Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule no 17 - Témoignages du 15 février 2017
OTTAWA, le mercredi 15 février 2017
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 47, pour étudier les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonsoir. Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs et aux membres du public qui regardent sur place ou sur le Web la réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Dans un esprit de réconciliation, je tiens à souligner que nous nous réunissions sur les terres traditionnelles des Algonquins.
Je m'appelle Lillian Dyck; je suis de la Saskatchewan. J'ai l'honneur et le privilège de présider le comité. J'invite maintenant mes collègues à se présenter. Nous commencerons à ma gauche.
La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, sénatrice du Manitoba.
Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.
Le sénateur Sinclair : Murray Sinclair, du Manitoba.
[Français]
La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, sénatrice du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Pate : Kim Pate, de l'Ontario.
La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l'Ontario.
La présidente : Merci, chers collègues.
Nous poursuivons notre étude de l'aspect que pourraient prendre les nouvelles relations entre le gouvernement du Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis du Canada. Nous continuons notre examen de l'histoire et de ce qui a été étudié et abordé sur le sujet. Aujourd'hui, nous avons le grand plaisir d'accueillir le professeur David Newhouse de l'Université Trent, où se trouve, si je ne m'abuse, le plus ancien département d'études autochtones au pays.
Professeur Newhouse, je crois comprendre que vous avez un exposé; les sénateurs vous poseront ensuite des questions.
Je tiens à vous remercier, professeur Newhouse. Je sais que vous aviez des obligations aujourd'hui à titre de professeur et que vous avez trouvé le temps de témoigner par vidéoconférence. Vous avez la parole, monsieur.
David Newhouse, professeur, Université Trent, à titre personnel : Merci beaucoup, sénatrice Dyck.
Je vous remercie de m'avoir invité à venir discuter avec vous un peu de mon expérience et de mes travaux de recherche. Je suis très heureux d'être ici pour essayer d'apporter une petite contribution en vue d'améliorer les relations entre les Autochtones et les non-Autochtones et aussi essayer d'améliorer le Canada.
J'enseigne à l'Université Trent depuis 25 ans. Je suis directeur du Département d'études autochtones depuis 25 ans. Je donne le cours de première année pour les étudiants de premier cycle depuis 15 ans. Je donne également un cours de niveau supérieur sur la réconciliation, ainsi qu'un cours du cycle supérieur.
Lorsque j'ai reçu votre invitation, je ne savais pas vraiment quoi dire ou par où commencer, parce que le sujet est très vaste. Ces relations ont fait couler beaucoup d'encre, et j'ai été tenté de tout simplement vous dire d'examiner les travaux de la commission royale et les études qui ont été réalisées sur la question. J'ai conclu qu'il serait difficile de dire quelque chose qui n'a pas déjà été dit. J'ai donc décidé de vous parler de mes travaux et de mes observations depuis que j'ai commencé à parler de la réconciliation, parce que je crois que c'est à ce sujet que nous commençons à voir des relations entre les Autochtones et les non-Autochtones.
Au cours de la dernière année, j'ai parlé de réconciliation devant une vaste gamme de publics partout au pays et j'ai également donné des cours en la matière à des étudiants de quatrième année et de cycle supérieur. C'est dans cette optique que je voulais commencer mon exposé.
Je tiens également à souligner que je constate, en discutant avec les gens, qu'ils ont vraiment envie d'essayer d'améliorer la situation. Je n'ai pas rencontré beaucoup de personnes qui ne voulaient pas essayer d'améliorer les choses ou les relations. Je crois que les travaux de Michael Adams d'Environics et ses études sur les attitudes du public à l'égard des peuples autochtones nous laissent percevoir un début d'évolution quant à la manière dont les Canadiens non autochtones voient cela également.
Lorsque je me promène au Canada, les gens me posent de moins en moins de questions sur les raisons qui expliquent les conditions de vie des peuples autochtones et de moins en moins de questions sur ce qui s'est passé. Je crois que plus de gens sont au courant des grandes lignes de l'histoire et savent que le Canada a très mal traité les peuples autochtones.
La majorité des gens ont de la difficulté à trouver une façon de passer à l'action. Que puis-je faire? Comment puis-je y prendre part? Comment puis-je aider? Voilà les questions les plus fréquentes que me posent les gens lorsque je m'adresse à des universitaires, à des étudiants, à des fonctionnaires, à des gens d'affaires ou à des gens dans la collectivité. Les gens veulent aider, mais ils ne savent pas comment participer au dialogue et comment le faire concrètement. Je crois que c'est une question importante. Si les gens ne savent pas comment aider ou y participer, ils ne le feront pas, et cela rend extrêmement difficile l'évolution des relations.
Je vous ai envoyé une copie de la présentation PowerPoint que j'utilise pour aborder la manière d'entamer le dialogue. Lorsque je m'adresse à divers groupes, je formule toujours mes commentaires comme une invitation au dialogue et à l'action. J'essaie de présenter très brièvement l'histoire de nos relations que je qualifie de « long assaut ». Lorsque je m'adresse à des gens d'affaires et de la collectivité, j'ai constaté que, si je parle de colonisation, la conversation s'arrête nette. Les gens ne croient tout simplement pas que le Canada a des antécédents en matière de colonisation. J'ai donc dû trouver une manière de les faire participer au dialogue et de les aider à devenir réceptifs à ce qui doit être fait.
Voilà pourquoi j'ai recours au concept du long assaut. Je crois que c'est un concept que la majorité des gens peuvent comprendre; par ailleurs, ils savent aussi que cela peut avoir des conséquences à long terme. Il est ensuite possible de commencer à comprendre exactement ce qui s'est passé et à comprendre à quel point il faudra du temps pour améliorer les collectivités autochtones et nos relations. Après un assaut, les relations prennent beaucoup de temps à se rétablir.
Je voulais également démontrer dans ma présentation qu'à ce moment-ci de l'histoire canadienne il y a une convergence entre le programme des Autochtones et le programme du gouvernement fédéral concernant la question de la réconciliation. Je voulais également mentionner que, si nous voyons l'autre groupe comme un problème, il devient difficile de trouver une solution pour réussir à bien vivre ensemble.
Je ne crois pas qu'il est possible de trouver une solution à ce chapitre en mettant l'accent sur les problèmes de l'autre. Ce que je dis, c'est que le Canada voit les Indiens et voit des problèmes et que les dirigeants autochtones voient le Canada et voient ce que j'appelle le « Canada blanc ». Bref, nous sommes là à nous regarder et à voir l'autre comme [Inaudible] et je ne suis pas certain que c'est la meilleure façon d'essayer d'établir de bonnes relations.
J'ai décidé que je devais, à titre d'universitaire, commencer à essayer de changer le dialogue. J'ai apporté une très petite contribution à cet égard pour commencer à changer la manière de se voir l'un et l'autre, alors que passent sous silence les contributions des Autochtones au Canada...
La présidente : Professeur Newhouse, je m'excuse de vous interrompre, mais les interprètes ont de la difficulté à faire leur travail, parce que vous parlez un peu trop rapidement. Nous vous serions très reconnaissants de bien vouloir ralentir légèrement votre débit de parole.
M. Newhouse : D'accord.
Ce que je fais — contribution à l'égard — dans lequel nous nous percevons. Si nous continuons de voir — alors la possibilité de trouver — une manière de vivre aussi ensemble sur le continent.
La présidente : Professeur Newhouse, je m'excuse. La connexion est mauvaise. La transmission est saccadée. Si vous nous le permettez, nous allons prendre une pause. Le greffier est allé consulter les techniciens des services des TI. Nous allons régler le problème.
La séance est suspendue.
——————
La séance reprend.
La présidente : Professeur Newhouse, je crois que vous pouvez poursuivre, et nous verrons comment cela ira. Merci.
M. Newhouse : Il arrive parfois que la connexion ne soit pas très bonne en soirée, parce que beaucoup de personnes sont en ligne en même temps.
Le point que j'essayais de faire valoir, c'était qu'une partie de la réconciliation consiste à changer la manière dont nous nous voyons les uns les autres. À mon avis, nous devons commencer à le faire différemment, si nous voulons commencer à trouver une manière de vivre ensemble.
Les Canadiens nous voient la plupart du temps comme un problème et ne voient pas tout le dynamisme et tout le travail en cours dans les collectivités autochtones pour essayer de les améliorer. Ce que j'essaie de faire, c'est de le mettre au premier plan pour que les gens en soient au courant. Ma propre expérience m'a appris que, si je le montre aux gens et que je les invite à la table, ils le font et participent. Je crois que c'est très important.
J'ai été surpris par le travail réalisé en 2011 en collaboration avec Michael Adams dans le cadre de l'étude sur les Autochtones vivant en milieu urbain. Cela m'a permis de constater la présence d'un optimisme profond au sujet des relations. Nous avons interrogé 2 600 Autochtones vivant en milieu urbain. Ils ont dit que la ville était leur « chez-soi » et qu'ils n'avaient pas l'intention de retourner vivre en milieu rural. Ils ont surtout dit qu'ils croyaient pouvoir améliorer leur sort en vivant en milieu urbain et poser des gestes dans leur collectivité pour améliorer leur vie.
Nous avons constaté que le degré d'engagement citoyen des Autochtones vivant en milieu urbain était plus élevé que celui des non-Autochtones. Les Autochtones travaillaient en fait d'arrache-pied pour bâtir des collectivités dynamiques en milieu urbain. Tout cela passe inaperçu, parce que nous voyons principalement la pauvreté. Nous voyons seulement ce que les journaux nous rapportent, et tout cela passe sous silence. Toutes nos contributions sont cachées.
En mettant uniquement l'accent sur les problèmes, je crois que nous minons notre capacité de travailler ensemble. Voilà pourquoi je crois qu'il est important de commencer à changer la donne.
Je crois qu'il est également important de commencer à penser aux relations en fonction de deux sphères : le dialogue de nation à nation, ce qui relève des politiciens, et l'aspect personnel ou communautaire, soit l'endroit où la majorité des gens [Inaudible].
Nous devons prêter attention à nos relations avec nos voisins, nos camarades de classe et nos entreprises au sein de la collectivité.
Il nous arrive parfois de l'oublier dans nos travaux de recherche et nos discussions. Nous mettons tout le temps l'accent sur les relations politiques et nous négligeons les relations communautaires et les [Inaudible].
En réfléchissant au moyen de commencer à aller de l'avant et de commencer à inviter les gens à la réconciliation et à la manière de les inciter à commencer à poser des gestes et à trouver leur place dans la réconciliation, j'ai essayé de penser à la réconciliation en fonction de quatre aspects. À la diapositive 19, vous avez un tableau que j'ai créé qui présente au moins quatre éléments de la réconciliation.
Premièrement, nous avons ce que j'appelle la réduction de l'écart ou l'équité. Cela signifie d'améliorer les conditions de vie des peuples et des collectivités autochtones.
Deuxièmement, il faut améliorer les relations entre les Autochtones et les Canadiens non autochtones. Cela vise l'harmonie ou les relations entre les races.
Troisièmement, nous avons la reconnaissance et la résurgence, soit la reconnaissance des droits ancestraux, des droits des Autochtones et des droits garantis par la Constitution. C'est aussi à cet endroit que nous retrouvons les avocats militants autochtones.
Le dernier domaine porte sur la conversation essentielle sur la manière dont le Canada peut inclure les peuples autochtones dans la sphère politique. Un bon exemple de ce concept est la manière dont la commission royale considérait que le Canada se composait non seulement des provinces et des territoires, mais aussi des nations autochtones. Nous parlons ici des nations autochtones qui sont dirigées par des gouvernements autochtones et de la reconnaissance des gouvernements autochtones comme troisième ordre de gouvernement. Une discussion est donc nécessaire au sujet du pays et de l'autonomie gouvernementale.
Pour faire changer les opinions, il faut en partie reconnaître que les Autochtones se présentent à la table avec des idées et des plans d'action bien définis concernant le développement de leurs propres collectivités et de leurs nations.
Nous avons organisé une conférence à Winnipeg pour souligner le 20e anniversaire de la Commission royale sur les peuples autochtones, et nous y avons invité toute une gamme de personnes. Il y avait environ 160 participants. Le conférencier dont la présence s'est le plus fait sentir était Natan Obed, président d'Inuit Tapiriit Kanatami. Il a soulevé un point très percutant. À titre d'Autochtones, nous avons nos propres idées concernant les relations. Nous avons nos propres idées concernant [Inaudible] les relations et les idées sur la façon dont nous voulons les structurer. Il ne faut pas l'oublier. Je crois que c'est un élément très important que les décideurs et les gens d'affaires doivent comprendre. Je constate souvent que les gens de l'extérieur ont tendance à oublier que nous y pensons depuis très longtemps.
L'autre message très percutant qui est ressorti de la conférence sur la Commission royale sur les peuples autochtones était la nécessité de modifier l'angle de notre approche. Nous devons mettre en place des institutions au lieu de tout simplement financer des programmes gouvernementaux fédéraux ou provinciaux.
Si nous voulons réaliser des progrès en vue d'améliorer le Canada et la qualité de vie des Autochtones, nous devons miser sur deux types d'institutions. Le premier type concerne les institutions de gouvernance pour nous aider à gérer les relations de nation à nation au sein du Canada. Un nouveau groupe de travail fédéral, provincial, territorial et autochtone en est un exemple. Cela met l'accent sur une vision d'ensemble d'un [Inaudible].
L'autre type auquel nous devons aussi prêter attention est les institutions locales. Ce sont les écoles, les commissions scolaires, tout ce qui donne un contrôle aux gens sur les zones scolaires et les aide à créer des écoles qui répondent à leurs propres besoins, tout ce qui aide leurs organismes de protection de l'enfance et leurs entreprises et les institutions de la vie quotidienne. Cela vise à terminer ce qu'avait recommandé la commission royale dans son rapport il y a 20 ans. La commission royale avait dit que certaines institutions autochtones faisaient défaut. Cela visait en grande partie les Autochtones vivant en milieu urbain, mais je crois que c'est vrai pour l'ensemble des Autochtones.
Je crois donc qu'il est temps d'arrêter de seulement mettre l'accent sur les programmes et de maintenant créer des institutions. Voilà comment nous pourrons le plus modifier les relations entre les Autochtones et les non-Autochtones. Les institutions peuvent aider les nations autochtones à participer aux activités courantes de la vie canadienne et politique, ce qui leur permettra de commencer à travailler ensemble.
Je vais m'arrêter là. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
La présidente : Merci, professeur Newhouse.
Nos techniciens ont arrêté la transmission vidéo pour améliorer la qualité de l'audio. Je ne sais pas si vous pouvez nous voir maintenant.
M. Newhouse : Je ne peux pas voir actuellement, mais ce n'est pas grave.
La présidente : Je mentionne que d'autres sénateurs se sont joints à nous, et je les invite à se présenter.
La sénatrice Raine : Sénatrice Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Martin : Sénatrice Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Enverga : Sénateur Tobias Enverga, de l'Ontario.
La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.
La présidente : Je vais commencer par une question brève, monsieur Newhouse.
Vous avez formulé des commentaires très intéressants concernant la Commission royale sur les peuples autochtones à Winnipeg. La réunion s'est-elle tenue l'an dernier? Savez-vous si un rapport sommaire de ce dont il a été question dans le cadre de ce forum se trouve sur le Web ou ailleurs?
M. Newhouse : Le forum a eu lieu en novembre 2016. Nous en sommes actuellement à rédiger un rapport à son sujet. Nous nous attendons à ce qu'il soit publié fin mars, début avril.
La présidente : Un point que vous avez clairement énoncé concernant cette réunion est que vous estimiez qu'il était crucial que nous nous attachions à bâtir des institutions plutôt que des programmes à l'avenir. On pourrait dire que les programmes viennent surtout d'Affaires autochtones et du Nord Canada, alors que les institutions seraient beaucoup plus indépendantes et gérées pas les Autochtones? Est-ce votre vision de ces institutions?
M. Newhouse : Oui. Un exemple d'institution est un organisme de soins de santé communautaire, un conseil de la santé autochtone, un conseil scolaire ou une école. Il est important que ces institutions soient gérées par des Autochtones, mais qu'elles soient aussi reliées à des organisations conventionnelles. Nous devons vivre ensemble. Nous devons trouver une façon de collaborer. Cela représente un type d'institution.
Il importe aussi que nous bâtissions des institutions à l'échelon municipal qui relient les communautés des Premières Nations aux processus de planification locaux. J'ai réalisé une étude sur l'économie des Six Nations pour le compte de la Commission royale sur les peuples autochtones il y a 20 ans. Nous avons conclu qu'il n'y avait aucun lien entre l'économie des Six Nations et les administrations locales/régionales ainsi que les conseils et comités de planification locaux. Il n'existait pas le moindre lien, si bien que, lorsqu'ils planifiaient, ils voyaient surtout les Six Nations comme un marché pour leurs produits. Ils ne voyaient pas au sein de leur communauté cette grande économie dynamique qui, à l'époque, injectait environ 190 millions de dollars dans l'économie locale.
Le sénateur Enverga : Je regardais votre liste. Comment saurons-nous que nous nous sommes réconciliés? Nous avons une vaste gamme de choses à accomplir. À ce stade, où placez-vous l'autonomie ou l'autodétermination? Est-elle censée s'inscrire dans la réconciliation?
M. Newhouse : Je pense qu'elle représente une partie essentielle de la réconciliation. Afin de favoriser l'autonomie, il vous faut des ressources, et pour gérer ces ressources et les utiliser à bon escient, il vous faut des institutions. Vous avez aussi besoin d'entreprises et d'une série d'institutions sociales qui aident les gens à participer afin de veiller à ce qu'ils soient en bonne santé, bien instruits et logés, et qu'ils aient une bonne estime de soi pour pratiquer leur culture et leurs langues et contribuer à la société en tant qu'Autochtones. L'autonomie n'a pas qu'une dimension économique; elle a aussi une dimension sociale.
Le sénateur Enverga : Vous avez mentionné quatre documents sur la réconciliation. Il semble qu'un processus soit en cours à l'heure actuelle. Pensez-vous que nous soyons sur la bonne voie? Pensez-vous que les mesures que nous avons prises nous permettront d'atteindre nos objectifs?
M. Newhouse : Voulez-vous une réponse honnête?
Le sénateur Enverga : Oui, s'il vous plaît.
M. Newhouse : J'enseigne aussi la gestion des affaires, et le problème est que nous ne gérons pas le processus. Nous ne faisons pas grand-chose pour nous aider à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.
Je veux attirer votre attention sur une diapositive intitulée « Gestion du processus? » Sans gérer le processus, il est très peu probable que nous atteignons nos objectifs en ce qui concerne la réconciliation. Les probabilités sont pratiquement nulles.
J'enseigne la réconciliation depuis trois ans. J'ai examiné ce qui fonctionne et ce qui accroît la probabilité de réussir. Le meilleur exemple que j'ai trouvé est un petit article publié par l'African Centre for Constructive Resolution of Disputes. Il porte sur la réconciliation au Libéria. Il définit la réconciliation comme une mesure complexe à long terme qui requiert aussi la participation de nombreux acteurs. Les auteurs affirment que trois éléments doivent être réunis pour réussir; ils se fondent sur l'expérience du Libéria après la guerre civile. Ils disent qu'il faut générer une masse critique de soutien public et politique. Le public doit être de la partie. Il faut prendre des mesures pour obtenir son soutien. Il faut aussi prendre des mesures pour faire en sorte que les politiciens participent au processus.
Deuxièmement, vous devez vous assurer que les structures que vous mettez en place pour favoriser la réconciliation sont perçues comme étant légitimes.
Enfin, vous devez promouvoir un type de programme cohérent pour favoriser la réconciliation.
Je regarde cela et me demande si les Canadiens le font. Nous avons le Centre national de la vérité et la réconciliation, dont le mandat consiste, en grande partie, à assurer une surveillance. Cependant, je n'arrête pas de me demander qui s'occupe de la masse critique de soutien public. Comment nous y prenons-nous pour susciter le soutien politique? Que fait le gouvernement pour générer cette masse critique? Que fait-on pour s'assurer que les politiciens souscrivent à ce principe à la grandeur du pays? Quelles structures met-on en place pour favoriser la réconciliation et en quoi consiste le programme de réconciliation? Comment nous y prendrons-nous pour y arriver?
Nous avons formulé 94 recommandations; c'est beaucoup. Seulement un certain nombre d'entre elles relèvent de la compétence fédérale. Alors en quoi consiste notre programme de réconciliation au-delà des 94 recommandations?
Dans une optique de gestion du processus pour obtenir un résultat, je me demande donc si ces choses ont été mises en place. Je dirais que la plupart d'entre elles ne l'ont pas été, et cela me fait, en quelque sorte, douter de ce que nous pouvons faire au chapitre de la réconciliation.
La présidente : Je me demande, monsieur Newhouse, si vous pouvez nous indiquer où trouver cette référence. Pouvez-vous nous envoyer ces renseignements par courriel ou autre pour que nous puissions retracer ce rapport?
M. Newhouse : D'accord, je le ferai.
Le sénateur Sinclair : Afin de pouvoir parler d'une nouvelle relation à l'échelon du comité, il me semble que nous devrions commencer à penser aux types de changements structurels que nous avons besoin de cerner et de régler. Commençons donc par la question de la Loi sur les Indiens. Que pensez-vous de la nature d'une quelconque structure législative qui doit être mise en place pour renouveler, raviver ou améliorer la relation entre les peuples autochtones et le Canada?
M. Newhouse : Premièrement, vous ne pouvez pas le faire en vous appuyant sur la Loi sur les Indiens, car elle trouve sa source dans le colonialisme. Il s'agit d'une loi de 1876, et vous lui demandez de faire, en 2017, des choses qu'elle n'était pas censée faire. Elle a été bricolée et modifiée. Au fil des ans, les gens ont essayé de la changer.
Ce qu'il faut faire, c'est commencer à penser à une nouvelle série de mesures législatives. Je ne pense pas qu'on ait le choix. Le défi, c'est de déterminer comment passer de la Loi sur les Indiens à cette nouvelle série de mesures législatives. Cependant, je crois qu'il est d'une importance capitale de trouver une façon de s'éloigner de la Loi sur les Indiens.
La commission royale a parlé d'une voie pour les Premières Nations, et elle a commencé à parler d'une nouvelle relation et des relations autochtones et financières. C'est un modèle à suivre pour commencer à y penser.
Le sénateur Sinclair : Ma question visait à vérifier si vous pouviez nous aider à encadrer la conversation que nous devons tenir concernant le type de loi dont nous avons besoin à l'avenir, le cas échéant. Je ne pense pas seulement à une loi visant les Autochtones, mais aussi à une loi pour les Inuits et les Métis, au besoin, qui aidera à définir la relation. Pourriez-vous vous prononcer sur le type de loi dont il est question?
M. Newhouse : Les trois groupes — les Premières Nations, les Inuits et les Métis — sont différents. Je pense qu'une solution législative unique ne fonctionnera pas. Il y a aussi différentes réalités.
La réalité des Premières Nations englobe les réserves et les communautés qui existent, depuis plus d'un siècle, à cause de la Loi sur les Indiens, et les gens ont des positions bien arrêtées à leur égard. Il faut donc penser à la façon de faire en sorte que ces terres soient protégées et puissent être utilisées de façon productive. Les gens commencent ensuite à nouer des relations avec les personnes qui les entourent.
J'ai observé de très près ce qui s'est passé avec la nation Nisga'a alors qu'elle s'est soustraite à la Loi sur les Indiens, a signé le traité et a maintenant commencé à privilégier la propriété en fief simple des terres lui appartenant et leur conservation. Ce pourrait être une façon de l'envisager comme un processus pour s'éloigner de la Loi sur les Indiens et d'adopter des mesures législatives pour faciliter ce processus.
Le sénateur Sinclair : Dans vos remarques, vous avez dit avoir travaillé avec la Commission royale sur les peuples autochtones dans les années 1990. Pourriez-vous parler du modèle de relation entre les peuples autochtones et non autochtones que la commission royale a recommandé et nous dire si vous pensez qu'il s'agit toujours d'un modèle viable pour la suite des choses?
M. Newhouse : La relation que la commission royale a préconisée était celle d'une relation autochtone à l'échelle nationale. Elle a parlé de créer des nations autochtones d'une façon ou d'une autre et proposé trois différentes façons d'établir cette relation.
Certains collègues et moi-même commençons à peine à nous pencher sur ce qui se passe sur le terrain depuis la Commission royale sur les peuples autochtones. Il est encore tôt, mais nous constatons déjà que les gens ont pensé à ces trois modèles et nous commençons à les voir émerger à la grandeur du pays. Le Nunavut est un exemple de gouvernement qui commence à voir un type de relation se développer autour des communautés d'intérêt et de l'éducation, et nous commençons à voir les gouvernements autochtones ressortir dans des domaines relatifs aux revendications territoriales et aux traités. Les trois modèles de relations commencent à émerger.
En grande partie, la question est celle de la reconnaissance du gouvernement. C'est bon que toutes ces choses se produisent mais, bien qu'elles donnent aux gens une certaine autonomie, autodétermination et autonomie gouvernementale, elles ne sont pas encore pleinement reconnues dans la structure de gouvernance au Canada. C'est la prochaine étape qu'il faut franchir.
Le sénateur Sinclair : Parlons de cette question pendant un moment. Pourriez-vous nous dire ce que vous estimez que les peuples autochtones doivent faire pour que la relation parte du bon pied?
M. Newhouse : Nous devons faire une gamme de choses. Nous devons réfléchir nous-mêmes à notre vision de la relation ainsi que de ces institutions et de leur fonctionnement. Nous devons faire le travail lié aux politiques qui s'y rapportent. Nous devons commencer à parler de nos idées aux responsables des administrations municipales, provinciales et territoriales. Nous devons commencer à nous renseigner sur notre vision de la façon dont les gouvernements autochtones cadreraient dans cette structure et à montrer que, dans les faits, ils y travaillent aussi.
Nous devons aussi travailler pour nous mettre à parler la langue de l'expérimentation et de la méthode par tâtonnements. Les gouvernements s'efforcent d'essayer des choses pour voir si elles fonctionnent et les remettent ensuite au banc d'essai.
Un de nos problèmes a été que nous nous attendons toujours à ce que tout fonctionne à la perfection; nous ne nous permettons pas de commettre des erreurs. Les gouvernements occidentaux ne se sont pas développés du jour au lendemain. Nous devons commencer à penser au processus d'établissement des relations, de développement des nations, de développement gouvernemental, et à le caractériser et à le présenter comme un processus plutôt qu'une fin en soi. Si nous le caractérisons comme un processus, nous nous permettons d'essayer différentes choses et, ce faisant, nous laissons tomber nos attentes de perfection.
Le sénateur Sinclair : Il est possible que nous revenions à la question de la structure et du changement dans une minute, mais je me demande si vous pourriez nous dire ce que vous pensez de l'importance de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et ce que, selon vous, le comité devrait dire concernant son utilité pour aider à définir la relation à l'avenir.
M. Newhouse : Je pense que la Déclaration des Nations Unies est fondamentale. Je ne crois pas qu'il soit possible de tenir une discussion sans s'y reporter, sans faire fond sur elle. Elle jette les bases de la discussion concernant la relation.
Le sénateur Sinclair : Comment voyez-vous ce document se retrouver intégré au dialogue sur la relation entre les Premières Nations et le Canada? Le voyez-vous comme un document auquel on doit donner force de loi ou plutôt comme des lignes directrices pour orienter la discussion? Comment suggérez-vous qu'on l'utilise à l'avenir?
M. Newhouse : C'est le véritable défi. Il s'agit d'un grand document; il faudra, selon moi, tenir un nombre incroyable de discussions pour en comprendre le fonctionnement.
J'ai un avis partagé sur ce point. Je me dis que nous devrions l'adopter en bloc et poursuivre sur notre lancée, mais je ne suis pas certain que ce soit pratique. Je pense que nous devrions plutôt l'utiliser comme ligne directrice pour ensuite dire que c'est ainsi que le Canada interprète ce principe. À ce stade, je le vois comme un guide d'interprétation, de législation et d'action du gouvernement.
Le sénateur Sinclair : Je veux parler un peu des traités. Compte tenu de votre réponse à ma première question concernant le rôle de la loi et la définition de la relation future et du fait que, selon vous, il serait difficile d'adopter une loi qui régirait la relation des trois groupes autochtones dans ce pays, je me demande si vous pourriez nous dire brièvement si vous voyez ces traités et le processus de conclusion de traités comme un moyen important de définir la future relation entre le Canada et les groupes autochtones, et entre les groupes autochtones mêmes.
M. Newhouse : Nous avons l'expérience des traités, nous en signons depuis longtemps entre nous et avec le Canada. Cela fait partie de notre tradition et de notre culture politique. Nous avons passé pas mal de temps à nous assurer que les Canadiens reconnaissaient les traités, et je pense que nous en sommes arrivés au point où ils le font dans une certaine mesure.
En conséquence, je ne voudrais pas que nous abandonnions tout cela pour changer de voie. Je dirais qu'il faut commencer par conclure plus de traités et tripler ceux que nous avons déjà signés de façon à pouvoir s'en servir pour bâtir des nations et améliorer nos efforts de conservation et d'autonomie gouvernementale. Nous avons parcouru trop de chemin pour faire marche arrière et dire que nos traités ne fonctionnent plus, qu'ils ne sont plus utiles. Ils font partie de la culture politique; ils s'inscrivent donc dans la façon dont nous commençons à faire les choses.
Le sénateur Sinclair : Merci, monsieur Newhouse.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup. J'apprécie beaucoup l'étendue de vos connaissances sur le sujet. C'est incroyable.
Je suis originaire de la Colombie-Britannique, et comme vous le savez, notre province n'a pas conclu bien des traités. La conclusion de traités occupe, en quelque sorte, l'esprit de tout le monde à ce stade. Les Premières Nations de Colombie-Britannique sont souvent des communautés vraiment petites qui, jadis, faisaient partie d'un groupe plus important. Je me demande s'il vaut la peine de regrouper les groupes culturels et linguistiques d'origine en organisations. Est-ce que cela se produit et est-ce que cela fait partie des mesures futures?
Si vous avez une communauté de Premières Nations qui est très petite et éloignée, il y a probablement peu de chances pour qu'elle finisse par former un système de gouvernance solide. Cependant, ensemble, collectivement, les Premières Nations devraient pouvoir rétablir leur culture et vraiment tirer parti de leur patrimoine collectif.
J'aimerais que vous vous prononciez sur la situation dès le premier contact ou même avant, si vous voulez, et sur la situation actuelle. Devrions-nous en tenir compte pour établir une nouvelle relation à l'avenir?
M. Newhouse : Même la commission royale abordait ce problème en disant qu'il était important pour les petits groupes de se rassembler. Ce qui est ressorti du processus de discussion, de dialogue et de débat était qu'entre 6 et 80 nations autochtones seraient plus grandes que les Premières Nations individuelles aujourd'hui. On reconnaît donc qu'il faut que cela se produise.
Selon moi, le défi consiste à déterminer comment faire pour amener les gens à prendre une telle mesure volontairement. Dans les années 1980, je travaillais au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, lorsque le Conseil du Trésor a décidé d'agrandir les bandes indiennes parce qu'il trouvait qu'elles étaient trop petites. Il a donc proposé de les regrouper afin d'obtenir des unités plus grandes, ce qui était plus efficace du point de vue administratif.
L'efficacité est une valeur importante, mais on ne peut pas gagner en efficacité dans un processus qui force les gens à devenir plus efficaces. Nous pouvons, à tout le moins, encourager certaines des structures en place — par exemple, les conseils tribaux et les alliances stratégiques — à se regrouper et à devenir des corps politiques et des nations de nature plus officielle.
En ce qui a trait à la création de nations autochtones, comme nous le savons, il s'agit d'un processus mouvementé qui exige beaucoup de discussions, de débats et de leadership.
La sénatrice Raine : Il y a quelques exemples qui montrent comment des nations se sont rassemblées. Prenons le cas de la nation Nisga'a, en Colombie-Britannique, dont les membres se sont réunis aux termes de leurs droits fonciers, et c'est exactement ce qu'ils ont fait.
On trouve également de bons exemples dans le domaine de l'éducation. En Colombie-Britannique, nous avons le Comité de coordination de l'éducation des Premières Nations. Dans les Maritimes, il y a bien entendu le Mi'kmaw Kina'matnewey, dont le regroupement s'est fait dans le cadre de programmes d'éducation linguistique et culturelle. Devrions-nous encourager cela dans d'autres régions du pays?
M. Newhouse : Je suis tout à fait d'accord pour encourager les gens à travailler ensemble, en groupes élargis, car c'est ainsi que l'on suscite le foisonnement d'idées et que l'on commence à exercer un poids politique.
La sénatrice Raine : La Loi sur la gestion des terres des premières nations prévoit un régime de gestion des terres, auquel peuvent adhérer toutes les Premières Nations. C'est, pour elles, une façon de se soustraire, pour ainsi dire, à certains des préceptes de la Loi sur les Indiens. Mentionnons aussi l'Administration financière des Premières Nations et la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations. Donc, comme vous l'avez dit tout à l'heure, certaines structures gouvernementales commencent à prendre forme. Cela fait-il partie des mesures que nous devons prendre à l'avenir? Y a-t-il moyen d'accélérer le processus?
M. Newhouse : Pour notre part, la voie de l'avenir repose, je crois, sur des dossiers précis, comme le pétrole et le gaz, l'éducation et la santé. En un sens, il s'agit de la troisième approche abordée par la commission royale, à savoir l'intérêt du gouvernement.
Je crois qu'on doit faire très attention parce qu'on risque alors d'avoir affaire à des nations autochtones développées. Nous voulons éviter à tout prix de prendre des mesures qui ne vont pas aider les nations autochtones à s'épanouir comme peuples.
La sénatrice Raine : Je n'ai pas trop compris votre réponse. Pourriez-vous me l'expliquer un peu plus en détail?
M. Newhouse : Quand on se met à créer, disons, une organisation chargée du secteur pétrolier et gazier ou de la santé, elle devient alors un centre de pouvoir qui rassemble des gens. En même temps, nous essayons de bâtir des nations autochtones, lesquelles participent ensuite à ces autres institutions, qu'il s'agisse du secteur pétrolier et gazier ou de la gestion des terres des Premières Nations. Si on n'est pas prudent, on risque de créer un conflit entre les deux. Nous devons veiller à ce que les mesures prises assurent la primauté des nations autochtones. C'est là que l'autorité politique entre en jeu.
La sénatrice Raine : En réalité, cela vient des gens.
M. Newhouse : Oui.
La sénatrice Raine : De nos jours, il y a souvent des points de vue conflictuels entre les peuples autochtones locaux et leurs structures politiques. Nous n'entendons pas toujours les mêmes messages.
M. Newhouse : À mon avis, c'est un problème d'ordre politique.
La sénatrice Raine : Oui. Nous vivons dans un monde politisé, mais comme vous l'avez indiqué à juste titre dans votre document, la politique publique ne devrait pas l'emporter sur l'opinion publique. Parfois, l'opinion publique ne correspond pas à celle des Autochtones; il s'agit surtout de l'opinion du grand public.
M. Newhouse : Oui.
La présidente : Monsieur Newhouse, je voudrais revenir sur les dernières questions que la sénatrice Raine vient de poser. J'aimerais connaître votre point de vue sur le rôle de ce qu'on pourrait appeler des organisations de base populaire, dirigées par des jeunes, par rapport à nos organisations politiques types, comme l'Assemblée des Premières Nations ou la nation métisse, et cetera. Il y a, bien entendu, un certain nombre d'organisations qui sont menées par des jeunes, comme Idle No More.
Quelle sorte de rôle entrevoyez-vous pour les organisations dirigées par des jeunes? En plus d'avoir un très grand nombre de membres, ces organisations sont très bien organisées et elles réclament le changement. Donc, d'après vous, comment peuvent-elles participer à ce qu'on pourrait appeler une nouvelle relation ou un processus de réconciliation?
M. Newhouse : Tout d'abord, je les considère comme indispensables à l'établissement d'une nouvelle relation. Au fond, les jeunes viendront nous remplacer pour ce qui est d'établir des relations. Encourageons-les à participer à l'édification de leurs organisations; aidons-les à acquérir des compétences en leadership, à formuler leurs idées et à accéder non seulement au système d'éducation canadien officiel, mais aussi à un enseignement axé sur les connaissances et la culture autochtones ainsi que les traditions et le patrimoine culturels qui leur sont propres. C'est, selon moi, extrêmement important.
Je considère aussi les jeunes comme une source de nouvelles idées, parce qu'ils abordent les questions d'un œil nouveau. Dans une certaine mesure, ils nous poussent à faire de même. Les plus âgés d'entre nous ont tendance à voir le monde d'une certaine façon. Un des aspects qui me plaisent dans l'enseignement universitaire, c'est que nous sommes constamment exposés aux idées des jeunes.
J'appuie fermement toute tentative de trouver de nouvelles façons d'aider les jeunes à devenir des chefs de file et à s'instruire afin qu'ils puissent mettre en commun leurs propres idées. Nous leur apprenons à travailler ensemble, à faire du lobbying, à miser sur leur volonté politique et à exercer une influence.
J'aime bien l'idée qui s'est fait jour dans nos collectivités en vue d'établir des conseils des jeunes qui font partie de nos activités quotidiennes, à titre d'acteurs politiques, dans un esprit collectif.
La présidente : Vous avez dit que, selon vous, il est nécessaire que nous, le gouvernement, aidions et encouragions les jeunes à devenir des chefs de file. D'après vous, comment cela pourrait-il se manifester en pratique? Qu'entendez-vous par là? Devrait-on offrir des programmes fédéraux ou accorder des fonds aux collectivités autochtones à cette fin précise? Comment envisagez-vous le tout?
M. Newhouse : Comme je l'ai dit, on peut s'y prendre de plusieurs façons, notamment par l'entremise de l'éducation institutionnelle, c'est-à-dire en encourageant les gens à s'instruire. C'est un point extrêmement important.
Si je ne me trompe pas, Natan Obed est titulaire d'un diplôme de l'Université Brown. Il connaît parfaitement bien sa langue, sa culture et ses traditions. Il sait donc comment mettre à profit ses origines culturelles et ses idées inspirées de son expérience de sociologue. C'est, selon moi, un des éléments du processus.
Le deuxième aspect concerne un sujet auquel nous ne prêtons guère attention : le mentorat ou, plus précisément, la création de programmes de mentorat dans le cadre desquels les étudiants, c'est-à-dire les jeunes, peuvent travailler avec nous au sein de nos organisations pour en apprendre les rouages. Nous pouvons les aider à acquérir certaines de ces compétences en leadership. Il n'y a rien de mieux qu'un apprentissage pratique sur le terrain pour aider les jeunes à devenir de grands dirigeants. À mon avis, cet aspect revêt une importance cruciale.
Troisièmement, nous pouvons également offrir ce mentorat à nos jeunes dans le contexte des organisations conventionnelles pour qu'ils apprennent comment fonctionne ce genre de milieu et comment travailler avec les autres, notamment lorsqu'ils doivent interagir avec des gens qui ne sont pas toujours d'accord avec eux.
Je ne perds pas de vue les propos d'un de mes collègues, qui est avocat : on doit comprendre l'argument de son adversaire. Bien entendu, il ne s'agit pas en l'occurrence d'adversaires, mais il faut comprendre l'argument des autres afin de travailler efficacement avec eux et d'atteindre certains des résultats escomptés.
La sénatrice Martin : Monsieur Newhouse, je vais revenir sur la question que la présidente vient de poser sur les moyens d'appuyer les jeunes et de les amener à prendre leur destinée en main.
La semaine dernière, nous avons reçu comme témoins des professeurs de Victoria, qui nous ont parlé des divers mouvements et activités lancés par les jeunes de partout au pays. Selon eux, si on pouvait assurer une coordination de ces activités — non pas des activités elles-mêmes, mais plutôt des jeunes et de leurs dirigeants —, ce serait d'un grand secours pour les jeunes qui y participent. Je me rappelle m'être demandé qui serait à même d'assurer une telle coordination.
Dans votre diapositive sur la gestion du processus, un des défis consiste à accorder la priorité à l'uniformité et à la coordination de telles activités grâce à un programme conçu à cette fin. Trouve-t-on, au sein des groupes autochtones, des entités qui pourraient assurer une telle coordination?
Parlons maintenant des jeunes et de l'éducation, un domaine administré à l'échelle provinciale. Je sais qu'il existe de très bons programmes d'éducation, mais pour les collectivités autochtones, comment cette coordination et cette uniformité se traduisent-elles? Quels groupes ou organismes seraient les mieux placés pour s'en occuper? Je crois qu'il s'agit d'un effort très important, et c'est un défi dans un pays aussi vaste que le nôtre, où il y a tant de groupes et d'activités qui entrent en ligne de compte.
M. Newhouse : J'ai un faible pour les centres d'amitié. J'y participe depuis 40 ans. J'ai vu ce qu'ils peuvent faire et comment ils peuvent influer sur nos collectivités. Toute organisation qui met l'accent sur le service au même titre qu'un centre d'amitié pourra accomplir ce genre de travail avec grande efficacité. La plupart des centres d'amitié offrent maintenant des programmes jeunesse, notamment des programmes de leadership pour les jeunes. Ils réunissent un vaste éventail de personnes, dont des aînés, des éducateurs et des guérisseurs.
Je pense que les centres d'amitié pourraient coordonner ces efforts. Le défi consiste à essayer de trouver une façon de travailler plus efficacement dans les réserves et dans les collectivités rurales.
La sénatrice Martin : Je suis d'accord avec vous pour dire que les centres d'amitié seraient très efficaces.
Ont-ils la capacité, en ce moment, d'assumer un tel rôle de coordination? Que faudrait-il pour en accroître la capacité? Bien entendu, il y a le financement, mais ont-ils l'appui des groupes communautaires autochtones? Sont-ils considérés comme des organisations de premier plan pour jouer un tel rôle, c'est-à-dire pour réaliser des projets et offrir des services qui faciliteraient l'atteinte des objectifs dont nous parlons?
M. Newhouse : Tous les centres d'amitié dont j'ai connaissance ont fait un excellent travail pour ce qui est de nouer des relations et de commencer à rassembler les individus et les collectivités autochtones et non autochtones. Tant que les centres d'amitié mettent l'accent sur ce service, à savoir le développement des jeunes, et tant qu'ils ne sont pas perçus comme une menace dans le processus, je crois alors qu'ils peuvent accomplir ce travail.
La plupart d'entre eux ont la capacité nécessaire, mais je pense qu'il faudrait au moins un certain appui pour des programmes de leadership et de développement. La majeure partie du financement des centres provient de programmes sociaux et vise des problèmes sociaux.
La sénatrice Martin : Sont-ils suffisamment nombreux dans l'ensemble du Canada pour pouvoir jouer un tel rôle? Y a-t-il d'autres partenaires qui pourraient collaborer avec les centres d'amitié dans les endroits où ces services ne seraient peut-être pas disponibles?
M. Newhouse : Il y a 118 centres d'un bout à l'autre du pays, dans la plupart des centres urbains, petits et grands.
La sénatrice McPhedran : Monsieur Newhouse, merci beaucoup de votre exposé et de vos réponses réfléchies. Je vais poursuivre un peu dans le sens de la question posée par la sénatrice Dyck, mais j'aimerais que nous nous attardions sur les femmes autochtones.
Bon nombre des organisations communautaires sont dirigées par des femmes, et de plus en plus de chefs sont des femmes; on trouve donc des organisations solides qui sont dirigées par des femmes autochtones et qui s'occupent activement de questions touchant les femmes et, dans une large mesure, leur famille.
Je me suis occupée d'un litige en 1991, lorsque l'Association des femmes autochtones du Canada avait été exclue des discussions à l'époque de l'accord de Charlottetown. Je décèle l'apparition d'une tendance similaire : à l'heure actuelle, le premier ministre a indiqué qu'on consultera les organisations nationales des Premières Nations, des Inuits et des Métis, mais ces groupes sont des organisations dirigées uniquement par des hommes. Il ne semble pas y avoir de place pour le type de groupes dont nous discutons : des groupes dirigés par les jeunes, les femmes et les collectivités.
Avez-vous des observations à faire sur le modèle à adopter? Devons-nous favoriser une plus grande inclusion dans le processus?
M. Newhouse : Je crois qu'il serait utile de rappeler au premier ministre que nous sommes en 2017, que les femmes représentent 50 p. 100 de la population, voire un peu plus, et que l'époque de l'exclusion est révolue. Quatre-vingts pour cent de nos étudiants autochtones à Trent sont des femmes, et les femmes occupent des postes de direction dans toutes les organisations à Peterborough. Ainsi, c'est une femme qui occupe le poste de directeur exécutif de l'organisation de santé. Il en va de même pour le centre d'amitié. Les femmes sont des dirigeantes extrêmement importantes et influentes au sein de nos collectivités. Nous devons, à tout le moins, continuer de faire pression pour nous assurer que les femmes se font entendre lorsque les organisations féminines ne sont pas incluses. Je crois que nous pouvons nous appuyer sur le point de vue du premier ministre lorsqu'il s'est fait interroger sur la composition de son Cabinet et sur la raison pour laquelle on y trouve 50 p. 100 de femmes. Les pressions en ce sens permettront également d'obtenir des résultats.
J'aime bien la façon dont nous avons commencé à assurer la diversité au sein de nos collectivités, sur le plan structurel, par la création de conseils des jeunes et de conseils des aînés et, à certains égards, par l'intégration des femmes dans le processus politique collectif. Elles sont moins nombreuses, je crois, que les aînés et les jeunes, mais nous avons au moins amorcé une discussion sur le sujet.
De toute évidence, nous ne pouvons pas aller de l'avant et nous développer sans l'intervention ou le leadership des femmes.
La sénatrice McPhedran : Monsieur Newhouse, je me demande si nous pouvons aller encore plus loin en imaginant un scénario où, comme dans le cas de l'accord de Charlottetown, le gouvernement et les organisations autochtones demeurent inflexibles et excluent essentiellement les femmes du processus.
Si nous devions faire face à une situation semblable, avez-vous des idées quant aux mesures à prendre au sein des collectivités autochtones du pays afin d'accroître la souplesse en créant des frontières plus poreuses pour assurer une meilleure inclusion des jeunes et des femmes dans le processus officiel destiné à établir une relation de nation à nation?
M. Newhouse : Je crois que nous faisons un retour en arrière et nous commençons à parler du rôle des femmes et des jeunes dans nos propres traditions. Nous parlons de la façon dont les collectivités autochtones voient les femmes et leur rôle dans nos propres milieux politiques d'un point de vue traditionnel. C'est ainsi que nous commençons à faire avancer ces idées.
Si cette approche ne produit pas grand changement, il faut alors trouver des moyens de s'organiser. À cette fin, je ne vois pas d'autres choix que de commencer à utiliser les organisations existantes pour dénoncer très vigoureusement l'incohérence sur le plan de l'inclusion des femmes et des jeunes en 2017.
La sénatrice McPhedran : Ai-je raison d'en déduire qu'il y aurait une alliance entre les hommes et les femmes dans ce dossier et que certains hommes seraient également en faveur de cette position?
M. Newhouse : Oui, je crois bien.
Le sénateur Watt : Merci, monsieur Newhouse. Je vais faire de mon mieux pour m'assurer d'avoir bien compris vos observations préliminaires. Je n'ai pas entendu bon nombre de vos arguments parce que nous avons des problèmes avec le son.
Tout d'abord, j'ai une question pour vous. Je sais que je ne fais pas partie des Premières Nations; je suis un Inuk de l'Arctique. Si je me souviens bien, le préambule aux négociations constitutionnelles de 1982 portait sur une partie des régions couvertes aujourd'hui. En ce qui concerne ce que vous avez dit sur le concept de fief simple, et comme je connais mes concitoyens canadiens ou mes concitoyens autochtones, je crois que les Premières Nations ne sont pas tout à fait prêtes à accepter d'avoir des terres en fief simple.
Si nous renonçons au concept de fief simple, avez-vous réfléchi à ce qui pourrait être l'alternative? Une autre façon de regarder cela, c'est de reconnaître le fait que les personnes avec lesquelles nous traitons sont les premiers habitants de ce territoire. À l'heure actuelle, ils sont dans une situation difficile puisqu'ils n'ont pas les pouvoirs, l'autorité et l'argent nécessaires pour continuer à profiter de ce qu'ils avaient autrefois. Comment répondez-vous à cela?
M. Newhouse : Ma réflexion à cet égard me renvoie à la question du pouvoir. Le gouvernement fédéral avait un pouvoir énorme et il a imposé un régime juridique particulier aux peuples autochtones. Ce régime de propriété foncière en fief simple n'a pas été perçu comme étant cohérent ou comme étant un moyen de garantir la protection et l'utilisation collective des terres indiennes.
J'aime l'approche que les Nisga'a ont adoptée pour déterminer à qui revient le droit de propriété lorsque quelque chose comme une faillite se produit; avant de revenir à l'État, le droit de propriété revient d'abord aux Nisga'a. Ce n'est qu'avec cette disposition que l'on pourra définir à quoi pourrait ressembler un régime de gestion des terres apte à fournir une protection. Une façon de faire serait de modifier le droit de propriété sous-jacent pour que ce droit revienne à un groupe autochtone plutôt qu'à l'État.
Je n'ai pas vu d'étude sur ce qui est arrivé aux Nisga'a depuis qu'ils ont adopté cette approche. Ce changement a fait l'objet d'importants débats et j'ai pu prendre connaissance de certains d'entre eux. Il reste cependant une peur sous- jacente dont nous devons tenir compte, soit celle de perdre nos terres si nous n'agissons pas collectivement et si nous nous laissons imposer le concept de fief simple. Ce n'est vraiment pas ce que les gens veulent.
Le sénateur Watt : Si je vous comprends bien, vous êtes en train de nous dire qu'il n'y a pas, à ce jour, de modèle ou de concept parfait pour régler correctement ces questions. Est-ce exact?
M. Newhouse : Oui. Nous n'avons pas de moyen efficace pour régler cela.
Le sénateur Watt : Ma prochaine question porte sur les compétences des deux structures gouvernementales. Il y a la compétence fédérale d'un côté, et la compétence provinciale de l'autre. Je sais pertinemment que les Premières Nations — mes frères — ont indiqué qu'elles ne voulaient rien avoir à faire avec les questions de compétence provinciale et qu'elles souhaitaient rester sous la compétence du gouvernement fédéral. Que pensez-vous de cela?
M. Newhouse : Ce n'est pas une chose à laquelle j'ai particulièrement réfléchi. Je soulignerai qu'à l'heure actuelle, les chefs des Premières Nations traitent abondamment avec les provinces, et que les provinces s'occupent maintenant d'affaires autochtones, et ce, en des termes qui auraient été impensables en 1969. En 1969, les chefs indiens, comme on les appelait à l'époque, résistaient à l'engagement des provinces et s'opposaient au souhait du gouvernement fédéral de remettre les affaires autochtones entre les mains des provinces et de renoncer à sa compétence en la matière. Les chefs ont affirmé qu'ils voulaient rester aussi sous compétence fédérale. Cependant, au cours des 40 dernières années, les provinces ont pris une place de plus en plus grande dans les affaires autochtones. Étant donné cet état de fait, comment devrions-nous structurer cet engagement?
Je ne suis pas constitutionnaliste et je ne travaille pas dans le domaine juridique, alors je n'ai pas beaucoup réfléchi sur la façon de structurer ces relations. Je soulignerai cependant que nous sommes partis d'une situation où les provinces n'avaient pratiquement rien à voir avec les affaires autochtones pour en arriver à une situation où elles s'en occupent abondamment.
Le sénateur Watt : Je ne suis pas certain d'avoir bien saisi. Pouvez-vous répéter la dernière partie de votre réponse? Je ne l'ai pas comprise.
M. Newhouse : Nous sommes partis d'une situation, en 1969, où l'engagement à l'égard des « affaires indiennes », comme on les appelait à l'époque, était limité. On présumait que tout ce qui concernait les Indiens relevait du gouvernement fédéral. Or, les choses ont changé. À l'heure actuelle, pratiquement toutes les provinces ont un ministère des affaires autochtones et de la réconciliation, et elles sont très engagées dans les affaires autochtones.
Je ne sais pas si cette structure est la bonne, mais je sais que de nombreux programmes d'éducation et de santé autochtones sont de compétence provinciale. La capacité d'offrir des services est provinciale.
Le sénateur Watt : Pour continuer dans cette veine des deux paliers de compétence, sachez que nous, les Inuits, avons évolué dans la direction dont vous avez parlé tout à l'heure, c'est-à-dire que nous cherchons à consacrer une partie de notre temps à la création d'institutions pour traiter des questions d'éducation, de santé, d'économie, de logement, de culture et d'environnement. Il y a de nombreux domaines où nous devons prendre notre place, et vous avez parlé de la nécessité de créer des institutions qui nous permettront d'avancer comme nous l'entendons. C'est en fait ce qui s'est produit dans la société inuite, au Québec, après la baie James. Il y a donc maintenant une commission scolaire que nous contrôlons, et le ministre n'y a aucun pouvoir d'interdiction. De surcroît, nous bénéficions d'une exemption à l'égard de la loi sur la langue. Ces acquis ont été remportés grâce à des négociations.
Je présume que ce que vous dites, c'est que nous n'avons pas le choix, et que nous devons solliciter l'engagement des gouvernements provinciaux si vous voulons avancer. Vous ai-je bien compris?
M. Newhouse : À l'heure actuelle, je dirais que l'engagement des provinces est essentiel.
[Français]
La sénatrice Mégie : J'aimerais revenir à la question des jeunes. C'est bien, les centres d'amitié, le mentorat et tout cela. Cependant, je vais extrapoler dans une autre réalité qui est celle de la communauté haïtienne, où les jeunes ne suivent pas beaucoup les conseils qu'on leur donne. On leur remet la gestion de certaines associations, mais ils disent qu'ils ne peuvent nous suivre, parce qu'ils n'ont pas le même vécu. Par exemple, ils n'ont pas vécu l'immigration; ils sont nés au Canada, ils n'ont pas vécu la dictature que leurs parents ont vécue. Ils nous disent qu'ils n'ont pas les mêmes valeurs. Donc, ils nous écoutent, mais nous devons les laisser faire comme bon leur semble.
Avez-vous vécu la même situation avec vos jeunes, dans les centres d'amitié ou dans d'autres instances?
[Traduction]
M. Newhouse : Je dirais que c'est aussi le commencement. Je peux m'appuyer sur mon expérience dans l'enseignement universitaire aux jeunes autochtones, et sur les conversations que j'ai eues avec eux au sujet des choses qu'ils ont vécues. Les étudiants d'aujourd'hui sont probablement nés il y a une vingtaine d'années, vers 1996. La commission royale, tous les débats constitutionnels, tout l'activisme des années 1980 et celui qui a suivi le Livre blanc, tout cela, pour eux, c'est de l'histoire ancienne. Cela ne fait pas partie de leur vécu. Ce qui est important pour eux, c'est de comprendre leurs propres traditions, leur culture et leur langue, de trouver un emploi et une façon de bien gagner leur vie, et aussi, de redonner quelque chose à leur communauté.
Ils procèdent à partir d'expériences différentes de celles que nous, cinquantenaires et sexagénaires, avons vécues. Il ne fait aucun doute qu'il va y avoir certaines différences et qu'ils vont faire les choses autrement. Une partie du défi consiste à les aider à comprendre ce que nous avons dû surmonter et à les aider à bâtir un monde qui a un sens pour eux.
Les aînés qui enseignent avec nous, à Trent, disent que ce que nous devons faire, c'est aider nos jeunes à vivre dans le monde où ils nous trouvent en se servant de leurs propres idées en matière de culture, de traditions et de coutumes.
Je sais pertinemment qu'il y aura des différences, et c'est la réalité que je vis sur une base quotidienne en enseignant aux jeunes.
Ce que j'ai appris, c'est qu'il faut essayer de les aider à comprendre ce que nous avons dû surmonter et le monde dans lequel ils vivent. Nous devons les aider à réfléchir sur ce qu'ils peuvent faire pour apporter leur contribution à ce monde, car ils tiennent tous à apporter une contribution. Ils ne pensent pas qu'aux emplois. Ils vont à l'université parce qu'ils souhaitent contribuer à leur monde et donner un sens à leur vie.
La présidente : Monsieur Newhouse, au nom du comité, je vous remercie de votre comparution de ce soir. Je vous remercie également d'avoir répondu à la très grande variété de questions que les sénateurs vous ont posées. Nous avons assurément appris beaucoup de choses grâce à vous, et votre témoignage nous sera d'une grande utilité pour notre étude, laquelle devrait durer un an ou un an et demi.
Merci de votre exposé.
(La séance est levée.)