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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 9 - Procès-verbal du 14 juin 2016


OTTAWA, le mardi 14 juin 2016

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 8 h 58, pour étudier les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest; et à huis clos pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : Questions relatives au passage des frontières et le Traité Jay).

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour à tous. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones dans cette salle ou sur Internet. Dans un esprit de réconciliation, je tiens à souligner que nous nous réunissons sur le territoire non cédé des peuples algonquins du Canada. Je m'appelle Lillian Dyck. Je viens de la Saskatchewan et j'ai le privilège et l'honneur de présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. J'invite maintenant mes collègues sénateurs à se présenter, en commençant à ma gauche par la sénatrice Lovelace Nicholas.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Bonjour mesdames et messieurs. Sénatrice Lovelace Nicholas, du Nouveau- Brunswick.

Le sénateur Oh : Sénateur Oh, de l'Ontario.

Le sénateur Patterson : Sénateur Dennis Patterson, du Nunavut.

La sénatrice Raine : Sénatrice Nancy Greene Raine, de Colombie-Britannique

Le sénateur Tannas : Sénateur Scott Tannas, de l'Alberta.

La présidente : Je vous remercie, chers collègues.

Le mandat de ce comité est d'examiner la législation concernant les peuples autochtones du Canada. Ce matin, dans le cadre de notre étude du logement dans le Nord, nous continuons à entendre des témoignages. Nous nous intéressons tout particulièrement aux pratiques exemplaires et aux problèmes constants de logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord- Ouest.

Nous sommes ravis d'accueillir ce matin, après plusieurs tentatives infructueuses imputables au mauvais temps, des représentants du gouvernement du Nunatsiavut et de l'Association régionale de logement Torngat. Nous sommes très heureux que vous ayez pu vous joindre à nous ce matin grâce à des conditions météorologiques plus clémentes.

Nous allons commencer par entendre les représentants du gouvernement du Nunatsiavut, et ensuite ceux de l'Association régionale de logement Torngat. La parole est à vous, madame la présidente.

Johannes Lampe, présidente, gouvernement du Nunatsiavut : Madame la présidente, avec votre permission, je vais rester debout. Je profite de cette occasion pour vous remercier des efforts que vous avez faits pour vous rendre à Nain, au Nunatsiavut. Nous sommes ravis d'être parmi vous aujourd'hui. Je m'appelle Johannes Lampe et, comme vous l'avez indiqué, je suis la présidente du Nunatsiavut.

Je suis accompagnée de Mme Kate Mitchell, la première ministre, également chargée des Affaires du Nunatsiavut, un portefeuille qui coiffe les questions de logement. À l'extrême droite, nous avons Mme Isabella Pain qui, comme moi, est membre du Secrétariat du Nunatsiavut, un organisme qui joue un rôle déterminant au Nunatsiavut. À droite, nous avons M. Toby Anderson, sous-ministre aux Affaires du Nunatsiavut, collaborateur de notre première ministre. À ma gauche, nous avons M. William Lucy qui représente l'Association régionale de logement Torngat.

La présidente : Madame la présidente, verriez-vous un inconvénient à vous asseoir? Lorsque vous êtes debout, il semble que le microphone ait de la difficulté à capter votre voix.

Je vous remercie. Je crois que nous allons mieux vous entendre ainsi.

Mme Lampe : Donc, M. Lucy est coordonnateur de la construction à l'Association régionale de logement Torngat. Enfin, à sa gauche, nous avons M. Richard Boase, son adjoint.

Nous apprécions à sa juste mesure que votre comité nous fournisse ainsi l'occasion de vous entretenir des questions de logement auxquelles nous sommes confrontés au Nunatsiavut, un territoire situé dans la province de Terre-Neuve- et-Labrador.

C'est Mme Mitchell qui va vous présenter notre exposé. Nous, nous sommes ici pour répondre à toute question que vous pourriez vouloir nous poser.

La présidente : Merci. Madame Mitchell, je vous en prie, allez-y.

Kate Mitchell, première ministre, gouvernement du Nunatsiavut : Madame la présidente, je tiens à remercier le comité de son invitation. Il est regrettable que vous n'ayez pu vous rendre à Nain le mois dernier, mais je vous invite tous à venir visiter le Nunatsiavut quand vous en aurez l'occasion. Je vous garantis que vous ne serez pas déçus.

Comme nous ne disposons pas de beaucoup de temps, je vais passer directement à la diapositive 9. Si vous n'avez pas encore ces diapositives sous les yeux, nous allons vous les remettre rapidement.

Venons-en donc aux questions de logement. Comme dans de nombreuses régions de l'Inuit Nunangat, la terre natale des Inuits, nous sommes en pleine crise du logement, en particulier dans les agglomérations de Nain et de Hopedale. Notre gouvernement veut faire du Nunatsiavut un endroit où les résidents disposent de logements adaptés, sécuritaires, chauds et abordables répondants à nos divers besoins et tenant compte des caractéristiques uniques de notre territoire et des antécédents sociaux, économiques et culturels de notre peuple.

Cela fait de nombreuses années que nous accordons la priorité aux questions de logement, et il y a de bonnes raisons à cela. Chaque année, nous contribuons au budget de l'Association régionale de logement Torngat pour lui permettre de construire et de rénover des maisons dans toutes nos communautés. Cette année, nous lui avons versé environ 2,6 millions de dollars.

Nous savons fort bien que, pour faire face à des problèmes aussi complexes, il importe que nous ayons une vision claire et complète de la situation. En 2012, nous avons recueilli des données dans toutes nos communautés pour procéder à une évaluation des besoins en logement dans le cadre d'une entente tripartite entre le gouvernement du Nunatsiavut et ceux de Terre-Neuve-et-Labrador et du Canada. Cet exercice a été un véritable succès puisque nous avons obtenu un taux de réponse de 93 p. 100 et recueilli les informations les plus à jour et les plus précises sur les besoins en logement au Nunatsiavut. Cette évaluation a permis de cerner les besoins en logement des particuliers et des familles, de procéder à des comparaisons entre les besoins en logement des résidents du Nunatsiavut et ceux d'autres régions du Canada et de fournir aux communautés des données sur la situation actuelle du logement.

Les participants à l'enquête ont indiqué que 47 p. 100 des logements du Nunatsiavut appartiennent à des résidents, alors que 41 p. 100 sont la propriété de l'Association régionale de logement Torngat, ou ARLT, qui les loue, avec option d'achat, à des résidants. Il faut ajouter à cela 7 p. 100 de logements sociaux appartenant à la Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador, la SHTNL. Il est possible que les 47 p. 100 de logements classés comme appartenant à des résidents soient un peu trompeurs, car nous soupçonnons que cela englobe des logements et des maisons de l'ARLT construits dans le cadre d'autres programmes de logements sociaux à l'époque de la Labrador Inuit Association et payés en profitant d'un régime de taux d'intérêt fortement subventionnés.

Au Nunatsiavut, 76 p. 100 des maisons ne sont pas protégés par une assurance habitation. Dans plus de la moitié de ces maisons, le chauffage est assuré au moyen d'un poêle à bois ou d'un foyer. Les ménages dont les revenus annuels sont inférieurs à 80 000 $ préfèrent et utilisent le plus souvent des poêles à bois ou des foyers comme principale source de chauffage alors que ceux dont les revenus dépassent 80 000 $ par année se tournent plutôt vers des chaudières à mazout.

J'en suis maintenant à la diapositive 15. Un résultat important de cette étude a été d'apprendre que plus de la moitié des ménages de Nain et de Hopedale éprouvent de la difficulté à chauffer leur logement. Leur pourcentage atteint 57 p. 100 à Nain et 64 p. 100 à Hopedale, et il est de 44 p. 100 en moyenne pour l'ensemble des résidents de nos collectivités. Soixante-dix-neuf pour cent des résidents estiment que cela est imputable au mauvais état de leur logement et qu'il y a, au moins à leurs yeux, un lien clair de causalité entre les besoins en réparation des maisons et la chaleur. Cette question a été posée à tous les résidents qui indiquaient éprouver de la difficulté à chauffer leur logement.

Beaucoup de maisons du Nunatsiavut avaient besoin de réparations importantes, en particulier à Nain et à Hopedale où, respectivement, 67 et 70 p. 100 de tous les répondants ont signalé la nécessité de réparations importantes touchant, entre autres, les fondations, d'autres éléments structurels, les toits, les ballons d'eau chaude, et cetera. Cinquante-sept pour cent des résidents ne sont pas en mesure d'assurer eux-mêmes l'entretien ou les réparations de leur maison et ont besoin pour cela de l'aide matérielle ou financière d'autrui.

En particulier à Hopedale, 60 p. 100 des répondants ont fait état de tuyaux gelés au cours des trois dernières années précédant 2012. C'est un problème courant dans les maisons mal chauffées.

Lors de cette évaluation, on a également relevé la présence fréquente de moisissures dans les maisons de la région. Quarante-quatre pour cent d'entre elles étaient touchées. L'Enquête sur la santé des Inuits réalisée de 2007 à 2008 indique que c'est là la plus forte prévalence de l'Inuit Nunangat. On sait fort bien qu'il y a un lien entre la présence de moisissures et des taux plus élevés d'infections des voies respiratoires, et d'autres problèmes de santé. On a observé que les répondants de Nain et Hopedale signalaient fréquemment la présence de moisissures dans leurs logements.

On sait fort bien que le manque de chaleur, qui permet l'apparition de moisissures, est souvent à l'origine de dommages causés aux logements tout en en étant en même temps la conséquence, car la réduction de l'intégrité structurelle a pour effet de réduire l'efficience énergétique et de faire grimper les coûts du chauffage.

Cette étude nous a également permis d'apprendre que 15 p. 100 des logements de Nain et 14 p. 100 de ceux de Hopedale sont surpeuplés. C'est donc le cas d'environ un logement sur sept et ce sont les taux les plus élevés dans toutes nos communautés. À elle seule, celle de Nain compte plus de la moitié, 56 p. 100, de tous les logements surpeuplés du Nunatsiavut. Ce taux est cinq fois plus élevé que la moyenne nationale.

Il y a un degré de corrélation élevé entre la propagation des maladies transmissibles, comme la tuberculose, des résultats scolaires déficients et des taux élevés de stress et de dépression, pour ne citer que quelques problèmes de santé mentale. Pour Statistique Canada, on parle de surpeuplement quand il y a plus d'une personne par pièce, sans tenir compte des salles de bains, des entrées et des pièces utilisées à des fins d'affaires.

On entend par cellule familiale une personne seule âgée de 18 ans ou plus, avec ou sans enfant, ou un couple âgé de 18 ans ou plus sans enfant. C'est à Nain et à Hopedale qu'on trouve les pourcentages les plus élevés de logements comportant plus d'une cellule familiale, puisque ceux-ci sont respectivement de 49 et de 45 p. 100.

Au moment où nous avons réalisé cette étude, il y avait au moins 196 cellules familiales au Nunatsiavut qui avaient besoin d'un logement. Elles partageaient un logement avec d'autres cellules familiales parce qu'elles ne pouvaient s'offrir leur propre logement ou parce qu'il y avait une pénurie de logements disponibles.

On comptait également 50 personnes dans la région qui n'avaient pas de logement permanent, bien qu'elles résident en permanence dans la communauté. Dans l'étude, ces personnes étaient considérées des résidents temporaires, et on parlait couramment dans leur cas de sans-abri cachés. Elles vivaient de façon temporaire avec des membres de leur famille ou des amis, dormant souvent sur des canapés, tout en s'efforçant d'obtenir un logement plus permanent pour elles-mêmes.

La catégorie des résidents temporaires est essentiellement composée de jeunes et d'enfants puisque 32 p. 100 d'entre eux sont âgés d'un mois à quatre ans. Plus de la moitié, soit 54 p. 100, ont moins de 20 ans et 80 p. 100 ont moins de 30 ans. Il n'y a pas de résidants temporaires âgés de 60 ans et plus qui aient besoin de logements.

Près de la moitié de tous les résidents temporaires vivent à Nain et à Hopedale. Dans chacune de ces agglomérations, ils représentent 46 p. 100 de l'ensemble des résidents temporaires du Nunatsiavut. Il faut y ajouter une ou deux personnes dans ce cas vivant à Postville, Makkovik et Rigolet. Ces chiffres montrent bien que les besoins de logements entre les communautés varient de façon marquée, Hopedale et Nain étant celles qui éprouvent les besoins les plus pressants.

Les résultats de l'enquête montrent clairement que, pour s'attaquer aux questions de logement, il faut adopter une approche qui les intègre aux besoins de planification et de développement de la communauté, qui tient compte des besoins de perfectionnement des compétences et de l'élargissement des possibilités d'emploi et de croissance économique, sans négliger pour autant la sécurité énergétique et la nécessité de bien chauffer les logements.

L'évaluation des risques en matière de logement repose sur une appréciation concrète des maisons existantes au Nunatsiavut, complétée par une analyse d'une équipe de spécialistes en logement à Nain, Hopedale et Makkovik. Cette équipe a évalué un échantillon de maisons dans toutes les communautés du Nunatsiavut, en s'appuyant sur les résultats de l'Évaluation des besoins en logements du Nunatsiavut. Cette évaluation a cerné les éléments qui contribuent à la durée de vie relativement courte des maisons dans la région, en ciblant les problèmes de logement les plus fréquents et en formulant des recommandations sur la conception des logements afin d'éviter que ces problèmes ne resurgissent à l'avenir.

Les résultats de cette évaluation des infrastructures ont servi à concevoir un immeuble durable à logements multiples qui sera construit à Nain en 2016 et qui contribuera à l'élaboration de codes et de normes de construction au Nunatsiavut.

L'un des principaux résultats de cette évaluation des besoins en logement a été de montrer les liens étroits entre les terrains que nous viabilisons et l'état des maisons que nous construisons. La plupart des besoins de réparations sur lesquelles l'Évaluation des besoins en logements ne s'est pas attardée sont imputables au glissement de maisons ou de leurs aires de construction après les travaux. Il faudrait avoir une bonne connaissance de la nature des sols et de leur mécanique pour choisir les approches à la viabilisation et les conceptions de fondations qui conviennent pour réduire au minimum les effets de ce type de problèmes, et donc réduire les besoins en réparations et allonger la durée de vie de notre parc de logements.

C'est à partir de ces importants résultats et en tenant compte des liens entre la disponibilité et la qualité des terrains à bâtir dans nos communautés et les logements que nous avons recommandé de mettre sur pied un programme de recherche pour cartographier les risques géomorphologiques et les autres contraintes en matière de construction dans nos collectivités. Ce programme a été élaboré dans le cadre d'un partenariat avec les universités Memorial et Trent en utilisant un programme de recherche du gouvernement du Nunatsiavut appelé Initiative relative au développement durable des collectivités.

Ce programme a pour objectif de préparer des cartes utiles à la planification indiquant quelles sont les terres disponibles qui peuvent être viabilisées pour permettre ensuite divers types d'utilisation des sols. Cette évaluation comportait aussi un relevé des endroits susceptibles de présenter un intérêt et des lieux ayant une importance culturelle, pour les loisirs et permettant la récolte de ressources que les résidents voulaient protéger pour l'avenir, mais on y trouvait aussi un examen des risques de glissements de terrain, d'érosion côtière, de risques d'inondation, de dégradation des sols imputables aux conditions climatiques, d'apparition de congères et d'écoulement des eaux de surface.

Une fois recueillie, cette information a été transférée dans la base de données numérique d'un système d'information géographique reprenant tous les résultats de cette évaluation. C'est l'Université Memorial qui, au moyen de ces données, a classé les terrains de la collectivité en fonction des risques actuels et à venir et d'autres contraintes touchant à l'utilisation des terres. Les terres appartenant à la communauté se sont vues attribuer une cote de risque élevé, moyen ou faible en fonction de la nature, de la fréquence et de l'ampleur des principaux risques.

Nous avons complété cette recherche au cours de l'été 2015 avec un programme soigneusement choisi de forages géotechniques à Nain. C'est que c'est notre collectivité la plus importante et connaissant la plus forte croissance. Le gouvernement du Nunatsiavut a accordé un contrat à une équipe d'ingénieurs pour cartographier l'état de la sous- surface dans les régions de la communauté où des développements sont en cours ou prévus pour l'avenir. Cette équipe a foré 71 trous, a installé des câbles thermisteurs pour mesurer la température du sol en profondeur, les risques de glissements de terrain et les niveaux des eaux souterraines. Elle a ensuite présenté un rapport indiquant les lieux à privilégier pour viabiliser des terrains dans la ville et a recommandé les approches à retenir en matière d'aménagement de terrain dans la collectivité.

Les forages se sont poursuivis l'été dernier à Hopedale et devraient être terminés dans les trois communautés restantes cet été.

Vous allez trouver, dans la présentation PowerPoint que nous vous avons remise, une carte de l'empreinte des programmes de forages à Nain.

Au Nunatsiavut, le coût de viabilisation des terrains représente une part importante des coûts de construction d'un logement. Ce sont actuellement les gouvernements de la collectivité inuite qui assument ces coûts d'aménagement au moyen des fonds consacrés aux immobilisations par l'Accord de financement budgétaire alors que l'Association régionale de logement Torngat prend à sa charge les coûts de construction des logements grâce au budget de gouvernance mis à sa disposition. Il faut signaler que l'Accord de financement budgétaire ne permet de couvrir qu'une partie des coûts de viabilisation des terrains. Avant de pouvoir construire une maison, il faut avoir dépensé au-delà de 200 000 $ en aménagements divers et en travaux variés pour la relier aux réseaux de services.

Dans le cadre du Voisey's Bay Inuit Impacts and Benefits Agreement, une fiducie a été mise sur pied en 2003. Elle a permis au gouvernement de la communauté inuite de Nain de disposer de 17,5 millions de dollars pour couvrir les coûts des aqueducs et des égouts de 30 lots à construire. Le gouvernement de la communauté inuite de Makkovik, lui, a encaissé 1 million de dollars de cette fiducie pour fournir huit lots.

Lorsqu'on réfléchit aux questions de logement, il faut commencer par s'attaquer à ces deux aspects des coûts de viabilisation. On est bien obligé de tenir compte des coûts élevés de l'aménagement des terrains et de la disponibilité de plus en plus faible de terrain à construire. Ce sont des facteurs qui exercent une forte influence sur les coûts du logement et nous n'avons d'autre choix que d'en tenir compte dans la conception des logements.

Lorsqu'on a le projet de viabiliser des lots ou de construire des logements, on se heurte à beaucoup de difficultés autres que financières. Il n'y a pas de route chez nous. Notre saison de construction est courte et les services maritimes sont limités. Nous devons donc tirer parti de toutes les occasions de nous attaquer à cette crise du logement qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Il est évident que le temps ne joue pas en notre faveur et, si nous ne nous attaquons pas sérieusement à nos besoins de logements dès maintenant, il se pourrait fort bien que nous ne puissions jamais rattraper notre retard.

Nous savons que, au Nunatsiavut, on entend par maison une maison individuelle qui n'est pas ancrée dans la roche, mais plutôt posée sur un tapis de gravier. Son alimentation en énergie est fragile et elle peut donc être mal chauffée. Le couvert végétal autour de celle-ci est limité, ce qui explique la présence de poussière dans la communauté. Cela a aussi pour effet d'accroître le risque de glissements de terrain.

Les modalités de conception des maisons et de viabilisation des terrains à bâtir utilisées au Nunatsiavut sont, en partie, à l'origine de toute une gamme d'autres problèmes fréquents le long de la côte. Pour être efficace, il faudrait adopter une approche holistique pour la recherche de solutions à long terme à ces problèmes de logements en tenant compte des caractéristiques culturelles, sociales, économiques et environnementales. Les questions de développement d'une communauté sont, par nature, complexes et inextricables et ont de très lourdes conséquences.

Il nous a donc fallu trouver une solution pour imaginer les caractéristiques souhaitables de nos maisons. Pour cela, nous avons fait appel à la technique dite de la charrette de conception. On peut se la représenter comme une séance de remue-méninges illustrée. Nous avons regroupé les résidents de la communauté de Nain, des architectes spécialisés dans la conception de logements nordiques, des experts locaux en construction et d'autres intervenants de la collectivité. Ils ont dessiné les caractéristiques de conception des maisons qu'ils veulent retrouver dans les logements du Nunatsiavut et le genre d'espaces dans lesquels ils préfèrent vivre. Ils ont également partagé les stratégies utilisées localement pour s'adapter à des conditions de construction difficiles.

Les résultats obtenus avec cette charrette de conception ont servi à préciser les caractéristiques d'un immeuble à logements multiples, durables et écoénergétiques qui sera construit cet été à Nain. Il s'agit pour nous d'un projet pilote. Ce bâtiment permettra par la suite de mesurer la performance énergétique de cette solution et le niveau de satisfaction de ses résidants afin, au besoin, d'y apporter des correctifs avant de le reproduire ailleurs dans la région et si possible au-delà.

En décembre 2013, notre Plan d'action pour le logement nous a valu d'être l'un des lauréats du Prix Inspiration Arctique. Ce prix vise à valoriser des connaissances ou des plans d'action en mesure d'avoir un effet déterminant sur l'Arctique canadien, sur ses habitants et sur le Canada dans son ensemble. Notre plan d'action présentait en détail les recherches que nous avons menées à terme, nos plans d'organisation de la charrette de conception, notre projet de construction d'un immeuble durable à logements multiples, et nos efforts pour faire progresser les pratiques actuelles et pour disposer d'une communauté participative et bien informée d'occupants de logements durables en milieu nordique. L'argent de ce prix servira à la construction de l'immeuble pilote.

Voici maintenant une diapositive PowerPoint qui présente la première étape de la conception d'un immeuble à logements multiples dessiné par la société EVOQ de Montréal. Nous n'avons pas encore finalisé cette conception, mais, dans son état actuel, nous voulons aboutir à une solution prête pour l'énergie solaire qui maximisera les gains de chaleur, en étant orientée vers le sud, qui comportera des sas d'entrée et de sortie pour réduire au minimum les pertes de chaleur dans notre climat froid et qui disposera d'une chambre froide pour conserver la viande et les peaux du gibier. Cette construction disposera également d'abris individuels permettant d'entreposer des choses à l'extérieur.

À l'intérieur, on trouvera des appartements comptant deux chambres, une cuisine et un séjour ouverts. Comme l'ont demandé les participants à la charrette de conception, il y aura, au rez-de-chaussée, des logements accessibles de plain- pied pour les personnes âgées. Les fenêtres seront à triple vitrage et les logements seront isolés comme il convient, pour éviter le plus possible les déperditions de chaleur. Étant donné le petit nombre de terrains à bâtir disponibles au Nunatsiavut alors qu'il nous faut accroître le nombre de résidants dans les lotissements à construire, la seule solution intelligente et durable qui s'offre à nous est de construire des immeubles à logements multiples.

Les résultats de l'évaluation des besoins en logement nous ont également aidés à ajuster le programme de réparation des logements que nous avons fini de mettre au point l'an dernier. Les résultats ont fait apparaître un lien entre les maisons froides, le développement des moisissures et la nécessité de réparation des logements, prouvant bien qu'un programme qui ne se contente pas de réparer des logements, mais qui y limite au maximum les déperditions de chaleur est absolument nécessaire.

Alors que nous comptons sur la construction de cet immeuble à logements multiples pour élaborer des approches plus durables lors de la construction de nouveaux logements au Nunatsiavut, nous convenons volontiers qu'il importe également d'améliorer notre parc actuel de logements pour tirer le meilleur parti possible des terrains viabilisés précédemment, le tout pour le bien ultime des résidants.

Le programme de réparation de maisons doté d'un budget de 700 000 $ a été financé conjointement et à parts égales par les gouvernements de Terre-Neuve-et-Labrador et du Nunatsiavut. Il a permis de procéder à des réparations de nature générale et de rénover des greniers pour accroître l'efficience énergétique dans 24 maisons de Nain et de Hopedale.

Je suis ravie de vous annoncer que, cette année, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a accepté de verser 150 000 $, que le gouvernement du Nunatsiavut va verser un montant équivalent et que nous disposons donc d'un total de 300 000 $ pour continuer à appliquer le programme de rénovation des greniers et de réparations des logements.

Les résultats de l'évaluation des besoins en logement et le très bon accueil réservé par la vaste majorité des résidents au programme de rénovations et de réparations montrent bien la nécessité d'élargir l'application de ce programme à d'autres logements et collectivités à l'avenir. Nous sommes, bien évidemment, à la recherche de fonds pour permettre cette expansion du programme.

Tout en réalisant des projets concrets de logements, comme la conception d'un nouvel immeuble à logements multiples pour la région, et le programme de réparation des logements, nous planifions l'avenir en préparant une stratégie du logement. Cette stratégie énonce des objectifs de planification stratégique, tous inspirés des résultats de l'évaluation des besoins en logement, de l'évaluation des risques inhérents à ces logements, de la charrette de conception et d'autres recherches et consultations de la communauté par notre gouvernement.

Cette stratégie est en cours d'élaboration. Nos objectifs actuels de planification stratégique mettent également l'accent sur le chauffage, à coût abordable, de ces logements, sur la promotion des approches durables en matière de logement qui sont adaptées en termes culturels, respectueuses de l'environnement et qui tiennent compte des besoins en planification et en développement de la communauté, qui traitent des problèmes de surpeuplement et des sans-abri tout en soutenant des familles, regroupant plusieurs générations, en leur apportant une aide à la vie autonome, en favorisant la propriété privée, en permettant à tous les résidents d'accéder à des services de réparation et d'entretien de logements et en facilitant la mise en œuvre de diverses solutions de logement tenant compte de la diversité des besoins, tout en faisant la promotion de l'autodéveloppement et du développement économique.

Le budget fédéral de cet exercice consacre un total de 15 millions de dollars aux logements abordables au Nunatsiavut. Nous avons appris le mois dernier que la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL, a finalisé ses objectifs de financement ainsi que l'énoncé des résultats visés et des indicateurs de son programme.

Nous avons cru comprendre que la SCHL a l'intention de virer ces fonds à la Société d'habitation de Terre-Neuve- et-Labrador pour qu'elle les gère. Si c'est effectivement le cas, cela nous préoccupe, car le gouvernement du Canada est tenu de nous consulter en la matière en application de l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador (ARTIL).

L'article 2.6.2 de cet accord se lit comme suit :

Avant tout transfert à la province de tout programme fédéral pour les Inuits, le Canada consulte le Gouvernement Nunatsiavut.

La signification du terme « consulte » dans notre accord ne laisse place à aucun doute. Nous attendons encore la confirmation officielle du montant de 15 millions de dollars et des modalités de leur gestion.

Nous avons largement prouvé par le passé que notre gouvernement est en mesure de faire les choses bien et efficacement. Nous sommes convaincus que c'est nous qui sommes en meilleure posture pour administrer ces fonds. Nous connaissons la nature des problèmes. Nous savons où sont les besoins et nous savons quels segments de notre population sont actuellement incapables de bénéficier des programmes de logements. Comme je vous l'ai indiqué précédemment, nous avons fait énormément de progrès sur le dossier du logement. Ces fonds nous permettront de réaliser d'autres percées. Il est certain qu'ils ne vont pas permettre de résoudre la totalité de nos problèmes, mais ils seront d'une grande aide.

Le gouvernement du Nunatsiavut est une entité autogérée qui a des droits et qui assume les responsabilités qui lui sont attribuées par l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador. Il a également conclu un accord fiscal avec le gouvernement du Canada qui stipule quels sont les programmes et les services fédéraux dont ce gouvernement du Nunatsiavut est responsable, et cela englobe la construction, la rénovation et la réparation des logements.

Depuis le 1er décembre 2005, date d'entrée en vigueur de l'ARTIL et de la création du gouvernement du Nunatsiavut, le gouvernement du Canada a transféré des montants importants à celui de Terre-Neuve-et-Labrador, mais nous n'avons pas encore été consultés sur leur utilisation. Les transferts fédéraux en matière de logement à la province ne concernant pas précisément les Inuits, nous n'avons reçu que très peu de fonds du gouvernement de Terre- Neuve-et-Labrador pour nous attaquer à nos préoccupations immédiates ou à long terme.

L'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas reçu directement de fonds destinés aux logements est que notre territoire se trouve au sud du 60e parallèle et que nos communautés ne sont pas considérées comme des réserves. Nous avons, à de nombreuses occasions, demandé au gouvernement du Canada de réviser cette politique, mais nous n'avons reçu jusqu'ici que des fins de non-recevoir.

Bien que n'ayant reçu directement que peu de fonds de la province, le gouvernement du Nunatsiavut s'est doté d'un programme d'amélioration des conditions de vie pour tous les résidents du Labrador. Financé par la Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador, ce programme ne s'applique pas uniquement aux membres de nos communautés. Il a pour vocation d'offrir des logements à des personnes ayant des besoins multiples et complexes, comme celles qui sont difficiles à loger, qui ont des antécédents criminels, des problèmes de santé mentale, des déficiences intellectuelles, des traumatismes intergénérationnels, et cetera.

C'est ainsi que, à Happy Valley-Goose Bay, sept logements accueillent actuellement divers clients appartenant à ces catégories. Un employé en assure la surveillance et le fonctionnement 24 heures par jour. Ce programme contribue également au financement de huit appartements accueillant chacun un ou deux résidants et offre des services de soutien aux personnes qui se présentent. Un abri d'urgence est également en cours de construction dans cette localité. Il devrait ouvrir au cours de l'été. Il faut signaler à ce sujet que si Happy Valley-Goose Bay ne se trouve pas sur notre territoire, de nombreux Inuits du Labrador y déménagent parce qu'ils n'ont accès à aucune forme de logement au Nunatsiavut.

Au Nunatsiavut même, nous disposons de deux logements permettant de venir en aide à plusieurs clients. Celui de Nain héberge quatre personnes et celui de Hopedale en accueille trois. Chacun dispose d'un employé présent 24 heures sur 24. Le budget total de ce programme est de 4,4 millions de dollars, dont 763 000 $ sont affectés au Nunatsiavut. Vous verrez, dans la présentation PowerPoint qui vous a été remise, des photos montrant l'état des logements de Nain.

Pour terminer, j'aimerais simplement vous dire que l'objectif de toutes nos recherches, antérieures et actuelles, est de nous permettre de prendre un peu de recul et d'analyser nos approches actuelles avec un esprit critique. Outre les besoins et les préférences des habitants du Nunatsiavut, il faut que nous en sachions davantage sur l'état de l'environnement et les contraintes climatiques qui s'exercent dans notre région. Il nous faut impérativement déterminer quelles sont les pratiques exemplaires utilisées dans d'autres régions nordiques pour se doter de logements durables afin de nous permettre de faire des choix éclairés pour l'avenir.

Merci de votre attention. Si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre.

La présidente : Je vous remercie de cet exposé complet.

Nous allons maintenant entendre M. William Lucy de l'Association régionale de logement Torngat. Comme le temps dont nous disposons est limité, je vous serais reconnaissante de limiter votre exposé à une dizaine de minutes. Nous vous écoutons, monsieur Lucy.

William Lucy, coordonnateur de programme, Association régionale de logement Torngat : Madame la présidente, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs, nous vous remercions de nous fournir ainsi l'occasion de vous entretenir des questions au cœur de notre action.

Comme la première ministre Mitchell vous l'a déjà expliqué, le Nunatsiavut se trouve en pleine crise du logement. L'Association régionale de logement Torngat, à qui le gouvernement du Nunatsiavut a confié le mandat de mettre en œuvre sa politique en la matière, s'est heurtée à passablement de défis en essayant de répondre aux nombreuses demandes de logement.

Quel est notre rôle? L'Association régionale de logement Torngat a été mise sur pied en 1983 pour fournir des logements sociaux aux cinq communautés inuites de Nain, Hopedale, Postville, Makkovik et Rigolet. Elle est dirigée par un conseil d'administration auquel siègent des représentants de chaque communauté et un représentant du gouvernement du Nunatsiavut. Nous avons actuellement quatre employés permanents, un coordonnateur de la construction, un inspecteur, une secrétaire et un comptable. Pendant la saison de construction, nous embauchons des travailleurs et des entrepreneurs de la construction. Nous avons pour objectif de construire, d'améliorer, de gérer des logements et de fournir des services d'aide au logement ainsi que de mettre à la disposition des bénéficiaires de l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador, qui résident au Nunatsiavut, des logements abordables et sécuritaires.

Chaque communauté a son propre comité local du logement qui compte de cinq à neuf membres qui élisent l'un d'eux comme président. C'est celui-ci qui fait part au comité des préoccupations en matière de logement et qui attire l'attention sur les besoins dans sa communauté. Chaque comité définit ses priorités de réparation et de construction de nouveaux logements, parce que ses membres connaissent bien les besoins des gens de la communauté et la situation dans laquelle ils se trouvent. Ils savent mieux que quiconque quels sont les logements surpeuplés, quels sont ceux qui présentent des problèmes de sécurité et qui sont les personnes qui ne disposent que de faibles revenus ou de revenus stables et qui sont les sans-abri.

Les bénéficiaires de l'ARLT qui désirent obtenir un logement ou faire faire des rénovations dans celui qu'ils occupent doivent présenter une demande à cet effet au plus tard le 31 janvier de chaque année. Le comité passe en revue toutes les demandes et, en fonction des ressources financières dont il dispose, décide des travaux à faire immédiatement dans chaque communauté et fixe les budgets en conséquence. Il faut cependant savoir que le nombre de demandes que nous recevons ne permet pas de se faire une image exacte des besoins réels de chaque communauté. De nombreuses personnes ayant besoin d'un logement, y compris de nombreux sans-abri, ne prenant pas la peine de déposer une demande.

Pour avoir accès à l'aide que nous offrons, les revenus des demandeurs ne doivent pas dépasser certains plafonds. Dans le cas d'une famille sans enfant, les revenus bruts annuels ne peuvent dépasser 48 000 $, et 57 000 $ dans les cas des familles ayant un ou deux enfants. Pour les familles comptant de trois à cinq enfants, ce plafond est fixé à 67 000 $ et à 77 000 $ pour celles ayant six enfants plus. Les personnes ayant des revenus supérieurs à 77 000 $ par an n'y sont pas admissibles.

Nous nous sommes aussi dotés d'une politique de remboursement. Les familles ou les personnes qui se voient attribuer un nouveau logement sont tenues de payer un loyer mensuel à l'ARLT. Celui-ci est de 80 $ pour les logements comportant une ou deux chambres, soit 24 000 $ sur une période de 25 ans, alors que les personnes bénéficiant d'un logement de trois chambres ou plus paient un loyer de 100 $ par mois, soit 30 000 $ sur 25 ans. Au bout de ces 25 ans, la propriété de la maison et du terrain est transférée à la famille ou à la personne, sous réserve qu'elle ait respecté les engagements qu'elle avait pris au début auprès de l'Association régionale de logement Torngat.

Les personnes qui reçoivent une aide de 50 000 $ ou plus de l'ARLT pour procéder à des réparations de leur logement doivent rembourser 100 $ par mois pendant 10 ans.

L'intégralité des revenus de cette politique de remboursements est consacrée directement à la construction de nouveaux logements et à des réparations dans les cinq communautés inuites.

Nous sommes également tenus de respecter une politique de responsabilisation. Comme la première ministre Mitchell vous l'a expliqué, l'ARLT reçoit chaque année des fonds du gouvernement du Nunatsiavut pour mener à bien notre mandat. En contrepartie, nous sommes tenus de remettre à celui-ci des états financiers mensuels, ainsi qu'un rapport de vérification à la fin de chaque exercice.

Cette année, le gouvernement du Nunatsiavut nous a versé environ 2,6 millions de dollars. Ce montant, auquel s'ajoutent les remboursements de la TVH et les loyers que nous encaissons, va nous permettre de construire cinq maisons à Nain, trois à Hopedale et une à Rigolet. Nous disposons également de réserves pour faire des réparations. Celle consacrée à Nain et à Hopedale est dotée de 70 000 $, celle destinée à Postville et à Makkovik atteint 125 000 $ et, enfin, celle attribuée à Rigolet est de 20 000 $.

Nous disposons également de budgets pour démolir de vieux logements, pour faire l'acquisition d'équipements de sécurité, pour indemniser des accidentés du travail, pour viabiliser des terrains, pour verser les frais juridiques d'enregistrement de ces derniers et pour rénover trois logements afin qu'ils respectent les normes en vigueur.

En résumé, malgré nos efforts, les besoins en logement sont énormes au Nunatsiavut. Nous ne parvenons à nous occuper que des cas les plus flagrants, mais nous continuons à travailler, une maison à la fois, un chantier de réparation à la fois. Nous espérons bien que nous finirons par voir la lumière au bout du tunnel.

Je tiens à féliciter le gouvernement du Nunatsiavut pour le travail énorme qu'il a réalisé afin de sensibiliser davantage les parties concernées à la crise du logement dans nos communautés, afin de nous doter d'une stratégie du logement à long terme et je le remercie de la confiance qu'il manifeste envers l'Association régionale de logement Torngat, l'agence chargée de la mise en œuvre de sa politique.

Je vous remercie de m'avoir invité à venir vous rencontrer aujourd'hui.

La présidente : Je vous remercie de vos exposés de ce matin. Je vais maintenant inviter les sénatrices et les sénateurs à vous poser leurs questions.

Le sénateur Patterson : J'ai trouvé que vous nous avez fait ce matin les exposés les plus percutants sur la situation du logement au Nunatsiavut. C'est un endroit où il y a manifestement quantité de problèmes. Vous nous les avez décrits en détail et ils sont plus alarmants les uns que les autres. Pour n'en rappeler que quelques-uns, vous nous avez parlé des moisissures, du surpeuplement, de la brièveté de la durée de vie des logements, des effets des changements climatiques, et cetera.

Madame la première ministre Mitchell, vous nous avez dit vouloir découvrir quelles sont les pratiques exemplaires mises en œuvre dans les autres régions de l'Inuit Nunangat. Moi, je trouve que votre région a beaucoup apporté aux autres. Je suis très impressionné par le partenariat que vous avez mis sur pied avec l'Université Memorial et l'Initiative relative au développement durable des collectivités. M. Trevor Bell nous en a déjà parlé. Même si vous nous avez précisé qu'il faut se méfier des chiffres et que le taux n'est peut-être pas aussi élevé qu'il en a l'air, votre taux d'accession à la propriété est plus élevé que dans n'importe quelle autre région inuite. Votre évaluation des besoins en logement, l'approche intégrée à la planification que vous avez retenue et les retombées de l'Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuit (ERAI) de la baie Voisey sont tous des éléments forts impressionnants, tout comme l'élaboration de votre stratégie du logement.

Je conviens sans ambages que mon point de vue est celui de quelqu'un de l'extérieur. Nous avons déjà entendu le témoignage de la Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador, et il me semble que la situation dans laquelle vous vous trouvez est fort complexe. L'ARLT réalise un travail important. La Société d'habitation de Terre-Neuve-et- Labrador est peu présente dans la région, à ce qu'on nous a dit. Plusieurs échelles de loyers sont en vigueur. À la lecture de votre site web, je crois comprendre que le gouvernement du Nunatsiavut envisage de mettre sur pied une société d'habitation et vous êtes un peu coincés dans les relations entre la province et le gouvernement fédéral, sans oublier que vous ne recevez pas les fonds sur lesquels vous comptez et que vous n'êtes pas consultés sur les questions de financement.

Voici la question que je me pose : alors que vous préparez une stratégie du logement, allez-vous bientôt disposer des recommandations de cette stratégie ou allez-vous adopter une approche plus ciblée aux problèmes de logement dans votre région? À quoi faut-il s'attendre pour l'avenir? Êtes-vous en mesure de nous dire quand vous aurez terminé la rédaction de cette stratégie du logement?

Trouvez-vous que je suis dans l'erreur en disant que la situation est confuse? Je trouve qu'il y a beaucoup d'intervenants qui rendent la situation plus complexe que nécessaire.

Mme Mitchell : Vous avez raison, nous travaillons effectivement à une stratégie du logement. Nous avons mis sur pied au sein de notre gouvernement un groupe de travail sur le logement, que je préside comme ministre responsable de ces questions. Ce groupe de travail, composé de divers membres de notre gouvernement, dont Mme Pain et M. Anderson, les deux sous-ministres qui sont avec nous aujourd'hui, permet l'échange d'idées pour parvenir à des propositions, qui seront ensuite soumises à l'approbation de notre conseil exécutif. C'est lui qui fixera nos orientations à venir.

Quant à savoir où en est l'élaboration de notre stratégie du logement, je vous dirai que nous mettons la dernière main à ce que nous appelons l'Évaluation du travail de l'organisme à qui nous avons confié la mise en œuvre des politiques de logement, l'ARLT.

Le problème que nous avons avec la Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador est que les fonds qu'elle nous verse ne sont destinés qu'à un petit groupe de notre population. Beaucoup de gens ne sont pas admissibles à cette aide. Nous, nous sommes d'avis que notre politique en matière de logements, quelle que soit la solution que nous retiendrons pour la mise en œuvre de cette politique, et quel que soit l'organisme que nous allons mandater pour cela, va devoir s'appliquer à l'ensemble de notre population. À titre d'exemple, il n'y a pas de maisons de retraite dans notre région. Il n'y a pas non plus de maisons ni d'appartements ou de lieux d'hébergement destinés aux jeunes voulant vivre par leurs propres moyens, ou à ceux qui vont poursuivre des études universitaires à l'extérieur et reviennent chez eux. Ils n'ont d'autres solutions que de retourner chez leurs parents.

Nous avons beaucoup de chance d'avoir autant de jeunes qui vont poursuivre des études postsecondaires, universitaires ou autres à l'extérieur. Nous l'avons voulu de tout cœur. Nous tenons à ce que nos jeunes fassent de bonnes études et reviennent travailler chez nous. Or, quand ils le font, nous n'avons pas de logements à leur offrir.

Nous espérons donc traiter l'ensemble de ces problèmes et mettre sur pied un organisme de logement ou une stratégie du logement qui s'appliquera aux groupes de tous âges de notre population et pas uniquement, comme actuellement, à la clientèle des logements sociaux. C'est l'un des problèmes importants auxquels nous sommes confrontés.

Le sénateur Patterson : Comme le nom de notre comité l'indique, nous nous occupons des peuples autochtones. À ce titre, nous nous penchons sur les questions de logement chez les Inuits. Vous nous avez parlé de fonds destinés précisément aux Inuits. Le dernier budget fédéral prévoyait des fonds destinés précisément aux régions inuites du Canada, dont le Nunatsiavut. Même si nous avons entendu ce commentaire dans d'autres régions, j'ai été surpris de vous entendre nous expliquer que l'argent qui leur est destiné se fond dans le budget de la province avec les modalités des paiements de transfert et l'application des formules de financement.

Vous nous avez dit craindre que les 15 millions de dollars soient versés à la province. Que recommanderiez-vous qu'on fasse de ces fonds? Vous vous êtes bien évidemment intéressés tout particulièrement aux questions de logement. Je suis convaincu que vous pourriez faire un très bon usage de cet argent. Comment pourriez-vous l'utiliser?

Mme Mitchell : Nous sommes d'avis que l'accord que nous avons conclu sur nos revendications territoriales est un accord protégé par la Constitution. Le gouvernement fédéral dispose déjà de mécanismes pour nous acheminer les fonds directement. Nous estimons avoir fait beaucoup de travail. C'est nous qui sommes le mieux en mesure de choisir les utilisations les plus pertinentes de cet argent, et nous sommes d'avis qu'il devrait nous être versé directement. Nous craignons qu'il soit versé à la province qui nous imposera alors des frais d'administration et des critères à respecter. Dans un tel cas, il se peut que nous ne soyons plus en mesure de l'utiliser pour répondre à nos besoins.

Si la viabilisation d'un seul terrain nous coûte actuellement, comme je vous l'ai dit dans mon exposé, 200 000 $, il faut savoir qu'il n'est pas encore prêt à construire. Il faut que nous puissions utiliser cet argent pour faire ce qui nous paraît utile. Si nous devons viabiliser des terrains, il faut que nous puissions le faire. Nous craignons que si l'argent transite par la province, ce ne soit même plus l'une des solutions possibles. Nous ne pourrons plus chercher la meilleure utilisation possible de ces fonds pour rendre nos logements durables, pour éviter de construire des maisons qu'il faudra déménager dans un an ou deux...

Le sénateur Oh : Je souhaite la bienvenue à nos témoins devant ce comité sénatorial. En 2012, le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et celui du Nunatsiavut ont réalisé une évaluation des besoins en logement dans les quatre communautés de votre région. Les résultats de cette évaluation se sont-ils traduits par des modifications des méthodes de gestion et d'administration des maisons au Nunavik?

Mme Mitchell : Oui. L'un des résultats sur lesquels nous comptons est de savoir, dorénavant, grâce à cette évaluation des besoins en logement, à qui attribuer ceux dont nous disposons. Nous concentrons nos efforts sur les localités frappées par la crise du logement. Nous savions qu'il y avait une telle crise, en particulier à Nain et à Hopedale, mais nous n'avions pas de chiffres fiables pour en attester. Cette évaluation des besoins en logement nous permet de décider où dépenser notre argent.

Le sénateur Oh : J'ai une question qui s'inscrit dans le prolongement de celle du sénateur Patterson. Vous nous avez indiqué que les jeunes qui quittent la communauté et y reviennent ne peuvent trouver de logements et doivent emménager chez leurs parents. La population de votre communauté a-t-elle augmenté au cours de la dernière décennie ou sa croissance a-t-elle fléchi?

Mme Mitchell : Elle a augmenté à Nain et à Hopedale alors qu'elle a été passablement stable dans les autres localités.

Le sénateur Oh : Selon vous, le coût de viabilisation d'un terrain à construire dépasse les 200 000 $ avant d'avoir entrepris la construction proprement dite.

Mme Mitchell : Oui.

Le sénateur Oh : Mais la population n'augmente pas régulièrement.

Mme Mitchell : Non.

Le sénateur Oh : C'est assez inhabituel.

Mme Mitchell : Dans la communauté de Makkovik, dont je suis originaire, la population est restée relativement stable. Cela n'empêche qu'il y a des jeunes qui s'en vont et on observe maintenant qu'il y en a qui reviennent. Le gouvernement du Nunatsiavut, en ouvrant des bureaux dans toutes les localités, a créé des emplois. Ces emplois vont aux gens qui ont fait des études et qui ont obtenu des qualifications.

Lorsque les jeunes s'absentent pendant quatre ans pour poursuivre des études universitaires, il est ensuite souvent difficile pour eux, s'ils reviennent dans leur communauté, d'emménager à nouveau chez leurs parents. Nous, nous sommes d'avis que nous devrions pouvoir, quand ils atteignent un certain âge et veulent vivre par eux-mêmes, leur louer un appartement dans la communauté. Comme je vous l'ai déjà indiqué, nombreux sont ceux qui déménagent à Happy Valley-Goose Bay parce qu'il n'y a pas de logements disponibles au Nunatsiavut.

Le sénateur Oh : Vous nous avez dit précédemment que les paiements de transfert du fédéral vont dans les caisses du gouvernement du Labrador, et que vous ne recevez donc pas suffisamment de fonds directement du fédéral pour prendre soin de votre communauté. Est-ce bien ce que vous nous dites?

Mme Mitchell : Oui. Hormis ce qui est prévu par l'Accord de financement budgétaire, le fédéral ne verse pas directement de fonds au Nunatsiavut. Ce sont les seuls fonds que nous recevons, mais pas de la province.

Le sénateur Oh : Merci.

La présidente : J'aimerais vous poser rapidement une question. Vous avez parlé des fonds provenant de la SCHL en nous disant que vous voudriez qu'ils vous soient versés directement. Par le passé, lorsque la SCHL consacrait des fonds au logement dans le Nunatsiavut, vous étaient-ils transférés directement?

Toby Anderson, sous-ministre, Affaires de Nunatsiavut, gouvernement du Nunatsiavut : Madame la présidente, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de nous avoir invités parmi vous.

Mme Pain et moi-même nous occupons de ce dossier depuis longtemps. Nous étions conjointement chefs négociateurs de l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador. J'ai passé 19 ans de suite à la table de négociation.

L'un des problèmes les plus difficiles auxquels les Inuits du Labrador ont été confrontés pendant ces négociations est la politique retenue par le Canada pour transférer des fonds aux régions inuites. Le Canada transfère effectivement des fonds, mais si vous vivez au nord du 60e parallèle, vous n'êtes plus admissibles à ce type de financement. Dans le cas des personnes qui vivent au sud du 60e parallèle, les fonds en question transitent par les provinces.

Nous nous sommes efforcés de régler ce problème dans l'accord sur nos revendications territoriales. Nous pensions y être parvenus avec la formulation de son article 2.6.2 et avec celle du chapitre 18 de l'Accord de financement budgétaire. Nous avions prévu, dans le cadre de ce dernier, un mécanisme par lequel les fonds de la SCHL seraient transférés directement au gouvernement du Nunatsiavut.

Le texte de cette partie 2.6.2 précise bien, sans aucune ambiguïté et comme la première ministre Mitchell vous l'a déjà indiqué, qu'avant tout transfert à la province de tout programme fédéral pour les Inuits, le gouvernement du Canada doit consulter le gouvernement du Nunatsiavut. Or, nous n'avons jamais été consultés. Le versement d'un montant de 15 millions de dollars a été annoncé dans le budget fédéral. Madame la présidente Lampe a appris du ministre responsable de la Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador, la SHTNL, que ces fonds seraient transférés directement de la SCHL à cette dernière pour qu'elle les administre.

En plus de 60 ans d'existence, la SHTNL n'a construit que 55 logements au Nunatsiavut. Pourtant, tous les quatre ans, celle-ci reçoit des fonds du gouvernement fédéral d'environ 400 millions de dollars. Cinquante-cinq logements en plus de 60 ans : nous avons fait mieux nous-mêmes avec l'argent de notre fiducie et le peu que nous avons reçu dans le cadre de l'Accord de financement budgétaire. C'est là, madame la présidente, le cœur du problème.

Pour en revenir à la question du sénateur Patterson, soit la nature de l'étape suivante dans notre stratégie du logement, il y a toujours un élément qui nous manque, comme vous l'a expliqué la première ministre Mitchell. C'est un modèle d'attribution des logements. Quels critères utilisera-t-on? Nous l'ignorons pour l'instant. La province a la SHTNL. Le gouvernement du Nunatsiavut n'a pas d'organisme chargé de l'attribution des logements. C'est pourquoi nous avons accordé un contrat à une entreprise qui étudie tous les modèles d'attribution de logements aux Autochtones, dans toutes les régions du pays, et nous nous apprêtons maintenant à concevoir le nôtre.

C'est le dernier élément, mais ce qui importera lorsque nous mettrons en place notre modèle d'attribution des logements, qu'il s'agisse d'une commission ou de quoi que ce soit d'autre, sera de le financer comme il convient. Dans le cas d'un accord sur les revendications territoriales, les fonds devraient venir de la SCHL. Actuellement, lorsque nous nous adressons à cette dernière, on nous répond : « Nous avons transféré les fonds à la province, à la SHTNL. » Ensuite, lorsque nous interrogeons la SHTNL celle-ci nous répond : « C'est nous qui décidons où dépenser cet argent, pas vous. » C'est là le cœur du problème, et nous voulons que notre modèle d'attribution des logements nous permette de rompre cette logique.

Votre comité sénatorial doit savoir que cette question a été abordée par le vérificateur général. Dans le rapport publié en février dernier, une section est consacrée à la mise en œuvre de l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador. Elle aborde précisément la question du logement et rappelle que le gouvernement du Nunatsiavut n'a reçu aucun fonds à ce titre. La recommandation 3.77 du Bureau du vérificateur général précise bien qu'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, en collaboration avec d'autres entités fédérales, comme la SCHL, devrait trouver une solution pour financer directement le logement au Nunatsiavut et des Inuits qui vivent au sud du 60e parallèle. Je tenais juste à vous le souligner. Merci.

La présidente : C'est une réponse claire. Je vous en remercie.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de tous ces détails. Nous devions nous rendre à Nain, mais le mauvais temps nous en a empêchés. C'est donc un vrai plaisir de vous avoir parmi nous.

Je sais que vous avez obtenu beaucoup d'appuis divers. Vous nous avez fourni des détails concernant l'ensemble des fonds du gouvernement qui vous ont été versés. Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais commencer par vous féliciter d'avoir obtenu le Prix Inspiration Arctique. Bravo!

Vous n'avez rien dit à ce sujet dans votre exposé, mais j'aimerais savoir si le secteur privé pourrait avoir un rôle à jouer dans le cadre de partenariats public-privé pour soutenir votre secteur du logement. J'ai l'impression que vous avez répondu par la négative. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ce type de solution ne conviendrait pas?

Mme Mitchell : Vous savez, il n'y a pas de route là où nous vivons et le transport pose quantité de problèmes. Nous n'avons pas non plus de piste d'atterrissage en mesure d'accepter d'autres avions que des Twin Otter. Il n'est pas possible d'accéder à nos communautés par la mer tant qu'il y a de la glace. C'est le cas cette année et nous n'avons donc pas de liaisons maritimes pour l'instant. La période pendant laquelle nous pouvons construire est très courte. À la suite des coupures du budget provincial, elle ne sera que de 169 jours cette année. C'est le nombre de jours pendant lequel nous profiterons de liaisons maritimes.

Le sénateur Enverga : J'aurais espéré que des entreprises du secteur privé puissent vous venir en aide.

Isabella Pain, Affaires du Nunatsiavut, gouvernement du Nunatsiavut : Nous essayons de collaborer avec des entreprises du secteur privé pour faciliter l'accès à la propriété ou pour construire des logements à louer dans toutes nos communautés. Nous n'avons pas eu beaucoup de succès jusqu'à maintenant. L'intérêt que notre projet suscite dans le secteur privé reste minime pour l'instant. Cela nous ramène à notre stratégie du logement dont un volet va s'efforcer de trouver des façons d'attirer des entreprises et des entrepreneurs désireux de construire des logements pour ensuite les louer sur le marché privé. Ce projet n'a pas suscité beaucoup d'enthousiasme jusqu'à maintenant.

Le sénateur Enverga : Je crois savoir que le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador vous a versé 75 000 $ au titre des changements climatiques, de l'efficience énergétique et de l'échange de droits d'émissions. Dans quelle mesure êtes- vous touchés par les changements climatiques. Ont-ils eu des répercussions sur vos logements, et quel genre de mesures avez-vous prises pour vous en protéger?

Mme Pain : Nous avons fait un certain nombre d'études sur les répercussions des changements climatiques, non seulement sur nos logements, mais également sur les autres infrastructures de nos communautés. Nous avons constaté que les sols fondent, que leur état évolue et que cela provoque des glissements de terrain sur lesquels se trouvent des constructions. Si vous creusez le sol, comme nous le faisons au Nunatsiavut pour nos canalisations d'eau et d'égout, vous perturbez le pergélisol. Celui-ci commence alors à fondre, à s'effondrer et à glisser. Cela nous pose quantité de problèmes parce que les terrains sur lesquels nous construisons sont en train de fondre et de s'effondrer. Ils s'enfoncent lentement.

Nous avons fait quantité de recherches sur ces questions. Je peux vous faire parvenir des renseignements à ce sujet, mais nous constatons que les régimes climatiques auxquels nous étions habitués évoluent tout au long de l'année. Il nous arrive maintenant de recevoir de la pluie en janvier et en février, une première, ce qui cause des phases de gel et de dégel. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont aggravés et nous subissons beaucoup d'inondations. Nous constatons maintenant beaucoup d'écoulements d'eau, à des moments étranges de l'année, où nous n'étions pas habitués à voir ces phénomènes. Nous avons fait beaucoup de travail sur ces questions.

Comme la première ministre Mitchell vous l'a indiqué dans son exposé, lorsque des maisons bougent et se déplacent, elles ont tendance à se briser. Leurs joints se rompent et elles ne sont plus étanches. Leur isolation n'est plus aussi efficace et elles deviennent plus difficiles à chauffer.

Une partie des sommes que nous avons reçues au titre des changements climatiques est destinée à améliorer l'efficience énergétique et à installer des poêles à bois pour moins dépendre du mazout pour chauffer nos maisons. Dans le cas de la rénovation des greniers, nous étudions les divers types d'isolants qui peuvent convenir pour garder la chaleur à l'intérieur de nos maisons.

Comme nous faisons beaucoup de recherches sur ces questions, nous pouvons vous communiquer des détails concrets sur les changements climatiques que nous observons depuis les dernières années. Pour nous, 2010 a été une des pires années avec des phénomènes météorologiques étranges pour nous qui entraînent des répercussions sur le sol et sur nos terrains à bâtir.

Le sénateur Enverga : Êtes-vous en mesure de chiffrer approximativement les effets de ces phénomènes sur les logements et les infrastructures?

Mme Pain : Je ne m'en souviens pas précisément, je vais devoir faire des recherches avant de vous répondre.

Le sénateur Tannas : Je vous remercie d'avoir fait l'effort de venir nous rendre visite ici.

Comme des Canadiens suivent attentivement nos travaux et votre témoignage en particulier, je voudrais tenter de résumer certaines des questions dont vous nous avez entretenues et plus précisément votre projet de nouveaux logements et votre programme de location-achat.

Vous proposez un loyer de 80 $ par mois pour les logements d'une ou deux chambres et de 100 $ par mois pour ceux en ayant trois. La plupart des Canadiens seraient tentés de vous dire : « Superbe! Que dois-je faire pour signer un bail avec vous? » C'est le moment d'ajouter que les locataires doivent acquitter d'autres dépenses, et je pense ici à l'électricité et au chauffage. Pouvez-vous nous dire combien il en coûte par mois, outre le loyer, pour vivre dans un de ces logements comportant trois chambres? Avez-vous ce chiffre à portée de la main?

M. Lucy : Si nous prenons effectivement une maison à trois chambres au Nunatsiavut, le coût d'aménagement du terrain sera probablement, comme la première ministre vous l'a dit, de 200 000 $. La construction de la maison elle- même coûtera un autre 155 000 $.

Torngat est un organisme sans but lucratif. Comme vous l'avez dit, nous disposons d'un budget fixe qui nous est attribué par le gouvernement du Nunatsiavut. Je comprends que les gens du reste du Canada puissent se dire : « J'aimerais moi aussi bénéficier d'un logement durable à ces mêmes conditions. » Mais vous devez réaliser que nous sommes isolés du reste du Canada, comme l'a rappelé Mme Mitchell. Nous n'avons pas de route. Nous fournissons des logements à des familles à faible revenu et à des personnes âgées qui ne disposent que des prestations de la Sécurité de la vieillesse. Pour elles, qui vivent dans des régions rurales, le logement est un poste très important de leur budget. La situation n'est pas la même dans le reste du Canada. Nous sommes isolés.

Le mazout et l'électricité coûtent cher. Si vous chauffez votre logement à l'électricité, le coût mensuel va se situer entre 500 et 1 000 $. Si vous le chauffez au mazout, vous allez payer entre 290 et 300 $ le baril.

Le sénateur Tannas : Je vous demande pardon. Avez-vous dit 300 $ par mois ou 300 $ le baril?

M. Lucy : Trois cents dollars le baril.

Le sénateur Tannas : Pendant combien de temps pouvez-vous chauffer une maison à trois chambres avec un baril?

M. Lucy : Si la maison est bien isolée, celui-ci va vous durer entre une semaine et une semaine et demie. Si elle est mal isolée, il ne va pas vous durer plus de trois jours en hiver.

Le sénateur Tannas : Combien de temps?

M. Lucy : Environ trois jours pendant les mois d'hiver, si la maison en question est mal isolée.

Le sénateur Tannas : J'essaie de chiffrer les choses pour permettre à tous de mieux saisir. Donc, ce bail fort attrayant à 100 $ par mois pour une maison neuve s'accompagne d'un coût additionnel de 1 000 à 1 200 $ par mois pour le chauffage. Combien coûte l'électricité?

M. Lucy : Si, au Nunatsiavut, vous chauffez votre maison à l'électricité, vous recevrez une facture de 500 à 1 000 $ par mois si vous voulez y vivre à l'aise.

Le sénateur Tannas : Donc, si nous incluons toutes les dépenses, la maison de trois chambres au loyer de 100 $ par mois a un coût mensuel probablement plus proche de 2 000 $. Est-ce bien cela?

M. Lucy : Avec les services publics, oui.

Le sénateur Tannas : Merci beaucoup.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je vous souhaite la bienvenue parmi nous. Dans votre région, il semble y avoir un plus grand nombre de propriétaires de leur domicile que dans n'importe quelle autre communauté. Pouvez-vous nous dire pourquoi?

Mme Pain : Je peux essayer de vous l'expliquer. Dans nos communautés, cela fait passablement longtemps que les gens construisent leurs propres maisons. Ils sont habitués à se prendre en main. Si nous comparons la situation avec celle d'autres endroits au Nunavut, s'il est vrai que les transports nous posent des problèmes, ils en posent encore plus dans d'autres régions du Nord. Dans nos communautés, nous disposons d'un système de liaisons maritimes régulières qui permet aux gens de commander leurs matériaux de construction et de construire ensuite eux-mêmes leurs maisons. Cela ne va toutefois pas sans difficulté.

La première est de disposer d'un terrain viabilisé. Un tel terrain coûte cher et il est donc difficile de s'en procurer un. Sachez par exemple que, actuellement, à Nain et à Hopedale, aucun terrain viabilisé n'est disponible pour construire une maison. La personne qui veut en construire une devra attendre un à deux ans avant d'avoir un terrain.

Cela fait un certain temps que nous incitons les gens à procéder de cette façon, en particulier s'ils travaillent et peuvent s'offrir leur propre maison. Mais il est loin d'être facile d'obtenir une hypothèque auprès d'une banque. Les banques ne considèrent pas que nos communautés se prêtent aux investissements hypothécaires, mais la situation évolue lentement alors que les conditions économiques s'améliorent et que les gens trouvent du travail dans des endroits comme le site minier de la baie Voisey. Ces gens-là ont de bons revenus et peuvent se permettre d'acheter leur maison, ce que nous les incitons à faire.

Dans le cadre de notre stratégie du logement, nous voulons pousser un plus grand nombre de gens qui peuvent se le permettre à construire leurs propres maisons. Même s'ils se heurtent encore à des difficultés, ils souhaitent avoir une maison un peu différente du modèle Torngat. Celui-ci entre dans la catégorie des logements sociaux et certaines personnes aimeraient disposer d'un intérieur un peu différent.

Si vous avez d'autres questions sur les raisons pour lesquelles nous comptons davantage de propriétaires de leur maison, j'y répondrai avec plaisir.

M. Anderson : Je crois que Mme Pain a bien traité toute cette question. Le problème est que la liste d'attente est si longue alors que nos caisses sont vides. Nous n'avons pas d'argent pour le logement. Ce que les gens espèrent actuellement est que l'Association régionale de logement Torngat et, dans une certaine mesure, la Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador se dotent de logements à louer. Or, pour louer un logement, il faut être en mesure de payer le loyer. Ces organismes s'informent du salaire du demandeur et, si celui-ci est insuffisant, ils n'obtiennent rien. C'est en pensant à ces gens que notre modèle d'attribution de logements va devoir montrer son efficacité. Que faisons- nous avec les gens à faible revenu?

Pour revenir à votre interrogation sur le pourcentage plus élevé de propriétaires, je crois que, comme Mme Pain vous l'a expliqué, la Labrador Inuit Association et, par la suite, le gouvernement du Nunatsiavut ont incité les gens, et en particulier les jeunes, à construire leurs propres maisons. Si vous attendez de l'aide du gouvernement, de la SHTNL ou de la SCHL, vous ne l'obtiendrez jamais.

La sénatrice Lovelace Nicholas : L'un d'entre vous a indiqué qu'il en coûte 200 000 $ pour viabiliser un terrain. Est- ce à dire que la personne qui construit sa maison sur un terrain viabilisé devient propriétaire du terrain?

Mme Pain : Oui. Chez nous, les gouvernements communautaires nettoient des terrains et en font un lotissement. Les lots sont ensuite viabilisés avec l'installation des réseaux d'aqueducs et d'égouts. Cela fait, le gouvernement attribue les lots et leur propriété est transférée à la personne qui construit la maison. Il faut que vous soyez propriétaire du terrain pour obtenir une hypothèque et pouvoir construire votre maison. Pour cela, il faut absolument que vous ayez un titre de propriété. C'est un sujet dont nous discutons également en ce moment parce que c'est là l'un des coûts concrets de la construction d'une maison dont nous ne tenons pas compte.

En règle générale, si je construis une maison, je n'ai pas à payer ces 200 000 $. Je vais devoir payer le coût de l'arpentage, et peut-être un peu plus. Si, ensuite, je veux obtenir un prêt hypothécaire de 200 000 $, le coût de viabilisation du terrain ne sera pas pris en compte. Comme il est toujours « oublié », nous essayons d'amener les gens à comprendre que le coût global de la construction de la maison devrait aussi tenir compte des frais engendrés pour la viabilisation du terrain. La propriété du terrain est transférée aux gens construisant leurs maisons quand le gouvernement communautaire leur attribue un lot à construire.

La sénatrice Lovelace Nicholas : On nous a aussi expliqué que vous ne pouvez pas assurer votre logement si vous le chauffez au bois. Si vous utilisez une autre source d'énergie, comme l'électricité ou le mazout, pouvez-vous assurer votre logement?

Mme Pain : Vous pouvez l'assurer, mais c'est très difficile. Si vous avez un chauffage au bois, le coût de l'assurance devient prohibitif. Chez nous, quantité de gens ignorent comment s'y prendre pour obtenir une police d'assurance. Il n'y a pas d'agence d'assurances dans nos communautés, ni même au Nunatsiavut. Pour en trouver une, il faut se rendre à Goose Bay.

Même si vous y allez, il est encore très difficile d'obtenir une police d'assurance. Les Inuits ne comprennent pas très bien les modalités de fonctionnement des assurances ni l'intérêt que cela présente pour eux. C'est un des domaines dans lesquels il faut faire leur éducation, et nous essayons de trouver des façons de les pousser sur cette voie, de les éduquer et de les aider à assurer leurs maisons.

La sénatrice Raine : Je vous remercie tous beaucoup. Nous avons appris quantité de choses.

Lorsque les organismes de Terre-Neuve-et-Labrador qui s'occupent du logement en mettent à la disposition des habitants de vos collectivités, utilisent-ils des modes d'attribution de ces logements autres que ceux que vous privilégiez? Comment s'y prennent-ils pour attribuer leurs logements?

Si je vous pose cette question, c'est que, lorsque nous nous sommes rendus au Nunavut, nous avons constaté que les jeunes qui étaient allés poursuivre des études universitaires à l'extérieur n'étaient plus admissibles aux logements sociaux dans toute la province de Québec. Les choses se passent-elles de même au Nunatsiavut?

Mme Pain : Les logements de la SHTNL sont destinés à des familles à faible revenu. Cet organisme applique un modèle de logement social. C'est sa clientèle cible.

Les occupants de ces logements sont des locataires et non pas des propriétaires de la maison. Le montant du loyer correspond à 25 p. 100 de leurs revenus. C'est une bonne solution si le locataire bénéficie d'une forme d'aide au revenu, car ainsi les loyers ne sont pas trop élevés.

Si le locataire travaille, son loyer sera aussi de 25 p. 100 de son revenu. Peu importe le montant que vous allez retirer de votre emploi, que vous soyez en couple ou non, que vous soyez ou non employé, le loyer est fixé à 25 p. 100 des revenus du ménage. Dans le cas des gens qui vont poursuivre des études à l'extérieur et qui, en revenant, obtiennent un bon emploi, il peut s'avérer difficile de rester locataire de la SHTNL parce que les loyers deviennent alors élevés. Cela incite ces personnes à quitter ces logements.

Le second problème avec les logements de la SHTNL est qu'il y a déjà une liste d'attente pour les gens bénéficiant d'une aide au revenu ou qui ont besoin d'un logement social. De toute façon, il est difficile de se faire inscrire sur cette liste d'attente. Si vous êtes un jeune qui a poursuivi des études, vous allez finir par réussir à vous inscrire sur cette liste, mais le délai d'attente sera long.

La sénatrice Raine : Si j'ai bien compris ce que j'ai entendu, les fonds en question pour le logement sont versés à la province par le fédéral au moyen de paiements de transfert, mais ils finissent par n'avoir aucune utilité dans vos communautés. C'est là une façon de procéder qui ne colle pas avec le modèle que vous entendez adopter, qui semble tout à fait logique. Vous ai-je bien comprise?

Mme Pain : Je crois qu'il risque d'y avoir des interférences. Je dois toutefois vous dire qu'un certain nombre de choses ont évolué au cours des dernières années. Nous avons instauré une bonne relation de travail avec la SHTNL. Ils réalisent que leur modèle de logement ne permet pas de couvrir toute la gamme des besoins que nous avons dans nos communautés, et ils collaborent avec nous pour essayer de trouver des façons d'injecter des fonds dans celles-ci.

Je peux vous donner l'exemple du programme de réparation et de construction de logements dont la première ministre Mitchell vous a parlé. La SHTNL y a consacré 350 000 $, et nous avons versé le même montant. Ils ont en effet convenu qu'ils ont des fonds à consacrer aux réparations des logements. Toutefois, avec leur modèle, les gens doivent commencer par payer les réparations eux-mêmes et se faire rembourser ensuite. Les membres de nos communautés n'ont pas les moyens de faire de telles avances. S'ils en avaient les moyens, ils n'auraient pas besoin d'un tel programme. C'est pourquoi nous avons mis sur pied ce programme pour leur venir en aide.

La SHTNL convient que cela présente des difficultés, mais elle ne peut modifier les conditions d'application de son programme. C'est pourquoi les fonds ont été dirigés vers nous et que nous avons pu ensuite les utiliser dans nos communautés.

Ils reconnaissent certaines de ces difficultés, mais nous ne croyons pas qu'ils tentent d'avoir une vision d'ensemble de la situation. Leur modèle en est un avant tout de logement social et nous sommes d'avis qu'il faut aller bien au-delà de ce modèle pour faire face à nos difficultés et à nos besoins en matière de logements.

La sénatrice Raine : En nous parlant de toute la gamme des logements, vous avez indiqué avoir besoin de ce qu'on pourrait appeler des logements de transition pour les jeunes qui démarrent une famille. Pour eux, c'est une époque pendant laquelle il n'est pas absolument indispensable d'avoir une maison individuelle. Ils ont besoin d'un endroit pour vivre, comme une pension de famille, ou une forme quelconque de logement coopératif. Voilà donc un problème auquel vous êtes confrontés. S'y ajoute celui des logements pour les personnes âgées, ou pour les anciens. Pourriez-vous décider d'y consacrer les fonds qui proviennent de la SHTNL? Avez-vous déjà envisagé cette hypothèse avec eux?

Mme Pain : Oui, nous en avons parlé un peu avec eux, mais c'est l'une des choses que nous faisons actuellement avec l'immeuble à logements multiples que nous construisons grâce au Prix Inspiration Arctique. L'un des bâtiments que nous construisons va permettre d'héberger des jeunes célibataires ainsi que certaines personnes âgées. Nous tentons de répondre aux besoins de ses deux extrémités de la gamme parce qu'il leur est fréquemment impossible d'obtenir un logement. C'est ce que nous essayons de faire.

Ce prix vise à mettre en pratique des connaissances et il faut ensuite procéder à une analyse pour valider les résultats. Pour le moment, nous avons les meilleurs plans. Nous allons évaluer le caractère fonctionnel de la maison, vérifier si sa conception est efficace, mais également nous entretenir, d'un point de vue social, avec les résidents des logements pour savoir si ceux-ci répondent ou non à leurs besoins et s'il y a ou non d'autres choses que nous pourrions retirer de cette expérience et faire mieux la fois suivante.

La sénatrice Raine : Le bâtiment que vous construisez va accueillir quatre appartements?

Mme Pain : Non. Six appartements.

La sénatrice Raine : Très bien. Merci beaucoup.

Le sénateur Moore : Merci à nos témoins de leur présence parmi nous.

Pour revenir rapidement à la dernière question posée par la sénatrice Raine, quand j'examine ce plan, je ne vois aucun auvent ni coupe-vent aux entrées, et c'était pourtant un élément important lorsque nous avons visité les communautés dans le Nord. Je ne sais pas si, lorsqu'ils ont dessiné ce plan, les concepteurs vous en ont parlé ou non. C'est une bonne chose que cette façade soit orientée au sud, parce que cela a donné lieu à des plaintes par le passé. Les constructeurs, des gens installés dans le sud, n'ont pas discuté des plans avec les habitants de la communauté, et c'est ce qui explique que les emplacements et les plans étaient fort mal adaptés.

J'ai quelques questions à poser à M. Anderson. Si j'ai bonne mémoire, vous nous avez dit que le gouvernement de Terre-Neuve a reçu 400 millions de dollars qui lui ont permis de construire seulement 55 logements en plus de 60 ans. Ai-je bien entendu?

M. Anderson : Oui, 55 logements en plus de 60 ans.

Le sénateur Moore : Le mémoire que nous avons reçu fait état de la crainte que l'argent transite par la province. Je suppose qu'on vous a dit que l'argent va transiter par la province. Parlons de ces 15 millions de dollars. Quel pourcentage en retiennent-ils au titre des frais d'administration?

Mme Pain : Nous l'ignorons. Nous en avons parlé à la SHTNL et à la ministre. Ils nous ont dit ne pas avoir à l'attention de prélever des frais d'administration à même ces 15 millions de dollars, mais nous n'en avons pas la certitude. Vous l'a-t-elle confirmé lorsque vous l'avez rencontrée?

Mme Mitchell : Non.

Mme Pain : Dans le cas des programmes antérieurs, ils ont toujours prélevé des frais d'administration. C'est ce qui nous amène à nous inquiéter.

Le sénateur Moore : Alors, dans les cas précédents, quel était ce pourcentage? Comment ont-ils fixé le montant de ces frais d'administration?

M. Anderson : Quinze pour cent.

Le sénateur Moore : Cela donne un montant important. L'avez-vous négocié ou vous a-t-on simplement dit quel montant avait été retenu?

Mme Pain : Nous n'avons pas eu notre mot à dire. Ce qui se passait était que la SCHL transférait des fonds à la province pour le logement et personne ne voulait savoir ce que nous en pensions.

Le sénateur Moore : Revenons sur cette question. Vous nous avez dit qu'il a fallu 19 ans pour négocier l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador. Vous pensiez avoir réglé ce problème avec la formulation de l'article 2.6.2 de cet accord qui précise que les fonds venant du gouvernement fédéral et consacrés au logement doivent aller directement à votre gouvernement et non pas passer par la province. Est-ce bien ce qui est écrit dans cet accord, M. Anderson?

Mme Pain : Il y a deux choses distinctes. L'article 2.6.2 dit clairement que « pour tout programme fédéral pour les Inuits, le Canada consulte le gouvernement Nunatsiavut. » L'autre document sur le logement est une disposition de notre Accord de financement budgétaire en matière de logement, mais l'obligation en matière de logement n'a pas été suivie d'effets sous forme d'un quelconque virement. Pendant la négociation de l'Accord de financement budgétaire, on nous a toujours répondu « Oui, nous savons ce à quoi nous nous sommes engagés, mais nous n'avons pas de programme s'adaptant à vous. Vous n'êtes pas au nord du 60e parallèle et vous ne vivez pas sur une réserve. Nous n'avons donc aucun programme qui nous permette de vous donner des fonds. » Nous sommes dans une zone de vide des politiques depuis que nous avons négocié l'accord sur les revendications territoriales.

Le sénateur Moore : Avec qui parlez-vous de cet argent? Est-ce avec la SCHL ou avec un autre ministère? À qui vous adressez-vous au sujet de cet argent? Parlons de ces 15 millions de dollars.

Mme Pain : Pour le dernier budget, nous ne savons pas avec certitude. Nous avons parlé à la SCHL qui va répartir les fonds, et à Affaires autochtones et du Nord Canada parce que nous avons déjà conclu avec eux un accord de financement pour d'autres mécanismes et d'autres programmes dans le cadre desquels l'argent nous est versé directement.

Le sénateur Moore : Lorsqu'il a été décidé de vous attribuer ces 15 millions de dollars pour le logement, quelqu'un en a-t-il discuté avec votre gouvernement et quels étaient alors vos objectifs?

Mme Pain : Non.

Le sénateur Moore : Non?

Mme Pain : Le montant a été annoncé dans le budget. Nous avons demandé comment les fonds nous seraient transmis et quelles seraient les exigences pour les obtenir, mais nous n'avons reçu aucune réponse. Lorsque la première ministre Mitchell a assisté à une réunion avec le premier ministre de la province, elle a été informée que la SCHL transférerait les fonds à la SHTNL.

Le sénateur Moore : On vous a dit que vous allez recevoir 15 millions de dollars pour le logement inuit, et vous avez ajouté qu'il proviendrait d'Affaires autochtones et du Nord Canada. Comment quelqu'un peut-il s'intercaler et interférer entre le gouvernement du Canada et vous? C'est bien vous qui avez signé l'accord, n'est-ce pas?

Mme Pain : Oui.

Le sénateur Moore : Lorsqu'un ministre de Terre-Neuve-et-Labrador vous dit à plusieurs occasions que cet argent va passer par son gouvernement, n'y a-t-il pas quelqu'un à Ottawa que vous pouvez interpeller en lui disant : « Ce n'est pas ce qui est prévu dans notre accord. » Vous plaignez-vous par écrit à quelqu'un? Comment vous défendez-vous? Vous avez des arguments. Cinquante-cinq logements construits en plus de 60 ans n'a rien d'impressionnant. Vous disposez de toutes les statistiques, vous vous êtes dotés de normes de rendement et vous savez ce que vous pouvez faire. Auprès de qui vous plaignez-vous officiellement pour faire corriger la situation?

Mme Pain : Nous avons écrit bon nombre de lettres. Nous avons rencontré la ministre Bennett quand elle est venue dans la région et avons abordé cette question avec elle. Nous avons écrit à beaucoup de ministres, comme le ministre Duclos et d'autres, pour les sensibiliser à cette question. Nous ne sommes pas les seuls Inuits de la région. Tous les montants consacrés au logement des Inuits dans le budget sont acheminés par l'intermédiaire du gouvernement provincial concerné. Nous collaborons étroitement avec la Société Makivik au Nunavut pour rappeler que c'est nous qui devrions recevoir les fonds. Inuit Tapirisat du Canada, l'organisme national de défense des Inuits, coordonne tous nos efforts en la matière et essaie d'alerter le Cabinet du premier ministre. Nous en avons parlé à toutes les personnes avec qui nous avons pu nous entretenir, à tous les paliers possibles, pour faire modifier la décision ou plutôt pour que quelqu'un décide que chaque région inuite reçoive directement les fonds consacrés au logement.

Le sénateur Moore : Quel genre de réponse avez-vous reçue?

Mme Pain : Concrètement, nous n'avons pas eu de réponse. Nous avons quelques indications que les choses pourraient changer, mais sans aucune certitude. Les réponses ne sont pas les mêmes selon le moment. Nous savons que les gens avec qui nous travaillons à Affaires autochtones et du Nord Canada aimeraient que nous recevions l'argent directement. Lorsque ce montant de 15 millions de dollars a été annoncé dans le budget, les responsables de la mise en œuvre de la décision au ministère pensaient qu'il nous serait versé directement. Les choses ont changé et nous attendons toujours. La première ministre Mitchell rencontre le ministre Duclos jeudi, et elle va en discuter avec lui.

Le sénateur Moore : J'espère que vous allez continuer à demander la stricte application de l'accord que vous avez signé et insister pour que le gouvernement fédéral le respecte. À votre place, je le répéterais jusqu'à ce qu'ils l'acceptent. Je ne leur laisserai pas d'échappatoire. Je vous remercie, madame la présidente.

Le sénateur Patterson : Nous nous sommes penchés sur les conditions d'accession à la propriété dans les régions inuites couvertes par notre étude. En règle générale, depuis des milliers d'années, le peuple inuit s'est débrouillé tout seul pour se loger, malgré des conditions climatiques très dures. Je suis enclin à croire que les Inuits désirent toujours être propriétaires de ces maisons. Vous semblez d'ailleurs avoir, dans votre région, eu plus de succès en la matière qu'ailleurs.

Vous, et d'autres, nous avez expliqué que les coûts d'entretien d'une maison sont dantesques quand sa construction et son efficacité énergétique sont de piètre qualité. Dorénavant, avec cette Initiative relative au développement durable des collectivités, vous allez enfin avoir des maisons bien isolées et bien situées. Quand vous aurez cartographié votre territoire, vous pourrez planifier les constructions comme vous l'entendez et veiller à ce qu'elles se trouvent sur des terrains se prêtant à cet usage.

J'ai été impressionné d'apprendre que, même si cela prend 50 ans, vous avez trouvé le moyen de permettre aux Inuits de votre région d'accéder à la propriété, de devenir indépendants du gouvernement et de léguer vos logements aux générations à venir. Votre stratégie du logement va-t-elle couvrir tous ces points?

Mme Mitchell : Sans aucun doute. C'est même un volet important de notre stratégie. Il y a une dimension sur laquelle nous tenons à insister : nous voulons laisser de côté le sentiment qu'on nous doit quelque chose et adopter plutôt le principe que si nous pouvons nous l'offrir, nous devrions le faire. Quelqu'un a refait allusion un peu plutôt à ce loyer de 100 $ qui, aux yeux du reste du Canada, semble être un paiement hypothécaire très avantageux. Je veux également graver dans vos esprits que la plupart des logements proposés au Nunatsiavut sont des logements sociaux et que nous ne sommes même pas en mesure de répondre à la demande de tels logements. Toute personne ayant un emploi doit prouver qu'elle peut prétendre un tel logement. La plupart des logements de l'Association régionale de logement Torngat et de la Société d'habitation de Terre-Neuve-et-Labrador sont des logements sociaux. Ni vous ni moi ne pourrions obtenir un de ces logements parce que le premier critère que vérifient ces organismes est le montant des revenus.

Le sénateur Patterson : Au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, on nous a expliqué que la SCHL participait aux coûts de fonctionnement et d'entretien des logements sociaux, et peut-être que, dans le cas du Nunatsiavut, ces fonds transitent par la province, et qu'ils diminuent d'année en année. Constatez-vous également une diminution de la participation du Canada aux coûts de fonctionnement et d'entretien des logements sociaux?

M. Anderson : Je ne peux que vous répondre oui puisque nous ne recevons rien. Si la SCHL a un tel programme, nous n'en avons jamais entendu parler. Il peut y avoir d'autres programmes fédéraux, mais, du fait du manque de consultations, nous ne connaissons pas leur existence.

L'un de nos objectifs en nous dotant d'un organisme d'attribution des logements est que la SCHL transfère directement les fonds au gouvernement du Nunatsiavut. Peut-être faudrait-il pour cela mettre sur pied un programme, même s'il vise à offrir une aide ponctuelle aux jeunes, pour les aider à acquitter le versement comptant d'un prêt hypothécaire. Ce serait déjà d'une grande aide. C'est le genre de solution que nous étudions également. Nous n'avons pas actuellement de personnes-ressources à la SCHL. Lorsque nous nous adressons à cette société, on nous répond que les fonds sont transférés à la province, même si ce n'est pas ce qui est stipulé dans l'accord sur nos revendications territoriales. Or, ces fonds ne sont pas consacrés exclusivement aux Inuits. Le montant de 15 millions de dollars annoncé dans le dernier budget fédéral est, lui, consacré exclusivement aux Inuits et c'est la raison pour laquelle nous nous battons actuellement pour obtenir qu'il nous soit versé directement.

Le sénateur Patterson : J'espère que notre comité va contribuer à exercer des pressions en ce sens. Nous avons été fort bien sensibilisés à ce problème, en particulier à Makkovik, au Nunavik.

Avec votre permission, madame la présidente, j'aurais une dernière question à poser rapidement.

La présidente : Faites vite alors, parce que nous avons déjà pris un peu de retard.

Le sénateur Patterson : Très rapidement : nous allons rédiger notre rapport cet été et faire rapport au Parlement à l'automne. Votre stratégie du logement a-t-elle des chances d'être prête d'ici là, d'ici cet été? Est-ce réaliste? Je crois que nous pourrions avoir avantage à tenir compte de ce que vous faites au moment de formuler nos recommandations. Je ne veux pas vous bousculer, mais quand pensez-vous que votre stratégie sera prête? Seriez-vous assez aimables d'informer notre greffier de l'état d'avancement de vos travaux?

Mme Pain : Je ne suis pas sûre qu'elle sera prête au début de l'automne. M. Anderson a rappelé que nous devons produire un rapport d'examen sur les modalités d'attribution des logements. Nous ne l'avons pas encore. Il fera partie intégrante de cette stratégie et nous ne pensons pas l'avoir avant la fin juin, si je ne me trompe.

L'autre chose est que nous travaillons avec Inuit Tapirisat du Canada pour organiser ensemble un sommet national sur le logement des Inuits. Pour nous, l'un des objectifs de ce sommet serait de prendre connaissance des pratiques exemplaires en vigueur partout dans le Nord, dans toutes les régions, et de permettre à chacun de profiter de l'expérience des autres. Nous espérions pouvoir organiser ce sommet tôt ce printemps, mais Inuit Tapirisat du Canada et Affaires autochtones et du Nord Canada n'ont signé le protocole d'entente sur ce sommet que le mois dernier je crois, et les fonds ne sont pas encore disponibles. Cela nous a retardés un peu. Ce sommet permettra lui aussi d'éclairer nos discussions sur la suite de notre démarche, même s'il se peut que nous disposions déjà d'un document préliminaire à cette époque. Ce n'est pas une certitude, mais, en y réfléchissant, il me paraît plus probable que notre stratégie soit terminée à la fin de l'automne ou au début de l'hiver.

Le sénateur Patterson : Je suis sûr que, dans la suite de nos travaux, nous apprécierions que vous nous informiez le plus tôt possible de l'état d'avancement des vôtres et je vous fais confiance pour informer notre personnel de vos progrès. C'est tout ce que j'avais à dire. Je vous remercie.

La présidente : Merci. Malheureusement, nous devons participer à d'autres activités et je vais devoir mettre fin à la seconde série de questions.

Je tiens tout d'abord à remercier chaleureusement nos témoins du gouvernement du Nunatsiavut soit Mme Johannes Lampe, sa présidente, Mme Kate Mitchell, sa première ministre, M. Toby Anderson, sous-ministre et Mme Isabella Pain des Affaires du Nunatsiavut et enfin de l'Association régionale de logement Torngat, M. William Lucy, coordonnateur de programme et M. Richard Boase, inspecteur.

(La réunion se poursuit à huis clos.)

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