Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule no 20 - Témoignages du 11 avril 2017
OTTAWA, le mardi 11 avril 2017
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 3, pour étudier les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui suivent cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ici même, dans la salle, ou sur le Web.
Dans un esprit de réconciliation, je tiens à souligner que nous nous réunissons sur les terres ancestrales et non cédées des peuples algonquins.
Je m'appelle Lillian Dyck. Je viens de la Saskatchewan et j'ai le privilège de présider le Comité permanent des peuples autochtones. Avant de commencer, j'inviterais les sénateurs à se présenter, en commençant par ceux qui sont à ma gauche.
Le sénateur Christmas : Sénateur Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Sinclair : Sénateur Murray Sinclair, du Manitoba.
La sénatrice Pate : Kim Pate, de l'Ontario.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, sénateur de l'Ontario.
La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.
Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve.
La présidente : Merci. Souhaitons la bienvenue au sénateur Doyle, qui vient de s'ajouter au comité. Il y a un autre sénateur qui entre dans la pièce à l'instant. Bonjour, sénateur Oh.
Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur ce à quoi pourraient ressembler de nouvelles relations entre le gouvernement et les Premières Nations, les Inuits et les Métis au Canada. Nous sommes heureux d'accueillir des représentants de l'École polytechnique des Six Nations, qui vont nous parler d'éducation.
Souhaitons la bienvenue à nos témoins de ce matin : Rebecca Jamieson, qui est présidente de l'École polytechnique des Six Nations et qui sera notre première présentatrice. Elle sera suivie de M. Rongo Wetere, qui est consultant et conseiller international spécial.
Après vos exposés, les sénateurs pourront poser leurs questions. Madame Jamieson, veuillez commencer.
Rebecca Jamieson, présidente, École polytechnique des Six Nations : Merci beaucoup. Nous sommes très heureux d'être ici. Je vous transmets les excuses de la chef Ava Hill et du chef Isadore Day des Six Nations, qui avaient tous deux des engagements et qui ne peuvent être avec nous en chair et en os. Je sais toutefois qu'ils sont ici par leur soutien à notre égard.
Nous avons récemment soumis un mémoire au Sénat. Aujourd'hui, nous avons un autre document que nous souhaitons déposer à la Chambre haute. Mon exposé portera sur les deux documents.
Nous sommes ici pour vous parler de la façon dont les nouvelles relations avec les Autochtones pourraient se concrétiser grâce à une approche innovatrice en matière d'éducation, une approche fondée sur l'enseignement autochtone.
Les Six Nations ont une longue tradition de travail en partenariat. Nous avons jeté les bases des relations entourant les traités, que l'on appelle aussi ceintures wampum. La plus connue est parfois appelée le wampum à deux rangs ou le Deyohate Guswenta, ce qui signifie deux chemins pour deux peuples qui continuent à vivre en se respectant mutuellement et dans un esprit de durabilité bénéfique pour les deux.
En raison de notre expérience collective, nous sommes maintenant engagés dans un processus pour retrouver, revitaliser et réhabiliter nos façons d'apprendre, de vivre et d'être. Nous honorons la vérité et nous nous réconcilions pour l'avenir. L'une des façons d'arriver là où nous voulons être, c'est de miser sur l'éducation.
L'École polytechnique des Six Nations, est un organisme postsecondaire unique en son genre. La communauté, l'État et les établissements d'enseignement supérieur nous reconnaissent en tant que centre d'excellence pour le savoir autochtone. Nous existons depuis 1993. L'école a été fondée par une communauté de personnes dont l'histoire a commencé bien avant la formation des États-Unis et du Canada, une communauté avec un savoir autochtone immense et une vision du monde pérenne. Nous sommes au cœur de la Première Nation la plus populeuse du Canada, une collectivité composée de six nations haudenosaunee distinctes possédant chacune leur langue : les nations Mohawk, Cayuga, Onondaga, Oneida, Seneca et Tuscarora.
Nous assumons une obligation particulière à l'endroit des Six Nations; nous sommes l'établissement postsecondaire officiel qui doit veiller à ce que notre savoir et nos langues ne disparaissent pas de la surface de la Terre. Aucun autre établissement d'enseignement supérieur n'a cette responsabilité. Nous prenons cette responsabilité au sérieux et nous avons dû nous astreindre au processus laborieux présidant à l'obtention du consentement ministériel nécessaire pour offrir le premier programme distinct en langues ogwehoweh au pays. Les premiers finissants de ce programme recevront leur diplôme en juin.
Nous nous sommes donné des assises solides et nous avons acquis une réputation enviable dans le paysage de l'enseignement postsecondaire pour ce qui est d'intégrer les façons autochtones d'apprendre et de vivre, intégration que nous avons réussie grâce aux relations mutuellement bénéfiques que nous entretenons avec nos partenaires du milieu de l'enseignement postsecondaire. Comme vous le savez, il y a un énorme écart — un écart grandissant — au Canada entre l'éducation, la participation et les taux de diplomation des Autochtones et des non-Autochtones, un écart que nous ne pouvons plus ignorer. Cet écart nous préoccupe énormément. Ce que nous proposons aujourd'hui, c'est un plan susceptible d'aider à combler cet écart problématique.
Nous sommes d'avis qu'il est possible de combler cet écart en Ontario d'ici cinq ans. Nous croyons que c'est un objectif réalisable. Ce qu'il nous faut, c'est un enseignement autochtone adéquatement financé qui serait offert dans des lieux d'apprentissage appuyant directement le recouvrement, la revitalisation et la réhabilitation de la dignité autochtone.
Ce dont nous avons besoin, c'est d'un enseignement autochtone, d'un enseignement qui cessera de contribuer à la marginalisation des apprenants autochtones. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un enseignement autochtone qui fera tomber les barrières qui bloquent l'accès à l'éducation. Le temps est venu d'utiliser à plein les stratégies qui fonctionnent. Nous savons que les étudiants réussissent très bien lorsqu'ils sont dans un environnement fidèle aux façons de faire autochtones. Nous pourrons combler l'écart grâce à ces démarches, pour peu que nous les accompagnions de stratégies de retour à l'école axées sur la réussite adéquatement financées à l'intention des apprenants adultes et d'un enseignement apte à prévenir le décrochage chez les jeunes apprenants. Le temps est venu pour les peuples autochtones de se réapproprier l'enseignement qui leur est destiné et de l'adapter à leurs aspirations par l'intermédiaire d'une première université autochtone en Ontario.
Les Autochtones ont tendance à être marginalisés en société. Étant donné l'histoire d'injustice qui est la nôtre, nous avons des revenus moindres que les familles non autochtones et un taux de suicide plus élevé. Nous sommes plus enclins à nous retrouver en prison et notre espérance de vie est beaucoup plus courte que celle des Ontariens non autochtones. Il a été clairement démontré que l'enseignement postsecondaire peut aider à combler ces écarts de mieux- être présents dans notre société.
Quelle est l'amplitude de l'écart que nous cherchons à combler en matière de réussite scolaire? En 2000, le rapport du vérificateur général prédisait qu'il faudrait 20 ans pour combler l'écart en matière de réussite chez les Autochtones. Onze ans plus tard, en 2011, on prévoyait que cet écart ne serait pas comblé d'ici 2020, mais plutôt d'ici 2050, ce qui est très décourageant.
Pourquoi cet écart existe-t-il? Même aujourd'hui, 150 ans après la Confédération, le chemin intimidant qu'il convient de suivre pour accéder aux collèges et aux universités du pays fait en sorte que des milliers d'Autochtones se retrouvent sans qualifications scolaires, soit dans une proportion beaucoup plus grande que pour les non-Autochtones.
Quels sont ces obstacles qui bloquent le chemin? La croissance élevée de la population des collectivités et l'imposition d'un gel de 20 ans en matière de financement ont fait chuter le nombre d'étudiants qui ont été financés pour des études postsecondaires depuis 1996. À cause du plafonnement des dépenses à 300 millions de dollars par an et de la hausse annuelle des coûts atteignant les 6.5 p. 100, le nombre d'étudiants financés a diminué d'environ 2 700 par an. Le gel de 20 ans du financement se sera donc traduit par un recul de 54 000 étudiants.
La participation à l'éducation postsecondaire chez les non-Autochtones a augmenté au cours des 20 dernières années, mais pas autant chez les Autochtones. Bien qu'il y ait eu des réussites en enseignement postsecondaire tant chez les Autochtones que chez les non-Autochtones, l'écart à ce chapitre ne fait qu'augmenter. À preuve, entre 1996 et 2011, cet écart a crû de 15 points de pourcentage.
Le plafonnement du financement de la participation à l'éducation postsecondaire a fait faire du sur place aux réussites des Premières Nations en matière d'éducation postsecondaire. Dans les établissements d'enseignement autochtones de l'Ontario, nos taux de réussite et de diplomation sont beaucoup plus élevés que dans le système public ordinaire; les taux de réussite oscillent entre 75 et 95 p. 100. Néanmoins, le financement que nous recevons n'est pas proportionnellement égal à celui du système ordinaire.
Le deuxième grand obstacle, c'est le fait que nous ne sommes pas en mesure de participer avec une certaine chance de réussite puisque l'enseignement primaire et secondaire ne convient pas à la majorité des étudiants autochtones. Dans ma communauté de Six Nations, nous envoyons chaque année une centaine d'étudiants à l'école secondaire, et nous nous estimons chanceux lorsque trente d'entre eux obtiennent leur diplôme au bout de quatre ans. C'est ce qui se passe à Six Nations, dans le sud de l'Ontario.
Que se passe-t-il lorsque cette tendance se maintient? La population d'adultes sans éducation secondaire s'accroît. Ce sont des gens qui n'ont pas les compétences voulues pour poursuivre leur éducation et pour garder un emploi stable et de bonne tenue. Il y a beaucoup d'exemples de cela. Par exemple, le rapport annuel 2012-2013 du Saskatchewan Indian Institute of Technologies — ou l'institut de technologie amérindien de la Saskatchewan — nous informe que 1 563 étudiants ont présenté une demande d'admission. De ce nombre, 612 ont été acceptés — soit moins de la moitié — et, de ces 612, 248 ont obtenu leur diplôme, soit 36 p. 100, un taux pitoyable de participation et de réussite.
Nous avons aussi un certain nombre de jeunes adultes qui sont acceptés dans des établissements d'enseignement postsecondaire en fonction des résultats gonflés qu'ils ont obtenus au secondaire, et qui ne font qu'être recalés d'un programme d'entrée à l'autre. Un examen des différents rapports qui ont été mentionnés et des résultats affichés par le Collège Algonquin montre que les étudiants peinent à obtenir leur diplôme parce qu'ils ne sont pas préparés adéquatement pour des études postsecondaires.
Si l'on analyse toutes ces données, la question qui s'impose est ceci : comment le fait de répéter la même chose d'une année à l'autre permettra-t-il d'améliorer les résultats? Dans son rapport de janvier 2010, Mme Maxwell indique :
Le fait que des étudiants du secondaire reçoivent leur diplôme sans avoir obtenu le niveau 3 rend compte des standards médiocres qui s'appliquent à l'intérieur et à l'extérieur des réserves au Canada.
La coalition pour l'alphabétisation des Autochtones en Ontario — l'Ontario Native Literacy Coalition —, la seule de ce type à compter 23 fournisseurs, confirme le nombre élevé de diplômés du secondaire qui sollicitent son aide pour réussir leurs études postsecondaires. Comme cela a été dit tout à l'heure, ce dont nous avons besoin, c'est d'un enseignement autochtone qui serait offert dans des lieux d'apprentissage qui appuient directement le recouvrement, la revitalisation et la réhabilitation de la dignité autochtone. Nous avons besoin d'un enseignement qui cessera de contribuer à la marginalisation des apprenants autochtones. Il nous faut un enseignement qui fera tomber les barrières qui bloquent l'accès à l'éducation. Le temps est venu d'appliquer à fond les stratégies qui fonctionnent.
Comme je l'ai dit, nous savons que les étudiants réussissent très bien lorsqu'ils étudient dans un environnement d'apprentissage fidèle aux façons de faire autochtones. L'offre d'un tel environnement assorti de ressources adéquates, la focalisation sur la réinsertion des apprenants adultes et la prévention du décrochage chez les jeunes apprenants nous permettront de combler rapidement l'écart. Le temps est venu pour les peuples autochtones de se réapproprier l'enseignement qui leur est destiné par l'intermédiaire d'une première université autochtone en Ontario.
La création de cette université devrait être accueillie avec une ouverture d'esprit particulière, car nous allons aiguiller les étudiants sur des programmes professionnels qui ne sont pas offerts dans le secteur universitaire. Les barrières qui bloquent l'accès à l'éducation postsecondaire seront supprimées grâce à une amélioration de l'offre en matière d'acquisition des compétences essentielles pour réussir à ce niveau. Avec un soutien adéquat, les étudiants autochtones peuvent accéder au système d'enseignement postsecondaire de l'Ontario et y exceller.
En tant que première université autochtone en Ontario, l'École polytechnique des Six Nations aura besoin d'un soutien financier pour relever de façon substantielle le taux de diplomation grâce à des cours qui mettent l'accent sur l'amélioration des compétences. Offerts dans les collectivités, ces cours coûtent beaucoup moins cher et ils peuvent accélérer la réussite postsecondaire et relever singulièrement le taux de diplomation. Ils peuvent aider les étudiants à passer, et ils sont la meilleure façon d'utiliser l'argent des contribuables. Pour concrétiser cela, nous avons les ingrédients. Il s'agit simplement de les utiliser et de les combiner de façon novatrice.
Par exemple, en Ontario, la transformation du Régime d'aide financière aux étudiantes et étudiants qui est en cours offre des possibilités très intéressantes. La bonification des bourses d'études est un changement de politique visionnaire qui peut aller loin. L'accès gratuit à l'éducation postsecondaire pour les adultes de ménages à faible revenu qui, normalement, n'iraient pas dans les collèges et les universités concerne des milliers d'étudiants autochtones potentiels en Ontario. Si les bourses d'études et l'aide financière offertes par le Régime d'aide financière aux étudiantes et étudiants de l'Ontario peuvent être étendues à la stratégie de réintégration des apprenants adultes proposée par l'intermédiaire de la première université autochtone en Ontario, le premier pas névralgique pour refermer l'écart aura été fait. Les voies pour une éducation permanente auront été ouvertes et nos partenaires en profiteront. Au terme de tout cela, c'est la société en entier qui en profitera.
Le vrai avantage économique découlant d'une approche autochtone inclusive pour relever les taux de participation a été souligné à plusieurs reprises par des économistes canadiens. Le problème d'écart n'est pas tellement différent de celui qui existait entre les Maoris et les non-Maoris de la Nouvelle-Zélande, et la solution ressemble à celle qui a été appliquée là-bas. L'incidence sur le taux de participation des Maoris est un exemple de ce qui est réalisable maintenant en Ontario, où se trouve la plus importante population autochtone au Canada.
La création de l'université maorie est aussi devenue un catalyseur qui a incité les établissements ordinaires à améliorer leurs services et à offrir une formation graduelle pour permettre aux étudiants maoris d'accéder à des programmes d'études supérieures que n'offrait pas l'université maorie.
À l'École polytechnique des Six Nations, nous avons la capacité et la vision nécessaires pour devenir la première université autochtone en Ontario, pour peu que le projet soit approuvé. Nous serons en mesure d'assumer l'offre de cours postsecondaires avec les membres de notre consortium et nos partenaires. Nous pouvons offrir une vaste gamme de programmes accrédités de qualité dans les collectivités de l'Ontario, ce qui décuplera l'offre de cours postsecondaires pour tous les Autochtones de la province.
Une université autochtone en Ontario qui maintiendrait les standards de responsabilité les plus élevés par-delà ses étudiants est une priorité absolue pour obtenir des taux de diplomation meilleurs que dans le réseau ordinaire. Pour que cela se produise, pour établir officiellement l'École polytechnique des Six Nations en tant qu'université autochtone de l'Ontario, il est essentiel que nous ayons le soutien unanime des gouvernements fédéral et provincial, et que les droits de scolarité postsecondaires soient assumés pour tous les apprenants autochtones à faible revenu. Nous allons combler l'écart au chapitre de la participation et de la réussite scolaires en moins de cinq ans.
Les recherches du New Zealand Institute of Economic Research montrent qu'après un an, 44 p. 100 des étudiants se sont trouvé un nouvel emploi et que l'augmentation de salaire collective ainsi concrétisée dépassait les 400 millions de dollars par an. Avec un tel taux de croissance, il ne faut pas beaucoup de temps pour provoquer de gros changements. De nombreux économistes canadiens ont montré les gains énormes qui pourraient être réalisés si l'on arrivait à combler d'ici 10 ans l'écart qui existe entre les Autochtones et les non-Autochtones en matière d'éducation. Selon une estimation, l'économie canadienne pourrait gagner plus de 400 milliards de dollars.
Nous demandons le soutien du premier ministre Trudeau et de la première ministre Kathleen Wynne pour faire en sorte que l'École polytechnique des Six Nations devienne en 2017 la première université autochtone en Ontario. Les petits pas franchis les uns après les autres, le fait de repousser toujours à plus tard et le refus d'offrir cette possibilité à la population qui grandit le plus rapidement au Canada et en Ontario ne feront rien pour combler les écarts qui nous préoccupent.
Une université efficiente profitant des économies d'échelle et offrant des programmes accrédités — lesquels font gravement défaut — sur place et dans les collectivités est la solution que les Autochtones attendent depuis longtemps, une solution qui profitera tant à l'économie de l'Ontario qu'à celle du Canada.
Nous demandons au Sénat d'appuyer notre proposition et nos projets. Vos observations et vos questions sont les bienvenues.
La présidente : Merci, madame Jamieson. Monsieur Wetere, si vous voulez faire votre exposé, vous avez la parole.
Rongo H. Wetere, consultant et conseiller international spécial, École polytechnique des Six Nations : Merci beaucoup. C'est un privilège pour moi d'être ici. J'ai eu la chance d'examiner le curriculum vitae de tous les membres qui sont ici autour de la table. J'ai pu voir que vous avez ce qu'il faut pour aider le Canada à aller dans la bonne direction.
En Nouvelle-Zélande, nous nous sommes débarrassés de notre sénat il y a près de 100 ans afin d'économiser de l'argent. Je suis ravi de voir que vous avez gardé le vôtre. Il y a quelques jours, j'ai entendu l'ancien premier ministre Geoffrey Palmer affirmer que l'un des problèmes avec la Nouvelle-Zélande, c'est que nous n'avons pas de Constitution comme au Canada, et que le pouvoir exécutif de notre Parlement fonctionne ni plus ni moins comme une dictature.
Dans le passé — je pense aux années du premier ministre Muldoon —, nous avions une dictature et personne ne pouvait rien dire. Il incarnait la loi. C'est formidable que vous ayez un Sénat qui peut mettre au point des options à l'intention du gouvernement.
Je suis ravi d'être ici aujourd'hui. Je suis ici en gros pour soutenir Rebecca et l'École polytechnique des Six Nations qui, selon mon examen de ses activités, est on ne peut plus apte à fonder la première grande université autochtone au Canada dont le financement provient de sources conventionnelles. C'est attendu depuis longtemps. En Nouvelle- Zélande, nous avons fondé il y a 22 ans notre première université des Premières Nations dont le financement provient de sources conventionnelles. J'ai un rapport ici concernant le Venezuela, et sa première université autochtone a été fondée en 2001. Le Canada accuse un grand retard en vue de répondre aux besoins des étudiants autochtones et de leur offrir des options.
L'écart qui se creuse depuis deux décennies est principalement causé par les collèges et les universités au Canada qui présentent des taux de diplomation désastreux, en particulier pour les membres des Premières Nations. Pourquoi continuez-vous de les financer? Je peux comprendre pourquoi le gouvernement fédéral ne souhaiterait pas augmenter le financement pour l'éducation des membres des Premières Nations, étant donné que quatre étudiants sur cinq ne réussissent pas à obtenir leur diplôme dans les collèges et les universités au Canada. Depuis 20 ans, c'est incroyable de constater que 5 milliards de dollars du gouvernement fédéral ont été gaspillés sur des étudiants qui ne réussissent pas à obtenir leur diplôme.
Je dois dire qu'à bien des égards le Canada est un pays beaucoup plus généreux que ne le sera jamais la Nouvelle- Zélande. Les autorités canadiennes investissent beaucoup d'argent dans l'échec. Elles font fi du potentiel non exploité des établissements autochtones partout au Canada qui peuvent avoir des taux de diplomation grandement supérieurs à ceux des établissements du système régulier.
Je crois qu'aucun établissement autochtone canadien ne pourrait avoir un taux de diplomation aussi bas que 15 p. 100. Compte tenu des pressions qui ont été sous-entendues ce matin, j'ai essayé d'inclure une grande partie des réflexions que vous pouvez lire comme bon vous semble, mais prenons l'exemple du Collège Algonquin, qui est grassement financé, où 55 des 56 étudiants inscrits ne réussissent pas à obtenir leur diplôme. Comment est-il possible d'administrer ainsi un établissement d'enseignement?
À titre informatif, lorsque j'ai débuté il y a 35 ans en Nouvelle-Zélande, j'ai quitté l'école secondaire sans diplôme en poche, à l'instar de bon nombre d'autres membres des Premières Nations. À Te Awamutu, en Nouvelle-Zélande, l'établissement de Waikeria se trouvait au bout de la route dans notre collectivité, et un millier de Maoris y étaient incarcérés. Cela m'inquiétait, et je me suis dit qu'il fallait vraiment faire quelque chose. J'ai donc lancé un programme de formation pour essayer d'éviter aux gens d'aboutir derrière les barreaux et de freiner cette incarcération.
Au départ, je n'avais que six étudiants, et nous avons éventuellement fondé une université qui accueillait 65 000 étudiants. Cela semble être un énorme progrès, mais il y a un aspect intéressant. Étant donné que la formation était un moyen d'arrêter de jeter en prison des gens et de leur permettre de se trouver un emploi, j'ai réussi à négocier avec un juge qui venait à Te Awamutu chaque semaine ou chaque fois que la cour siégeait. Il jetait un regard dans ma direction, et je levais le doigt. Au lieu d'envoyer le jeune étudiant en prison, il disait : « Envoyez-le suivre une formation. »
Cette situation a eu comme effet que les gardiens de cet établissement ont menacé de déclencher une grève, parce qu'ils avaient peur que cela mette en péril leur emploi. L'énorme coût de l'incarcération et les effets dévastateurs de l'incarcération sur les gens créent de nombreux problèmes qu'il serait plus efficace de régler par l'éducation. L'éducation est la réponse.
J'ai lu le rapport de M. Miller dans lequel il a fait la comparaison entre l'éducation en Nouvelle-Zélande et l'éducation au Canada. Il a dit que ce n'était pas un très bon complément au Canada, étant donné que les Maoris représentaient 15 p. 100 de la population et que les Premières Nations représentent seulement 5 p. 100 de la population. Je suis ici pour vous dire que je crois fermement qu'il n'y a aucune différence entre ce qui s'est passé en Nouvelle- Zélande et ce qui peut se passer au Canada. Si nous donnons aux gens l'occasion d'avoir des rêves et de s'améliorer, ils peuvent obtenir un diplôme, tant qu'ils reçoivent l'aide nécessaire pour ce faire. À mon avis, les collèges, les universités et les politiques gouvernementales au pays sont les principaux responsables de l'écart énorme qui existe actuellement.
S'il y avait vraiment actuellement une parité, sénatrice Dyck, vous auriez eu 80 000 diplômés de plus en 2006. Aujourd'hui, vous en auriez 120 000 de plus, pour un total de 200 000 diplômés. Le visage du Canada ne serait pas le même. Au lieu de cela, nous nous retrouvons aujourd'hui avec 420 000 personnes sans aucun diplôme. Cela représente un énorme pan de la population autochtone, et c'est beaucoup plus élevé que pour les non-Autochtones.
J'ai passé des années à défendre le dossier d'un établissement autochtone. J'en ai débattu avec plus d'une dizaine de ministres de l'Éducation en Nouvelle-Zélande. Ils ne restent pas suffisamment longtemps en poste pour comprendre leurs rôles et leurs responsabilités. J'en ai aussi débattu avec de nombreux premiers ministres, parce que l'idée d'une université autochtone maorie n'était même pas sur la planche à dessin.
Malgré tout, j'ai appris dans les années 1980 ce qui s'était passé concernant une université qui avait reçu 6 millions de dollars et qui avait manqué à ses devoirs envers ses étudiants. Je n'arrivais pas à croire qu'un établissement pouvait admettre des étudiants, prendre l'argent et recevoir en moins de trois mois une rondelette somme pour n'aboutir qu'à des étudiants sans diplôme et désabusés, parce qu'ils avaient fondé leurs espoirs, leurs aspirations et leur énergie dans des études postsecondaires. Si les établissements prennent le temps de comprendre et de voir les choses du point de vue des Autochtones et d'y consacrer de l'énergie, les étudiants décrocheront un diplôme.
Lorsque j'ai présenté le dossier au gouvernement de la Nouvelle-Zélande, je me suis engagé à un taux de diplomation de 80 p. 100. J'ai affirmé que 80 p. 100 des étudiants dans notre établissement obtiendraient un diplôme. À mon retour, j'ai annoncé le tout à mon personnel qui voulait m'arracher la tête et qui m'a demandé : « Comment pouvons-nous avoir un taux de diplomation de 80 p. 100 si vous nous demandez de n'imposer aucune restriction concernant les admissions? » J'ai répondu : « Nous devons le faire, parce que j'en ai pris l'engagement auprès du gouvernement; j'ai donné ma parole. » Du jour au lendemain, le nombre d'étudiants « non financés » a augmenté de 10 p. 100. Cela nous a donné une certaine marge de manœuvre pour ce qui est de tous les autres étudiants qui ont des besoins particuliers en matière de santé mentale, et cetera. Vous connaissez le fonctionnement.
Nous avons réussi à obtenir un taux de diplomation de 80 p. 100. L'écart est énorme entre un taux de diplomation de 80 p. 100 et un taux de diplomation de 15 à 20 p. 100, comme ce que vous avez au Canada. Si nous arrivons à avoir une parité relativement aux possibilités d'éducation et d'emploi, ce que je crois possible, les Autochtones gagneraient 15 milliards de dollars de plus. Cela ferait toute une différence.
Vous avez devant vous une ligne du temps qui vous présente la manière d'y arriver en Ontario. Il y a de nombreux pays dans le monde qui possèdent beaucoup moins de ressources et qui sont beaucoup moins bien nantis que le Canada et où l'éducation est gratuite. Je pense à Cuba, où le taux d'alphabétisme frôle 100 p. 100, soit le double du taux canadien. J'ai l'impression que l'alphabétisme est une expression taboue au Canada. Vous ne voulez pas entendre parler de l'alphabétisme, alors que c'est la principale raison pour laquelle les étudiants autochtones sont sans diplôme. Si vous ne vous attaquez pas à ce problème, ces étudiants ne pourront jamais décrocher leur diplôme.
C'était la même chose en Nouvelle-Zélande. Voici ce que nous avons fait. Nous avions de bons programmes préalables à l'admission pour tous les étudiants de notre université en vue de nous assurer qu'ils pouvaient y arriver, puis nous les orientions vers d'autres établissements où ils pouvaient devenir des avocats ou des comptables. Nous avions une très bonne relation de travail.
Il s'agit d'une période palpitante. J'ai trouvé intéressants les commentaires de M. Miller lorsqu'il a parlé du changement sur lequel se penchait le Sénat : la manière d'améliorer les relations et la manière de favoriser la réconciliation. Il a parlé du règlement de revendications issues de traités, et j'ai été stupéfait de l'entendre dire que le Tribunal Waitangi était un processus extrêmement dispendieux. Ce tribunal en Nouvelle-Zélande est le processus le moins dispendieux au monde, parce que la méthode néo-zélandaise pour régler les revendications issues de traités est de verser deux cents par dollar. Les autorités ont déjà réglé 80 p. 100 des revendications en Nouvelle-Zélande en versant deux cents par dollar. C'est inférieur à la moitié de ce qui a été versé pour indemniser les victimes des pensionnats indiens. Voilà le processus néo-zélandais de règlement de revendications issues de traités. Le seul moyen de s'en débarrasser, c'est de donner l'occasion aux Maoris de se sentir plus à l'aise, étant donné qu'ils ont des emplois et un revenu. Je ne dis pas que tous les problèmes ont été réglés, mais le point de vue est différent.
La semaine dernière, je suis allé à une réunion avec la plus haute fonctionnaire autochtone du Canada. Du coup, j'ai songé au bilan de la Nouvelle-Zélande. Un Maori a déjà été aux commandes de la force de défense néo-zélandaise. Un Maori a déjà été gouverneur général. Des Maoris occupent de nombreux postes, car ils n'ont pas dû endurer l'expérience des pensionnats. Nous avons mis l'accent sur l'éducation, surtout depuis la création de trois universités maories il y a 20 ans, d'où sont sortis plus de 300 000 diplômés. C'est le facteur déterminant. Je suis sûr qu'on peut obtenir les mêmes résultats au Canada.
Merci.
La présidente : Merci, monsieur Wetere. Je cède maintenant la parole aux sénateurs pour la première série de questions.
Le sénateur Patterson : Content de vous voir, monsieur Wetere. Je connais bien votre travail.
Vous avez insisté sur l'alphabétisation, les lacunes en la matière et l'importance de préparer les étudiants à réussir au niveau postsecondaire. Voilà le défi que nous devons relever au Canada.
Pourriez-vous nous expliquer ce que vous avez fait de différent pour créer un climat favorable aux étudiants autochtones afin qu'ils s'adaptent à un style d'apprentissage différent? Quelle est la clé de votre succès?
M. Wetere : N'ayant moi-même jamais créé ni même fréquenté une université, j'ai dû adopter, en quelque sorte, une approche agricole en Nouvelle-Zélande; je me suis donc demandé ce qui était logique. Lorsque j'allais à l'école, je savais que beaucoup de mes camarades de classe ne savaient ni lire ni écrire tout au long du secondaire. C'était renversant. Je sais qu'à défaut de parfaire ces compétences de base, on ne peut pas obtenir de diplôme. Pour ce qui est d'essayer de remédier à la situation, je doute qu'on puisse améliorer les choses sans s'y attaquer de front.
À cette fin, il faut offrir des programmes dans les collectivités où se trouvent les gens. Le faible niveau d'alphabétisation est un problème endémique à l'intérieur des familles. Si les parents ont des difficultés, les enfants en auront aussi. Je ne souscris pas à l'idée qu'il suffit de créer un centre de la petite enfance pour régler le problème. Tant que vous n'aurez pas réglé le problème en entier, ce qui comprend les parents et la famille, il sera très difficile d'apporter des changements. Dans un milieu autochtone, vous devez vous rendre dans les collectivités. Voilà, en gros, la différence.
Le modèle européen, c'est le grand édifice sur la colline; tout le monde se rend là-bas. Par contre, si vous voulez avoir un effet au sein des collectivités, vous devez aller sur le terrain. Vous devez faire en sorte que les Autochtones se rapprochent de la clientèle afin qu'ils soient encouragés à aller de l'avant et à obtenir leur diplôme.
Lorsque nous avons créé notre établissement, nous avons éliminé toute possibilité d'échec. Cette notion n'existe pas. Les étudiants sont là pour atteindre leur objectif ou pour s'efforcer de l'atteindre. Toute l'attention doit être touchée vers l'obtention d'un diplôme : terminer le programme, acquérir les qualifications et décrocher un emploi.
Je ne veux pas nécessairement me montrer trop critique à l'égard du système canadien. Chose étonnante, les programmes d'apprentissage de métiers autochtones sont apparemment en avance d'environ 50 p. 100 par rapport aux programmes non autochtones. Je n'arrive pas à croire ces statistiques, mais c'est ce qu'elles révèlent. Toujours d'après les données actuelles, les écoles secondaires pour Autochtones affichent le même taux de diplomation que les écoles secondaires non autochtones. J'ai encore du mal à le croire, mais c'est ce que mettent en évidence les statistiques.
Une des raisons pour lesquelles il est si nécessaire de poursuivre des études postsecondaires dans une université comme celle proposée par Rebecca, c'est qu'il existe un grand écart sur le plan des taux d'obtention de diplôme universitaire. À mon avis, la seule façon de corriger la situation est de créer une université autochtone. Je suis désolé si j'ai pris trop de temps.
Le sénateur Patterson : Au cours des dernières années, au Canada, on a reconnu que l'éducation était sous-financée et que le gouvernement fédéral devrait s'efforcer de faire un meilleur travail. Notre comité a effectué une étude sur le sujet. Un groupe d'experts a été mis sur pied. Le dernier gouvernement fédéral a même pris l'engagement d'investir davantage dans l'éducation.
Il me semble que ces tentatives ont échoué au chapitre de la gouvernance. On a proposé d'établir une sorte de modèle de conseil scolaire. La ministre aurait eu le dernier mot en ce qui a trait à l'utilisation de cet argent. Cependant, les dirigeants des Premières Nations ont rejeté le modèle établi puisque, selon leurs dires, il devait y avoir un contrôle autochtone sur l'éducation des Autochtones.
Pourriez-vous nous faire part de l'expérience de la Nouvelle-Zélande dans le domaine de la gouvernance et nous dire en quoi consistent le contrôle ou la participation des Maoris? Y a-t-il des leçons à tirer pour le Canada?
M. Wetere : Je serai un peu prudent en l'espèce. Si les souhaits des Premières Nations pouvaient être acceptés, je ne verrais pas d'objection à ce qu'elles interviennent parce que la situation ne pourrait pas être pire qu'elle ne l'est actuellement.
En Nouvelle-Zélande, les universités disposent d'une vaste gamme de capacités sur le plan des programmes d'études, des titres universitaires et des possibilités de financement. Les fonds consacrés à l'éducation postsecondaire, surtout au niveau universitaire, représentent des sommes considérables. Encore faut-il avoir une responsabilité à l'égard du ministre des Finances. Notre établissement n'a aucune difficulté à fonctionner comme une université ordinaire et à observer les règles que suivent toutes les autres universités. Point n'est besoin de contrôler la source de financement pour obtenir les résultats dont il est question ici.
Tout ce qu'il faut, à mon sens, c'est financer une université autochtone au même titre que les universités ordinaires. C'est pratiquement ce que vise la demande des Six Nations. Pas besoin d'aller recueillir tout ce montant d'argent pour ensuite le remettre à autrui, sans aucun contrôle. Je pense qu'aucun gouvernement responsable ne voudrait agir ainsi, surtout lorsque les contribuables sont aux aguets.
Le sénateur Enverga : Merci pour les exposés. Je suis conscient, moi aussi, que l'éducation revêt une très grande importance. C'est l'un des fondements d'une collectivité florissante et prospère. Nous en sommes convaincus.
On peut lire, dans le document, que les universités et les collèges canadiens ont refusé des milliers d'étudiants autochtones au cours des dernières années parce qu'ils ne remplissaient pas les conditions d'admission.
Auriez-vous des statistiques pour comparer cela au nombre d'étudiants non autochtones qui n'ont pas été acceptés à l'université? Avez-vous ce genre de données, à titre comparatif?
M. Wetere : Non, je n'ai pas eu l'occasion de vérifier cette information. S'il y a des obstacles à l'entrée, ils s'appliqueront à tout le monde, qu'on soit Autochtone ou non. Selon moi, personne n'y serait épargné. Ce problème touche sans doute des non-Autochtones au Canada. Ce n'est pas limité aux Autochtones, mais les obstacles à l'entrée ont eu des effets dévastateurs sur les peuples autochtones, car l'absence d'instruction les empêche d'améliorer leur sort.
Même le gouvernement de l'Ontario, dans le cadre de ses discussions sur le financement pour l'année prochaine, affirme que seules les personnes qualifiées ont accès à ce financement. C'est ce qui me fâche vraiment, car une telle approche finit par exclure une foule de personnes peu alphabétisées, au lieu de régler le problème, à l'instar de tout établissement crédible, en favorisant le taux de diplomation. Il n'est pas difficile d'en venir à bout si on se concentre sur ce qui s'impose.
Le sénateur Enverga : J'ai une question complémentaire à vous poser. Si vous tenez à créer une université autochtone, je suppose que c'est notamment parce que beaucoup d'étudiants autochtones n'ont pas été acceptés.
Pouvez-vous nous expliquer quelle sera la différence entre une université autochtone et une université autochtone régulière? Y offrira-t-on plus de programmes d'études culturelles, plus de cours de langues ou peut-être des cours de gestion des ressources? Quels types de programmes seront offerts? Bref, y aura-t-il une différence entre une université autochtone et une université régulière?
M. Wetere : Premièrement, il faut s'assurer que les programmes d'apprentissage de base sont améliorés au plus vite afin que les étudiants puissent décrocher un diplôme, peu importe le programme d'études auquel ils sont inscrits.
Deuxièmement, il faut les aider à se sentir bien dans leur peau. Autrement dit, on doit leur donner l'impression qu'ils fréquentent un établissement auquel ils peuvent faire confiance et qui les aidera à obtenir leur diplôme. On doit améliorer l'accessibilité et cesser d'exiger des frais élevés qui les empêchent de poursuivre leurs études.
Je parle d'éliminer tous les obstacles à l'entrée. En Nouvelle-Zélande, on songe maintenant à supprimer les critères d'admission à l'université pour les étudiants. Pourquoi? Parce que ce n'est là qu'un obstacle de plus qui empêche les étudiants d'accéder à des études universitaires.
En 2000, j'ai instauré la gratuité scolaire en Nouvelle-Zélande. Le gouvernement finançait 75 p. 100 des frais de scolarité, et les prêts aux étudiants couvraient le reste. Si nous parvenions à assurer une gestion ultra-efficace de notre établissement en dépensant 65 p. 100 du financement des frais de scolarité, nous faisions alors un profit de 10 p. 100.
L'établissement que nous avons créé en Nouvelle-Zélande offre des cours gratuits depuis maintenant 17 ans. Je me suis rendu compte l'autre jour que nous avions permis à nos étudiants d'économiser 1,2 milliard de dollars en frais de scolarité. Le nombre de diplômés de notre établissement a augmenté, en passant à plus de 300 000.
Je sais que cela peut sembler difficile à croire, mais je pense que le niveau d'intelligence des Maoris en Nouvelle- Zélande et des Autochtones au Canada n'est guère différent, pourvu qu'il y ait des possibilités, des moyens, une accessibilité et une élimination des obstacles. Voilà le secret pour obtenir des résultats.
Mme Jamieson : Permettez-moi d'ajouter une observation. Je vais vous donner des exemples de ce qui passe actuellement à l'École polytechnique des Six Nations.
Il est vrai que les études de base sont d'une grande importance. Depuis 20 ans, nous offrons aux étudiants un diplôme général en arts durant la première année. Ensuite, ces étudiants poursuivent leurs études auprès d'universités partenaires. Ainsi, plus de 300 étudiants ont complété ce programme. Ils ont obtenu des diplômes en droit, en médecine, et j'en passe. Ils se sont dirigés vers d'autres domaines d'études et ils ont réussi.
Ils avaient besoin d'une année consacrée à l'amélioration des compétences et au développement de l'identité. À partir de là, ils ont pu poursuivre leurs études. Lorsqu'ils se sentent prêts, nous sommes résolus à continuer de travailler en partenariat avec d'autres établissements. Les étudiants feront leur choix. C'est ce qu'ils font déjà. Par la suite, ils obtiennent d'excellents résultats.
Fait intéressant, ils reviennent dans leur collectivité où ils se mettent à assumer des fonctions de dirigeants. D'ailleurs, si vous examinez les établissements des Six Nations, vous verrez qu'ils sont dirigés par des diplômés du programme.
Toutefois, nous ne pouvons accepter qu'un nombre limité d'étudiants. Voilà notre problème. Nous devons être en mesure d'élargir cette possibilité.
Le sénateur Enverga : J'ai une petite question à vous poser. L'université autochtone que vous proposez serait-elle ouverte à tous? Acceptera-t-elle des étudiants non autochtones?
Mme Jamieson : Les objectifs stratégiques de l'École polytechnique des Six Nations consistent, premièrement, à veiller à ce que les peuples autochtones aient les compétences dont ils ont besoin pour participer à l'économie sociale, tout en préservant leur identité. Deuxièmement, nous voulons favoriser la compréhension entre les cultures et les personnes.
Oui, c'est un environnement d'apprentissage tout à fait ouvert. Nous estimons que nous avons un rôle à jouer dans la création d'un partenariat équilibré à l'avenir pour nous assurer que la réconciliation aura vraiment lieu. Je suis fière de dire que nous accueillons des apprenants d'horizons différents.
Le sénateur Sinclair : Parlons un peu des chiffres, si vous voulez bien. J'ai trouvé intéressant le document Closing the Gaps que vous nous avez remis. Le nombre de diplômés autochtones du premier cycle qui passent aux deuxième et troisième cycles semble augmenter, du moins en chiffres bruts. Quant à savoir si c'est bel et bien le cas en pourcentages au cours des dernières années, c'est là une autre question.
Est-ce bien ce que vous affirmez? Avez-vous constaté que des étudiants de votre programme s'inscrivent ensuite à des programmes d'études supérieures, que ce soit dans un domaine différent, comme un diplôme en droit ou en médecine, dans un autre établissement, ou un programme de maîtrise ailleurs?
Mme Jamieson : C'est ce que nous constatons. C'est d'ailleurs très encourageant. Une fois que les étudiants ont l'occasion d'obtenir leur diplôme de premier cycle, ils envisagent de jouer un rôle au sein de la collectivité et de la société. Ils accepteront certainement de faire des études supérieures, à condition de pouvoir obtenir de l'aide financière. Le financement des Premières Nations est plafonné et limité, mais la bourse d'études bonifiée facilitera maintenant la tâche.
Une fois que nos étudiants continuent sur leur lancée, ils vont faire une maîtrise et un doctorat, s'ils en ont envie. Ils sont nombreux à s'engager dans cette voie.
Le sénateur Sinclair : Pendant un certain temps, le ministère des Affaires autochtones avait cessé de financer ces programmes d'études supérieures. Il a récemment indiqué son intention d'accorder une certaine marge de manœuvre, mais pas trop, à l'égard des étudiants des cycles supérieurs.
Quelle est votre expérience en ce qui concerne le besoin des étudiants de cycles supérieurs et les fonds mis à leur disposition?
Mme Jamieson : Il y a un énorme écart. D'après le profil démographique général de nos apprenants, ils ont des familles à faire vivre et des rôles à jouer au sein des collectivités. Ils n'ont pas les moyens de faire des études à l'infini. Ils travaillent et assument leurs responsabilités communautaires en même temps. S'il n'y a pas de fonds pour les Premières Nations, cela met de la pression sur les familles et les étudiants. Certains parviennent à obtenir des subventions d'aide à la recherche et ce genre de choses, mais c'est tout un combat.
Nous avons besoin de ces futurs dirigeants pour gérer nos institutions et diriger nos collectivités. Dans la collectivité des Six Nations, nous les encourageons autant que nous le pouvons, mais je sais pertinemment que, malgré le financement des Six Nations par l'entremise du PAENP, plus de 400 étudiants se voient refuser un financement chaque année, faute de fonds.
Le sénateur Sinclair : Dans votre document, vous indiquez qu'il y a neuf associations de l'Aboriginal Institutes Consortium en Ontario. Je suppose que si j'avais lu le document plus attentivement, je saurais de quoi il s'agit, mais y a-t-il d'autres établissements au pays qui créent un type quelconque de consortium national?
Mme Jamieson : Il existe plusieurs associations. En Ontario, il y a ce qu'on appelle l'Aboriginal Institutes Consortium. Collectivement, nous desservons la région géographique de l'Ontario, du nord au sud et de l'est à l'ouest. Nous nous entraidons au sein de l'association.
Mentionnons aussi la National Association of Indigenous Institutes of Higher Learning. Nous collaborons avec elle sur le plan de l'accréditation, de la programmation et du soutien mutuel.
Ensuite, il y a le réseau international, le World Indigenous Nations Higher Education Consortium, ou WINHEC, auprès duquel nous avons fait une demande d'accréditation cette année. Trois instituts en Ontario ont déjà obtenu une accréditation auprès du WINHEC. Cette année, la collectivité des Six Nations sera l'hôte de l'assemblée générale annuelle du WINHEC parce que nous sommes en plein processus d'accréditation. Il s'agit du seul processus d'accréditation autochtone à l'échelle internationale.
Nous avons donc entamé des démarches en ce sens et, cet été, nous accueillerons la Conférence mondiale des peuples autochtones sur l'éducation. Nous nous attendons également à établir un tel réseau.
Le sénateur Sinclair : L'accréditation permettra-t-elle de placer votre établissement sur un pied d'égalité avec les universités du pays?
Mme Jamieson : En ce qui concerne l'accréditation, oui. La portée de nos programmes sera élargie parce que nous avons besoin de la stratégie de relance du dialogue avec les apprenants adultes. Les efforts déployés par les universités actuelles n'ont pas l'envergure nécessaire.
Le sénateur Sinclair : Quelles sont les mesures supplémentaires à prendre pour que votre établissement soit accrédité à titre d'université?
Mme Jamieson : J'ai récemment eu une discussion intéressante avec les fonctionnaires du ministère. Nous avons présenté la demande écrite, et nous avons attendu patiemment. Lorsque j'ai fait un suivi, on m'a dit qu'il y avait des étapes à suivre. J'ai demandé des précisions, et on m'a informée que le mieux serait de faire une demande auprès de l'Association des universités et collèges du Canada. Si celle-ci accepte notre établissement, alors le ministère examinera sérieusement notre demande. Nous sommes disposés à procéder ainsi, et c'est ce que nous ferons. Toutefois, la voie à suivre n'est pas claire.
Le sénateur Sinclair : Ils veulent que votre établissement adhère à une association non autochtone afin d'être agréé à titre d'université autochtone.
Mme Jamieson : Oui.
Le sénateur Sinclair : Fort bien. J'arriverai à comprendre cela un de ces jours.
Êtes-vous au courant de l'expérience de l'Université des Premières Nations du Canada?
Mme Jamieson : Oui, je le suis.
Le sénateur Sinclair : Pourriez-vous parler des enseignements qui, selon vous, pourraient être tirés de cette expérience? Si vous le voulez, vous pourriez peut-être expliquer brièvement ce qui est advenu de l'université, pour aider mes collègues.
Mme Jamieson : En ce qui concerne l'histoire de l'institution qui est maintenant connue sous le nom d'Université des Premières Nations du Canada, je crois comprendre qu'elle a été établie sous l'égide d'une université régulière. Le raisonnement était que l'université autochtone devait reposer sur une structure de gouvernance et un sénat déjà établis. On a jugé que le moyen le plus rapide de la créer était d'en faire la filiale d'une institution régulière.
Ensuite, des problèmes liés à la liberté et à l'intégrité universitaires sont survenus, et des universitaires autochtones ont quitté leur poste. Des problèmes de toutes sortes ont entraîné de nombreuses difficultés à l'époque. J'étais à ce moment-là au service de l'organisme de financement de la bande des Six Nations qui finançait les études de certains étudiants inscrits à cette institution. Le campus était en crise.
À un moment donné, le financement a été annulé, mais il a été rétabli depuis. L'université coupe graduellement les ponts et devient de plus en plus indépendante d'un point de vue opérationnel. Ainsi, son intégrité s'améliore. Il lui a fallu presque 20 années pour parvenir à ce stade. Par conséquent, ce n'est pas une voie que nous souhaitons suivre. Nous ne voulons pas commencer nos activités en tant que filiale d'une institution dont nous savons déjà qu'elle ne sera pas une bonne partenaire.
Il faut que l'intégrité de notre liberté universitaire soit régie par des gens qui se préoccupent du genre d'éducation que nous devons offrir. Nous avons mis en place un conseil universitaire. Fait intéressant, au cours de ma conversation avec le ministère, on m'a dit qu'il nous fallait un sénat ou un conseil universitaire composé de personnel enseignant à temps complet. J'ai dû leur dire : « Pardonnez-moi, mais comment pouvons-nous faire cela si nous n'avons pas le financement requis pour embaucher du personnel enseignant à temps complet? » Trouvons un moyen d'atteindre cet objectif. Nous y travaillons, mais nous avons besoin d'appui.
Le sénateur Sinclair : Merci.
Le sénateur Tannas : Monsieur Wetere, je vous remercie de vos idées passionnées à propos de la Nouvelle-Zélande et de la façon dont elles pourraient être appliquées au Canada.
J'ai quelques questions à poser à Mme Jamieson. Il se peut que cela m'ait échappé ou que ma question soit stupide. Dans l'état actuel des choses, quel est le taux d'obtention de diplôme à l'École polytechnique des Six Nations, c'est-à- dire en tant que pourcentage des étudiants qui y sont admis?
Nous avons entendu que 15 p. 100 est le chiffre et le résultat affligeant qu'obtiennent les institutions non autochtones. Quelle est votre expérience à ce stade précoce?
Mme Jamieson : Selon notre expérience, le taux se situe au milieu de la tranche des 80 p. 100.
Le sénateur Tannas : Qu'en est-il des autres institutions nationales, notamment celle dont vous venez de parler, c'est- à-dire l'Université des Premières Nations du Canada?
Mme Jamieson : Je suis désolée, mais je ne connais pas les statistiques enregistrées par l'Université des Premières Nations du Canada. Les instituts de l'Ontario me sont plus familiers, et ils obtiennent tous des taux d'obtention de diplôme semblable aux nôtres.
Le sénateur Tannas : Cela confirme ce que M. Wetere a dit à propos de l'expérience de la Nouvelle-Zélande.
Mme Jamieson : Oui, tout à fait.
Le sénateur Tannas : Je pense que le sénateur Patterson a déjà posé la question, mais je souhaitais savoir ce que vous pensiez des mécanismes de prestation et de gouvernance utilisés pour l'enseignement primaire et secondaire, afin que vos réflexions figurent dans le compte rendu.
À un moment donné, une initiative avait été mise sur pied afin de constituer des conseils scolaires locaux autochtones. Ils auraient été chargés de gouverner et surveiller ceux qui enseignent de la maternelle à la 12e année. J'étais nouveau à l'époque, mais, pour de nombreuses raisons que je comprends et ne comprends pas, l'initiative a échoué en entier.
À votre avis, des conseils scolaires locaux autochtones sont-ils le mécanisme qui convient? Dans sa forme actuelle, la proposition était peut-être problématique. C'est ce que je suis habitué d'observer. C'est ce que la plupart des Canadiens considèrent comme la structure souhaitée. Selon vous, est-ce que la structure est logique pour les collectivités autochtones?
Mme Jamieson : Nous avons nos propres façons de travailler ensemble. Dans la mesure où la méthode de collaboration coïncide avec nos façons traditionnelles de composer les uns avec les autres, lesquelles respectent l'autonomie et la responsabilité des collectivités, les structures de collaboration fonctionneront assurément.
En ce qui concerne l'exemple particulier que vous avez évoqué, il y avait de nombreux autres niveaux d'incertitude et de méfiance par rapport au financement de ces conseils et à la pertinence inconnue d'adopter une structure externe.
Nous avons nos propres façons de travailler ensemble. Je sais que, si l'occasion nous est donnée de les utiliser, elles donneront de bons résultats.
Le sénateur Tannas : Merci.
Le sénateur Doyle : Je lisais votre document intitulé Closing the Gaps. Si vous souhaitez le consulter, à la page 16, la deuxième puce indique que l'Ontario a choisi l'éducation autochtone comme l'une de ses principales priorités et que son objectif était de combler l'écart de scolarisation d'ici 2016.
Dans quelle mesure l'Ontario a-t-il réussi à combler l'écart de scolarisation? Cela a été mentionné il y a 12 ans, c'est- à-dire en 2005. Quel niveau de succès la province a-t-elle atteint? A-t-elle le moindrement atteint son objectif?
Mme Jamieson : À ma connaissance, il n'y a aucun rapport qui traite précisément de cette question. Je sais que le cadre stratégique de l'Ontario et la structure politique liée à l'enseignement de la maternelle à la 12e année ont fait l'objet d'un examen. Pour résumer, je dirais que la conclusion est qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.
Le sénateur Doyle : Vous dites que l'éducation postsecondaire est très importante pour amener les Autochtones à réussir dans la même mesure que les non-Autochtones. Vous soutenez que cela peut être accompli au cours d'une période de 10 ans.
Quel type de soutien financier généralisé est requis de la part du gouvernement fédéral pour que nous puissions établir ce genre d'objectifs et les atteindre?
M. Wetere : Je pourrai peut-être répondre à cette question. Si vous parlez de l'Université de la Saskatchewan, je pense que les principaux fonds qu'elle recevait de la province et du gouvernement fédéral s'élevaient à environ 10 millions de dollars par année. Quant au financement tertiaire, il fluctue. À l'heure actuelle, on prévoit que le nombre d'inscriptions aux programmes d'études postsecondaires diminuera au Canada d'ici 2031. Par conséquent, plus de fonds seront disponibles pour répondre aux besoins criants qui existent. C'est l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement de l'Ontario a offert, pour l'année prochaine, un surcroît de 150 000 accès gratuits à l'enseignement postsecondaire, qui contribueront grandement à répondre aux besoins des peuples autochtones.
En comparaison, l'Université de la Saskatchewan ne peut pas faire grand-chose avec un budget de 10 millions de dollars si elle souhaite réussir à apporter de vrais changements. Mon budget en Nouvelle-Zélande était supérieur à 200 millions de dollars et, dans un tel cas, on peut changer les choses. Le coût de la solution doit être envisagé en ces termes. Vous ne résoudrez pas le problème de façon fragmentaire.
En réalité, comme je l'ai indiqué plus tôt, si les fonds déjà dépensés avaient été utilisés pour aider les étudiants à obtenir leur diplôme au lieu de les faire échouer, vous auriez déjà atteint l'objectif. Selon l'approche dictatoriale de la Nouvelle-Zélande, si le taux d'obtention de diplôme d'une institution tombe en deçà de 50 p. 100, elle perdra son financement.
L'Ontario a apporté certains changements. Toutefois, il faut que l'accent soit mis sur les étudiants. Il y a eu beaucoup de discussions à propos de la nécessité d'obliger les collèges et les universités à rendre des comptes. Les institutions autochtones savent en quoi consiste la reddition de comptes. Elles travaillent dur pour s'assurer que leurs étudiants réussissent. Voilà la différence. Vous devez savoir ce qu'il faut faire pour aider les étudiants à obtenir leur diplôme.
Je suis désolé de ne pas avoir répondu à la question qui a été posée plus tôt à propos des cours. Il faut que vos cours soient pertinents pour le marché du travail. Notre institution en Nouvelle-Zélande offre 118 cours reconnus que le gouvernement a le devoir de financer. Je n'accepte pas nécessairement la discrimination, quelle que soit la forme qu'elle prend. Comme Rebecca l'a déclaré, notre institution doit ouvrir ses portes à ceux qui souhaitent la fréquenter. Au plus fort de nos activités, 52 p. 100 de nos étudiants en Nouvelle-Zélande n'étaient pas autochtones. Cela crée un milieu compétitif où les gens peuvent croître et entreprendre de réussir. Voilà la vraie valeur d'une institution autochtone.
En outre, en travaillant avec des gens qui connaissent les langues autochtones, vous pouvez très aisément vous attaquer à la revitalisation linguistique qui fait un retour dans les collectivités. Nous avons travaillé beaucoup là-dessus en Nouvelle-Zélande.
Mme Jamieson : Si vous me le permettez, j'aimerais donner suite à une observation que vous avez faite à propos du financement fédéral. Je suis membre du groupe de travail national sur l'éducation postsecondaire. Nous examinons comment nous pourrions modifier les accords de financement pour l'éducation des Premières Nations. Il s'agit d'un processus conjoint que nous avons entrepris avec Affaires autochtones et du Nord Canada et l'APN.
L'un des enjeux que nous examinons concerne le financement du Programme d'aide aux étudiants de niveau postsecondaire, communément appelé le PAENP. C'est un programme qui finance les étudiants de niveau postsecondaire. Nous étudions en ce moment la façon dont nous pourrions rajuster les lignes directrices existantes, mais nous savons que le financement est insuffisant.
Par ailleurs, je peux parler de l'expérience des Six Nations. Lorsque je travaillais à ce bureau, notre budget annuel se chiffrait à 7,5 millions de dollars. J'ai analysé les chiffres, et je les ai comparés aux taux que nous devrions offrir si nous accordions les taux du Programme canadien de prêts aux étudiants et si nous étions en mesure de financer tous nos étudiants. Notre budget devrait alors totaliser 18 millions de dollars. Cela vous donne une idée du manque à gagner.
Je sais que l'augmentation qui doit être envisagée pour le PAENP représente une somme substantielle, mais les coûts seront recouvrés d'ici 10 à 15 ans.
Le sénateur Sinclair : Qu'est-ce que le PAENP?
Mme Jamieson : Le Programme d'aide aux étudiants de niveau postsecondaire. Il s'agit d'un investissement initial qui pourra être récupéré dans les années à venir. De plus, le gouvernement fédéral utilise actuellement le Programme canadien de prêts aux étudiants pour contribuer à la version transformée du Régime d'aide financière aux étudiants de l'Ontario, le RAFEO, un régime que les collectivités envisagent favorablement.
Le sénateur Christmas : Premièrement, madame Jamieson, je vous félicite pour les étudiants qui obtiendront prochainement les premiers diplômes conférés au terme de votre programme d'études autonome.
Mme Jamieson : Merci.
Le sénateur Christmas : Pourrais-je vous demander de quel diplôme il s'agit?
Mme Jamieson : Les étudiants obtiendront un baccalauréat ès arts en langues Ogwehoweh, spécialisé soit en mohawk, soit en cayuga.
Le sénateur Christmas : Combien d'étudiants sont censés obtenir ce diplôme?
Mme Jamieson : Dix-huit.
Le sénateur Christmas : Félicitations.
Mme Jamieson : Je dois mentionner, pour le compte rendu, que le cayuga est une langue en voie de disparition. C'est le seul endroit non seulement au Canada, mais aussi sur la planète où des étudiants peuvent obtenir un diplôme dans cette langue.
Le sénateur Christmas : Quel sera leur degré de maîtrise de la langue une fois qu'ils auront terminé le programme?
Mme Jamieson : Ce programme n'a pas pour objet de permettre aux diplômés de s'exprimer couramment dans la langue. Nous travaillons avec nos organismes communautaires à la réalisation de nos stratégies de revitalisation des langues. Certains étudiants maîtrisent très bien la langue parce qu'ils ont franchi les étapes de notre programme d'immersion pour adultes ou notre programme d'immersion offert de la maternelle à la 12e année avant de s'inscrire au programme. Certains parlent la langue couramment et peuvent procéder à des cérémonies, et cetera. D'autres sont de nouveaux apprenants, ce qui représente un peu un défi. Toutefois, ils sont tous les bienvenus, parce que nous savons que nous devons les mettre sur cette voie et les y maintenir.
Le sénateur Christmas : J'ai vraiment aimé la façon dont vous avez décrit votre processus de récupération, de revitalisation et de rétablissement. C'est un merveilleux objectif pour ce que vous réalisez.
Votre préoccupation pour le programme préadmission est un autre aspect intéressant qui a attiré mon attention. Je pense que vous avez qualifié le programme d'« études fondamentales ». Vous avez mentionné qu'une année était consacrée à l'enrichissement des compétences, puis vous avez indiqué qu'elle portait sur le développement de l'identité.
Pouvez-vous décrire l'importance que revêtent le développement et le maintien d'une identité autochtone dans le contexte d'un programme éducatif?
Mme Jamieson : Le fait de savoir qui l'on est, représente une part essentielle d'une personne. Certaines familles de nos collectivités affrontent toujours le traumatisme des pensionnats indiens. Nous avions notre propre pensionnat indien sur notre territoire. Il s'appelait l'Institut mohawk, mais il était communément appelé le « Mush Hole » (trou à bouillie). Il n'y a pas une seule famille qui n'a pas été touchée par ce traumatisme. Certains étudiants de notre école sont affectés par cette tragédie. Certains membres de mon personnel ne savaient même pas que leurs parents avaient fréquenté le pensionnat indien, tant l'expérience était honteuse et tant ce fait était caché.
Maintenant, des étudiants arrivent à notre établissement et ils apprennent d'abord leur histoire. Ils commencent à comprendre leurs familles et leurs expériences de vie. Ensuite, ils trouvent dans les enseignements ce qui peut les aider à avancer. Rendus à ce point, ils prennent leur essor.
Le sénateur Christmas : Est-il juste de dire qu'une fois qu'on ranime chez quelqu'un la compréhension de l'identité, de la culture et de la langue, sa perception de lui-même change du tout au tout?
Mme Jamieson : Absolument. Il comprend sa perception de lui-même, de la place qu'il occupe, de son rôle et de ses responsabilités, et il l'accepte.
Le sénateur Christmas : Je sais que vous comprenez, mais pour les autres, je souligne que de nombreux collèges, universités et écoles polytechniques non autochtones n'offrent pas de leçons qui renforcent l'identité. Votre établissement a manifestement réussi à rétablir cela.
Mme Jamieson : Tout à fait.
Le sénateur Christmas : Que diriez-vous aux autres éducateurs qui veulent suivre votre exemple? Comment feriez- vous pour les convaincre de centrer une grande partie de leurs enseignements sur la langue, la culture et l'histoire?
Mme Jamieson : Nous parlons de créer un campus de réconciliation, où des gens de toutes les origines viendront pour comprendre qui ils sont. Peu importe leur langue ou leur culture d'origine, ils doivent savoir quels dons ils ont reçus. Une fois qu'ils le savent, ils peuvent collaborer et entretenir des relations positives avec les autres. C'est ce que nous avons dû faire avec nos instructeurs non autochtones. Je dois dire que nous avons très bien réussi sur ce plan. Maintenant qu'ils enseignent chez nous, ils ne veulent pas retourner dans les établissements de la majorité, et cela nous convient. Nous les encourageons à rester. J'appelle cela, non officiellement, le campus de réconciliation des Nations Unies.
La sénatrice Hartling : Je suis heureuse d'entendre vos témoignages positifs. Il y a des années, j'ai fréquenté l'université avec des étudiants autochtones et j'ai vu toutes les difficultés qu'ils éprouvaient dans ce milieu où ils ne pouvaient pas vivre selon leur culture. Leur chez-soi leur manquait énormément, entre autres.
Je m'intéresse à la logistique. Combien y a-t-il d'hommes et de femmes? Quelles sont les proportions et quel âge ont les étudiants? Offrez-vous des services de garde d'enfants, du transport, du mentorat, des bourses d'études, et cetera? Offrez-vous de telles mesures de soutien actuellement?
Pouvez-vous me parler de l'état actuel des choses?
Mme Jamieson : Actuellement, nous recevons du financement annuel; nous soumettons des demandes de subvention chaque année. Nous ne pouvons pas toujours offrir des mesures de soutien générales. Nous n'avons pas de services de garde d'enfants; nous aimerions beaucoup en avoir. Notre population étudiante comprend des hommes et des femmes, surtout dans le programme des langues parce que les responsabilités associées aux langues touchent les femmes et les hommes. La répartition hommes-femmes pour ce programme est presque proportionnelle.
Notre plus grande difficulté, c'est notre manque de financement prévisible. Nous ne savons jamais sur quoi nous pouvons compter. Nous offrons un service de navette entre le campus non autochtone et notre école aux étudiants qui ont des cours en laboratoire. Nous avons besoin de tous ces services pour soutenir nos étudiants.
La semaine dernière, durant une entrevue, on m'a demandé quels services culturels nous fournissons sur le campus. J'ai répondu : « Le service culturel, c'est le campus; c'est le lieu. »
La sénatrice Hartling : Quel âge les étudiants ont-ils?
Mme Jamieson : La majorité de nos étudiants approchent de la trentaine, mais cela change. De plus en plus d'étudiants s'inscrivent à notre école tout de suite après le secondaire et vont ailleurs après.
La sénatrice Hartling : Vos étudiants comprennent-ils des parents célibataires?
Mme Jamieson : Oui, nous avons beaucoup de parents célibataires.
La sénatrice Hartling : Merci.
La sénatrice Pate : Merci à nos deux témoins de leur présence. Vos témoignages sont très enrichissants. Merci aussi de m'avoir accueillie aussi chaleureusement lorsque j'ai visité le campus en Nouvelle-Zélande et l'École polytechnique des Six Nations.
Avez-vous envisagé l'éducation à distance comme moyen d'élargir l'accès? J'ai rencontré des étudiants à Thunder Bay il y a deux semaines. Nous avons parlé de la possibilité pour eux de rester chez eux et du soutien qu'on pourrait leur offrir.
J'aimerais savoir si vous avez considéré des solutions de ce genre. Avez-vous des recommandations à faire concernant les moyens de soutenir davantage d'étudiants autochtones des collectivités nordiques et éloignées?
Mme Jamieson : Je vais parler d'abord de la collectivité des Six Nations. Nous avons ouvert un deuxième campus récemment dans la ville de Brantford parce que notre structure des TI ne permettait pas de faire de l'enseignement à distance et d'accéder aux archives numériques de l'Indigenous Knowledge Centre. Nous avons dû nous installer dans une ville, ce qui est bien parce que nous touchons aussi beaucoup de personnes qui vivent en ville. Nous nous sommes installés là afin d'avoir accès à l'autoroute des TI, si je puis le dire ainsi, ce qui nous permet d'offrir de l'enseignement à distance et de l'enseignement hybride, c'est-à-dire une combinaison de cours sur le campus et à distance.
Pour ce qui est d'élargir l'accès, nous collaborons actuellement avec les autres établissements autochtones de l'Ontario et d'autres organismes communautaires afin d'offrir de l'enseignement à distance aux collectivités nordiques.
En outre, le mois prochain, nous allons commencer à offrir des cours de perfectionnement professionnel aux travailleurs de première ligne du domaine de la santé mentale et de la toxicomanie chez les Autochtones. Il s'agit d'une initiative du ministère des Services à l'enfance et à la jeunesse. Nous planifions offrir des cours à 180 travailleurs de première ligne durant la prochaine année. Tous les cours seront donnés à distance et il y aura une rencontre à la fin. Nous devons procéder ainsi en raison du budget; nous aurions beaucoup aimé qu'il y ait plus de rassemblements. Les établissements autochtones du Nord ont offert d'être les hôtes.
Nous travaillons en collaboration autant que possible pour que cela fonctionne, oui.
La sénatrice Pate : J'aimerais aussi savoir si vous avez évalué les répercussions. Monsieur Wetere, je pense que vous y avez fait allusion lorsque vous avez parlé de la santé mentale et de la justice pénale.
A-t-on fait un suivi des changements? Je sais que c'est difficile d'établir un lien causal, mais a-t-on fait des recherches par rapport aux répercussions sur le nombre de personnes devant être hospitalisées pour des raisons de santé mentale, ainsi que sur le nombre d'étudiants qui risquaient d'être marginalisés ou qui l'étaient déjà et qui risquaient de sombrer dans une vie criminelle?
M. Wetere : Vous abordez un sujet très vaste parce que nos petits villages occupent probablement les meilleures terres agricoles de la Nouvelle-Zélande. En vertu de la Public Works Act, le gouvernement s'est emparé de 20 000 hectares. Il a transformé 10 000 hectares de terres magnifiques en établissement psychiatrique et 10 000 hectares en prison agricole.
J'ai vérifié ce qui se passait au pénitencier de Waikeria, où les gardiens voulaient faire la grève parce qu'ils perdaient de la clientèle. Ils sont rendus à 80 p. 100. Deux autres établissements ont fermé leurs portes et on en a construit de nouveaux.
Le taux d'incarcération des Autochtones au Canada est supérieur à celui de la Nouvelle-Zélande par 30 p. 100. Ces chiffres sont élevés. On a fermé l'établissement psychiatrique. Nous avons reçu le contrat de démolition. Les étudiants ont aidé à construire le premier campus en utilisant des matériaux recyclés qui venaient de l'hôpital psychiatrique qui avait été fermé.
Il y a des personnes qui s'y connaissent mieux que moi, si vous voulez parler de santé mentale. La santé devrait certainement occuper une place importante dans le programme d'une université autochtone. Je n'ai peut-être pas répondu à la question concernant les cours offerts dans une université autochtone.
La technologie est très importante aujourd'hui. Nombre des emplois sont dans le domaine des TIC et ils comptent parmi les emplois les mieux rémunérés. Nous devons augmenter les niveaux de rémunération des Autochtones. Un établissement autochtone devrait donc se concentrer sur les TI parce que les personnes qui reçoivent leur diplôme peuvent doubler leur salaire. Fait intéressant, nous venons de mener une enquête en Nouvelle-Zélande qui montre que le salaire d'un Maori qui travaille dans le domaine des TIC est le double du salaire du Maori moyen. Pour que les choses changent, il faut se concentrer sur des sujets clés et bien les enseigner.
Je ne me sens pas très bien placé pour répondre.
Mme Jamieson : Pour ajouter à ce que M. Wetere vient de dire au sujet des programmes de TI, j'aimerais souligner que l'École polytechnique des Six Nations lancera cet automne ce que nous appelons une école de science, de technologie, d'ingénierie et de mathématiques, ou STIM. Le programme commencera en neuvième année, et nous l'offrirons en collaboration avec un collège. À la fin du programme, les étudiants recevront un diplôme d'études secondaires de l'Ontario et un diplôme d'études collégiales de deux ans. Il existe des programmes de ce genre aux États- Unis et en Australie. Nous collaborons avec un partenaire du secteur privé pour concevoir le programme dans le but de le lancer cet automne.
Cela fait partie des mesures dont je parlais tout à l'heure pour prévenir le décrochage scolaire. Les élèves se trouveront sur le campus dès l'automne. Ils recevront du soutien pour assurer leur réussite. Ils pourront suivre leurs cours de langue, ils recevront des enseignements sur la culture locale et ils suivront aussi des cours de STIM. C'est une des stratégies de réussite que nous allons mettre en œuvre.
La présidente : Une question s'impose. Vous avez mentionné les taux d'incarcération élevés en Nouvelle-Zélande et au Canada. J'aimerais savoir s'il y a des programmes à l'École polytechnique des Six Nations ou en Nouvelle-Zélande qui visent précisément à améliorer les taux d'alphabétisation dans les prisons.
Vous avez un public captif. Généralement, les prisonniers sont très peu instruits. On pourrait les sortir du cycle des incarcérations continuelles en haussant leur niveau de scolarité.
L'École polytechnique des Six Nations et la Nouvelle-Zélande offrent-elles des programmes de ce genre?
M. Wetere : Nous avons créé un programme très fructueux en Nouvelle-Zélande pour répondre à ce besoin. Nous en avons aussi créé un pour le Canada qui peut être utilisé partout au pays. Il cible principalement les étudiants autochtones, mais il peut servir à tous, y compris aux nouveaux arrivants et aux Canadiens.
Sur le plan pratique, les progrès technologiques que nous voyons aujourd'hui devraient réduire les coûts de l'éducation, mais cela ne semble pas être le cas. Par rapport à l'éducation à distance, j'ai conclu une entente avec IBM en 2000 et 2001; cette entente nous a permis de fournir un ordinateur de bureau à 4 000 foyers de la Nouvelle-Zélande. Ils étaient tous surveillés et branchés pour permettre l'apprentissage autonome. Nous avons atteint un taux d'obtention de diplôme de 85 p. 100 pour les niveaux 1, 2 et 3 des cours d'informatique.
Je ne comprends pas les résultats de 27 p. 100 sur 9 ans au Collège Algonquin. Les Autochtones ont démontré qu'ils sont capables d'utiliser des ordinateurs. Au début de l'ère informatique, nous trouvions qu'ils passaient trop de temps à l'ordinateur. Nous avons été obligés de bloquer l'accès à Internet et de déclarer : « Vous devez apprendre les rudiments de l'informatique, et vous devez bien les apprendre. » C'est ce que beaucoup d'entre eux ont fait.
Le ministère des Services correctionnels examine actuellement une proposition qui vise à offrir des cours. Au Brésil, on raccourcit la peine de tous les prisonniers qui terminent le programme d'alphabétisation parce qu'on sait que ce programme est essentiel pour éviter qu'ils reviennent. C'est simple. On semble ignorer continuellement certaines solutions simples.
Mme Jamieson : À l'heure actuelle, l'École polytechnique des Six Nations n'offre pas de services d'alphabétisation dans les prisons. J'ai vérifié auprès de Michelle Davis, qui dirige l'Ontario Native Literacy Coalition. Nous n'avons pas accès à cela et nous n'avons pas les fonds pour le faire. Nous considérerions certainement la possibilité d'offrir de tels services dans le cadre des mesures visant à renouveler l'engagement.
La sénatrice Pate : J'ai une question supplémentaire.
Je ne sais pas si vous le saviez, mais les prisons fédérales offraient des cours de niveau postsecondaire gratuits jusqu'en 1992; cette année-là, on a pris la décision stratégique de retirer tous les cours offerts gratuitement aux prisonniers. Chez les femmes, surtout, et les groupes autochtones, on constatait une hausse non seulement des taux d'alphabétisation, mais aussi des taux d'engagement et de poursuite d'études postsecondaires.
La collectivité des Six Nations est un chef de file dans l'utilisation de mécanismes servant à inviter les gens à réintégrer la collectivité pour finir de purger leur peine. D'après moi, on réduirait davantage les nombres en liant ces mécanismes à des programmes postsecondaires qu'en offrant plus de cours dans les prisons. De nombreuses possibilités permettraient de faire sortir les gens des prisons, mais nous ne les employons pas.
A-t-on examiné la possibilité d'avoir recours à d'autres articles de la loi? Selon moi, les articles 80, 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition permettraient de mettre à profit de telles possibilités. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Mme Jamieson : À ma connaissance, il n'y a pas eu de discussions précisément à ce sujet, mais cela ne veut pas dire que nous n'appuierions pas cette idée et que nous ne serions pas prêts à y travailler, pour autant que la collectivité soit d'accord.
M. Wetere : En Nouvelle-Zélande, nombre de prisonniers fréquentent des campus que nous avons établis partout au pays. C'est ce qui a fait toute la différence. J'ai ouvert des campus à des endroits où les gangs étaient très présents. Notre philosophie était d'offrir des cours là où les gens sont. Il faut atteindre ces groupes pour qu'il y ait des changements.
Sur le plan économique et par rapport aux économies d'échelle, en offrant des programmes partout au pays, on peut éliminer les coûts et améliorer les résultats, la surveillance et les mécanismes de reddition de comptes.
Il y a quelques années, Stan Beardy m'a dit : « Je veux que tu nous aides à fonder trois universités autochtones en Ontario. » Je lui ai répondu : « Oh, ce sera facile avec Stephen Harper. Ce sera assez difficile d'en fonder une, ne pensons même pas à trois. Pourquoi payer trois administrations alors qu'on cherche la rentabilité? »
Un établissement peut se servir d'installations qui existent déjà. Il ne faut pas gaspiller de l'argent à construire des édifices. L'accent doit être placé sur les gens. En Nouvelle-Zélande, nous n'avons pas construit d'édifices pour notre établissement. Nous sommes allés dans les communautés. J'ai loué plus de 300 endroits en Nouvelle-Zélande, en vertu de bonnes conditions, mais il fallait aller dans les communautés.
C'est pour cette raison que nous sommes devenus le plus grand établissement de la Nouvelle-Zélande. Imaginez un établissement qui compte seulement 1 000 étudiants et qui atteint soudain les chiffres que vous avez lus dans le rapport. Si vous rendez l'éducation accessible aux gens qui en ont besoin, vous verrez vite des changements. J'aimerais aider Rebecca à accomplir la même chose.
La présidente : Nous allons passer au deuxième tour. Il nous reste environ 25 minutes et 4 intervenants; ils auront donc droit à 5 minutes chacun.
Le sénateur Patterson : Chacun de vous, dans son exposé, a souligné les problèmes de littératie et la prédominance de l'analphabétisme chez les prisonniers. Ce problème nuit aux progrès en matière d'éducation postsecondaire.
J'aimerais avoir un peu plus de détails à ce sujet. Monsieur Wetere, vous avez travaillé à la question de la littératie. Le programme de littératie que vous avez créé pourrait-il être efficace pour les peuples autochtones du Canada? Est-il rentable? Quels sont les principaux éléments qui expliquent vos succès en matière de littératie?
M. Wetere : C'est notamment à la demande des Premières Nations que je suis venu au Canada afin de redresser les niveaux de littératie au pays. Grâce à la fiducie caritative que j'ai créée en Nouvelle-Zélande en 1986... Il était inutile de venir au Canada si nous ne pouvions pas financer un programme de recherche pour créer un programme propre au Canada et aux peuples autochtones.
Nous avons approché la sénatrice Joyce Fairbairn, leader en matière de littératie au Sénat à l'époque. Nous avons installé nos caméras de télévision au Sénat. La meilleure façon d'éliminer l'analphabétisme, c'est de procéder de façon individuelle et, grâce à la technologie, c'est possible, et c'est ce que nous avons fait. Ce programme peut être offert dans les foyers pour éduquer toute la famille, tant les parents que les enfants. Dans son bureau, Joyce avait suspendu une grande pancarte sur laquelle on pouvait lire : « La littératie, ça commence à la maison. » Je me suis dit : « Wow, cette sénatrice a vraiment compris. »
Grâce à la technologie, nous avons pu offrir ce programme dans l'ensemble du Canada, jusqu'au Nunavut où nous avons fait un essai. Pour préparer les gens au marché du travail, vous devez améliorer leurs compétences en littératie et leurs compétences essentielles à l'emploi ou aux études, y compris la littératie numérique. Il est crucial que tous ces éléments soient inclus dans un même programme.
Nous avons donc créé ce programme. Je croyais pouvoir le faire avec un budget de 7 millions de dollars, ce que notre programme en Nouvelle-Zélande nous avait coûté, mais le Canada est si vaste que notre établissement en Nouvelle- Zélande a dû investir le double.
Vous pouvez créer le meilleur programme au monde, sans financement, il est inutile. Il y a bien longtemps, en 1991, nous avons créé un cours de langue accéléré inspiré de la méthode d'apprentissage baroque, en Bulgarie, axée sur la relaxation, la musique et le plaisir. J'ai intégré ces éléments à notre programme de trois ans et tout a bien fonctionné. Malheureusement, nous avons été incapables d'obtenir du financement en Nouvelle-Zélande. Par conséquent, le programme a été placé sur les tablettes où il est resté pendant sept ans.
Lorsque nous l'avons dépoussiéré, il a connu un essor fulgurant. Je dirais que 100 000 personnes ont suivi ce cours. Tous les fonctionnaires en Nouvelle-Zélande l'on suivit, car ils voulaient apprendre le Maori. Peu de temps après, personne ne parlait du Maori comme d'une langue moribonde. Le Maori est devenu la deuxième langue officielle de la Nouvelle-Zélande.
En ce qui a trait à la littératie et à la rentabilité de celle-ci, si vous pouvez offrir de la formation dans les foyers, les gens n'ont plus à se déplacer. Il suffit d'allumer la télé une heure par jour, cinq jours par semaine. Le programme est conçu pour offrir 12 années de formation en une seule. Peu importe leur niveau de littératie, les gens peuvent terminer le cours en six mois ou, s'ils ne savent pas lire, ils peuvent le terminer en un an.
Le dernier cours porte sur la littératie informatique. Selon notre expérience, presque tous les participants complètent ce cours. Tout se fait en ligne. Je n'ai encore rien vu de tel au Canada en matière de rentabilité.
Comme le souligne notre rapport, il est intéressant de constater qu'après avoir proposé que le gouvernement consacre 5 milliards de dollars à la lutte contre l'analphabétisme au Canada, le Secrétariat à l'alphabétisation a disparu. Il existe une solution et elle fonctionne. Si vous ne l'adoptez pas, vous n'arriverez pas à améliorer considérablement les taux de graduation.
C'est ma conjointe qui a dirigé le programme en Nouvelle-Zélande. C'est peut-être elle qui devrait vous parler. Elle me remet des notes et je ne décris pas bien les choses.
Le sénateur Sinclair : C'est une chose courante.
M. Wetere : J'ai des notes partout. De toute évidence, je fais tout un fouillis.
J'ignore ce que pourrait accomplir l'université autochtone sans un programme comme celui-ci pour régler les problèmes à la source de cet échec. C'est la raison pour laquelle je crois que le travail de Rebecca aura un impact positif énorme en Ontario où l'on compte la plus importante population autochtone au Canada, mais, à mon avis, il s'agit aussi d'un plan directeur pour l'ensemble du pays. C'est ce dont nous avons besoin.
Je me suis entretenu avec Vince, à Blue Quills, en Alberta. Il m'a dit : « Nous accueillons environ 300 étudiants par année et avons formé 2 300 diplômés. » Les écoles régulières n'ont pas de résultats comparables à ceux de ces établissements autochtones qui eux ne jouissent d'aucun financement en capital. Ce que font ces établissements autochtones, ils le font avec cœur.
Lorsque nous avons créé notre établissement en Nouvelle-Zélande, personne ne touchait un salaire. Tout notre personnel était bénévole. C'est ce que vous devez faire si vous voulez mettre en place ce que nous avons mis en place en Nouvelle-Zélande.
Le sénateur Sinclair : Je suis conscient du temps, monsieur le président, et je tiens à remercier nos deux témoins d'avoir accepté notre invitation et de se montrer si patients avec nous.
J'aimerais terminer en revenant sur un de vos commentaires, madame Jamieson, au sujet de l'impact des pensionnats sur les étudiants que vous avez accueillis au fil des ans dans votre établissement.
J'aimerais que votre réponse s'appuie sur votre expérience en tant que membre de la communauté et votre connaissance des membres de la communauté. Vous me corrigerez si j'ai tort, mais Six Nations comptent plus de 25 000 membres, n'est-ce pas?
Mme Jamieson : C'est exact.
Le sénateur Sinclair : Plusieurs d'entre eux sont des survivants du pensionnat nommé « le trou de bouillie », c'est exact?
Mme Jamieson : Effectivement.
Le sénateur Sinclair : J'aimerais connaître votre opinion au sujet d'un commentaire formulé par la sénatrice Beyak, une des membres de notre institution. Selon elle, plusieurs personnes ont apprécié leur expérience dans les pensionnats.
De toute votre vie, avez-vous déjà rencontré quelqu'un qui a apprécié son expérience dans « le trou de bouillie »?
Mme Jamieson : Non. Certains m'ont dit qu'ils y ont appris des choses, mais, selon mon expérience, dans notre communauté, de l'école primaire à la fin de mes études secondaires, personne n'a jamais parlé notre langue à l'école. Notre langue n'a jamais été parlée en public. Ce n'est que lorsque j'ai commencé à travailler dans le secteur de l'éducation que notre langue a commencé à être utilisée en public, soit de nombreuses années plus tard.
Ce n'est qu'un exemple du genre d'impact que les pensionnats ont eu sur nous. Est-ce une bonne chose que nous ayons appris à bien parler en anglais? Certains le pensent peut-être. Ce n'est pas une mauvaise chose, mais ce qu'il y a de triste dans tout cela, c'est que notre langue et tout ce qui concerne notre culture ont été cachés pendant plusieurs années. Ce n'est pas une bonne chose.
Il est clair que nous sommes dans une période de rétablissement. Nous sommes nombreux à revêtir beaucoup d'attributs de la société moderne, mais il nous manque encore les connaissances associées à la langue et nous continuons de les découvrir. Des professeurs m'ont dit, après avoir suivi des cours de langue : « Je sais maintenant ce qui me manquait. » C'est le genre de rétablissement personnel qui doit survenir.
Je sais que lorsque les tantes de mon conjoint ont quitté le pensionnat, elles ne voulaient rien savoir de leur communauté, car elles étaient convaincues que la communauté et ses membres étaient inférieurs et qu'elles devaient aller ailleurs où elles ne seraient pas associées à leur communauté. Est-ce une bonne chose? Non, ce ne l'est pas.
Je peux vous dire en toute sincérité que je ne connais personne qui a eu une bonne expérience dans les pensionnats.
Le sénateur Christmas : Monsieur Wetere, je tente d'assembler les pièces du casse-tête. J'espère que je ne suis pas trop perdu. Vous dites qu'une université en Nouvelle-Zélande recevait 200 millions de dollars en fonds publics. Est-ce l'université maorie?
M. Wetere : Oui. Elle recevait 200 millions de dollars par année.
Le sénateur Christmas : Vous ai-je bien entendu? Les étudiants ne déboursaient aucuns frais de scolarité?
M. Wetere : C'est exact.
Le sénateur Christmas : J'imagine qu'en Nouvelle-Zélande 200 millions de dollars en fonds publics constituent un investissement considérable. Dans votre mémoire, vous parlez de l'impact de l'université sur l'économie de la Nouvelle- Zélande.
Si les universités autochtones du Canada étaient suffisamment financées et si elles offraient la gratuité scolaire, croyez-vous qu'elles auraient le même genre d'impact sur l'économie canadienne?
M. Wetere : Oui. Nous avons trois universités autochtones en Nouvelle-Zélande. Deux d'entre elles se concentraient sur les Maoris et faisaient les choses à la façon des Maoris. Les étudiants devaient débourser des frais de scolarité, car ils étudiaient dans une université régulière. Je n'avais jamais mis les pieds dans une université. Nous avons créé les règles qui nous convenaient en fonction de la situation.
Par conséquent, ces deux universités accueillaient 2 000 peut-être 3 000 étudiants par année, tandis que nous en accueillions 15 000 par année. Nous avons atteint un sommet de 80 000 étudiants, à temps plein ou à temps partiel. Cette situation a suscité la consternation, car le gouvernement de la Nouvelle-Zélande est tenu de financer des programmes accrédités. C'est la raison pour laquelle il est possible de réaliser de grands changements.
Je suis relativement confiant. Nous avons obtenu le statut d'université en 1994, comme les autres universités, mais aucun financement. Je vous montre ici l'attitude du gouvernement de la Nouvelle-Zélande à notre égard. Il nous a donné le statut avec tous les mêmes droits qu'une université régulière, mais il ne nous a accordé aucun financement.
Je l'ai donc poursuivi en justice. J'ai organisé une manifestation au parlement et poursuivi le gouvernement en justice. J'ai dû mener une campagne de financement pour payer les frais juridiques nécessaires.
Ce n'est qu'en 2000 que nous avons obtenu du financement, comme une université régulière. L'année 2000 est celle que je ciblais. Connaissant la méthode de financement des institutions en Nouvelle-Zélande et sachant que les écarts touchaient à la fois les Maoris et les non-Maoris, je me suis dit que dans quatre ans, nous formerions le plus important établissement d'éducation postsecondaire, et c'est exactement ce qui s'est produit.
Il y a un énorme besoin insatisfait en Ontario pour les Autochtones en matière d'études universitaires. Ceux qui ne satisfont pas les exigences préalables à l'admission devraient être soutenus pour atteindre rapidement le niveau nécessaire pour ensuite progresser. Dès qu'ils font des progrès, les gens deviennent très enthousiastes.
En Nouvelle-Zélande, nos étudiants ne voulaient rien savoir d'arrêter. Ils travaillaient jour et nuit et les week-ends. Ils se concentraient sur leur éducation. C'est ce qui permet de réaliser d'énormes changements.
Le sénateur Christmas : Puis-je vous entendre sur l'impact économique?
M. Wetere : Le New Zealand Institute for Economic Research a analysé notre situation. Selon l'institut, lorsqu'il comptait 40 000 étudiants, notre établissement avait un impact de 3 milliards de dollars sur le PIB de la Nouvelle- Zélande. Nous avons doublé ces chiffres et personne n'arrivait à le croire. Notre établissement est situé dans un petit village de 10 000 habitants et notre campus principal est situé en Nouvelle-Zélande. Grâce à la technologie, vous pouvez installer votre établissement n'importe où. Il n'est plus nécessaire de s'installer dans un endroit recherché et dispendieux.
C'est d'ailleurs l'intérêt de la technologie, puisqu'elle permet d'atteindre les gens et de fournir les meilleures ressources aux étudiants dans le but d'accélérer leur processus d'apprentissage. C'est ce que Rebecca peut faire. C'est aussi ce que nous avons fait, ce qui fera avancer les choses.
La présidente : Madame Jamieson, avez-vous une réponse à donner?
Mme Jamieson : Non.
Le sénateur Enverga : J'ai une petite question. Il est écrit dans le feuillet d'information que l'éducation des Autochtones va dans la mauvaise direction en Ontario.
Qu'en est-il des autres provinces? Vont-elles dans cette même direction? Avez-vous fait des comparaisons avec d'autres provinces? Sont-elles en meilleure posture?
M. Wetere : Quand je dis que les choses vont dans la mauvaise direction, je veux dire que nous avons besoin de progresser considérablement, mais que nous ne l'avons pas fait. L'écart s'élargit entre les Autochtones et les non- Autochtones. Les personnes non autochtones ne demeurent pas immobiles. En fait, ce dont les gens ont besoin pour répondre aux exigences du marché du travail canadien évolue constamment. À moins de suivre le rythme, ce sera difficile. C'est là que se trouve le défi. Étant donné que 420 000 adultes autochtones au pays n'ont pas fait d'études postsecondaires, il est possible de constater l'écart, la pauvreté et les conditions qui règnent dans ces milieux.
Regardez la pauvreté et les conditions dans lesquelles ces gens vivent. Je me suis fâché en Nouvelle-Zélande lorsque j'ai constaté que les taux d'incarcération des Maoris étaient élevés. Ils comptent pour 15 p. 100 de la population, mais ils représentaient 50 p. 100 des détenus. La situation m'a dégoûté, et j'ai alors su que je devais faire quelque chose. J'ai soudainement compris que pour y arriver, il faut aller plus loin et avoir une incidence sur les études afin que les gens trouvent du travail. Nous avons célébré chaque fois qu'un d'entre eux a obtenu son diplôme d'apprenti. Ils ont obtenu leur diplôme, puis ont décroché un emploi. Ces gens ont haussé leur salaire. Il faut consacrer toute notre attention là- dessus.
Le sénateur Enverga : Qu'en est-il du Québec et de la Colombie-Britannique? Ces provinces traitent-elles mieux leurs populations autochtones?
M. Wetere : Je n'ai pas beaucoup étudié le Québec. On me dit que la moitié des gens sont francophones et que l'autre moitié est anglophone. Nous avons discuté avec certains fournisseurs de la province, et ils m'ont avoué que leurs taux d'études postsecondaires sont lamentables.
Il pourrait y avoir lieu d'adapter notre programme en français. Nous avons quelqu'un qui effectue un doctorat dans ce domaine, et j'espère que ce sera possible.
La présidente : C'est ce qui met fin au deuxième tour. Puisque nous avons encore quelques minutes, je vais poser une question.
En ce qui concerne les caractéristiques démographiques de la population autochtone du Canada, je sais qu'au moins 50 p. 100 d'entre eux ont 25 ans et moins. J'ignore à quoi ressemble la situation en Nouvelle-Zélande, mais je suppose qu'elle est semblable.
Quelle est l'incidence de cette répartition de l'âge sur la volonté d'accroître la réussite scolaire au sein des peuples autochtones?
Mme Jamieson : De notre point de vue, compte tenu de la nécessité de l'université des Six Nations que nous proposons, ces données démographiques sont très convaincantes. Si nous continuons à agir comme à l'habitude, nous continuerons d'engendrer des personnes et des familles qui suivront des cycles de dépendance et de désespoir. Nous devons donc briser ce cycle. Nous devons le perturber et garder ces gens motivés pour qu'ils continuent sur le chemin du bien-être et puissent participer et contribuer à la société.
Il est plutôt inquiétant de penser que ces jeunes sombreront dans la désillusion à moins que nous ne fassions quelque chose de très différent.
La présidente : Monsieur Wetere, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Wetere : En Nouvelle-Zélande, nous avons pris des élèves du secondaire, et avons permis à notre population vieillissante d'améliorer la langue maternelle de ces jeunes. Nous avons conçu un diplôme de deux ans visant à comprendre notre histoire, notre tradition et notre culture en Nouvelle-Zélande. Les inscriptions étaient ouvertes à tous. Voilà à quoi l'éducation devrait ressembler. Tout le monde est touché.
Il y a quelques années, j'ai été invité à me rendre à Kuala Lumpur, en Malaisie. Je me suis retrouvé à un endroit qui fabriquait des toges pour la remise des diplômes. J'étais étonné que l'entreprise fournisse les universités de Cambridge et d'Oxford. Je me suis dit : « Bon sang, si ces universités vont jusqu'en Malaisie pour se procurer des toges, je peux bien faire fabriquer les nôtres là-bas. »
J'ai donc reçu 1000 toges fabriquées à Kuala Lumpur. J'ai demandé à notre faculté des arts en Nouvelle-Zélande d'envoyer des dessins pour les détenteurs de baccalauréat, de doctorat, de certificats et d'autres diplômes. Les toges sont ornées de tous les symboles maoris. En Nouvelle-Zélande, il arrive très souvent que nous devions, en une seule journée, utiliser ces toges trois fois pour 3 000 étudiants qui reçoivent leur diplôme. La soif de connaissance est incroyable. Si vous l'alimentez soudainement, vous serez étonné de la réponse.
La présidente : C'est déjà la fin de la séance. Au nom du comité, j'aimerais remercier nos témoins de ce matin : Mme Jamieson et M. Wetere.
On dirait que de très bons programmes s'en viennent pour l'Ontario. Nous avons pu bénéficier ce matin de la sagesse tirée de l'expérience de la Nouvelle-Zélande.
Sans plus tarder, la séance est levée.
(La séance est levée.)