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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 25 - Témoignages du 20 septembre 2017


OTTAWA, le mercredi 20 septembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 45, pour étudier les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonsoir. Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui observent cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ici, dans la salle, ou sur Internet. J’aimerais reconnaître, aux fins de réconciliation, que nous nous réunissons sur les terres traditionnelles non cédées des peuples algonquins.

Je me nomme Lillian Dyck, de la Saskatchewan, et j’ai l’honneur et le privilège de présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. J’invite mes collègues à se présenter, en commençant à ma droite avec le vice-président.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, sénateur du Nunavut.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.

[Français]

Le sénateur Brazeau : Patrick Brazeau, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Sinclair : Murray Sinclair, sénateur du Manitoba.

La sénatrice Pate : Kim Pate, de l’Ontario.

La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, sénateur pour l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, sénatrice indépendante du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Christmas : Bonsoir. Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, sénatrice indépendante du Manitoba.

La présidente : Je vous remercie, chers collègues.

Ce soir, nous nous réunissons dans le cadre de notre ordre de renvoi général afin d’entendre les commissaires de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. En fait, il se pourrait que nous constations que cette enquête a un lien avec cette autre étude que nous venons d’entreprendre sur les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis. En quelque sorte, je vous invite à porter attention au lien qu’il peut y avoir entre ces relations et la façon dont les peuples autochtones considèrent le rôle des femmes.

Ce soir, nous avons l’honneur et le plaisir insignes de recevoir les commissaires de l’enquête nationale, nommément Marion Buller, commissaire en chef, Michèle Audette, commissaire, Brian Eyolfson, commissaire et Qajaq Robinson, commissaire.

D’après ce que j’ai compris, la commissaire en chef va faire une déclaration liminaire, puis nous passerons aux questions des membres du comité. Lorsque nous en serons là, les autres commissaires et les membres des familles pourront intervenir pour répondre aux questions.

Commissaire en chef Buller, vous avez la parole.

Marion Buller, commissaire en chef, Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées : Madame la présidente, distingués membres du comité, bonsoir. Merci de nous avoir invités à comparaître devant vous pour discuter de la progression de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Je m’appelle Marion Buller et je suis la commissaire en chef de l’enquête nationale. Je suis accompagnée aujourd’hui de mes collègues commissaires, Michèle Audette, Brian Eyolfson — ici, à mes côtés — et Qajaq Robinson. Nous sommes honorés de prendre part à l’important travail de votre comité. Merci.

Nous comparaissons pour la première fois devant le comité pour faire rapport sur les travaux de l’enquête nationale. Nous avons entrepris depuis quelques semaines la seconde année de notre mandat de deux ans et quatre mois.

La tragédie de nos femmes et filles autochtones disparues et assassinées cause une douleur profonde et intense aux familles autochtones, mais constitue aussi un lourd fardeau pour tous les Canadiens. Le Parlement et le premier ministre du Canada ont finalement choisi de s’attaquer à ce problème terrible. l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a pour tâche essentielle d’écouter ceux qui ont souffert, de faire connaître leur histoire aux Canadiens et de découvrir ce que nous pouvons faire pour empêcher que d’autres familles et être chers ne souffrent à leur tour.

La mission et la démarche de l’enquête nationale ne sont pas de son invention. Elle a reçu du gouvernement un mandat et un cadre de référence détaillé. Rédigé à la suite d’une consultation approfondie de communautés autochtones, de survivantes et de familles de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées, ce cadre décrit précisément ce que l’enquête nationale veut accomplir. Le cadre de référence a été adopté par l’ensemble des provinces et des territoires, ce qui fait que l’enquête revêt une portée véritablement nationale.

Cela dit, tout en s’acquittant du mandat que lui ont confié les gouvernements, l’enquête nationale a fait fond sur les valeurs et les priorités qu’elle privilégie dans la conduite de ses travaux. Par exemple, son action se veut fondée sur les traumatismes vécus et adaptée à la culture. l’enquête nationale veut mener le processus de manière à favoriser la guérison et à dissiper les influences coloniales qui sous-tendent les problèmes sociaux, économiques, culturels et institutionnels à la source des assassinats et des disparitions de femmes et de filles autochtones.

Dans la réalisation de son mandat, l’enquête nationale est assujettie aux structures opérationnelles du gouvernement fédéral. Elle doit observer les règles applicables aux ressources humaines, à la technologie de l’information et à la conclusion de marchés dans tous les secteurs du gouvernement fédéral. l’enquête nationale n’est pas la première à considérer que ces règles sont une source de frustration. La mise sur pied de l’enquête a demandé beaucoup de temps. Or, les parties intéressées attendaient une action rapide sur des enjeux qui les touchaient profondément.

Heureusement, malgré les nombreuses difficultés, l’enquête nationale est maintenant en mesure de constituer son effectif et de mettre en place les bureaux, les dispositifs technologiques et les réseaux nécessaires pour s’attaquer au cœur de la question.

Entre-temps, l’équipe de recherche de l’enquête nationale a effectué un examen complet des travaux pertinents et évalué ce que les gouvernements ont fait ou n’ont pas fait à la suite des conclusions et des recommandations issues de ces travaux. Cette évaluation était essentielle pour permettre à l’enquête nationale de faire le point, de tirer des leçons des réussites et des échecs, et de définir ses propres priorités afin que ses travaux, ses réflexions et ses recommandations soient le plus utiles possible.

L’année a été difficile et, pour bien des gens, notre progression a été trop lente. Mais nous voulions bien faire les choses, car nous connaissons les risques qu’entraîne une action précipitée et superficielle.

Les travaux de l’enquête nationale se fondent sur les quatre principes suivants.

Premier principe : nous voulons donner aux gens des moyens d’agir, non les victimiser à nouveau. Les survivantes des situations de violence ainsi que les familles et les gens qui en ont été victimes ont subi un grave traumatisme. Nous n’allons pas nous rendre dans les communautés et demander aux gens de se placer une nouvelle fois en situation de risque psychologique en parlant de leurs expériences, à moins d’avoir l’assurance que nous pouvons leur fournir le soutien nécessaire. Pour respecter cet engagement, nous devons adopter des politiques, disposer du personnel requis et effectuer un travail de sensibilisation interne. Nous avons formé une équipe de la santé, sensibilisé le personnel de l’enquête nationale aux questions entourant les traumatismes et adopté une approche qui tient compte des traumatismes.

Deuxième principe : nous voulons trouver des solutions ensemble, non les imposer. Les peuples autochtones du Canada ont subi les politiques et les ambitions coloniales des gouvernements français, britannique et canadien. Durant des centaines d’années, les experts ont tenté de « régler » le « problème indien » au moyen de solutions imposées. Aucun n’a véritablement songé à consulter les peuples autochtones — et encore moins les femmes autochtones — sur le travail des missionnaires, les réserves, le système des laissez-passer, la Loi sur les Indiens, les déplacements forcés, les pensionnats ou le régime de protection de l’enfance, parce qu’ils ne croyaient pas les peuples autochtones capables de gérer leur propre existence.

Nous voulons que notre travail contribue à la résilience et à la revitalisation des peuples autochtones. Nous estimons que les stratégies les plus efficaces vont venir des communautés et des nations autochtones mêmes.

Nous avons pris l’engagement de connaître et d’observer les protocoles culturels propres aux communautés avec lesquelles nous travaillons. Avant de nous rendre dans une communauté, nous allons nous assurer d’y être bienvenus. Cette démarche demande du temps et des efforts, mais elle est essentielle à une relation véritable avec les communautés.

Troisième principe : nous voulons inclure ceux qui doivent être entendus. Les familles des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées se sentent souvent exclues et réduites au silence par la police, les tribunaux, les travailleurs sociaux et les médias. Nous entendons le mot « famille » dans un sens large, celui des « familles du cœur », ce qui comprend aussi les familles d’accueil, les familles adoptives et les amis proches. Nous reconnaissons l’importance d’inclure les femmes autochtones LGBTQ, non binaires et bispirituelles dans notre travail.

Quatrième principe : nous voulons prendre appui sur le bon travail déjà accompli et ne pas tout réinventer. Notre étude ne porte pas sur les femmes, les filles et les femmes LGBTQ2S autochtones. Nous étudions plutôt les causes systémiques de la violence qu’elles ont subie ainsi que les mesures et les politiques adoptées par les gouvernements et les organismes en réponse à cette violence.

Nous avons analysé 100 rapports contenant plus de 1 200 recommandations. C’est l’analyse la plus complète des rapports, des études et des articles sur la violence envers les femmes et les filles autochtones réalisée à ce jour.

Dans notre rôle de commissaires, nous avons rencontré et écouté, collectivement et individuellement, des survivantes, des membres des familles de femmes et filles autochtones disparues et assassinées, ainsi que des membres du Cercle conseil national des familles. Je suis heureuse d’annoncer qu’une des membres de notre Cercle conseil national des familles est ici, dans l’assemblée. Il s’agit de Mme Laurie Odjick, dont la fille est toujours portée disparue. C’est elle qui est assise directement derrière moi.

Nous avons également rencontré et écouté des aînés, des gardiens du savoir, des jeunes, des experts, des universitaires et des représentants d’organisations nationales, autochtones, locales et féministes. Une grande partie de ce travail — les consultations, l’élaboration des politiques, l’embauche et la formation du personnel, l’étude et l’analyse des rapports — a été exécutée en coulisses, mais nous sommes convaincus que le temps et les efforts qui y ont été consacrés ont été utiles.

Le public se familiarise progressivement avec le travail de l’enquête nationale. Durant tout l’été, les membres de notre personnel se sont rendus dans diverses communautés à l’échelle du pays afin de rencontrer les résidents en prévision des audiences prochaines. Les premières audiences ont eu lieu à Whitehorse, à la fin de mai et au début de juin. Nous avons entendu 47 personnes au cours des audiences ouvertes et reçu 25 déclarations privées. En août, nous avons tenu le premier panel d’experts, sur le thème « Lois autochtones, pratiques et perspectives de décolonisation ». Notre rapport provisoire sera publié à la fin d’octobre, comme le prévoit le cadre de référence.

Je cède maintenant la parole à la commissaire Audette.

[Français]

Michèle Audette, commissaire, Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées : Merci, madame Buller.

[Note de la rédaction : Le témoin s’exprime dans sa langue maternelle.]

J’aimerais aussi prendre quelques secondes pour saluer la nation anishinabe qui nous accueille. Alors, à nos frères et à nos sœurs, merci beaucoup.

Vous savez, lors de la mise sur pied de l’enquête, tout le monde savait que le mandat qui nous était confié serait très complexe, tant dans l’émotion que dans l’enjeu en soi, que ce ne serait pas une tâche facile, que nous rencontrerions des difficultés, des obstacles, et qu’il faudrait veiller à ce que ce travail soit bien fait. C’est donc quelque chose qui nous anime au quotidien.

En même temps, si l’enquête nationale s’était bornée à faire un travail très limité, à effectuer des visites éclair, à faire des consultations à la hâte et à peu d’endroits, pour déposer finalement un rapport qui se serait peut-être retrouvé sur des tablettes, comme d’autres rapports, notre mission aurait été vouée à l’échec, et ce n’est pas ce que nous voulions.

Nous savons également que les questions qui sont abordées sont beaucoup trop importantes. Ce sont des questions de vie, des questions de mort. Les femmes autochtones et les jeunes filles ont été brutalisées, marginalisées et maltraitées tout au long de l’histoire de ce pays. Elles ont subi de la discrimination dans les lois et dans les systèmes. Elles ont aussi été détruites par toute forme de violence, qu’elle soit physique, mentale, spirituelle ou émotionnelle.

Ces femmes sont toujours là, parmi nous. Elles affirment leurs droits. Pendant plusieurs décennies, ces familles, ces femmes, ont réclamé avec insistance cette enquête, une enquête nationale. Elles se sont aussi exprimées, chaque fois qu’elles estimaient que l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones ne répondait pas à leurs besoins. Je vous assure qu’elles nous l’ont fait savoir. C’est encore le cas aujourd’hui. C’est normal, il fallait s’y attendre. Aujourd’hui, nous continuons à adapter, à modifier nos façons de faire afin que l’on respecte ce que les femmes, les familles et les survivantes nous expriment.

Les personnes qui n’ont pas eu droit à la justice, à la sécurité ou au respect de leur dignité, ou encore celles dont les droits fondamentaux ont été bafoués pendant plus de 50 ans, méritent d’être encouragées et d’être soutenues dans les efforts qu’elles déploient, aujourd’hui, dans le but d’obtenir justice, de retrouver leur dignité et de jouir de cette sécurité. Tous les gens ici présents, notre équipe, continuent à croire que nous pouvons faire une différence, que nous sommes ici avec une bonne volonté, et les gens qui nous écoutent, les gens qui sont à l’extérieur, continuent à faire pression. Ils font aussi pression auprès de nous afin que cette bonne volonté se traduise en actions concrètes. Si vous vous sentez parfois bousculés, nous croyons que cette pression existe pour une bonne cause.

[Traduction]

Mme Buller : Pour la suite des choses, il importe de dire que nos travaux sont bien amorcés. Au cours des prochains mois, nous allons poursuivre nos efforts pour découvrir la vérité, donner vie à la vérité et honorer la vérité.

Qu’entend-on par « découvrir la vérité »? La phase de découverte de la vérité comporte trois grandes composantes.

Tout d’abord, il y a les audiences. La première composante, la plus importante, consiste à fournir aux gens la possibilité de s’adresser à nous directement. Les audiences dans les communautés sont au cœur de ce processus. C’est l’occasion de discuter avec les survivantes de la violence, les familles des personnes disparues ou assassinées, leurs amis et leurs voisins.

Outre celle de Whitehorse, neuf audiences dans les communautés sont prévues pour la prochaine période de trois mois et demi. D’autres suivront en 2018.

Nous avons adopté une approche particulière pour les audiences dans les communautés. Nous ne nous rendons que dans les communautés qui le souhaitent. Nous observons les protocoles et les cérémonies des endroits visités et nous y participons. Les témoins ne subissent pas de contre-interrogatoire. Nous sommes tous assis au même niveau, en demi-cercle. Les familles et les survivantes peuvent présenter leurs témoignages en public ou en privé, individuellement ou à l’intérieur d’un cercle de partage. Les membres de la famille ou les survivantes peuvent aussi présenter leur témoignage en privé ou à une personne chargée de consigner les dépositions.

Au début de chaque audience, les commissaires font le serment d’écouter attentivement tous les témoignages. Nous ne marquons pas de pièces ni n’appliquons de procédures propres aux salles d’audience pendant les témoignages des membres des familles ou des survivantes.

Nous allons aussi tenir des audiences dans des institutions, pour entendre des organisations clés, des groupes populaires, des organismes à but non lucratif, des organisations nationales et locales ainsi que des institutions étatiques, dont des services de police et des organismes de protection de l’enfance. Nous prévoyons de tenir au moins cinq audiences institutionnelles à compter de la nouvelle année.

Nous avons aussi commencé à réunir des experts pour nous éclairer, ainsi que le public, sur des questions particulières. Dans cette démarche, nous donnons un sens large au mot « expert », qui inclut les familles et les survivantes, les aînés, les gardiens du savoir, les travailleurs de première ligne, les jeunes, les universitaires et les professionnels. Toutes nos audiences sont publiques et diffusées sur le Web, sauf si un membre d’une famille ou une survivante souhaite s’exprimer en privé.

En deuxième lieu, il y a la recherche. Nous allons poursuivre les recherches entreprises et nous en avons lancé de nouvelles, qui vont nous permettre de compléter nos connaissances, par exemple sur l’expérience des femmes autochtones francophones, des Inuites et des Métisses, et d’aborder de nouvelles questions, comme la traite des personnes. Un des principaux objectifs de notre plan de recherche est de définir des stratégies communautaires permettant d’atténuer et d’éliminer la violence. Bon nombre de communautés autochtones font du bon travail dans ces domaines, mais ne disposent pas de plateforme nationale pour faire connaître leurs réussites.

Enfin, il y a l’examen des dossiers. l’enquête nationale continuera d’étudier les cas particuliers exposés par des survivantes et des membres de leurs familles au cours des audiences dans les communautés ou consignés par les personnes chargées de recueillir les dépositions. Si le traitement d’une affaire nous semble poser problème, nous adresserons des recommandations aux autorités compétentes.

Nous entreprenons aussi un examen systématique des affaires policières. Notre comité des documents, composé d’experts autochtones et non autochtones, examinera des dossiers choisis, proposera des solutions aux problèmes systémiques et fera la promotion de pratiques visant à accroître la sécurité et la protection des femmes et des filles autochtones.

Maintenant, que signifie « honorer la vérité »? Nous allons honorer la vérité par notre travail de sensibilisation du public, dont le message central est que chaque femme et chaque fille autochtone revêt une valeur sacrée. Ce principe se reflète dans le respect que nous leur accorderons dans chaque aspect de notre recherche de la vérité et jouera un rôle central dans les rapports et le matériel didactique que nous allons produire.

Outre le rapport provisoire et le rapport final, nous allons produire une variété de documents d’éducation pour différents publics cibles et groupes d’âge, dans des langues et sous des formes diverses.

Enfin, qu’entend-on par « donner vie à la vérité »? Nous allons donner vie à la vérité sur les femmes et les filles autochtones. Celles qui ont été assassinées ou sont disparues nous ont quittés. Mais nous ne permettrons pas qu’elles soient oubliées. En collaboration avec des membres des familles et les communautés, nous recherchons les meilleurs moyens de commémorer et d’honorer les personnes disparues.

Nous encourageons aussi les gens à produire et à soumettre des créations artistiques qui témoignent de l’existence des femmes et des filles autochtones. Ces œuvres formeront la base de ce que nous appelons nos « archives ».

En conclusion, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, la perte de femmes et de filles autochtones par l’expression de la violence, quelle qu’elle soit, est une tragédie nationale. Ce drame a laissé des séquelles parmi des générations de familles. Faire la lumière sur toutes les causes de la violence, des meurtres et des disparitions est une tâche immense, mais nécessaire. Nous allons exposer crûment les effets dévastateurs de la colonisation, du racisme et du sexisme.

Le chemin qui nous attend demeure semé d’embûches. Les femmes autochtones du Canada ont entrepris un cheminement. Elles revendiquent leurs identités, leurs cultures, leurs langues et leurs terres. Elles prennent la place qui leur revient au sein de leurs communautés et de leurs nations, et nous sommes prêts à soutenir leurs efforts. Nous pouvons et devons tous travailler ensemble à offrir un meilleur avenir aux femmes et aux filles autochtones.

Merci, madame la présidente.

La présidente : Merci, madame la commissaire en chef. C’était là un aperçu bien détaillé.

Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs, en commençant par notre vice-président, le sénateur Patterson, suivi du sénateur Sinclair.

Le sénateur Patterson : Merci de votre déclaration et de votre présence parmi nous. Nous voulons tous que cette commission réussisse. Je suis impressionné par l’expérience que vous mettez à contribution, mais j’ai quelques questions qui portent sur des préoccupations dont m’ont fait part les gens de ma région, le Nunavut, et les Inuits. En passant, à cet égard, je suis très heureux d’apprendre que vous comptez maintenant des Inuits expérimentés parmi votre personnel. C’est très bien.

J’aimerais mentionner quelques préoccupations particulières. Notre comité comprend bien la tâche immense qui vous attend, comme vous le dites. Nous venons de terminer deux études sur le logement chez les Premières Nations dans les réserves et dans l’Inuit Nunangat. Nous avons essayé de tenir compte de toutes les régions dans le cadre de cette étude. Il nous a fallu 18 mois pour effectuer la première étude sur le logement des Premières Nations dans les réserves. Pour ce qui est de la deuxième étude, cela nous a pris un peu plus d’un an. Je tiens à exprimer ces préoccupations, mais je comprends parfaitement les défis auxquels vous faites face.

Voici ce que me disent les Inuits du Nunavut. Je vais vous présenter leurs inquiétudes, et vous pourriez peut-être nous donner votre avis sur certaines ou l’ensemble d’entre elles.

Tout d’abord, on me dit que les gens ne savent toujours pas grand-chose au sujet de la commission. La plupart des gens de ma région, dont la langue maternelle est l’inuktitut, sont unilingues. C’est un défi. On me dit qu’il serait très utile d’avoir des renseignements en termes simples, en inuktitut et en anglais.

Vous avez dit que vous ne vous rendez que dans les communautés qui le souhaitent. Je comprends cela; vous ne voulez pas vous rendre dans une communauté qui ne le souhaite pas. Jusqu’à présent, les communautés semblent croire qu’elles doivent communiquer officiellement avec la commission d’enquête et que les gens doivent s’inscrire s’ils veulent prendre la parole. Ces mesures sont considérées comme des obstacles, et il se peut que les gens n’en comprennent pas les raisons.

On se pose aussi des questions quant à savoir quelles communautés inuites seront visitées parmi l’ensemble des régions inuites, et cela s’étend d’Inuvialuit jusqu’à l’immense territoire du Nunavut, qui représente 20 p. 100 de la superficie du Canada, puis au Nunavik, où habite le sénateur Watts, et jusqu’au lointain nord-est du Nunatsiavut. Les Inuits veulent savoir si vous comptez visiter toutes les régions et, dans l’éventualité où vous vous rendrez dans un grand centre, ils se demandent comment les habitants de petites communautés pourront y participer.

C’est peut-être un détail, mais je crains que la première réunion prévue à Rankin Inlet durant la deuxième semaine de décembre soit trop près de la période de Noël. Les travailleurs sociaux et les autres intervenants pourraient être partis ou trop occupés, car, comme Mme Robinson le sait, il s’agit d’une période de relâche importante pour de nombreuses personnes durant les sombres et froids mois d’hiver. Bref, la date prévue semble être trop proche de Noël, et vous avez peut-être quelques mots à dire à ce sujet.

Voilà donc les préoccupations que je veux vous signaler. J’aurai ensuite une autre question plus pointue à poser, madame la présidente. Merci.

Mme Buller : Madame la présidente, je voudrais commencer par remercier le sénateur d’avoir évoqué le Nord comme premier sujet de discussion parce que c’est l’une de nos grandes préoccupations et priorités. Je vais demander à la commissaire Robinson de répondre à la plupart de vos questions.

Qajaq Robinson, commissaire, Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées : Merci, madame la présidente, et merci à vous, sénateur Patterson, d’avoir posé ces questions. Je ferai de mon mieux pour y répondre dans le temps qui m’est alloué.

Je vous remercie de reconnaître les difficultés liées à la communication dans le Nord, plus particulièrement dans l’Inuit Nunangat, de même qu’au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Pour ce qui est de l’accessibilité, on peut se déplacer par voie aérienne seulement. Les moyens de communication présentent un défi de taille, la connexion Internet étant mauvaise. Il y a un certain nombre de défis à relever, notamment ceux que vous venez de mentionner.

Au sujet de la sensibilisation des communautés et de l’enquête proprement dite, nous avons appris, dans le cadre du processus de mobilisation préalable, que plusieurs groupes et coalitions avaient été créés partout au Canada autour de cette question en particulier pour parler de changements et d’appel à l’action, surtout dans le contexte de l’enquête. Ce genre de mobilisation n’a pas eu lieu — du moins, pas de la même façon — dans l’Inuit Nunangat. Cela dit, les taux de violence sont incroyables, d’où la nécessité d’examiner ces questions dans l’Inuit Nunangat et les centres urbains inuits. Le sénateur Watt connaît fort bien les problèmes de violence et de marginalisation auxquels font face les femmes inuites dans les centres urbains.

Être au contact de la communauté inuite est l’une de nos grandes priorités parce que ce genre de réseau n’a pas été établi de la même façon.

Nous nous employons à renforcer nos capacités internes à cet égard pour pouvoir communiquer avec les gens. Comme vous l’avez dit, nous avons un certain nombre d’employés. Nous avons une équipe interdisciplinaire composée d’Inuits, au nombre desquels il y a des avocats, des chercheurs, des spécialistes de la santé, qui se concentrent tous sur la question de savoir comment entrer en contact avec les familles et les survivantes inuites et comment leur fournir cette information pour que leur voix soit prise en considération dans le cadre de notre travail et des recommandations à venir.

Pour ce qui est de savoir s’il faut manifester un intérêt ou s’il faut s’inscrire, nous nous heurtons à des difficultés. Si nous tenons à ce qu’il y ait des services de soutien en matière de santé, nous devons entrer en contact avec les gens. Le mécanisme d’inscription est une forme d’identification pour que nous puissions assurer la mise en place des services de soutien en matière de santé qui s’imposent et l’accès à des réseaux de soutien avant que les gens viennent nous faire part de leurs expériences et nous fournir des conseils.

Quoi qu’il en soit, nous avons entendu bon nombre des préoccupations qui vous ont été signalées. Une certaine confusion entoure la question de savoir s’il faut aller au-devant des gens ou les laisser s’adresser à nous. Par conséquent, une partie du travail de notre équipe d’intervention, par l’entremise de notre équipe des relations communautaires et de notre équipe des services de santé, consiste à trouver le moyen optimal d’entrer en contact avec les Inuits et les autres groupes. Comment entrer en contact avec les femmes sans-abri, les femmes incarcérées ou les personnes qui n’ont ni téléphone ni Internet et qui ont peut-être pour seul moyen de communication une radio communautaire ou un poste BP? Voilà autant de défis auxquels nous faisons toujours face, et nous travaillons à l’interne pour les relever.

Je serai heureuse d’apprendre comment vous avez réussi à entrer en contact avec les gens dans le cadre de votre étude sur le logement, car je suis sûre que vous pourriez nous offrir quelques leçons à ce sujet.

En ce qui concerne l’utilisation d’un langage simple, nous y travaillons également pour favoriser la sensibilisation.

Je tiens également à reconnaître que le problème concernant Rankin Inlet nous a été signalé. Notre démarche est axée sur la famille. Nous cherchons à déterminer si la date prévue est appropriée et nous sommes conscients de ces préoccupations, mais nous voulons commencer par les familles.

Je vous remercie d’avoir posé cette question.

Le sénateur Patterson : Merci de nous avoir donné une réponse détaillée.

J’ai cru comprendre que, lors de la réunion tenue en février entre la commission et l’organisme Inuit Tapiriit Kanatami, on a pris l’engagement d’établir un conseil consultatif dans l’Inuit Nunangat, ce qui pourrait, me semble-t-il, aider à aborder certaines des préoccupations et difficultés dont nous venons de parler et qui, je suppose, sont propres à l’Inuit Nunangat. Songeons au Nunavut seulement : 25 communautés éloignées et trois fuseaux horaires.

Il me semble que cette idée aurait pu être utile pour la commission. Je crois que l’engagement a été pris en février, et je me demande s’il tient toujours.

Mme Robinson : Cette recommandation a été formulée par l’organisme Inuit Tapiriit Kanatami dans le cadre de sa participation au processus de mobilisation préalable, et on nous a dit haut et fort qu’un tel comité serait avantageux pour que les Inuits et leurs familles puissent se faire entendre. Nous sommes tout à fait d’accord, et nous travaillons à établir le comité consultatif inuit.

Des Inuits siègent également au comité consultatif national sur les familles. Je crois qu’il y a cinq ou six membres qui représentent la région d’Inuvialuit, le Nunavut, le Nunavik, le Nunatsiavut, ainsi que les centres urbains inuits. Ils sont en pourparlers à ce sujet, et nous en discuterons également avec ITK et Pauktuutit pour déterminer quelle forme devrait prendre le cercle consultatif, mais c’est sans contredit un engagement que nous maintenons, et nous prenons déjà des mesures à cet égard.

Le sénateur Patterson : Très bien. Qujannamiik.

Le sénateur Sinclair : Je voudrais commencer par reconnaître, commissaires, la tâche difficile qui vous attend et les défis de taille auxquels vous faites face en ce moment. J’espère de tout cœur que votre démarche sera couronnée de succès et qu’elle nous aidera à comprendre ce qui s’est passé. Je veux vous assurer que j’appuie votre travail et je sais — tout comme vous — que vous pouvez le faire mieux que toute autre commission d’enquête dans ce dossier parce que personne n’a jamais vraiment étudié ce domaine autant que vous vous apprêtez à le faire. Cela m’amène donc à vous parler de deux ou trois points qui m’inquiètent.

Récemment, madame la commissaire en chef, vous avez indiqué publiquement avoir fait une demande officielle de prolongation du mandat, et vous avez précisé une durée de deux ans, si je me souviens bien. Le cas échéant, ma question est la suivante : d’après vous, cela vous donnera-t-il assez de temps pour pouvoir terminer le travail que vous entrevoyez pour la commission?

Mme Buller : Merci, sénateur, de soulever cette question. Je dois simplement clarifier quelques points. Ce n’était pas moi, mais ma charmante collègue, la commissaire Audette. En tout cas, merci de la confondre avec moi.

Nous n’avons pas encore demandé au gouvernement de nous accorder une prolongation quelconque. Nous en sommes toujours à l’étape de ce que nous appelons la diligence raisonnable en vue de bien analyser la situation de sorte que nous puissions présenter au gouvernement une demande objective, bien conçue et bien raisonnée.

Le sénateur Sinclair : Pensez-vous que le temps qu’il vous reste avant la fin de votre mandat suffira pour accomplir le travail qui vous a été confié?

Mme Buller : C’est la grande question, n’est-ce pas? Nous sommes résolus à faire notre travail dans le délai prévu dans notre mandat. Cependant, nous pouvons faire beaucoup mieux si nous avons plus de temps.

Le sénateur Sinclair : Une dernière question : comment pouvez-vous nous aider? Je comprends que vous avez vos propres défis, mais nous avons les nôtres, nous aussi. Notre comité mène une étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis, et la mesure dans laquelle il s’acquitte de ces responsabilités.

Entrevoyez-vous la possibilité que le travail de votre commission aide les Canadiens à comprendre les responsabilités du gouvernement fédéral envers les peuples autochtones ou la façon dont son incapacité de s’en acquitter a pu engendrer les problèmes dont vous êtes saisis maintenant?

Mme Buller : Cette question met en évidence un volet très important de notre travail, à savoir la sensibilisation de la population. Il s’agit de sensibiliser les Canadiens à l’histoire, aux fondements et aux causes de la violence qui persiste et que les femmes et les filles autochtones subissent partout au Canada.

Cela souligne également un élément très important de notre mandat, qui consiste, bien entendu, à analyser les recherches et les études antérieures et, comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, à examiner les mesures que les gouvernements de tout le Canada ont prises ou n’ont pas prises.

Mme Robinson : Si je peux me le permettre, madame la présidente, j’aimerais en dire un peu plus à ce sujet.

Nous sommes fermement convaincus que les femmes autochtones sont des titulaires de droits, qu’il s’agisse de droits issus de traités, de droits internationaux de la personne ou de droits constitutionnels, et nous examinons comment elles ont été traitées dans ces domaines et comment leurs droits ont été respectés ou bafoués. Je suis donc persuadée qu’au fur et à mesure que nous étudierons les cadres législatifs qui ont contré ou, dans certains cas, causé la violence, le tout finira par s’insérer dans ce que vous examinez.

La présidente : Je vais intervenir ici pour poser une question dans la même veine.

Comme je vous l’ai mentionné, nous entamons une nouvelle étude sur la forme que pourrait prendre une nouvelle relation entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis et, à certains égards, vous n’êtes pas loin de ce sujet quand vous parlez du rôle des femmes autochtones et de la façon dont elles ont été traitées dans le système de gouvernement colonial. Voici ma question : selon vous, cette étude jettera-t-elle un peu de lumière sur le rôle que les femmes autochtones devraient jouer dans une nouvelle relation avec la Couronne?

Mme Buller : Merci, madame la présidente. Vous cherchez à savoir quelle est notre vision pour le travail qui nous a été confié.

Notre vision, c’est celle d’un Canada où les femmes et les filles autochtones se sont réapproprié leur pouvoir et leur place, non seulement en l’absence de violence, mais aussi en la présence active de leurs consœurs et dans leur vie quotidienne. Cela doit faire partie de la nouvelle relation entre le Canada et les peuples autochtones de tout le pays.

La sénatrice Pate : Merci de votre présence et de votre travail.

J’ai beaucoup de questions à vous poser, en partie, parce que dès l’instant où les gens ont su que nous allions tenir cette séance, certains d’entre nous ont été inondés de messages sur les questions à poser. C’est là un point de départ manifeste. De toute évidence, il faut fournir plus d’information à la population et aux organisations, aux particuliers et aux groupes sur ce qui se passe. Donc, en ce qui concerne les plans et les progrès réalisés, il est très important de faire connaître ces plans aussitôt que possible, non seulement à notre comité, mais aussi à la population. J’aimerais que vous disiez un mot là-dessus dans votre réponse à la question que je vais vous poser, et je voudrais également intervenir au deuxième tour.

Comme nous le savons tous, si un processus est vicié dès le départ, les résultats le seront probablement aussi. Par conséquent, le fait de donner à tout le monde l’occasion de voir le plan proprement dit est… Je sais que vous avez énoncé les principes et les étapes, mais produirez-vous un plan? Compte tenu de mes travaux antérieurs, j’ai pris connaissance de ces enjeux au Canada pour la première fois il y a trois décennies, pour avoir connu des femmes incarcérées ou portées disparues ainsi que des membres de la famille de femmes détenues.

Avez-vous élaboré un plan d’attaque et, si oui, pourrions-nous en avoir une copie? Avez-vous déterminé comment vous allez communiquer avec les femmes les plus marginalisées, en particulier, les femmes institutionnalisées, incarcérées et sans-abri qui ont un réel intérêt dans ce dossier? Comment comptez-vous établir un contact avec elles? Comment vous y prendrez-vous pour mobiliser la société civile et les organisations non gouvernementales ainsi que tous ceux qui souhaitent intervenir? Je vais m’arrêter ici.

Mme Buller : Oui, nous avons un plan. Notre plan s’échelonne en fait jusqu’au 31 décembre 2018, jour où j’éteindrai les lumières du bureau principal et fermerai la porte pour la dernière fois. Nous veillerons à ce que vous receviez une copie de ce plan.

Les femmes et les jeunes filles autochtones marginalisées au Canada nous préoccupent énormément, et nous allons leur tendre la main de diverses façons.

Dans le cadre de notre mandat, nous sommes autorisés à faire appel à une personne chargée de consigner les déclarations. J’en ai parlé dans mes observations préliminaires. Son rôle consiste à rencontrer les femmes en privé et à recueillir leur témoignage, peu importe l’endroit. Il n’est pas nécessaire que ce soit dans une salle d’audience. Cela pourrait être dans une cuisine, un pénitencier ou un centre d’accueil. Bref, il faut que ce soit un endroit sûr pour des femmes et des jeunes autochtones de la rue.

Nous avons déjà recueilli le point de vue de femmes qui travaillent dans l’industrie du sexe ou qui sont en prison, qui nous ont écrit, des femmes et des jeunes filles autochtones qui sont marginalisées en raison de leur sexe ou de leur préférence pour un sexe ou l’autre. Une audience communautaire ne serait pas le meilleur endroit pour elles. Nous savons également qu’il y a des femmes qui ne peuvent même pas s’exprimer dans leurs propres communautés. Nous avons donc la possibilité de leur tendre la main, comme jamais auparavant au Canada, de sorte qu’elles puissent se rendre à un endroit pour y raconter leur histoire en privé et de façon sûre, sans la présence d’un commissaire, d’avocats, de journalistes ou d’interprètes. Il s’agit d’une discussion en tête-à-tête, comme autour d’une tasse de thé.

[Français]

Mme Audette : J’aimerais ajouter un commentaire très important en ce qui concerne le travail que nous effectuons quotidiennement. Cet été, nous avons traversé une période difficile, tout le monde l’a vu dans les médias. On le comprend. On le vit de l’intérieur. Cela a apporté une façon différente de faire les choses dans nos équipes et dans nos unités dans le domaine légal, de la recherche, de la santé et de la relation avec la communauté. Nous avons apporté un changement, car nous avons commencé avec 400 inscriptions d’individus, de survivantes et de familles, et nous sommes passés à 735 inscriptions en quelques semaines.

Alors, on est en train de prendre le virage. Le changement, on est en train de le faire. Depuis septembre nous avons rencontré des milliers de personnes provenant de groupes communautaires, de coalitions, de l'année dernière, de groupes de discussion et de groupes de leaders. Ces personnes ont nourri et continuent de nourrir les travaux afin de veiller à ce que les personnes les plus vulnérables soient ciblées et aussi pour que, dans nos recherches, nos rapports et nos recommandations, ces gens, qui sont de grands oubliés, fassent partie d’un changement de société.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Merci.

Je sais que plusieurs femmes incarcérées ou détenues dans un hôpital psychiatrique, dont une récemment, ont indiqué qu’elles aimeraient vous rencontrer et parler à une personne en privé. Cela dit, je vous prierais d’envisager la possibilité de rendre visite à ces femmes afin de leur expliquer votre plan et ce que vous comptez faire de leur information avant d’y envoyer d’autres personnes pour recueillir leur témoignage.

La sénatrice McPhedran : Tout d’abord, sachez que je suis très reconnaissante envers vous tous qui faites partie de la commission et des équipes qui appuient votre travail. Comme je vous l’ai dit, madame Buller, j’ai également présidé des commissions d’enquête, et vous avez tout mon respect et mon empathie. Ce n’est pas une mince tâche.

Je vais vous poser une question difficile. Je suis consciente qu’il y a peut-être des limites à ce que vous pouvez me dire. En fait, ma question se veut une compilation de plusieurs questions que nous ont fait parvenir différentes organisations lorsqu’elles ont su que vous comparaissiez devant le comité ce soir. Évidemment, je ne peux pas vous transmettre toutes leurs questions, alors j’ai essayé de réunir tous les éléments en une seule question qui porte sur la réalisation de votre excellente vision et, selon ce que vous et vos collègues avez dit, votre volonté de mener à bien cette enquête pour assurer une plus grande justice à ces femmes.

Évidemment, il faut se doter de certains mécanismes, mais dans une enquête aussi complexe, il faut du financement pour mettre en place ces mécanismes. Il doit également y avoir des lignes directrices et des règles qui permettent à la commission de changer de cap au besoin, de s’adapter et d’être en mesure de réaffecter des ressources, selon les circonstances, et de trouver des ressources additionnelles. Cela dit, j’aimerais savoir si — je dois admettre qu’il y a un lien avec mon expérience personnelle des enquêtes financées par le gouvernement — vous pensez avoir les appuis administratifs nécessaires, que ce soit du gouvernement, du Bureau du Conseil privé, ou peu importe. Sont-ils adéquats et suffisants? Sinon, de quoi auriez-vous besoin exactement? Êtes-vous limités par les règles et les lignes directrices qui seraient efficaces dans une bureaucratie en temps normal, mais qui ne le sont pas pour le type de travail qu’on vous a confié? Y a-t-il des changements que vous aimeriez apporter qui vous permettraient de mieux faire votre travail?

Mme Buller : Madame la sénatrice, vous avez mis le doigt sur quelque chose qui nous préoccupe beaucoup. Pour être bien honnête, étant donné que nous sommes tenus de respecter les politiques et les procédures gouvernementales en matière de dépenses, de technologie de l’information, de gestion de l’information et de ressources humaines, nous sommes limités dans nos actions. Les politiques et les procédures, je suppose — je ne suis pas une experte en la matière — peuvent très bien s’appliquer au sein d’un gouvernement qui mène ses activités à temps plein, d’année en année. Cependant, ces mêmes politiques et procédures — et je comprends pourquoi elles sont en place — peuvent ne pas convenir dans un contexte comme le nôtre, où nous disposons de peu de temps pour accomplir notre travail.

Par exemple, ce n’est peut-être pas nécessairement problématique pour un ministère ou un ministre s’il faut quatre à six mois pour embaucher quelqu’un, mais pour nous, six mois représentent 20 p. 100 de la durée de notre mandat. Ces politiques et ces procédures fonctionnent bien au sein du gouvernement, mais pas pour une commission d’enquête comme la nôtre.

J’ai des idées sur la façon de modifier les politiques et les procédures concernant les commissions d’enquête, et je serai heureuse d’en faire part au gouvernement, si on me le demande. Nous disposons de si peu de temps que si nous perdons une semaine, c’est comme si un ministère perdait six mois, et nous ne pouvons pas nous permettre de tels retards. Ce n’est pas nécessairement une question de cadre; c’est plutôt une question de temps — le temps que nous perdons à attendre et à appliquer les divers programmes et politiques.

La sénatrice Raine : Je vous remercie énormément pour le travail que vous faites. Je peux m’imaginer à quel point ce n’est pas une tâche facile et je pense que vous savez que notre comité vous appuie entièrement dans vos efforts.

J’ai quelques questions à vous poser. Tout d’abord, pourriez-vous nous en dire davantage sur ce que vous avez retenu de l’analyse complète des rapports que vous avez réalisée jusqu’ici? Avez-vous observé des similarités entre les différents groupes et les différentes situations dont vous avez pris connaissance? Je pense que c’est une source de frustration pour tout le monde lorsqu’on mène des études qui ne sont pas concluantes. Je sais qu’il y a déjà de nombreuses recommandations qui ont été formulées. Avez-vous trouvé des points communs, ou en êtes-vous encore à l’étape de l’analyse?

Mme Buller : Tout d’abord, sachez qu’il y a différents niveaux d’enquête et d’examen. Sans trop m’avancer sur notre rapport préliminaire, je dirais que notre analyse a révélé des points ou des thèmes communs, dont l’incidence de la pauvreté, les répercussions intergénérationnelles des pensionnats indiens, l’incidence de l’éclatement des familles et des collectivités ainsi que l’impact des problèmes de santé, de l’isolement géographique et de la prestation de services. Ce sont les thèmes que je peux vous donner pour l’instant.

La sénatrice Raine : Mon autre question concerne la traite des personnes, un enjeu sur lequel vous allez vous pencher. Envisagez-vous de consulter l’organisation Soroptimist, qui est très active depuis au moins 10 ans dans la lutte contre la traite des personnes? Cette organisation a fait de l’excellent travail dans ce domaine, alors j’aimerais savoir si vous allez entrer en contact avec elle.

Mme Buller : Effectivement, nous connaissons cet organisme, et il figure sur la liste de nos ressources. Merci beaucoup.

La présidente : J’aimerais donner suite aux questions de la sénatrice Raine au sujet de la recherche. Avez-vous affiché sur votre site Web un résumé ou un rapport qui indiquerait ce que vous avez appris jusqu’à maintenant dans le cadre de vos recherches?

Mme Buller : Sans vouloir vous manquer de respect, malheureusement, il faudra attendre notre rapport provisoire.

La présidente : D’accord. Merci.

Le sénateur Watt : Si cela ne vous dérange pas, je vais m’adresser à Qajaq en inuktitut. Je pense que j’ai droit de le faire.

La présidente : Vous êtes parfaitement libre de le faire.

[Note de la rédaction : le sénateur Watt et Mme Robinson s’expriment en inuktitut.]

Le sénateur Watt : Une dernière.

La présidente : Sénateur Watt, pourriez-vous attendre au deuxième tour?

Le sénateur Watt : S’il y a un deuxième tour, j’y reviendrai volontiers.

La présidente : Pourriez-vous résumer votre conversation? Autrement, nous ne pourrons pas l’inscrire au compte rendu officiel.

Le sénateur Watt : Seriez-vous en mesure de résumer votre réponse?

Mme Robinson : Oui.

Le sénateur Watt : En gros, qui sont les personnes qui participent à la réalisation de votre mandat? Je pense notamment aux sociétés de développement autochtones, car j’estime que ces sociétés ont des responsabilités dans le domaine qui vous intéresse. Si elles sont exclues, vous aurez beaucoup de difficulté à communiquer avec les membres de ces sociétés de développement. Je pense que cela vous concerne. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai posé la question suivante à Qajaq : quel type d’entente avez-vous conclue avec les organismes communautaires? Prennent-ils part à vos efforts? C’était ma première question en résumé.

Mme Robinson : Nous travaillons à établir des relations par l’entremise de notre service de relations communautaires. Nous avons une employée qui s’occupe de ces relations, en particulier avec les organismes de développement, les organisations chargées des revendications territoriales de l’Inuit Nunangat. C’est toutefois un travail qui est également effectué par d’autres membres de notre équipe, y compris des membres de notre équipe juridique et de nos équipes responsables de la santé et de la recherche.

Par ailleurs, je n’ai pas eu la chance d’en parler en inuktitut, mais sachez qu’il y a des membres d’organismes de développement au sein du gouvernement du Nunatsiavut qui ont voix au chapitre. On peut donc compter sur leur participation.

Le sénateur Watt : Ma troisième question était la suivante: en sachant qu’on ne peut rien accomplir aujourd’hui à moins d’avoir de l’argent, pensez-vous avoir suffisamment de fonds pour vous acquitter de vos tâches et tenir des discussions avec les organismes communautaires?

Mme Robinson : Et ma réponse a été que nous allons faire ce que nous pouvons avec ce que nous avons. Évidemment, si on nous accorde plus de temps, il y aura des coûts supplémentaires.

La présidente : Merci.

[Français]

Le sénateur Brazeau : Bonsoir à vous tous. Tout d’abord, j’aimerais saluer LaurieOdjick, qui vient de ma communauté, Kitigan Zibi, ainsi qu’un survivant des écoles résidentielles et député néo-démocrate, Roméo Saganash. C’est bien d’avoir la participation du NPD au Sénat du Canada.

[Traduction]

Évidemment, on ne se le cachera pas, votre travail est très difficile et exigeant. Nous avons tous entendu parler des difficultés auxquelles la commission d’enquête a été confrontée au cours des dernières semaines. Je ne vais pas revenir là-dessus, mais je pense que pour nous et pour tous ceux qui nous regardent et qui sont touchés par le travail de la commission d’enquête, je me dois de vous poser la question, et je le ferai de façon positive plutôt que négative: pouvez-vous nous promettre que vous demeurerez forts et intègres et que vous ferez tout ce qui est en votre pouvoir pour garantir le succès de cette enquête? Ce que la commission d’enquête et vous-mêmes, en tant que commissaires, avez besoin, c’est de stabilité. Encore une fois, je vous pose la question : pouvez-vous nous promettre ce soir que vous resterez engagés dans ce processus jusqu’au bout?

Mme Buller : Si vous me le permettez, j’aimerais tout d’abord répondre pour moi-même et j’inviterais ensuite mes collègues à répondre à leur tour.

Je vous remercie, monsieur le sénateur, d’avoir posé cette question. J’ignore pendant combien d’heures je me suis questionnée lorsqu’on m’a pressenti pour occuper ce poste. Je me suis longtemps demandé si je devais accepter ou non, quels étaient les avantages et les inconvénients et quel serait mon engagement, car je savais que pour toute la durée de cette enquête, je n’aurais aucun répit. Je serais toujours connectée à mon BlackBerry et à Internet. Je savais que ce serait un travail difficile et sans relâche.

Au moment où je me suis engagée auprès du ministre et du premier ministre, il ne faisait aucun doute dans mon esprit que j’allais rester jusqu’à la fin. Mon engagement est aussi ferme aujourd’hui qu’il l’était lorsque j’ai accepté la nomination. Merci.

Le sénateur Brazeau : Merci.

Brian Eyolfson, commissaire, Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées : Merci, monsieur le sénateur, d’avoir posé cette question.

J’ai également accepté ce rôle avec la ferme intention d’aller jusqu’au bout. Je savais que la tâche serait ardue, il n’y a pas de doute là-dessus, mais je me suis engagé à mener ce mandat à terme. Je suis très honoré de travailler aux côtés de mes merveilleuses collègues assises à ma gauche. Nous formons une excellente équipe et nous travaillons très bien ensemble. Je suis convaincu que nous irons jusqu’au bout, car nous sommes déterminés à voir aboutir nos efforts. Merci.

Le sénateur Brazeau : Merci.

Mme Robinson : Merci, monsieur le sénateur, pour cette question.

Je me suis également posé beaucoup de questions après avoir reçu cet appel. J’ai un petit garçon, alors j’ai songé à toutes les répercussions que ce travail pourrait avoir sur lui au cours des prochaines années. Toutefois, l’incidence que cette enquête allait avoir sur sa vie entière était plus importante, alors j’ai accepté le poste.

Je me suis engagée fermement, malgré les difficultés et la controverse. Je dois le reconnaître, mais j’ai rencontré de nombreuses familles partout au pays depuis que j’ai commencé.

J’ai reçu en cadeau, de la part des grands-mères de la nation Haida Gwaii, ma première plume d’aigle, ce qui est un cadeau immense. Il y a des familles qui m’ont dit qu’il ne fallait jamais abandonner, et je n’en ai pas l’intention. Par conséquent, mon engagement est aussi ferme aujourd’hui qu’il l’était au moment où j’ai accepté d’assumer ce rôle et il le sera jusqu’à la toute fin. Lorsque ce sera terminé, évidemment, la situation sera bien différente.

[Français]

Mme Audette : Sénateur Brazeau, j’aime beaucoup votre question. Souvent, on s’imagine que les commissaires sont froids et doivent rester froids. Or, vous avez ici quatre personnes sensibles, mais aussi très solides pour plusieurs raisons. Vous avez devant vous un leadership très différent. C’est ce qui donne de la force à cette enquête.

Je ne peux pas vous promettre que l’enquête restera stable. Étant mère de cinq enfants et aussi nouvelle grand-maman depuis huit semaines, je sais que, dans une famille, il y a des hauts et des bas, comme c’est le cas dans ma nouvelle famille qu’est l’enquête nationale, et ce, pour des raisons naturelles qui font partie de la vie. Grâce à notre force, grâce à ma force, à ma volonté et à ma détermination, je continue de me réveiller le matin en me disant que je le fais pour mes filles et pour mes fils. Je le fais aussi pour ma nièce, qui est une victime. Je le fais pour Laurie et les milliers de femmes et d’hommes touchés par cet enjeu, et aussi pour les Canadiens et les Canadiennes. C’est un enjeu de société qui touche tout le monde.

Je vous dirais aussi, monsieur le sénateur, que j’aimerais bien rester intacte, mais c’est impossible. Écouter les témoignages, les tragédies, la difficulté et l’injustice, au quotidien, réveille peut-être certaines choses ou allume cette détermination. Je suis parfois découragée et fatiguée, car je suis humaine et aussi une maman, une conjointe et une amie. Je me tourne vers ma spiritualité, ma santé émotionnelle, spirituelle, physique et mentale. Oui, j’ai besoin d’aide psychosociale. Je n’ai pas peur, je cherche cette aide. Je vais aussi chercher de l’aide auprès de mon aînée, ma grand-mère. Si une ne suffit pas, il y a beaucoup de grand-mères à travers le Canada. C’est une façon, au quotidien, de s’assurer que l’on puisse vivre cette expérience et de faire en sorte que lorsqu’on déposera un rapport, on l’aura vécu avec les cinq sens. Je pourrai aussi dire à minuit, quand notre mandat de commissaire se terminera, que je reprendrai mes mocassins libres. Là aussi, avec mon amie Qajaq, on aura une autre discussion.

[Traduction]

Le sénateur Brazeau : Ma deuxième question est assez brève, mais elle comporte deux volets. De toute évidence, votre mandat vous a été confié par le gouvernement actuel, alors ma question est la suivante : d’une part, êtes-vous à l’aise avec le mandat qu’on vous a donné; et d’autre part, avez-vous entendu des victimes ou des familles se prononcer sur ce qui pourrait améliorer ce mandat?

Mme Buller : Je pense que nous pouvons dire que nous sommes satisfaits de notre mandat, parce que nous savions de quoi il retournait dès le départ. Je ne crois pas que quiconque ici aurait commencé ce travail s’il n’était pas entièrement satisfait du mandat.

Nous sommes à l’écoute des familles et des survivantes et, en effet, on nous dit souvent comment nous pourrions mieux faire notre travail. Leurs opinions nous tiennent à cœur. Elles apportent une toute nouvelle dimension à notre travail, et sans leur contribution, notre travail ne serait pas aussi utile.

La sénatrice Boniface : Merci beaucoup du travail que vous accomplissez. C’est une tâche monumentale qu’on vous a confiée. J’ai déjà participé à une enquête de bien moins grande envergure; je comprends donc à quel point votre travail est difficile. Je suis sensible aux propos que vous avez tenus ce soir.

Je suis originaire de l’Ontario et je m’intéresse particulièrement à la façon dont vous pouvez satisfaire les besoins des communautés éloignées, notamment dans le nord-ouest, dans la région des Nishnawbe-Aski, par exemple. J’aimerais d’abord recevoir plus d’informations à ce sujet, d’autant plus que vous avez indiqué que l’isolement géographique, auquel j’ai été exposée dans mon ancienne vie, représente un défi.

Je voudrais également savoir si, dans le cadre de ce processus, vous pouvez apporter un soutien financier pour aider les habitants des communautés éloignées à prendre part au processus.

M. Eyolfson : Merci, sénatrice Boniface.

Quand il s’agit de joindre les communautés éloignées, nous pouvons bien entendu compter sur notre équipe de relations communautaires. Nous avons des gens sur le terrain, en Ontario, par exemple, qui visitent diverses régions de la province. Nous tenons une audience communautaire destinée aux familles et aux survivantes à Thunder Bay — en octobre, il me semble —, et nous avons dépêché un groupe dans cette région pour établir des liens avec les organisations locales et autochtones, les familles et les survivantes. Nous avons, par exemple, communiqué avec des représentants du Grand conseil du traité no 3 et de la nation Nishnawbe-Aski, et nous chercherons également d’autres endroits où nous pourrions tenir des audiences en 2018, non seulement en Ontario, mais ailleurs au Canada. Ce sont là des avenues que nous explorons, et nous établissons des liens sur place.

La sénatrice Boniface : Si vous me permettez de donner suite à ma deuxième question, si vous tenez des audiences à Thunder Bay, par exemple, êtes-vous en mesure d’aider les gens à se déplacer, compte tenu de ce qu’il en coûte pour une famille de voyager?

Mme Buller : Madame la présidente, si vous me permettez de répondre à cette question, nous pouvons effectivement aider financièrement les familles en ce qui concerne les frais de voyage pour venir à l’audience et retourner chez elles. Mais nous envoyons aussi des personnes dans les petites communautés afin de recueillir des témoignages pour éviter de perturber le quotidien des gens. Même si je ne comprends pas tout à fait comment cela fonctionne, nous pouvons, grâce à la technologie, consigner des témoignages par Internet, en présumant qu’il y a un service Internet. Je ne peux toutefois pas expliquer très bien comment cela s’effectue.

La sénatrice Boniface : Je comprends. J’en connais probablement autant que vous à ce sujet, mais je sais quel est le résultat. L’important, bien entendu, c’est de veiller à ce que les victimes disposent de soutien dans leur communauté, car les ressources y sont très rares.

Mme Buller : Madame la présidente, nous avons tiré des leçons intéressantes du processus de préenquête sur le fait qu’il importe, particulièrement quand on fait venir des gens de communautés éloignées, de leur offrir un soutien adéquat quand ils se déplacent pour assister aux audiences ou, dans le cas présent, aux consultations préenquêtes, ne serait-ce qu’en les accompagnant sur le vol de retour pour s’assurer qu’ils retournent chez eux en toute sécurité. Nous apprenons, et nous avons appris, à quel point cela est crucial dans le cadre de notre travail.

La sénatrice Pate : Pourrais-je poser une question supplémentaire à ce sujet?

La présidente : Oui, une brève question.

La sénatrice Pate : J’ai, à ce sujet, une question à propos des personnes qui recueillent les déclarations, particulièrement dans les prisons et les communautés éloignées. Je ne m’intéresse pas qu’aux personnes qui offrent du soutien. Est-ce que certaines femmes autochtones vont recueillir des témoignages? Peut-être pourriez-vous nous donner une idée de ce qu’il en est?

En outre, comment vous assurez-vous qu’il n’y a pas de représailles? Je peux penser qu’en milieu carcéral, par exemple, quand une personne devient très émotive, cela fait ressurgir des problèmes de toutes sortes et elle se retrouve en isolement en raison de son comportement. Elle pourrait aussi s’exposer à des représailles pour avoir signalé des incidents mettant peut-être en cause le personnel de la prison ou la police à certains moments.

Mme Buller : Madame la présidente, je répondrai d’abord à la première question.

Qui recueille les déclarations? Ces personnes viennent de divers horizons. Une fois l’embauche terminée, je pense que la plupart sont autochtones, mais pas toutes. Le temps que nous finissions l’embauche et la formation, un bon nombre d’entre elles s’expriment en langue autochtone. Elles sont issues de divers milieux, tant ruraux qu’urbains. Je pense ici aux personnes que nous avons déjà embauchées.

Il importe également de donner le choix aux familles et aux survivantes, car certaines personnes préfèrent parler à quelqu’un dans leur propre langue. D’autres préféreront se confier à un aîné ou à un jeune. Nous tentons d’offrir un bon choix de base aux membres de la famille.

En ce qui concerne la deuxième question sur les représailles, c’est un point très important à nos yeux. J’ai indiqué plus tôt qu’il fallait trouver des endroits sécuritaires, comme des centres de jour et ce genre de lieux pour les travailleuses du sexe qui, bien entendu, ne veulent pas nécessairement être identifiées pour diverses questions de sécurité. Nous portons attention à ce point et nous trouvons des endroits où les gens se sentent en sécurité.

En ce qui concerne les femmes incarcérées, nous sommes confrontés à toute une série de nouveaux défis que nous avons été en mesure de déceler et, dans bien des cas, de régler. Il s’agit notamment de questions de sécurité et aussi de soins de santé, avant, pendant et après les témoignages, car il y a une limite aux soins de santé que nous pouvons prodiguer dans un environnement sécurisé comme un pénitencier ou une prison provinciale.

Ainsi, en travaillant en aval, avant même de parler aux femmes incarcérées au Canada, nous devons être bien certaines qu’il y a en place des soins de santé et un filet de sécurité appropriés, compte tenu des endroits sécurisés où elles se trouvent.

Je devrais vous expliquer qu’au chapitre de la santé, nous assurons le suivi pendant trois mois. Nous espérons que dans les prisons et les pénitenciers, nous pourrons assurer ce suivi de trois mois auprès des prisonnières, car nous nous attendons pleinement à ce que les personnes s’effondrent ou aient d’autres problèmes de comportement. Nous avons l’obligation morale, je pense, de pouvoir offrir un soutien adéquat aux personnes qui se trouvent dans une situation très difficile.

La sénatrice Pate : Ce serait bien si nous pouvions obtenir des détails sur ces plans, car s’il y a des gens à l’intérieur des établissements, cela compliquerait les choses pour les témoins.

Le sénateur Tannas : Je vous remercie de témoigner. Vous avez mon soutien et mon admiration sincère pour le travail que vous entreprenez.

J’ai écouté très attentivement les échanges à propos de vos plans de travail et des divers éléments, notamment tout ce qu’il faut faire pour obtenir la vérité, qui est difficile dans certains cas. Il est crucial de le faire si nous voulons avoir des recommandations valables, puis des mesures qui iront au-delà des autres éléments du travail que vous accomplissez et qui sont aussi importants, comme la guérison et les occasions qu’ont les gens de se manifester et de faire part de leurs expériences.

J’ai été frappé par une question, et j’espère que ce qui suit ne sera pas pris pour autre chose que de la curiosité. Quand vous formulez vos recommandations, examinez la vérité, tenez des audiences ou effectuez des recherches, quelle attention portez-vous, le cas échéant, à la manière dont vous approcherez la vérité totale, vérité pour laquelle il faudra, à mon sens, procéder à quelques recherches sur les auteurs? Comment entendez-vous recueillir la vérité, puisque cette dernière servira certainement de base aux recommandations que vous formulerez? Si cela ne s’inscrit pas dans le plan de travail, cela en ferait-il partie si vous disposiez de plus de temps?

Mme Buller : Je conviens que vous avez raison à propos de la vérité totale et du fait qu’il faut comprendre les acteurs, leurs motivations et leurs gestes. Pour obtenir cette vérité, nous procéderons de deux manières, notamment en entendant les familles et les survivantes au cours d’audiences communautaires.

Quand nous étions à Whitehorse, nous avons commencé à entendre plus de détails sur la relation entre la victime et l’acteur. Il faut du temps pour que ces renseignements se révèlent quand une famille nous raconte son histoire, mais nous commençons à obtenir ces renseignements de manière très concrète, car nous entendons toute la famille, ce qui est formidable.

En outre, bien des recherches ont été réalisées sur les hommes qui se montrent violents à l’égard des femmes, et nous pouvons nous appuyer sur ces travaux.

Je conviens que vous avez soulevé un point important en parlant du portrait intégral.

Le sénateur Christmas : Permettez-moi d’abord de vous dire à quel point je suis sensible, comme d’autres le sont sans doute, au courage et à la détermination dont vous faites preuve dans le cadre de ce travail. Je pense qu’il s’agit probablement d’un travail difficile dans des circonstances normales, mais ce que vous faites est tout sauf normal. Je veux également vous remercier, vous, vos familles et vos êtres chers, de vous prêter à cette enquête. Ces personnes font certainement un sacrifice, et je tiens à honorer vos êtres chers et vos familles et à souligner leur contribution.

Notre présidente a fait remarquer plus tôt que cette enquête est comme une lumière brillante qui illumine un lieu très sombre. Madame la commissaire en chef, vous avez indiqué que cette enquête peut certainement toucher des personnes qui sont impliquées ou qui perpétuent les problèmes. Cela m’amène à poser la question suivante sur un point que, je le sais, vous avez déjà abordé: comment comptez-vous protéger les familles et les survivantes avant, pendant et après leurs témoignages, alors qu’elles ont peut-être perdu un être cher en raison de la violence, de la traite de personnes ou même des gangs de rue? Comment protégez-vous les familles et les survivantes quand elles témoignent devant vous?

Mme Buller : Madame la présidente, le commissaire Eyolfson répondra à cette question.

M. Eyolfson : Merci, sénateur.

Notre équipe de la santé constitue un élément vraiment important de notre équipe. Quand les familles et les survivantes qui souhaitent participer à l’enquête se manifestent, l’équipe de la santé est la première à communiquer avec elles pour évaluer leur situation et leurs besoins. Elle peut notamment évaluer le soutien existant, ce qui peut exister au sein des communautés, l’aide supplémentaire qui pourrait devoir être offerte et, bien entendu, leurs préférences particulières.

L’équipe effectue une évaluation exhaustive de leurs besoins en matière de santé avant que les familles et les survivantes ne participent à l’enquête, si elles décident d’y prendre part. Elles peuvent également bénéficier de soutien en matière de santé pendant qu’elles racontent leur histoire et après également.

Notre équipe de la santé mettra en œuvre un plan de suivi afin d’appuyer les familles et pourra aussi vérifier si elles se sentent ou non en sécurité dans une communauté ou milieu donné pour raconter leur histoire. Doivent-elles se rendre ailleurs? Préfèrent-elles parler à une personne qui recueillera leurs témoignages en privé plutôt que prendre la parole en public? L’équipe tient compte de tous ces facteurs et en discute avec les familles.

Le sénateur Christmas : Toujours dans la même veine, je vois qu’il y a un problème grave quant à la santé mentale d’une personne. Je me préoccupe toutefois davantage de la sécurité personnelle. Comment assurez-vous la sécurité personnelle des familles et des survivantes?

Mme Buller : Nous avons porté une grande attention à la sécurité personnelle de toutes les personnes présentes aux audiences, parfois même à la nôtre. D’entrée de jeu, il importe d’offrir un endroit sécuritaire aux familles et aux survivantes.

Comme le commissaire Eyolfson l’a déclaré, certaines familles ou certains survivants pourraient — avec raison — avoir l’impression de ne pas pouvoir parler en public ou à l’un d’entre nous en toute sécurité, mais ils pourraient souhaiter parler à l’un d’entre nous en privé.

Nous cherchons également à donner aux gens l’occasion de nous parler ce que j’appellerais hors site; autrement dit, au lieu d’avoir à se présenter à l’endroit ou dans la ville où une audience est tenue, il est possible qu’une personne puisse visiter leur collectivité pour consigner leurs déclarations. Toutefois, nous avons également conscience qu’un grand nombre de femmes et de jeunes filles ne peuvent s’exprimer en toute sécurité dans leur collectivité. Nous pouvons alors leur donner l’occasion de témoigner à l’extérieur de leur collectivité et leur fournir une allocation de déplacement, ou quelque chose de ce genre, pour leur permettre de le faire.

En outre, nous constatons que nous recevons des déclarations par courrier électronique. Les gens nous envoient des lettres dans lesquelles ils exposent les difficultés qu’ils traversent en tant que survivants d’actes de violence ou en tant que membres de la famille d’êtres chers disparus. Nous pouvons recueillir des témoignages ou des déclarations de ce genre de plusieurs façons, mais la sécurité physique des témoins nous tient beaucoup à cœur. Nous souhaitons offrir aux gens qui désirent nous parler des options sécuritaires.

La présidente : Il nous reste seulement environ 10 minutes, et 6 sénateurs figurent sur la liste. Par conséquent, si nous pouvions nous en tenir à une brève question, en commençant par le sénateur Sinclair, ce serait parfait.

Le sénateur Sinclair : Je vous remercie du défi que vous venez de me lancer, madame la présidente. Je vous suis reconnaissant de la confiance que vous m’accordez.

J’aimerais vous poser la question suivante — parce qu’elle n’a pas encore été posée, et j’ignore si nous avons eu des discussions publiques à ce sujet. Quels chiffres pensez-vous que nous obtiendrons en fin de compte? De combien de victimes parlons-nous en ce moment? Certains chiffres ont été cités au tout début, avant que l’enquête s’intéresse à 1 200 noms possibles. Toutefois, j’ai toujours été d’avis que le nombre de victimes était beaucoup plus élevé que cela. Mais mon avis ne repose sur rien de précis, si ce n’est que les propos que nous avons entendus dans le cadre du processus entrepris par la Commission de vérité et de réconciliation. Avez-vous maintenant une meilleure idée des chiffres que lorsque vous avez amorcé le processus?

Mme Buller : Madame la présidente, le commissaire Eyolfson pourrait-il répondre à cette question?

La présidente : S’il vous plaît.

M. Eyolfson : Je vous remercie de votre question, sénateur Sinclair.

Nous savons tous que plusieurs chiffres différents ont été cités ou que plusieurs études semblent indiquer que les nombres de femmes et de filles autochtones assassinées ou portées disparues pourraient être différents. Nous examinons les études et les rapports qui ont été produits. Cela fait partie de notre plan de recherche.

Bien entendu, nous abordons la question du point de vue des gens qui s’inscrivent auprès de nous afin de relater des faits. Par conséquent, nos chiffres ne sont pas nécessairement identiques. Nous demandons aux familles de se manifester. Nous remarquons que, dernièrement, le nombre de personnes qui se présentent devant nous afin de raconter l’histoire des proches qu’ils ont perdus augmente rapidement. Je pense que, à la fin de la semaine dernière, environ 735 personnes s’étaient inscrites. Voilà où nous en sommes à l’heure actuelle.

La sénatrice Pate : Depuis que le sénateur Sinclair, qui n’était pas sénateur à l’époque, a mené l’enquête sur le décès de Helen Betty Osborne, nous savons que bon nombre des enjeux relatifs à la violence faite aux femmes autochtones comprennent évidemment des problèmes systémiques de racisme que vous connaissez bien, mais aussi des problèmes systémiques liés à la façon dont les agents de police et un grand nombre d’autres personnes au sein de la collectivité et du système traitent les cas de violence et d’exploitation sexuelles, en particulier lorsqu’il s’agit de femmes ou de filles autochtones. Madame la commissaire en chef, j’ai remarqué que vous auriez déclaré récemment être en train d’examiner des enjeux liés aux services de police. Nous recevons de nombreuses questions et entendons de nombreux propos qui nous portent à croire que certains enjeux liés aux services de police seront examinés alors que d’autres ne le seront pas.

Pourriez-vous décrire au juste ce que vous examinez en matière d’activités policières et de problèmes systémiques liés aux enquêtes et aux préjugés de la police? Je crois comprendre que vous avez demandé à des membres de l’équipe d’experts judiciaires d’étudier ces questions. Qui sont-ils, et que feront-ils? Dans quelle mesure examinerez-vous les dossiers de la police? Comment envisagez-vous de fournir ces renseignements au public, et cela fera-t-il partie du plan à propos duquel je vous ai interrogé plus tôt?

Le sénateur Sinclair : Vous avez posé cinq questions.

Mme Buller : Madame la présidente, je ne souhaite pas manquer de respect à l’égard du processus, mais je croyais qu’il s’agissait d’une série de brèves questions.

Mme Audette : Choisissez-en une.

Mme Buller : Nous avons toujours eu l’intention de passer en revue les services de police, et je pense que je peux en parler assez brièvement. Nous enquêterons sur les enquêtes.

Maintenant, passons à notre groupe d’experts en matière d’examens judiciaires. Nous sommes encore en train de demander à divers services de police du Canada des échantillons de dossiers et de recevoir ces dossiers. Madame la présidente, je suis ravie de signaler que, jusqu’à maintenant, les services de police des quatre coins du pays coopèrent avec nous.

Cela dit, une équipe d’experts judiciaires examinera ces dossiers afin d’évaluer la compétence des enquêtes, de repérer les erreurs évidentes et de distinguer les politiques et leur incidence, soit un éventail d’enjeux. Bien entendu, cela dépendra dans une certaine mesure du genre de dossiers qui nous seront transmis et du genre d’examens judiciaires qui seront menés. Je crois que cela va peut-être sans dire.

Qui fait partie de cette équipe? Pour le moment, nous avons constitué une équipe qui englobe un procureur de la Couronne, un avocat de la défense, un chargé d’entrevues judiciaires et un expert en matière d’enquêtes policières. Nous tentons de convaincre gentiment un ancien de nous aider à étudier ces dossiers. J’espère qu’avec tout le respect que je leur dois, je n’ai oublié aucun membre. Je les énumère de mémoire. Leurs conclusions feront partie de notre rapport final.

La sénatrice McPhedran : Au cours des deux derniers jours et de la journée en cours, une réunion nationale du Réseau canadien sur l’égalité entre les sexes a eu lieu, et le consensus atteint cet après-midi sert de fondement à la question que je vous adresse. Au terme de la réunion du réseau de cet après-midi, la déclaration suivante a été rendue publique : « En tant que réseau national sur l’égalité entre les sexes, nous sommes solidaires des femmes autochtones, et nous demandons que l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées soit reprise à zéro ».

Je pose ma question dans ce contexte. Je tiens à féliciter chacun de vous pour les réponses que vous avez données à la question plus générale de votre continuation. Toutefois, ma question est propre à la régionalisation des renseignements que vous examinez en ce moment. Vous menez une enquête nationale, mais, compte tenu de ce que vous avez appris jusqu’à maintenant, envisagez-vous la possibilité de créer une sous-commission régionale ou de mettre l’accent sur les régions d’une façon ou d’une autre?

Dans ce cadre, nous devons revenir sur la question que nous vous avons posée sous de nombreux angles: envisagez-vous de prolonger l’enquête? Madame la commissaire en chef, j’ai été frappée lorsque vous avez déclaré que vous planifiez d’éteindre les lumières le 31 décembre 2018. Or, cela ne cadre pas avec les questions que nous posons à propos d’une prolongation. Pourriez-vous, s’il vous plaît, aborder ce sujet?

Mme Buller : Oui, je vous remercie de vos questions. Je répondrai d’abord à la question concernant la prolongation.

Jusqu’à indication contraire de la part du gouvernement, notre dernier jour d’activité est toujours prévu pour 2018. Nous devons donc planifier nos activités en conséquence. Je suppose qu’une question plus rhétorique consisterait à nous demander ce que nous ferions si le gouvernement refusait de prolonger l’enquête. Nous devons toujours nous préparer à terminer notre travail en temps voulu. Donc, jusqu’à ce que le gouvernement en décide autrement, nous éteindrons les lumières et rendrons les clés le 31 décembre 2018.

Toutefois, il devient de plus en plus important de tenir compte de la régionalisation et de mettre l’accent sur les régions. La question de la création d’une sous-commission a été soulevée et, en bref, la réponse à cette question est la suivante : nous n’avons pas l’autorisation légale de nommer les commissaires requis pour mener une sous-commission régionale, provinciale ou territoriale, ou une commission indépendante. Seul le gouvernement est en mesure de le faire.

Cependant, nous reconnaissons assurément l’importance de fournir des réponses régionales, parce que nous savons que ce qui fonctionne dans les Prairies ne fonctionne pas nécessairement dans le Nord. Nous savons que les difficultés que les femmes et les filles autochtones affrontent sur la côte Ouest ne sont pas nécessairement les mêmes que celles qu’elles rencontrent dans le Sud de l’Ontario. Nous avons donc conscience que nous devons nous attaquer à notre travail d’une façon plus régionale, et c’est ce que nous faisons.

Le sénateur Watt : Je suppose qu’il est pratique que ma question s’inscrive dans le prolongement de l’enjeu que vous avez mentionné.

Je suis pas mal certain que vous savez que, le 17 février 2017, le premier ministre a fait une déclaration et a confié à sept ministres la responsabilité d’examiner les politiques du gouvernement. Vous savez cela, n’est-ce pas?

Mme Buller : Oui.

Le sénateur Watt : J’aimerais présenter une recommandation possible à laquelle vous pouvez réfléchir.

Avant que l’échéance survienne, vous avez peut-être le temps de frapper à la porte du premier ministre lui-même ou d’entrer en communication avec ces sept ministres afin de leur demander qu’ils révisent le mandat qui vous a été accordé — en d’autres termes, la directive — et que vous puissiez modifier ce mandat comme bon vous semble. Seriez-vous prête à le faire? Autrement dit, cette recommandation est liée à la prolongation de l’enquête, et il faudra aussi discuter de l’affectation de fonds supplémentaires.

Cela vous donnerait l’occasion d’aller de l’avant, si vous envisagez de mettre au point le volet régional qui vous manque, selon vous. Je crois que l’occasion se présente, et que notre comité peut vous appuyer par écrit, en rédigeant une recommandation. J’estime que vous disposez de très peu de temps et que vous devez prendre cette décision rapidement. Si vous ne tentez pas d’obtenir une prolongation, vous ne saurez jamais si l’on vous en aurait accordé une.

La présidente : Madame la commissaire en chef, avez-vous d’autres observations ou d’autres questions à formuler à l’intention du sénateur Watt?

Mme Buller : Merci, Madame la présidente. La commissaire Audette répondra à cette question.

Mme Audette : Il est clair que si vous nous appuyez, cela nous aidera. Cette prolongation ne vise pas à nous avantager tous les quatre, mais plutôt à bénéficier aux femmes autochtones, aux familles et aux survivants. Nous devons donc réfléchir à la raison pour laquelle nous faisons ce travail et obtenons cet appui. Au bout du compte, cette enquête est menée à leur intention.

Le sénateur Watt : Il se peut que nous puissions faire un peu plus que vous accorder notre appui; nous pourrions peut-être même vous aider à négocier l’entente.

Mme Audette : Cette décision vous revient.

La présidente : Je pense que le sénateur Watt nous a engagés à prendre certaines mesures dont nous, les membres du comité, devrons discuter.

Avant de permettre à la sénatrice Boniface de poser la dernière question, j’aimerais parler de l’idée de régionalisation que vous avez abordée brièvement. À mon avis, c’est un aspect incroyablement important. Même en nous reposant uniquement sur le rapport de la GRC, nous savons que les femmes autochtones sont plus susceptibles d’être victimes d’actes de violence dans certaines régions du pays que dans les Prairies. La dynamique à ces endroits est très différente de celle qui existe en Colombie-Britannique, par exemple. J’appuie donc l’idée de tenir compte des particularités régionales.

Cela dit, nous allons passer à la sénatrice Boniface qui posera la dernière question.

La sénatrice Boniface : Merci. Ma question est plus vaste. Par conséquent, je tenterai de la formuler de façon précise.

Je sais que vous examinerez les problèmes liés aux services de police. Je suis certaine que cet examen nous apprendra beaucoup de choses, et cela fait partie des avantages que votre processus présente pour les gens qui accomplissent ce travail. Cependant, je vous demanderais de ne pas omettre d’étudier les services de police autochtones qui existent au Canada, en particulier la question de leur financement et des attentes auxquelles ils devront répondre lorsque vous aurez terminé votre travail et qu’ils assumeront ces responsabilités. Je le mentionne parce que ces services souffrent d’un sous-financement chronique. Ce problème a été signalé dans un certain nombre de rapports, dont celui lié à la commission d’enquête sur Ipperwash. Compte tenu du travail qu’ils devront accomplir dans les années à avenir et du travail qu’ils accomplissent en ce moment, vous avez l’occasion de signaler une fois de plus au gouvernement l’importance des fonctions qu’ils exercent et les nouvelles dimensions qu’ils peuvent apporter aux services de police, en fonction des recommandations que vous formulez. Je vous demanderais simplement de prendre cela en considération.

Mme Buller : Madame la présidente, j’aimerais souligner le fait que les services de police autochtones figurent dans notre programme, non seulement du point de vue du financement et des attentes de la société, mais aussi du point de vue de la compétence.

La sénatrice Boniface : Tout à fait.

La présidente : Je remercie infiniment la commissaire en chef et les trois commissaires qui l’accompagnent d’avoir comparu devant nous ce soir. l’enquête nationale est un enjeu qui a attiré l’attention du public partout au pays, et je crois que les Canadiens prennent une part active à ce débat et vous souhaitent une grande réussite, car il s’agit là d’un problème auquel nous, les Canadiens, faisons face. Nous mettons nos espoirs en vous et prions pour que vous trouviez de bonnes solutions et des recommandations judicieuses.

Honorables sénateurs, chers commissaires, ne partez pas. Nous aimerions prendre une photo de groupe, et nous vous prions de rester à cette fin. Des membres des services de communication sont ici pour nous aider à prendre cette photo.

Au nom de tous les sénateurs et des membres du public qui nous écoutent et nous regardent, je vous remercie une fois de plus de votre présence parmi nous ce soir.

(La séance est levée.)

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