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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 24 - Témoignages du 14 juin 2017


OTTAWA, le mercredi 14 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 45, pour étudier les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonsoir. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs ainsi qu'aux membres du public qui suivent les travaux du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ici même ou sur le web. Dans un esprit de réconciliation, je souligne que nous nous réunissons sur les terres traditionnelles du peuple algonquin.

Je m'appelle Lillian Dyck. Je viens de la Saskatchewan et j'ai l'honneur et le privilège de présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. J'invite maintenant mes collègues sénateurs à se présenter, en commençant par le vice-président, à ma droite.

Le sénateur Patterson : Bonsoir. Dennis Patterson, du Nunavut.

Le sénateur Doyle : Bonsoir, Norman Doyle de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l'Ontario.

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.

La présidente : Je vous remercie, chers collègues. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur la forme que pourrait prendre la relation renouvelée de l'État avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Nous reprenons notre examen de toutes les études et discussions menées sur la question à ce jour.

Aujourd'hui, nous nous pencherons sur la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Nous accueillons Edward John, grand chef de la Nation Tl'azt'en, qui interviendra par vidéoconférence, et Brenda Gunn, de l'Université du Manitoba. Nous commencerons par le chef John. Monsieur John, vous avez la parole.

Edward John, grand chef de la Nation Tl'azt'en, à titre personnel : Je vous remercie, madame la sénatrice.

Je rappelle à tous les sénateurs que je vis sur le territoire non cédé appartenant aux peuples Musqueam, Tsleil- Waututh et Squamish, que certains appellent le peuple salish du littoral. Je suis accompagné ce soir par une collègue avocate, Melissa Louie.

J'ai été un membre actif de l'Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones pendant une période de six ans qui a pris fin le 31 décembre 2016. Je suis originaire du nord de la Colombie-Britannique et j'appartiens à la Nation Tl'azt'en, comme vous l'avez précisé. J'ai grandi sur nos terres. La ville la plus proche de chez nous se trouve à une cinquantaine de kilomètres. Quand j'étais jeune, nous ne rencontrions pratiquement personne d'autre que les membres de notre propre communauté. J'ai été élevé dans les traditions et la langue de mon peuple jusqu'à ce que je sois envoyé dans un pensionnat, celui de Lejac, près de Fort Fraser. J'y ai passé de nombreuses années, en compagnie de nombreux enfants d'autres communautés des Premières Nations.

J'ai participé aux négociations de la déclaration des Nations Unies à Genève au moment où elle a enfin commencé à prendre la forme de l'instrument que nous connaissons aujourd'hui. Beaucoup de propositions avaient été faites, mais aucune n'avait encore été finalisée. Ce fut une période cruciale, sous l'égide de la haute-commissaire aux droits de l'homme d'alors, Louise Arbour, une ancienne juge de la Cour suprême du Canada. C'est sous sa supervision que la déclaration a vu le jour.

La déclaration a été adoptée par le Conseil des droits de l'homme à Genève. En 2006, elle a été transférée à l'Assemblée générale des Nations Unies, à New York. Nous espérions qu'elle serait examinée au cours de l'été 2006, mais en raison de complications, en particulier de la part du bloc des pays africains, l'étude s'est étirée sur une autre année. Certaines modifications ont été apportées à la déclaration avant son adoption, le 13 septembre 2007.

Le Canada siégeait au Conseil des droits de l'homme, à Genève, et il a voté contre, avec la Russie. À New York, il a encore voté contre, de même que l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. Le Canada a la réputation peu envieuse d'être le seul pays du monde à avoir voté contre deux fois.

Notre actuel premier ministre prend acte de la recommandation de la Commission de vérité et réconciliation qui l'exhorte d'adopter la déclaration. Quand le premier ministre a décidé d'agir et d'approuver les 94 appels à l'action, il a dit que le Canada commencerait par mettre en œuvre la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. C'est un pas important qui a été franchi.

Le document final de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones de septembre 2014 a reçu un appui unanime. À l'issue du vote, le Canada a formulé deux réserves relatives aux paragraphes 3 et 20 du document.

Le paragraphe exécutoire no 3 rappelle l'engagement pris par le Canada de consulter les Premières Nations, ou par les autres États de consulter les peuples autochtones, avant de prendre des mesures législatives ou administratives, afin d'obtenir leur consentement préalable, donne librement et en connaissance de cause, si ces mesures les touchent. Le paragraphe 20 précise qu'avant l'exécution d'un projet dans les territoires des peuples autochtones, l'État doit obtenir leur consentement préalable, donne librement et en connaissance de cause.

En 2016, le Canada a retiré ses réserves lors d'une réunion de l'Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones. Nous avons finalement un document consensuel international, sans aucune réserve de la part du Canada. C'est un autre grand pas en avant, ne serait-ce que pour s'assurer que tous les détails techniques pouvant soulever des préoccupations ont été examinés.

Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir invité à vous rencontrer dans le cadre de votre examen des nouvelles relations entre les Premières Nations, les Inuits et les Métis et de l'élaboration de votre rapport. Si j'ai bien compris, le but de la séance d'aujourd'hui est d'examiner l'historique de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Je vais donc vous parler de ma participation à l'élaboration de cette déclaration et de la compréhension que j'en ai.

J'ai participé aux négociations et à l'approbation de ce document au Conseil des droits de l'homme, à Genève, et j'ai par la suite assisté à son adoption à l'Assemblée générale des Nations Unies, à New York, le 13 septembre 2007. Cette année, nous célébrons le 10e anniversaire de la déclaration. Nous devons maintenant nous demander quels progrès ont été accomplis dans le monde à l'échelle des Nations Unies, notamment, et à celle des États, en particulier chez nous au Canada?

À cet égard, j'ai eu l'insigne privilège d'assister, lundi dernier, à la signature d'un protocole d'entente entre le Canada et l'Assemblée des Premières Nations portant sur nos priorités communes. Le premier ministre et le chef national sont les signataires du document. Il s'agit de la troisième entente bilatérale conclue entre le Canada et les peuples autochtones, les deux autres l'ayant été avec les Inuits et les Métis.

L'annexe A du protocole d'entente énumère les priorités communes, dont les deux suivantes. Le paragraphe 3 prévoit un « travail en partenariat sur des mesures visant la mise en œuvre de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, notamment l'élaboration conjointe d'un plan d'action national et la discussion des propositions sur un cadre législatif fédéral sur la mise en œuvre. » Je pense que c'est là une initiative importante.

Le paragraphe 6 de l'annexe énonce une deuxième priorité, soit la réalisation d'un « travail conjoint afin de décoloniser et d'harmoniser les lois et les politiques fédérales avec la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et les droits inhérents et issus de traités des Premières Nations. »

Le protocole d'entente établit un processus d'engagement pour le Canada et les Premières Nations, notamment un processus permanent et continu, au niveau du cabinet, pour les dirigeants des Premières Nations et les membres du cabinet fédéral.

Au nom des Premières Nations de la Colombie-Britannique, j'ai présenté au premier ministre une proposition détaillée pour l'examen et la réforme des lois, des politiques, des pratiques, des normes et des mandats ayant trait à l'autonomie gouvernementale des Premières Nations ainsi qu'à leurs terres, leurs territoires et leurs ressources. Il y est notamment question des politiques canadiennes sur les revendications territoriales globales, sur l'autonomie gouvernementale et sur les prêts. Ce document exhaustif contient une cinquantaine de recommandations relatives au processus et aux questions de fond qui nécessitent, à notre avis, d'être modifiés dans les documents que je viens de mentionner.

Nous espérons retourner bientôt à la table pour faire en sorte que les négociations que nous avons entamées puissent progresser sur une base beaucoup plus solide qu'en 1991, après le dépôt du rapport du groupe de travail sur les relations entre le Canada, la Colombie-Britannique et les Premières Nations. D'importants changements ont été apportés aux politiques à ce moment là. Par la suite, lorsque les représentants des gouvernements fédéral et provinciaux n'ont plus été disponibles, ce sont les fonctionnaires d'Affaires indiennes qui ont pris la relève et tout a été assujetti à nouveau aux normes établies en vertu des politiques fédérales sur les revendications globales. À cause de cela, les progrès que nous avions anticipés n'ont pas été accomplis.

Ce qui nous préoccupe, c'est l'engagement à adopter la déclaration des Nations Unies. Chez nous, nous avons une constitution qui reconnaît et confirme les droits inhérents et issus de traités des Autochtones. Nous avons célébré cette victoire sous le gouvernement de l'époque dirigé par Pierre Trudeau, avant de nous rendre compte que les politiques qui n'étaient pas couvertes par ces documents publics nous replongeaient dans la même vieille structure de déni et d'anéantissement de nos droits. Nous pensions avoir franchi cet obstacle en 1982.

Notre grande préoccupation, avec l'adoption de la déclaration, c'est que, nonobstant cette reconnaissance et cette affirmation de nos droits, les négociateurs soient guidés par les mêmes politiques et mandats dépassés aux tables de négociations qui auront lieu à la grandeur de la province. Ces politiques et ces mandats servent uniquement les intérêts du Canada et n'ont jamais soutenu les Premières Nations, surtout pas en Colombie-Britannique.

Lorsque je siégeais à titre d'expert à l'Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones, j'ai eu l'occasion, au fil de ces années, de m'entretenir avec des dirigeants autochtones, des organisations non gouvernementales, des chefs d'État et des représentants des Nations Unies, ce qui m'a amené à mieux comprendre la complexité des enjeux qui nous concernent.

J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec les deux témoins que vous avez accueillis hier, Paul Joffe et la professeure Dalee Sambo Dorough. J'ai une copie du mémoire que Mme Dalee Sambo Dorough vous a transmis. Je suis tout à fait d'accord avec les trois principaux points qu'elle soulève ainsi qu'avec son analyse de la situation, y compris avec les deux énoncés suivants. Premièrement, elle affirme que le Sénat du Canada, dont vous faites partie, joue un rôle de premier plan pour encourager le gouvernement à renoncer à son attitude colonialiste et à démontrer son respect et sa reconnaissance des droits fondamentaux des peuples autochtones. Deuxièmement, je suis d'accord avec sa conclusion voulant que nous ayons largement dépassé le stade de la définition des droits fondamentaux des peuples autochtones. Le défi actuel consiste à les mettre pleinement en œuvre, en collaboration avec les peuples autochtones. J'ai également pris connaissance de l'exposé de Paul Joffe et je suis tout à fait d'accord avec les idées et l'orientation qu'il propose.

En plus des divers mécanismes des organes onusiens de surveillance des traités, comme le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, il existe trois autres mécanismes sur les peuples autochtones.

Il y a d'abord l'Instance permanente sur les questions autochtones qui a tenu sa seizième réunion annuelle en mai dernier. Elle compte 16 membres experts, dont 8 autochtones désignés, mais nommés par le président du Conseil économique et social, les 8 autres étant des représentants des États, choisis dans leurs régions respectives. Le deuxième mécanisme est le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones des Nations Unies, sous l'égide du Conseil des droits de l'homme de Genève, et le troisième est le Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones.

Ces trois mécanismes ont des fonctions et des mandats distincts, bien que complémentaires. Par exemple, le mécanisme d'experts a reçu le mandat de mener des études sur une gamme d'enjeux liés à l'éducation, à l'accès à la justice et à la participation autochtone au sein des gouvernements des différents États. Le rôle du Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones consiste à traiter des cas de violation des droits de la personne recensés dans diverses parties du monde, à effectuer des visites dans les États et à faire rapport de la situation des peuples autochtones dans ces pays.

Outre les normes en matière de droits de la personne utilisées dans les divers instruments internationaux et aux Nations Unies, comme la Convention relative aux droits de l'enfant et la Convention sur l'élimination de la discrimination raciale, il existe d'autres instruments importants sur les droits fondamentaux des peuples autochtones : la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, l'Organisation des États américains, la déclaration américaine relative aux droits des peuples autochtones, la Convention no 169 relative aux peuples indigènes et tribaux de l'OIT ainsi que le document final de la Conférence mondiale des Nations Unies sur les peuples autochtones de septembre 2014 au cours de laquelle des engagements exhaustifs sont pris. Le Canada n'ayant pas encore adopté la Convention no 169 de l'OIT, c'est le document final de la conférence mondiale qui devient son engagement à mettre en place la déclaration.

Après l'adoption de la déclaration en septembre 2007 et conformément aux engagements pris par les Nations Unies et les États dans le document final de la conférence mondiale, les diverses mesures prises par les Nations Unies pour favoriser l'application et l'inclusion de la déclaration peuvent servir de guides. En 2011, le Conseil des droits de l'homme a établi les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme et qui s'appuient sur cadre de référence « protéger, respecter et réparer ».

Le Conseil des droits de l'homme a également établi ou élaboré des lignes directrices à l'intention des parlementaires et des sénateurs pour faciliter l'élaboration de lois pertinentes qui sont conformes aux normes énoncées dans la déclaration. Il a aussi établi des lignes directrices à l'intention des institutions et des commissions sur les droits de la personne des États, notamment de la Commission canadienne des droits de la personne. Tous ces instruments sont appropriés, pertinents et utiles.

Le Pacte mondial des Nations Unies a élaboré un guide pour les entreprises du monde entier pour les aider à mettre en œuvre les normes énoncées dans la déclaration, notamment sur le consentement préalable, libre et éclairé. Ce document est le fruit d'un examen détaillé et d'une analyse juridique réalisée par un cabinet d'avocats de New York.

Le critère de performance no 7 de la Société financière internationale porte sur les responsabilités des clients de l'OIC et, en particulier, sur l'obtention du consentement libre, éclairé et informé des peuples autochtones. La SFI et la Banque mondiale sont des institutions financières qui fournissent des ressources à des entreprises privées pour des projets de développement dans le monde entier et établissent les normes auxquelles ces entreprises sont tenues de se conformer lorsqu'elles exercent leurs activités sur des territoires appartenant à des peuples autochtones.

Les Nations Unies ont également élaboré un plan d'action à l'échelle de l'organisation qui doit être intégré aux normes des organismes, des programmes et des fonds de l'organisation, conformément à l'article exécutoire 31 du document final de la conférence mondiale de septembre 2014. Ce plan d'action vise la mise en place d'une approche cohérente pour réaliser les objectifs énoncés dans la déclaration.

La tendance à inclure et mettre en œuvre la déclaration des Nations Unies, les normes et les droits définis dans ce document, se fait également sentir dans un certain nombre de documents multilatéraux, notamment dans les Objectifs de développement durable des Nations Unies pour 2030, adoptés en septembre 2015, et dans l'Accord de Paris sur le climat intervenu en décembre 2015.

Au paragraphe exécutoire no 3 du document final de la Conférence mondiale, les États confirment leur appui à la déclaration des Nations Unies et réitèrent leur engagement à se concerter et à coopérer de bonne foi avec les peuples autochtones, par l'intermédiaire de leurs institutions respectives, afin d'obtenir leur consentement préalable, libre et informé avant d'adopter et d'appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de les concerner. Le paragraphe exécutoire no 8 du même document prévoit l'élaboration et la mise en œuvre de plans d'action nationaux, de stratégies ou d'autres mesures pour atteindre les objectifs de la déclaration.

Les peuples autochtones ont toutefois des inquiétudes au sujet de ce qu'on appelle le « ritualisme des droits », c'est- à-dire l'adoption et l'acceptation superficielle des droits, sans qu'aucune action ne soit prise.

La professeure Sambo Dorough et moi-même avons réalisé une étude pour le compte de l'Instance permanente des Nations Unies et notre rapport a été déposé dans le cadre de sa 15e séance en 2016. Ce document est disponible à titre de référence.

Voilà qui conclut ce survol de la question. J'aurais d'autres commentaires à faire, mais j'ai déjà pris une grande partie de votre temps.

Pour revenir à la Commission de vérité et réconciliation et à son rapport, je répète que j'ai passé de nombreuses années dans un pensionnat, mais ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai réalisé que l'objectif de ces établissements était en grande partie conforme à la stratégie du Canada à l'égard des peuples autochtones. J'ai écouté très attentivement les propos du premier ministre à l'issue de sa récente rencontre avec le pape François, à Rome, lorsqu'il lui a demandé de présenter des excuses, au nom de l'Église catholique, pour les torts causés aux élèves des pensionnats dont elle s'occupait. Cette demande est conforme à l'appel no 58 du rapport de la Commission de vérité et réconciliation.

Parmi ses nombreuses constatations, la Commission de vérité et réconciliation a parlé de génocide culturel, affirmant que le génocide est l'une des causes des carences économiques profondes, insidieuses et sociales et de la marginalisation politique et économique persistante des peuples autochtones. La genèse de l'assimilation par la colonisation, qui conduit au génocide culturel, se trouve dans le cadre conceptuel de la doctrine de la découverte et dans le pouvoir moral sous-jacent contenu dans les bulles papales de l'Église catholique vers la fin des années 1490. Tous ces éléments doivent transpirer dans les excuses que présentera le pape François, si jamais il le fait, peut-être en 2018.

J'ai effectué une étude sur la doctrine de la découverte que j'ai présentée à la 13e séance de l'Instance permanente des Nations Unies sur les peuples autochtones.

Qu'est-ce que cela signifie pour nous aujourd'hui? À titre d'exemple, la Colonie de la Colombie-Britannique a été créée en 1858 dans la province éponyme. Le 14 février 1859, le premier gouverneur de la colonie, James Douglas a affirmé, par voie de proclamation, que toutes les terres de la province — ainsi que les mines et les minerais qu'elles contenaient — appartenaient en fief à la Couronne. Les peuples autochtones n'étaient pas au courant de cela, aucune entente n'avait été signée avec eux et ils n'avaient certes pas donné leur consentement. De notre point de vue, la Couronne s'est approprié toutes les terres illégalement et unilatéralement. Nous cherchons actuellement à corriger cette appropriation abusive et illégale de toutes les terres autochtones dans ce qui est aujourd'hui la Colombie-Britannique. Nous nous intéressons donc vivement aux normes énoncées dans la déclaration. Nous nous sommes engagés auprès des Nations Unies parce que nous avons constaté qu'aucun progrès n'était accompli dans ce pays, nonobstant les décisions de la Cour suprême qui sont favorables aux peuples autochtones.

L'arrêt Delgamuukw, par exemple, affirmait qu'un titre ancestral existait sur le territoire des Gitksans et des Wet'suwet'en, que ces peuples avaient le droit de prendre des décisions concernant ce droit légal, que celui-ci consistait en un intérêt foncier légal et qu'il avait une composante indéniable.

Malgré cela, nous continuons de buter contre des politiques et des mandats de la Couronne qui font fi de ces constatations judiciaires, si bien qu'en bout de ligne nous avons dû emprunter une autre voie, celle de la scène internationale, afin de pouvoir, au fond, raconter notre histoire et participer à l'élaboration du texte qui est devenu un instrument normatif pour la reconnaissance des droits autochtones.

Par exemple, ce qui n'est pas sur la table en Colombie-Britannique dans les négociations de revendications territoriales, c'est la question de l'indemnisation, bien que l'article 28 de la déclaration dispose que, dans les cas où les peuples autochtones ont été dépossédés de leur territoire, ils ont droit à réparation, notamment au moyen de la restitution de leurs terres et ressources ou, si cela n'est pas possible, d'une indemnisation juste, correcte et équitable. La question de l'indemnisation n'est pas sujette à négociation dans cette province; en fin de compte, les Premières Nations sont obligées de céder, dans ces documents, sur la question de l'indemnisation, ce qui est très mauvais. Il s'agit d'une approche et d'une conduite légalement et moralement répréhensible de la part du gouvernement.

Encore aujourd'hui, le Canada et la Colombie-Britannique ne cessent de prétendre qu'il y a eu extinction des droits territoriaux autochtones et ils s'en tiennent à cette position. Ils continuent de nier l'existence de ces droits tant que nous ne sommes pas en mesure d'en faire la preuve devant les tribunaux.

Je voudrais rappeler en terminant que l'élaboration de normes sur les droits de la personne pour les peuples autochtones a vraiment débuté dans les années 1940, avec la création des Nations Unies, puis l'adoption en 1948 de la déclaration universelle des droits de l'homme. Le Canadien John Humphrey a été l'un de ses architectes. Le Canada s'est alors vu obligé d'entreprendre un examen de sa législation visant les peuples autochtones et de ses approches qui en découlaient, ce qui l'a mené à apporter des modifications à la Loi sur les Indiens.

Nous savons que la déclaration universelle des droits de l'homme a été proclamée en réaction aux violations massives des droits de la personne survenues, en particulier, en Allemagne. Or, dans notre pays aussi, il y a eu des violations massives des droits de la personne qui, de l'avis de la Commission de vérité et réconciliation, constituaient un génocide culturel. En fait, ce n'est qu'en 2007, après 27 années de négociations, que les Nations Unies ont enfin adopté la déclaration sur les droits des peuples autochtones. Le schéma est le même. Nous sommes en ce moment engagés dans le processus devant mener à la réconciliation et à la réparation.

Ce n'est que très lentement que notre peuple a trouvé le chemin de la justice, mais il est extrêmement patient et résistant. Nous avons enfin trouvé une ouverture du côté du premier ministre, qui, au sommet, donne un ton très positif et constructif, mais ce qu'il nous faut, dans cette province, ce sont des mesures concrètes de la part du gouvernement provincial. Une occasion unique s'offre actuellement à nous avec l'arrivée d'un gouvernement minoritaire, peut-être un gouvernement minoritaire NPD appuyé par le Parti vert. Ces deux partis se sont engagés sérieusement à adopter la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, à donner suite aux appels de la Commission de vérité et réconciliation et à mettre en œuvre, avec notre concours, l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Tsilhqot'in.

Je termine là-dessus. Je suis heureux de l'occasion qui m'a été donnée et du temps que vous m'avez accordé pour traiter de ces questions. Après l'exposé de ma collègue, Brenda Gunn, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Merci de votre attention.

La présidente : Je vous remercie, grand chef John. Vous avez fait un historique exhaustif de la question. Je vous prierais d'avoir l'obligeance de faire parvenir le texte de votre exposé au greffier du comité, parce que vous avez fait état d'un grand nombre de documents.

M. John : Volontiers, de même que la documentation à laquelle je me suis reporté. Je serai heureux de le faire. Je vous remercie, madame la sénatrice.

La présidente : Madame Gunn, la parole est à vous.

Brenda Gunn, Université du Manitoba, à titre personnel : Bonne soirée à tous et un grand merci pour l'occasion que vous me donnez de vous rencontrer ici aujourd'hui pour discuter du rôle de la déclaration des Nations Unies dans cette nouvelle relation entre le Canada et les peuples autochtones. C'est pour moi un honneur et un moment excitant de prendre la parole devant vous. J'apprécie hautement l'attention que vous m'accorderez à la fin de cette journée qui, je suppose, a été longue pour tous.

Je tiens d'emblée à reconnaître que nous sommes réunis ici aujourd'hui sur le territoire traditionnel non cédé des Algonquins, que je remercie pour leur hospitalité.

Je suis professeure associée à la faculté de droit de l'Université du Manitoba et je suis aussi une Métisse du Manitoba. J'ai communiqué ma notice biographique au greffier. Je ne sais pas si l'avez devant les yeux, mais je suis sûre qu'elle vous sera distribuée.

Mon exposé aujourd'hui reprendra l'essentiel de mon plus récent article, qui fait partie d'une une collection, lancée ici il y a deux semaines, portant sur la mise en œuvre de la déclaration des Nations Unies au Canada. Je crois que cet article vous a été envoyé par la poste et que vous le recevrez sous peu, si ce n'est déjà fait. Enfin, je vous ferai parvenir une copie des notes préparatoires de mon exposé. Je tâcherai d'être aussi succincte que possible, bien qu'il s'agisse d'une question qui nous passionne tous et dont nous pourrions parler longuement.

J'ai pensé qu'il serait peut-être utile, comme point de départ de mon exposé, de réfléchir aux raisons qui expliqueraient pourquoi les Nations Unies ont mis 30 années à rédiger un instrument reconnaissant expressément les droits des peuples autochtones et peut-être aussi pourquoi la Commission de vérité et réconciliation a utilisé la déclaration des Nations Unies comme cadre pour la réconciliation nécessaire à cette nouvelle relation.

Pour y répondre, je me reporte au préambule, texte des plus convaincants, de la déclaration des Nations Unies, qui affirme dès le départ que les peuples autochtones sont effectivement des peuples; que nous sommes maintenant, à tout le moins depuis 2007, reconnus comme membres de la famille humaine; que les peuples autochtones ont le droit de s'affirmer comme tels et d'être reconnus pour la diversité qu'ils apportent. La déclaration mentionne ensuite que les Nations Unies sont préoccupées du fait que les peuples autochtones ont subi des injustices historiques en raison de la colonisation et de leur dépossession.

Pour le Canada, cela revient à reconnaître, premièrement, qu'il y a eu colonisation et, deuxièmement, que celle-ci a eu des répercussions néfastes sur les peuples autochtones. Cela comporte, en particulier, la reconnaissance du fait que c'est la dépossession de leur territoire qui a eu des répercussions permanentes sur les peuples autochtones.

Plus loin dans le préambule, il est dit que les Nations Unies sont convaincues que la reconnaissance des droits des peuples autochtones encouragera des relations harmonieuses et de coopération. Ce point est vraiment crucial à cause de l'idée qui persiste au Canada selon laquelle le fait de reconnaître des droits spéciaux à des groupes spéciaux aura, de quelque façon, pour effet de nous désunir. Mais les Nations Unies laissent entendre clairement que c'est plutôt le déni des droits qui a mené à la discorde au Canada et que, si nous voulons corriger la situation ou nous réconcilier, nous ne pourrons le faire qu'en reconnaissant les droits des peuples autochtones. Cela contribuera à substituer à la relation coloniale, dans laquelle le Canada exerce son contrôle sur tous les aspects de la vie des peuples autochtones, une relation fondée sur les principes de justice, de démocratie, de respect des droits de la personne, de non-discrimination et de bonne foi.

En dernier lieu, les Nations Unies proclament solennellement que la déclaration constitue un idéal à atteindre dans un esprit de partenariat et de respect mutuel. Cela signifie que le gouvernement canadien ne peut prendre des mesures unilatérales pour mettre en œuvre la déclaration des Nations Unies, mais doit plutôt obtenir la participation des peuples autochtones à toutes les étapes du processus de mise en œuvre.

Je pense et j'espère que ce sera, aux yeux du comité, une exigence qui s'imposera à mesure que nous travaillerons à redéfinir la relation; en effet, il nous faut transformer la relation actuelle, où le Canada prend les décisions, pour en arriver à une relation dans laquelle les peuples autochtones participent activement. J'y reviendrai dans un moment.

J'ai pensé qu'il serait peut-être prudent d'expliquer brièvement pourquoi la déclaration des Nations Unies constitue une déclaration et quelle en est la valeur juridique. Bien que, techniquement, une déclaration ne constitue pas un droit positif, exécutoire en soi, elle ne peut être considérée comme juridiquement inexistante. Les Nations Unies ont affirmé qu'une déclaration est un instrument formel et solennel qu'il convient de proclamer dans les rares occasions où il s'agit d'énoncer des principes pérennes et de grande importance.

Les Nations Unies ont ajouté qu'une déclaration crée une forte attente d'adhésion, par les États-nations, aux principes qui y sont énoncés. Nous voyons que cela est particulièrement vrai dans le cas de la déclaration des Nations Unies, puisque l'Assemblée générale ne s'est pas contentée d'approuver la déclaration en 2007. En effet, au cours de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones en 2014, dont le grand chef John a déjà fait mention, les Nations Unies ont établi un plan d'action international et ont encouragé les États à adopter des approches, notamment leur plan d'action national, pour favoriser la mise en œuvre de la déclaration.

Nous voyons donc que, sept ans après son adoption formelle, que l'Assemblée générale des Nations Unies a réitéré son engagement de prendre des mesures pour encourager la mise en œuvre de la déclaration et de faire en sorte qu'elle ne devienne pas un autre texte mis sous le boisseau.

J'espère ardemment que nous pourrons au Canada, vu les multiples déclarations de soutien faites d'abord par le précédent gouvernement conservateur, puis par le gouvernement actuel, aller au-delà de ces discussions sur le poids juridique de la déclaration et commencer réellement à la mettre en œuvre.

Quels sont les quelques points clés de la déclaration qui pourraient servir utilement à redéfinir la relation? Un important point de départ, je pense, réside dans le fait que tous les droits énoncés dans la déclaration s'appliquent également aux hommes et aux femmes autochtones. Cela signifie que toutes les dispositions de la déclaration des Nations Unies doivent être interprétées en fonction des sexes, notamment en tenant compte des façons par lesquelles le processus de colonisation au Canada a influé différemment sur les hommes et sur les femmes autochtones.

La déclaration des Nations Unies est aussi très importante parce qu'elle reconnaît que les droits économiques, sociaux et culturels, que d'autres facteurs tels que les droits linguistiques, l'éducation, les soins de santé, le logement et le développement économique, ont une importance cruciale dans l'exercice des droits civils et politiques. Il n'y a pas de hiérarchie des droits en vertu de la déclaration des Nations Unies.

Le dernier point que je signalerai est l'idée du droit de prendre part au processus décisionnel sur la base d'un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Le grand chef Edward John a également mentionné ce point. Il importe de faire remarquer que ce droit de participer aux prises de décisions se retrouve dans plus d'une vingtaine d'articles de la déclaration des Nations Unies. C'est vraiment l'un de ses piliers. De nouveau, le droit de participer aux prises de décisions est reconnu également aux hommes et aux femmes autochtones.

Dans son étude sur le droit de participer aux prises de décisions, le Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones des Nations Unies a donné quelques conseils sur la façon dont les États pourraient s'y prendre pour mettre en œuvre ce droit, ainsi que quelques explications sur son champ d'application. Il a affirmé que le droit de prendre part aux prises de décisions comportait celui de déterminer le résultat de décisions qui influent sur les droits des peuples autochtones et non seulement celui d'être engagés dans les processus décisionnels. Le mécanisme d'experts a également fait valoir que les peuples autochtones ont un droit de participation dans les affaires publiques, y compris les élections, mais qui ne se limite pas aux institutions publiques officielles et s'applique aux activités civiles, culturelles et sociales de l'État.

Les peuples autochtones ont un droit de participation aux décisions de tous les organismes et agences du gouvernement canadien, non seulement à celles des instances gouvernementales proprement dites. Je pense que partout, de la sécurité frontalière, aux forces policières, en passant par Bibliothèque et Archives Canada, tous ces organismes qui sont rattachés de quelque façon au gouvernement doivent respecter les normes établies, y compris le droit de participer aux prises de décisions.

En dernier lieu, et ce point est important, le droit de participer aux prises de décisions comprend le droit des peuples autochtones de prendre des décisions dans leurs affaires internes sans subir d'influence externe. Ces affaires internes, questions qui ne concernent que les peuples autochtones, ne devraient pas être influencées par des facteurs externes à moins que les peuples autochtones y consentent.

J'ajouterai, en terminant, un petit mot sur la mise en œuvre de la déclaration et la façon d'amorcer ce processus. Il va sans dire, j'espère, que la déclaration des Nations Unies et les droits qui y sont énoncés s'appliquent à tous les peuples autochtones du Canada qui bénéficient d'une reconnaissance constitutionnelle, soit les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

La mise en œuvre de la déclaration exigera le rapprochement du droit international portant sur les droits de la personne, du droit coutumier des peuples autochtones et du droit canadien.

Elle exigera aussi un travail à l'échelon local, ce qui pourrait imposer la nécessité de travailler en dehors des grandes organisations politiques, telles que l'Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et l'Inuit Tapiriit Kanatami, afin de trouver des moyens de connaître les aspirations des peuples autochtones locaux, des petites collectivités, et de voir avec eux comment il faudrait s'y prendre pour la mise en œuvre de la déclaration.

Je conclus en disant que la mise en œuvre de la déclaration consistera à faire beaucoup plus que réviser la Loi sur les Indiens. Elle nous obligera forcément à aller au-delà du champ d'application actuel de l'article 31 de la Loi constitutionnelle de 1982 et de la définition très restreinte donnée par les tribunaux canadiens dans l'arrêt Sparrow et les décisions qui l'ont suivi.

Elle pourrait, et je pense qu'éventuellement elle devrait, comporter un certain cadre législatif. Elle exigera aussi que tous les organismes gouvernementaux revoient leurs politiques de fonctionnement et réfléchissent aux moyens d'obtenir la participation des peuples autochtones.

Pour cela, il faudra notamment passer en revue les lois d'application générale et voir si celles-ci se répercutent de façon particulière sur les peuples autochtones, puisque la déclaration des Nations Unies reconnaît que la mise en œuvre pourrait exiger du gouvernement qu'il prenne des mesures spéciales pour assurer le respect intégral des droits des peuples autochtones.

Je vous remercie grandement de votre attention et de votre intérêt. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

La présidente : Je vous remercie, madame Gunn. Nous passons maintenant à la période de questions.

Je tiens à informer nos témoins que le Sénat siège en ce moment et qu'il existe donc une mince possibilité que nous soyons obligés de nous y rendre. Je vous prie de garder cela présent dans votre esprit.

Vous avez tous deux fait un excellent travail en portant à notre connaissance des documents d'information des plus utiles, si bien que le nombre de questions pourrait être moindre qu'à l'ordinaire parce que beaucoup d'entre elles ont déjà trouvé réponse avant même d'être posées. Il en reste néanmoins un bon nombre.

Le sénateur Patterson : Je veux remercier chaleureusement les témoins. Je pense que, avec ceux que nous avons entendus hier, forts de leur expérience échelonnée sur des décennies, et les points de vue exprimés par le grand chef John et Mme Gunn, nous avons vraiment pu faire un examen en profondeur de la déclaration des Nations Unies.

Grand chef John, vous savez que nous étudions la nouvelle relation, la relation renouvelée, entre Canada et les peuples autochtones. Vous vous êtes montré optimiste devant les progrès réalisés quant à la déclaration des Nations Unies ces dernières années et même cette semaine avec la signature, ici à Ottawa, du protocole d'entente sur les priorités communes entre le Canada et les représentants des Premières Nations.

Voici ma question. Au terme de notre étude, nous devrons formuler des recommandations à l'intention du gouvernement du Canada sur cette nouvelle relation. Ai-je bien compris, ou diriez-vous que, d'après votre témoignage, qu'il existe, dans ces accords qui ont été signés, une base sur laquelle fonder une nouvelle relation? Vous avez rappelé l'échec de 1991, et Miles Richardson nous a fait une description assez complète des efforts faits à cette époque et de la déception qui a suivi. Nous en sommes actuellement à une étape où apparaissent des changements prometteurs qui semblent vous rendre optimiste. Qu'est-ce que nous devrions recommander pour éviter que cet accord sombre comme celui de 1991 entre la Colombie-Britannique et le Canada? Que pouvons-nous apprendre de ce que nous aurions dû faire différemment?

M. John : J'ai pris part au processus de 1990-1991, avec Miles Richardson et le regretté chef Joe Mathias. Nous avions été nommés par les chefs de la Colombie-Britannique pour siéger avec les représentants du Canada, Murray Kowickan, de la régions de l'Atlantique et Audrey Stewart, sous-ministre adjointe des Affaires indiennes, ainsi que de ceux de la Colombie-Britannique, feu Allan Williams, procureur général et mandataire politique, et Tony Sheridan, technicien qui était le sous-ministre de ce qui s'appelle aujourd'hui le ministère des Relations avec les Autochtones et de la Réconciliation.

Ensemble, pendant plus de six mois, nous avons rédigé un document, appelé le rapport du groupe de travail, qui traçait les grandes lignes du processus de négociation et des questions de fond à négocier. Comme je l'ai déjà dit, le tout a commencé à battre de l'aile parce que le Canada est revenu à ses anciennes politiques de revendications globales et aux mandats en découlant, qui contrecarraient le but et les recommandations du rapport et qui, en définitive, portaient atteinte aux négociations de bonne foi en Colombie-Britannique.

La question ici porte sur ce qui est nécessaire. Pour aller de l'avant, nous devons accepter que les lois, les politiques et les mandats ne doivent pas être formulés unilatéralement par la Couronne elle-même. Ils devraient l'être conjointement avec les Premières Nations, dans notre cas, ou avec les peuples autochtones, dans le cas des Inuits et des Métis. Nous devons y participer. L'article 19 de la déclaration des Nations Unies, par exemple, est limpide sur ce point. Lorsqu'il s'agit de réviser des lois ou des mesures administratives ayant des répercussions sur les peuples autochtones, le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des peuples autochtones concernés est nécessaire. Ce principe est conforme à l'engagement figurant aux paragraphes opérationnels 3 et 20 du document final de la Conférence mondiale.

Le message est tout simple. À mon sens, oui, il y a de l'optimisme. Considérant ce avec quoi nous avons dû composer pendant les quelque 10 années du règne du gouvernement précédent et l'impossibilité de réaliser des progrès, nous constatons qu'il existe aujourd'hui un certain niveau d'engagement, en particulier au Cabinet du premier ministre, et que sa relation, de même que celle du Canada, avec les peuples autochtones revêt la plus haute importance. Cela nous encourage.

Après un tel engagement, nous avons besoin de voir des actions concrètes sur le terrain. C'est pourquoi nous avons déposé lundi auprès du premier ministre ce document exhaustif où nous exposons nos attentes. Mais il faut une tribune et un processus qui permettent de discuter et d'en venir à une entente et à des priorités communes, un processus qui ne laisse plus cours à l'assimilation et à l'extinction ou au déni de nos droits jusqu'à ce que nous puissions aller en cour pour le prouver.

Nous comptons 203 Premières Nations en Colombie-Britannique. Si chacune d'elles devait aller en cour, il faudrait probablement près de 1 000 ans pour aboutir à une solution. Nous ne pouvons pas nous le permettre. Nous avons une occasion d'établir le cadre de travail; la déclaration en offre un qui se prête à cette initiative très importante que nous engageons avec le pays.

Le sénateur Patterson : Puis-je vous poser la même question, madame Gunn? Ce sera tout pour moi. Avez-vous ma question?

Mme Gunn : Oui, je l'ai, merci. C'est une bonne question. Plutôt difficile, n'est-ce pas?

Le sénateur Patterson : Je la formule à nouveau : que voulez-vous que nous recommandions au Canada pour que se concrétisent ces suites prometteuses dont vous avez parlé tous les deux?

Mme Gunn : J'adhère aux propos du chef Edward John. Nous voulons voir du changement dans ce que fait le gouvernement. Nous voulons des actions concrètes sur le terrain.

Quelles sont les choses qui pourraient favoriser ce changement, ou qu'est-ce qui doit se produire? Un exemple qui m'est venu à l'esprit est que de nombreuses démarches sont en cours actuellement pour examiner ce qu'on pourrait faire au sujet des femmes et des filles autochtones assassinées ou disparues. Nous avons la commission d'enquête, dont j'ai bon espoir qu'elle nous mettra sur de bonnes pistes, mais d'après les témoignages qu'on y entend, ce qui rend plus vulnérables les femmes et les filles autochtones, c'est l'échec à protéger les droits économiques, sociaux et culturels.

C'est comme si, au Canada, on accordait toujours la priorité aux droits civils et politiques, qu'on voit comme des droits relevant de la compétence des tribunaux, tandis que les enjeux économiques, culturels et sociaux ne seraient que des questions de principe. Je pense que les choses évoluent un peu actuellement au sein du gouvernement canadien. Durant les consultations l'an dernier sur la stratégie nationale du logement, il y a eu une séance sur le droit au logement, mais à l'heure où l'on se parle, la Cour suprême du Canada n'a pas l'air de penser que les droits économiques, sociaux et culturels relèvent de la compétence des tribunaux en vertu de la Charte.

Un des membres de la Commission des droits de la personne du Québec disait à cette occasion au Canada : « Sortons des années 1970 » pour dénoncer cette idée que les droits civils et politiques sont en quelque sorte ceux qui comptent et que les droits économiques, sociaux et culturels ne sont là que parce que nous sommes de bonnes personnes, avec un sens des valeurs. Cela mène à des violations fondamentales. Si nous ne parvenons pas à accorder une vraie protection au développement économique, social et culturel des peuples autochtones, comme aux autres droits civils et politiques, je ne pense pas qu'il y aura un filet de sécurité si aucune entente n'intervient ou une façon d'obtenir une quelconque réparation si le Canada ne donne pas suite à ses engagements. J'espère que cela vous éclaire un peu.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le sénateur Doyle : Ma question s'adresse à l'un ou l'autre de vous deux. On nous dit que la première condition pour mettre en œuvre la déclaration des Nations Unies est la volonté politique. En admettant que le gouvernement ait cette volonté politique, comme il le laisse entendre, quels sont les principaux obstacles de politique publique qui pourraient l'empêcher? Voyez-vous à l'horizon des obstacles majeurs qui pourraient retarder la mise en œuvre de la déclaration des Nations Unies au Canada?

Mme Gunn : C'est une question difficile. Je dis parfois dans mes discours que j'accepte seulement les questions faciles, mais j'ai l'impression que ce n'est pas une chose à dire quand on témoigne devant le Sénat, alors j'imagine que je dois répondre aux questions difficiles.

Le sénateur Doyle : Allez-y de manière générale... Rien de spécifique.

Mme Gunn : Je ne sais pas si cela relève des politiques, mais je sens parfois un réel désir de cultiver une relation différente, or il y a chez le gouvernement canadien soit une réticence soit une hésitation à agir différemment.

Il y a quelques années, j'ai pu assister à un stage de l'ONU sur les mesures à prendre pour résoudre les conflits majeurs et les aptitudes nécessaires pour mettre fin à l'apartheid, par exemple. On nous disait que pour mettre fin aux conflits de longue date, à quoi ressemblent à notre avis les relations actuelles entre les peuples autochtones et le Canada, les deux camps doivent commencer à penser différemment et à agir différemment s'ils veulent aboutir à quelque chose de différent.

À certains échelons, on parle beaucoup de la nécessité de faire les choses différemment, mais je ne suis pas sûre que l'information se rende jusqu'aux bureaucrates et aux employés de divers services qui sont censés appliquer les politiques et les nouvelles orientations sur le terrain. On dirait que c'est toujours la même histoire à cet échelon. L'information ne se rend pas. Je ne sais pas comment on s'y prend pour mettre sur la bonne voie les gens qui sont chargés d'appliquer les politiques, ou pour amener cette idée nouvelle du premier ministre et de ses ministres jusqu'à cet échelon de la mise en œuvre.

Le sénateur Doyle : Par rapport au monde, aux pays qui ont signé l'accord, comme la Nouvelle-Zélande et l'Australie, comment nous classons-nous au chapitre du traitement des peuples autochtones?

Mme Gunn : Il est toujours intéressant de comparer, parce que le Canada s'en tire un peu mieux à certains égards, un peu moins bien à d'autres égards. Je dirais à nouveau que là où le Canada échoue vraiment, c'est au chapitre des droits économiques, sociaux et culturels. Le ministère de la Justice a beau dire que le fossé n'existe plus, il semble toujours adopter en cour des positions qui donnent à penser que ce sont là des enjeux de politique, non pas des droits applicables au sens de la loi. Le Canada tire de l'arrière à ce chapitre.

Il se produit de grands changements en des endroits comme la Nouvelle-Zélande. Vous avez peut-être su récemment qu'un accord avec les peuples autochtones là-bas reconnaissait à une rivière et à des montagnes le caractère juridique de « personnes » et que les peuples en question en devenaient de ce fait les gardiens et les responsables. L'idée peut paraître avant-gardiste aux yeux de certains, mais rappelons-nous que nous considérons aussi les sociétés commerciales comme des personnes morales.

Le sénateur Doyle : C'est vrai.

Mme Gunn : Si une société inexistante peut être une personne juridique, il ne devrait pas être si difficile d'accorder le même titre à une montagne.

La même chose se produit dans plusieurs pays d'Amérique latine. L'Inde a pris récemment des mesures semblables à propos d'un fleuve, je crois.

Tandis que nous nous écartons peut-être d'une perception des terres, des territoires et des ressources du Canada comme une source première de développement économique, d'autres régions du monde admettent soit que nous avons besoin d'un environnement sain pour vivre, soit que l'environnement a le droit d'exister en soi, peu importe que nous en soyons dépendants ou non.

Le sénateur Doyle : D'accord. Merci.

M. John : En ce qui concerne les deux questions soulevées par le sénateur Doyle, les peuples autochtones vivent en grande partie dans un monde de principes. Pour ce qui est de la volonté politique, comme je disais, le ton du premier ministre est constructif. Il s'agit de le traduire en action concrète. Si on ne dépasse pas le stade des principes, alors nous ne sommes pas plus avancés, parce que le prochain gouvernement, de quelque allégeance qu'il soit, adoptera peut-être un autre ton. Nous en serons alors au même point qu'aujourd'hui.

Ce qu'il nous faut au-delà de la volonté politique, c'est l'action par décision législative. Dans le protocole d'entente signé lundi par le premier ministre et le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, il y a l'engagement de créer un cadre législatif pour la mise en œuvre de la déclaration. C'est une étape importante, parce qu'une loi devient plus contraignante qu'une politique.

Une politique peut ne pas être exécutoire; dans certains cas, une bonne loi non plus. Prenez par exemple le paragraphe 35(1) de la Constitution du Canada. La loi primordiale du pays dit que les droits existants, ancestraux ou issus de traités, des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés. Soulignez les mots « reconnus et confirmés ». Nonobstant cette reconnaissance constitutionnelle, la politique appliquée à l'échelon bureaucratique dit que nous devons prouver que nous sommes des Autochtones et que nous devons prouver l'existence de nos droits et de nos titres ancestraux. Pourtant, vous ne trouverez jamais ce libellé au paragraphe 35(1) de la Constitution du Canada.

Dans cette province, par exemple, lorsque le premier ministre Gordon Campbell a voulu faire adopter une loi de reconnaissance et de réconciliation, la volonté politique s'est évanouie dès que des membres de son caucus, appuyés par l'industrie minière entre autres, se sont mis à fomenter une révolte contre son autorité parce qu'il empruntait une voie qui, à nos yeux, était la bonne. La volonté politique succombe aux caprices de la politique en général dans cette province. Comme nous sommes en nombre minoritaire, la situation devient difficile pour nous.

Nous voulons que justice soit faite. C'est dans des affaires judiciaires que nous avons constaté le plus haut degré de justice dans ce pays. Avec la décision Sparrow au début des années 1990 et la plus récente décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Tsilhqot'in, nous voyons une dose de justice, mais nous savons aussi que la Cour suprême est dans une phase nouvelle de création de jurisprudence se rapportant aux peuples autochtones. Elle n'est pas au bout de ses peines. Dans certains cas, on dirait qu'elle ne sait pas sur quel pied danser. D'abord, on parle d'une relation fiduciaire entre la Couronne et les peuples autochtones, une notion qu'on remplace ensuite par celle de l'honneur de la Couronne. Dans le meilleur des cas, c'est une cible mobile qu'on vise.

Entre volonté politique et questions de principe... les obstacles sont toujours là, omniprésents. Nous devons continuer à éduquer nos gens du mieux que nous pouvons.

Quant à savoir où le Canada se classe parmi les pays du monde, si on compare les peuples autochtones de chez nous à ceux du Guatemala, je dirais que nous faisons mieux que là-bas. En Amérique latine, les chefs indigènes qui luttent pour préserver leurs terres, pour faire reconnaître leurs droits, se font assassiner en nombre tel que cela défie le sens commun.

Chez nous, un plus grand nombre de nos enfants vont à l'école, réussissent en classe et passent leur secondaire. C'est encourageant. En Colombie-Britannique, au début des années 1990, la proportion d'élèves qui obtenaient leur diplôme d'études secondaires était d'environ 25 p. 100. Elle est passée à 60 p. 100 parce que nous nous sommes organisés et que nous avons travaillé fort pour qu'un plus grand nombre de nos enfants passent leur secondaire.

Si on parle d'indicateurs socioéconomiques, en Colombie-Britannique, nous mettons sur pied des conseils qui fonctionnent très bien et qui sont formés d'Autochtones compétents dans les domaines de la santé, de l'éducation ou de la justice, avec consigne de nos chefs de placer là nos éléments les meilleurs et les plus éduqués afin de hausser les standards que nous avons actuellement. Nous faisons des progrès, mais le chemin est encore long devant nous.

Le sénateur Doyle : Merci.

Le sénateur Christmas : D'abord, je voudrais vous remercier du magnifique travail que vous avez accompli, grand chef John et professeure Gunn. Je dois dire qu'il a fallu de nombreuses années de dévouement et de grands efforts pour enfin aboutir à la déclaration qui est maintenant reconnue par les Nations Unies. Ici au Canada, nous avons un premier ministre qui l'a accueillie volontiers et qui a signé un protocole d'entente pour la faire appliquer. Moi qui appartiens à la nation mi'kmaw, je veux juste vous dire ma gratitude pour l'excellent travail que vous avez fait tous deux.

Il me semble que nous avons maintenant achevé cette partie de la tâche qui consistait à définir en quoi consistent les droits des peuples autochtones. Nous en avons une définition très claire, je pense, dans la déclaration. C'est un document qui fait consensus, comme l'a mentionné le grand chef, et c'est pourquoi les peuples autochtones du Canada, notre propre pays, l'ont si bien accueilli et adopté.

Le problème ou le défi qui nous attend maintenant est de savoir comment mettre en œuvre cette déclaration au Canada, comment lui donner une application spécifique à notre pays. Je pense que vous avez tous deux bien circonscrit le problème. J'aime bien l'expression du grand chef, le « ritualisme des droits » dont nous souffrons tant au Canada. Nous avons parlé du manque de volonté politique. À un certain moment, grand chef, vous avez raconté comment, en 1991, même si vous aviez une démarche bien engagée, les représentants du gouvernement se sont repliés sur leur position antérieure. Il me semble que le meilleur rôle que puisse jouer ce comité sénatorial en particulier est de commencer à déterminer comment la déclaration peut être mise en œuvre au Canada.

Grand chef, vous avez dit expressément que ce qu'il faut, ce sont des lois. Dans mon esprit, nous avons besoin d'une série de lois qui fixeront des buts précis et qui mettront en place des mécanismes de mise en œuvre.

Si le Sénat entreprenait d'ébaucher un plan d'action qui énumérerait un certain nombre de mesures législatives — en matière sociale, en matière de santé, de logement, de justice, un large éventail de domaines — et si notre comité prenait l'étude actuelle et se concentrait sur une relation de nation à nation, mais qu'il présentait ensuite une série d'avant- projets de loi — vous avez bien raison de dire, grand chef, que cela s'est fait conjointement, mais il faut bien commencer quelque part —, pensez-vous que ce serait une bonne façon de procéder? Je m'adresse à vous d'abord, puis je demanderai à la professeure Gunn de commenter à son tour.

M. John : Sénateur Christmas, je tiens à vous féliciter de votre nomination au Sénat, entièrement méritée, je pense. Je suis heureux pour ma part de la compétence, des antécédents, du savoir et de l'expérience dont vous nous ferez profiter de votre point de vue autochtone, grâce à vos rapports avec les communautés mi'kmaw.

Je conviens avec vous que l'identification et la définition des droits sont en grande partie achevées, peut-être, avec cette déclaration des Nations Unies, qui servira à éclairer nos magistrats et les autres branches de l'État, l'exécutif, le Parlement et le Sénat, sur la voie de l'avenir. Je conviens aussi que le défi maintenant est de savoir comment nous allons la mettre en œuvre.

Une chose importante que je tenais à dire est que le Sénat joue un rôle essentiel dans l'éducation du public, parce que si la compréhension fait défaut, c'est la discrimination qui continue ou, au mieux, c'est l'indifférence qui s'installe.

À propos de la législation, avons-nous besoin d'une série de lois pour mettre en œuvre les dispositions de la déclaration, ou bien plutôt d'une loi globale? Ce pourrait être les deux. On pourrait adopter la déclaration au sens large, mais prévoir des mesures d'application dans des domaines particuliers.

Permettez-moi un exemple. Le rapport du groupe d'experts sur les évaluations environnementales et celui du groupe d'experts de l'Office national de l'énergie traitent tous deux longuement de la façon d'appliquer la déclaration au processus d'évaluation environnementale tel qu'il se déroule à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale ou à l'Office national de l'énergie. Les deux rapports font des recommandations exhaustives à ce sujet. Je dirais que la nouvelle loi fédérale permettrait de mettre en œuvre la déclaration à l'intérieur des paramètres de ces deux mécanismes que nous avons dans notre pays, celui de l'ACEE et celui de l'ONE.

Je ne suis pas certain qu'une démarche doive exclure l'autre. Nous devrions peut-être vraiment envisager les deux. C'est là une des questions auxquelles doivent s'attaquer, par exemple, le chef national et le bureau de direction de l'Assemblée des Premières Nations ainsi que les peuples autochtones de tout le pays parce que, comme le dit l'article 18 de la déclaration, par l'intermédiaire de nos propres organisations ou institutions, nous devons participer à l'application de mesures législatives ou administratives avec notre consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

Nous avons contribué à rédiger la déclaration. Nous en avons pesé chaque mot à Genève. Alors c'est notre déclaration à nous aussi. Elle n'appartient pas uniquement au Canada. Mais une fois que le Canada l'a adoptée, bien sûr, en vertu de la Convention de Vienne sur le droit des traités, les gouvernements infranationaux, comme les provinces et les territoires, se trouvent liés par elle. Je ne sais pas si ces gouvernements s'en rendent compte, mais vos services de recherche pourraient peut-être les aider à comprendre à quoi les engage l'adoption de la déclaration. D'après mon interprétation de cette convention en particulier, les provinces et les territoires sont liés par l'engagement du Canada.

Je m'en tiendrai à cela et je vous remercie d'avoir posé cette question très importante.

Le sénateur Christmas : Merci, grand chef. Professeure Gunn?

Mme Gunn : Je suis d'accord pour dire qu'il faut des lois, mais ce qui m'inquiète toujours, c'est le point de départ.

Comme je disais, un des principes de base de la déclaration des Nations Unies est que les choses doivent se faire en partenariat. Il n'est pas question que le Canada établisse un programme et essaie ensuite d'y faire entrer les peuples autochtones. C'est cela que nous devons changer.

Cela signifie aussi qu'il nous faut aller au-delà des approches nationales pour reconnaître les différences entre les peuples autochtones. Si je songe à ma propre province d'origine, comme je l'ai indiqué, je suis Métis et membre de la Manitoba Metis Federation. Nous avons également des traités historiques numérotés et certaines Premières Nations n'ont pas signé de traités.

Quant à la mise en œuvre de la déclaration des Nations Unies dans cette situation très tangible, dans le but de définir les territoires traditionnels, les droits qui y sont associés, et la possibilité d'utiliser divers droits, il sera très difficile de l'effectuer à l'échelle nationale. À un moment donné, le Canada devra se rendre compte que c'est compliqué. Bien qu'il soit facile de travailler avec les organismes politiques nationaux, et que des cadres généraux peuvent être élaborés à ce palier, la mise en œuvre exige une participation locale. Il est possible que les revendications des Premières Nations du traité no 1 et la mise en œuvre de la déclaration des Nations Unies dans le territoire visé par le traité no 1 ne soient pas tout à fait la même chose que revendiquent les Métis qui utilisent et occupent un territoire semblable.

Je crois qu'il se produit une autre chose. Les peuples autochtones ont souvent été placés dans une situation où ils devaient réagir et, par conséquent, ils sont devenus très réactifs. Je tente d'imaginer une situation où les peuples autochtones participent dès le départ. Je crois que nous avons entamé ce processus en modifiant la composition du Sénat et de la Chambre des communes. On y voit une plus grande diversité de visages qu'auparavant, et je crois qu'il s'agit d'une étape utile.

J'aurais quelques préoccupations si le Sénat disait : « Voici les étapes 1, 2 et 3, et voici le projet de loi ». Même si l'idée ou la substance est bonne ou mauvaise, ou lorsque le processus est vicié, les peuples autochtones devraient pouvoir se prononcer. J'espère que le Sénat créera un nouveau processus quant à la façon dont le Canada engage la participation des peuples autochtones en leur garantissant une place à la table des négociations dès le début.

Je vais répéter ce que j'ai dit plus tôt : nous devons tenir compte des différences entre les sexes à travers tout ce processus. Nous devons continuer de reconnaître, comme le Sénat s'est évertué à le faire au cours des dernières semaines, que la colonisation a eu des effets différents sur les hommes et les femmes des Premières Nations. Je remercie le Sénat d'avoir proposé un amendement au projet de loi dans le but de remédier aux inégalités qui existent toujours.

Cela n'est peut-être pas aussi pratique que nous demander de réaliser les étapes 1 à 4. C'est mon avis, et j'ai de la difficulté à envisager ces étapes si les peuples autochtones ne sont pas assis à la table des négociations. À mon avis, il n'y aura pas une seule table. Il est possible que nous ayons besoin d'une table différente pour le traité no 1, pour les Métis du sud et pour ceux du nord. Je crois que vous comprenez où je veux en venir.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie d'être ici ce soir.

Je suis très fier de tous nos frères et sœurs des Premières Nations qui siègent au Sénat. Je crois qu'ils feront une grande différence pour la communauté dans son ensemble. Pour eux, je crois qu'il s'agit essentiellement d'encourager les échanges face à face entre le gouvernement et la nation. Or, votre communauté est fort bien représentée. J'en suis bien convaincu.

Nous avons discuté de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Selon vous, où en est le Canada à cet égard aujourd'hui? Avons-nous au moins mis en œuvre certains de ces droits et, le cas échéant, combien? Avez-vous fait le décompte? Quels résultats envisagez-vous dans cinq à dix ans, par exemple?

Mme Gunn : L'une des choses qui me frappent est que le Canada a joué un rôle de pionnier, je crois, dans le domaine de la reconnaissance des droits des peuples autochtones. Nous avons inscrit les droits ancestraux et issus de traités dans la Constitution en 1982, et je suis persuadée que le Canada a été l'une des premières nations du monde à reconnaître ces droits à un niveau aussi élevé. Malheureusement, je crois que cela aura été le point culminant. Au cours des dernières années, de nombreux États ont suivi cet exemple et certains d'entre eux sont allés plus loin, alors que le Canada se contente toujours de dire : « Nous avons reconnu ces droits dans la Constitution ».

Comme l'a souligné le chef Ed John, nous avons établi des bases assez solides, essentiellement au moyen des tribunaux, sur lesquelles nous pouvons continuer de construire. Le devoir de consulter et d'accommoder, tel que reconnu par les tribunaux, est un bon point de départ. Mais nous n'en sommes pas encore à la hauteur de la déclaration des Nations Unies. L'affaire Tsilhqot'in sur les droits fonciers est un excellent exemple. La décision rendue nous rapproche probablement des normes, mais il s'agit d'un exemple précis qui ne s'applique pas à l'échelle du Canada.

Si le Canada met en œuvre les recommandations et si nous abordons ce problème, le pays, espérons-le, répondra aux besoins économiques, sociaux et culturels des femmes autochtones. Nous examinons beaucoup de statistiques, lesquelles confirment, je crois, l'ampleur de nos difficultés.

L'un des moyens les plus faciles de commencer à réfléchir à la déclaration des Nations Unies, en particulier lorsque nous commençons à envisager sa mise en œuvre, ou le bilan du Canada à ce chapitre — mon analyse part des groupes thématiques et non des articles du projet de loi. Je parlerai de l'autonomie gouvernementale, des terres, des territoires, des ressources, des droits économiques et culturels, de l'éducation et de la langue. Il s'agit d'un moyen utile pour entamer cet examen.

C'est difficile parce que la situation n'est pas uniforme au Canada. Je crois qu'il existe de bons exemples dans différents endroits où nous pouvons dire : « Ce projet de loi ou cet accord ou ces traités modernes » — je ne sais pas trop pourquoi nous les qualifions de modernes et pas seulement de traités, mais c'est probablement une question qu'il faudrait aborder un autre jour — et nous pouvons dire que cela est conforme. Mais cela ne s'applique pas à tous les peuples autochtones du Canada. Or, je crois qu'il s'agit d'une situation difficile.

Quelles sont mes attentes pour les cinq à dix prochaines années? À mon avis, l'indicateur principal sera probablement le taux de suicide chez les jeunes. Je crois que nous aurons atteint nos objectifs si nos jeunes sont plus optimistes quant à leur avenir, si des choix s'offrent à eux et s'ils croient qu'ils font partie du tissu social du Canada.

Cela exigera des familles solidaires. Nous avons discuté de la déclaration des Nations Unies lors d'une réunion avec l'Association du Barreau canadien il y a quelques semaines, et du fait que nos familles sont aussi responsables de la mise en œuvre de cette déclaration. Il ne s'agit pas seulement de droits théoriques ou de droits qui existent quelque part; c'est une question très personnelle et très importante pour de nombreux peuples autochtones. Je m'attends à ce que nos familles et nos communautés soient en meilleure santé et mon évaluation se fera à partir de la situation des jeunes et des enfants. Je crois et j'espère que nous pourrons leur offrir un meilleur avenir.

M. John : Je vous remercie de vos propos, professeur Gunn.

Je tiens à souligner que je suis d'accord avec le fait que nous avons l'article 35 de la Constitution. Le Canada est un des rares pays à reconnaître les droits autochtones issus de traités et les peuples autochtones dans la Constitution. Et comme l'a mentionné le professeur Gunn, il s'agit de droits justiciables. Ce sont des droits juridiques et constitutionnels reconnus dans la loi suprême du pays. Mais il s'agit de les mettre en œuvre. Le problème, comme je l'ai dit, est que ces droits ont peu de valeur, étant donné que le Canada a adopté la position qu'il nous faut prouver notre existence à titre de peuples autochtones et prouver qu'un titre aborigène existe sur notre territoire.

On nous dit, par exemple : « Bon, nous reconnaissons qu'il y a un titre ancestral en Colombie-Britannique », tout en ajoutant, « mais nous ne savons pas où il existe ». Or, s'ils ne savent pas où ces droits s'appliquent, alors pourquoi ne pas dire qu'ils existent dans toute la Colombie-Britannique? Alors toute la Colombie-Britannique et les territoires des Premières Nations seraient couverts.

La déclaration des Nations Unies comporte 46 articles. En soi, dans le cadre de la déclaration, il existe des dispositions d'équilibre. Par exemple, il existe tout un débat en anglais sur l'emploi du mot « to » dans les articles 3 et 4 qui prévoient le droit à l'autodétermination, « to self-determination », le droit à l'autonomie gouvernementale : serait-il préférable de dire « of self-determination? Il y a des discussions sur le mot « to » en ce sens qu'il s'agit d'un droit éventuel à l'autodétermination, alors que le mot « of » confirmerait que ce droit existe. Cette question fait l'objet d'un débat au sein de la communauté autochtone.

La structure des 46 articles est en grande partie semblable. La première disposition d'un article particulier pourrait définir la nature d'un droit. La deuxième disposition stipulerait l'obligation et la responsabilité de l'État de mettre en œuvre ce droit particulier. Ce cadre fait partie des droits que prévoit la déclaration des Nations Unies, dans ses 46 articles; toutefois, s'il existe un engagement envers l'éducation, par exemple, comment sera-t-il respecté? Il est édifiant de jeter un coup d'œil à la déclaration et de l'évaluer dans cette perspective.

L'une des recommandations que le Sénat pourrait envisager porte sur un mécanisme de contrôle indépendant chargé de mettre en œuvre la déclaration. Faute d'un tel mécanisme, nous n'avons aucun moyen d'inciter les gouvernements à rendre des comptes, à part les tribunaux. Encore une fois, le processus judiciaire a été très coûteux, antagoniste et long pour notre peuple. Un système qui nous permettrait d'éviter les tribunaux serait essentiel. Par exemple, les Nations Unies ont jugé que le Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones, basé à Genève, devrait être chargé de surveiller la mise en œuvre de la déclaration. Cet organisme sera-t-il responsable de surveiller la mise en œuvre au Canada?

En janvier, la ministre des Affaires étrangères a rencontré le haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, et elle a octroyé une somme de 15 millions de dollars au Conseil des droits de l'homme de l'ONU pour financer ses opérations. Cette somme sera répartie en trois versements de 5 millions de dollars par an au cours des trois prochaines années. Une partie de cette somme pourrait être utilisée pour définir cela.

À mon avis, la meilleure solution serait de créer un organisme proprement canadien qui surveillerait la mise en œuvre de la déclaration, en collaboration avec le gouvernement fédéral, y compris l'opposition, les gouvernements provinciaux et territoriaux, et les peuples autochtones. Ce mécanisme serait réellement indépendant et, dans le cas où il y aurait des différends, il pourrait les régler sans passer par la Cour fédérale ou la Cour suprême de la Colombie- Britannique.

Vous avez posé une question au sujet des cinq à dix prochaines années. Nous célébrons le dixième anniversaire de la déclaration des Nations Unies, et il s'agit déjà d'une longue période de temps. À mon avis, nous devrions utiliser l'article 28 de la déclaration qui porte sur les terres qui ont été injustement retirées, et qui affirme que les peuples autochtones ont droit à la réparation, la restitution ou l'indemnisation. Ce droit particulier devrait immédiatement supplanter et remplacer les politiques fédérales sur les revendications globales à cet égard et nous ne devrions pas être forcés à attendre la négociation d'une entente quelconque. La déclaration énonce un droit et une obligation de l'État partie, en l'occurrence, le Canada. Or, lorsque nous irons à la table des négociations, nous utiliserons cet article pour établir une compensation juste et équitable.

Enfin, des pays comme la Bolivie ont enchâssé la déclaration dans leur Constitution. Au Congo, un pays sur la côte ouest de l'Afrique centrale, à Brazzaville, on a adopté une loi qui met en œuvre les normes de consultation énoncées dans la déclaration des Nations Unies. Ces pays en développement ont beaucoup d'avance sur nous à cet égard, et nous devrions en être conscients. Nous accusons un retard par rapport à ces pays en développement dans le domaine des relations avec les peuples autochtones.

En dernier lieu, je désire souligner que je suis d'accord avec le professeur Gunn, qui a dit qu'il ne s'agit pas seulement d'une initiative ou d'un processus national, ou élaboré par l'Assemblée des Premières Nations, ou le Ralliement national des Métis ou l'Inuit Tapiriit Kanatami, dans le but de définir les contours et la mise en œuvre des normes prévues par la déclaration des Nations Unies. Des tables de négociations doivent être établies pour les traités no 1 à 11 et pour la coalition représentant les 24 ou 25 ententes définitives qui ont été négociées depuis 1976.

Il existe des tables de négociations, telles que nous les avons proposées pour la Colombie-Britannique, et nous avons fait parvenir un document très vaste au premier ministre, en ce qui a trait aux Premières Nations de la Colombie- Britannique qui négocient des revendications territoriales, comme on les appelle, et des droits à l'autonomie gouvernementale. Ces normes devraient faire partie des négociations.

Aujourd'hui, quand nos représentants se rendent à la table des négociations avec le Canada, leurs mandats demeurent les mêmes. Ils arrivent avec les mêmes vieux mandats. Parmi ses recommandations, le comité du Sénat pourrait inciter le gouvernement à mettre en œuvre immédiatement les normes prévues dans la déclaration, lesquelles passeraient outre aux politiques que le Canada a développées en fonction de ses propres objectifs. Je vous remercie.

Le sénateur Tannas : Merci beaucoup. Cette discussion est fort intéressante et vous l'avez approfondie plus que nos autres témoins. À mon avis, cela s'explique par le fait que nous avons affaire à des gens qui ont des compétences particulières sur les plans pratique et de l'actualité. Et vous avez tous les deux fait preuve d'une grande candeur.

Je suis certain que les gens qui nous écoutent doivent avoir le vertige en raison des défis qui se posent, pas seulement en ce qui a trait aux sujets que nous avons abordés, mais en raison des réalités que nous devons affronter alors que nous tentons d'identifier les prochaines étapes.

À mon avis, il s'agit d'un danger énorme. Le plus facile pour nous serait de discuter de tout cela, de faire des déclarations, de signer des protocoles d'entente, et de confier le dossier aux mêmes 5 000 personnes qui ont placé des obstacles tout au long de ce processus dans le but de protéger le statu quo. Chef, vous venez de le dire : il s'agit du ministère des Affaires indiennes, ou du nom qu'on lui donne aujourd'hui.

Nous avons d'autres défis évidents. Nos 600 Premières Nations représentent environ 5 p. 100 de la population de ce pays. C'est la réalité. Ensuite, nous avons un organe qui est censé représenter 95 p. 100 de la population du Canada. Tout cela est déprimant. Il s'agit d'échecs et de divisions qui s'échelonnent sur des décennies.

Des choses intéressantes se profilent, toutefois, et je poserai une question à la fin de mon long discours. Il y a un côté positif, et je crois qu'il pourra nous aider à atteindre le but dont nous avons discuté.

Saviez-vous que le Canada a été créé en 1864 lors de réunions qui ont duré 26 jours, c'est-à-dire, 9 jours à Charlottetown et 17 jours à Québec? Dans notre étude, nous avons abordé les principes directeurs de l'harmonie, un objectif que nous sommes réellement désireux d'atteindre. Nous ne pouvons savoir où nous nous dirigeons avant qu'on nous présente une vision de cette destination. À quoi cela ressemble-t-il quand tout va bien? Étant donné que c'est l'approche la plus simple, nous nous concentrons toujours sur le présent ou sur le passé. S'il est une contribution que nous pouvons faire, nous espérons que ce sera d'aider à définir les principes et la vision d'un État parfait. Et nous avons également la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la Commission de vérité et réconciliation, ses appels à l'action et les réalités qu'elle a contribué à dévoiler. Nous avons la morale fondamentale et les lois du Canada sur lesquelles, je crois, nous nous entendons tous. Si toutes ces choses nous servaient de guides, serait-il alors logique d'essayer de reproduire les conférences de Charlottetown et de Québec au moyen d'une sorte d'assemblée pour négocier de nation à nation, où des représentants du Canada et des peuples autochtones tenteraient d'établir un cadre, précisément comme l'ont fait les pères fondateurs de notre pays?

Jusqu'à présent, nous avons eu une vingtaine de réunions et, à chaque fois, je tente d'imaginer le dénouement de cette histoire. C'est une des choses qui m'intéresse. L'un des autres sujets qui me préoccupe, si cela est judicieux, et qu'il serait facile de le déterminer : qui devrait être à la table des négociations pour représenter ceux que j'appelle les 95 p. 100, qui représenteront les 5 p. 100 et quelles en seront les conséquences pour eux? J'ose espérer que vous ne direz pas que 625 délégués devront participer. Quel sera le processus? Ou suis-je encore sur la mauvaise voie et devons-nous continuer?

M. John : Je crois qu'il existe déjà une relation à plusieurs égards, même si elle n'est peut-être pas parfaite. Dans la Proclamation royale de 1763, il est question des nations indiennes avec lesquelles nous sommes liés. Le roi George III a signé cette proclamation. La Commission de vérité et réconciliation a recommandé l'adoption d'une nouvelle proclamation qui tablerait sur la Proclamation royale de 1763. Les traités antérieurs à la Confédération et les traités qui ont été conclus avec les Premières Nations sont des instruments qui portent sur les rapports. Quelle est la nature de ces instruments? S'agit-il de simples accords ou contrats, ou ont-ils un caractère plus fondamental?

À titre d'exemple, lorsque la Colombie-Britannique est entrée dans la Confédération en 1871, les conditions de l'union étaient de nature constitutionnelle. Elles font partie du tissu constitutionnel, de la loi suprême du pays; toutefois, le statut juridique de ces traités demeure un mystère. Sont-ils de nature constitutionnelle? Sont-ils des instruments de haut niveau pour régir les rapports? Je crois qu'ils sont peut-être d'une nature constitutionnelle qui reste à préciser.

Où cela nous mènera-t-il? Pour ma part, j'aime l'idée d'une conférence entre les nations. J'ignore combien d'autres personnes partagent cet avis. Nous avons vu ce qui s'est passé avec l'accord du lac Meech, lorsque nous avons été exclus. Un député du gouvernement néodémocrate du Manitoba, Elijah Harper, a dû intervenir pour y mettre un terme.

Par la suite, nous avons eu l'accord de Charlottetown, qui a reçu l'appui du nombre de provinces et du pourcentage de la population nécessaires; toutefois, cette initiative est descendue en flammes lorsqu'elle a été soumise à un référendum national, en grande partie en raison du Sénat. Et, qui sait, peut-être aussi en raison de certaines questions autochtones. Nous voulons toujours blâmer le Sénat pour tout ce qui cloche dans ce pays.

Je dirai simplement que je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que les engagements politiques pris en haut lieu relèvent d'un processus servant à préserver le statu quo. Dans tous les dossiers où j'ai été témoin ou participant, j'ai constaté que les choses se gâtent quand elles parviennent aux gardiens fédéraux, comme on les appelle, c'est-à-dire le ministère de la Justice, le ministère des Affaires autochtones et du Nord, le Conseil du Trésor et les organismes centraux.

Dans la grande machine politique fédérale, le ministère des Affaires autochtones et du Nord est assez modeste; son influence est limitée. Toutefois, l'engagement du premier ministre lui a conféré une certaine influence. À mon avis, le rôle du ministère est plus important et plus spectaculaire, désormais. Il ne s'agit plus simplement de monter la garde. Or, les fonctionnaires savent bien que les politiciens ne restent pas éternellement en poste. Ils se disent qu'ils n'ont qu'à tenir le coup pendant quatre ans et à attendre le prochain changement de gouvernement pour éviter d'avoir à travailler de façon constructive.

Cela dit, je crois que les fonctionnaires des différents ministères commencent à comprendre qu'ils doivent passer à l'acte. Le premier ministre a dit précisément cela lundi dernier lors de la signature du protocole.

Prenons un exemple concret. La ministre fédérale de la Justice a déclaré publiquement que le bureau de la procureure générale dont elle a la charge était responsable de 43 000 affaires judiciaires, parmi lesquelles 10 p. 100 seraient des dossiers autochtones. Le bureau s'occupe donc de 4 300 affaires impliquant nos peuples et le Canada. Sur papier, la responsabilité financière rattachée à l'ensemble des 43 000 affaires s'élève à environ mille milliards de dollars. La ministre a indiqué que 80 à 85 p. 100 de ces affaires étaient des dossiers autochtones, ce qui représente entre 800 et 850 milliards de dollars. On peut donc s'attendre à une certaine intransigeance de la part des défenseurs du statu quo.

Quelle indemnisation verserez-vous aux Premières Nations de Colombie-Britannique pour les dédommager des terres qui leur ont été prises et des ressources qui ont été utilisées jusqu'à maintenant? Elles n'ont pas reçu un seul sou pour cela. Le défi est énorme.

J'aimerais maintenant conclure en abordant l'aspect socioéconomique de la question, à savoir les lois fédérales et provinciales de protection de l'enfance. J'ai eu l'occasion de conseiller la première ministre de la Colombie-Britannique, Christy Clark. Comment devrions-nous réformer la protection de l'enfance dans la province? On m'a remis une grande quantité de livres, de textes de loi, de normes en matière de politiques et de pratiques. Je les ai laissés là où ils étaient et je me suis rendu dans les collectivités pour parler aux gens — aux aînés, aux enfants et aux jeunes. Je voulais savoir quels effets cela avait sur eux.

En fin de compte, il y a une disposition dans la loi qui prévoit que, lorsqu'un enfant est retiré de son foyer, son legs culturel doit être préservé. Si l'on voit un enfant placé en famille d'accueil non autochtone — une famille qui peut être très aimante et prendre grand soin de l'enfant —, on peut se demander qui informe l'enfant des exigences légales élémentaires qui servent à protéger son legs culturel. Comment peut-on s'assurer que la culture de l'enfant soit préservée et que sa langue lui soit enseignée en famille d'accueil? En fait, dans le plan de garde de l'enfant, le travailleur social est censé prévoir cela. La grande majorité des travailleurs sociaux sont des non-Autochtones. Comment pourraient-ils inscrire le legs culturel et la langue de l'enfant dans le plan de garde? C'est impossible. Ils ne savent pas comment faire cela.

Dans les recommandations à la première ministre, on indiquait quelles actions pouvaient être prises. Le nombre d'enfants pris en charge par les services publics est tout simplement renversant, non seulement en Colombie- Britannique, mais dans tout le pays. Si vous le souhaitez, je peux faire acheminer un exemplaire de ce rapport au Sénat. Je le trouve très instructif et très utile. Merci beaucoup.

Mme Gunn : J'ai interprété votre question comme suit : « De quoi serait fait un monde idéal? » Une réponse facile à cette question réside dans les articles 1 et 2 de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. D'aucuns citeraient d'abord l'article 3 sur l'autodétermination, qui semble important, mais le fait que la déclaration commence par des articles sur l'égalité et la non-discrimination n'est pas innocent. Le Sénat a accompli des actions en vue de reconnaître le caractère fondamental de ces principes que le Canada dit juger importants, mais rien ne s'est passé sur le terrain. Il y a des exemples. Des gens plus doués que moi avec les chiffres peuvent vous fournir toutes les statistiques qui révèlent les manquements qu'il y a eu.

Je suis toujours stupéfaite devant les excuses que trouve le Canada chaque fois qu'on lui rappelle son incapacité à défendre les principes d'égalité et de non-discrimination. Un exemple nous en a été donné avec la Loi sur les Indiens et cela continue dans l'affaire Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations. Le Canada trouve le moyen de ne pas se soumettre à trois ordonnances d'un tribunal des droits de la personne. Comment pouvons-nous prétendre être une société qui croit en l'égalité si cela ne se traduit pas en actions concrètes? On trouve toujours une excuse pour se défiler.

J'aime l'idée que vous avez évoquée, c'est-à-dire celle d'une table de négociations où nous nous réunirions pour discuter. J'essayais de penser aux gens qui devraient y siéger, selon moi.

Le sénateur Tannas : Qui voudriez-vous y voir en vue de la création de la structure?

Mme Gunn : Moi-même. Non, je m'amuse. Pas moi, je vous en prie. Pour trouver une réponse, je me suis posé une question particulière : qui me représente dans les institutions démocratiques canadiennes? Comme j'habite à Winnipeg, j'ai pensé à des sénateurs du Manitoba, à des députés fédéraux — Jim Carr est le député de ma circonscription —, à un député provincial, à un conseiller municipal et à des représentants de commissions scolaires.

Nous mettons beaucoup de pression sur les Autochtones pour qu'une seule personne représente un très grand nombre de gens. En revanche, on peut se demander pourquoi il y a autant de sièges au Parlement et autant de sénateurs. Est-ce là une manière de rendre justice aux diversités régionales? Si c'est le cas, la table de négociations devra réunir beaucoup de gens. Selon toute vraisemblance, il en est ainsi, à moins qu'il ne s'agisse pas d'une table. Je continue d'y réfléchir.

Je me demande s'il est juste de demander aux Autochtones de réduire leur représentativité en deçà du seuil que les Canadiens jugent acceptable. Si nous avons besoin d'un certain nombre de députés et d'un Sénat qui soit aussi représentatif pour le bon fonctionnement du pays, pourquoi les Autochtones devraient-ils être sous-représentés dans ces institutions si importantes?

Je doute que ma réponse vous soit utile. Vous vouliez un avis plus concret, je crois. Il reste que nous devons analyser la situation.

Si j'en crois mon expérience de travail au Manitoba — je travaille également avec la Commission des relations découlant des traités du Manitoba —, chaque région visée par un traité particulier dans mon coin de pays s'attendra à choisir et à envoyer un représentant. Il y aurait donc un représentant pour le traité no 1, un autre pour le traité no 2, et cetera.

La question n'est pas sans importance. Je ne peux parler qu'en mon nom personnel. Je ne sais pas. Nous devons demander l'avis des gens. Ce serait la première étape : discuter avec les Premières Nations du Manitoba. Si nous formons une table de négociations, qui voulez-vous y voir siéger? Si le Canada ne veut pas se retrouver avec 600 représentants des Premières Nations — des chefs relevant de la Loi sur les Indiens, des Métis, des Inuits, des non- inscrits, des femmes, des aînés et des jeunes —, il doit trouver le moyen de donner aux peuples autochtones les ressources nécessaires pour qu'ils organisent des rencontres préparatoires et accordent leurs violons.

C'est ce qui s'est passé lors du processus menant à la conférence mondiale : les peuples autochtones du monde entier ont reçu du financement pour tenir des rencontres préparatoires. Ils se sont mis d'accord sur quelques priorités relevant de domaines clés dans lesquels ils souhaitaient obtenir des résultats à la conférence. C'est peut-être ce qu'il faut mettre sur pied : un processus qui permettra aux peuples autochtones de discuter et de choisir leurs représentants.

J'ai sans doute tourné autour du pot, mais j'ai presque répondu à certaines de vos questions.

Le sénateur Tannas : Je demande à mes collègues de bien vouloir me pardonner de monopoliser le temps de parole. Merci de votre patience.

La sénatrice Pate : Je remercie nos deux témoins pour leurs témoignages et leurs conseils.

J'aimerais commencer par poser une question à la professeure Gunn au sujet de certains aspects qui ont déjà été abordés, puis je me tournerai vers le chef John. Vous avez dit qu'il était important de se pencher sur les pratiques égalitaires et non discriminatoires. Plus particulièrement, vous avez évoqué les femmes autochtones, la violence et les femmes autochtones assassinées ou disparues. Vous n'êtes pas sans savoir que les taux de victimisation, de pauvreté et de violence sont très élevés chez les femmes autochtones du monde entier. À l'échelle planétaire, celles-ci forment également la population carcérale qui connaît la plus forte croissance. Dans les deux cas, les facteurs sont les mêmes : le racisme, le colonialisme, et cetera.

Je veux être certaine que je vous ai bien comprise, parce qu'il se pourrait que j'aie entendu ce que je voulais bien entendre. Serait-il judicieux d'approcher cela en observant tout particulièrement les femmes et les enfants — vous les avez mentionnés — qui forment les populations les plus marginalisées, criminalisées, excessivement emprisonnées et très probablement victimisées? Serait-ce là une approche possible? Je ne suggère pas du tout que l'on se restreigne à ces groupes. Je me demande cependant si la voie du succès ne passerait pas par une prise en compte du suicide chez les jeunes ainsi que de l'incarcération et de la victimisation des femmes. Ne pourrait-on pas ensuite formuler une approche qui consisterait à faire usage de la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, de la Charte et des droits inhérents pour atténuer ces souffrances?

J'ai aussi aimé votre manière de suggérer que l'on porte attention à l'inscription des droits sociaux, économiques et culturels dans la loi. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Quelle forme cela prendrait-il dans un monde idéal?

Mme Gunn : Quand vient le temps de circonscrire l'état des choses, il est bon d'observer les symptômes. À mon avis, les symptômes de la relation tendue entre les peuples autochtones et le Canada sont les suivants : d'une part, la surreprésentation — dont vous avez parlé — qui est à un niveau révoltant depuis très longtemps, sans que l'on arrive à trouver une solution efficace pour y remédier; d'autre part, la surreprésentation dans les services de protection de l'enfance. Ce sont là les symptômes d'un problème plus profond.

La solution réside dans la combinaison du droit à des soins de santé adaptés à la culture, du droit à une éducation adoptée à la culture et du droit à un logement sain — qu'il s'agisse des constructions matérielles ou des personnes elles- mêmes. Ce sont là des enjeux que l'on juge encore gênants au Canada, mais en s'attaquant aux causes profondes, les symptômes pourraient s'en trouver atténués.

Espérons que l'on puisse observer des changements dans ces différents indicateurs afin de savoir si l'on est bel et bien sur la bonne voie.

M. John : Pour faire suite aux remarques de la professeure Gunn au sujet de la prise de conscience de la marginalisation, je dirai que les femmes et les enfants sont les plus marginalisés. La victimisation est une réalité incontestable à la fois dans la société en général et dans nos propres communautés. La violence contre les femmes de nos peuples est inacceptable et des mesures ont été prises par nos communautés pour s'y attaquer. La chef Charlene Belleau d'Esk'etemc — anciennement Alkali Lake, tout près de Williams Lake — et son conseil de bande ont mis sur pied une initiative appelée les « Bâtons d'engagement », dans laquelle des personnes — des hommes surtout, mais aussi des femmes — s'engagent à ne pas perpétrer d'actes de violence contre les enfants et les femmes de leurs communautés.

Voilà le genre de mesures que certaines communautés adoptent. Il est important de les soutenir afin que ces actions s'étendent à d'autres communautés. Pourquoi? Parce qu'il existe un traumatisme intergénérationnel, provenant des pensionnats, qui continue de sévir sans qu'on en prenne acte, sans qu'on l'admette et sans qu'on le définisse. Tant que l'on ne s'en occupera pas, la « violence indirecte », comme certains l'appellent, persistera. Toutefois, il existe des solutions.

Prenons par exemple la protection de l'enfance. Les enfants eux-mêmes ne sont jamais la source du problème. Seulement, ce sont eux qui sont arrachés à leur maison. Le parent ou les parents restent, mais les enfants sont envoyés en foyer d'accueil de courte durée et, bien souvent, dans des foyers de longue durée ou des foyers permanents — pensons à la Colombie-Britannique — dont ils ne ressortent jamais. Environ 65 p. 100 des enfants qui vivent dans des foyers permanents gérés par le gouvernement de la Colombie-Britannique ne trouvent pas de famille d'accueil permanente. À l'âge de 19 ans, ils deviennent des adultes et ils se séparent du seul tuteur légal qu'ils aient eu dans leur vie, soit le ministère du Développement des enfants et de la Famille.

Quelle est la solution à ce problème? Le système est ainsi fait qu'il continue de favoriser le retrait des enfants de leur foyer. Pour tout dire, il existe des mesures incitatives d'ordre légal et financier qui encouragent le retrait des enfants de leur famille. La solution doit venir des communautés elles-mêmes. Il faut soutenir les communautés.

Lorsqu'un enfant est retiré de son foyer en Colombie-Britannique, il doit être amené devant un tribunal dans les 7 à 10 jours. Le fardeau de la preuve incombe alors aux parents, lesquels sont pauvres, la plupart du temps. Ils n'ont pas les ressources ou les moyens de transport nécessaires pour se rendre à la ville de leur région où se trouve le tribunal. Le gouvernement du Canada donne des fonds au gouvernement de la Colombie-Britannique pour l'embauche d'avocats chargés de défendre les intérêts légaux du directeur de la protection de l'enfance devant les tribunaux, mais les parents ne reçoivent aucune aide. Avec un peu de chance, ils bénéficieront de l'aide judiciaire de la Colombie-Britannique. Sinon, ils n'ont d'autre choix que de se défendre par leurs propres moyens.

La solution? Fournir aux communautés les ressources nécessaires pour qu'elles puissent assurer un soutien aux parents. Quand les parents ont des besoins, des problèmes ou des questions dans un ménage en particulier, lorsqu'il y a un ménage unique — parfois, plusieurs familles vivent sous le même toit —, que fait-on? Comment fournit-on des ressources aux communautés dans toute la province?

On dit qu'il nous faut des programmes de compétence parentale pour les jeunes parents. J'en recommande la mise en œuvre en Colombie-Britannique. C'est très simple; il doit d'ailleurs en être ainsi. Les gouvernements du Canada et des provinces devraient en faire une priorité en matière d'investissement afin qu'il y ait du soutien au développement des enfants âgés de six ans et moins, puisque c'est la période la plus cruciale pour la réussite future de l'enfant.

Ce sont là des problèmes d'ordre pratique qui se présentent à nous au quotidien. Au-delà des démarches qui ont été menées en haut lieu et à l'international — avec la déclaration des Nations Unies —, il y a la réalité concrète vers laquelle pointent les engagements qui ont été pris. En l'occurrence, il s'agit de trouver des solutions dans toutes les instances de la province et du Canada en entier pour venir en aide aux communautés, aux familles, aux familles étendues et aux parents afin de s'attaquer au problème du retrait des enfants des familles. En grandissant, ces enfants ajoutent leur nombre aux statistiques des tribunaux criminels et des centres de détention pour les jeunes dans la province. Une fois adultes, ils font partie des populations des systèmes carcéraux provincial et fédéral. C'est un cycle sans fin.

Comment faire pour clore ce cycle? Nous devons faire confiance à la résilience des peuples autochtones et soutenir les solutions qu'ils inventent eux-mêmes, et ce, dans toutes les communautés sans exception.

Je tenais à vous dire cela. Merci de votre question.

Le sénateur Watt : Je vous remercie tous les deux pour vos interventions. J'essaierai de m'en tenir à la question qui fait l'objet de nos discussions, à savoir la mise en œuvre de la déclaration elle-même, mais je crois tout de même que nous ne devrions pas nous focaliser uniquement sur la déclaration en soi. Nous devons aussi nous pencher sur les aspects constitutionnels de cela, ainsi que sur le traité.

Je crois beaucoup aux traités. J'ai participé à la négociation d'un traité par le passé et j'y pense souvent avec considération. En ce sens, je crois que nous avons un devoir envers nos peuples. Un grand nombre de nouveaux messages nous parviennent, le gouvernement est prêt à lever les barrières, mais il en va de notre propre responsabilité. C'est ce que le gouvernement nous dit, il me semble. Si tel est le cas, nous devons retourner voir nos peuples et leur permettre de se réunir pour discuter de ces questions. Ils le méritent. C'est là, je crois, la principale chose à faire. Nous devons nous mettre d'accord sur le fait qu'il faut renvoyer la question à nos peuples.

Comme sénateur, j'essaie très fort de faire en sorte que cela advienne à l'automne. J'ai rencontré quelques-uns des dirigeants de nos peuples ainsi que certains politiciens. J'essaie de les inciter à adopter cette vision des choses.

Comme le chef John l'a dit, nous étions présents à la table des négociations constitutionnelles. Nous étions également présents à Charlottetown et au lac Meech dans le passé. Tout le monde sait ce qui s'est passé; on connaît les raisons pour lesquelles les choses sont restées au point mort. La question était la suivante : devrions-nous entreprendre de définir nos droits constitutionnels? Cet enjeu a suscité la nervosité de bon nombre de dirigeants autochtones — des peuples métis, inuits ou des Premières Nations —, ce qui s'est traduit par une incapacité à définir les aspects constitutionnels qui doivent l'être.

Si on se met à la définition de ces droits et qu'on envisage d'employer un instrument législatif du gouvernement, sur lequel nous n'avons aucun contrôle parce que c'est le gouvernement qui est chargé des lois, et si nous n'essayons pas d'équilibrer la façon dont la question sera réglée, ce sera effectivement le gouvernement qui s'en occupera d'un bout à l'autre. Je crois que nous le savons tous.

À cet égard, nous devons à notre peuple de lui permettre de discuter de ces questions — et je ne parle pas seulement des dirigeants actuels, mais aussi de ceux qui étaient présents au moment de la Constitution. C'est très important. Nous pourrions formuler ensemble des recommandations en commençant par l'idée de rassembler le peuple, c'est-à-dire les Premières Nations, les Métis et les Inuits.

Nous l'avons déjà fait. S'il n'y avait pas eu un groupe de travail à l'époque de l'élaboration de la Constitution de 1982, nous n'aurions pas de droits constitutionnels aujourd'hui. L'une des raisons pour lesquelles cela a porté fruit à ce moment-là est que nous avons pu réunir le groupe de travail rapidement. Cela s'est fait vite parce que nous étions menacés. Le gouvernement était menacé. Nous étions menacés. La pression s'exerçait des deux côtés.

Ce qui m'inquiète, c'est que la valorisation de la solution législative est une bonne chose, et je ne suis pas en désaccord, mais à condition que nous en fassions partie. Comment en faire partie? Nous n'avons pas les instruments qui nous seraient propres et permettraient de contester le texte législatif qui sera produit par le gouvernement du Canada. S'il y a un conflit entre les deux, est-ce qu'il y a un mécanisme pour régler un conflit entre les deux sociétés ou nations?

Quand on détient des droits issus de traités, on relève, en un sens, du gouvernement du Canada, mais, en même temps, la reconnaissance de ces droits spéciaux est envisagée dans le cadre du traité, lequel est également garanti par l'article 35, et il ne s'agit pas seulement de ce qui a été accordé, mais de ce qui pourrait relever ultérieurement de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Compte tenu de ces facteurs, je pense que nous devrions rassembler les gens qui ont négocié cela et qui s'en sont occupés à l'époque avec les dirigeants d'aujourd'hui. J'ai essayé de communiquer avec tous ces gens parce que j'ai travaillé avec eux autrefois, et ils sont prêts à participer de nouveau parce que c'est la solution. C'est exactement ce qu'ils me disent.

À titre de sénateur et à titre d'Inuk, je dois engager quelqu'un pour recueillir tous ces noms et demander aux intéressés s'ils sont d'accord avec l'idée de se rassembler pour entamer des discussions approfondies sur les traités, les droits constitutionnels et la déclaration. Nous avons aujourd'hui des instruments que nous n'avons jamais eus jusqu'ici. C'est une occasion à saisir, mais est-ce que nous pouvons parler d'une seule voix? C'est l'une de nos plus grandes difficultés. Les Autochtones ont tendance à se tirer dans le pied quand ils ne sont pas organisés. C'est très important.

Si nous allons dans cette direction, je pense que nous pouvons réussir et que nous pouvons commencer à nous unir. Je crois à l'unité entre les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Si nous ne sommes pas unis, ils nous réduiront en miettes. Que cela vous plaise ou non, c'est comme cela que le système fonctionne. Que cela nous plaise ou non, nous devons y réfléchir.

Je crois que les gens veulent que leur collectivité soit reconnue comme nation. Mais j'entends dire aussi maintenant — et cela commence à se répandre dans le pays — que les Premières Nations estiment que notre collectivité n'est pas une nation. Lorsque nous sommes ensemble, nous sommes une nation. Si c'est le cas, il nous faut trouver une solution pour, d'abord, rassembler les gens. Une fois cela réglé, on pourrait envisager de rassembler tout le monde autant que possible — pas mélanger les Métis, les Inuits et les Premières Nations, mais tenir compte de la façon dont la Constitution est structurée aujourd'hui. C'est comme cela que les choses doivent se dérouler.

J'aimerais avoir votre avis. Vous me faites penser à ma petite-fille, avec qui je parle tous les jours. Elle parle exactement comme vous. Elle n'hésite pas à me critiquer parce que je suis son grand-père et que je vis avec elle. En fait, je l'ai emmenée avec moi pour mieux comprendre ce qui se passe. Elle est à Ottawa aujourd'hui.

Chef, est-ce que nous allons dans cette direction? J'aimerais connaître vos réflexions et avoir votre avis, et aussi le vôtre, madame Gunn.

Le chef John : Cela remonte à 1983, 1982, 1981 et aux conférences des premiers ministres de 1983 à 1987, dont les premières ont été convoquées sous le gouvernement de l'ex-premier ministre Trudeau, Pierre Elliott Trudeau. Comme vous le savez, son histoire a commencé avec le livre blanc qui proposait de se débarrasser du statut d'Indien. Mais, à la suite de l'affaire Calder, il a changé d'avis et conclu que « en effet, vous avez plus de droits que nous ne pensions ». Une politique a été mise en place. Puis, en 1982, son gouvernement a joué un rôle déterminant dans l'ajout de l'article 35 à la Constitution du Canada. Il y a 17 mots au paragraphe 35(1), mais ces 17 mots sont d'une importance cruciale dans ce qu'ils ont permis d'ouvrir. C'est LA disposition qui nous a permis de négocier avec le gouvernement et de solliciter les tribunaux.

Je tiens à dire, d'emblée, que j'ai toujours été impressionné par les membres du leadership inuit, notamment vous à l'époque où vous faisiez partie de ce leadership. Je trouvais qu'ils étaient une force de changement pragmatique, proactive et constructive. Je me rappelle mon cher ami Zebedee, qui a déclaré dans une réunion : « Nous devons bouleverser le statu quo de façon constructive. »

Le sénateur Watt : Exactement.

Le chef John : C'était vrai. Je le lui rappelle à chaque fois que je le vois et qu'il sort son accordéon.

Nous devons collectivement comprendre le fil conducteur historique auquel tout cela se rattache. Il n'y a pas que vous, au Nunavut, qui avez des droits issus de traités. Tous les non-Autochtones du Nunavut ont des droits issus de traités. Ils doivent comprendre que les traités signés par votre peuple ont aussi des répercussions sur les non- Autochtones dont je parle.

Il faut se rendre compte que nous sommes à une croisée des chemins historique. Il existe maintenant des normes internationales qui ont profondément modifié et changé les relations entre les États, y compris le Canada dans notre cas, et les peuples autochtones à l'échelle mondiale, je parle de 370 millions d'Autochtones dans le monde. Ils sont maintenant à cette croisée des chemins qui leur permettra d'apporter des changements positifs dans les relations. Beaucoup d'Autochtones, partout dans le monde, luttent vigoureusement pour protéger leurs terres, leurs territoires et leurs ressources contre des forces destructrices, quelles qu'elles soient, tout en cherchant des moyens d'assurer un développement durable garant de leur survie.

Le principe du consentement libre, préalable et éclairé est une idée importante, parce que, si on examine la déclaration, on s'aperçoit qu'il est mentionné dans au moins 20 articles. La notion de consultation signifie que nous devons aussi consulter nos peuples parce que, au final, nous devons obtenir leur consentement pour aller de l'avant. Finie l'époque où nous pouvions jouer aux dictateurs dans nos propres collectivités, encore que nous ne l'avons jamais fait puisque notre mode de gouvernance est absolument différent.

Vous avez soulevé une question importante, à savoir le lien entre la déclaration des Nations Unies, les 46 articles de la déclaration, et le paragraphe 35(1). Je pense que l'important, ici, c'est que les articles de la déclaration devraient éclairer la façon dont l'article 35 est compris et interprété politiquement et juridiquement par le biais du système judiciaire, par le biais des tribunaux.

Il est important de partir du dicton « que justice soit faite même si le ciel doit s'écrouler » pour concrétiser l'idée que, si nous voulons vraiment que justice soit faite, nous devrons remuer ciel et terre. Cela veut dire que nous devons en revenir à la question de la volonté politique, une volonté politique à un très haut niveau, de nos peuples, mais aussi des États, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux.

Sénateur Watt, j'ai toujours accordé une attention absolue au travail que vous avez fait, et ce que vous avez dit au fil des ans a été très constructif. Et je tiens à vous en remercier.

Mme Gunn : Je suis très sensible à vos remarques et à l'idée que les peuples autochtones pourront se faire entendre plus clairement s'ils sont unis.

J'ai déjà travaillé avec des dirigeants et des aînés des Premières Nations pour essayer de trouver un processus qui permette d'identifier cette voix unifiée. Cela s'appuyait sur la formation que j'ai reçue aux Nations Unies en matière de renforcement de la paix.

L'une des choses que j'ai vraiment apprises, c'est que, si nous voulons présenter une voix unifiée, il faut qu'il y ait place pour toutes les voix et que tout le monde ait le sentiment d'avoir été entendu.

Deuxièmement, il faut faire bouger les gens. Ceux qui travaillent sur ces questions connaissent nos positions sur différents enjeux. Comment faire bouger les gens pour qu'ils tiennent compte, par exemple, des intérêts sous-jacents à leurs positions? Peut-être que, si nous définissions ces intérêts sous-jacents, nous trouverions des intérêts communs. Il y en a un que nous avons pu circonscrire dans le cadre de ce cadre, c'est la protection de la culture, la protection de la collectivité. Il s'agit d'essayer d'offrir le meilleur avenir possible à nos enfants. Alors où peut-on trouver ces espaces?

Je suis convaincu de tout cela et je pense que cela doit arriver, mais je veux aussi m'assurer que nous ayons des attentes raisonnables à l'égard de nos collectivités. J'attends encore que le Canada parle d'une seule et même voix. Parfois, nous élisons quelqu'un qui dit qu'il a le droit de parler au nom du Canada, mais nous savons parfaitement que cette personne a toujours fait l'objet de critiques, et avec raison. Cela fait partie de la démocratie que de pouvoir s'exprimer et faire valoir des opinions contradictoires.

J'ai bon espoir qu'il y ait un espace où les Autochtones se rassemblent pour trouver leur voix commune, sans qu'ils se sentent contraints à l'unanimité sur des sujets qui ne peuvent pas faire consensus. Je pense que c'est équitable. Il y a beaucoup de diversité. Nous ne devrions pas être contraints, mais, quand il y a entente, c'est un excellent point de départ, à mon avis, pour ce genre de conversations, pour le genre de table dont on a parlé.

Il est important, également, de rappeler aux Autochtones que nos lois traditionnelles savaient régler les conflits et qu'elles pourraient servir à faciliter certains de ces processus. À mon avis, le travail effectué par M. Rob Innes sur l'Iron Alliance et la collaboration entre les Métis et d'autres Premières Nations dans le sud de la Saskatchewan est un rappel utile — pour moi en tout cas, qui suis originaire des Prairies, où l'on croit que les Premières Nations et les Métis sont en opposition et que leurs intérêts sont contradictoires — un rappel utile, dis-je, que, en fait, il y a eu des moments dans l'Histoire où nous étions sur la même longueur d'onde que les Premières Nations et que nous avions avec elles des relations communautaires et familiales, tout un réseau de parenté avec les Premières Nations.

Pour se hisser au-dessus de la diversité des voix, on aura besoin d'espace, et d'un espace sans pressions ni attentes. Je suis très sensible à votre point de vue, et j'espère que les collectivités locales pourront profiter d'autres possibilités de s'exprimer et de se faire entendre. Je remercie le comité d'avoir invité des jeunes et des aînés — je crois que c'était la semaine dernière — à donner leur avis. Je crois que cela a été une occasion magnifique pour eux.

La présidente : Il reste très peu de temps, sénateur Watt.

Le sénateur Watt : Si je veux faire valoir cet argument, je vais devoir y ajouter d'autres éléments qui le complètent, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je serai très bref.

La présidente : Très bref.

Le sénateur Watt : Je voulais seulement que vous sachiez que je suis en relation avec des jeunes presque tous les jours. Ils forment la majorité de notre peuple aujourd'hui dans l'Arctique, et ils sont donc très importants. Ils tiennent beaucoup à cette idée de rassemblement.

Ce que je voulais signaler également, c'est le mot « existants » inscrit dans la Constitution par Lougheed, alors premier ministre de l'Alberta. C'est probablement à ce sujet que se sont multipliés les malentendus sur les droits constitutionnels, parce qu'il parle de droits « existants ». Que signifie « existants » ici? Cela pourrait vouloir dire qu'il s'agit seulement de droits juridiques ou de droits en vigueur tant que la personne qui les détient existe. On peut l'interpréter comme on veut. Et cela a été mis là délibérément.

Le sénateur Brazeau : Madame Gunn et grand chef John, merci d'être venus nous voir ce soir et de participer à cette discussion.

Vous parlez tous les deux de volonté politique et de la volonté politique du premier ministre actuel d'aborder les questions autochtones et de favoriser la réconciliation. Cette volonté politique, évidemment, suscite beaucoup d'espoir. Et cet espoir s'accompagne à la fois de possibilités magnifiques et du risque de profondes déceptions.

Je n'ai aucun plaisir à dire ce que je vais dire, parce que j'estime que je suis encore jeune, mais, depuis une vingtaine d'années, j'ai eu affaire à beaucoup de ministres des Affaires indiennes. Au début de leur mandat, leur volonté politique était toujours enthousiaste. Ce qu'ils m'ont tous dit, lorsqu'ils songeaient à leur expérience, c'est qu'ils s'étaient heurtés à un énorme obstacle du nom de ministère des Affaires autochtones, ou des Affaires indiennes comme on disait à l'époque. Ces ministres appartenaient à des courants politiques différents. Leur volonté politique était là, mais il y avait le ministère, ce gros bâtiment brun du côté de Gatineau.

J'aimerais savoir si vous seriez d'accord pour appuyer et recommander l'idée d'éliminer et d'abolir le ministère des Affaires autochtones. J'irai même plus loin. J'imagine que c'est un point de vue très personnel, mais je trouve très dégradant que, en 2017, un homme ou une femme représente les Autochtones de ce pays et exerce un tel pouvoir et une telle influence sur leur vie. J'irai encore plus loin pour demander : seriez-vous d'accord pour appuyer et recommander l'idée d'éliminer le poste de ministre des Affaires autochtones dans ce pays?

Mme Gunn : Je pense que c'est plutôt au chef de répondre en premier.

M. John : Ce ministre est également responsable des Métis, pour autant que je sache.

Ce que vous dites au sujet de la volonté politique est absolument juste. Permettez que je revienne sur la remarque du sénateur Watt au sujet du mot « existants ». Le premier ministre Lougheed et M. Bennett, alors premier ministre de la Colombie-Britannique, ont été ensemble les instigateurs de ce terme, quand il a été clair que le premier ministre Trudeau réinsérerait l'article 35, alors qu'il avait été rejeté et complètement supprimé. C'est grâce à l'extraordinaire leadership politique des Autochtones de tout le Canada que cette disposition a été réinsérée, mais c'était une riche idée, du point de vue des conseillers constitutionnels, que d'ajouter le mot « existants » pour signifier ceci : en Colombie- Britannique, ces droits n'existent plus parce qu'ils ont été abolis. Évidemment, la Cour suprême du Canada, dans la très importante affaire Sparrow concernant le paragraphe 35(1), a déclaré que les provinces et les gouvernements, avec leurs conseillers, avaient tort à cet égard. La Cour a estimé que le terme « existants » avait un sens très différent de celui que lui avaient attribué les responsables politiques.

L'espoir soulevé est grand, et il peut donner lieu aussi bien à des possibilités magnifiques qu'à des échecs massifs. Bien entendu, comme on dit, ce sont les faits et les actes qui comptent. Je suis d'accord. Nous avons toujours beaucoup d'espoir, surtout quand le ton est donné, comme dans ce cas-ci, par la plus haute autorité, le premier ministre, dans un esprit très constructif et positif. Comment se rendre compte, à ce moment-ci, à cette époque-ci et à cette occasion-ci, que nous faisons des progrès importants? Il est difficile de changer le statu quo. Le changement est toujours difficile à mettre en œuvre.

Ce qui est possible, c'est ce dont a parlé le sénateur Watt. Cela a été possible, pour les paragraphes 35(3) et (4), lorsque les Inuits et les Métis, avec les dirigeants des Premières Nations, et la collaboration de l'Association des femmes autochtones du Canada, ont été capables de se rassembler et d'obtenir ces deux modifications : l'application aux hommes et aux femmes des droits autochtones constitutionnels et issus de traités, et le fait que les dernières ententes sur les revendications territoriales, défendues par le défunt Billy Diamond, soient aussi des traités. Je crois que ce sont les deux modifications qui ont été obtenues à l'époque.

J'ai eu affaire aux mêmes ministres, en remontant jusqu'à Chrétien, alors ministre des Affaires indiennes. J'étais alors un très jeune homme. Il faut parfois produire de la volonté politique. Cela n'arrive pas tout seul. Je crois que le premier ministre actuel, Trudeau, a produit une extraordinaire volonté politique, mais elle est ternie à certains égards, à cause de ce que nous ont dit beaucoup de collectivités autochtones de la Colombie-Britannique au sujet du projet hydroélectrique du site C, par exemple, ou de l'approbation du projet Kinder Morgan. Il y a des rendez-vous secrets des deux côtés, certaines Premières Nations étant pour, d'autres contre.

Au sujet du ministère des Affaires indiennes, quand nous nous serons débarrassés de la Loi sur les Indiens, nous nous serons débarrassés aussi du ministère. Beaucoup de ministres nous ont dit au fil des ans qu'ils seraient le dernier ministre des Affaires indiennes, mais il y en a toujours un.

Nous devons trouver le moyen d'instaurer une présence à l'échelle nationale, en dehors d'une loi paternaliste et en dehors d'un ministère paternaliste, par le biais d'un mécanisme qui permettra à tous les Autochtones de jouer leur rôle à part entière à l'échelle nationale. Cela devrait remplacer intégralement le système actuel, qui ne tient compte de nos attentes qu'au niveau le plus faible pour répondre aux objectifs propres de ce système et nous faire croire que c'est notre intérêt. Ce système n'a jamais fonctionné.

Je ne vois pas de problème à veiller nous-mêmes à notre bien-être et au respect de notre dignité. Comme l'atteste l'article 43 de la déclaration, les droits garantis constituent les normes minimales nécessaires à la survie, à la dignité et au bien-être des peuples autochtones. Tandis que nous parlons ici, des langues autochtones sont sur le point de disparaître dans ce pays. Nous devons aider ce pays à veiller à ce que nos langues survivent et s'épanouissent désormais.

Mme Gunn : Je sais que la journée a été longue et je vais essayer d'être brève. Je me demande, du moins dans l'état actuel des choses au ministère et pour le ministre, s'ils peuvent vraiment garantir les droits et les principes énoncés dans la déclaration. Je crois qu'ils sont coincés dans des perspectives et des manières d'être et de faire. Il serait très difficile d'essayer de changer le ministère. Je ne dis pas que c'est impossible.

Mais je crois qu'il faudrait un mécanisme, par exemple un ministre du gouvernement, comme Affaires mondiales. Il y a des gens qui sont chargés de nos relations internationales, et nous avons peut-être besoin d'un poste du même genre.

Je songeais à tous ces changements de nom et au fait que plus ça change, plus c'est pareil. Nous avons besoin de plus qu'un changement de nom. C'est le mode de fonctionnement qu'il faut changer.

On aurait peut-être encore besoin d'un ministère responsable des relations et chargé de les créer et de les entretenir, mais cela ne peut plus être un ministère qui exerce un contrôle sur les Autochtones. C'est la transformation profonde que la déclaration des Nations Unies nous invite à entreprendre. Merci.

La présidente : Voilà qui met fin à la période de questions. Au nom du comité, je tiens à remercier les témoins de ce soir. Grand chef Edward John et Mme Brenda Gunn, vous nous avez fourni de l'information et recommandé des mesures très intéressantes.

Je remercie les honorables sénateurs. Il est tard, mais vous avez tous été très attentifs et avez tous posé d'excellentes questions.

J'ai une brève remarque à faire : j'aimerais rappeler que le projet de loi S-3, dont nous nous sommes occupés très récemment, fera l'objet d'un examen article par article au comité de la Chambre des communes demain matin à 8 h 45. J'invite tous les spectateurs du web à se brancher pour voir ce qui s'y passera.

(La séance est levée.)

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