J'ai même été maire adjoint pendant un certain temps. Je n'arrive pas à croire que la décision ait été prise à l'encontre des recommandations du personnel. Le personnel ne formule pas à la légère ses opinions et ses comptes rendus.
Quelqu'un a parlé plus tôt du fait que vous avez, dans les bureaux du gouvernement, un employé qui vient du Sud et un autre d'origine autochtone, disons un résident d'Iqaluit qui travaille dans le même bureau, mais qui n'a pas droit aux mêmes avantages en matière de logement ou autres. Qui a adopté ces règles discriminatoires?
Mme Redfern : La plupart de ces politiques ont été élaborées par un ordre de gouvernement ou un autre, ils en avaient la possibilité. Il est probable que c'est le gouvernement territorial qui a élaboré la plupart de ces politiques et que le gouvernement fédéral s'est contenté de le suivre.
C'est une question très difficile et complexe. Il faut absolument revoir cette politique et la modifier, car elle entraîne de réelles inégalités entre des employés qui doivent travailler ensemble, cela entraîne des inégalités et de la discorde entre des groupes de gens très différents qui cohabitent dans la même collectivité.
Le sénateur Moore : Cela est désespérant. C'est probablement contraire à la Charte. Continuez toutefois votre travail, madame la maire.
La présidente : Nous allons bientôt manquer de temps. Je vais permettre au sénateur Patterson de poser une petite question. Si votre question est importante, allez-y, s'il vous plaît.
Le sénateur Patterson : Je vais rester bref.
Vous avez dit que les organisations inuites devaient investir dans le logement. Il y a au centre-ville d'Iqaluit une parcelle de terrain de 16 hectares qui appartient aux Inuits. Une société de développement appartenant aux Inuits a déposé une proposition pour la mise en valeur de ce terrain. Pourriez-vous dire quels en seraient les avantages? Je sais que vous allez en tirer avantage. Les Inuits commencent à recevoir des redevances des sociétés minières. Pourraient-ils jouer un rôle au moment de régler ce problème? Vous avez parlé du rôle des bandes, dans les réserves. Je crois que vos organisations territoriales, celles du Nunavut et celles des Inuits, n'ont pas encore commencé à s'occuper du logement. Je sais que vous communiquez avec ces organisations. Pourriez-vous faire quelques commentaires sur le sujet, s'il vous plaît?
Mme Redfern : Il y a une grande parcelle de terrain derrière le parc de maisons mobiles qui jouxte le quartier général de la GRC. C'est un terrain vacant qui va jusqu'à des terrains à vocation principalement industrielle.
L'organisation inuite a élaboré un plan sommaire et prévoit un mélange des genres: logements abordables, centre de conférence et hôtel, bureaux, peut-être, et installations qui, je l'espère, comprendront aussi une garderie, voire un centre communautaire.
Ce serait bien que ce terrain soit bâti, ce serait bien qu'il comprenne des logements. J'espère que l'organisation inuite cherchera des moyens de construire des logements abordables, que ce soit des logements locatifs ou des logements à vendre. Il se fait quand même toujours bien des recherches sur les différents modèles qui feront en sorte que cette petite initiative soit valable.
Les organisations inuites devraient sérieusement s'intéresser, non pas seulement à ce projet pilote possible, mais à ce qu'elles pourraient faire pour être plus présentes sur le marché du logement, non seulement à Iqaluit, mais dans toutes les petites collectivités, de manière à fournir davantage de logements abordables.
Il serait avantageux et utile même qu'elles construisent des logements à un coût et qu'elles les offrent à des bénéficiaires, des gens qui vivent dans des logements sociaux, qui n'ont pas les moyens d'acheter une maison ou qui ne savent pas comment faire pour acheter une maison, même si, en fait, ils pourraient payer l'hypothèque.
La présidente : Au nom de tous les membres du comité, j'aimerais remercier madame la maire Redfern de sa présence aujourd'hui, de son bref exposé et de toutes les réponses qu'elle nous a données. Merci beaucoup.
Dans notre second groupe de témoins, aujourd'hui, nous recevons des représentants de LTA Aérostructures, une entreprise qui assure la conception, la certification, la fabrication, l'exploitation et l'entretien de dirigeables destinés au transport de matériel lourd vers les collectivités éloignées et nordiques.
Nous avons le plaisir ce matin d'accueillir Michael Dyment, PDG et Mark Bourret, président. Nous accueillons également Patrick Gagnon, associé principal du Groupe parlementaire.
Veuillez s'il vous plaît commencer votre déclaration préliminaire; après quoi, nous passerons aux questions des sénateurs.
Michael Dyment, PDG de LTAA, (Le Groupe parlementaire) : Je m'appelle Michael Dyment et je suis le PDG de LTA Aérostructures. Notre siège social se trouve à Montréal. Je suis accompagné de mon collègue Mark Bourret, président de LTA Aérostructures.
Nous sommes une entreprise canadienne unique; nos projets consistent à construire des dirigeables destinés au transport de matériel lourd qui serviront aux entreprises et aux collectivités de l'Arctique canadien et des provinces nordiques.
Notre entreprise est relativement nouvelle, contrairement aux partenaires de notre consortium. Parmi nos partenaires, mentionnons STELIA, une division d'Airbus, et des entreprises comme le fabricant de dirigeables Zeppelin. Nos partenaires possèdent ensemble de nombreuses années d'expérience de la fabrication, du pilotage et du fonctionnement des aéronefs.
Notre programme pour le Canada a ceci d'unique que nos dirigeables seront conçus pour transporter du matériel lourd et qu'ils pourront être utilisés tous les mois de l'année dans les conditions climatiques extrêmes de l'Arctique. C'est l'aspect très particulier de notre programme de conception technique.
Cela fait 100 ans que l'on construit des dirigeables, et, si vous êtes nombreux à entendre parler aujourd'hui des dirigeables pour la première fois, je ne vous blâmerai pas de penser au Hindenburg; c'est habituellement à ce dirigeable que les gens pensent. Mais aujourd'hui, les technologies modernes de l'aéronautique, les composites, les matériaux de pointe, et cetera, nous permettent de construire un dirigeable alimenté à l'hélium qui est très sécuritaire et fiable et aussi très abordable.
Les dimensions de ces dirigeables sont assez importantes. En fait, notre plus petit appareil est à peu près aussi long qu'un terrain de football, et il peut transporter des chargements de 22 000 à 24 000 livres.
Vous avez peut-être vu les illustrations dans les documents que nous vous avons distribués plus tôt. Les dirigeables sont des machines très belles et attrayantes, mais ils sont extrêmement robustes et polyvalents; ils peuvent être extrêmement utiles dans de très nombreux secteurs de l'industrie et du commerce, et servir aussi aux sociétés et aux collectivités du nord du Canada.
Nos principaux marchés, pour ces dirigeables, sont les mines, le pétrole et le gaz. Depuis un an et demi, toutefois, nous nous intéressons à la possibilité d'utiliser cette magnifique nouvelle technologie, les appareils qui seront construits à l'aéroport Mirabel au Québec, pour nous attaquer à des problèmes systémiques auxquels font face les peuples autochtones du Canada, les gens qui vivent dans des collectivités éloignées. Je parle ici des Premières Nations, des Métis et des Inuits.
Nos appareils peuvent transporter une maison préfabriquée entière — qui pourrait être construite dans une usine de Flin Flon, au Manitoba, par exemple — et l'emporter sans escale à peu près n'importe où dans l'Arctique, où elle sera installée de façon permanente, en quelques jours, et offrir un lieu de résidence permanent à une famille qui a besoin d'une résidence de deux, trois ou même quatre chambres.
La technologie, nous l'avons, aujourd'hui. Vous connaissez peut-être le dirigeable de Goodyear; sachez que l'un de nos partenaires a fabriqué ce dirigeable, qui vole sans problème depuis de nombreuses années.
J'espère vous faire comprendre un facteur important: les dirigeables ne vont pas disparaître et seront de plus en plus pour le Canada un outil, une nouvelle méthode de transport vers des régions où il n'y a aucune route ou seulement des routes de glace que les camions ne peuvent pas toujours utiliser, par exemple lorsque l'hiver est doux, ou, dans d'autres cas, lorsque la glace encombre encore l'océan et qu'il est impossible de transporter des matériaux de construction ou d'autres choses dans ces régions.
Nous sommes tout à fait au courant de l'intérêt à l'égard du logement. Par exemple, de nombreuses collectivités inuites savent que la Société Makivik veut lancer un programme pour encourager l'emploi dans le Nord et construire des maisons à un rythme beaucoup plus rapide. Les gens de ces collectivités nous ont dit qu'il manquait environ 100 000 résidences familiales. Le chiffre ne vient pas de nous: c'est le chiffre qu'on nous a mentionné à de nombreuses occasions. Nous parlons de 100 000 résidences pour des collectivités du Nord, du centre de la Saskatchewan jusque dans l'Extrême-Arctique.
C'est un chiffre important, alors nous avons travaillé sans nous presser avec notre groupe ainsi qu'avec une participation croissante du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec, qui fait partie de nos investisseurs, en passant, pour construire une flotte spéciale de dirigeables qui pourraient livrer jusqu'à 2 500 maisons par année.
Il s'agirait de maisons usinées. Elles seraient expédiées de divers endroits au Canada, et les maisons seraient construites selon les spécifications données par les collectivités à qui elles seraient destinées. Ces maisons seraient des maisons homologuées R2000, de très grande qualité, et nous pourrions les prendre et les transporter par les voies aériennes jusqu'à leur destination finale en quelques jours seulement.
Quand nous entendons dire que des maisons sont conçues et construites et qu'il faut cinq ans entre le moment où les plans sont faits et le moment où les gens peuvent y emménager, nous avons l'espoir que ce programme intéressera le gouvernement fédéral, les Premières Nations, les Métis et les Inuits, et qu'il deviendra un programme complémentaire aux projets déjà en cours. Merci.
La présidente : Merci. Nous allons maintenant passer aux questions, et j'aimerais commencer.
En ce qui concerne les dirigeables destinés à cet usage, est-ce que cela a déjà été fait ailleurs? Est-ce qu'ils sont utilisés, par exemple, aux États-Unis ou en Europe? Y a-t-il eu des projets pilotes ici, au Canada? À quelle étape d'utilisation cette technologie en est-elle rendue?
M. Dyment : Je vais répondre d'abord à votre dernière question; selon ce que j'en sais, le projet de LTA est unique. Cela fait plus de 60 ans que le Canada n'a pas utilisé de dirigeable pour quelque raison que ce soit. La dernière fois, c'était à la fin des années 1950 ou 1960.
Aux États-Unis, la situation est différente. Il y a de nombreux programmes de dirigeables militaires, et les investissements et le financement ont été assez importants depuis une dizaine d'années. Ces programmes ont été réalisés grâce à la participation d'entreprises comme Lockheed Martin, Northrop Grumman, Boeing et les autres, et ces programmes américains ont pour but de construire des dirigeables capables de fonctionner dans le désert. C'est tout autre chose que de concevoir et construire un dirigeable pour le désert en espérant qu'à 50 ou 60 degrés sous zéro, il tiendra bon, dans le Nord du Canada.
Le projet que nous voulons réaliser au Québec, avec les ressources du secteur de l'aérospatiale de Montréal, dois-je ajouter, rendent ce programme très intéressant et tout à fait adapté à des opérations sécuritaires de transport de matériel lourd vers l'Arctique.
La présidente : Merci.
Nous donnons la parole au sous-président, le sénateur Patterson.
Le sénateur Patterson : Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à M. Dyment et à ses collègues. J'ai eu le plaisir d'entendre l'exposé qu'ils ont présenté à l'occasion de symposiums miniers ou sur d'autres tribunes, et je les félicite de faire la promotion de ce projet emballant à l'échelle du Nord.
J'ai deux ou trois questions à poser. Premièrement, vous dites que vous allez vous occuper de l'organisation et de la formation d'un consortium capable d'assumer le coût élevé du transport des matériaux, vers des collectivités éloignées du Nord, et de présenter d'ici quelques mois des solutions au gouvernement. Pourriez-vous nous donner davantage de détails sur la composition de ce consortium? J'aimerais également savoir à qui appartiendront vos dirigeables et par qui ils seront exploités, s'il vous plaît.
M. Dyment : Très bien. Encore une fois, je vais d'abord répondre à votre deuxième question.
Cela fait deux ou trois ans que, dans notre plan d'activité, nous visons à nous autofinancer, à construire des dirigeables avec nos propres moyens et à en rester propriétaires. Nous en serons les propriétaires; nous ne les vendrons pas. Nous agissons ainsi pour deux ou trois raisons. Entre autres, même si certaines entreprises comme Shell Oil, par exemple, voudraient avoir accès à des dirigeables en raison de leurs besoins en transport, elles ne veulent pas nécessairement être l'exploitant de ces dirigeables, et elles ne veulent pas être propriétaires des dirigeables. C'est la même chose évidemment dans l'industrie minière, où nos dirigeables seront omniprésents dans les 20 années à venir, environ.
Notre intention est d'exploiter les dirigeables en les louant selon la formule tonnes-kilomètres ou à l'heure. De cette manière, ils seront très abordables pour les collectivités ou pour les exploitants d'une mine. Les exploitants d'une petite mine pourront eux aussi utiliser nos dirigeables, ils n'auront pas à s'occuper de la formation des pilotes ou du fonctionnement sécuritaire de ces appareils.
Il est également important, du point de vue de la sécurité, de savoir que nous disposons d'employés très spécialisés et bien formés, des pilotes, des copilotes, des mécaniciens, et cetera. Ainsi, les dirigeables pourront être utilisés en toute sécurité.
Votre deuxième question est intéressante à bien des égards. Premièrement, nous ne sommes pas une entreprise du secteur de l'habitation. Nous ne prétendons pas tout savoir quant aux besoins techniques spécifiques des résidences construites d'une certaine manière pour l'Arctique. Bien sûr, nous avons des maisons, c'est pourquoi, d'un certain point de vue, nous avons aussi des opinions.
Ce que nous avons appris de la bouche des gens qui viennent nous demander d'envisager d'utiliser nos dirigeables pour transporter des maisons préfabriquées, c'est que les maisons préfabriquées seront construites avec efficience, elles seront construites de façon rentable, parce qu'il y a des usines qui les fabriquent, et elles seront fabriquées selon des normes de qualité supérieure. Soulever une maison, la transporter à des milliers de kilomètres de là et la réinstaller, c'est la partie facile, en réalité.
Il n'en coûte vraiment pas cher de faire fonctionner nos dirigeables, et nous savons que le transport d'une maison n'entraînera pas beaucoup plus de coûts supplémentaires à cette structure. Selon nos chiffres, nous pourrions construire des maisons à environ la moitié du prix qu'exigent actuellement les installations de construction, et nous pouvons le faire rapidement. Les maisons pourraient être livrées dans l'année.
Le consortium qu'il nous faut constituer pour réussir cela doit être formé de représentants du gouvernement, du secteur résidentiel, probablement, et à coup sûr du ministère du Nord canadien. Nous avons été invités à présenter cette approche assez radicale au logement par au moins 20 organismes gouvernementaux, des organismes fédéraux, au cours du mois et demi dernier. Nous pensons que le consortium peut être mis sur pied et que le financement peut être réuni. Cela donnera lieu à de nouveaux modèles d'affaires dans le domaine du logement. C'est un potentiel très intéressant.
Le sénateur Patterson : J'ai une petite question supplémentaire à ce sujet. Nous avons vu la solution que vous avez proposée pour répondre à la situation d'urgence en matière de logement dans le nord du Canada, les livres blancs, et on voit à la page 4 une illustration d'une maison modulaire suspendue à un dirigeable.
M. Dyment : Oui.
Le sénateur Patterson : Selon cette illustration, la maison est entière. Dois-je comprendre que c'est le modèle que vous proposez ou voudriez-vous le transporter en panneaux préfabriqués plus compacts?
M. Dyment : Nous pourrions le faire, mais nous pouvons aussi transporter la maison entière, en un seul morceau. Cette maison serait tout équipée pour l'électricité, les électroménagers. Un fabricant de maisons nous a approchés; il propose une éolienne déployable, accrochée sur le côté de la maison, qui monte en l'air et constitue une solution non liée à un réseau.
Si vous me suivez, si nous pouvons transporter la structure entière, nous n'aurons pas besoin d'une équipe spéciale de constructeurs... Nous aurons besoin de gens sur le terrain, mais il ne sera pas nécessaire d'avoir toute une équipe de constructeurs résidentiels expérimentés.
L'innovation, à l'usine plutôt que sur place, est ici incroyable. S'il s'agit d'un problème de taille, 100 000 résidences ou à peu près, un très grand nombre de maisons, il y a ici une formidable occasion pour le pays d'innover, et je ne parle pas seulement des dirigeables. Nos dirigeables répondent à d'autres besoins et permettent d'autres utilisations, dans l'Arctique, mais il s'agit ici de la possibilité de favoriser l'innovation et de proposer des idées formidables pour améliorer la qualité de vie des gens là-bas. Un concours de maisons conçues par des architectes serait peut-être l'une des premières étapes à franchir.
La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Tout cela me semble très emballant, vu le nombre, surtout. S'il se perd des emplois sur place, des emplois d'assemblage des maisons, on pourra les remplacer par des emplois pour l'entretien des dirigeables, j'imagine, et la mise en place de l'infrastructure pour leur installation lorsqu'elles sont déposées au sol.
Vous avez dit dans votre exposé que ces dirigeables étaient au départ destinés aux secteurs du pétrole, des mines et du gaz, mais j'entrevois un très bel avenir, ici. J'aimerais que vous m'en disiez un peu plus au sujet des gens qui, sur le terrain, vont réceptionner les maisons transportées par les dirigeables, en précisant si les pistes d'atterrissage sont suffisamment grandes et s'il y a des considérations touchant le pergélisol.
M. Dyment : Merci. C'est une excellente question. Je suis très heureux de pouvoir vous dire que nous n'avons pas besoin de pistes d'atterrissage. Ces dirigeables flottent et sont remplis d'hélium et peuvent monter et descendre comme un hélicoptère. S'ils doivent se poser, nous n'avons besoin que de cet espace.
Voilà pourquoi cela nous permet d'utiliser des dirigeables dans les collectivités les plus éloignées que vous puissiez connaître, là où il n'y a même pas de pistes d'atterrissage. Nous pouvons aller jusque dans les collectivités de 20 habitants, pas seulement les collectivités de 7 000 habitants.
Il est important de souligner maintenant que chacun de nos dirigeables constitue un petit centre d'emploi. Pour faire fonctionner un dirigeable, il faut environ 40 personnes formées, c'est-à-dire des pilotes, des copilotes, des manœuvres au sol et des mécaniciens. Nous n'allons pas aller embaucher nos pilotes à Miami. Nous allons devoir embaucher des gens de ces collectivités et leur faire suivre un programme de formation; nous les appelons les programmes ab initio, des programmes pour débutants, et tous ceux qui aimeraient devenir opérateurs de ces dirigeables seront envoyés à un centre de formation de Montréal pour suivre une formation de pilotes et d'opérateurs de dirigeables.
La province de Québec est un investisseur et un actionnaire direct dans notre entreprise. La raison pour laquelle elle investit dans notre entreprise de dirigeables, outre le fait que notre siège social est au Québec, c'est qu'elle espère que les dirigeables pourront accélérer le développement du nord du Québec, où il n'y a pas beaucoup de routes et où il coûte très cher de construire des routes.
En ce qui concerne l'emploi, nous avons mené une étude pour la province en analysant les impacts sur l'emploi; notre entreprise soutiendra l'emploi direct et indirect d'environ 6 000 personnes, dont un grand nombre résident dans des régions éloignées. L'impact devrait être très positif.
La sénatrice Beyak : Merci. J'habite dans le nord-ouest de l'Ontario, et tout coûte très cher là-bas également. Merci.
La présidente : J'aimerais ajouter quelque chose; je pensais également à la contribution à votre projet des Inuits du coin. Vous avez dit qu'il était possible de les former afin qu'ils pilotent des dirigeables. Est-ce que cela veut dire également que des Inuits de la région pourraient participer à l'entretien des maisons qui seront livrées ou même qu'ils pourraient assembler ces maisons, si elles étaient livrées en pièces détachées plutôt que déjà assemblées?
M. Dyment : L'un ou l'autre; c'est en général au point d'arrivée que le travail se fait.
Pensons aux logements qui auraient dû être livrés à Iqaluit; je crois savoir que, l'été dernier, un navire qui devait livrer des matériaux de construction n'a pas pu entrer au port. Je me trompe peut-être, mais je crois que 20 maisons devaient être construites. Les matériaux ont été renvoyés à Montréal, et c'est toute une saison qui a été perdue.
En ce qui concerne le travail avec les Inuits, nous avons conclu un accord de coopération avec Air Inuit depuis un certain temps déjà. Nous avons vraiment hâte de travailler avec des partenaires dans le Nord. Nous avons fait la même offre à Air Inuit et à la Société Makivik et amorcé des discussions avec l'Assemblée des Premières Nations ainsi qu'avec d'autres coopératives d'un océan à l'autre.
Ce n'est pas quelque chose que nous pouvons faire depuis Montréal. Nous sommes pleinement conscients qu'il y a une demande pour ce genre de programmes. Également, ces programmes de construction d'habitations — ainsi que les programmes liés à l'alimentation que je n'ai pas abordés jusqu'ici — devraient comprendre une sorte de stratégie de mobilisation visant à informer les collectivités de la technologie à leur disposition afin qu'elles puissent prendre leurs propres décisions. Nous avons le temps: nous pouvons les laisser décider de la façon dont nous pouvons répondre à leurs besoins en matière d'habitation. Ce que nous proposons est rapide et abordable.
Je n'ai pas abordé le sujet de l'alimentation jusqu'ici, mais si vous me le permettez, je veux dire que nous avons mené des études visant à trouver des façons de nourrir les gens dans le Nord. Nos plus petits dirigeables peuvent transporter environ 22 000 ou 23 000 livres de charge utile, alors vous vous imaginez bien qu'ils peuvent livrer beaucoup de nourriture tout au long de l'année. De fait, il est plus facile d'affronter des conditions météorologiques difficiles avec un dirigeable, puisqu'il peut se placer face à un vent de travers, ce qui n'est pas le cas d'un avion. Cela veut dire que nous devrions être en mesure, dans le cadre de notre mission, de nous rendre dans les collectivités éloignées pour répondre à leurs besoins en matière de nourriture et d'assurer leur survie.
La présidente : J'aimerais que vous précisiez un point. Vous avez dit que votre plus petit dirigeable pouvait transporter environ 22 000 livres de marchandises. Comment cela se compare-t-il au type d'avion qui transporte normalement la nourriture? Je veux que vous nous donniez une idée de la différence.
M. Dyment : Bien sûr. Commençons avec les aéronefs-cargos. Jusqu'à l'année dernière, des aéronefs-cargos C-130 étaient utilisés pour soutenir l'industrie minière, à partir de Yellowknife. Ces aéronefs pouvaient transporter environ la même charge utile que nos dirigeables.
Les aéronefs plus petits, comme le Twin Otter, peuvent transporter 2 000 ou 3 000 livres de charge utile, et il est très difficile d'y charger des matériaux de construction. Les petits aéronefs ne représentent pas une solution.
En ce qui concerne l'habitation, il est très difficile pour nous d'envisager une solution où nous transporterions du matériel de construction pour construire avec des méthodes traditionnelles. Les gens seraient toujours dépendants des routes de glace pour ce genre de constructions.
La sénatrice Raine : Il s'agit d'une piste de réflexion très féconde. J'aimerais vous poser tout de suite quelques questions.
Il va sans dire que le froid extrême de l'Arctique est une condition météorologique très spéciale. Dans votre mémoire, il est écrit:
Les dirigeables ont été conçus avec les technologies de pointe: les composites à matrice en fibres de carbone et les plus récentes techniques métallurgiques.
Pouvez-vous mettre ces composants et ces technologies à l'épreuve dans un froid extrême? Nous savons qu'il y a eu des problèmes avec les habitations construites en matériaux composites: elles deviennent fragiles et friables dans le froid.
Mark Bourret, président de LTAA, Le Groupe parlementaire : La technologie que nous prévoyons utiliser pour les dirigeables existe déjà et a été maintes fois mise à l'essai. De fait, un grand nombre de matériaux composites — et même les structures métalliques que nous envisageons de construire — ont déjà été mis à l'essai pour les avions et les hélicoptères. Nous savons qu'ils peuvent supporter des températures de ce genre. Dans les faits, tout programme courant de construction d'aéronefs ou d'hélicoptères comprend une phase de mise à l'essai où les prototypes sont soumis aux températures très froides du Nord. On effectue le vol jusqu'à là-bas dans les appareils, on les fait démarrer et on met vraiment leurs systèmes à l'épreuve. Nous savons que cette technologie a été éprouvée.
La technologie que nous voulons utiliser pour les dirigeables existe déjà, et c'est une bonne chose. Nous ne sommes pas confrontés aux mêmes problèmes que, disons, un nouveau fabricant d'équipement qui doit, pour lancer un nouvel aéronef, repousser des limites en matière d'altitude, de vitesse, de capacité ou même de système de propulsion.
Les dirigeables voleront à une altitude inférieure à 6 000 pieds, et leur vitesse ne dépassera pas 70 ou 75 nœuds, environ. Il ne sera pas non plus nécessaire de mettre la cabine sous pression. Toutefois, un système de chauffage sera sans doute nécessaire pour l'équipage.
Vous avez devant vous une situation très simple, si on la compare à que ce que l'on voit actuellement dans le domaine de la conception aérospatiale. C'est ce que je réponds aux personnes qui me demandent pourquoi nous ne faisons pas de recherche-développement. Essentiellement, nous intégrons la technologie existante dans le domaine de l'ingénierie. C'est ainsi que nous avons eu cette idée, et pourquoi elle est devenue plus populaire.
La sénatrice Raine : Selon votre modèle opérationnel, vous allez financer la construction des aéronefs et être le propriétaire des appareils, en collaboration avec les investisseurs — les investisseurs du marché boursier et ceux du gouvernement —, puis vous allez conclure une entente avec les autorités responsables des logements dans le Nord afin de transporter des maisons modulaires jusqu'à leur destination ultime.
M. Dyment : Oui.
La sénatrice Raine : Donc, je tiens pour acquis que les structures de soutien et les sous-sols pour ces habitations seraient déjà en place. L'habitation ne ferait que descendre et... se fixer au reste.
M. Dyment : Oui, elle se fixe. C'est exact.
M. Bourret : Elle se fixe à la structure présente.
M. Dyment : Nous avons été approchés par un promoteur immobilier qui construit des maisons où la fondation est en fait intégrée à l'habitation. Les systèmes de soutien y sont extensibles.
Je crois que cette approche permettra de trouver des solutions novatrices aux problèmes relatifs aux fondations, et pas seulement en ce qui a trait aux habitations. Installer une maison dans le pergélisol est une entreprise risquée s'il est impossible d'ajuster et de mettre la structure à niveau plus ou moins régulièrement.
J'ai eu la chance il y a quelques années de vivre et de travailler dans l'Arctique. Je travaillais pour Shell Oil, dans la mer de Beaufort. J'ai pu observer par moi-même les difficultés monstres qui se posent sur le plan logistique lorsqu'on veut accomplir quoi que ce soit en matière de transport ou même d'habitation.
Je crois que l'approche que nous suggérons pourrait permettre de fournir un grand nombre d'habitations bien construites. Il nous est également possible de les fournir en pièces détachées. Si nous tirons parti de l'intérêt pour l'innovation — autant dans l'industrie de l'habitation que celui des gens qui vivent dans l'Arctique ou dans les collectivités éloignées —, nous pourrons vraiment révolutionner la façon dont les choses sont faites.
Personnellement, je dirais que notre approche est abordable et comprend peu de risque: elle vous permettra de fournir un grand nombre d'habitations. Si vous voulez régler le problème ou amorcer un processus en vue de fournir des milliers d'habitations, je crois que vous devriez prendre sérieusement en considération la solution que nous proposons.
La sénatrice Raine : Je voulais simplement savoir si vous avez des renseignements ou un clip vidéo que vous pourriez nous montrer. Voyez-vous, une image vaut mille mots. J'ai de la difficulté à me représenter l'ampleur de tout cela. Vous avez dit que votre petit dirigeable était de la taille d'un terrain de football. Si on se permet de pousser un peu plus loin la réflexion, on peut s'imaginer qu'on ne fera pas que transporter des maisons, mais également tout le matériel de la quincaillerie — qui n'existe pas encore — ou alors la quincaillerie elle-même ou le magasin de meubles. Vous pourriez avoir un catalogue où les gens pourraient commander ce qu'ils veulent, et j'imagine que la maison pourrait arriver avec tous les meubles.
Combien pèse une maison modulaire de 1 500 pieds carrés?
M. Dyment : Certains modèles en cours d'élaboration pèseront moins que 22 000 livres. Ces habitations ne sont pas particulièrement grandes, mais elles sont extrêmement bien isolées et elles disposent de toutes les commodités que nous avons mentionnées plus tôt. Si une personne désire avoir une maison plus grande, nous pouvons en transporter une en deux pièces détachées, qui seront jointes sur le lieu de construction.
Les frais de transport pour les dirigeables sont vraiment très bas, et vous pouvez produire des maisons qui sont habitables dans les jours qui suivent leur installation.
Nous n'avons pas à subir les problèmes associés aux méthodes traditionnelles de construction, où les matériaux sont envoyés vers le Nord pour y rester pendant un ou peut-être deux hivers. Au moment de construire l'habitation, le bois est humide, et vous pouvez être assuré que la moisissure se propagera instantanément. Notre approche nous permet d'éliminer cette possibilité.
Les collectivités peuvent adapter sur mesure les habitations selon leurs besoins. Il y a également un grand nombre de coopératives et d'usines de fabrication de maisons dont les Premières Nations sont les propriétaires, ou du moins les investisseurs: par exemple les Mohawks, et je crois que les Inuits en ont au moins une, et peut-être plus. Je ne vois pas pourquoi les habitations ne pourraient pas être construites par les collectivités elles-mêmes si elles ont envisagé toutes les considérations à cet égard.
Nous sommes en train de construire des dirigeables plus volumineux. Ils ne pourront être mis en opération que trois ans après l'entrée en service de nos dirigeables actuels, dans 36 mois. Le dirigeable le plus volumineux pourra transporter 70 tonnes métriques; sa capacité est sept fois plus grande qu'un dirigeable qui peut transporter 10 tonnes, évidemment, mais cela ne veut pas dire que le dirigeable est sept fois plus long ou plus large, puisque c'est l'hélium qui crée le volume. Le dirigeable de 10 tonnes mesure environ la longueur d'un terrain de football, et celui de 70 tonnes mesure environ la longueur d'un terrain de football et demi, pour vous donner une idée.
Vous pouvez également consulter notre document — le sénateur Patterson est en train de le lire en ce moment —, car il contient des images du dirigeable. Je crois qu'il y a des exemplaires ici, ou alors il y en a dans votre liasse.
Si vous regardez l'image dans le livre blanc, vous verrez qu'il y a des conteneurs conformes aux normes ISO attachés sous le dirigeable. Il s'agit là d'une autre méthode. Nous pouvons transporter la maison en utilisant une élingue, un câble en fibre de carbone accroché à divers endroits au-dessus de la maison, à ce qu'on appelle les points d'arrimage. Le dirigeable se déplacera plus lentement avec une grosse maison attachée sous lui que s'il ne transportait rien. On peut également transporter les matériaux de construction dans les conteneurs ISO, cela ne pose pas plus de problèmes.
À mon avis, il s'agit d'une solution élégante parce que les habitations sont construites en usine. Alors, quand elles seront installées sur le terrain, elles devraient tenir pour les 50 prochaines années. Ce sont des maisons de très bonne qualité. La nouvelle norme dont le Canada a fait la promotion, la norme R-2000, pourrait être une norme de qualité garantie. Vous pourriez avoir de magnifiques maisons.
La présidente : J'aimerais revenir au calendrier. Si vous aviez toutes les approbations nécessaires ainsi que tous les partenaires requis, j'ai cru comprendre qu'il vous faudrait environ trois ans avant de pouvoir mettre en service votre plus gros dirigeable. Toutefois, vous pouvez actuellement utiliser vos petits dirigeables, alors il vous serait possible de lancer, disons, un projet-pilote. Est-ce exact?
M. Dyment : Nous pouvons utiliser le petit dirigeable dès maintenant. On l'appelle le NO7, et il peut transporter environ 4 000 livres. Goodyear utilise le même modèle. Vous savez, Goodyear a reconstitué sa flotte, et on l'appelle toujours le dirigeable Goodyear, mais il faut toutefois savoir différencier un dirigeable et un dirigeable souple. Un dirigeable souple est un ballon rempli de gaz, tandis que nos dirigeables sont munis d'une structure.
La version du dirigeable adapté à l'Arctique est en cours d'élaboration. Elle sera produite au cours des prochaines années et entrera en service à la fin de la décennie. Alors, pour être clair, il faudra encore trois ou quatre ans avant de pouvoir utiliser ce dirigeable. Il va également falloir que la structure aérienne soit certifiée. Nous travaillons actuellement avec Transports Canada là-dessus dans le cadre de notre programme.
Même s'il nous faudra trois ou quatre ans pour organiser le programme d'habitations, ce n'est pas une raison pour ne rien faire. Nous pouvons commencer le travail dès maintenant, mais nous sommes persuadés qu'il faudrait former un consortium. Évidemment, en tant que fabricant de dirigeables, nous n'en serions qu'un des membres.
La présidente : J'aimerais reprendre un autre point. Vous avez dit avoir discuté avec Air Inuit et avec la Société Makivik. Pouvez-vous nous parler davantage de votre relation avec la société? Nous avons entendu dire, pendant le voyage du comité dans le Nord, que la Société Makivik avait très bien réussi localement à construire des habitations à des coûts abordables. En ce qui vous concerne, vous voulez construire des maisons ailleurs. Je me demandais comment cela fonctionnait par rapport à la Société Makivik, et si elle voyait cela, disons, d'un mauvais œil. D'une certaine façon, vous pourriez lui enlever sa clientèle.
M. Dyment : Vous avez raison: certains pourraient nous voir comme son concurrent. Mais en réalité, nous voulons établir un partenariat avec les Inuits. Nous voulons qu'ils puissent tirer parti de ce que nous faisons en tant que propriétaires et qu'ils assument un rôle de direction.
Lorsque nous cherchons à établir des partenariats, un facteur très important que nous prenons en considération est l'expérience. Air Inuit et First Air sont des exploitants d'aéronefs chevronnés. Ils connaissent l'incidence des conditions météorologiques ainsi que les problèmes qui peuvent survenir lorsqu'on exploite ce genre d'entreprise en plein cœur de l'hiver. Nous croyons — et Air Inuit nous appuie à cet égard — qu'un partenariat éventuel nous permettrait de mettre en commun cette expérience afin de nous aider à former des pilotes, et cetera. Nous avons toujours abordé nos activités commerciales comme un partenariat: nous cherchons des partenaires pour l'exploitation, la fabrication et tout le reste. Nous voulons continuer sur cette voie.
C'est une bonne chose que les collectivités inuites, mis à part quelques-unes, soient près de l'eau. Cela nous permet de transporter les matériaux de construction par barge et de desservir un grand nombre de ces collectivités. Cela représente un avantage, mais aussi une difficulté. Également, nous n'avons pas à nous restreindre à cela: nous pouvons transporter de la nourriture, par exemple, et nous pourrions très facilement remplacer le programme national d'alimentation afin de subvenir, à un prix abordable, aux besoins de ces collectivités.
Le sénateur Patterson : Selon le document que j'ai mentionné plus tôt, vous avez estimé que le coût tout compris d'une maison modulaire transportée par dirigeable serait égal à la moitié du coût de construction sur le site. Vous dites aussi que la qualité serait incontestablement supérieure. J'ai tiré cela du document. Pouvez-vous en parler un peu plus? Les économies réalisées sont-elles liées au transport, à la main-d'œuvre ou à d'autres facteurs? Pouvez-vous dire au comité comment vous êtes arrivé à ces estimations?
M. Dyment : Absolument. Nous serions très heureux de vous faire part de notre analyse, et nous espérons qu'elle ne se limitera pas à juste une petite poignée de collectivités. Nous voulons qu'elle ait une plus grande portée.
Certains types d'habitations dans l'Arctique devront être différents des habitations construites dans le nord de la Saskatchewan. Nous en sommes conscients. Ce que nous voyons, relativement aux habitations construites en usine, c'est que vous pouvez obtenir une très bonne maison, bien construite et avec plusieurs chambres pour quelques centaines de milliers de dollars.
On a entendu un témoignage il y a environ une heure, et il y a été mentionné que le marché pour, disons, une habitation à trois chambres à Iqaluit, était de 400 000 $ à 500 000 $. Nous pourrions utiliser ces habitations pour mener une étude de cas, simplement pour mettre en relief les chiffres dans notre livre blanc.
En quelque sorte, nous avons appris qu'il est préférable d'adapter l'analyse en fonction de la collectivité. Nous faisons de même pour l'industrie minière: il est préférable d'étudier où se trouve la mine et quel équipement doit être déplacé afin de pouvoir préparer une analyse coûts-avantages. Cependant, nous nous en tenons à ce qui est indiqué dans le livre blanc, c'est-à-dire que le coût d'une maison construite en usine et transportée jusqu'au site — achevée, construite et rien de plus à faire — serait moins cher de moitié, comparativement à une maison qui prendrait des années à construire avec les méthodes de construction habituelles.
Le sénateur Patterson : Ai-je bien compris? Vous seriez prêt à communiquer les coûts au comité?
M. Dyment : Oui.
Le sénateur Patterson : Merci.
La présidente : Vous avez mentionné que vous êtes en train d'étudier la faisabilité relative à l'utilisation des dirigeables en Saskatchewan. En tant que sénatrice de la Saskatchewan, cela a piqué mon intérêt. Je me demandais: avec qui avez-vous communiqué en Saskatchewan afin de mettre en œuvre ce programme?
M. Dyment : Je ne crois pas que nous ayons parlé à quiconque en Saskatchewan, mais nous avons parlé à des gens à Ottawa qui ont de l'expérience et qui ont noué des liens avec des collectivités de la Saskatchewan. L'un de nos principaux conseillers est même avec nous dans la salle d'aujourd'hui. Il s'agit de Guy Freedman. Il est avec le groupe des peuples autochtones. Je suis sûr que vous connaissez bien l'expérience qu'il possède à cet égard.
Je ne peux pas vous donner le nom d'une collectivité en particulier, mais nous avons eu des discussions avec des gens au Manitoba et ailleurs. Chaque jour, nous en apprenons davantage. C'est un défi fascinant à relever, et nous sommes impatients de mieux connaître les gens de la Saskatchewan dans le cadre du programme.
La présidente : Merci. Le sénateur Moore va poser une question avec le temps qui nous reste, mais il faut que nous soyons partis à 11 h 30.
Le sénateur Moore : Messieurs, je vous remercie d'être ici.
Je tiens pour acquis que vous aurez à intégrer, dans la conception des maisons, une sorte de point d'arrimage ou un mécanisme pour vous permettre de les soulever. Je vous le demande parce que j'ai lu un article intéressant dans le National Post d'aujourd'hui. Un concepteur canadien reconnu d'origine autochtone, Douglas Cardinal, a conçu une habitation adaptée à l'Arctique, et il y a une image de son concept. Vous devriez y jeter un coup d'œil, parce qu'il y accorde une grande importance. Nous lui avons posé beaucoup de questions quand il est venu témoigner devant nous, l'année dernière. Je sais que la sénatrice Raine vous a posé beaucoup de questions sur la conception des maisons, et je crois que cet homme a pris cela à cœur et qu'il a vraiment trouvé quelque chose d'intéressant. Il serait pratique de prendre cela en considération.
M. Dyment : Merci.
La présidente : Sur ce, je vais lever la séance. Avant, je tiens à remercier, au nom de tous les sénateurs présents, les représentants de LTA Aérostructures d'avoir présenté au comité des idées novatrices en matière de transport. La séance est levée.
(La séance est levée.)