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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 24 - Témoignages du 13 juin 2017


OTTAWA, le mardi 13 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 4, pour étudier les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour; tanisi.

Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs et membres du public qui assistent en personne à cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ou qui nous regardent sur Internet. Dans un esprit de réconciliation, je tiens à reconnaître que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel non cédé des peuples algonquins.

Je m'appelle Lillian Dyck. Je suis de la Saskatchewan et j'ai l'honneur et le privilège de présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

J'inviterais maintenant mes collègues sénateurs à se présenter.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

Le sénateur Tobias Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Christmas : Daniel Christmas, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.

La présidente : Merci, sénateurs. Je vois la sénatrice Kim Pate qui arrive. Bienvenue.

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur la forme que pourraient prendre les nouvelles relations entre le gouvernement du Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis du Canada. Nous continuons notre examen de l'histoire, de ce qui a été étudié et des discussions sur le sujet.

Nous parlerons aujourd'hui de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Pour l'occasion, nous accueillons Dalee Sambo Dorough, professeure agrégée, Institut de recherches sociales et économiques, Université de l'Alaska à Anchorage; et Paul Joffe, avocat, Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee).

Je vous souhaite la bienvenue. Vous disposerez chacun de 10 minutes pour nous présenter votre exposé, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs. Merci.

Dalee Sambo Dorough, professeure agrégée, Institut de recherches sociales et économiques, Université de l'Alaska à Anchorage : Je remercie les membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones pour cette occasion qui m'est offerte de m'exprimer au sujet de votre initiative visant à examiner les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis et à faire rapport de vos conclusions.

Cette initiative représente une occasion concrète pour le Sénat d'apporter une contribution constructive à la réorientation des relations axées sur les droits de la personne, la justice et la réconciliation.

Les principaux points de mon exposé porteront sur la participation du Canada au processus d'établissement des normes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la tendance croissante de faire avancer le respect des droits de la personne des peuples autochtones et le besoin urgent d'adopter un cadre global qui adhère totalement aux droits de la personne des peuples autochtones.

Malheureusement, l'historique des relations entre les peuples autochtones et les nouveaux arrivants au Canada, d'ailleurs, partout dans le monde, en est une de subjugation, de domination et d'exploitation. Nous reconnaissons tous que les Inuits, Premières Nations et Métis ont souffert des injustices historiques découlant de leur colonisation et de l'expropriation de leurs terres, de leurs territoires et de leurs ressources, empêchant ces peuples de faire valoir, notamment, leurs droits en matière de développement selon leurs propres besoins et intérêts.

Toutefois, les antécédents et l'héritage du colonialisme demeurent et se manifestent dans les graves disparités que l'on retrouve dans presque tous les aspects de la vie des peuples autochtones au Canada, notamment dans l'Arctique. D'ailleurs, on peut affirmer que la réalité historique est l'une des principales raisons pour lesquelles l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté, en 2007, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, marquant essentiellement la fin de cet héritage.

Cet exercice de 25 ans visant à élaborer et à faire adopter cette Déclaration des Nations Unies a été réalisé grâce à des négociations et à un dialogue de bonne foi entre les peuples autochtones et les pays membres de l'ONU. Dans ce contexte, le gouvernement du Canada a participé pleinement et activement aux négociations et s'est engagé solennellement à veiller au respect des droits de la personne des peuples autochtones, à les protéger et à les promouvoir, conformément à la Charte des Nations Unies, tant sous le leadership des libéraux que sous celui des conservateurs. Les représentants des Premières Nations, Inuits et Métis ont aussi participé directement à ce processus. Il est clair que le gouvernement canadien a joué un rôle important pour élaborer les normes complètes affirmées dans la déclaration des Nations Unies et influencer leur libellé.

Cette déclaration a été adoptée à l'unanimité par les pays membres et réaffirmée dans au moins trois résolutions différentes de l'Assemblée générale des Nations Unies. Il est important de rappeler aussi que l'Assemblée générale des Nations Unies se compose de 193 pays membres. Toutefois, cet instrument international des droits de la personne doit avoir une certaine signification à l'échelle nationale, là où elle a le plus de pertinence.

Concernant le statut de cette déclaration, les juristes et tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada, ont reconnu que même si l'ensemble de la déclaration des Nations Unies n'est pas juridiquement contraignante, bon nombre de ses principales dispositions relèvent du droit conventionnel et du droit international coutumier et créent des obligations juridiquement contraignantes en faveur des peuples autochtones.

À cet égard, l'Association de droit international a conclu que les articles de la déclaration affirmant le droit à l'autodétermination, le droit à la culture, les droits fonciers et le droit à réparation et à des recours relèvent du droit international coutumier entraînant des obligations juridiquement contraignantes pour les pays membres de l'ONU, dont le Canada. Dans une certaine mesure, la déclaration des Nations Unies a diverses conséquences juridiques.

La déclaration ne crée aucun nouveau droit. Comme le souligne son préambule, la déclaration des Nations Unies répond à la nécessité urgente de respecter et de promouvoir les droits de la personne des peuples autochtones et affirme un vaste éventail de droits politiques, économiques, sociaux, culturels, spirituels et environnementaux. Elle reflète les caractéristiques et dimensions culturelles distinctes des peuples autochtones partout dans le monde et s'y plie.

De nombreux articles de la déclaration ont été invoqués et affirmés dans les Ententes sur les revendications territoriales globales conclues entre les Inuits et la Couronne. Par exemple, la Loi sur l'Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador, adoptée en 2005, affirme : le droit à l'autodétermination, ainsi que les droits des Inuits en matière de terres, de territoires et de ressources, y compris la mer territoriale de 12 miles, conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer; les droits de chasse, de pêche et de récolte, ainsi que la gestion et cogestion correspondantes du régime pour soutenir les économies de subsistance et autochtones; ainsi qu'une foule d'autres droits de la personne individuels et collectifs interreliés, interdépendants et indivisibles.

Les droits affirmés dans la déclaration des Nations Unies sont des normes minimales — je dis bien, des normes minimales — pour la survie, la dignité, la sécurité et le bien-être des peuples autochtones du monde. Ces normes sont les éléments fondamentaux qui servent à protéger les peuples autochtones du monde, y compris ceux du Canada, et à assurer leur existence et leur intégrité culturelle continues.

Étant donné le contenu et la solennité de la déclaration des Nations Unies et ce qui est en jeu, les futures relations politiques, économiques, sociales et culturelles entre les peuples autochtones et les nouveaux arrivants au Canada doivent s'appuyer sur le cadre des droits de la personne établi dans la déclaration. Qui plus est, la déclaration doit être lue dans le contexte de tous les autres instruments internationaux des droits de la personne, y compris la Déclaration américaine relative aux droits des peuples autochtones qu'a adoptée récemment l'Organisation des États américains, ainsi que les droits affirmés dans la Convention no 169 de l'OIT sur les peuples autochtones et les populations tribales.

Au sujet de l'application des droits affirmés dans la déclaration concernant des enjeux propres aux peuples autochtones du Canada, je ferais observer que presque tous les enjeux auxquels s'intéressent ce comité et le Sénat ont une incidence sur les peuples autochtones du pays. Par conséquent, il est impératif que la déclaration des Nations Unies soit abordée à l'intérieur d'un processus et d'un cadre législatifs complets, incluant un mécanisme de surveillance.

J'ai pu constater les conditions juridiques et politiques auxquelles sont confrontés les peuples autochtones partout dans le monde. La communauté mondiale a accepté et affirmé le statut et les droits distincts des peuples autochtones. Les pays membres de l'ONU, les institutions des Nations Unies, les organisations non gouvernementales, les universités et autres dans toutes les régions du globe utilisent maintenant les expressions « droits de la personne », « donné librement et en connaissance de cause » et « droits à l'autodétermination » et plusieurs autres expressions et termes pertinents en ce qui a trait aux peuples autochtones. Le point que je veux soulever, c'est que nous avons dépassé l'étape de la détermination des droits de la personne autochtones. Nous sommes rendus à l'étape de la mise en œuvre totale et efficace de ces droits, en collaboration avec les peuples autochtones.

En tant qu'observatrice externe, je suis d'avis que le Sénat du Canada peut avoir une influence extraordinaire et positive sur la mise en œuvre efficace de la déclaration des Nations Unies et l'établissement d'un cadre contemporain des droits de la personne. Grâce à la déclaration, le gouvernement du Canada peut réduire l'impact de l'héritage que nous connaissons tous trop bien, y compris ce que la Commission de vérité et réconciliation a permis de découvrir. Les conditions socioéconomiques intolérables et la marginalisation politique peuvent être abordées de façon significative grâce à la réalisation de la déclaration des Nations Unies.

À mon avis, le gouvernement du Canada doit rapidement définir les méthodes et mécanismes qui permettront aux peuples autochtones du pays d'exercer les droits de la personne affirmés dans la déclaration et de profiter de ces droits. Mais, surtout, tous doivent reconnaître les engagements solennels pris par le Canada quant à l'élaboration d'un plan d'action national, en collaboration avec les peuples autochtones concernés, pour la mise en œuvre de la déclaration des Nations Unies. Non seulement il s'agit d'un engagement volontaire pris dans le cadre des Nations Unies, comme vous le savez, il s'agit aussi d'un engagement solennel que l'administration actuelle a répété, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale.

En outre, le gouvernement du Canada a pris plusieurs engagements croisés et interreliés. Par exemple, il a pris des engagements internationaux supplémentaires importants par rapport aux Objectifs de développement durable et à l'Accord de Paris, qui fait directement référence aux peuples autochtones et aux droits de la personne. Comme vous le savez peut-être, les divers Objectifs de développement durable et indicateurs correspondants ont été adoptés à l'unanimité par les membres de l'Assemblée générale des Nations Unies, y compris le Canada.

Pour bon nombre de raisons, le Sénat du Canada a un rôle essentiel à jouer pour assurer que le gouvernement s'éloigne réellement du colonialisme en faisant preuve de respect à l'égard des droits de la personne des peuples autochtones et en reconnaissant ces droits.

Encore une fois, je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de m'exprimer sur la déclaration des Nations Unies. Je suis impatiente de discuter avec vous et de poursuivre le dialogue à l'avenir. Quyanaq.

La présidente : Merci, professeure. Maître Joffe, vous avez la parole.

Paul Joffe, avocat, Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) : Honorables membres du comité, bonjour et merci de m'avoir invité à témoigner.

J'aimerais d'abord féliciter le comité pour son étude sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et l'intégration de cette déclaration dans son travail.

Commençons par un bref historique de la situation. On compte plus de 370 millions d'Autochtones répartis dans plus de 70 pays. Les violations des droits de la personne perpétrées hier et encore d'aujourd'hui ont poussé les peuples autochtones à chercher des recours et procédures juridiques efficaces dans d'autres pays que le leur. Pourtant, ce n'est qu'en 1982 que les Nations Unies ont créé le Groupe de travail des populations autochtones, le GTPA, pour établir des normes relatives aux droits des peuples autochtones.

Au bout de quelques années, le GTPA a commencé à travailler à l'ébauche d'une déclaration sur les droits des peuples autochtones. Après 20 ans de travail avec divers organismes des Nations Unies, la déclaration a été approuvée par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 13 septembre 2017 : 144 membres ont voté pour, 4 ont voté contre et 11 se sont abstenus. Les quatre pays ayant voté contre, soit le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, ont depuis changé leur fusil d'épaule.

En novembre 2010, le Canada a déclaré :

Nous sommes désormais convaincus que le Canada peut interpréter les principes de la Déclaration de façon conforme à sa Constitution et à son cadre juridique.

Le 16 décembre 2010, le dernier pays s'opposant toujours à la déclaration est revenu sur sa position. Ainsi, la déclaration des Nations Unies a donc été adoptée à l'unanimité comme un instrument international des droits de la personne.

À ma connaissance, aucun document sur les droits de la personne n'a été discuté et négocié aussi longtemps dans l'histoire de l'ONU. Il s'agit également de la première fois que les sujets d'un tel instrument — dans ce cas-ci, les peuples autochtones — participent largement à l'élaboration d'une telle déclaration au côté des pays membres. Ce processus établit un point de référence important pour la participation démocratique des peuples autochtones dans le contexte de l'ONU.

L'importance de la déclaration des Nations Unies continue de croître. De plus en plus de tribunaux et commissions régionales et domestiques s'y fient. De plus, un plan d'action systémique comportant des dimensions nationales et internationales a récemment été créé à l'ONU. Le but ultime de ce plan d'action est la mise en œuvre de la déclaration à tous les niveaux, avec la participation efficace des peuples autochtones.

Examinons maintenant l'importance de la déclaration des Nations Unies.

Généralement, les instruments internationaux de droits de la personne se concentrent sur les droits individuels. Affirmant, en grande partie, les droits collectifs des peuples autochtones, la déclaration des Nations Unies comble une lacune importante dans le système international. Comme l'a souligné le Mécanisme d'experts des Nations Unies au sujet des droits des peuples autochtones, la déclaration des Nations Unies constitue « [...] un cadre de principes pour la justice, la réconciliation, la guérison et la paix [...] ». Elle applique les normes actuelles en matière de droits de la personne aux circonstances historiques, culturelles et sociales particulières des peuples autochtones.

Il est important et urgent que la déclaration des Nations Unies soit largement utilisée pour interpréter les droits autochtones et les droits issus de traités consentis par l'article 25 de la Loi constitutionnelle de 1982, ainsi que toute autre loi canadienne pertinente. L'importance de la déclaration des Nations Unies a été renforcée par la Commission de vérité et réconciliation du Canada, dont 16 des 94 appels à l'action sont liés à la déclaration.

L'appel à l'action 43 dit ceci :

[...] aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de même qu'aux administrations municipales d'adopter et de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le cadre de la réconciliation.

Donc, les appels à l'action de la déclaration des Nations Unies et de la CVR sont interreliés. Ceux qui choisissent de s'attaquer à la déclaration s'attaquent également à l'initiative de réconciliation nationale du Canada. La CVR est peut- être la plus importante commission jamais créée au pays. Plus particulièrement, ses rapports servent de catalyseurs essentiels pour le genre de réformes ambitieuses dont le Canada a tant besoin.

En mai 2016, devant l'Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones, Carolyn Bennett, ministre des Affaires autochtones, a déclaré ceci au nom du Canada :

En adoptant et en mettant en œuvre la Déclaration, nous donnons vie à l'article 35 que nous reconnaissons comme un ensemble complet de droits pour les peuples autochtones.

En février 2012, le Canada a indiqué ceci au Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination raciale :

Bien que la Déclaration des Nations Unies n'ait aucun impact juridique au Canada, les tribunaux canadiens pourraient consulter les sources juridiques internationales au moment d'interpréter les lois canadiennes, incluant la Constitution.

Cela inclurait nécessairement l'article 35.

Dans le Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act de 1987, en Alberta, le juge en chef de la Cour suprême, Brian Dickson, a souligné que les déclarations et autres sources du droit international des droits de la personne « doivent [...] être considérées comme des sources pertinentes et persuasives quand il s'agit d'interpréter les dispositions de la Charte. »

J'aimerais terminer mon exposé en parlant brièvement du développement durable, de la pauvreté et des droits de la personne.

En septembre 2015, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté à l'unanimité un instrument clé pour le développement durable à l'échelle mondiale intitulé Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l'horizon 2030. Cet instrument stipule, entre autres, que les pays membres s'engagent :

[...] d'ici 2030, à mettre un terme à la pauvreté et à la faim à l'échelle mondiale, [...] à protéger les droits de la personne, à défendre l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes et des jeunes filles, et à garantir la protection durable de la planète et de ses ressources naturelles.

En juin 2012, la Commission des Nations Unies sur le développement durable Rio +20, dans son document intitulé The Future We Want, a reconnu l'importance de la déclaration des Nations Unies dans le contexte de la mise en œuvre mondiale, régionale, nationale et infranationale de stratégies de développement durable.

En février 2017, le premier ministre Trudeau a mandaté un groupe de travail composé de ministres et présidé par la ministre de la Justice pour examiner les lois, politiques et pratiques opérationnelles pertinentes. L'objectif n'est pas seulement de s'assurer que la Couronne respecte ses obligations constitutionnelles relativement aux droits autochtones et aux droits issus de traités, mais aussi qu'elle respecte les normes internationales en matière de droits de la personne, y compris la déclaration des Nations Unies. Parallèlement, ce groupe de travail doit également soutenir la mise en œuvre des appels à l'action de la CVR.

Le moment est venu pour le gouvernement de travailler avec les peuples autochtones à la réalisation efficace de la déclaration des Nations Unies au Canada. Merci.

La présidente : Merci beaucoup aux témoins.

Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs. Notre premier intervenant sera le vice-président du comité, le sénateur Patterson.

Le sénateur Patterson : J'estime le comité très chanceux de pouvoir compter sur des témoins possédant des décennies d'expériences dans les domaines des droits des Autochtones et du droit des Autochtones. Je suis heureux de les revoir, eux que je connais depuis de nombreuses années.

J'aimerais d'abord m'adresser à Me Joffe. Ce n'est qu'en mai 2016 que le gouvernement du Canada a annoncé qu'il adopterait sans réserve la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Savez-vous si, depuis ce changement de position, les peuples autochtones du Canada, Métis, Inuits, Premières Nations, ont eu recours à la déclaration des Nations Unies pour défendre leurs intérêts?

M. Joffe : Oui. Certains dossiers sont devant les tribunaux. J'ai fait des recherches il y a environ un mois et j'ai découvert qu'il y avait environ 36 affaires devant les tribunaux.

Je dois dire, d'abord, qu'il y a des problèmes avec certaines procédures judiciaires. Par exemple, des individus pauvres en désespoir de cause se présentent devant les tribunaux sans avocat. Ces affaires ne se déroulent pas très bien. Comme vous le savez, il s'agit d'un problème avec lequel le système juridique doit composer à tous les niveaux.

L'autre problème, c'est que beaucoup d'avocats, même lorsqu'ils représentent les intérêts des peuples autochtones, ne connaissent pas la déclaration des Nations Unies. Ils l'ajoutent à leur demande introductive d'instance, mais, malheureusement, ils ne peuvent pas débattre de son contenu. Donc, les principes de la déclaration ne sont pas toujours défendus.

Cela dit, dans le cadre d'une affaire concernant les Inuits, à Terre-Neuve-Labrador, je crois, une partie de la déclaration a été bien accueillie par le tribunal. Toutefois, dans sa décision, le juge a posé la question suivante : « Pourriez-vous me dire comment cette déclaration peut s'appliquer à la Constitution ou me donner une référence en ce sens? » Et l'avocat n'a pas été en mesure de le faire. Mais, comme je l'ai dit plus tôt, même le gouvernement précédent a dit au Comité pour l'élimination de la discrimination raciale que la déclaration peut être utilisée en ce qui a trait à la Constitution. C'est la raison pour laquelle je prétends que les résultats ne sont pas tous bons.

Dans le cadre d'une affaire relative à un dossier de santé, en Ontario, les Métis ont eu recours à la déclaration et cela a été bien reçu par le tribunal. L'affaire portait sur la santé d'un enfant métis. Le tribunal s'est référé aux engagements du gouvernement et à la déclaration des Nations Unies afin d'établir le contexte pour la suite des procédures.

En ce qui concerne les Premières Nations, comme je l'ai souligné, certaines affaires ont été mieux débattues que d'autres. Donc, la perception des tribunaux varie. Je vais vous donner un exemple. Dans une large mesure, mais pas toujours, les tribunaux ignorent qu'une déclaration n'est ni signée ni ratifiée. Donc, les juges se disent que le Canada a peut-être signé la déclaration, mais il ne l'a pas ratifiée. Dans les deux cas, ils font erreur. Les déclarations ne sont ni signées ni ratifiées. Cette précision est même apportée sur le site web du gouvernement. C'est un exemple qui explique pourquoi, jusqu'à maintenant, la déclaration n'a pas entraîné la création de normes et de discours aussi élevés pour les droits de la personne des peuples autochtones que pour d'autres droits de la personne au pays.

Le sénateur Patterson : Merci pour ces précisions.

J'aimerais maintenant vous poser une question précise sur les régions inuites au Canada — et toutes ont conclu une entente — en commençant par les Inuits du nord du Québec. Je sais que c'est une région qui vous est très familière, Me Joffe, puisque vous avez travaillé avec mon collègue, le sénateur Watt, alors qu'il était président de l'Association des Inuits du Nouveau Québec. À moins que je me trompe, vous avez aussi travaillé pour cette organisation avant qu'elle ne soit établie. Toutes les régions inuites ont conclu des ententes sur les revendications territoriales globales, renonçant essentiellement à leurs terres visées par un titre aborigène, si je ne m'abuse. Vous me corrigerez si j'ai tort.

L'article 27 de la déclaration stipule que les pays doivent créer un processus pour reconnaître les droits des peuples autochtones en ce qui concerne leurs terres, processus auquel les peuples autochtones devraient participer. Je crois que cela a été fait au Canada. Certains diront que ce n'est pas parfait, mais je crois que cela a été fait au Canada avec les Inuits de toutes les régions inuites au pays. Voilà pour l'article 27.

C'est à l'article 28 que l'on retrouve la phrase bien connue souvent utilisée lorsqu'il est question de projets de mise en valeur des ressources : « [...] donné librement et en connaissance de cause. » L'article 28 parle du droit à réparation des peuples autochtones et de leur droit à une indemnisation pour « [...] les terres, territoires et ressources qu'ils possédaient traditionnellement ou occupaient ou utilisaient et qui ont été confisquées, pris, occupés, exploités ou dégradés sans leur consentement, donné librement et en connaissance de cause. »

Ma question est la suivante : comment la déclaration des Nations Unies s'aligne-t-elle aux Ententes sur les revendications territoriales pour les terres inuites? Certains prétendent que des projets ne peuvent pas être exécutés, car, conformément à la déclaration des Nations Unies, ils doivent d'abord obtenir un consentement « [...] donné librement et en connaissance de cause. » C'est l'argument qui a été utilisé concernant un grand projet d'uranium à Kivalliq où l'organisation Makita recommandait la tenue d'un plébiscite ou d'un vote des Inuits. Mais, le Nunavut a conclu une Entente sur les revendications territoriales qui consent certains droits et prévoit le recours à un processus d'examen environnemental pour déterminer si un projet peut aller de l'avant et sous quelles conditions. Fait intéressant, à la suite de ce processus, le projet d'uranium de Kiggavik a été récemment rejeté.

La question est de savoir si dans les régions où une Entente sur les revendications territoriales a été conclue, et je dirais que c'est le cas pour toutes les régions inuites du Canada, si le processus d'examen, aussi imparfait puisse-t-il être, des projets de mise en valeur des ressources prévu dans ces ententes a préséance sur le droit au consentement donné librement et en connaissance de cause, comme le précise l'article 28? Les gens semblent croire que cette déclaration leur donne de nouveaux droits, en plus de ceux qui leur sont consentis dans les Ententes sur les revendications territoriales. Comment ces deux instruments fonctionnent-ils ensemble, en tenant compte du fait que les Ententes sur les revendications territoriales sont protégées par la constitution canadienne?

M. Joffe : Je vous remercie de vos questions. Nous aimons les questions pointues et difficiles.

Tout d'abord, je dois parler de cession et d'extinction, sur le plan des droits de la personne. Dans la loi internationale en matière de droits de la personne, il n'y a pas d'extinction des droits. On ne peut pas éteindre les droits de la personne. On peut atteindre un certain équilibre, on peut les restreindre à certains moments, mais on ne peut pas les céder ou les éteindre.

Oui, j'ai participé aux revendications territoriales des Inuits avec le sénateur Watt. C'était la première revendication, qui avait trait à la Convention de la baie James et du Nord québécois. Parfois, les situations sont assez convaincantes; il était question du projet hydroélectrique.

La déclaration vise à désigner la consultation et la coopération avec les peuples autochtones à titre de norme minimale. C'est écrit à l'article 38. C'est la première chose.

Pour aller de l'avant, et sans égard à certaines des ententes préalables, il faut se demander comment réussir la réconciliation au Canada et comment collaborer. Comment pouvons-nous respecter les droits de chacun et, dans le cas présent, les droits de la personne? Jusqu'à présent, on n'a pas utilisé l'expression « droits de la personne » dans le cadre du dialogue. Lorsqu'il est question de développement des ressources, on n'entend jamais une société ou le gouvernement dire : « Nous nous préoccupons des droits de la personne. » On n'a pas abordé la question sous cet angle.

En revanche, aucun des droits de la déclaration n'est absolu. En règle générale, les droits de la personne sont relatifs. Ils ne sont pas absolus. La seule exception, qui se trouve à l'article 7, est le génocide. La protection contre le génocide constitue un droit absolu, mais en règle générale, les droits sont relatifs. Le paragraphe 46(3) énonce de nombreux principes fondamentaux associés à la déclaration. Ce sont les principes de base du système juridique canadien et du système international; ce sont également les principes qui ont été refusés aux Autochtones tout au long de l'histoire : l'égalité, la justice, la non-discrimination, la gouvernance du gouvernement et la bonne foi.

Aujourd'hui, et sans égard à la présence d'une entente ou non, la tâche et le défi consistent à miser sur un cadre contemporain en matière de droits de la personne afin de s'éloigner du colonialisme, qui était — et est toujours — le fondement des négociations. Cela n'a pas été facile. Comme le fait valoir la CVR, pour aller de l'avant, il faut qu'il y ait réconciliation. Il faut trouver des façons de se rassembler et de collaborer.

Il faut bien sûr que les nouveaux développements se fondent sur les normes internationales appropriées. Comme l'a fait valoir Dalee, il ne s'agit pas seulement de la déclaration de l'ONU; il y a un groupe de travail sur les sociétés et entreprises transnationales, qui établit les normes. Le consentement fait partie de ces normes.

J'aimerais dire une dernière chose : avec le consentement — un consentement libre, préalable et éclairé... En passant, c'est la même chose que la notion de consentement dans le droit canadien, parce que le consentement doit toujours être donné librement. S'il y a contrainte, il n'y a pas de consentement valide. Le consentement préalable... si vous obtenez le consentement après le projet, ce n'est pas un consentement non plus. Enfin, le consentement éclairé : Si vous ne présentez pas tous les renseignements nécessaires, vous n'obtenez pas le consentement.

Les deux lois — la loi canadienne et la loi internationale — disent donc la même chose, mais le consentement ne tire pas son origine dans la déclaration. Comme l'a dit Dalee, la déclaration ne crée pas de nouveaux droits; ce sont des droits inhérents, qui se trouvent au paragraphe 7 du préambule. Il a trait au droit à l'autodétermination, qui se trouve dans les deux pactes internationaux sur les droits de la personne : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L'article 1 des deux pactes est identique et il vise le droit à l'autodétermination.

Le Canada l'a ratifié il y a plus de 40 ans, en 1976, et l'un des sous-articles de l'article 1 énonce que les États comme le Canada ont le devoir, l'obligation expresse, de respecter et de promouvoir le droit à l'autodétermination. Pourquoi alors n'a-t-on pas utilisé ce droit pendant tout ce temps, alors que le sénateur Watt, les Inuits et les autres négociaient la déclaration?

Tout ce que je dis, c'est qu'il faut tenir compte de tout le contexte des droits de la personne. Si la réconciliation et ce qui s'est passé dans les pensionnats étaient si tragiques, misons sur cette base solide... non pas sur le colonialisme, mais bien sûr un cadre contemporain en matière de droits de la personne.

Mme Dorough : J'aimerais faire un commentaire, rapidement, au sujet de l'utilisation de certains termes. À mon avis, et d'un point de vue technique... par exemple, le titre du soi-disant accord sur les revendications territoriales en Alaska était la loi sur le règlement des revendications des peuples autochtones de l'Alaska. C'est très problématique pour la reconnaissance des droits. La loi comporte de nombreux problèmes et ne mentionne aucunement le droit à l'autodétermination, par exemple.

L'utilisation du terme « règlement » dans le contexte canadien n'est pas tout à fait juste, parce que — comme vous l'avez fait valoir — ces accords sont protégés en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle. L'utilisation du terme « règlement » m'amène à parler de cette manipulation constante des droits de la personne, puisque l'acceptation d'un accord exhaustif sur les revendications territoriales, après des dizaines d'années de négociation, ne signifie pas que les normes relatives aux droits autochtones ne sont plus pertinentes. En fait, on pourrait soutenir que ces normes sont encore plus pertinentes pour les aspects procéduraux visant à obtenir le consentement des personnes visées, surtout lorsqu'il y a des conséquences négatives possibles associées à un large éventail de droits de la personne.

Les processus, procédures et mécanismes qui sont peut-être bien établis dans un accord sur les revendications territoriales peuvent — et doivent — s'inspirer des instruments internationaux en matière de droits de la personne, notamment la déclaration de l'ONU, surtout lorsqu'il y a des défis et difficultés associés à l'interprétation des accords sur les revendications territoriales. C'est là où se recoupent le droit international en matière de droits et la personne, le contexte national et les défis auxquels sont confrontés les Autochtones.

J'aimerais faire deux autres commentaires au sujet de votre première question. Vous avez demandé si les Autochtones du Canada avaient invoqué la déclaration de l'ONU, à l'échelle nationale ou autre. Il importe de reconnaître d'abord qu'avant l'adoption de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones par l'Assemblée générale en 2007, les Autochtones invoquaient l'ébauche de la déclaration. C'est très important, parce qu'à cette époque, les États réagissaient et répondaient aux normes internationales en matière de droits de la personne qui n'avaient pas encore été cristallisées, puisqu'elles n'avaient pas été adoptées officiellement par l'Assemblée générale des Nations Unies. Ce n'est pas seulement le cas ici au Canada, mais aussi à l'échelle internationale, en Amérique latine et ailleurs : les Autochtones intégraient les normes à leurs plaidoyers locaux et nationaux, mais aussi à l'échelle internationale. Paul a parlé du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, qui était invoqué par les Autochtones alors qu'il était à l'état d'ébauche.

En effet, en ce qui a trait au libellé de la déclaration, j'ai parlé du droit international coutumier auquel il est fait référence dans les dispositions clés de la déclaration. Les arguments présentés au nom des Autochtones se fondaient sur le comportement, les coutumes et les pratiques des États. Si l'on pense à la situation ici au Canada et à la reconnaissance des droits collectifs des Inuits — l'utilisation du terme « peuples », par exemple —, c'est ce genre de comportement, de coutumes et de pratiques de la part des États dont ont pu se servir les Autochtones pour dire : « Vous voyez, cela existe déjà dans votre Constitution, dans vos lois et dans votre droit administratif. Cela existe dans différents contextes. »

C'est devenu un argument convaincant, parce que les États de l'Amérique latine et d'ailleurs ont dû prendre une pause et reconnaître que oui, en effet, le comportement étatique correspondait à ce que souhaitaient voir les Autochtones en ce qui a trait au libellé précis des divers articles de la déclaration, ce qui a été cristallisé lorsqu'elle a été adoptée en 2007.

Je n'ai pas la liste détaillée des cas, par exemple, mais ils ont été nombreux lorsque la déclaration était provisoire et depuis son adoption en 2007.

Le président : J'aimerais vous poser une question complémentaire. La conversation a été très bonne. Je vous remercie de vos questions et de vos réponses enrichissantes.

Lorsqu'il est question de droits, nous parlons souvent de choses très concrètes comme le développement des ressources et les revendications territoriales, mais il est aussi question des droits de la personne. Comme nous le savons, les femmes n'ont souvent pas les mêmes droits que les hommes dans le monde. Y a-t-il des exemples de pays qui ont signé la déclaration de l'ONU et qui ont mieux réussi à garantir des droits égaux pour les hommes et les femmes? Dans l'affirmative, quels seraient les facteurs qui nous permettraient de reconnaître les droits des femmes autochtones, afin qu'ils soient les mêmes que ceux des hommes? Comme vous le savez, le système colonial a souvent donné lieu à l'élimination des droits des femmes autochtones. Par exemple, nous discutions récemment d'un projet de loi visant à éliminer la discrimination fondée sur le sexe dans la Loi sur les Indiens en ce qui a trait au statut d'indien ou à la citoyenneté. Y a-t-il des cas où la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones s'est avérée utile pour rétablir l'égalité des droits pour la femme?

Mme Dorough : Tout d'abord, dans l'histoire, cette disposition unique — l'article 44 de la déclaration de l'ONU — a été la première à faire l'objet d'un consensus entre les Autochtones et, de façon particulière, les États membres : les droits affirmés dans la déclaration de l'ONU sont garantis pour les hommes comme pour les femmes. Il s'agit donc d'un enjeu clé et central en matière d'égalité entre les sexes.

Je dirais que la tendance veut que les femmes autochtones participent directement, de façon significative et efficace, à tous les processus internationaux. Donc, même dans le contexte des développements subséquents depuis la première ébauche de la déclaration de l'ONU, cette garantie relative à la participation des femmes autochtones est importante. Les problèmes en matière d'égalité existent toujours, mais à lui seul, cet exercice a permis de créer un espace politique et intellectuel pour garantir la représentation des femmes.

À l'échelle nationale, ONU Femmes et les organismes de l'ONU sont actifs dans l'ensemble de l'Amérique latine et ont aidé de nombreuses femmes. Les industries artisanales, qui sont principalement gérées et exploitées grâce à l'énergie et à la contribution des femmes autochtones, en sont un bon exemple.

En ce qui a trait aux problèmes qui touchent les femmes du Canada, je dois dire malheureusement qu'il reste beaucoup de chemin à faire dans la région de l'Arctique et de façon générale, si l'on pense à la violence contre les femmes autochtones et aux femmes assassinées ou disparues. Je crois que la déclaration a su jeter la lumière sur ces enjeux, qui sont toujours choquants, mais pour ce qui est d'attirer l'attention sur ces problèmes et d'utiliser la déclaration pour y remédier, le libellé de l'article 44 et la défense des femmes autochtones représentent une occasion de lutter contre ces atrocités et ces problèmes.

La dernière chose que je veux dire au sujet de l'égalité entre les sexes et de l'égalité, c'est que l'article 44 doit être lu dans le contexte de tous les autres articles de même que dans le contexte de la place et du statut des femmes autochtones en ce qui a trait aux droits aux terres, aux territoires et aux ressources, au droit de prendre part directement aux questions qui ont une incidence sur elles et sur leurs droits, au droit de protéger leur économie traditionnelle, et cetera. Si l'on pense au rôle des femmes autochtones de toutes ces façons indivisibles et interreliées, on constate qu'il s'agit d'une plateforme importante permettant aux femmes d'obtenir l'égalité entre les sexes qu'elles méritent, non seulement en vertu de la déclaration de l'ONU, mais aussi en vertu de tous les autres instruments internationaux en matière des droits de la personne.

M. Joffe : J'ajouterais rapidement qu'il ne fait aucun doute que les femmes autochtones occupent une place très importance dans nombre de nos processus. Le problème, sur le plan mondial, c'est qu'on ne peut pas dire que les femmes autochtones sont suffisamment bien protégées d'une quelconque façon dans quelque domaine que ce soit. Et bien que l'ONU dise qu'il faut adopter une approche égalitaire, sur le terrain, ces problèmes sont très présents.

Le paragraphe 22(1) est très utile à cet égard. Je vais vous le lire :

Une attention particulière est accordée aux droits et aux besoins spéciaux des anciens, des femmes, des jeunes, des enfants et des personnes handicapées autochtones dans l'application de la présente déclaration.

Cela signifie que pour appliquer la déclaration, il faut se mettre dans la peau des personnes mentionnées. Il faut voir la situation selon le point de vue des personnes âgées, des jeunes, des femmes, des personnes handicapées et des enfants et songer à ses conséquences. Comme l'a dit Dalee, il faut aussi avoir recours à d'autres instruments nationaux et internationaux, mettre tout cela ensemble et tenter d'améliorer la situation dans tous ces domaines. C'est notre façon de faire. Comme l'a dit Dalee, on n'étudie jamais une disposition de façon isolée. On tient compte de l'ensemble de la déclaration, en plus de tenir compte du droit international et — je l'espère — du droit canadien.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je vous remercie pour toutes vos explications. Cependant, je suis intriguée par le fait que vous ayez dit que le Canada faisait partie des quatre pays qui avaient voté contre et qu'à un certain moment, il a changé d'avis. Je remarque un important décalage entre le changement d'avis, en 2010, et l'annonce en mai 2016 que, enfin, le Canada allait mettre en place cette déclaration. À mon avis, ce décalage est assez considérable. Avez-vous des explications à cela?

[Traduction]

M. Joffe : Il y a une grosse différence entre 2010 et 2017; cela ne fait aucune doute. À vrai dire, sans vouloir trop le critiquer, le gouvernement précédent ne se souciait pas vraiment des droits de la personne. Selon ce que nous comprenons, il avait une autre idéologie. Tout d'abord, il ne considérait pas les droits collectifs des peuples autochtones à titre de droits de la personne.

Il a subi des pressions afin de reconnaître ces droits, parce que le Canada a été l'avant-dernier pays du monde à le faire. On savait que le président Obama s'apprêtait à reconnaître ces droits et on ne voulait pas être le dernier pays du monde à le faire. Toutefois, il a continué de négliger la déclaration de l'ONU par la suite.

Ce que nous avons aujourd'hui, c'est une reconnaissance des normes internationales en matière de droits de la personne. Une fois de plus, le gouvernement libéral a très bien réussi, dans ses politiques, à établir un cadre contemporain fondé sur des principes, mais il n'a pas encore été mis en œuvre, alors que c'est ce qui manque cruellement aux Autochtones. Sans cela, nous n'avancerons pas.

Le sénateur Enverga : Nous vous remercions de vos exposés. Vous avez probablement entendu parler du débat sur la Loi sur les Indiens, sur l'application intégrale de l'article 16. Pouvez-vous me dire quel est le lien avec cela? Est-ce que cela fait partie de la déclaration de l'ONU? Est-ce que nous devrions prendre cela en considération afin d'assurer la conformité avec la déclaration de l'ONU?

La présidente : Je précise que le sénateur Enverga fait référence à l'alinéa 6(1)a) du projet de loi S-3 modifiant le Code criminel pour éliminer les iniquités fondées sur le sexe.

M. Joffe : Eh bien, je n'ai joué aucun rôle par rapport à l'alinéa 6(1)a), mais nous parlons essentiellement de discrimination et, en droit international, le principe de la discrimination raciale, le droit de ne pas être victimes de discrimination pour des motifs fondés sur la race, est considéré comme une composante du droit international coutumier, sinon une norme impérative. Autrement dit, il s'agit de la norme la plus élevée, une norme à laquelle tous les pays affirment adhérer. Nous savons que souvent, des pays qui affirment l'appuyer agissent de façon contraire. Il n'en demeure pas moins qu'en droit, il s'agit d'une des normes les plus élevées qui soient. Je dirais, en toute franchise et compte tenu du nombre d'années pendant lesquelles les femmes autochtones et leurs enfants ont été touchés, que si elle était appliquée, les gens s'attendraient à ce qu'il y ait une plus grande justice.

Mme Dorough : Je pense qu'un des messages que j'ai tenté de transmettre était cet éloignement du colonialisme et la transition à un cadre des droits de la personne.

Pensez à l'adoption de politiques comme la Loi sur les Indiens et sans doute à ce qu'on voit aux États-Unis, l'imposition d'un prétendu pouvoir absolu, qui est essentiellement l'idée qu'un peuple a le droit de nier ou de violer les droits des autres. En l'absence d'un cadre des droits de la personne, à un tel niveau de discrimination — qu'il s'agisse de discrimination raciale ou de discrimination fondée sur le sexe, comme Paul l'a indiqué —, la déclaration de l'ONU comporte de nombreuses dispositions dont une société contemporaine peut s'inspirer, comme je l'ai indiqué précédemment, pour modifier ou éliminer des politiques qui ont eu des conséquences désastreuses et néfastes sur l'intégrité culturelle des collectivités, des nations et des peuples autochtones au Canada.

Je n'ai pas la prétention de connaître à la perfection la mesure législative dont vous parlez ni les répercussions de la Loi sur les Indiens, mais je pense qu'il est essentiel de préciser que les lois et les politiques du passé doivent être remplacées par une reconnaissance et un respect des droits de la personne des Autochtones et des critères employés par les peuples autochtones pour définir leur propre appartenance et pour établir les rôles et les responsabilités de leurs propres membres.

Il y a là une extraordinaire occasion de proposer des politiques compatibles à ces normes en matière de droits de la personne, tant les normes en matière de droits de la personne relatives aux Autochtones contenues dans la déclaration de l'ONU que celles du droit international des droits de la personne.

Le sénateur Enverga : Selon vous, si nous ne mettions pas en œuvre l'alinéa 6(1)a) intégralement, ou si nous n'accordions pas aux femmes la reconnaissance qu'elles méritent, n'irions-nous pas alors à l'encontre de la déclaration des Nations Unies?

Mme Dorough : Je suis désolée; je n'ai pas pris connaissance du libellé du projet de loi auquel vous faites référence.

Quant à votre question, je dirais, en termes généraux, que pratiquement tous les gouvernements de la planète ne se conforment pas à la déclaration de l'ONU. La déclaration peut servir d'inspiration pour les efforts visant à tenir compte davantage des droits, du statut et des intérêts des femmes autochtones ici même, au Canada.

Je m'excuse encore une fois; je ne connais pas en détail les mesures prises visant à s'éloigner de la Loi sur les Indiens et à améliorer la reconnaissance et le respect à l'égard des femmes autochtones et des peuples autochtones en général.

M. Joffe : J'ai une brève observation. Mon impression, c'est que tout le monde ici convient que les femmes sont confrontées à de nombreuses difficultés, comme la discrimination et la violence, et cetera. À l'instar de Dalee, je n'ai pas une idée très précise de l'alinéa 6(1)a), mais lorsqu'on examine les répercussions sur les femmes, le problème ne se résume pas seulement à cela. Il convient d'examiner le contexte global. On ne peut comparer une situation déjà sombre au départ et une situation qui se détériore soudainement en raison d'un problème alors que tout allait bien auparavant. Ce n'est pas réaliste. Je ne peux parler de l'alinéa 6(1)a) de façon précise, mais j'ai l'habitude de dire qu'avant de décider des mesures à prendre, il faut examiner le contexte réel.

Le sénateur Enverga : Ma dernière question est brève : pouvez-vous me dire où figure le Canada parmi les 193 États signataires de la déclaration des Nations Unies? Est-il parmi les premiers ou au milieu? Pouvez-vous me dire dans quelle mesure le Canada respecte les dispositions de cette déclaration, comparativement aux autres pays?

M. Joffe : C'est une question difficile. J'essaie de trouver l'aspect positif.

Comme Dalee l'a mentionné, il reste beaucoup à faire en ce qui concerne les droits des peuples autochtones. Vous savez certainement que par rapport à tous ces domaines, qu'il s'agisse de l'exploitation des ressources, de la Loi sur les Indiens, du logement ou des services essentiels comme l'approvisionnement en eau potable, on ne peut que conclure qu'il reste beaucoup à faire, quelle que soit la région.

Ce que nous voulons faire valoir, c'est que la question des droits de la personne doit être au centre des discussions. Examinons la question dans un contexte contemporain et trouvons des solutions concrètes. Nous considérons que la déclaration mise sur la coopération, c'est-à-dire qu'il ne convient pas d'adopter des politiques de façon unilatérale, que ce soit sur l'eau ou d'autres problèmes. Trouvons les solutions ensemble. Collaborer à la recherche de solutions dans une perspective axée sur les droits de la personne changera la donne et, pour se faire, il faudra adopter des normes plus élevées. Nous pourrons ensuite prendre des décisions. Toutefois, si nous n'adoptons pas un discours uniforme, nous ne parviendrons jamais à régler complètement certains de ces problèmes.

Mme Dorough : Je pense qu'il est difficile de généraliser. Nous devons examiner ces enjeux en fonction de la sphère politique et du contexte politique.

Nous sommes conscients des violations flagrantes des droits de la personne perpétrées à l'encontre des peuples autochtones dans des pays du monde qui n'ont pas un régime démocratique, où les principes démocratiques n'entrent pas en jeu. Ils vivent dans des conditions de marginalisation scandaleuses.

J'ai récemment été invitée au Brésil par le bureau du procureur, au nom du gouvernement brésilien. Dans mon bref séjour au pays, j'ai présenté des observations sur les droits fonciers des peuples autochtones de l'ensemble du pays. Comme vous pouvez l'imaginer, ces peuples sont confrontés à des problèmes très graves qui les mettent en danger. Beaucoup de membres des peuples autochtones ont été assassinés, notamment des dirigeants, qui ont aussi été considérés comme des criminels simplement pour avoir tenté de militer pour faire reconnaître leurs droits fonciers.

À titre comparatif, dans les pays d'Amérique du Nord — les États-Unis et le Canada — ainsi qu'en Norvège, en Suède, en Finlande et dans d'autres pays nordiques, le contexte politique et les régimes politiques favorisent réellement une action positive en vue de la reconnaissance des droits affirmés dans la déclaration de l'ONU.

Prenons l'exemple des États-Unis, l'un des pays les mieux nantis au monde. On peut, dans le contexte général et politique, examiner les statistiques sur les Autochtones de l'Alaska — mon propre peuple, soit les Inuits du nord de l'État — par rapport à divers enjeux : l'épidémie de suicides, le nombre de collectivités qui n'ont pas accès à de l'eau potable, dont Paul a parlé, les conditions de logement, la violence faite aux femmes, le large éventail de conditions socioéconomiques et l'absence de bonne gouvernance à cet égard. Nous avons des solutions et les moyens de corriger ces lacunes et d'intervenir efficacement par la mise en application des droits affirmés dans la déclaration de l'ONU.

Il est très difficile de tirer des conclusions générales sur le rang du Canada. Je me contenterai de dire qu'à mon avis, qu'en tant que gouvernement démocratique soucieux des principes démocratiques que sont la reconnaissance et le respect des droits fondamentaux, le gouvernement canadien a l'occasion de répondre aux besoins.

Nous entendons trop souvent des histoires d'horreur sur toutes sortes de situations et sur les pressions que subissent les Autochtones dans la vie de tous les jours. Les exemples pullulent sur Internet. Ce sont des situations bien réelles qui ne remontent pas à une époque lointaine. Il serait malheureux que notre société devienne insensible à des violations aussi révoltantes.

La sénatrice Pate : Je remercie nos invités de leurs témoignages. Ma question est liée à votre réponse aux questions de la sénatrice Dyck. C'est une vaste question à deux volets.

Madame Dorough, dans le chapitre sur les droits de la personne que vous avez rédigé pour le compte du Département des affaires économiques et sociales de l'ONU, vous indiquez qu'il convient d'attirer l'attention sur les indicateurs de discrimination à l'égard des Autochtones, notamment les taux élevés d'incarcération et la violence faite aux femmes.

Vous parlez aussi du problème de la criminalisation et, dans certains cas, de l'assassinat, dans certaines régions du monde, d'Autochtones qui défendaient leurs droits — vous avez abordé le sujet ici aujourd'hui —, en indiquant que cela fait partie de l'enjeu qui doit être examiné. Récemment, au Canada, comme vous le savez probablement, Mme Beatrice Hunter a été emprisonnée pour ses actions dans le cadre d'une manifestation. Elle participait, en tant que femme et protectrice des terres, à une manifestation pour protester contre un projet de développement sur les terres inuites entrepris sans consultation préalable auprès de la communauté.

Dans ce vaste contexte, j'aimerais avoir vos observations sur le lien entre l'autodétermination, dans la perspective des relations de nation à nation, pour les aspects que sont le recours excessif à l'incarcération et la violence faite aux femmes, et le phénomène de la criminalisation des personnes qui veillent à la protection des terres. En quoi est-ce lié à leur capacité ou à leur incapacité à exercer leurs droits fondamentaux? J'aimerais également avoir vos commentaires sur les recommandations que nous pourrions formuler, sur les mesures que nous pourrions prendre pour régler cette question dans le cadre du processus de nation à nation et que nous pourrions inclure dans notre rapport.

Mme Dorough : Vous avez tout à fait raison sur le problème de la criminalisation des Autochtones qui cherchent uniquement à protéger et à faire reconnaître leurs droits fondamentaux. Dans un premier temps, il convient de reconnaître que les États, dont le Canada, ont, en tant que membres des Nations Unies, l'obligation solennelle de veiller à la mise en œuvre de l'une des principales fonctions des Nations Unies, qui est de promouvoir et de protéger les droits de la personne.

Donc, fondamentalement, l'exemple que vous avez donné constitue une violation d'un droit individuel. Je ne peux que supposer que les opinions politiques de Beatrice n'étaient pas uniquement les siennes, en tant que femme autochtone, mais qu'elle s'exprimait aussi au nom de la nation et des gens de sa communauté. Ce dont vous parlez est un héritage du colonialisme et reflète la discrimination systémique dont ces personnes font l'objet dans le système de justice, le système d'application de la loi, comme le démontrent le recours excessif à l'incarcération et la criminalisation de ces gens.

Les statistiques pour la population de l'Alaska sont semblables. Les Autochtones forment environ 17 à 18 p. 100 de la population totale de l'Alaska, mais représentent environ 40 p. 100 de la population carcérale. Cela témoigne de la discrimination systémique qui caractérise le système. Il s'agit, là encore, d'un vestige des nombreuses répercussions et conséquences du colonialisme et de la doctrine de supériorité. Les Nations Unies ont d'ailleurs adopté des dispositions contre la discrimination sur plusieurs décennies; l'ONU a lutté pendant 30 ans pour mettre fin à la discrimination raciale.

Quant aux occasions de régler ces problèmes et à la capacité de lutter contre de telles violations, les possibilités sont nombreuses. C'est ailleurs l'une des raisons pour lesquelles il est urgent d'adopter une mesure législative exhaustive prenant en compte l'ensemble des aspects et des normes énoncées dans la déclaration des Nations Unies.

Permettez-moi de vous donner un exemple des efforts déployés en Alaska. Sous l'administration Clinton, du milieu à la fin des années 1990, le président Clinton a signé divers décrets visant à affirmer la relation de nation à nation entre le gouvernement des États-Unis et les tribus indiennes, y compris les tribus autochtones de l'Alaska. Ce décret exigeait que toutes les agences fédérales entretiennent un dialogue et des consultations continues avec les Indiens partout aux États-Unis et collaborent avec eux à la mise en œuvre des politiques et des programmes, pour veiller au respect de leur statut et de leurs droits distincts et aussi pour trouver des façons d'établir cette relation de nation à nation.

Le département de la Justice des États-Unis, en particulier, a commencé à offrir du financement, mais aussi à former ces gens sur les conditions de vie des femmes autochtones. La Violence Against Women Act a été adoptée. Le département de la Justice a offert du financement — ce qu'il fait toujours — pour favoriser la capacité d'intervention des collectivités elles-mêmes et aussi, ce qui est plus important encore, pour sensibiliser les acteurs du système de justice fédéral et du secteur de l'application de la loi, notamment, ainsi que les États, dont l'Alaska. Il s'agit d'un exemple de mesures exhaustives qui peuvent être prises pour réagir à ces enjeux distincts et systémiques.

L'État de l'Alaska a pris des mesures en parallèle aux décrets du président Clinton. Le gouverneur de l'Alaska à l'époque, M. Tony Knowles, a jugé qu'il était important de tenir ce dialogue et d'interpréter les mesures qui étaient prises à l'échelle internationale et nationale en fonction du contexte de l'Alaska en tant que subdivision politique des États-Unis.

En raison de l'importance de ces enjeux, le gouverneur a lancé un dialogue entre l'État et les tribus autochtones de l'Alaska. Après un an de discussions, un accord qu'on appelait alors le Millennium Accord a été conclu. Aux termes de cet accord, tous les départements de l'État — notamment la direction des services à la famille et à la jeunesse, le département de la Justice et le département de l'Environnement et de la Conservation — étaient tenus d'entreprendre un dialogue intergouvernemental similaire avec les tribus autochtones de l'Alaska. L'objectif était de trouver des façons de résoudre certaines des énormes disparités, en particulier au sein du département de la Justice de l'Alaska, sur des enjeux des plus fondamentaux comme la Indian Child Welfare Act. Comment peut-on maintenir l'intégrité des communautés en veillant à ce que les enfants ne puissent être adoptés en dehors de leur collectivité? Comment peut-on maintenir de l'intégrité culturelle alors qu'on criminalise des gens qui luttent pour préserver les droits de chasse et de pêche des Autochtones, par exemple?

Il existe de multiples solutions. Nous avons certainement la capacité de lutter contre la discrimination systémique. L'un des aspects est l'éducation et, comme vous l'indiquez dans votre ordre de renvoi, un récit exact de l'histoire de la relation entre les peuples autochtones et les nouveaux arrivants. Toutes ces questions précises peuvent être examinées en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, de façon à trouver des solutions axées sur le progrès.

Le problème de la criminalisation des Autochtones doit être réglé de manière systématique. Le racisme est un problème, et la discrimination raciale est une réalité, mais la solution ne se résume pas à la question du « eux et nous »; elle doit plutôt reposer sur un cadre des droits de la personne. En outre, comme je l'ai indiqué plus tôt, ce sont des principes démocratiques fondamentaux et des principes de bonne gouvernance qui visent le respect, la promotion et la protection des droits de la personne, et non leur utilisation comme pour justifier l'emprisonnement répété de gens qui ne veulent qu'exercer leurs droits fondamentaux.

Je suis certaine que beaucoup de statistiques canadiennes sur ce problème précis sont tout à fait semblables à celles qu'on voit en Alaska et ailleurs aux États-Unis.

M. Joffe : Pour ajouter aux observations et aux préoccupations exprimées par Dalee, il faut savoir que le problème se pose du moment qu'une personne est incarcérée pour avoir participé à une manifestation. On fait fausse route si, d'entrée de jeu, on qualifie à tort comme une manifestation une situation qui n'en est pas une. Les Autochtones — ils ne sont pas seuls, mais passons, puisque nous parlons des peuples autochtones — ne manifestent certainement pas, mais protègent plutôt les terres, comme vous l'avez mentionné. Lorsqu'on pense à la relation, la terre est un aspect fondamental, car elle contribue à la définition de leur identité et de leur culture, sur bien des plans, comme leur subsistance, et cetera.

La question du système international est devenue si sérieuse que l'ONU nomme maintenant un rapporteur spécial pour les défenseurs des droits de la personne. On a d'ailleurs inventé différents termes pour les désigner. Tantôt on parle de défenseurs des droits de la personne, tantôt de défenseurs de l'environnement, et maintenant, ils sont décrits comme des défenseurs des droits de la personne et de l'environnement. Cependant, quel que soit le terme que vous employez, la question est si grave qu'un rapporteur spécial a été nommé à l'échelle internationale. Il y a un rapporteur spécial sur les droits de la personne dans le système interaméricain. Même en Europe, on se préoccupe tellement de ce qui se produit sous le couvert des soi-disant manifestations, lorsque ce n'en sont pas vraiment, que les Européens ont eux aussi une politique en ce qui concerne les défenseurs des droits de la personne.

L'autre point est que l'UNICEF a parlé de pauvreté et a dit que la pauvreté n'est pas qu'un mot ou un état. La pauvreté est un déni des droits de la personne et de la dignité humaine. Encore une fois, pour la plupart des peuples autochtones, la pauvreté pose problème; il serait plus juste de parler d'appauvrissement. Nous avons tenu des pourparlers amicaux avec des peuples autochtones d'Amérique latine, et ils nous ont dit : « N'osez pas parler de pauvreté. Vous pouvez parler d'appauvrissement. » Encore une fois, si nous ajoutons la pauvreté à ce contexte général, ou l'appauvrissement, nous obtenons une image entièrement différente.

Alors, qu'est-ce que ces gens sont censés faire? Que se passe-t-il si aucun discours n'est fondé sur les droits de la personne? Qu'arrive-t-il s'il est fondé sur le principe que, si vous enfreignez la loi, vous vous retrouverez en prison pour n'avoir pas respecté la primauté du droit, alors que vous n'y avez pas contrevenu? La loi n'équivaut pas nécessairement à la primauté du droit, et nous devrions parler de la primauté du droit.

Lorsque vous prenez tout ce que Dalee a dit et que vous l'ajoutez à ces autres aspects, il faudrait mentionner l'article 7 dans la déclaration, car il porte sur le droit à la sécurité. Vous le combinez au droit à la subsistance. À l'article 20, vous avez la sécurité alimentaire. Lorsque vous le combinez au droit aux terres, aux territoires et aux ressources, vous avez la sécurité territoriale. Lorsque vous le combinez aux questions de santé, qui surviennent aussi souvent dans ces situations, il est question de sécurité humaine. Et quand vous parlez de son lien avec l'environnement, il est question de sécurité environnementale.

C'est donc un exemple de la façon d'utiliser la déclaration des Nations Unies pour approfondir toutes ces questions. Ensuite, le libellé est très différent. Le langage commun devient celui des droits de la personne. Il vise à chercher la réconciliation et la coopération, et non l'emprisonnement. Cela ne fait qu'ajouter aux statistiques.

Mme Dorough : Je voulais mentionner brièvement une ressource qui répondrait à votre question précise; il s'agit d'un ouvrage sur l'accès à la justice qui a été édité par Wilton Littlechild et Elsa Stamatopoulou, et publié, je crois, par l'Université Columbia. En gros, dans le chapitre que j'ai été invité à rédigé pour cet ouvrage, j'ai fait de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones un moyen d'accès à la justice parce que sa mise en œuvre permettrait un meilleur accès des peuples autochtones à la justice. Je voulais donc vous le mentionner comme ressource pour vous, mais aussi pour les autres membres du Sénat.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup, je vais chercher cet ouvrage, mais nous pouvons aussi demander au greffier de nous le procurer et de nous le diffuser.

L'autre question qui m'intéresse est celle des femmes autochtones, et vous avez mentionné leur surreprésentation dans les établissements correctionnels. Comme vous le savez peut-être, plus d'une détenue sur trois dans les pénitenciers fédéraux est autochtone; et 43 p. 100 des jeunes filles en détention sont autochtones. Il y a la négligence, comme en témoigne le nombre de femmes autochtones assassinées ou portées disparues, la discrimination fondée sur le sexe enracinée dont notre présidente a déjà parlé dans la Loi sur les Indiens et la tentative de se débarrasser d'une partie des questions en jeu, et une autre mesure législative que nous étudions. Dans le cadre des discussions de nation à nation, avez-vous vu qu'on prenait des mesures pour s'assurer que les droits des femmes autochtones en particulier soient reconnus et qu'on leur accorde la priorité, car elles sont plus sujettes à ne pas être protégées par la loi et à ce qu'on utilise les lois du pays pour les criminaliser et les emprisonner, pas seulement dans les cas de droits territoriaux ou de protection des terres, mais de plus en plus dans les cas de violence et, plus généralement, en ce qui concerne leur appauvrissement?

Mme Dorough : J'ai vu des exemples, surtout en Amérique latine, qui pourraient s'avérer utiles, et c'est ce que Paul a mentionné plus tôt pour ce qui est de porter une attention spéciale et particulière aux besoins des femmes autochtones. C'est ce sur quoi a porté le dialogue entre les différents ordres de gouvernement, le fédéral et, dans le cas qui nous intéresse, les gouvernements provinciaux et territoriaux, avec les femmes autochtones précisément pour pouvoir s'attacher davantage à leurs préoccupations et besoins particuliers. J'ai vu la même chose dans un certain nombre de pays en Amérique latine où on tient des forums distincts et des séries de réunions entre les acteurs pertinents afin de mieux comprendre comment ces questions particulières influent sur les femmes autochtones et comment surmonter une partie de la discrimination systémique et sexo-spécifique qu'elles subissent de l'échelon local à l'échelon national en passant par l'échelon régional. Et, bien sûr, ces démarches ont contribué à éclairer les mesures prises à l'échelon international.

Je pense qu'une dynamique importante de la discussion future pour réaligner, réformer et recontextualiser la relation entre tous les Canadiens et les peuples autochtones est d'avoir des espaces réservés dans un milieu où les femmes autochtones se sentent en sécurité pour soulever les questions difficiles. Au lieu de situations où les femmes autochtones sont, notamment, contraintes de relater des événements devant les tribunaux, on chercherait plutôt à créer un milieu distinct et différent où elles pourraient soulever ces questions particulières et ajouter du contenu aux droits affirmés dans la déclaration des Nations Unies pour expliquer la façon particulière dont ils influent sur elles.

La sénatrice Pate : Merci.

La sénatrice McPhedran : Madame la présidente, avant de poser ma question, me permettez-vous de lire un petit texte pour le compte rendu afin de placer ma question en contexte?

Cette nouvelle de la Société Radio-Canada est datée du 2 août 2016, et elle commence ainsi :

Le Canada a reçu des applaudissements aux Nations Unies lorsqu'il a officiellement annulé son statut d'opposant à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones...

La citation de la ministre Carolyn Bennett est la suivante :

Nous appuyons maintenant sans réserve la Déclaration. Nous ne visons rien de moins que l'adoption et l'application de la Déclaration, conformément à la Constitution canadienne.

Voilà le contexte de ma question en deux parties.

La première partie concerne la force, la crédibilité et l'utilité d'un instrument international portant sur les droits de la personne ayant le terme « déclaration » dans son titre par rapport à un instrument semblable dont le titre commence par « pacte », « traité » ou « convention ». Comme vous le savez, en votre qualité d'experts du droit humanitaire international en matière de droits de la personne, une déclaration est habituellement traitée comme un énoncé de politique de haut niveau lorsqu'elle a été adoptée par l'assemblée générale des Nations Unies. Une déclaration n'est pas normalement réputée avoir la force d'une loi internationale.

Pendant les présentations d'aujourd'hui, j'ai cru comprendre que vous estimiez que l'élaboration de la déclaration, la participation de ses sujets et son utilisation ont vraiment atteint le niveau du droit international coutumier. J'aimerais que vous me disiez si je vous ai bien compris, et ensuite, en fonction de votre réponse, je passerai à la seconde partie de ma question.

M. Joffe : Ces questions ont toutes été très utiles, alors je vous remercie.

Pour ce qui concerne le statut d'opposant, c'est un peu un mythe en droit, car nous parlons ici du gouvernement conservateur de l'époque. Il ne s'est jamais opposé à la déclaration en entier. J'ai fait le compte et je pense qu'il s'est opposé à 13 des 46 articles, mais pas aux 24 paragraphes du préambule, et il ne les a pas continuellement développés. Pour avoir le statut d'objecteur permanent, il doit y avoir uniformité au pays, et il est clair qu'il est faux de dire que le statut d'objecteur permanent a été annulé en 2017. Comment le gouvernement conservateur aurait-il pu affirmer : « Nous estimons maintenant pouvoir interpréter l'intégralité de la déclaration conformément à la Constitution et aux lois canadiennes »? Seule cette mesure annulerait l'objection permanente, pas que le gouvernement ait eu cette objection en premier lieu, alors écartons cette proposition comme étant un mythe.

Pour ce qui d'adopter la déclaration « dans le respect de la Constitution canadienne », certains ont vu cela comme une limite, mais nous estimons que ce n'en est pas une, car la Constitution du Canada peut toujours tenir compte du droit international en matière de droits de la personne. Elle n'est pas figée, et on le fait constamment en ce qui concerne la Charte canadienne. La cour le fait constamment. Il existe de nombreux exemples. La grande question est la suivante : si on tient compte des droits de la personne et de la Charte dans la partie I, pourquoi n'est-ce pas le cas dans la partie II, article 35, lorsqu'il est question des droits de la personne des peuples autochtones? Cela pourrait être vu comme une règle inégale discriminatoire.

Nous pouvons aussi surmonter cela, car cette règle devrait être appliquée. Je devrais dire que dans l'affaire Tsilhqot'in Nation, la Cour suprême a dit que la partie I et la partie II sont des dispositions correspondantes. Elles visent toutes les deux à limiter la compétence des gouvernements fédéral et provinciaux. Nous y venons, mais nous n'en sommes pas encore là. Nous ne parlons pas la même langue, et il devrait s'agir d'une langue universelle.

Pour ce qui est de l'utilisation de déclarations internationales au lieu de traités ou de pactes internationaux, ce sont les peuples autochtones qui ont décidé de s'en tenir à une déclaration — et c'était une décision stratégique — parce que cela permettait de réaliser de bien plus grands progrès pour obtenir un cadre fondé sur des principes. Si les négociations avaient commencé par un traité, nous n'aurions pas eu les mêmes résultats. Tout le monde aurait été si inquiet qu'il y aurait eu beaucoup plus de limites. C'est ce qu'on appelle, en termes juridiques, des lois non contraignantes, si vous voulez, alors que les traités sont considérés comme des lois contraignantes. Ce qui ne pose pas problème — c'est, en fait, une bonne chose — est que maintenant, les limites entre les lois non contraignantes et contraignantes sont de plus en plus floues. Je vais vous en donner un exemple.

Dans la déclaration des Nations Unies, les peuples autochtones ont insisté seulement pour utiliser le présent de l'indicatif; les États « mettent en place » des mécanismes. Il n'y a pas de conditionnel, de « pourraient », mais bien de présent de l'indicatif — « mettent en place ». Vous remarquerez que, dans certains traités internationaux, on utilise souvent des termes comme « pourrait ». Alors quel est le plus marqué? L'utilisation du conditionnel « pourrait » dans un traité ou celle du présent de l'indicatif dans la déclaration?

L'autre point est que la déclaration des Nations Unies est continuellement interprétée par les organismes de défense des droits de la personne qui l'invoquent : par exemple, des tribunaux comme la Cour interaméricaine des droits de l'homme, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, et les tribunaux nationaux. Elle est en train de développer une jurisprudence. La déclaration des Nations Unies n'est pas seule; elle n'est pas utilisée séparément, mais en conjonction avec les droits autochtones et découlant de traités. Elle est reliée à ces traités.

Dalee a mentionné la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989. Nous avons tous les deux participé aux négociations s'y rapportant. Une des choses que les gens ignorent ou ne mentionnent pas est que l'article 35 de cette convention montre que, comme Dalee l'a fait remarquer, il y a un effet juridique découlant de la déclaration des Nations Unies. Il dit :

L'application des dispositions de la présente convention ne doit pas porter atteinte aux droits et aux avantages garantis aux peuples intéressés en vertu d'autres [...] instruments internationaux [...].

Les peuples auxquels il est fait allusion sont les peuples autochtones.

Alors, de quel autre instrument international veut-on parler? Il s'agit de la déclaration des Nations Unies, alors, pour prendre cet exemple, la convention ne peut pas être interprétée de façon à avoir moins d'incidence que la déclaration des Nations Unies. En conséquence, vous voyez la déclaration des Nations Unies avoir un effet juridique sur une convention ayant force d'obligation.

C'est donc beaucoup plus subtil et compliqué. Je ne fais que donner ces exemples. Et aujourd'hui, nous avons eu la discussion parmi les peuples autochtones et dans des États où il devrait maintenant y avoir une convention sur les droits des peuples autochtones. Nombre d'entre nous, mais pas tout le monde, estimons que ce n'est pas une bonne idée, car on réalise beaucoup plus de progrès grâce aux multiples interprétations de tous ces organismes, et si, comme Dalee l'a mentionné, les États n'arrivent pas à respecter la déclaration des Nations Unies, ils ne vont certainement pas signer une norme de traité plus élevée et juridiquement contraignante.

Mme Dorough : Je veux faire remarquer qu'en droit international en matière de droits de la personne, il existe une référence commune à la Charte internationale des droits de l'homme, qui englobe le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la déclaration universelle des droits de l'homme, dont nous sommes tous les bénéficiaires en notre qualité d'êtres humains. De cette façon, les dispositions de la déclaration universelle des droits de l'homme, comme celles de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, sont devenues des règles coutumières.

Comme je l'ai mentionné dans mes remarques liminaires, bien que l'intégralité de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ne soit pas juridiquement contraignante, elle contient des dispositions essentielles et importantes qui s'apparentent au droit international coutumier.

En outre, je reprends l'argument du professeur de droit James Crawford, qui connaît très bien ces questions et qui a affirmé que :

Même lorsque les résolutions sont présentées comme des principes généraux, elles peuvent jeter les bases de l'élaboration progressive du droit et, si elles font généralement l'unanimité...

— comme c'est maintenant le cas de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones —

... elles peuvent servir de fondement à la consolidation rapide des règles coutumières. Des exemples d'importantes résolutions « ayant force de loi » comprennent [...] la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

L'ancien Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, James Anaya, a aussi expliqué la nature s'apparentant au droit international coutumier des principales dispositions de la déclaration des Nations Unies.

Vous devez aussi garder à l'esprit que tous les droits affirmés dans la déclaration des Nations Unies sont interreliés, interdépendants et indivisibles. Si vous prenez, par exemple, le droit à l'autodétermination, il a une signification extraordinaire au regard des dispositions de la déclaration qui affirment le droit des peuples autochtones au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et au regard du droit des peuples autochtones à leurs territoires et ressources. Il existe de nombreux exemples de la nature interreliée des droits affirmés.

Pour ce qui concerne son statut juridique, encore une fois, je suis ravi de suggérer et d'offrir au comité, comme ressource supplémentaire, le point de vue de l'ancien rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones qui a cherché à clarifier le statut juridique de la déclaration des Nations Unies. Pour répondre à votre question précise, on peut considérer qu'il est généralement accepté dans les pratiques internationales et étatiques que la déclaration reflète le droit international coutumier.

Selon les coutumes, pratiques et comportements des États, même lorsqu'ils ne sont pas obligés ou contraints par les peuples autochtones, pour des raisons morales et légales, les États ont choisi de conclure des accords sur les revendications territoriales. Si vous pensez à l'histoire des négociations de ces accords avec les Inuits dans l'Arctique, elles ont eu lieu bien avant la publication de la déclaration des Nations Unies. Le gouvernement du Canada a vu que ces peuples avaient droit à des terres, des territoires et des ressources, et nous devons entamer un dialogue avec eux et affirmer ces droits.

La sénatrice McPhedran : Je vais maintenant passer à la seconde partie de ma question, maintenant que j'ai bien compris en vous écoutant que nous avons affaire au droit international coutumier lorsqu'il est question de la déclaration. Vous avez tous les deux fait allusion à l'intersection entre le droit national et international, et ma question se rapporte directement à l'égalité entre les sexes chez les Autochtones au Canada. Elle fait allusion à notre Loi sur les Indiens, mais peut-être encore davantage à notre Constitution.

En référence à l'article 43 de la déclaration, qui parle des normes minimales, que je lie à l'article 44, qui énonce l'égalité hommes-femmes dans la déclaration, j'aimerais faire le lien ou l'intersection avec l'article 35 de notre Constitution. Dans cette intersection, j'aimerais vous demander si dans les décisions concernant les revendications territoriales — c'est-à-dire la déclaration de la juge en chef McLachlin, que la cour a acceptée, selon laquelle la Couronne a une obligation fiduciaire à l'égard de ces questions — vous pensez que, en ce qui touche l'égalité entre les sexes dans la Loi sur les Indiens, la Constitution et la déclaration, l'intersection équivaut à une obligation fiduciaire — norme la plus élevée qui puisse être appliquée au gouvernement en ce qui concerne l'égalité hommes-femmes chez les Autochtones.

M. Joffe : À titre de précision, il n'y a pas une obligation fiduciaire sur tout en ce qui concerne la Couronne et les peuples autochtones, mais une obligation fiduciaire, comme vous le dites, laisse entendre une norme beaucoup plus élevée. Nous l'avons fait concernant les terres et les territoires. Cette obligation a été mentionnée dans l'affaire de la nation tsilhqot'in, et il a été expliqué que l'obligation fiduciaire signifierait, en l'occurrence, que cela ne pourrait pas empêcher les générations futures — cela concernait les droits fonciers —, en fonction de l'obligation fiduciaire, d'utiliser les terres. Dans le cas présent, cela signifie que, si les gouvernements ne s'acquittent pas de leurs responsabilités dans la lutte contre les changements climatiques, par exemple, et que les peuples autochtones ne peuvent pas avoir accès aux terres en raison d'inondations, de feux de forêt, de tempêtes ou d'autres phénomènes, le gouvernement a nui aux générations futures. Cela devient très pertinent. Pour revenir à la déclaration, les droits fondamentaux de la personne relativement aux terres, aux territoires et aux ressources seront directement touchés.

C'est bien de soulever en même temps ces aspects. Dans chaque affaire, il peut y avoir des faits différents qui peuvent influer sur les répercussions juridiques, mais il ne fait aucun doute que l'obligation fiduciaire peut seulement renforcer les droits fonciers. Toutefois, il faut examiner les faits dans chaque cause, parce que les tribunaux ont parfois dit : « Non. Ce n'est pas allé assez loin pour qu'il y ait une obligation fiduciaire sur tout. »

Mme Dorough : Je vais essayer d'être brève. Je trouve important que vous ayez souligné que les normes minimales de la déclaration sont le plancher et non le plafond et qu'il n'y a rien qui empêche un gouvernement, y compris le gouvernement du Canada, d'aller plus loin que ces normes minimales. Par contre, il est important dans l'avenir de ne jamais aller en deçà de ces normes minimales.

Le point qu'a fait valoir Paul au sujet de la relation entre la déclaration des Nations Unies et d'autres instruments internationaux portant sur les droits de la personne est également essentiel en ce qui a trait à votre question sur une obligation fiduciaire, l'égalité entre les sexes et l'interprétation des droits établis dans le contexte canadien. Même si je ne connais pas très bien la façon dont les tribunaux ont balisé précisément l'obligation fiduciaire au Canada, à mon avis, compte tenu de la manière dont les droits ont été établis au Canada et sur la scène internationale dans des instruments internationaux portant sur les droits de la personne, nous avons l'obligation dans le cas des peuples autochtones et en particulier des femmes autochtones d'harmoniser nos mesures, nos comportements et nos lois et nos politiques canadiennes avec les normes internationales relatives aux droits de la personne, dont l'égalité est l'une des normes centrales, ce qui explique la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

L'égalité est un droit fondamental. Si nous replaçons les choses dans le contexte précis des femmes autochtones et des responsabilités et des obligations du gouvernement du Canada de respecter, de promouvoir et de protéger ce droit fondamental de la personne, je crois que cela s'apparenterait certainement à une obligation fiduciaire et à une responsabilité en vertu du droit international et du droit canadien.

Votre question porte sur un aspect qui vaudrait la peine, selon moi, d'être étudié de manière approfondie, parce que je suis certaine que nous pourrions trouver d'autres arguments convaincants qui viendraient valider le point que vous faites valoir dans votre question au sujet des responsabilités du gouvernement envers les femmes autochtones au Canada.

Le sénateur Watt : Je suis heureux de vous voir tous les deux devant le comité. Vous êtes vraiment les bienvenus au Sénat. Je vous remercie des explications que vous nous avez fournies, et les questions qui vous ont été posées ont été très utiles aux travaux du comité.

Vous avez certainement tous les deux participé dès le début à l'établissement des droits. Lorsque nous avons décidé d'intenter des poursuites contre le gouvernement à l'époque, il n'y avait rien au sujet de l'existence de droits au Canada ou sur la scène internationale. La question des droits a commencé à être débattue à peu près en même temps que l'Alaska a décidé de se concentrer sur la question des revendications territoriales concernant le développement dans cet État.

Par la suite, je crois que le Nunavik a été le suivant à se pencher sur la question des droits, mais cela n'existait pas encore à l'époque. Le concept des droits était encore très nouveau pour les autorités et les gouvernements avec lesquels nous avions des pourparlers. Je me rappelle qu'à l'époque il était difficile de parler de la question des droits. Les autorités comprenaient le concept d'une certaine manière, et c'était un mot tabou. Nous devions faire ce que nous pouvions en vue de faire valoir ce concept grâce à des recours juridiques qui ont pris la forme d'une contestation judiciaire qui visait Hydro-Québec, et cela impliquait des sociétés hydroélectriques, des sociétés de mise en valeur, ainsi que le gouvernement du Québec.

À l'époque, le gouvernement du Canada avait la responsabilité de défendre et de représenter les Inuits. Je présume qu'à l'époque nous avons suivi les conseils de notre personnel juridique et avons tenu compte des intérêts des Inuits dans la poursuite intentée contre le gouvernement à l'époque et que les Inuits ne se fiaient pas vraiment au gouvernement du Canada pour parler en leur nom. Je m'en souviens très bien.

Malgré tout, nous sommes encore, 40 ans plus tard, en train de mettre le tout en œuvre, et la mise en œuvre de ces traités modernes ne se déroule pas rondement, comme vous n'êtes pas sans le savoir. Vous suivez probablement ce qui se passe tout comme moi en ce qui concerne cette mise en œuvre.

Qu'est-ce que le gouvernement du Canada a réalisé comparativement à ce que les Inuits ont réalisé? En ce qui concerne la question de la clarté, je crois que c'est bien présent du côté du gouvernement, mais ce n'est pas nécessairement le cas du côté des peuples autochtones. Pourquoi? C'est probablement en grande partie parce que le gouvernement actuel n'a toujours pas examiné attentivement et amélioré ses lois et ses politiques pour s'assurer qu'elles correspondent au traité qui a été signé il y a 40 ans.

De nombreuses années se sont écoulées depuis. Beaucoup de nos jeunes ont de la difficulté pendant la mise en œuvre et se font parfois dire qu'en tant que jeunes ils connaissent très peu la question des droits, des droits nationaux et des droits internationaux. N'empêche qu'ils participent à la mise en œuvre. C'est leur responsabilité de mettre en œuvre le traité moderne, même s'ils n'ont aucunement participé aux négociations et qu'ils n'étaient même pas nés à l'époque. Je parle des jeunes de 25 à 35 ans. Ces jeunes semblent avoir beaucoup plus d'énergie et de bonnes idées que nous en avions à leur âge. C'est très positif, et nous espérons qu'ils feront progresser les choses et régleront certains problèmes que nous, les aînés actuels, avons aidé à créer. Il nous incombe encore de faire ce que nous pouvons, si nous sommes au bon endroit, pour essayer d'améliorer le gâchis que nous avons créé.

J'ai une question pour vous deux à cet égard. Je vais commencer par la déclaration internationale. J'ai l'impression que les déclarations internationales pourraient être utilisées pour améliorer ce qui a été fait et faire progresser certains éléments qui n'ont pas été abordés à l'époque; cela nous permettrait d'examiner le tout sous un nouveau jour, étant donné que les protections constitutionnelles, soit l'article 35, ont seulement été mises en place après l'adoption du traité moderne, du premier traité moderne. Nous n'avions pas la Constitution actuelle à l'époque. Si nous l'avions eue, aurions-nous obtenu le même résultat que nous avons eu avec un traité moderne? Je ne le pense pas. Nous aurions une plus grande marge de manœuvre en ce qui concerne la direction où nous voulons aller, mais ce n'était pas le cas à l'époque.

Paul Joffe et Dalee Sambo Dorough ont joué un rôle des plus essentiels dans les revendications territoriales et les traités ainsi qu'à l'échelle internationale. J'ai travaillé avec eux de façon intermittente durant plus de 40 ans. Voici les questions que j'aimerais vous poser. En ce qui a trait à la déclaration en soi, comment cela se fera-t-il? Le ferons-nous sous la forme d'une mesure législative en vue d'avoir un fondement législatif pour les enjeux que nous devons aborder?

Le gouvernement du Canada nous aidera — les gens qui sont en train de mettre le tout en œuvre — à modifier le ministère pour qu'il reconnaisse les outils et les mécanismes gouvernementaux nécessaires. Lorsque nous devons aborder un enjeu important, il arrive parfois que la mécanique ne soit pas au rendez-vous. Nous ne sommes pas représentés au sein du ministère des Affaires autochtones. Ce ministère représente seulement les intérêts du gouvernement. Nous ne sommes pas non plus représentés au sein du système de justice, qui représente encore une fois seulement les intérêts du Canada.

Je crois que nous devons maintenant commencer à mettre l'accent sur des enjeux précis si nous voulons vraiment aller de l'avant et mettre en œuvre ce qui a été adopté depuis 40 ans. Pouvez-vous nous fournir quelques éclaircissements en la matière? Voilà ce dont nous avons besoin. Nous avons besoin de précisions.

Mme Dorough : Je vais essayer d'être brève, compte tenu des contraintes de temps.

Je crois que les points que vous avez soulignés sont importants, parce que vos commentaires tiennent compte du développement progressif du droit international et du droit et laissent entendre que rien n'est figé dans le temps et qu'un cadre des droits de la personne peut constamment éclairer les accords sur les revendications territoriales, l'article 35 de la Constitution et toutes les autres questions.

Cela concerne le sujet précédent, mais je crois qu'il est également important de reconnaître la nécessité d'une application uniforme de la primauté du droit, en particulier dans le cas des peuples autochtones, et la redéfinition des relations entre les nouveaux arrivants et les peuples autochtones du Canada.

Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, je crois qu'un cadre législatif complet qui se fonde sur la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est l'une des approches les plus constructives à adopter pour la suite des choses. Par « complet », j'entends qu'il faut que cela aborde toute la gamme des articles interreliés de la déclaration des Nations Unies. La mesure législative doit être adoptée de manière durable, mais je répète qu'elle doit aussi être complète en raison de la nature indivisible et interreliée des droits établis dans la déclaration des Nations Unies.

Malheureusement, il n'y a que très peu d'exemples dans le monde de gouvernements qui l'ont fait efficacement. Je n'ai que deux cas en tête. Les Philippines ont adopté une loi sur les droits des peuples autochtones, mais je ne crois pas que cette loi était suffisamment complète, parce que les autorités n'ont pas vraiment traduit les dispositions de la déclaration des Nations Unies en mesures législatives qui forcent le gouvernement à prendre des mesures. Ce que je veux dire par cela, c'est d'agir de concert avec les peuples autochtones et d'établir un dialogue avec eux.

Je crois que nous devons attentivement réfléchir au mécanisme, pour le dire ainsi. En fin de compte, la pierre angulaire sera l'intégration complète de la déclaration des Nations Unies dans chaque ministère et chaque aspect du gouvernement du Canada. Comme je l'ai dit d'entrée de jeu, pratiquement toutes les questions dont traitent votre comité, le Sénat, le gouvernement et le Parlement concernent et touchent les peuples autochtones. Un cadre législatif complet qui se fonde sur la déclaration des Nations Unies est probablement l'une des meilleures approches à adopter pour la suite des choses.

Mon dernier commentaire à ce sujet est qu'un certain mécanisme de surveillance est également nécessaire. Ce serait un mécanisme qui permet un examen régulier de la manière dont les ministères mettent en œuvre la déclaration. Il doit y avoir des freins et des contrepoids. Par ailleurs, pour ajouter à ce que j'ai déjà dit au sujet de l'accès à la justice, dans les cas où il y a eu une mauvaise application de la justice ou une erreur judiciaire ayant trait à la mise en œuvre de la déclaration, les peuples autochtones doivent avoir à leur disposition un moyen pour revenir en arrière et sonner l'alarme ou exprimer leur inquiétude.

Je crois qu'un tel mécanisme pourrait être instructif pour les autres ministères et organismes et possiblement finir par entraîner l'adoption de pratiques exemplaires au sein de ces autres ministères et organismes au Canada; qui plus est, des peuples autochtones ailleurs dans le monde pourraient s'en servir comme modèle pour mettre en œuvre la déclaration des Nations Unies.

M. Joffe : Le sénateur Watt a malheureusement tout à fait raison lorsqu'il mentionne que ces droits n'existaient pas. La Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois, qui porte sur les Naskapis — la première vise les Cris et les Inuits —, ont dû être négociées sans que les gouvernements reconnaissent l'existence de quelconques droits. Aucun droit n'existait. Le seul moment où les gouvernements ont fait allusion à des droits, c'était lorsqu'ils ont obtenu l'accord qu'ils voulaient et qu'ils ont ajouté une disposition sur l'extinction de ces droits. Les gouvernements ont ensuite fait allusion aux droits, parce qu'ils voulaient indiquer ce qu'ils éliminaient.

Lorsque nous regardons cela de ce point de vue et que nous considérons que tous les traités — les traités modernes, les traités numérotés et les traités conclus avant la Confédération — sont des ententes vivantes, dynamiques et sacrées, ces traités sont censés avoir une signification actuelle à travers les époques.

Cela étant dit, nous passons à ce qu'ont dit le sénateur Watt et Dalee. Nous passons à un nouveau cadre actuel adapté à une situation contemporaine. Ce n'est pas un hasard si les personnes visées par les traités numérotés ont tendance à être plus démunies que même les personnes visées par les traités modernes. Nous devrions réexaminer le tout. Ce n'est pas possible que les gens aient souhaité renoncer à tout et continuer de vivre dans la pauvreté génération après génération.

La disposition sur les traités dans la déclaration est l'article 37, et certains paragraphes dans le préambule portent également sur les traités. Dans le préambule, il est expliqué que les traités sont un moyen d'encourager des relations harmonieuses et de coopération, mais cela signifie d'être juste envers les Autochtones dans les traités. Cependant, cela n'a souvent pas été le cas.

Pouvons-nous nous servir de la déclaration des Nations Unies pour améliorer la situation? C'est évidemment possible, parce qu'il est question des droits de la personne. Comme Dalee et moi avons essayé de l'expliquer, nous ne pouvons pas examiner en vase clos cette déclaration; nous devons également tenir compte du droit international et du droit constitutionnel.

Il va sans dire que l'article 35 doit être modifié pour que ce soit perçu comme des droits de la personne aux yeux non seulement de la Charte canadienne, mais aussi des peuples autochtones.

Comment pouvons-nous le faire? Évidemment, si nous adoptons ce que la déclaration établit comme les normes minimales — la consultation et la coopération —, les discussions doivent donc se faire en fonction de ces normes. Comment coopérons-nous? Comment abordons-nous les enjeux modernes? Comment pouvons-nous vraiment le faire de manière équitable? Oublions que les peuples autochtones se sont fait dire qu'ils n'avaient aucun droit jusqu'à ce qu'ils y renoncent. Nous devons en faire abstraction. Ce n'est pas logique. Comment une personne qui n'a aucun droit peut-elle être forcée de renoncer aux droits qu'elle n'a pas?

Le point qu'a fait valoir Dalee au sujet d'un cadre législatif ayant trait à la déclaration est essentiel. Nous avons par exemple le projet de loi C-262 de Romeo Saganash sur la déclaration des Nations Unies. Pourquoi est-ce utile? C'est utile. Personne ne dit : « Mettons en œuvre demain l'ensemble de la déclaration d'un seul trait sous la forme d'une loi unique. » Personne ne dit cela. Par contre, les gens disent que nous avons besoin d'un cadre législatif. Le projet de loi de Romeo prévoit le rejet du colonialisme. C'est fondamental. C'est le rejet des doctrines de la découverte : le droit international considère cela comme raciste. La Convention internationale sur l'élimination de toutes les sortes de discrimination raciale condamne le colonialisme. Le Canada a ratifié cette convention il y a environ 45 ans. Cela fait partie du droit. Pourquoi n'est-ce pas utilisé? Ce n'est pas seulement la déclaration.

Si nous pouvons créer un cadre où nous faisons abstraction de ces éléments et que nous adoptons un cadre des droits de la personne, nous aurons alors un cadre pour la poursuite des discussions. Nous pouvons dire que nous aurons à l'avenir une loi distincte en langues autochtones. Cela pourrait faire partie de la solution, mais ce n'est pas suffisant en soi. Les langues sont liées aux terres, aux ressources, à l'environnement, à la pauvreté, et cetera. Nous devons examiner globalement la situation.

Cela n'a pas besoin d'être le projet de loi de Roméo, si le gouvernement actuel est disposé à aller plus loin. J'ai entendu Romeo dire que c'est correct si le gouvernement est prêt à aller plus loin. Si le gouvernement veut aller moins loin que ce que propose le projet de loi, cela ne va pas. Ce sont de graves enjeux. Si nous n'inscrivons pas dans une loi que nous rejetons le colonialisme, qui croira que nous le ferons vraiment?

L'autre problème a été soulevé par Jody Wilson-Raybould, à titre de ministre de la Justice et procureure générale. Lors du débat d'urgence du 12 avril dernier, elle a demandé comment nous pouvons nous assurer que la déclaration survivra d'un gouvernement à l'autre. Comment pouvons-nous nous en assurer? S'il n'y a aucune loi, tout peut avoir une fin. S'il y a un cadre, comme bon nombre d'autres et nous l'avons mentionné, son maintien est plus probable. C'est établi. Il y a un processus en vue de la réconciliation qui vise à examiner de concert les lois.

Même si nous entamons les discussions dès demain, combien de lois, de politiques ou de pratiques arriverons-nous à modifier avant l'arrivée d'un nouveau gouvernement? Nous devons adopter une approche à plus long terme qui conférait au processus une certaine sécurité et une certaine permanence. Sans un tel cadre législatif, tout pourrait disparaître après les prochaines élections.

Si nous faisons tout cela, c'est possible. Si les normes minimales sont la coopération et la consultation, que nous cherchons à obtenir le consentement des gens et que c'est la même chose dans une certaine mesure pour les Inuits et les Cris de la baie James, qui ont signé d'innombrables accords fondés sur le consentement, c'est faisable.

Pourquoi les Cris sont-ils prospères comparativement à certains autres? Pourquoi les Cris à Attawapiskat sont-ils différents des Cris au Québec? L'un des deux groupes a un certain cadre. L'un des deux a la chance de conclure de tels accords, et les autres devraient avoir la même chance. C'est probablement un élément clé pour la suite des choses. Sans cadre législatif, nous sommes tous dans le pétrin. Il n'y a aucun dialogue continu qui s'appuie sur des bases.

Le sénateur Watt : En ce qui concerne la question d'un fondement législatif, d'un côté, nous devons faire preuve d'une grande prudence pour nous assurer que nous participons à ce processus et que la mesure législative respecte l'esprit et l'objet de cette déclaration. Voilà un élément que je voulais mentionner. L'autre aspect potentiellement négatif est la possibilité que cet instrument soit également utilisé pour affaiblir certains éléments. Nous devons nous assurer d'être présents quand le cadre sera établi.

Mme Dorough : Je crois que c'est un point crucial. Lorsque nous parcourons la déclaration, nous constatons que le partenariat, la consultation, la coopération et la collaboration sont mis en évidence. C'est un point absolument crucial en ce qui a trait à la collaboration avec les peuples autochtones. Un dialogue rendu possible grâce à des relations harmonieuses et de collaboration est un élément essentiel.

En terminant, j'aimerais dire que je vous remercie énormément de me donner l'occasion de participer à ces discussions. Si je peux aider d'une quelconque façon les membres du comité et le Sénat en ce qui a trait à la déclaration des Nations Unies, aux questions connexes et à l'envoi de ressources et de documents additionnels aux fins d'examen dans le cadre de votre étude, veuillez m'en informer. Je suis ravie de vous offrir toute aide parce qu'il s'agit, à mon avis, d'une importante initiative pour non seulement votre comité, mais aussi l'ensemble du Canada. Il ne fait aucun doute que mon peuple, mes relations et les Inuits de l'Arctique canadien pourraient directement en profiter au même titre que les peuples autochtones partout au Canada et dans le monde.

Je vous dis encore une fois quyanaq.

M. Joffe : Je tiens également à vous exprimer notre profonde reconnaissance. Nous avons eu un véritable dialogue de fond. Nous voulons vous aider de quelque manière que ce soit. Nous nous efforçons toujours d'essayer de renforcer les relations. Nous serons ravis de répondre à toutes vos questions, aussi difficiles ou complexes soient-elles, si nous pouvons vous être d'une quelconque aide.

Je crois qu'il est pertinent de rappeler que, comme nous avons essayé de l'exprimer et comme je crois que vous l'avez également fait, si vous abordez les droits des femmes autochtones, elles doivent également participer aux discussions. Si vous traitez des droits des enfants, ils ont également besoin d'une voix. S'il est question des personnes handicapées, elles ont également besoin d'une voix.

Si nous unissons nos efforts, je suis très optimiste que nous pouvons réaliser des progrès concrets. Cependant, si vous le faites en disant qu'il n'y a aucun cadre législatif et que ce n'est pas vraiment du colonialisme, même si nous sommes d'accord avec vous que ce n'est pas vraiment une bonne chose, nos discussions ne mèneront à rien.

Je vous remercie encore une fois. Si nous pouvons vous aider, veuillez nous le faire savoir. Merci.

La présidente : Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier de votre témoignage ce matin, de vos réponses complètes aux questions des sénateurs et de l'aide que vous nous avez offerte si jamais nous en avons besoin dans l'avenir.

(La séance est levée.)

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