Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule no 11 - Témoignages du 19 octobre 2016
OTTAWA, le mercredi 19 octobre 2016
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 19 h 3, pour étudier la réponse du gouvernement au douzième rapport du comité, intitulé Le logement et l'infrastructure dans les réserves : Recommandations de changements, déposé et adopté au Sénat le 23 juin 2015, durant la deuxième session de la quarante et unième législature.
La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonsoir. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones dans cette salle ou sur le web.
Je tiens à souligner que, dans un esprit de réconciliation, nous nous réunissons sur les terres traditionnelles des peuples algonquins.
Je m'appelle Lillian Dyck et je suis originaire de la Saskatchewan. J'ai l'honneur et le privilège de présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
J'inviterais maintenant mes collègues sénateurs à se présenter.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.
La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.
Le sénateur Sinclair : Murray Sinclair, du Manitoba.
Le sénateur Moore : Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.
La présidente : Merci, mesdames et messieurs.
Notre comité a pour mandat d'examiner la loi et les enjeux qui concernent les peuples autochtones du Canada en général. Nous sommes très heureux d'accueillir ici ce soir la ministre Carolyn Bennett et ses collègues du ministère pour discuter de la réponse du gouvernement à notre étude sur le logement autochtone.
Nous accueillerons d'abord la ministre, l'honorable Carolyn Bennett, C.P., députée, ministre des Affaires autochtones et du Nord. Bonjour, madame la ministre. Je crois que c'est la première fois que vous comparaissez officiellement devant notre comité.
En plus de la ministre, nous avons des témoins d'Affaires autochtones et du Nord Canada. Nous avons Diane Lafleur, sous-ministre déléguée, Paul Thoppil, dirigeant principal des finances, Secteur du dirigeant principal des finances, Lynda Clairmont, sous-ministre adjointe principale, Secteur des opérations régionales, Sheilagh Murphy, sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, et David Smith, directeur général intérimaire, Direction générale des infrastructures communautaires, Secteur des opérations régionales.
Merci à toutes et à tous d'être ici ce soir. Madame la ministre, la parole est à vous. Nous aurons des questions à vous poser après votre déclaration préliminaire.
Carolyn Bennett, C.P., députée, ministre des Affaires autochtones et du Nord : Merci beaucoup, madame la présidente et mesdames et messieurs les sénateurs. Merci, meegwetch, de m'avoir invitée ce soir. Je suis impatiente de travailler avec votre comité, et je remercie les membres du comité qui nous ont accompagnés et se sont faits les témoins de la signature de l'entente de principe avec les Algonquins de l'Ontario, alors que nous nous trouvons en territoire algonquin. Je tenais à vous en remercier.
Je suis accompagnée des agents que vous avez nommés, mais je tiens particulièrement à vous présenter notre nouvelle sous-ministre déléguée, Diane Lafleur, qui nous arrive du ministère des Finances, ce qui, je crois, vous trouverez très à propos. Elle recevait les propositions de notre ministère, elle est donc bien placée pour nous aider à les préparer afin qu'elles soient accueillies favorablement.
[Français]
Je tiens à vous remercier pour votre rapport très complet ainsi que pour vos recommandations éclairées.
[Traduction]
Je suis ici pour vous assurer que votre travail nous sera très précieux, à moi comme à mon ministère, pour combler les lacunes importantes en matière de logement et d'infrastructure dans les réserves. J'ai eu beaucoup de plaisir à déjeuner et à discuter de façon informelle avec vous sur le sujet, cela m'a permis d'apprendre énormément. Je suis aussi heureuse d'être ici en personne, ce soir, afin de discuter de votre rapport et de vos recommandations et d'approfondir la position du rapport écrit du gouvernement.
Comme vous le savez, ce rapport a été déposé peu de temps après le budget de 2016. Mais comme nous n'avions pas terminé les procédures exhaustives du Conseil du Trésor, nous avons donc été en mesure de déplacer des sommes importantes du volet infrastructure du budget de 2016. Ce soir, je vous informerai des progrès accomplis concernant certaines de vos recommandations, ainsi que des engagements à l'égard de certaines autres.
Le comité a été très clair : faire des progrès importants pour réduire l'écart inacceptable en matière d'infrastructure dans les réserves nécessitera l'augmentation du facteur d'indexation de 2 p. 100. Nous avons milité pour la hausse du facteur d'indexation de 2 p. 100, et je peux vous assurer ce soir que nous avons réussi. D'ici quatre ans, le financement total pour les programmes autochtones sera de 22 p. 100 supérieur au financement qui aurait été versé avec le facteur d'indexation précédent de 2 p. 100.
Le budget de 2016 a également pris en compte le besoin de croissance et les facteurs inducteurs de coût dans des secteurs critiques comme l'éducation et les services à l'enfance et à la famille, bien au-delà des 2 p. 100. Cela aidera à mettre fin à la pratique inacceptable soulignée dans votre rapport, c'est-à-dire la réallocation de centaines de millions de dollars destinés à l'infrastructure, des fonds déjà insuffisants, pour financer ces priorités. Je pense que la plupart d'entre vous savent que c'était déjà une chose qui me dérangeait énormément lorsque j'étais dans l'opposition.
Nous avons également signé un protocole d'entente avec l'Assemblée des Premières Nations en vue de travailler en partenariat à la mise en place d'une nouvelle relation financière qui assurerait un financement suffisant, prévisible et stable aux communautés autochtones.
Vous avez souligné la nécessité d'adopter des normes et de codes du bâtiment et de renforcer les capacités internes des organismes et des Premières Nations en matière d'administration du logement et de l'infrastructure. Mon ministère collabore, dans le cadre de la Stratégie nationale relative à l'habitation, avec l'Assemblée des Premières Nations, des spécialistes en infrastructure des Premières Nations et d'autres partenaires clés afin de proposer des recommandations qui réformeront de façon majeure le logement dans les réserves. Cela comprend l'exploration de la transférabilité des codes du bâtiment et de leur application dans les réserves, l'évaluation des besoins de renforcement des capacités des communautés autochtones et l'amélioration du programme de financement du soutien des bandes pour le logement.
Comme vous le savez, du 1er au 3 novembre, l'APN tient un Forum national sur le logement et les infrastructures. Je crois d'ailleurs qu'ils se sont adressés à vous, madame la présidente, pour inviter votre comité à y participer en raison de votre excellent travail. Je serai à Winnipeg, et j'espère que vous serez aussi en mesure de participer à ces approches novatrices en matière de logement et d'infrastructure.
Concernant vos recommandations sur le financement nécessaire pour soutenir les plans communautaires globaux, et ce, pour plus de cinq ans, je peux vous dire que nous soutenons le développement de 90 à 100 plans communautaires globaux en 2016-2017, et que ce nombre devrait augmenter en 2017-2018.
Un groupe de travail national de développement communautaire et de planification communautaire globale, composé de représentants de Premières Nations, d'organismes autochtones et de notre ministère, élabore actuellement une stratégie nationale de développement communautaire, qui comprendra la planification communautaire globale.
[Français]
Vous avez attiré notre attention sur les coûts et les défis propres à la construction dans les collectivités éloignées et le besoin de tenir compte de ces réalités avec précision dans l'indice de l'isolement et nous sommes tout à fait d'accord.
[Traduction]
AANC, en consultation avec Statistiques Canada, est à revoir ses méthodes afin de mesurer plus adéquatement l'éloignement des collectivités et de veiller à ce que les approches reflètent les conditions de vie qu'on y retrouve.
Le ministère, en partenariat avec l'Assemblée des Premières Nations et avec le soutien de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, favorise actuellement la participation de communautés autochtones et d'autres partenaires à une approche efficace et à long terme pour le Programme de logement dans les réserves, dans le cadre de la stratégie nationale relative à l'habitation que le ministre Duclos est en train d'élaborer pour l'ensemble du pays.
Cet engagement vise les enjeux propres aux collectivités éloignées. Nous appuierons des approches communautaires novatrices. Des résidences autonomes aux mini-maisons, en passant par l'utilisation de matériaux neufs et améliorés, nous cherchons comment répondre aux besoins particuliers des collectivités nordiques et éloignées.
Votre rapport demande au gouvernement d'explorer des moyens de faciliter l'accès des Premières Nations à l'argent des Indiens. Je suis heureuse de vous annoncer que le 22 septembre dernier, le Conseil national de développement économique des Autochtones, en partenariat avec AANC et des organismes autochtones, ont convoqué une table ronde pour explorer les moyens de faciliter l'accès des Premières Nations à l'argent des Indiens. Nous tenons d'ailleurs à remercier la présidente et les sénateurs d'y avoir participé. Nous croyons que le rapport et les recommandations découlant de cette démarche devraient être prêts bientôt.
Je voudrais également souligner votre travail concernant les nouvelles possibilités de financement de l'infrastructure et du logement communautaires. Nous sommes conscients que l'augmentation du financement provenant de mon ministère ne suffira pas à combler à elle seule les énormes besoins en infrastructure, et que nous avons besoin de solutions créatives et d'une approche pangouvernementale pour relever ces défis.
Vous recommandez que le gouvernement améliore l'efficacité du programme de garanties d'emprunt ministérielles, élargisse l'accès au programme aux bandes autochtones, augmente la limite d'autorisation et crée un programme similaire pour l'infrastructure autre que le logement.
En ce qui concerne le programme de garanties d'emprunt ministérielles, il est actuellement accessible aux conseils de bande, aux conseils tribaux, aux organismes de logement autorisés des bandes et aux sociétés de logement des bandes. Nous révisons actuellement le programme et évaluons les pratiques exemplaires de l'industrie afin d'alimenter les changements que nous y apporterons.
Nous explorons également la possibilité d'étendre le programme de garanties d'emprunt ministérielles pour y inclure les infrastructures autres que le logement sur les réserves, comme vous l'avez suggéré.
Le ministre Sohi travaille actuellement à créer une banque canadienne pour les infrastructures afin d'offrir du financement à faibles coûts, y compris des garanties d'emprunt, pour les nouveaux programmes d'infrastructure municipale dans nos secteurs d'investissement prioritaires. Mon ministère travaille avec Infrastructure Canada concernant l'accès des bandes autochtones à du capital par l'entremise de cette banque.
Nous continuons également à collaborer avec nos partenaires, comme le Conseil de gestion financière des Premières Nations et l'Autorité financière des Premières Nations afin d'améliorer l'accès au capital.
[Français]
Dans votre rapport, vous formulez de nombreuses autres recommandations que je ne pourrai malheureusement pas aborder aujourd'hui, faute de temps.
[Traduction]
Je me ferai un plaisir d'approfondir le sujet et de répondre à vos questions. Merci. Meegwetch.
La présidente : Merci, madame la ministre. Nous avons une liste de sénateurs qui souhaitent vous poser des questions. Nous commencerons avec le vice-président, le sénateur Patterson.
Le sénateur Patterson : J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue à la ministre et à ses collègues.
Je sais que vous avez un emploi très exigeant et de nombreux dossiers à traiter. J'espère que notre comité pourra vous aider à relever ces défis, qui nous préoccupent tous énormément. C'est dans cet esprit que je tiens à vous souhaiter la bienvenue ce soir et à vous dire que je crois que mes collègues du comité conviendront qu'il est plutôt rare qu'un ministre revienne devant un comité pour discuter de son rapport et de ses recommandations. Nous étions déjà chanceux d'avoir reçu une réponse écrite aussi rapide de votre ministère. Pour ma part, je suis très heureux de constater que nous pouvons échanger ici, et je suis sûr que nos échanges seront constructifs et respectueux.
Si vous me le permettez, madame la présidente, j'aimerais poser une question concernant le facteur d'indexation de 2 p. 100, que le gouvernement s'était engagé à augmenter et qu'il a effectivement augmenté, une augmentation qui tardait depuis trop longtemps. Je pense que nous pouvons convenir que ce facteur d'indexation a été imposé par plusieurs gouvernements de différentes allégeances. Or c'est un enjeu qui dépasse toute partisanerie. C'est extraordinaire qu'on l'ait enfin augmenté.
Nous avons entendu un témoignage convaincant d'un ancien sous-ministre de votre ministère, Scott Serson, qui nous a expliqué comment ce facteur a été introduit en 1997 et 1998, avec l'aval des leaders autochtones, à une époque où le Canada connaissait des déficits, en partant du principe que cela serait temporaire. Le même facteur d'indexation, et même des coupes, ont alors été imposés aux provinces. Or, les facteurs d'indexation des provinces ont été augmentés, et des taux de croissance importants ont été convenus entre les provinces et le gouvernement de l'époque pour combler le manque à gagner laissé par les coupes. Je crois que le programme d'harmonisation des provinces a entraîné des augmentations immédiates de près de 9 p. 100 sur deux ans, et des taux de croissance d'environ 3,5 p. 100 pendant les 10 années suivantes. Or nous sommes ici devant un manque à gagner beaucoup plus important que celui des provinces après la courte période de vache maigre à la fin des années 1990.
Ma question est la suivante : avez-vous réfléchi à la possibilité de régler la situation, particulièrement en instaurant une échelle d'indexation juste et équitable à partir de maintenant? Vous avez mentionné le protocole d'entente avec l'Assemblée des Premières Nations. J'aimerais en savoir plus sur le sujet, et savoir si vous allez y aborder l'importante question de l'échelle d'indexation.
Mme Bennett : Merci beaucoup, monsieur le sénateur. Merci pour votre compréhension. J'espère également qu'il s'agit d'un dialogue ouvert. Sachez que nous reviendrons aussi souvent que vous le voudrez pour discuter de ces enjeux. Nous pouvons d'ailleurs nous tenir mutuellement au courant de l'avancement de nos travaux. Il semble qu'un projet de loi soit sur le point d'être déposé, mais j'espère que nous aurons l'occasion de travailler ensemble à vos prochaines études, car vous faites toujours de l'excellent travail.
Je pense qu'il est important que les gens comprennent que ce facteur ou échelle d'indexation, une échelle prévisible, a effectivement été mis en place au moment où le budget de tous les autres ministères était gelé. C'était une façon de reconnaître l'augmentation constante de la population, les besoins croissants et le fait que ce ministère avait besoin d'un facteur d'indexation alors qu'on demandait à tous les autres ministères de geler complètement leur budget. Comme vous le savez, nous avons essayé, lors de l'Accord de Kelowna, d'injecter de l'argent qui aurait été utile et qui aurait permis de dépasser le facteur d'indexation.
Mais il ne fait aucun doute qu'après tout ce temps... Nous avons pris du retard et nous croyons que le budget de 2016 constitue un investissement majeur. Comme vous l'avez dit, c'est sans précédent. Sur les 8,4 milliards de dollars, 4,6 milliards sur cinq ans iront à l'infrastructure dans les réserves, ce qui fait 416,6 millions de dollars sur deux ans pour notre ministère et 137,7 millions pour la SCHL.
L'engagement concernant le logement n'est que pour deux ans parce que nous savons que nous devons faire des réformes majeures. C'est le travail que nous entreprendrons lors du forum. Nous essaierons d'explorer différents types de logement, différentes formes de financement et différents types de construction, et une bonne partie de ces réflexions s'inspireront de vos recommandations sur la planification communautaire. Comment s'assurer de la faisabilité de ce projet en ce qui concerne les routes et les prises d'eau d'incendie? Comment construire une communauté qui soit cohérente?
Nous savons que nous avons encore beaucoup à faire, mais je crois que les communautés veulent vraiment travailler avec nous et que nous y parviendrons. Et l'échelle d'indexation qui sera adoptée, monsieur le sénateur, sera claire en ce qui concerne les budgets supplémentaires pour les dépenses, non seulement pour le logement, mais également pour les autres programmes qui auront droit à une indexation supérieure à 2 p. 100.
J'ai pu participer à la première rencontre à l'APN sur les nouveaux accords fiscaux et la nouvelle relation financière après la signature du protocole d'entente en juillet. La discussion est complètement ouverte. On nous a dit très clairement que les gens voulaient du financement prévisible, suffisant et adéquat. Ne pas savoir ce qui les attend, le financement établi d'une année à l'autre, ne fonctionne pas. Ces nouveaux accords fiscaux sont similaires à ce que nous avons avec des nations autonomes. Ils savent ce qu'ils obtiendront et seront en mesure d'établir leurs priorités et d'utiliser cet argent de la meilleure façon possible.
Voilà le genre de conversation que nous aurons. Je pense, sénateur, que c'est la première expérience de collaboration de nation à nation en vue d'élaborer une nouvelle politique. Nous ne savons pas encore quelle forme elle prendra, mais nous l'aurons conçue ensemble.
La présidente : Pouvons-nous passer à la deuxième ronde? Je crois que la ministre doit partir à 19 h 45, n'est-ce pas?
Mme Bennett : Je resterai toute l'heure.
Le sénateur Enverga : Merci, madame la ministre, d'être parmi nous aujourd'hui. J'ai lu votre présentation. C'est excellent et bien détaillé. Ma question concerne le Régime de gestion des terres des Premières Nations.
Lorsque le rapport du comité a été publié, en juin 2015, 94 Premières Nations s'étaient inscrites au Régime de gestion des terres des Premières Nations. Trente-six d'entre elles avaient des codes fonciers en vigueur et 58 autres étaient en voie d'en obtenir. En janvier 2016, 95 Premières Nations étaient inscrites au Régime de gestion des terres des Premières Nations. Dans son rapport de 2015, le comité recommandait que le retard de traitement des demandes d'inscription au Régime de gestion des terres des Premières Nations soit rattrapé et que le ministère explore des possibilités de financement pour permettre aux anciennes Premières Nations de participer au régime. Actuellement, combien de Premières Nations ont des codes fonciers en vigueur en vertu du Régime de gestion des terres des Premières Nations?
Mme Bennett : Actuellement, 57 ont leurs propres codes fonciers et 45 sont en voie de les obtenir. Je suis heureuse de vous annoncer qu'il n'y a plus de liste d'attente. Nous sommes sur le point d'en convaincre de nouvelles, car je crois que les Premières Nations découvrent à quel point il est important qu'elles écrivent leurs propres codes fonciers et qu'elles aient les moyens de régler les problèmes qui, autrement, en vertu de la Loi sur les Indiens, seraient résolus par le ministère au lieu de l'être par les Premières Nations elles-mêmes.
Je pense que c'est une bonne nouvelle. Comme vous le savez, j'ai fait partie du comité parlementaire qui a étudié la gestion des terres, et je pense qu'il était très clair, d'un océan à l'autre, que les communautés qui prenaient leurs propres décisions sur le sujet s'en tiraient très bien, et qu'il s'agit pratiquement de la première étape pour s'affranchir du système prévu dans la Loi sur les Indiens. Plus il y aura de communautés prêtes à faire ce premier pas, plus nous pourrons atteindre notre réel objectif, à savoir l'autonomie gouvernementale et l'autodétermination. Prendre ses propres décisions concernant l'utilisation de ses terres est une étape extrêmement importante.
Le sénateur Enverga : Êtes-vous en train de dire, madame la ministre, qu'il n'y a plus d'arriéré?
Mme Bennett : Oui.
Le sénateur Enverga : C'est fantastique. C'est merveilleux.
Mme Bennett : Ils sont formidables. Ils travaillent bien.
Le sénateur Enverga : Avez-vous accordé une aide financière à cet égard? Éprouve-t-on des difficultés financières en ce moment?
Mme Bennett : Comme vous le savez, le ministère est toujours heureux d'aider les gens qui ont de la difficulté avec cette démarche. Nous avons donc un programme d'aide à la formation et au perfectionnement, mais nous sommes aussi toujours prêts à fournir de l'expertise ou du financement en cas de difficulté.
Le sénateur Enverga : Vous avez dit que tout le monde coopérait, mais est-ce que certaines Premières Nations refusent d'y participer?
Mme Bennett : Oui. Si vous avez des idées pour les y encourager, je vous invite à nous les communiquer. Je pense que c'est une partie de nos difficultés actuelles. Comme le dit toujours la ministre de la Justice, lorsque les communautés sont prêtes, désireuses et capables de s'affranchir de la Loi sur les Indiens, nous devons les accompagner dans leurs démarches et leur offrir notre assistance le plus rapidement possible.
Mais cela m'inquiète. Il y a trop de Premières Nations qui, je crois, en seraient parfaitement capables, mais qui ne sont pas désireuses de le faire en raison, encore une fois, de leurs inquiétudes concernant la relation financière avec la Couronne, de ce genre de choses. Mais nous devons être fiers de cette première étape majeure et encourager les communautés qui sont en mesure de réussir à faire le premier pas. Je dirais aux communautés : l'essayer, c'est l'adopter!
Je les inviterais aussi à se rendre dans les communautés qui ont franchi le pas avec succès. Je pense qu'on observe de plus en plus de partenariats entre les Premières Nations qui réussissent et celles qui éprouvent des difficultés, du mentorat et de l'encadrement, et je trouve qu'il s'agit d'une retombée très positive de cette démarche.
Le sénateur Enverga : Quel pourcentage de Premières Nations y participent et combien attendent toujours avant de se lancer dans la gestion de leurs terres?
Mme Bennett : Seulement 136 y participent, il en restera 500 autres. Nous avons du pain sur la planche. C'est pourquoi nous voulons mettre en place toutes les mesures incitatives nécessaires pour démontrer l'importance de cette démarche.
Je me souviens que Robert Louie, lorsqu'il était chef de la Première Nation Westbank, disait constamment être en mesure de faire avancer les choses rondement, or il a fallu 10 ans pour obtenir une Banque Royale dans sa communauté à cause du ballet incessant inhérent à la Loi sur les Indiens pour obtenir les autorisations et ce genre de choses. Je pense que lui, et bien d'autres, ont été de grands promoteurs de l'importance de cette démarche, mais nous devons avancer plus rapidement.
Le sénateur Tannas : Merci, madame la ministre, de votre présence parmi nous. Nous avons passé un certain temps à étudier l'élargissement des garanties d'emprunt ministérielles que nous avons suggéré, et nous avons vraiment essayé de formuler notre recommandation en nous inspirant de la pratique courante en Grande-Bretagne, où les municipalités, qui sont en grande partie responsables de l'infrastructure et du logement, bénéficient de l'appui du gouvernement en ce qui concerne le coût du financement.
Nous voulons aller un peu plus loin, par contre, et souligner que c'est important. Ce qui ressort des témoignages que nous avons entendus, c'est que, de façon générale, la garantie d'emprunt ministérielle est utilisée par des personnes qui ont les moyens nécessaires pour se faire construire une maison, et que les administrations des bandes deviennent en quelque sorte des contreparties qui facilitent la transaction.
Je ne crois pas que nous ayons été pleinement conscients, et peut-être que vous pourrez me confirmer si vous avez la même lecture, que le programme de garanties d'emprunt ministérielles ait pu être utilisé pour du logement social, de plus grands projets, des lotissements, et cetera. Si c'est le cas, j'aimerais savoir si le ministère pourrait nous fournir de l'information sur le sujet, car cela ne nous a pas été signifié clairement par ceux qui se prévalent du programme. C'est le premier point.
Mon deuxième point est l'idée d'utiliser le programme de garanties d'emprunt ministérielles les premières années, quand les revenus autonomes sont insuffisants, en se disant qu'ils le seront plus tard. Nous savons qu'il y a plusieurs changements à l'horizon, quant à la provenance des fonds qui iront aux gouvernements des Premières Nations, et qu'il y en aura probablement bien d'autres.
L'idée d'un financement sans effet sur le bilan pour les deux parties, essentiellement par le recours à ce mécanisme, pourrait être utile lorsque, par exemple, une bande n'a que 10 ou 20 p. 100 de l'argent nécessaire pour faire ses versements au départ, mais que nous savons qu'avec le temps, elle aura toute la somme ou plus. Il faut donc une garantie de prêt, ce qui est peu coûteux pour toutes les parties, et une sorte de financement temporaire des versements jusqu'à ce que leurs revenus autonomes augmentent suffisamment pour les payer.
C'était très clair qu'il faudrait dépenser des milliards de dollars immédiatement, seulement pour rattraper le retard. Nous avons entendu des témoignages voulant qu'il faudrait y consacrer 5 milliards de dollars uniquement pour se mettre à jour, sans même s'attaquer aux problèmes de logements endommagés et inhabitables, ou quasi inhabitables, du parc immobilier actuel.
C'est un problème. Nous sommes tous conscients qu'aucun gouvernement ne peut rédiger un chèque de ce genre, mais il y a un moyen de financer cela comme bien des gens font avec leurs enfants de nos jours, en faisant les premiers versements dans l'espoir qu'un jour ils gagneront assez d'argent pour tout payer eux-mêmes. Je m'excuse à tous ceux qui ont probablement été offensés par cette analogie parent-enfant, mais le fait est que nous espérons tous que leurs revenus vont augmenter.
Je sais que vous avez dit que nous en étions là. Que cela fonctionne merveilleusement bien, si je lis le texte. Je ne suis pas d'accord. Je pense qu'on pourrait en faire plus. Je sais que vous êtes minutieuse et que vous connaissez bien vos dossiers, j'aimerais donc vous poser la question et tout faire pour obtenir des réponses qui dépassent le simple : « Oui, tout est super. On n'a absolument rien à changer. »
Mme Bennett : Nous sommes parfaitement d'accord avec la recommandation du comité voulant qu'il faille augmenter l'efficacité, mais, comme vous l'avez dit, qu'il s'agisse de programme ou de droits, si les gens ne savent pas qu'ils existent, cela ne fonctionne pas. Nous devons mieux faire connaître ce qui existe non seulement aux conseils de bande, mais aussi aux bureaux et aux sociétés de logement des bandes.
Il semble que nous ayons déjà garanti près de 1,74 milliard de dollars, pour des résidences privées et du logement social, mais je pense qu'il est possible, alors que de plus en plus de communautés demandent des résidences pour aînés pour qu'ils puissent vivre ensemble et libérer des logements pour les autres citoyens, de nous assurer que cet outil est bien compris et utilisé.
Comme vous le savez, il existe plusieurs approches novatrices et intéressantes pour aider les membres des Premières Nations à obtenir un dossier de crédit pour qu'ils puissent emprunter. Je pense que cela constituait un problème dans bien des communautés.
De plus, comme vous le savez, nous avons ajouté des sommes dans le budget pour l'Autorité financière des Premières Nations, qui fait de l'excellent travail et qui connaît un taux de réussite extraordinaire. Absolument.
Bon, je crois que votre conseil était de voir si cela devait être limité au logement ou s'ils pourraient utiliser la garantie de prêt pour d'autres types d'infrastructure. C'est effectivement un dossier sur lequel nous travaillons avec Infrastructure Canada afin d'étudier toutes les choses qui pourraient être faites de façon plus créative et avec plus de souplesse.
Le sénateur Tannas : Et si je peux me permettre de prendre 15 secondes de plus, j'aimerais dire que le conseil est aussi intéressé par les garanties de prêt pour le développement économique, ce qui paverait la voie à l'augmentation des revenus autonomes, c'est donc un élément crucial. Je suis donc heureux que ce soit dans votre mire. Merci, madame la ministre.
La présidente : J'aimerais souhaiter la bienvenue au sénateur Sinclair. C'est un nouveau membre de notre comité, et je crois que c'est la première fois que nous avons une réunion officielle depuis votre arrivée. Bienvenue.
Le sénateur Sinclair : Merci, madame la présidente.
J'avais 22 questions, madame la ministre, mais le sénateur Tannas a pris tout le temps. Je vais donc me limiter à deux sujets.
Mme Bennett : Vous m'avez déjà fait 94 recommandations avec lesquelles je dois composer.
Le sénateur Sinclair : Je sais que vous êtes occupée à concrétiser chacune d'elles; il ne devrait donc plus rester trop de lacunes à combler aujourd'hui.
En ce qui concerne le financement additionnel versé, qui provient du plus récent budget, je me demandais si vous pouviez nous dire quelle partie de cette somme sert aux dépenses ministérielles et quelle partie est versée aux communautés autochtones sur le terrain.
Mme Bennett : Je pense que j'aurai de bonnes nouvelles, mais comme je veux vous fournir des chiffres exacts, nous allons demander à notre spécialiste en finances. Pendant qu'il prépare cela pour vous, je suis heureuse de vous dire que 80 p. 100 de ces sommes ont déjà été attribuées, ce qui est sans précédent, car les gens vont savoir ce qu'ils obtiendront dans leurs accords. Comme nous avions beaucoup d'arriérés, nous avions déjà en main des propositions exceptionnelles, et je pense que c'est pour cette raison que nous avons obtenu ces sommes, parce que le ministère avait une excellente feuille de route en ce qui concerne la distribution de fonds et qu'on avait d'excellentes propositions concrètes pour lesquelles on demandait des fonds.
Combien a déjà été distribué et combien avons-nous besoin pour faire fonctionner le ministère, Paul?
Paul Thoppil, dirigeant principal des finances, Secteur du dirigeant principal des finances, Affaires autochtones et du Nord Canada : Merci, madame la ministre. La majorité de cet argent est consacré au crédit 10 sous évaluation, c'est-à- dire les subventions et contributions. Très peu est consacré au ministère lui-même, ce qui est le crédit 1.
Concernant les sommes distribuées, près de 80 p. 100 des fonds prévus dans le budget de 2016 pour les accords de financement et les accords en espèces signés sont déjà engagés, et cela, juste pour le crédit 10, donc il s'agit d'argent qui va aux bénéficiaires.
Le sénateur Sinclair : Donc, si je comprends bien, les coûts ministériels représentent seulement 20 p. 100 de cette somme.
M. Thoppil : Non, cela signifie que 20 p. 100 des fonds du budget de 2016 n'ont pas encore été affectés.
Le sénateur Sinclair : Ma question concernait le premier point, et quelle partie de cet argent est destinée aux coûts ministériels et quelle partie va aux communautés.
M. Thoppil : Concernant le volet infrastructure du budget de 2016, je dirais que 750 millions de dollars sont distribués. En ce qui concerne les frais d'administration, cela devrait tourner autour de 40 millions ou moins.
Le sénateur Sinclair : En termes de pourcentage, cela donnerait quoi, environ 90 p. 100? Est-ce que c'est cela?
M. Thoppil : C'est moins que cela, monsieur le sénateur.
La présidente : Pourriez-vous répéter votre réponse?
M. Thoppil : En ce qui concerne l'exploitation, ou le crédit 1, cela représente entre 30 et 40 millions de dollars, ce qui veut dire environ 5 p. 100 au mieux.
Le sénateur Sinclair : Donc 5 p. 100 de cette somme va aux coûts ministériels, le reste aux coûts des Premières Nations.
M. Thoppil : Sur le montant total destiné aux infrastructures, oui, c'est environ 5 p. 100.
Le sénateur Sinclair : Merci. Avez-vous une idée de comment cela se compare aux autres dépenses ministérielles? Quel pourcentage des dépenses ministérielles dans d'autres secteurs et d'autres ministères est consacré aux frais d'administration par rapport aux sommes distribuées, pour ainsi dire?
M. Thoppil : En ce qui concerne l'administration des subventions et contributions, nous nous comparons très favorablement aux autres ministères. Il y a atteint un certain seuil, grâce au fait que nous faisons déjà des économies d'échelle. Nous avons déjà un réseau de bureaux régionaux, donc le coût marginal pour permettre de dégager des sommes supplémentaires pour les bénéficiaires est très avantageux par rapport aux autres ministères.
Le sénateur Sinclair : Si tout cela est vrai, vous devriez publiciser cette information davantage.
M. Thoppil : Le directeur parlementaire du budget a publié un rapport disant qu'en ce qui concerne l'infrastructure...
Le sénateur Sinclair : Tout le monde a lu ce rapport, j'en suis sûr. C'est toute une lecture.
Le deuxième sujet que je voulais aborder est en lien avec les normes de construction. On a beaucoup écrit sur les problèmes de logement dans les communautés autochtones, en soulignant que le type de logement qu'on y construit ne convient pas à la géographie, à la météo et à l'environnement. Je me demandais si vous pouviez nous dire, madame la ministre, si des normes plus appropriées, particulièrement dans les localités plus éloignées et nordiques, ont été élaborées ou seront élaborées pour s'assurer que les habitations qu'on y construit durent plus longtemps.
Mme Bennett : Je pense que j'ai vu, lors de mes déplacements, des cas épouvantables. Comme des maisons avec un facteur R35 dans les localités nordiques ou des maisons achetées en Floride, puis envoyées au Labrador. Cela ne fonctionne pas. Je pourrais citer Mike Holmes, mais cela m'obligerait à dire des gros mots. Je pense que nous devons arrêter de bâtir de la « merde », je crois que c'est ce qu'il a dit, peut-être dans d'autres mots.
Je pense que c'est ce qui est le plus excitant en ce moment. Nous commençons à rencontrer des architectes, y compris des architectes autochtones, et tout le monde veut nous aider à régler ce problème. Comme utiliser de nouveaux matériaux, je crois que cela s'appelle de l'oxyde de magnésium, c'est bien cela, le nouveau matériau anti-moisissure? C'est excitant de voir que les gens veulent nous aider à faire les choses différemment, par exemple des maisons qu'on peut assembler comme des Legos et qui peuvent être agrandies pour les plus grandes familles.
Nous voulons en apprendre plus sur le sujet, mais également travailler avec les Premières Nations et les comités consultatifs techniques, particulièrement en Alberta et en Ontario, et peut-être voir d'autres régions du pays explorer les codes du bâtiment appropriés et les façons de les faire appliquer.
Cela brise le cœur d'entendre des pompiers autochtones expliquer qu'ils se retrouvent devant des maisons qui brûlent comme des poudrières. Je pense que c'est un secteur que nous aimerions vraiment attaquer. Je pense que c'est le genre de choses dont on discutera lors du forum sur le logement de Winnipeg, au début du mois de novembre. Nous devons faire mieux.
Je suis convaincue que nous allons avoir la grande chance d'essayer de nouvelles choses et d'établir le bon code. Ensuite, nous pourrons nous assurer que tout est construit en respectant le code.
Le sénateur Sinclair : Merci, madame la ministre.
La présidente : J'aimerais ajouter un mot à ce sujet, sur le logement dans les localités nordiques et éloignées.
Je sais qu'en Saskatchewan et au Manitoba, il y a eu plusieurs incendies dans des localités autochtones et que, malheureusement, des enfants ont perdu la vie. C'était en partie attribuable à une mauvaise construction, mais aussi au manque de pompiers et d'équipement.
Quelles initiatives avez-vous pour atténuer ce problème? Je sais que, dans certaines situations, il y a une municipalité près des localités autochtones, mais qu'elles ne coopèrent pas. Avez-vous des initiatives pour combler ce manque de services?
Mme Bennett : Je pense qu'il y a eu des initiatives majeures en prévention et en sécurité-incendie, notamment l'installation de détecteurs de fumée et de monoxyde de carbone dans toutes les maisons. Il y a des choses que les pompiers aimeraient pour aider et prévenir ce genre de choses.
Comme vous le dites, il y a d'autres problèmes d'infrastructure en lien avec cette situation, pas seulement le manque d'équipement ou la capacité d'avoir de l'équipement fonctionnel dans une localité particulière, comme tirer de l'eau d'un lac ou avoir un camion-incendie plein d'eau.
Les décès terribles de Pikangikum étaient attribuables au mauvais état de la route. La route était dans un si mauvais état que le camion-incendie n'a pas pu se rendre à temps. Quand il a réussi à arriver, il était trop tard. La maison était brûlée et personne n'a pu être sauvé. Le cimetière avec les petites sépultures des enfants et sept morts au total est une chose qu'on ne peut oublier. Nous devons faire mieux.
Lors des planifications communautaires, nous entendons parfois des propositions de personnes qui veulent un réseau d'alimentation en eau pour l'école, plutôt que de la brancher au réseau municipal. Pourtant, le réseau municipal permettrait des prises d'eau d'incendie et ce genre de choses. Installer un réseau d'alimentation en eau dans une école sans comprendre qu'il faut prévoir des subdivisions ou des prises d'eau d'incendie tout près dans le cadre du plan communautaire, voilà la raison pour laquelle votre recommandation d'avoir une planification communautaire est si importante, de sorte qu'on puisse concevoir des collectivités qui prévoient un élément aussi important que la protection incendie.
La sénatrice Raine : Ma question complémentaire va dans le sens de la question du sénateur Sinclair, et je pense aussi au code que vous avez mentionné. Nous ne pouvons pas avoir un code canadien. Les situations sont trop différentes d'une région à l'autre. Nous avons entendu à maintes reprises à quel point il est important que le logement soit adapté à la culture.
Nous avons visité un bon nombre de réserves. Certaines des maisons avaient entre 50 et 100 ans. Elles tenaient encore debout, mais elles étaient faites de billots de bois, à l'ancienne. Nous avons entendu à maintes reprises que les nouvelles constructions ne sont pas toujours les plus appropriées pour cet environnement.
J'espère que les codes tiennent vraiment compte du fait qu'un facteur R35 pourrait ne pas être aussi important que certains facteurs culturels.
Mme Bennett : Je ne saurais être plus d'accord avec vous, madame la sénatrice. Nous devons partir de la base. Imposer des choses du sommet ne fonctionne pas. Nous devons écouter et déterminer ce qui est possible dans les différentes régions.
Un accès plus difficile aux services de protection incendie, ou des services de moins bonne qualité, pourrait signifier qu'un code plus strict soit nécessaire dans certaines régions.
Je suis d'accord. Parfois, nous parlons de normes minimales ou de spécifications minimales. Toutes les maisons devraient au moins les respecter. Puis, les gens pourraient construire selon leurs propres normes. Cependant, nous ne pourrons y parvenir sans écouter les communautés et travailler avec l'APN et les communautés nordiques, pour savoir ce dont elles ont besoin.
La sénatrice Raine : Merci. Il est extrêmement important d'écouter les gens qui vivent dans ces maisons. Parfois, nous pensons que nous en savons plus, dans le Sud, mais ça ne fonctionne pas pour eux.
Mme Bennett : Je me souviens, madame la sénatrice, de la conversation que nous avons eue à propos des vestibules dans le Nord et à quel point il est impossible de construire une maison sans vestibule quand le vent froid peut entrer et créer de la condensation.
La sénatrice Raine : Je voulais vous poser une question sur la possibilité d'adopter, en consultation avec les Premières Nations, une loi à adhésion facultative, qui rendrait inapplicable l'article 89 de la Loi sur les Indiens. Une telle loi pourrait faciliter l'accession à la propriété privée pour les membres des Premières Nations vivant dans les réserves. Je me demandais simplement si la loi sur la propriété privée à adhésion facultative était toujours envisagée.
Mme Bennett : Le ministère continue à travailler avec Manny Jules et la Commission de la fiscalité des Premières Nations à ce sujet. Bien des communautés ont des parcelles adjacentes aux terres de la réserve en fief simple, et c'est de cette façon qu'elles ont choisi de gérer la question.
Il y a bien des gens qui croient que la réserve doit rester intacte pour les générations futures et qu'y accorder le droit à la propriété privée peut entraîner des risques liés à la vente et à la revente. Certains décrivent cela comme un trou fait à l'aide d'un poinçon dans un morceau de papier jusqu'à ce qu'il ressemble à un napperon de dentelle et que la communauté ait disparu. De plus en plus de communautés choisissent une structure similaire aux condominiums. Les personnes possèdent leur maison, et en sont propriétaires, mais la communauté continue à posséder la terre.
Nous explorons encore la question, et ce genre de loi est facultative, comme vous l'avez souligné. Certains leaders et membres des communautés s'inquiètent. Ils se demandent : si un chef et son conseil prennent cette décision et que la terre disparaît, qu'adviendra-t-il de la génération suivante et des générations futures? Ce serait très difficile de revenir en arrière. Encore une fois, lorsqu'elles pensent aux sept prochaines générations, certaines personnes croient que cela pourrait représenter un risque plus grand que ce qu'elles seraient prêtes à prendre.
Le sénateur Moore : Merci, madame la ministre d'être ici ce soir. Merci aussi à tous vos employés. Concernant le code du bâtiment et son application, des sujets que mes collègues ont soulevés précédemment, vous dites que nous avons mis en lumière la nécessité d'avoir des codes et des normes pour l'administration de l'infrastructure de logement.
Nous avons visité plusieurs réserves. Nous avons aussi eu des témoins qui nous ont parlé des codes du bâtiment. Plusieurs constructions avaient été financées par la SCHL, et l'agent de la SCHL n'avait pas besoin de savoir, par exemple, si le toit était étanche, si les murs étaient montés et isolés et si la plomberie était adéquatement installée. Lorsque nous les avons questionnés sur le sujet, ils ont mis la responsabilité sur le dos du chef. « Ce n'est pas nous, c'est le chef qui doit faire respecter le code du bâtiment. » Or le chef ne connaissait pas du tout les normes de construction. Que faites-vous à ce sujet?
Vous nous avez dit travailler avec des spécialistes autochtones en infrastructure. J'espère que ces spécialistes vivent sur les réserves et qu'ils cherchent à améliorer leur situation et celle de leur famille, car le logement est le nœud des problèmes dans les réserves et dans les communautés autochtones. C'est le lieu où commencent la dignité et l'intégrité des familles.
Je suis un peu surpris que nous abordions à peine ce genre de problèmes. Le ministère existe depuis 1869. Est-ce que vos fonctionnaires y travaillent réellement?
Mme Bennett : Vous avez parfaitement raison, monsieur le sénateur. Concernant l'expertise et les capacités, vous avez recommandé qu'on embauche des gestionnaires de logement qualifiés dans les communautés. Nous essayons de bâtir ce genre d'expertise, de sorte que les Premières Nations et les communautés puissent connaître leur inventaire et savoir ce qui doit être fait pour déposer les demandes nécessaires.
Sincèrement, nous sommes inquiets cette année. Si nous essayons aussi fort d'aider et de verser le budget ou l'argent demandé en trois tranches, c'est parce que certaines communautés excellent dans l'art de rédiger des propositions. Ces communautés n'ont pas toujours autant de besoins que celles qui ont plus de mal à préparer leurs propositions. Nous essayons donc de renforcer leurs capacités, de leur donner du temps et de les aider à rédiger leurs propositions.
Nous avons créé un code du bâtiment, mais quelqu'un doit savoir comment le faire appliquer. Nous n'avons même pas d'inspecteurs en prévention et en incendie en mesure d'inspecter les maisons. Comme vous le savez, voir le sous-sol à travers le plancher de quelqu'un lorsqu'on se tient à côté de son poêle à bois n'est pas un bon signe. Donc, le code du bâtiment pour les nouvelles constructions est une chose, mais de nombreuses maisons sur les réserves ne sont pas sécuritaires en ce moment.
Le sénateur Moore : Je sais. Nous en avons vu plusieurs.
Mme Bennett : Nous devons les remplacer. Personne ici ne serait capable de vivre comme ça. De plus, trois ou quatre familles nucléaires partagent parfois la même maison.
Le sénateur Moore : Nous en avons été témoins. Je sais, madame la ministre, que vous êtes en poste depuis moins d'un an. C'est aujourd'hui le premier anniversaire de votre victoire. Félicitations. Mais ces points ont été soulevés dans notre rapport. Ils doivent être abordés rapidement, que ce soit par vous ou par quelqu'un d'autre.
Pour ce qui est de la planification quinquennale du financement, c'est tout à fait normal. Vous dites que vous appuyez le développement d'une communauté globale. Je ne sais pas ce que ça signifie. C'est du charabia pour moi. Que faisons-nous? Concrètement. Nous connaissons la situation sur le terrain. Nous en avons été témoins. Votre ministère devrait être au courant depuis le temps.
Il me semble que vous comptez beaucoup sur les résultats du forum qui se tiendra à Winnipeg en novembre, mais je suis sûr qu'une partie de cette information, madame la ministre, doit déjà se retrouver quelque part dans votre ministère, et on devrait y donner suite. On dirait qu'on entend toujours les mêmes vieilles rengaines. Il est temps de renverser la situation.
Mme Bennett : Mon problème, monsieur le sénateur, c'est que dans votre recommandation 13, vous dites que nous devons contribuer au financement du développement de plans communautaires globaux. Cela signifie que, qu'il s'agisse de plans sur cinq ou dix ans ou de plans conceptuels, comme on en retrouve dans certaines communautés, on doit savoir quand faire telle chose et telle autre, et comment s'y prendre.
Ce qu'on observe, qu'il s'agisse des femmes autochtones disparues ou assassinées ou des services d'aide à l'enfance, c'est que si les membres de la communauté planifient ensemble — et cela signifie que les enseignants, le service de police, le chef et son conseil et les jeunes soient à la table de planification pour réfléchir à leur vision de l'avenir et établir leurs priorités pour cette année, l'année suivante et l'autre année d'après —, on peut voir les choses changer réellement pour rendre les communautés plus sécuritaires.
Mon problème, c'est que seulement 25 p. 100 des Premières Nations ont un plan communautaire. Nous croyons que cet exercice est vraiment important, et qu'il est impératif que nous fassions tout en notre possible à court terme pour les inciter à y participer. Ensuite, lorsque nous passerons aux projets d'infrastructure sur 10 ans — avec un peu de chance nous saurons combien nous aurons dans le budget de l'an prochain —, nous pourrons aider les Premières Nations à s'y préparer de façon à pouvoir planifier adéquatement leur développement communautaire, tout en essayant de modifier les accords fiscaux.
Le sénateur Moore : C'est louable. J'espère que nous n'entendrons plus parler de cas où des Premières Nations reçoivent de l'argent en décembre et qu'elles doivent le dépenser pour le logement avant la fin du mois de mars. Ce n'est pas exactement la façon de rendre le ministère populaire, particulièrement auprès du comité. Je sais que vous pouvez faire mieux.
Concernant la lutte contre les incendies, nous avons entendu des témoignages d'un chef d'une Première Nation du Québec. L'équipement et les pompes n'étaient pas adaptés aux bornes d'incendie. C'est un truc de base. Il y a eu négligence ici. Cela ne devrait pas arriver, et nous pouvons faire beaucoup mieux. Ces personnes veulent faire mieux. Cela ne les aide pas et ne contribue pas à leur confiance en soi et à leur dignité, lorsqu'ils ne sont même pas en mesure de lutter adéquatement contre les incendies. Nous devons faire mieux, et nous le pouvons.
Mme Bennett : Je pense que les comités consultatifs techniques qui interviennent en Alberta et en Ontario aident à prendre ce genre de décisions. Comment les communautés prennent-elles leurs décisions? Si on essaie de leur vendre de l'équipement qui n'est pas adapté, peu importe ce que le vendeur leur dit, ça ne marchera pas. On a besoin d'expertise technique qui dira : « Non, c'est trop beau pour être vrai. » Nous avons besoin de ça.
Ce sont des comportements prédateurs. Il y a des comportements prédateurs dans les réseaux d'aqueduc et les programmes de santé mentale. Nous devons régler ce problème. Je suis très heureuse que l'Association des pompiers autochtones du Canada collabore avec le Comité consultatif technique, ici, en Ontario. Je pense qu'il y aura des progrès en la matière, et de la formation, également.
Le sénateur Moore : Je suis heureux de l'apprendre.
La présidente : J'aimerais souhaiter la bienvenue au sénateur Martin. Je crois que vous venez de vous ajouter à notre comité. Ce sera votre première réunion officielle. Bienvenue.
Le sénateur Martin : Merci, madame la présidente. En fait, je reviens au comité, je n'y avais pas siégé depuis plusieurs années.
Merci infiniment, madame la ministre, de votre présence et de celle de vos collègues. Je n'ai pas participé à l'étude, mais je veux remercier les membres du comité pour leur travail acharné et pour les recommandations qu'ils vous ont faites.
Vous avez mentionné avoir déjà mis en place certaines recommandations et que vous souhaitez en concrétiser davantage. Pourriez-vous me dire combien de recommandations en plus? Prévoyez-vous toutes les mettre en œuvre? Combien d'entre elles prévoyez-vous appliquer prochainement? Je suis curieux de connaître vos progrès depuis la publication du rapport.
Mme Bennett : C'est une bonne question, car je pense que certaines recommandations contenaient deux ou trois éléments. Nous pouvons vous dire où nous en sommes pour chacune d'elles, et même celles comme les garanties d'emprunt ministérielles, sur laquelle nous travaillons actuellement, mais nous n'avons pas suffisamment communiqué nos progrès. Nous pouvons vous fournir cette information.
Le sénateur Martin : Comme je l'ai dit, je ne faisais pas partie du comité, donc je suis curieux. Acceptez-vous toutes les recommandations?
Mme Bennett : C'est comme pour n'importe quoi d'autre. Nous pensons qu'il s'agit de bons conseils, et nous nous efforçons de les suivre, bien sûr.
Le sénateur Martin : Merci. Je pense que cela montre la valeur du travail du comité.
Je suis intrigué par une chose que vous avez dite à la fin de votre déclaration. J'ai lu récemment sur la proposition de banque de l'infrastructure, et c'est très intéressant, mais c'est un gros projet et les gros projets prennent du temps. Pouvez-vous nous donner un échéancier concernant sa création? Y a-t-il un échéancier?
Mme Bennett : Je pense qu'ils espèrent être prêts à annoncer son fonctionnement d'ici le budget de l'année prochaine. Comme vous le savez, la banque de l'infrastructure part du principe que les citoyens et nos fonds de pension investissent à l'étranger au lieu d'investir au Canada. On cherche donc comment investir de l'argent du gouvernement de façon à attirer de gros investissements provenant d'autres sources.
Je pense que vous avez raison de dire que cela servira la plupart du temps à financer de gros projets, c'est pourquoi nous essayons de trouver des moyens pour faire en sorte que les Premières Nations ou des groupes autochtones puissent avoir des projets qui pourraient en bénéficier, qu'il s'agisse de routes ou de projets en collaboration avec une province ou un territoire. Les consultations sont en cours sur les meilleurs moyens d'attirer les meilleurs partenaires possible.
Le sénateur Martin : Quand je me suis penché là-dessus, je me demandais si cela, ou quelque chose d'autre, était en place. Comme vous l'avez dit, vous avez d'excellents programmes, mais il est difficile d'y accéder, ou alors il y a des lacunes ou des obstacles à l'obtention des fonds. Je me demande quelle est l'approche de votre ministère pour déterminer ces obstacles. Et lorsque vous ciblez les lacunes, comment vous y prenez-vous pour les combler? Que faites- vous pour assurer la maximisation ou l'amélioration de l'accès?
Mme Bennett : Au financement ou au capital?
Le sénateur Martin : Les besoins sont pressants, comme on l'indique dans le rapport. Les grands projets demandent du temps. Il y a bien d'autres choses qui doivent être faites, je le comprends, pour répondre aux besoins immédiats, il faudrait un accès facile. Je suis curieux. En tant que ministère, réduisez-vous la bureaucratie? Est-ce qu'il y a des services dont le mandat est d'aider les communautés à y accéder? Je suis curieux de connaître votre approche en tant que ministère.
Mme Bennett : L'une des choses qui me surprend beaucoup, comparativement à mes collègues du Cabinet, c'est à quel point notre ministère est décentralisé et s'appuie sur la compréhension qu'ont les régions des communautés. Dans notre ministère, les régions peuvent approuver jusqu'à 10 millions de dollars sans demander quoi que ce soit au bureau central pour ce genre de projets. C'est pourquoi nous sommes capables de changer les choses aussi rapidement, car le directeur général régional peut réellement connaître les besoins de sa région et d'établir les priorités.
C'est pourquoi le logement et l'infrastructure viennent en trois tranches. Les régions ont peur que les communautés qui ont les plus grands besoins passent en dernier et que tout le budget ait déjà été octroyé avant qu'elles n'aient eu le temps de déposer leurs propositions.
C'est le genre de choses que nous faisons, mais je pense que nous pouvons toujours faire mieux. Il faut voir comment nous pouvons favoriser le renforcement des capacités au sein des communautés de sorte qu'elles puissent gérer les choses elles-mêmes. Je dois dire que je vois mon travail comme un effort pour bâtir des institutions, pas juste des programmes, et plus nous aurons des institutions gérées par les Premières Nations, comme l'Autorité financière des Premières Nations, moins mon ministère devra donner le feu vert ou refuser des projets de façon paternaliste, comme dans Papa a raison.
Je souhaite vraiment qu'il existe des organismes comme les comités consultatifs techniques. Serait-il possible que des décisions actuellement prises par mon ministère, ou que des conseils donnés par mon ministère, soient prises différemment dans la région par les techniciens autochtones?
La présidente : Sénateur Moore, je crois que vous aviez une question complémentaire?
Le sénateur Moore : Je trouve intéressant votre commentaire sur les régions et leurs personnels et sur tout ce qu'ils peuvent faire, car nous avons visité plusieurs réserves et ils n'ont jamais rencontré personne du bureau régional ni aucun employé du ministère, et ils devaient se rendre à leur bureau du ministère pour rencontrer quelqu'un. Ce que vous racontez ne correspond pas à ce que nous avons vu.
Concernant les sommes pour l'infrastructure qui sont actuellement versées aux Premières Nations, doivent-elles être dépensées avant le 31 mars 2017?
David Smith, directeur général intérimaire, Direction générale des infrastructures communautaires, Secteur des opérations régionales, Affaires autochtones et du Nord Canada : Merci de votre question, monsieur le sénateur. Au début de l'année, on alloue des fonds aux différents projets en fonction de l'entente de financement entre les bénéficiaires et le ministère, s'il s'agit d'une entente de financement souple, le financement peut être réaffecté à l'année suivante. Encore une fois, comme nous le savons tous, lorsqu'on réalise un projet, même si l'on prévoit finir à une date précise, il arrive malheureusement des choses que l'on ne peut pas toujours contrôler, comme la température et l'environnement. De cette façon, quand il y a un problème, le projet reste sur les rails, même s'il est légèrement retardé. Le bénéficiaire des fonds peut garder le financement et s'assurer que le projet soit terminé dans un délai raisonnable. Cela s'organise en étroite collaboration avec notre Bureau régional et la communauté.
Le sénateur Moore : D'après vous, quel pourcentage de ces sommes serait dans cette situation, où il faut étendre la période de temps pendant laquelle les fonds peuvent être dépensés?
M. Smith : La grande majorité des projets sont sur plusieurs années. Normalement, les fonds sont alloués sur une base annuelle, avec des déboursés lorsque certaines étapes du projet sont terminées. S'il y a des problèmes, le déboursé n'a pas lieu. Nous allouons alors les fonds à un autre projet, car certains avancent plus rapidement. Nous avons donc une perspective nationale des projets.
Le sénateur Moore : Si un projet n'avance pas comme prévu, disons qu'il avance lentement, prenez-vous cet argent pour le consacrer à un autre projet?
M. Smith : Ça peut arriver.
Mme Bennett : L'un des problèmes dans les localités éloignées, c'est qu'il est possible de manquer la saison de construction...
Le sénateur Moore : C'est pour cette raison que je pose la question.
Mme Bennett : ... en raison des changements climatiques et des routes d'hiver. Certaines parties du Canada en comptent plus que sur huit semaines de routes d'hiver pour transporter tous leurs matériaux de construction. Je pense que ce que David essaie de dire, c'est que si on manque la saison de construction, on peut utiliser les fonds pour autre chose et récupérer l'argent l'année suivante, quand on arrive à obtenir les matériaux. C'est la souplesse qu'on se donne.
Le sénateur Moore : Je suis heureux d'entendre que vous êtes sensible à ce problème, car cela arrive souvent. Nous en avons entendu parler et nous en avons été témoins. Merci.
La présidente : Je crois que le sénateur Watt souhaite poser une question au premier tour.
Le sénateur Watt : C'est en partie une question complémentaire.
Premièrement, je vous souhaite la bienvenue. Concernant la question posée par le sénateur Moore, je pense que vous avez en gros répondu que si l'argent n'est pas utilisé pour une raison quelconque, et il peut y avoir un certain nombre de raisons pour que cela arrive.
Et que vous ciblez un besoin chez un autre client pouvant être répondu à l'aide de cette somme, quel qu'en soit le montant, alors vous prenez le risque, d'une certaine façon, de remettre ces fonds à cette personne, entreprise ou société pour qu'elle l'utilise à un autre projet, parce qu'il n'y a pas de garantie que cette somme sera disponible l'année suivante. Est-ce le genre de situation impossible dans laquelle vous vous mettez?
Mme Bennett : Non, notre décision repose sur le fait que nous savons qu'il y aura des fonds l'année suivante, et c'est pourquoi nous privilégions le financement pluriannuel.
J'essaie de penser à un exemple à partir de mon budget familial. On sait qu'on ne peut pas réaliser le projet, donc on décide d'utiliser l'argent pour en réaliser un autre, car on sait qu'on aura à nouveau le budget l'an prochain. C'est le principe d'une entente de financement. Nous leur avons déjà promis cet argent. Je crois que j'ai trouvé. Quand on rénove sa cuisine, on ne verse pas l'argent à l'entrepreneur à l'avance. On le paie au fur et à mesure de l'avancement des travaux. Donc, si un projet est retardé en raison de la météo, nous pouvons utiliser l'argent intelligemment pour un autre projet, puis réinstaurer les versements dès que le projet peut reprendre.
Le sénateur Watt : Madame la ministre, je comprends ce que vous dites et je suis d'accord avec vous. Je vous ai également écoutée aujourd'hui dans le cadre de l'autre conférence. J'ai été touché par ce que vous avez dit. Nous pouvons faire encore plus en tant que parlementaires. Cela fait partie de notre responsabilité de représenter la population correctement et adéquatement.
Nous parlons de partir de la base vers le sommet plutôt que du sommet vers la base. Il faut réaliser que les gens avec lesquels nous faisons affaire aujourd'hui n'avaient probablement aucun moyen de s'outiller pour gérer cela 40 ans plus tôt. Peu importe le genre de projet dans les communautés. Les choses ont changé.
Je crois que l'adoption de la Convention de la baie James et du Nord québécois a apporté de grands changements dans nos communautés, du moins au Nunavik. Nous sommes presque arrivés au point où l'on pourrait affirmer que nous sommes maintenant bien outillés. Mais ce n'est pas tout à fait le cas.
Madame la ministre, il faut que vous compreniez qu'il faudra du temps pour accepter d'être habilité, d'être capable d'agir et de prendre des décisions soi-même, de façon autonome. Il nous reste encore du chemin à parcourir avant d'y arriver.
Mme Bennett : Je vous remercie de ces paroles et de votre leadership, monsieur le sénateur. Mais je pense à des organismes que vous connaissez bien, comme la Société Makivik, qui peuvent aider les petites communautés qui n'ont pas tout à fait les capacités de construire leurs maisons elles-mêmes, depuis que cette responsabilité est entre les mains du Nunavik.
Nous espérons qu'il y aura plus d'initiatives et de sociétés de ce genre dirigées par des Premières Nations, qui peuvent non seulement faire bâtir des maisons, mais qui, lorsqu'elles arrivent dans des plus petites communautés, forment également les gens et les aident à acquérir les compétences et le leadership nécessaires pour renforcer leurs capacités.
Le sénateur Watt : Oui, c'est vrai, et c'est très apprécié par les collectivités que je connais au Nunavik. Makivik fait du bon travail dans ce domaine. Mais en même temps, il faut comprendre que Makivik n'a pas d'ingénieur, donc l'ingénierie et le design des maisons et le concept de certaines maisons sont toujours faits dans le Sud. Quand le concept est amené dans le Nord, il est déjà terminé. Voilà le problème. Nous ne sommes pas autonomes là où il faudrait.
J'aimerais avoir de l'information sur le type de maisons que nous avons actuellement, que je vois aujourd'hui, parce que nous sommes en train d'y faire des rénovations majeures. Lorsqu'on enlève la première couche de bardage des bâtiments, on peut voir le contre-plaqué installé sur les maisons. Lorsqu'on voit du contre-plaqué pourri dans toutes les parties d'une maison, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. J'en connais la cause, mais le vrai problème, ce sont les ingénieurs dans le Sud, ceux qui prennent des décisions à notre place, ce sont eux la véritable source du problème.
Laissez-moi vous donner un exemple. Comparons les maisons qu'on bâtit aujourd'hui, année après année, et les maisons construites 25 ans auparavant, qui sont en train d'être rénovées. Malheureusement, toutes ces maisons sont pourries. Il y a 25 ans, on payait environ 350 000 $ pour un bungalow. Aujourd'hui, on parle d'un peu plus de 500 000 $. Pour rénover une maison existante, on dépense le même montant. On est donc mieux de construire une nouvelle maison, parce que les maisons construites il y a 25 ans sont toxiques.
Le milieu médical n'a pas été invité à inspecter ces maisons, mais un jour, cela va arriver. Parce que des fosses septiques sont installées sous le plancher, prises en deux sections. Et qu'arrive-t-il aux fosses septiques? Ce sont des réservoirs en plastique. Elles font donc de la condensation et débordent parfois. Et où vont les matières qu'elles contiennent? À l'intérieur des maisons. On se retrouve donc avec des maisons toxiques, d'un côté comme de l'autre, qui se détériorent et qui font perdre beaucoup d'argent. Cela doit être corrigé. La seule façon de corriger la situation est d'autonomiser la population afin qu'elle puisse agir et prendre ses propres décisions. Les décisions ne sont pas encore prises dans les communautés. Vous pensez peut-être que c'est le cas, mais ce n'est pas le cas.
Mme Bennett : J'ai une belle histoire à vous raconter, monsieur le sénateur. Elle se passe à Haida Gwaii, où ils avaient des problèmes similaires. Tous les toits devaient être remplacés parce qu'ils étaient pourris. Ils ont acheté une machine pour construire un toit en tôle pour chacune des maisons de la communauté, plutôt que de se les faire livrer. Et cela a très bien fonctionné. Un autre exemple extraordinaire de leadership et de résolution de problèmes. Ils chauffent également toutes les maisons à l'eau chaude avec des briquettes qu'ils fabriquent à partir de sciure de bois, ils chauffent ainsi leurs maisons de façon sécuritaire.
Vous pensez peut-être que j'attends trop du forum de Winnipeg le mois prochain, mais quand les gens se réunissent pour partager leurs bons coups et leurs solutions, nous pouvons renforcer les capacités des gens et les autonomiser de façon à prendre les bonnes décisions et de trouver des solutions qui leur conviennent.
Le sénateur Patterson : Je m'intéresse aux vrais problèmes que nous avons constatés sur le terrain. L'un d'eux est la partie de l'allocation-logement du Programme d'aide au revenu. C'est essentiel pour l'entretien des maisons appartenant aux bandes. Je ne vais pas entrer dans les détails, car vous avez notre rapport. Le vérificateur général en a fait une vérification en 2003.
La situation n'est pas équitable partout au pays. Il y a des écarts, comme vous le savez. Dans votre rapport au comité, vous dites que vous travaillez à un plan pangouvernemental pour régler les problèmes d'infrastructure, mais vous n'avez pas réfléchi aux façons de régler les problèmes précis comme l'allocation-logement. Pourtant, c'est un problème qui remonte à loin, et on nous a dit que c'est l'une des choses qui feraient la plus grosse différence sur le terrain pour les Premières Nations en Saskatchewan, et qu'il faudrait entre 40 et 65 millions de dollars par année pour régler le problème partout au pays, ce qui est un montant important, je le reconnais.
Depuis que vous nous avez envoyé votre première réponse, est-ce que cela est dans votre mire? Existe-t-il une possibilité que vous vous attaquiez à ce problème que nous jugeons urgent? Parce que la question de l'entretien est majeure. Si les maisons ne sont pas entretenues, elles perdent rapidement de la valeur.
Mme Bennett : Comme vous le savez, l'objectif de l'allocation-logement était d'aider les personnes admissibles à couvrir des coûts comme le chauffage, le combustible, l'électricité et les autres services publics. C'est une subvention versée aux bénéficiaires de l'aide au revenu pour les aider à payer leurs frais de subsistance. Or, comme vous l'avez constaté, les Premières Nations font les choses différemment. Certaines personnes ne paient rien du tout. Le logement social est complètement gratuit dans certaines collectivités, et dans ces collectivités et d'autres de notre connaissance, l'allocation-logement est transférée à la Première Nation, qui l'utilise pour loger les gens. La situation est inégale d'un océan à l'autre, comme vous l'avez dit.
Notre ministère a rédigé des lignes directrices sur l'allocation-logement afin que ce programme d'aide au revenu soit exécuté de façon plus uniforme, mais, comme vous le savez, nous ne pouvons l'appliquer de haut en bas. Nous l'avons communiquée à l'Assemblée des Premières Nations et aux collectivités qui seront affectées par les lignes directrices. Nous verrons ce qui se passera, mais il ne fait aucun doute que nous devons trouver un moyen d'améliorer la prestation de ce programme.
En ce qui concerne l'objectif de l'allocation à l'origine, pourrait-on faire mieux? Comme le démontre votre rapport, lorsque les bandes doivent utiliser l'argent destiné aux infrastructures pour payer l'aide au revenu et les programmes sociaux, je pense que certains se disent qu'ils pourraient utiliser une partie de l'allocation-logement pour vraiment trouver des logements ou réparer les logements de la bande, de l'argent qui n'allait pas nécessairement être versé directement à la population.
Le sénateur Patterson : Le Fonds d'aide au logement du marché pour les Premières Nations de 300 millions de dollars a été créé il y a six ans. Nous avons l'impression qu'il ne fonctionne pas et ne donne pas de résultats, et c'est votre collègue, le ministre responsable de la SCHL... Il a été recommandé qu'il soit revu, car le volet de renforcement des capacités ne fonctionne pas du tout. Je sais que ce n'est pas votre ministère, mais est-ce dans votre mire?
Mme Bennett : Absolument. Nous travaillons avec le ministre Duclos et la SCHL, et ce, même concernant les fonds demandés pour 2016, afin d'éviter le chevauchement, le dédoublement, ce genre de choses. Nous essayons aussi d'être le plus clairs possible les uns avec les autres concernant nos projets.
Nous sommes en train d'élaborer la stratégie nationale relative à l'habitation, qui inclura les deux secteurs. Il ne fait aucun doute que dans le cadre de ces réformes et des améliorations possibles en ce qui concerne le leadership autochtone, l'orientation future du fonds fera partie de notre examen en vue de mieux faire les choses.
La présidente : Merci, madame la ministre. Je crois que nous avons posé toutes nos questions. J'aimerais vous remercier au nom de mes collègues du comité d'avoir répondu à toutes nos questions concernant pratiquement toutes les recommandations de notre rapport. Nous étions heureux d'apprendre que vous aviez accepté presque toutes nos recommandations et que vous y travaillez avec diligence. Même en ce qui a trait à la recommandation 12, relative à l'argent des Indiens, et à la table ronde à laquelle le sénateur Tannas et moi avons eu la chance de participer. Nous vous en remercions.
Je ne crois pas que nous ayons d'autres questions. Je tiens à vous remercier, vous et vos collègues. La séance est levée.
(La séance est levée.)