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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 33 - Témoignages du 28 février 2018


OTTAWA, le mercredi 28 février 2018

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 48, pour étudier la teneur du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dans la mesure où il concerne les peuples autochtones du Canada.

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonsoir. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs ainsi qu’aux membres du public qui sont ici même, dans la pièce, ou qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur le Web.

Dans un esprit de réconciliation, je voudrais souligner que nous nous réunissons sur les terres ancestrales non cédées du peuple algonquin.

Je m’appelle Lillian Dyck. Je viens de la Saskatchewan, et j’ai l’honneur et le privilège de présider le comité. J’inviterais maintenant mes collègues à se présenter, en commençant par la personne à ma droite.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.

La sénatrice Pate : Kim Pate, de l’Ontario.

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Sandra Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Mesdames et messieurs, merci. Nous en sommes à notre deuxième séance concernant l’étude de la teneur du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dans la mesure où il concerne les peuples autochtones du Canada.

Hier, nous avons entendu le point de vue des représentants ministériels, et ce soir, nous recevons trois témoins additionnels. Il s’agit de Manny Jules, qui est commissaire en chef de la Commission de la fiscalité des Premières Nations, de Bill Robinson, qui est directeur général de l’Indigenous Peoples Cannabis Association, et du chef Randall Phillips, de l’Oneida Nation of the Thames.

Messieurs, vous avez la parole. Monsieur Jules, vous allez passer en premier. Après les trois exposés, nous passerons aux questions des sénateurs.

C.T. (Manny) Jules, commissaire en chef, Commission de la fiscalité des Premières Nations : Mesdames et messieurs, bonsoir. Je m’appelle Manny Jules, et je suis commissaire en chef de la Commission de la fiscalité des Premières Nations. Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser au comité dans le cadre de son étude sur le projet de loi C-45, la Loi concernant le cannabis.

Il y a 150 ans, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique créait le Sénat et la Chambre des communes du Canada, et assignait l’ensemble des terres et des responsabilités relatives aux services publics aux gouvernements provinciaux et au gouvernement fédéral. Cependant, la Confédération a été mise en place en vertu de la prémisse selon laquelle les gouvernements des Premières Nations et nos pouvoirs et titres préexistants étaient désormais révolus.

C’est en raison de cette friction juridique que la Loi sur les Indiens a transféré nos titres ainsi que le contrôle des terres des réserves et de nos services publics au ministère des Affaires indiennes. À partir de 1881, on a commencé à nous priver de façon systématique du droit de percevoir des taxes, un processus qui a culminé en 1927 lorsque ce droit a été tout simplement aboli et rendu illégal.

Ce qui s’est passé n’était pas correct. Les gouvernements des Premières Nations ont toujours existé et ont toujours exercé leur compétence fiscale. En fait, mes ancêtres avaient un mot pour cela : taksis. Les recettes de la taksis étaient utilisées pour les infrastructures, pour les avocats et pour soutenir notre lutte pour la restitution de nos terres, de nos pouvoirs et de notre juridiction fiscale.

Dans ce temps-là, nous avions une relation fiscale fondée sur les revenus. Nous percevions l’argent et nous l’utilisions pour financer nos activités en fonction de nos priorités. Nous n’avions pas à négocier de quoi était faites ces priorités avec un autre gouvernement. La relation fiscale actuelle est fondée sur les transferts. Les autres gouvernements perçoivent l’argent pour nous la remettre, et nos activités doivent s’aligner sur leurs priorités et leurs conditions.

Nous devons récupérer nos pouvoirs en matière de fiscalité et le pouvoir décisionnaire qui l’accompagnait. Nos priorités ne doivent pas être assujetties aux conditions d’Ottawa. Historiquement, aucun pays n’a jamais échappé à la pauvreté en étant dépendant de l’aide et des transferts qu’on lui accordait.

Comme mes ancêtres l’ont dit au premier ministre Laurier à l’occasion d’une réunion historique, il y a plus de 100 ans :

Comme vous êtes à la tête de cette grande nation canadienne, nous en attendons beaucoup de votre part, et nous avons bon espoir que vous allez veiller à ce que nous soyons traités de façon juste et honorable […]

Aussi longtemps que nous aurons l’impression que la justice est gardée hors de notre portée […], nous allons continuer de nous battre pour améliorer notre situation.

De nombreux dirigeants des Premières Nations ont participé à ces efforts pour récupérer leurs terres, leurs pouvoirs en matière de fiscalité et leurs gouvernements. D’importants progrès ont été réalisés devant les tribunaux. Nous avons obtenu que nos droits soient enchâssés dans la Constitution. Le gouvernement a accepté la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Je suis particulièrement fier du travail que nous avons fait pour recouvrer nos pouvoirs fiscaux et pour renouer avec la relation fondée sur les recettes fiscales par l’intermédiaire de la Loi sur la gestion financière des premières nations. Ces dispositions ont généré des recettes et elles nous ont permis de décider par nous-mêmes de la façon dont nous voulons utiliser cet argent.

La Loi sur la gestion financière des premières nations a été l’initiative des Premières Nations la plus réussie de toute l’histoire du Canada. Il y a maintenant 230 Premières Nations qui utilisent ces mesures législatives facultatives. Nous avons utilisé ces revenus pour construire des infrastructures, pour attirer des investissements, pour fournir des services et pour améliorer notre capacité à générer des revenus.

Je vous rappelle que la Loi sur la gestion financière des premières nations a été adoptée avec le soutien de tous les partis au Parlement. Lorsqu’elles sont d’adhésion facultative, les mesures législatives initiées par les Premières Nations fonctionnent. Les institutions des Premières Nations sont ouvertes à de nouvelles responsabilités.

Nous devrions tabler sur le modèle de la Loi sur la gestion financière des premières nations. À l’instar de beaucoup d’autres personnes libres, j’ai été inspiré par les récentes déclarations prononcées par le premier ministre, le ministre de la Justice et d’autres intervenants en appui à un cadre de relation de nation à nation qui s’appuierait sur une relation fiscale appropriée aux termes de laquelle nos compétences seraient reconnues et concrétisées.

Je suis d’avis que le modèle créé par la Loi sur la gestion financière des premières nations est la voie la plus prometteuse. C’est l’essence même d’une relation de nation à nation. La loi nous rend le pouvoir de taxation et nous donne la marge de manœuvre voulue pour utiliser ces revenus en fonction de nos priorités. Elle délimite clairement les compétences et les pouvoirs en matière de fiscalité et réduit la surveillance administrative. Plus important encore : c’est une loi qui fonctionne.

C’est pour cela que j’ai été très déçu d’apprendre que les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral avaient décidé de se partager entre eux — dans une proportion de 75 p. 100 à 25 p. 100 — les recettes de la taxe d’accise associée à la vente de cannabis.

Les gouvernements provinciaux ont soutenu qu’ils avaient besoin d’une part importante de ces recettes parce que les exigences réglementaires, sanitaires et éducatives associées à la Loi concernant le cannabis relevaient davantage de responsabilités provinciales.

Mais qu’en est-il des responsabilités des Premières Nations à l’égard de l’éducation et de la santé de leurs membres? Les problèmes auxquels elles doivent faire face sont encore plus graves que ceux qui se posent aux gouvernements provinciaux.

Pour relever leurs défis à cet égard, les Premières Nations doivent être en mesure de percevoir une taxe sur la vente de cannabis. Après toutes les promesses qui ont été faites à propos de la fiscalité, du respect de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et de la reconnaissance de nos compétences, comment en est-on arrivé à laisser de côté les Premières Nations?

La même chose s’est produite lorsque la compétence inhérente des Premières nations en matière de tabac a été ignorée. À cause de cela, certaines Premières Nations se sont mises à transformer, à fabriquer et à vendre des produits du tabac exempts de taxes, et les gouvernements fédéral et provinciaux — et, de la même façon, les Premières Nations — ont perdu des milliards de dollars en raison des recettes fiscales non perçues et de l’augmentation des coûts de santé découlant du tabagisme.

Ce qui s’est produit avec le tabac n’a pas besoin de se produire à nouveau. Nous avons le cadre législatif et institutionnel nécessaire pour éviter ce problème.

J’ai remis au comité des propositions de modifications qui pourraient être apportées à la Loi sur la gestion financière des premières nations afin d’établir de façon efficace et facultative la compétence des Premières Nations en matière de taxation du cannabis. Beaucoup de Premières Nations ont manifesté de l’intérêt quant à l’exercice de cette compétence.

Notre proposition en quatre parties va comme suit : la Loi sur la gestion financière des premières nations serait modifiée pour donner à une Première Nation le pouvoir de se doter d’une loi lui permettant de percevoir la taxe d’accise sur le cannabis sur ses terres de réserve. La Loi sur la gestion financière des premières nations serait modifiée afin d’inclure des dispositions offrant la possibilité de percevoir cette taxe de manière efficace par l’intermédiaire des dispositions sur la taxe d’accise sur le cannabis comprises dans la Loi sur la taxe d’accise. Ces dispositions pourraient être mises en œuvre une fois que la Première Nation aurait promulgué la loi nécessaire et qu’elle aurait conclu une entente administrative avec le Canada.

Les revenus générés par cette taxe sur le cannabis seraient des revenus locaux, et ils seraient assujettis au cadre de la Loi sur la gestion financière des premières nations. Ils pourraient être utilisés pour financer les infrastructures et pour améliorer les soins de santé et l’éducation.

Outre ces compétences fiscales, les Premières Nations seraient chargées d’administrer certains aspects du cadre réglementaire, dont l’octroi de permis commerciaux, le zonage et l’application de la loi. Dans cette optique, les Premières Nations intéressées pourront profiter des pouvoirs financiers et du soutien institutionnel de la Commission de la fiscalité des Premières Nations, ce qui les aidera à instaurer leur propre pouvoir de taxation en matière de cannabis et les responsabilités connexes.

Cela dit, je prie instamment le comité de recommander que les pouvoirs de taxation consignés dans la Loi sur la gestion financière des premières nations soient étendus pour inclure le tabac et la taxe sur les produits et services des Premières Nations. Ces modifications permettraient aux communautés intéressées — comme les Mohawks d’Akwesasne, les Chippewas de la Thames et beaucoup d’autres — d’accroître leurs pouvoirs financiers.

Ce qui est plus important encore, c’est que ces modifications établiront un cadre pour les relations de nation à nation pour les Premières Nations intéressées et qu’elles diront haut et fort que l’approche colonialiste de 1867 est maintenant chose du passé et que le Canada de 2018 accepte vraiment nos gouvernements dans la fédération.

Comme l’ont dit mes ancêtres en 1910 : « Nous allons nous aider mutuellement à être grands et bons. » Merci.

Bill Robinson, directeur général, Indigenous Peoples Cannabis Association : Distingués sénateurs, bonsoir. Merci de nous donner cette occasion de témoigner ici ce soir.

Permettez-moi d’abord de présenter George Robinson, qui est ici, derrière moi, et qui est président et chef de la direction de RavenQuest BioMed Incorporated.

L’Indigenous Peoples Cannabis Association, ou IPCA, ou association des peuples autochtones pour le cannabis, ci-après l’association, se veut le porte-parole de ses membres pour promouvoir le développement des entreprises à l’intérieur et à l’extérieur des réserves. L’association est la voix collective de ses membres. Outre les conseils qu’elle donne relativement aux normes de l’industrie, l’association offre du soutien pour le développement, la croissance et l’intégrité de l’industrie du cannabis réglementée.

L’association s’emploie à devenir la voix collective de confiance des peuples autochtones en ce qui concerne l’utilisation sécuritaire et responsable du cannabis à des fins médicinales et non médicinales.

Elle préconise la consommation responsable ainsi que la responsabilité sociale en matière de production et d’utilisation des produits du cannabis.

L’association et ses membres prônent l’innocuité et la qualité des produits du cannabis, un accès sûr et fiable, ainsi qu’une utilisation sécuritaire et efficace du cannabis.

Depuis octobre 2017, l’association travaille avec les gouvernements et les communautés des Premières Nations de l’ensemble du Canada à l’échelle locale, régionale et nationale. Jusqu’ici, nous avons rencontré plus d’une centaine de communautés autochtones à qui nous avons transmis de l’information sur la réglementation et le développement des entreprises du cannabis. Toutes nos discussions ont porté sur l’adoption du projet de loi C-45 et elles se sont déroulées de concert avec les industries actuelles du chanvre et de la marijuana médicinale.

Le travail incessant de l’association lui vaut une adhésion de plus en plus grande au sein des communautés autochtones.

Nous avons visité une multitude de communautés autochtones d’un bout à l’autre du Canada pour échanger avec des particuliers et des groupes d’affaires sur une vaste gamme de sujets. Ces rencontres ont été des occasions de disséminer et de recueillir de l’information. Permettez-moi de vous donner un aperçu des questions qui ont été soulevées lors de ces échanges.

Les communautés estiment qu’il serait nécessaire de mener une campagne d’information et d’éducation sur les impacts du cannabis en termes sociaux, médicaux et de dépendance sur les Premières Nations du Canada. Elles croient qu’il serait bon d’établir un cadre robuste et permanent pour qu’il y ait un dialogue entre les principaux groupes d’intérêts appuyant le développement responsable de l’industrie du cannabis au Canada et les peuples autochtones. Les principaux intéressés croient qu’il faut reconnaître le rôle particulier des Premières Nations dans le développement et le soutien du secteur du cannabis et du chanvre au Canada. Je dois préciser que les communautés des Premières Nations de l’ensemble du pays nous ont signifié un intérêt certain pour le secteur du chanvre.

On nous a aussi dit que les producteurs de cannabis autochtones ne devraient pas être tenus de payer ou de percevoir le droit d’accise prévu dans le cadre du droit d’accise proposé sur les produits du cannabis relativement à la production ou à la vente. On se dit préoccupé en ce qui a trait à l’octroi de licences pour les communautés autochtones souhaitant produire et vendre du cannabis sur leurs terres souveraines. Enfin, certains croient que les producteurs de cannabis autochtones devraient percevoir et gérer comme étant le leur le droit d’accise perçu sur la production dans les réserves afin de soutenir leurs fonctions à titre d’ordre gouvernemental.

Certains de ces sujets font suite à la récente décision du gouvernement du Canada à l’égard de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ainsi qu’à des rapports antérieurs, comme celui du Groupe de travail sur la légalisation du cannabis et le rapport de la Commission de vérité et réconciliation. Les préoccupations soulevées concordent également avec l’approche axée sur les compétences qui sous-tend la nouvelle relation financière entre le Canada et ses peuples autochtones. Ces enjeux renvoient en particulier aux articles 4 et 36 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Nous renvoyons le gouvernement du Canada aux articles de la Loi sur la gestion financière des premières nations concernant l’imposition de taxes sur les terres de réserve ainsi que sur l’administration de la perception, de la possession et de l’utilisation des taxes prévues aux termes de cette nouvelle loi.

Le président : Merci, monsieur Robinson.

Chef Phillips, vous avez la parole.

Randall Phillips, chef, Oneida Nation of the Thames :

[Le témoin s’exprime dans une langue autochtone.]

Mesdames et messieurs, bonsoir. Je vous remercie beaucoup de me donner l’occasion de m’adresser à vous ce soir. Je m’appelle Randall Phillips, et je suis le chef actuel de l’Oneida nation of the Thames, qui est située à environ 25 km au sud-ouest de London, en Ontario. Je vous donne cette précision parce que je veux que vous sachiez qu’il s’agit d’une communauté éloignée. C’est une communauté éloignée parce que ses membres n’ont pas accès à du transport pour se rendre à London, où se trouvent pourtant beaucoup de services.

Alors, quand nous allons commencer à parler de cela, je veux que vous y pensiez dans ce contexte. Merci beaucoup.

Je suis ici avec les bons vœux du chef régional de l’Ontario et du chef régional du Québec. Je connais le chef Picard depuis de nombreuses années, et j’ai aussi appris à connaître le chef Day tout au long de ses 10 années dans son rôle de chef. J’ai une grande admiration pour ces deux personnes, et c’est parce qu’ils me font confiance que je suis ici aujourd’hui. Je suis donc reconnaissant de cette occasion qui m’est donnée de vous parler de ces enjeux.

Si je suis ici ce soir, c’est parce que j’ai toujours été un homme pragmatique et franc. Je crois que ce sont des qualités essentielles pour discuter de façon honnête des choses qui nous importent. Ce à quoi je veux vous amener à réfléchir, c’est ceci : vous allez recevoir une copie des notes de l’exposé prononcé par le chef régional de l’Ontario. Je vais vous les laisser parce que je crois qu’une bonne partie de ces questions et de ces observations lui appartiennent. Il a aussi participé à ce groupe de travail, et je ne voudrais en aucune façon relativiser l’importance de ces idées. Vous aurez l’occasion d’en prendre connaissance ultérieurement, lorsque cela vous conviendra.

Je vais également reporter toute présentation concernant la mise à jour du groupe de travail de l’Assemblée des Premières Nations, sauf pour dire que ses membres cherchent toujours à trouver un coordonnateur pour commencer ce travail.

Alors, je crois qu’il s’agit d’une indication claire de ce que les Premières Nations affirment en disant de façon générale qu’elles « traînent de la patte ». C’est une très bonne indication de ce qu’elle signifie d’un point de vue pratique. Si nos organisations nationales et régionales ne sont pas au diapason de ce qui se passe du côté provincial et fédéral, alors vous pouvez vous imaginer la difficulté que cela peut représenter pour beaucoup de nos communautés des Premières Nations qui ne peuvent pas compter sur un analyste des politiques ou sur qui que ce soit de semblable pour faire ce travail. C’est un domaine complètement nouveau, alors nous ne disposons pas d’experts en la matière.

J’aimerais parcourir avec vous une partie de la présentation qui a été préparée pour la séance d’aujourd’hui en m’arrêtant aux points les plus importants pour votre étude.

Je vous prie de m’excuser si je joue avec mes lunettes; c’est à la fois l’âge et l’entêtement à ne pas porter de lentilles à double foyer.

Le chef national et toutes les personnes ici présentes reconnaissent que nous sommes sur le territoire non cédé de la nation algonquine, et cela ne changera pas. Je suis de la nation haudenosaunee, et nous avons vécu longtemps sur ce territoire et dans tout l’Est canadien. Je veux que vous sachiez bien qu’il y a d’autres nations qui ont occupé ces territoires traditionnels. Nous continuons à appuyer nos frères et sœurs dans ce contexte, mais nous voulons également que cela soit reconnu. En 1701, on a signé un peu plus loin sur le fleuve à Montréal un traité liant bon nombre de nos peuples. Bien que je reconnaisse la présence de nos frères, les Algonquins, n’oubliez surtout pas que les Haudenosaunees ont aussi occupé ce territoire pendant une longue période. Merci

Nous sommes, bien sûr, ici aujourd’hui pour discuter de ce projet de loi. C’est une toute nouvelle mesure, mais le problème n’a rien de nouveau. Plus j’ai l’occasion d’entendre des exposés à ce sujet, plus je me rends compte que ces questions se posent depuis très longtemps, mais pas nécessairement dans l’optique de savoir si nous allons en faire une marchandise. Je pense que c’est la nuance qui change toute la problématique.

Je voulais aussi attirer votre attention sur la distinction que je fais pour ma part entre cannabis et marijuana.

Lorsque je parle de cannabis, je pense à l’utilisation de cette plante à des fins médicales. C’est lorsqu’on fait intervenir la notion de marijuana et de sa consommation à des fins récréatives que les problèmes surgissent de toutes parts au sein de notre collectivité.

Je voulais donc seulement faire cette distinction. Il n’est pas question de consommation à des fins médicales. Il ne fait aucun doute que certains en ont besoin au sein de notre population. En toute honnêteté, sénateurs, j’ai dû moi-même débourser quelques centaines de dollars pour des aînés de ma collectivité parce que les prescriptions de cannabis ne sont pas couvertes par le Programme des services de santé non assurés. C’est pourtant le cas pour les anciens combattants. Nous devons fournir les mêmes renseignements, mais le traitement est différent. Je souhaite donc porter cette anomalie à votre attention, mais ce n’est pas la seule chose qui cloche. Il y a de nombreux éléments de cette loi dont nous devons évaluer les impacts non seulement pour nos enfants, mais aussi pour nos aînés qui comptent de plus en plus sur les vertus médicinales du cannabis.

J’en reviens à ma présentation.

Nous avons eu l’occasion de rencontrer les représentants des gouvernements provincial et fédéral à quelques reprises en Ontario. Ils commencent maintenant à comprendre que nous souffrons d’un manque criant d’information. D’après ce que je puis entendre, nous ne sommes pas différents à ce titre des autres Canadiens. Partout dans la province, les gens se demandent à quel moment ils auront accès à ce volet d’information que le gouvernement se targue sans cesse de vouloir mettre en place. Si nos jeunes sont en danger, comme on nous le répète jour après jour en parlant de la marijuana à des fins récréatives, et non pas du cannabis, où est donc cette information dont nous avons besoin? Il nous la faut tout de suite.

Nous sommes un peu plus de 2 500 personnes dans ma collectivité. Les jeunes comptent pour 70 p. 100 de ce nombre. S’il y a un problème, ma collectivité va assurément être touchée, et j’ai besoin de cette information.

Heureusement, j’ai pu revenir à la charge et nous allons tenir de nouvelles séances d’information dans notre collectivité afin que tous comprennent bien ces nouvelles réalités. Nous avons toutefois besoin de ressources pour ce faire.

J’ai été plutôt décontenancé, comme mon collègue, M. Jules, que vous connaissez depuis toutes ces années. Nous avons livré de nombreuses batailles, parfois côte à côte, d’autre fois l’un contre l’autre, car nous divergions d’opinions. Il n’y a d’ailleurs rien de mal à cela. Il est bien que chacun puisse proposer des solutions différentes, et j’espère que c’est ce que nous pourrons faire aujourd’hui.

Ce n’est pas d’hier que mon peuple doit faire valoir ses intérêts dans le contexte de ce principe de « nation ». Il est très difficile pour moi de me présenter pour discuter de ces choses en tant que chef élu en vertu de la Loi sur les Indiens sans apporter certaines précisions.

Lorsque j’affirme être un chef élu, c’est parce que j’ai bel et bien été élu. Ce ne sont pas mes mères de clans qui ont proposé ma candidature. Ce n’est pas mon peuple qui a voulu que je me présente pour prendre la parole au nom de notre nation. C’est moi qui ai été suffisamment loquace et vif d’esprit pour me lancer dans la course et être élu chef. C’est ainsi que j’ai l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui pour essayer de vous faire comprendre qu’il faut aborder ces enjeux en tenant compte des différences dans la perception de certaines choses selon la culture de chacun.

Bon nombre de nos enfants consomment déjà de la marijuana. Pourquoi? C’est en raison des impacts intergénérationnels des pensionnats indiens.

Vous ne ressentez pas ces impacts, car vous n’avez pas vécu cette situation. Ce n’est pas vous qui avez été privé de toutes ces possibilités. Les répercussions sont encore présentes aujourd’hui, parce que nous n’avons pas fait le nécessaire pour transférer à nos enfants tous les enseignements tirés de cette expérience, si bien qu’une autre génération sera perdue. Il est vraiment primordial d’informer nos enfants et de les sensibiliser à ces questions.

Je suis l’un des meilleurs orateurs que je connaisse et je n’ai jamais hésité à prendre la défense des miens. Je crois toutefois que le moment est venu de poser des gestes concrets. J’aimerais donc que nos collectivités puissent recevoir dès que possible ces trousses d’information. Nous pourrions ainsi avoir une longueur d’avance pour composer avec quelques-unes des répercussions néfastes qui sont envisagées, notamment au chapitre de la sécurité.

Je sais que je parle beaucoup, et j’essaie de faire le plus vite possible, mais je veux aussi mentionner la question des ressources. Mon collègue et moi divergeons d’opinions quant à la pertinence d’obtenir du Canada des pouvoirs de taxation.

Ce sont justement les nouvelles relations dont nous espérons entendre le gouvernement traiter, notamment quant à la façon de concilier le tout, mais nous n’en sommes pas encore là. Il est question ici de nouvelles relations fiscales. C’est une bonne chose, mais nous ne sommes pas encore rendus là.

Malheureusement, sénateurs, je viens d’un monde bien réel où je dois composer avec ces enjeux au quotidien et où les gens en ont marre de m’entendre répéter que les choses ne changent jamais. Je peux seulement vous transmettre le même message. J’ai des comptes à rendre pour chacune de mes actions. J’espère que vous vous sentez tout aussi responsables de me fournir ces réponses de telle sorte que je sache quoi dire aux jeunes qui me posent des questions. Il ne faut pas se contenter de mots; je dois pouvoir leur fournir des détails précis sur les progrès qui ont été réalisés dans les faits.

Si je soulève la question, c’est parce que nous avons discuté de la notion de partage des revenus. Nous avons traité des moyens envisagés par le gouvernement canadien pour trouver de nouvelles sources de recettes afin de s’attaquer à toutes les difficultés mises au jour par les Premières Nations.

C’est une toute nouvelle marchandise; un tout nouveau produit. Ni le gouvernement du Canada ni celui de l’Ontario n’ont eu accès jusqu’à maintenant à quelque revenu que ce soit sur ce marché.

Lorsqu’il est question d’une nouvelle ère pour le partage des revenus, nous parlons en même temps de nouveaux moyens pour aider nos collectivités. Il n’a jamais été envisagé que nous puissions obtenir notre part de ces nouvelles recettes. Or, nous avons les mêmes problèmes que les provinces qui auront des coûts additionnels à assumer. J’aimerais donc que vous songiez à aider nos collectivités dans ce contexte.

J’aurais une autre chose à ajouter. La Loi sur les Indiens est discriminatoire à l’encontre des collectivités de plus grande taille. Il est un peu ironique d’affirmer que la Loi sur les Indiens est discriminatoire, mais c’est effectivement le cas en l’espèce. Pourquoi donc? Parce que le financement des services publics que nous sommes censés offrir — police, incendie, ambulance — est coupé à partir du moment où nous comptons 1 200 résidants. Notre population a atteint ce niveau il y a des décennies déjà si bien que nous devons trouver nos propres sources de financement pour ces services. C’est la réalité avec laquelle nous devrons composer pour prendre en charge les nouvelles responsabilités qui nous attendent.

Il faudra instaurer un dialogue véritable sur la manière dont les nouveaux revenus seront partagés, en essayant d’éviter les contrôles et les règles que tous semblent vouloir préconiser, pour inscrire plutôt le tout dans une démarche de réconciliation et de dévolution. Nous pourrons ainsi déterminer nous-mêmes ce qu’il convient de faire chez nous.

J’arrive à peine d’une réunion des chefs de l’Ontario qui portait sur la santé, un enjeu crucial. Les jeunes présents ont pris la parole. Ils s’inquiètent du développement de leur cerveau et de leur santé en général. C’est vraiment la préoccupation principale. Ils en ont assez de toutes ces notions de promotion de la vie. Ils composent au quotidien avec toutes sortes de difficultés dans leurs relations avec leurs amis, leurs collègues et leur famille. Ils savent que le cannabis peut être néfaste pour leur développement et souhaitent obtenir l’information voulue pour pouvoir bien réagir.

Ils veulent qu’une formation soit dispensée, non pas à nous, mais à tous les autres pour favoriser une meilleure connaissance de la culture autochtone. Malheureusement, un grand nombre de nos jeunes sont pris en charge. Ils ont aussi parlé de tous ceux qui ont déjà des problèmes d’abus et de drogues. Nous ne pouvons toutefois pas nous laisser arrêter par ces chiffres. Nous avons aussi des études qui révèlent qu’une approche positive permet de réduire considérablement les torts que s’infligent les jeunes en pareille situation.

Penchons-nous sur la question. C’est la raison pour laquelle j’ai établi cette distinction entre le cannabis et la marijuana. Il faut que nos enfants comprennent bien ce qui est le plus nuisible pour eux. Reste quand même qu’ils souhaitent que les gens soient formés pour mieux saisir qui nous sommes et les raisons pour lesquelles il n’est pas toujours chose facile de prendre des mesures dans nos collectivités simplement parce que le Canada nous dit de le faire.

Nous voulons également vous rappeler — et ce point a déjà été soulevé ici — que le gouvernement a endossé la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Les jeunes souhaitent voir du mouvement sur ce front; les belles paroles ne suffisent pas. Ils veulent pouvoir s’exprimer dans une démarche d’autodétermination. Ils voient bien qu’il y a tous ces mots dans un document, mais ils tiennent à ce que tout cela puisse se concrétiser en actions dans leur cheminement vers l’autodétermination.

Nous considérons ces questions dans le contexte des compétences de chacun. Qu’est-ce que cela veut dire exactement? Ils seront nos leaders de demain. Ils vont envisager tout cela dans une nouvelle optique, car ils seront davantage conscients des particularités culturelles. C’est plutôt l’uniformisation qu’ils vont contester dorénavant.

Nous allons discuter de cette notion de compétences. Nos façons de voir les choses diffèrent à ce sujet. Nous n’avons pas de lois et de règlements. Mon peuple est régi par des notions de droit qui sont tout à fait à la hauteur. Il peut arriver qu’il y ait divergence avec la façon dont le reste du monde voit les choses, mais nous avons tout de même bien des éléments en commun.

Tout comme les jeunes de Floride, les nôtres veulent des réponses. C’est une question très difficile. Ils m’ont demandé de vous transmettre très respectueusement et très humblement ce message. J’espère qu’ils vont conserver ce respect, car je peux vous assurer que je suis continuellement sur le point de le perdre. Ils ont ajouté qu’ils ne voulaient pas vous imposer un trop lourd fardeau avec leurs interrogations et leurs remises en question. Mais ils veulent tout de même des réponses.

Au nom des Premières Nations de l’Ontario et de quelques-unes des Premières Nations d’ailleurs au Canada qui contribuent à cet effort, je vous remercie vivement de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole devant votre comité ce soir, et je serai ravi de répondre à toutes vos questions ou d’apporter les éclaircissements nécessaires concernant nos prises de position.

La présidente : Merci, messieurs, pour vos exposés. Nous passons maintenant aux questions des sénateurs.

Le sénateur Tannas : Merci à tous de votre présence aujourd’hui. Monsieur Jules, c’est un plaisir de vous revoir.

Je veux simplement m’assurer de bien comprendre ce que vous recherchez et voir un peu quels pourraient être les échéanciers. Je crois connaître la réponse, mais je pense qu’il est important de le confirmer.

Suivant l’idée que vous semblez préconiser, il deviendrait possible pour les gouvernements des Premières Nations de percevoir la taxe d’accise sur les mêmes montants actuellement visés par les provinces, ou est-ce que ce serait en supplément? Vous ne voudriez pas que ce soit les provinces qui perçoivent la taxe pendant que vous l’appliquez. Ce ne serait pas avantageux pour vous financièrement.

Envisagez-vous un mécanisme en vertu duquel les Premières Nations percevraient la taxe d’accise pour les produits fabriqués dans leurs collectivités, alors que la part de la province serait supprimée ou réduite? Pouvez-vous me dire d’abord et avant tout si je fais fausse route?

M. Jules : Il faut d’abord dire qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond si le gouvernement fédéral reconnaît la relation de nation à nation sans même vouloir discuter de compétences fiscales dans ce contexte.

Voici la façon dont on pourra selon moi rectifier le tir. Les gouvernements fédéral et provinciaux devront tous les deux dégager une marge fiscale suffisante pour un transfert adéquat de ces compétences vers les Premières Nations. C’est la situation que nous vivons actuellement avec la taxe sur le tabac qui m’incite à parler de la sorte. Si nous ne faisons pas le nécessaire dès maintenant, nous allons nous retrouver avec le même genre de problème éventuellement, et il n’est pas question ici de milliers de dollars, mais bien de milliards de dollars.

Le sénateur Tannas : Cela me semble parfaitement logique, ce qui m’amène à ma prochaine question.

Certains vont faire valoir que nous ne devrions rien faire pour l’instant, car tous ces détails seront réglés plus tard dans le processus. Nous allons partager les revenus tirés de ces produits et régler en même temps le problème de la cigarette et toutes les autres questions, alors il vaut mieux attendre.

Vous vous adressez à un comité qui commence à devenir célèbre pour son impatience à l’égard de ce genre de discours. Seriez-vous donc d’avis que nous devrions envisager un amendement à ce projet de loi pour conférer ce droit aux Premières Nations dès maintenant?

M. Jules : Certainement. Je pense que si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, cette occasion ne se représentera pas. Nous aurons des problèmes avec la mise en œuvre de ces mesures. Il y aura des difficultés immédiates au sein de nos collectivités pour des choses aussi simples que les règles suivant lesquelles les détaillants pourront vendre du cannabis dans les réserves. On ne s’est même pas encore penché sur ces modalités.

Je propose donc que nous mettions en place, en application de la Loi sur la gestion financière des premières nations, les mécanismes et les régimes réglementaires requis pour que les Premières Nations assument cette responsabilité. Sans cela, ce sera un véritable fouillis.

Le sénateur Tannas : J’ai une dernière question. Vous voudriez donc que nous apportions un amendement qui ferait en sorte que la taxe d’accise sur les produits fabriqués ou vendus dans les réserves soit fixée par la Première nation concernée?

Je présume qu’il pourrait y avoir deux mécanismes de contrôle qui nous permettraient de remonter jusqu’à la collectivité elle-même. On pourrait notamment miser sur une taxe d’accise moins élevée pour en faire un outil de développement économique. Les collectivités pourraient aussi opter pour une taxe plus élevée afin de dissuader quiconque de s’en approcher pour exploiter ce marché. Est-ce que c’est à peu près votre vision des choses?

M. Jules : Quand il est question de politique fiscale, il y a toutes sortes de situations possibles dans les différentes régions du pays. Lorsque notre commission de la fiscalité constate une distinction par exemple entre la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse, nous en tenons compte pour recommander l’approbation de mesures touchant une collectivité particulière.

Le sénateur Tannas : Je vois. D’accord.

M. Jules : Pour ce qui est d’une politique nationale concernant le cannabis, il faudra tenir compte des différences régionales entre les territoires et les provinces pour déterminer les mesures à prendre pour chacune des Premières Nations. Malgré ce que certains peuvent en penser, nous voulons en effet tirer le maximum de revenus pour les gouvernements des Premières Nations de telle sorte qu’ils puissent régler eux-mêmes des problèmes comme ceux liés à la santé et à l’éducation qui sont actuellement pris en charge par d’autres instances.

Le sénateur Tannas : Merci.

La présidente : Sénatrice Lovelace Nicholas, vous aviez une question supplémentaire?

La sénatrice Lovelace Nicholas : Oui. Merci beaucoup. Dans les années 1800, les Premières Nations ont été installées dans des réserves, et le gouvernement vous a alors permis d’y faire pousser tout ce que vous vouliez, sans contraintes quant à la quantité, et de vendre le produit de vos récoltes comme bon vous semblait pour assurer la prospérité économique de votre collectivité. Ce n’est plus comme ça que les choses se passent, n’est-ce pas?

M. Jules : C’est tout à fait exact.

La sénatrice Lovelace Nicholas : D’accord. Ne risquez-vous alors pas, si vous voulez faire pousser du cannabis et faire ceci ou cela avec, de devoir vous retrouver à nouveau devant la Cour suprême?

M. Jules : Vous nous simplifieriez les choses en modifiant ce projet de loi. Ce serait moins coûteux pour tout le monde, car vous savez très bien, sénatrice, ce que cela signifie de s’adresser à la Cour suprême.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Oui. D’accord, merci.

Le sénateur Tannas : Je voudrais juste m’assurer de bien comprendre. Si ma mémoire est fidèle, on nous a dit que cela était encore inscrit dans la Loi sur les Indiens. Ainsi, même pour apporter un amendement en vue de régler ces enjeux autochtones, il faudrait que les dispositions en question soient abrogées. Autrement, il y aurait conflit direct, n’est-ce pas?

M. Jules : En fait le ministre des Affaires indiennes — pour dire les choses simplement — est autorisé en vertu de l’article 4 à invalider différentes dispositions de la Loi sur les Indiens. Il y avait une de ces dispositions qui empêchait les collectivités des Prairies de vendre leurs produits à l’extérieur de la réserve, et il l’a invalidée.

Le sénateur Tannas : Oh, d’accord. Il n’y a donc pas d’inquiétude?

M. Jules : Il n’y a pas d’inquiétude, mais je suggère de réfléchir à ces problèmes et de les régler maintenant, afin que nous n’ayons pas à nous en soucier plus tard.

Le sénateur Doyle : Merci. J’aimerais revenir sur la question que vous a posée le sénateur Tannas, chef Jules. Vous avez mentionné que vous aviez le pouvoir de percevoir, de partager et d’utiliser les taxes à votre gré. Vous avez indiqué que vous investissiez les recettes fiscales, par exemple, dans l’éducation.

Les collectivités autochtones ont-elles actuellement les ressources nécessaires en matière de santé et de maintien de l’ordre — maintenant que le projet de loi entrera en vigueur le 1er juillet, s’il est adopté — pour gérer la mise en œuvre du projet de loi C-45? Quel est votre plan à cet égard? Si le projet de loi entre en vigueur, que ferez-vous?

M. Jules : D’accord. Mon point de vue est très transparent. Si nos collectivités n’ont pas les compétences nécessaires dans ce domaine, elles ne seront pas en mesure d’obtenir les ressources nécessaires en matière de police et d’éducation pour traiter ces enjeux à l’interne. Les recettes fiscales sont donc utilisées pour combler ces lacunes.

Le sénateur Doyle : D’accord. Avez-vous eu…

La présidente : Excusez-moi. Je crois que le chef Phillips aimerait également répondre.

Le chef Philipps : Merci, madame la présidente. Certainement, sénateur… Je ne me souviens plus de votre nom, mais vous me regardez en ce moment.

Le sénateur Tannas : Tannas.

Le chef Philipps : Nous avons vécu cette expérience en Ontario avec la collectivité avec laquelle nous sommes jumelés, c’est-à-dire les Six Nations de la rivière Grand. Cette collectivité payait la taxe d’accise fédérale et elle avait signé cet accord, mais elle ne profitait d’aucune retombée positive. J’aimerais préciser que les Haudenosaunees font preuve d’une grande prudence lorsqu’on leur demande de refaire la même chose.

M. Jules et moi convenons qu’il existe un pouvoir de percevoir cette taxe ou une autre mesure qui devrait être appliquée dans ce cas-ci. En effet, de grandes collectivités comme celle des Haudenosaunees n’ont pas besoin de ces institutions pour les aider à faire ce qu’il faut faire et avoir le même objectif. C’est évident.

M. Jules : La taxe d’accise est une question complexe, car elle relève de la compétence fédérale. Les gouvernements provinciaux peuvent vous imposer directement. Donc, comme le chef Phillips l’a dit, 163 millions de dollars sont actuellement perçus en taxes d’accise de Grand River Enterprises, le fabricant de cigarettes établi dans la collectivité de Six Nations. Le gouvernement fédéral perçoit ces taxes. On perçoit également des taxes sur l’essence et le tabac que vendent toutes les entreprises, même si c’est un Indien inscrit qui achète du tabac et de l’essence sur la réserve.

Qu’arrive-t-il à cet argent? C’est le ministère des Affaires indiennes, et non chaque collectivité, qui détermine où cet argent sera dépensé. C’est ce que nous espérons modifier par l’entremise de cette initiative, afin que nous puissions percevoir cet argent pour l’investir dans l’infrastructure. Comme vous le savez tous, sans infrastructure, il est impossible de briser le cycle de la dépendance.

Le sénateur Doyle : Pour revenir au projet de loi C-45, de nombreuses collectivités autochtones, comme vous le savez sans doute, ont demandé au gouvernement du Canada de retarder la mise en œuvre du projet de loi C-45. Êtes-vous l’un des leaders de ces collectivités? Demanderiez-vous au gouvernement de retarder la mise en œuvre du projet de loi jusqu’à ce que vous ayez les ressources appropriées en matière de santé, de maintien de l’ordre et d’éducation, c’est-à-dire avant que cela devienne une réalité dans votre collectivité? Est-ce l’une de vos préoccupations?

M. Jules : Selon moi, si nous ne nous occupons pas des enjeux que j’ai proposés aujourd’hui, nous aurons des problèmes plus tard de toute façon. Donc, pour régler ces problèmes, je suggère d’accepter les modifications législatives que je recommande d’apporter au projet de loi C-45, et de laisser les Premières Nations déterminer leurs priorités selon leurs compétences. La plupart du temps, elles agiront ensemble. En fait, nous aurons une réunion qui regroupera environ 276 collectivités en mai prochain, en Colombie-Britannique, pour discuter de toutes ces initiatives. Il y a donc une forte volonté de faire avancer les choses.

Le sénateur Doyle : Vous ne feriez donc pas appel au gouvernement?

M. Jules : Non. D’autres peuvent le faire, et c’est leur droit.

Le chef Philipps : Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, M. Jules fait partie d’une commission de la fiscalité, mais il n’est pas un leader des Premières Nations. Mais en raison de son expérience, il peut certainement parler de cela. J’aimerais donc répondre à cette question à titre de leader d’une Première Nation et de personne qui a parlé à de nombreux leaders de Premières Nations, certainement en Ontario.

Dans notre collectivité, nous avons trois policiers. C’est la cinquième plus grande collectivité de l’Ontario. Nous sommes censés avoir 11 policiers. Toute nouvelle loi qui entre en vigueur entraîne des répercussions. Nous avons déjà un nombre insuffisant d’employés. Ils sont partis. La petite annonce faite par le gouvernement fédéral pourra peut-être nous aider, mais elle ne réussira certainement pas à combler cette lacune.

Est-ce que je fais partie des gens qui souhaitent retarder ce projet? Non. J’en entends parler depuis deux ans. Nous nous préparons pour cela. Vous savez ce que je veux dire? C’est comme tout le monde. Je viens d’une grande collectivité. Je vous l’ai dit, il y a une différence. Je dois être prêt pour ces choses, je n’ai pas le choix. Nous nous sommes donc préparés sur le plan du développement économique et de la sécurité. Nous avons abordé la question sous ces deux angles.

Le sénateur Doyle : Et sur le plan de l’éducation.

Le chef Philipps : Toutefois, de nombreuses collectivités de l’Ontario souhaitent retarder les choses pour les mêmes raisons, c’est-à-dire que nous n’avons pas vraiment eu de bonnes discussions avec le gouvernement fédéral et les provinces à cet égard. Comme M. Jules l’a dit, si nous avions eu cette discussion, on aurait peut-être prévu, dans le projet de loi, des façons de régler cela.

La dernière fois que j’ai comparu devant un comité du Sénat, il y a quelques années, j’ai dû faire la même chose, car il s’agissait de l’imposition de la TVH à notre peuple, en Ontario. C’est la même chose. C’est la table du dernier recours à laquelle nous nous assoyons pour aborder ces choses. C’est certainement le cas.

Il y a des répercussions. De nombreuses collectivités répondent oui, et de nombreuses collectivités répondent non, mais ce n’est pas différent des autres collectivités canadiennes dont j’entends également parler aux nouvelles.

La sénatrice Lovelace Nicholas : J’aimerais souhaiter la bienvenue à tous les gens qui sont ici.

J’aimerais diviser ma question en deux questions. Monsieur Jules, selon vous, quelles sont les retombées économiques de la culture et des centres de distribution du cannabis pour les Premières Nations? Et la province devrait-elle intervenir? Le chef peut aussi répondre à la question.

M. Jules : Manifestement, nous parlons de lois fédérales qui s’appliquent d’un bout à l’autre du Canada, y compris dans les provinces et les réserves indiennes. Dans cette optique, les conseils de bande des Premières Nations doivent participer à tous les volets de leur économie. Cela consiste en grande partie à fournir des terres pour les possibilités de cultures vouées à l’utilisation médicale. Toutes les utilisations auxquelles auront accès les autres Canadiens seront également offertes, nous l’espérons, aux Premières Nations. Les gouvernements des Premières Nations doivent donc avoir les outils dont disposent les autres gouvernements pour réglementer ce secteur. Actuellement, nous n’avons pas ces outils.

Le chef Philipps : J’aimerais ajouter une brève réponse : oui, actuellement, notre collectivité fait une demande pour devenir un producteur autorisé dans le cadre présenté.

Notre collectivité a également un centre de distribution. Les centres de distribution sont illégaux dans notre pays. Je suis allé dans au moins six collectivités des Premières Nations qui ont des centres de distribution. Je suis allé dans au moins sept villes de l’Ontario qui ont des centres de distribution. Je n’ai trouvé aucune différence en ce qui concerne cette notion de « centre de distribution ». Toutefois, oui, nous tentons de participer à ce secteur. Pourquoi? Car nous considérons qu’il s’agit d’une utilisation d’un produit qui représente un moteur de développement économique.

Comme mon collègue l’a dit, il ne faut pas faire la même chose qu’avec le tabac. Nous voulons participer à cela. C’est tout nouveau. Nous n’avons pas eu la même possibilité de participer au secteur du tabac et de lutter contre les grandes entreprises qui étaient déjà établies. Mais il y a d’autres occasions.

Nous avons des exemples d’entrepreneuriat ici. Il faut travailler ensemble. On nous refuse des possibilités et on nous tient à l’écart de ce processus et on ne nous écoute pas. On nous dit que les monopoles ont déjà été créés et que c’est la façon de fonctionner. C’est à ce moment-là qu’il y a des désaccords et que des approches différentes sont adoptées.

M. Jules : J’aimerais également fournir une brève réponse. Lorsque vous parlez des lois provinciales de portée générale qui visent les réserves, c’est en raison de l’article 89 de la Loi sur les Indiens. En effet, les lois de portée générale s’appliquent en raison de la Loi sur les Indiens. Donc, lorsque vous avez des lois provinciales qui peuvent s’appliquer, comme Randy et moi l’avons souvent dit au fil des ans, si vous n’intervenez pas dans ce secteur d’activité, d’autres le feront. Ce que nous voulons, c’est de veiller à ce que les Premières Nations aient la même capacité que tous les autres gouvernements de notre pays.

M. Robinson : J’ai écouté très attentivement les commentaires formulés par mes collègues. J’étais autrefois responsable de la réglementation dans la province de l’Alberta. J’ai travaillé pendant de nombreuses années dans l’industrie des spiritueux et du jeu dans les réserves de l’Alberta et je les ai aidées, avant de prendre ma retraite, à lancer le processus de rédaction.

Aussi récemment qu’aujourd’hui, nous parlions de la capacité des Premières Nations d’établir des points de vente au détail sur les terres souveraines des Premières Nations, et de la capacité d’établir des usines de fabrication et de production sur les terres des Premières Nations.

Puisque j’ai voyagé de la Colombie-Britannique à l’autre bout du pays, je crois que la question de la compétence est extrêmement importante dans ce cas-ci. Elle est très importante, car actuellement, c’est le silence à cet égard à l’échelon provincial et fédéral. En effet, on ne dit absolument rien sur la question de savoir si l’on permettra aux Premières Nations de profiter de ces occasions d’affaires.

J’arrive de la Saskatchewan, où j’ai organisé trois réunions, une à Saskatoon, une à Regina et une à Prince Albert. Toutes les nations de la province, à l’exception de quelques-unes, sont venues et nous ont rencontrés dans ces trois endroits. Je peux vous dire qu’il y a énormément de confusion au sujet de ce qu’on décidera relativement aux terres souveraines, à la fiscalité et au partage des coûts. Toutefois, ce qui est encore plus important, c’est que je tiens vraiment à me concentrer sur le droit de propriété des Premières Nations sur les terres souveraines.

Notre association est parrainée par RavenQuest — le PDG se trouve derrière moi. Cet organisme nous parraine, mais il ne nous contrôle pas. Je peux vous dire que j’ai appris des choses ahurissantes sur la différence entre les pratiques des grandes entreprises qui approchent les Premières Nations, établissent des relations avec elles et utilisent leurs terres comparativement à la situation qui prévaut quand les Premières Nations, elles-mêmes, sont les propriétaires. C’est un enjeu qui devra être abordé.

Dans le taxi qui m’a amené ici, j’étais au téléphone avec les représentants d’une très grande nation qui sont extrêmement préoccupés par la façon d’entrer dans le processus et par le manque de précision en ce qui concerne les permis appropriés pour les lieux, le nombre de permis et la capacité des Premières Nations d’obtenir ces permis.

À titre d’ancien responsable de la réglementation, je peux vous dire que de nombreuses Premières Nations se sont trouvées du mauvais côté des permis de jeu. Ces temps-ci, afin d’être en mesure d’obtenir des permis de jeu, elles achètent des casinos traditionnels et elles ne peuvent pas profiter des taxes qu’engendrent les casinos sur les terres des Premières Nations. En fait, elles perdent jusqu’à 60 ¢ sur chaque dollar produit par le jeu, ce qui fait des milliards de dollars au fil des années.

Il y a donc une grande ambiguïté. Au sein de l’association et de l’entreprise dont je fais partie, nous voyageons pour sensibiliser les gens et fournir des précisions. Mes collègues présents participent à de nombreuses réunions, car un grand nombre d’associations se réunissent pour participer à de nombreuses discussions, mais je peux vous dire que cela cause une grande confusion aujourd’hui. Je crois que le chef Phillips a parlé d’aller expliquer le volet de l’éducation.

J’ai également été agent de la GRC pendant 35 ans. J’ai pris ma retraite lorsque j’étais commandant au Manitoba. J’ai travaillé et j’ai vécu dans des collectivités autochtones du Nord pendant environ 35 ans tout en leur fournissant des services, et je peux vous parler des répercussions des problèmes de toxicomanie et des besoins en personnel. Je peux vous parler des besoins en matière de formation liée à la toxicomanie. Au cours de ma carrière, j’ai doté des milliers de postes de policier, et je peux vous dire que ce projet ne sera pas facile.

J’aimerais vous en parler, car je l’ai vécu sur le terrain. Je me suis occupé de ces choses au quotidien. Ce sont ces expériences qui m’ont poussé à me joindre à cette association, à cette entreprise. Notre association peut faire avancer les choses, car cette expérience nous permet d’avoir une vision très claire. Ce qu’un grand nombre de mes collègues vous disent ici est extrêmement vrai, et je peux le confirmer, car j’ai parlé à plusieurs centaines de personnes à l’échelle du pays.

La sénatrice Lovelace Nicholas : J’aimerais poser une question; je promets qu’elle sera très brève.

Ce qui me préoccupe dans ce cas-ci, comme dans tout le reste, c’est que s’il n’y a pas suffisamment de terres, peut-on avoir accès aux terres de la Couronne réservées pour les peuples autochtones pour la culture du cannabis ou pour installer des centres de distribution?

M. Robinson : Je m’entretiens avec les gouvernements provinciaux d’un bout à l’autre du pays. Je m’entretiens avec des responsables de la réglementation dans tout le pays, et je leur parle de cet enjeu. Actuellement, en ce qui concerne les questions en suspens liées à la création de politiques pour la culture, la production et la transformation sur les terres des Premières Nations, c’est plus clair à l’échelon fédéral qu’à l’échelon provincial. Je crois que l’aide que nous tentons de fournir à toutes les nations et à toutes les collectivités auxquelles nous parlons de production, d’installations et de la façon de faire une demande dans le cadre du processus de permis permet d’apporter quelques éclaircissements.

J’ai parlé avec les représentants de quatre nations aujourd’hui. Les préoccupations de toutes les nations découlent de celles des aînés au sujet de la toxicomanie. L’entreprise dirigée par M. Robinson fait partie d’un partenariat auquel participent plusieurs universités qui étudient les répercussions et la composition de cette plante, afin de pouvoir mener des études scientifiques, car manifestement, on ne peut pas mener d’études scientifiques sur le cannabis utilisé à des fins récréatives ou médicales avant de pouvoir cultiver des variétés qui contiennent une concentration précise de THC, afin de pouvoir établir des données de référence scientifiques qui permettent de mener des études. C’est le premier défi à relever. En effet, on ne peut tout simplement pas mener d’études sur les concentrations de THC.

Le deuxième volet concerne manifestement la production, la capacité et les permis. De nombreux aînés sont préoccupés par le problème actuel de la dépendance aux opioïdes. À titre d’ancien policier, je peux parler de mon expérience liée aux problèmes de dépendance aux opioïdes dans les collectivités des Premières Nations, dans les réserves et certainement à l’extérieur des réserves. Un grand nombre de personnes considèrent qu’il s’agit d’un autre obstacle.

J’ai rencontré l’ancien juge en chef de la Cour suprême, le juge Binnie — maintenant à la retraite — dans le cadre d’une étude nationale sur la prestation des services médico-légaux. De nombreux points qui reviennent, c’est-à-dire le manque de connaissances et de sensibilisation sur ce que cela représentera, reflètent tout cela.

Le chef Philipps : J’aimerais ajouter quelque chose, si vous me le permettez, sénateur. Je tentais justement d’éviter de lier le sujet de notre discussion aux opioïdes. Ce sont deux choses complètement différentes, qui ont différentes causes et différentes raisons. Leur point commun, c’est que nos peuples des Premières Nations en souffrent, et c’est ce qu’on nous donne pour tenter de soulager ces souffrances. Je suis offusqué par cette dernière suggestion. Encore une fois, je veux revenir sur le sujet du cannabis et de la marijuana, et éviter de ramener la question des opioïdes dans la discussion.

La présidente : Je vous remercie de votre commentaire.

Manny Jules, aviez-vous quelque chose à ajouter?

M. Jules : Oui. Grâce à cette modification, la Loi sur la gestion financière des premières nations permettrait aux communautés d’utiliser les recettes fiscales pour accéder au marché international des obligations par l’entremise de l’Administration financière des Premières Nations et emprunter des fonds pour la construction d’infrastructures dans les réserves. Par conséquent, il s’agit d’un élément très important dont il faut tenir compte dans le cadre de cette discussion. Les communautés seraient ainsi mieux placées pour construire des immeubles et embaucher des gens, si elles le souhaitent, et elles pourraient utiliser les recettes fiscales, tout comme les autres gouvernements.

Le sénateur Patterson : J’aimerais remercier le sénateur Christmas d’avoir proposé cette étude. Ce soir, nous avons trouvé une très bonne raison de mener cette étude sur les questions liées aux Autochtones.

Ma première question s’adresse au commissaire Jules. Il me semble que — et corrigez-moi si je me trompe — la mesure législative, qui pourrait avoir été rédigée de façon hâtive, n’aborde pas du tout les problèmes que vous avez soulevés ce soir. Non seulement nous ratons une excellente occasion sur le plan économique, mais nous risquons aussi d’empirer les choses.

Visiblement, vous souhaitez que nous comblions les lacunes relevées dans le projet de loi relativement aux terres des Premières Nations en particulier. Qu’arriverait-il si nous ne corrigions pas ces lacunes législatives et que nous passions à côté de ces possibilités? Je ne crois pas que nous irons dans cette voie — loin de moi cette pensée, mais quelles seraient les conséquences si nous saisissions cette possibilité économique de plusieurs milliards de dollars en laissant à l’écart l’Administration financière des Premières Nations et les Premières Nations?

M. Jules : Vous vous rendriez rapidement compte que lorsqu’il n’y a pas de loi ni de régime réglementaire, on se heurte à des problèmes, et c’est ce qui va sans doute arriver. Il y aurait des trafiquants du marché gris qui profiteraient de la compétence des communautés, pour ainsi dire, à leur avantage. Dans bien des communautés, les ventes de cigarettes et d’alcool, de même que le passage de clandestins et d’autres activités illicites ont donné lieu à des pertes de revenus se chiffrant à plusieurs milliards de dollars.

Cela dit, nous préconisons une approche méthodique pour remédier aux problèmes, de façon à avoir une approche uniforme — un régime de réglementation — en place. Si nous n’agissons pas tout de suite, il sera très difficile de le faire à l’avenir, ne serait-ce que dans un an ou deux. C’est possible de le faire, et je dirais même qu’il faut y accorder la priorité, car nos communautés en ont besoin. Si nos communautés ne sont pas soumises à un régime de réglementation, la majorité d’entre elles seront confrontées à des problèmes, leur compétence n’étant pas respectée.

Le sénateur Patterson : Merci.

D’après ce que vous me dites, j’en déduis qu’il serait nécessaire de modifier la Loi sur la gestion financière des premières nations afin d’accorder aux Premières Nations le pouvoir de prélever une taxe d’accise sur le cannabis sur leurs terres de réserve.

J’aurais deux questions à cet égard. Tout d’abord, vous avez également parlé de modifier le projet de loi C-45. Pourriez-vous nous expliquer en quoi le projet de loi C-45 et la LGFPN sont-ils compatibles? Ensuite, pourriez-vous nous dire pourquoi il serait avantageux que la LGFPN confère le pouvoir d’établir un régime? Quels avantages cela procurerait-il aux Premières Nations?

M. Jules : Par l’intermédiaire de la Commission de la fiscalité des Premières Nations, nous avons créé le Tulo Centre of Indigenous Economics, qui forme des administrateurs fiscaux. Par conséquent, nous serions en mesure de former des gens qui pourraient ensuite occuper ces postes essentiels à l’application de la loi. C’est donc le premier aspect.

Nous pourrions aussi proposer des régimes de réglementation que les communautés adopteraient, car au bout du compte, le projet de loi concerne les Premières Nations. Je considère la commission comme étant la responsable, mais ce sont les communautés des Premières Nations qui exerceraient les pouvoirs. C’est là que le pouvoir de légiférer entre en jeu. On aiderait ainsi les communautés des Premières Nations à élaborer des lois, à établir des régimes de réglementation et tout ce qui permet de protéger leur compétence.

Ensuite, à l’instar des provinces, nous pourrions également faciliter nos discussions. D’un point de vue économique, il serait tout à fait logique de ne pas avoir 600 discussions différentes. On a une autorité centrale qui ne s’exprime pas au nom de tout le monde puisque la participation à la loi est facultative. Par conséquent, il faudrait notamment modifier la LGFPN, de façon à pouvoir profiter pleinement du projet de loi C-45.

J’ai l’impression que si le projet de loi C-45 n’est pas modifié maintenant, cela ne se produira pas ultérieurement.

Le sénateur Patterson : En termes simples, en quoi consisterait l’amendement au projet de loi C-45?

M. Jules : Il reconnaîtrait le pouvoir des Premières Nations de prélever une taxe d’accise, au même titre que le font les gouvernements fédéral et provinciaux. Je ne crois pas qu’il serait si difficile de trouver un libellé simple qui convient à ce projet de loi.

Le sénateur Patterson : Vous travaillez avec le MAINC depuis de nombreuses années. Avez-vous discuté de cette proposition avec les hauts fonctionnaires ou les ministres du gouvernement actuel?

M. Jules : J’ai soulevé la question au comité de la ministre Jody Wilson-Raybould. Je lui en ai parlé en privé ainsi qu’au sein du comité. J’en ai aussi discuté avec deux autres ministres, soit les ministres Philpott et Bennett, avec qui j’ai insisté sur l’importance d’effectuer ce travail. Nous avons commencé à envisager le type de régime qui pourrait être mis en place. Je peux donc vous dire que le processus a été amorcé.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le sénateur Christmas : Merci beaucoup, messieurs, d’avoir accepté de comparaître ce soir. Je reconnais que c’est un sujet très complexe, et tout comme M. Robinson, je conviens que cette question est fort déroutante. Je crains qu’il y ait beaucoup plus de confusion entre le gouvernement fédéral et nos Premières Nations qu’il y en a entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires. Je suis tout à fait d’accord avec le sénateur Patterson; il semble y avoir de nombreuses lacunes au chapitre des compétences autochtones dans ce projet de loi.

Je vais donc vous poser ma première question. Avec le recul, le gouvernement fédéral aurait-il dû consulter directement les Premières Nations et les communautés autochtones au sujet de la Loi sur le cannabis, de la même façon qu’il l’a fait avec les provinces?

M. Jules : Absolument. Je pense que cela nous aurait évité bien des soucis, y compris les discussions que nous avons ce soir.

Je pense que la mission que le gouvernement s’est fixée comportait deux volets. Premièrement, il devait établir une nouvelle relation financière qui n’est pas fondée sur les transferts, mais plutôt sur une véritable relation. Cela aurait dû évidemment faire partie de la discussion.

Deuxièmement, le premier ministre reconnaît les Premières Nations comme étant un peuple fondateur et affirme que nous devons tenir des discussions de nation à nation, or, il semble complètement avoir délaissé sa promesse. C’est très étrange.

La présidente : Chef Phillips, aviez-vous quelque chose à dire?

M. Phillips : Oui. Merci beaucoup. Sachez que nous partageons le même avis au sein de la nation Oneida de la Thames. Nous sommes une communauté des Premières Nations. Nous ne sommes pas gouvernés par une institution et nous ne le serons jamais. Nous n’avons jamais été gouvernés par une tierce partie. Nous avons toujours effectué nos vérifications à temps. Nous nous occupons de nos finances sans l’aide des autres. Il y a de nombreuses communautés des Premières Nations qui ont besoin de cette aide, et c’est simplement une question de capacité. Je ne dis pas le contraire; je dis simplement que ce ne sont pas toutes les communautés des Premières Nations qui ont besoin de cette expertise.

Je trouve que c’est un peu malhonnête de dire qu’il y a 630 discussions en cours. Il y en a une avec la nation Oneida et une autre avec la Commission de la fiscalité des Premières Nations. Ça en fait deux.

J’imagine que cela revient à l’idée du projet de loi. Nous allons continuer de nous battre. Est-ce que vous auriez dû nous consulter? Absolument. En vertu de la Loi sur les Indiens, toute autre loi que vous édicterez aura une incidence sur nous. Le chef national dit qu’aucune discussion sur nous n’aura lieu sans nous. Merci.

M. Robinson : Je suis préoccupé par le manque de clarté et le manque de connaissances chez certaines Premières Nations concernant non seulement les éléments fondamentaux du projet de loi, mais aussi les effets du cannabis. Il faut savoir que les effets du cannabis ne sont pas que physiques ou psychologiques; il y a des répercussions sur l’ensemble de la collectivité, que ce soit sur les services de police, les infrastructures ou le traitement de la toxicomanie. J’en ai déjà vécu l’expérience par le passé.

Ce qui m’inquiète, c’est qu’il y a un écart — et je ne veux pas avoir l’air de trop insister là-dessus —, mais les Premières Nations se font approcher aujourd’hui par de nombreuses entreprises qui souhaitent faire des affaires avec elles. Lors de mes déplacements, lorsque je parle aux communautés des Premières Nations des décisions qu’elles devront prendre à l’avenir et de l’incidence de ces décisions sur le bien-être financier des bandes, les conseils des traités, et cetera, lorsque je m’adresse aux groupes d’investissement, je me rends compte que de nombreuses communautés n’ont pas assez de connaissances pour poser les bonnes questions. Les connaissances sont insuffisantes, et la pression est énorme.

Par conséquent, nous essayons de miser en partie sur l’éducation et en partie sur les affaires. Si vous prenez cette décision, cela aura tel impact à long terme pour votre communauté. C’est donc très important. Il ne s’agit pas seulement des effets du cannabis sur les jeunes, ce qui est quand même un facteur essentiel, mais il faut aussi comprendre l’incidence sur la viabilité des communautés, y compris leur réputation et leur avenir. Il s’agit d’une décision financière critique qui pourrait avoir d’importantes répercussions sur les communautés. Je pense notamment aux mauvaises décisions financières qui ont été prises dans les industries du jeu et de l’alcool qui ont eu des conséquences très néfastes pendant des années en empêchant les Premières Nations de faire les investissements qu’elles auraient dû faire. Voilà donc ce que j’entends au sein des communautés et qui me préoccupe beaucoup.

Le sénateur Christmas : Il me semble que nous sommes à la croisée des chemins. D’un côté, nous avons la voie que nous avons souvent empruntée par le passé, c’est-à-dire celle consistant simplement à faire fi des capacités des Premières Nations de générer des revenus et de subvenir à leurs besoins et à faire en sorte que le gouvernement fédéral procède à des transferts à l’infini aux Premières Nations ou aux organisations autochtones.

De l’autre côté, il y a la possibilité pour les Premières Nations de créer leurs propres entreprises, d’avoir leurs propres pouvoirs d’imposition et de générer leurs propres revenus. Selon moi, nous sommes à la croisée des chemins.

Ce que vous me dites, monsieur Robinson, commissaire Jules et chef Phillips, c’est que si nous ne nous engageons pas dans la bonne voie, nous pourrions répéter les mêmes erreurs que nous avons commises par le passé dans les industries du tabac et du jeu.

M. Robinson : Il n’y a pas de doute que vous allez reproduire les mêmes erreurs.

Le sénateur Christmas : À moins que nous développions la capacité des Premières Nations et des communautés autochtones de générer leurs propres revenus pour être en mesure de répondre à leurs propres besoins — et il me semble que ce projet de loi va créer des besoins énormes, non seulement au chapitre de l’éducation des jeunes, mais aussi sur les plans de la santé et du traitement des dépendances.

M. Robinson : Aujourd’hui, les universités et les collèges créent des programmes partout au pays dans les domaines de la botanique, de la culture et de la technologie propres à cette industrie. Bon nombre des installations de production qui sont ou seront construites sur les terres des Premières Nations et qui leur appartiennent leur permettront de planifier la relève et de faire en sorte que les jeunes puissent se spécialiser et faire carrière dans le domaine des sciences. Voilà pourquoi il est si important que les communautés des Premières Nations comprennent que la propriété des installations de production, c’est-à-dire la responsabilité principale, leur donne les coudées franches et leur permet de créer ce plan de relève pour offrir un meilleur avenir à leurs jeunes.

Il ne s’agit pas ici que de la propriété. Il est question d’amener les jeunes à poursuivre leurs études dans les sciences. Au sein d’une communauté, une installation peut embaucher de 50 à 60 personnes et offrir des possibilités d’éducation à autant de personnes, sinon plus. C’est donc extrêmement important pour de nombreuses communautés. C’est une première.

Le sénateur Christmas : Par conséquent, vous nous dites que les communautés auraient désormais cette possibilité de créer et de générer des revenus pour subvenir à leurs propres besoins?

M. Robinson : Absolument.

M. Jules : Comme Yogi Berra disait : si vous arrivez à la croisée des chemins, n’hésitez pas à changer de voie.

M. Phillips : C’est exact. Encore une fois, il s’agit d’une approche multidimensionnelle. Vous avez demandé ce qui arriverait si nous étions laissés de côté. Je peux vous dire que nous allons sauter à pieds joints sur cette occasion. Pourquoi? Comme vous l’avez déjà dit, c’est un secteur qui rapporte chaque année des milliards de dollars. Pourriez-vous repenser vos politiques, vos mesures législatives et vos règlements? Comme M. Jules l’a dit, nous sommes ici depuis 30 ans. Si nous ne saisissons pas cette occasion tout de suite, il sera très difficile de le faire dans quelques années.

Nous avons toujours parlé de paramètres. Il n’est pas nécessaire d’avoir les termes exacts. Nous avons suffisamment de gens et de communautés des Premières Nations qui n’ont pas besoin de l’aide des autres. Je suis indigné de voir qu’on parle des Premières Nations comme si nous étions idiots, stupides et que nous allions acheter des remèdes de charlatan pour le reste de notre vie. Oui, c’est la réalité de certains, mais certains d’entre nous sont suffisamment intelligents pour y voir clair.

Nous sommes bien conscients de la réalité et du potentiel de tous ces produits. Nous en parlons constamment. Nous ne savons pas encore ce qui va se produire. Nous ignorons combien de personnes s’intéresseront aux sciences ou voudront poursuivre une carrière dans ce domaine. Nos communautés ont perdu des occasions d’affaires car elles n’ont pas accès aux services à large bande. Nous avons raté une panoplie de possibilités simplement parce que nous ne sommes pas connectés. C’est ce qui arrive.

Donc, évidemment, il s’agit là d’une immense occasion économique; en fait, la même possibilité économique qui se présente aux provinces et au gouvernement fédéral. La même. Il ne faut pas l’oublier. C’est ce que je m’évertue à dire ici. La seule raison pour laquelle les gens s’intéressent à cette industrie, c’est parce qu’elle se chiffre à plusieurs milliards de dollars. Et oui, bien sûr, nous pourrions tirer profit de ces recettes. Merci.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie de vos exposés et du temps que vous avez pris pour venir nous rencontrer.

En tant que professionnelle de la santé, je dois vous avouer que ce projet de loi m’inquiète beaucoup, étant donné ce qui se passe au sein de nos collectivités et les dangers que cela représente pour nos jeunes, car il y en a déjà énormément qui fument de la marijuana, et nous sommes conscients des dommages que cela peut causer à leur cerveau. À l’heure actuelle, il n’y a pas de ressources ni de documents d’information là-dessus. On est en train de les élaborer. Le 1er juillet approche à grands pas.

Nous nous entendons tous pour dire qu’il y a une grande confusion, un manque de clarté et une multitude de lacunes. D’après ce que j’ai entendu, la majorité des collectivités n’ont pas été consultées.

Ce qui me préoccupe, lorsque je pense à cela, c’est la notion de consentement éclairé et ce qui la sous-tend. Si vous n’avez pas tous les renseignements... Oui, je suis conscient que c’est une industrie de 50 millions de dollars, ou peu importe. On ne peut prendre de décisions éclairées sans renseignements complets. C’est impossible.

Il se prend actuellement des décisions, tandis que le gouvernement fédéral ou la province n’a pas fourni les informations nécessaires. Je peux vous dire que les représentants de la province du Manitoba et du gouvernement fédéral n’ont tenu aucune rencontre, ce qui signifie qu’ils sont dans la même situation que les collectivités des Premières Nations. Sans consentement éclairé ni possibilité de prendre une décision éclairée, n’y a-t-il pas des questions d’ordre juridique? Ce que vous proposez ne devrait-il pas être assez solide pour résister à l’épreuve des tribunaux? Vous pourriez aborder cet aspect. Voilà ce qui me préoccupe.

J’étais au Manitoba la semaine dernière. J’ai discuté avec deux grands chefs, des médecins et des chercheurs de l’Université du Manitoba. Ils n’ont aucun renseignement. Donc, pourquoi proposons-nous simplement de nous lancer là-dedans en disant qu’on réglera les choses en temps et lieu? Vous savez quoi? Nous sommes déjà en crise ici, et c’est ce qui me préoccupe. Je ne veux pas qu’on me considère parmi ceux qui auront dit : « D’accord, adoptons cette mesure législative. » Je dois exercer mon sens éthique. Je me dois de tenir compte des aspects moraux et d’affirmer, d’après ce que je vois, que je suis en total désaccord avec la vitesse à laquelle on va de l’avant, surtout étant donné que nous ne sommes au courant que depuis... combien d’années déjà? Deux ans? Cela me semble tellement insensé, et je ne sais pas pourquoi nous voulons nous lancer là-dedans. Voilà ma question; je suis vraiment confuse.

M. Phillips : Je dirais que c’est une excellente question et une excellente réflexion. Ce ne sont pas les Premières Nations qui proposent cette loi. Je comprends vos préoccupations, car nous en sommes au même point. Nous ne sommes pas prêts pour cela, mais c’est là où en sont les choses, et nous devons malheureusement nous préparer en conséquence. Il s’agit, encore une fois, d’une situation où nous devons réagir, sans avoir eu l’occasion de réfléchir véritablement à tous ces aspects. Je vous remercie de la question.

La sénatrice McCallum : Puis-je poser une autre question?

La présidente : Un instant. Quelqu’un d’autre souhaite répondre?

M. Jules : Le rôle du Sénat consiste en partie à examiner les mesures législatives émanant de la Chambre; vous avez donc cette prérogative. Je suis ici pour vous demander de modifier le projet de loi C-45 pour que les Premières Nations puissent embaucher leur propre personnel, avoir leur propre financement pour des programmes d’éducation, de santé et d’application de la loi, qui sont tous des enjeux que vous avez soulevés. Nous n’avons en effet pas de ressources pour cela, car nous n’avons accès à aucune source de revenus, du moins à un niveau adéquat.

Ce que je demande dans mon mémoire, et que je réitère en personne, c’est que vous appuyiez des amendements visant à reconnaître la compétence des Premières Nations sur ces questions. Actuellement, cela relève soit du gouvernement fédéral, soit des gouvernements provinciaux, et cela doit changer.

La sénatrice McCallum : Je pense que cela vaut aussi pour tous les sénateurs. Je ne sais pas si vous le savez, mais je suis seulement arrivée en décembre. Donc, je ne suis pas ici depuis longtemps. Soit, j’ai l’impression que tous ceux à qui je parle disent que l’adoption de ce projet de loi est chose faite, et je ne sais pas pourquoi les gens ont cette attitude. L’adoption du projet de loi est-elle inévitable, ou est-ce possible de l’arrêter? Voilà ma question.

Le sénateur Patterson : Il peut être bloqué.

La sénatrice McCallum : Je ne sais pas pourquoi, mais tout le monde tient ces propos, et cela me frustre.

La présidente : Sénatrice, le comité se réunit pour étudier le projet de loi, et si nous jugeons qu’il doit être modifié, alors nous proposerons un amendement. Si nous le trouvons parfait, nous l’adopterons tel quel. Si nous déterminons qu’il n’est pas bon, nous pourrons alors, ensemble, décider de ne pas l’adopter. Voilà pourquoi nous entendons des témoins. Notre rôle est de l’étudier et de déterminer la voie à suivre.

La sénatrice McCallum : Très bien; je voulais simplement clarifier ce point.

M. Jules : Ce sont toutes d’importantes questions.

M. Phillips : Sénatrice, permettez-moi d’apporter une précision à cet égard. Les Premières Nations ne cherchent pas à faire l’éloge d’un régime fiscal quelconque. Nous aimerions être consultés sur les modalités de la mise en œuvre de façon à pouvoir discuter des enjeux et des répercussions que cela aura dans notre communauté.

Nous ne demandons rien de plus que ce qu’ont déjà demandé les autres villes ou municipalités du pays. Je dis simplement qu’on nous a tenus à l’écart du partage de la tarte. S’il y a une chose que nous souhaitons, grâce à cette mesure législative, c’est bien que l’on mette un terme à cela. Le libellé ne doit pas nécessairement porter sur des choses qui préoccupent tout le monde, comme le partage des recettes tirées de l’exploitation des ressources, et cetera.

En fin de compte, mon objectif est que nous ayons les ressources pour composer avec cela, et vous pouvez nous aider à cet égard. Vous pouvez y inclure les modalités du partage des ressources fiscales. C’est un aspect que vous pouvez examiner. La province s’est déjà retirée; nous avons un autre conflit avec elle. Ce conflit ne vous concerne pas; toutefois, mesdames et messieurs les sénateurs, je suis loin d’abandonner, vous pouvez me croire.

Les choses évoluent, et c’est pourquoi nous sommes ici. Cela fait partie de l’équation. Les collectivités des Premières Nations réagissent toujours aux lois fédérales, et ce n’est qu’un autre exemple parmi d’autres.

La sénatrice Pate : Merci à tous d’être venus. J’aimerais poursuivre dans la même veine que les questions de la sénatrice McCallum.

Je me demande ce que disent vos aînés sur les progrès dans ce dossier. Chef Phillips, vous avez notamment parlé du message des jeunes. Je suis étonnée de l’intérêt que manifestent beaucoup de gens sur les aspects du projet de loi liés au développement économique.

Beaucoup de gens — pas toujours les mêmes — s’inquiètent des répercussions que cela aura sur les communautés. On parle des problèmes de toxicomanie, des traumatismes non résolus que les gens cherchent à engourdir par l’usage de drogues, y compris le cannabis.

J’aimerais savoir ce qu’en pensent les aînés, quels conseils ils vous ont donnés, et comment on compte régler les problèmes dont la sénatrice McCallum a parlé.

M. Phillips : Merci beaucoup. C’est une excellente question. J’ai omis de préciser que des aînés ont participé à notre conférence sur la santé, mais je peux vous relayer les propos qu’ils ont tenus.

Premièrement, il serait erroné de dire que cela n’existait pas. Le problème existe depuis longtemps et il est connu, mais il a été abordé de deux façons. D’abord, on l’aborde la même façon que l’usage du tabac. Il est utilisé, comme toujours, mais à des fins cérémonielles. C’est, depuis toujours, une plante médicinale. Il suffit de suivre le plan de traitement et les protocoles adéquats pour obtenir des résultats. Voilà ce que disent nos aînés.

Ce qui nous préoccupe actuellement, c’est l’idée selon laquelle il s’agit d’une drogue récréative, ainsi que la puissance et l’innocuité du produit. Les aînés ont des interrogations à ce sujet, et ils doivent aussi comprendre qu’ils ont affaire à un nouveau produit médicinal. Quels en sont les effets?

Comme ils ne le savent pas encore, ils font preuve de prudence et recommandent fortement de garder cela loin des enfants. Voilà pourquoi nous avons une compréhension différente des règles et des règlements. Nous appelons cela le gros bon sens. Contrairement à d’autres, nous n’avons pas besoin d’une loi ou d’un règlement pour nous dire d’empêcher les enfants d’y avoir accès.

Quoi qu’il en soit, nous les respecterons. Cela dit, les collectivités des Premières Nations n’auront aucune hésitation à se plaindre ou à argumenter sur ce genre de choses. On parle de sécurité; nous voulons avoir la certitude que le produit est sécuritaire. Comment pouvons-nous le savoir? Cette loi vise à rendre ce produit plus sécuritaire pour tout le monde.

Cela nous posera problème, peu importe la forme que prendra la réglementation ou le temps qu’il faudra pour la mettre en place, car cela nous ramène, en partie, à l’argument que font valoir les Premières Nations : nous n’avons pas été consultés d’entrée de jeu sur la question de l’accès à la marijuana à des fins médicales. Des monopoles ont déjà été créés. Cela nécessite d’importants investissements, étant donné les règles à cet égard. Il faut un réel engagement à aller de l’avant. Ce n’est pas une mince affaire; notre collectivité des Premières Nations doit trouver 30 millions de dollars.

Donc, je comprends le point de vue de M. Robinson lorsqu’il compare cela à des gens qui viennent dans la communauté en disant : « Chef, j’ai quelque chose de formidable à vous vendre. » C’est bien beau, tout cela, mais nous sommes passés à une autre étape.

Voilà le genre d’aspects que nous examinons; cela se rapporte au sujet qui nous occupe. Je suis perdu encore une fois, sénatrice. Je vous présente mes excuses. J’espère avoir réussi à répondre à votre question.

La sénatrice Pate : Merci.

M. Robinson : Au cours de mes voyages, j’ai tenu de nombreuses rencontres avec des conseils d’aînés et des dirigeants des collectivités et ils ont exprimé une multitude d’émotions, qui vont de la colère, en raison de l’absence de consultation, jusqu’à l’inquiétude, pour les jeunes. Je suis d’accord avec le chef Philips pour dire que nous n’avons pas besoin de règles écrites pour empêcher les jeunes d’y avoir accès, ou qu’il ne devrait pas y en avoir. Cela semble toutefois inévitable, puisque c’est ce que veulent les autorités.

Les collectivités avec lesquelles je fais affaire et je discute ont adopté quatre approches différentes pour la tenue de consultations à ce sujet.

Je discutais avec le représentant d’une communauté tandis que j’étais en route pour venir ici. Il a été question de faire un sondage auprès de tous les membres afin d’éclairer le chef et le conseil pour la prise des décisions.

J’ai assisté à des réunions communautaires. Habituellement, la majorité des membres de la communauté y participe, et nous avons l’occasion de présenter les informations de base sur le cannabis, les problèmes observés dans le passé, l’utilisation qu’on en fait actuellement et le rôle du crime organisé dans tout cela.

Beaucoup de communautés se préoccupent de la réaction des acteurs du marché clandestin après la mise en place de dispensaires ou de points de vente dans la communauté. On s’inquiète du tort — notamment les menaces — que la population pourrait subir de la part des membres du crime organisé, tant de l’extérieur que de l’intérieur des communautés. C’est une préoccupation importante.

À cela s’ajoute le fait que dans certaines collectivités, on considère que les questions liées au commerce de détail ou à la production ne se limitent pas à la collectivité elle-même. Par conséquent, on se préoccupe de la situation qui prévaudra à l’extérieur.

J’ai vraiment été marqué par le commentaire d’une aînée. C’était le mois dernier; elle a dit ce qui suit : « Je cherche à prendre la bonne décision, car nous ne voulons pas que cela nous arrive. Nous ne voulons pas que ce qui se produit à l’extérieur de la communauté nous arrive. » Ils veulent avoir compétence sur les activités liées à la sensibilisation et à la distribution du produit. La marijuana à des fins médicales a une teneur en THC différente de la marijuana à des fins récréatives et n’est pas non plus visée par les mêmes limites en nanogrammes. Des réponses à ces questions sont nécessaires.

Cela dit, les aînés jouent un rôle de protection dans tout cela. Beaucoup de collectivités dans lesquelles nous nous rendons se montrent réticentes et font preuve d’une grande prudence, sur recommandation des aînés. L’idée est de prendre le temps nécessaire et de tirer des enseignements de l’expérience liée à d’autres types de substances à usage récréatif, qui ont causé un tort considérable.

Nous avons consulté beaucoup de gens, et c’est ce que nous avons entendu. J’espère que cela contribue à répondre à votre question.

M. Jules : Dans les discussions que j’ai eues avec les gens de partout au pays, aînés ou non, les thèmes étaient essentiellement les mêmes pour tous : préoccupations liées à la santé et la sensibilisation, les jeunes et la réglementation.

Dans ma collectivité, une collectivité urbaine, la question est essentiellement savoir de qui relèvera la réglementation. Des boutiques de Kamloops souhaitent vendre dans la réserve de Kamloops, et le conseil de bande se demande comment réglementer cette activité s’il n’y a aucun point de vente dans la réserve. L’absence de dispositions à cet égard témoigne des lacunes de la Loi sur les Indiens et de la mesure législative dont nous sommes saisis.

Cela dit, les gens savent que c’est une réalité et que ce sera légalisé. Que fait-on, maintenant? C’est essentiellement pour cela que nous sommes ici. Il faut prendre acte de la réalité, pour ainsi dire.

M. Phillips : Pour terminer, sénatrice, nous n’avons pas encore tenu de discussions. Nous aurons d’autres informations sur les commentaires des aînés. Merci.

Le sénateur Patterson : Je tiens à dire, à l’instar de la sénatrice McCallum, que j’ai discuté avec des gens de collectivités éloignées, au Nunavut, qui sont aux prises avec de graves problèmes sociaux. Ce que j’entends, des maires, des conseils et des aînés, c’est qu’ils ont peur, qu’ils ne savent pas ce qui se passe, qu’ils se sentent dépassés et qu’ils veulent que cela ralentisse ou s’arrête.

J’ai de sérieuses réserves concernant les répercussions, en particulier sur le cerveau en développement des jeunes. Cependant, puisque nous sommes allés dans des réserves qui n’ont pas de revenus autonomes, je comprends aussi qu’on puisse considérer cela comme une occasion, en particulier si cette industrie considérable, où d’importantes sommes sont en jeu... On parle de milliards de dollars. Les chiffres que j’ai entendus sur la taille potentielle de ce secteur sont stupéfiants.

Si cela devait être adopté, les Premières Nations resteraient-elles à l’écart et se retrouveraient-elles dans la situation décrite par le commissaire Jules? Nous parlons ici d’enfreindre la loi, d’une situation comme la fabrication illégale de cigarettes et d’autres problèmes que nous connaissons trop bien.

Ma question est la suivante, en supposant que cela puisse être adopté... Je tiens toutefois à préciser que pour devenir loi, cette mesure législative doit être adoptée par le Sénat. Nous avons maintenant des sénateurs indépendants qui ne peuvent être intimidés par le gouvernement, du moins en théorie. Il sera donc intéressant de voir la suite des choses. Cela dit, ma question est très simple, commissaire Jules. Vous avez parlé, de l’option de la perception fiscale. Pourriez-vous nous dire pourquoi il est important que la taxe d’accise soit optionnelle?

M. Jules : Pour la raison précise évoquée par le chef Phillips. Il veut avoir le choix. Partout au pays, les collectivités veulent se faire leur propre idée, et elles ont mon appui. Je crois que chaque collectivité doit pouvoir prendre ses propres décisions. Voilà pourquoi je propose que la disposition soit optionnelle.

Le sénateur Patterson : Si vous me le permettez, je ferais remarquer que 230 nations ont mis sur pied leurs propres autorités fiscales en vertu de la Loi sur la gestion financière des premières nations, et vous avez évoqué le soutien relatif à vos recommandations de ce soir.

Faites-vous référence à ces 230 nations ou est-ce que ce soutien est plus large? Pourriez-vous nous donner une idée de la raison pour laquelle vous…

M. Jules : Partout où j’ai été, à chaque réunion à laquelle j’ai assisté, le sujet était sur les lèvres de chaque représentant du gouvernement et de conseil de bande auquel j’ai parlé. Qu’adviendra-t-il de nos compétences dans ce dossier? Allons-nous nous retrouver encore une fois Gros-Jean comme devant? La question fait donc l’objet de bien des discussions. Je pense que les gens sont fort déçus que l’on n’ait pas pensé à eux d’entrée de jeu.

Juste pour renforcer mon argument, sachez qu’on ne saurait trop insister sur les avantages que présente un régime de réglementation à cet égard, car il fait en sorte qu’il est plus facile pour les petites communautés d’assumer des compétences et de les mettre en œuvre. Nous disposons de ressources pour nous assurer que les gens sont formés afin de pouvoir tirer profit de la situation.

De plus, nous avons reçu de nouveau 400 millions de dollars en obligations au titre de la Loi sur la gestion financière des premières nations, ce qui a littéralement généré des milliards de dollars pour les communautés des Premières Nations. Il y a une somme de 1 milliard de dollars en vertu de la loi elle-même, à laquelle s’ajoutent 1 milliard de dollars supplémentaires pour des raisons de compétences. Ainsi, quand on a des pouvoirs, on a tout ce qui va avec, car on est un gouvernement. On peut prendre de nombreuses décisions qui améliorent sa capacité d’édifier des infrastructures et d’établir un régime économique viable.

Le sénateur Patterson : Vous possédez de l’expérience et des capacités en création de régime fiscal, et je suis certain que des experts travaillent avec vous. Où allons-nous à partir de maintenant? Vous avez recommandé d’apporter des amendements. Êtes-vous en mesure d’élaborer des amendements que nous pourrions examiner, ou recommandez-vous que nous… Comment pouvons-nous entreprendre la prochaine étape si nous décidons que nous voulons soutenir votre…

M. Jules : Je vous ferai parvenir certains amendements potentiels pour que vous les étudiiez.

La sénatrice McCallum : En ce qui concerne tous les revenus que le cannabis générera, sachez que dans bien des communautés avec lesquelles j’ai travaillé, un grand nombre de gens vivent de l’assistance sociale. Je dirais qu’une bonne partie des fonds est déjà dépensée dans des bingos ou diverses dépendances.

D’où viendra tout cet argent qui sera généré quand on tient compte de la structure sociale, pas seulement dans les communautés des Premières Nations, mais dans le pays tout entier.

D’où viendra la plus grande partie des revenus?

M. Jules : Eh bien, pour toute entreprise, ils viennent d’un certain nombre de sources. Dans ce cas précis, ils seront générés par les producteurs, les gens qui cultivent le cannabis et le transforment en divers médicaments que les gens consommeront. Une panoplie de sociétés interviendront, établissant différents…

La sénatrice McCallum : Je parle des Premières Nations.

M. Jules : Oui, mais elles seront incluses, car elles veulent voir le cannabis comme une occasion d’affaires. Tout un éventail d’investissements seront donc effectués à l’échelle nationale et internationale, et les gens achèteront et consommeront du cannabis. C’est ce que nous avons.

La sénatrice McCallum : Non, je parle des gens vivant dans les communautés qui n’ont pas les moyens de dépenser, que ce soit pour acheter du tabac, parier ou jouer au bingo. Ces dépendances génèrent des revenus substantiels. Cet argent sort de leur…

M. Jules : Les communautés et les personnes doivent alors décider ce qu’elles veulent faire de leur vie. Elles doivent faire un choix. Il y a effectivement bien des problèmes de dépendance, et il faut s’y attaquer. Nous n’avons toutefois pas les ressources pour le faire. Le cannabis nous permettrait d’avoir quelques ressources pour résoudre ces problèmes.

La question est complexe, et les gens décideront par eux-mêmes ce qu’ils feront. J’ai vu des gens si dépendants du tabac qu’ils fumaient comme des cheminées. Je voudrais qu’ils arrêtent, mais c’est leur choix. J’ai vu des gens boire au point de tout oublier et, finalement, d’en mourir. Je souhaiterais que pareille chose n’arrive jamais, mais chaque société a ses maux sociaux. Ce qu’il faut, c’est décider comment nous nous y attaquerons à titre de société; nos communautés doivent pouvoir lutter contre ces problèmes. À l’heure actuelle, nous sommes les plus pauvres des indigents.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je vous souhaite de nouveau la bienvenue. J’ai consulté des électeurs de ma communauté, et la plupart d’entre eux vivent de l’aide sociale offerte aux personnes handicapées. Ils se demandent ce que feront ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter de la marijuana thérapeutique pour soulager leurs maux lorsque la loi entrera en vigueur. La marijuana, étant un produit médicinal, s’avère utile dans bien des maladies.

Pensez-vous que cette substance devrait être considérée comme une ressource médicale?

M. Jules : À mon avis, il s’agit de questions de politiques qu’il faudra régler. Certaines le seront à l’échelle nationale, d’autres à l’échelle provinciale et locale.

M. Philipps : Voilà qui nous ramène à ce que je disais plus tôt sur la distinction entre le cannabis et la marijuana. Sur le plan de l’application et de l’utilisation médicales, la marijuana ne devrait pas figurer sur la liste et ne devrait pas être différente des autres médicaments, comme ceux pour le diabète ou d’autres maladies. Pourquoi? À cause de son prix élevé. La confection de ce produit exige des investissements considérables, comme M. Robinson l’a souligné. Étant donné que son prix sera élevé, nous avons besoin de ce coup de pouce.

À l’heure actuelle, les communautés des Premières Nations dépendent encore de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits et du Programme des services de santé non assurés. Il n’y a tout simplement pas assez de ressources pour la couverture dont nous avons besoin actuellement.

La pression sera-t-elle forte? Oui. Des ressources supplémentaires seront nécessaires, juste pour l’aspect médical de la chose, et nous ne parlerons pas de l’augmentation des coûts en raison des autres traitements et des effets nocifs une fois que la consommation à des fins récréatives sera autorisée. Rappelez-vous que la marijuana thérapeutique doit être prescrite par un médecin. Ce n’est pas une solution de premier ressort, mais de deuxième, de troisième et de quatrième ressort. C’est une distinction qu’il faut faire. Les problèmes que tout le monde évoque concernent la légalisation prochaine de la consommation à des fins récréatives, des problèmes que personne ne saisit bien.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci de cette réponse.

M. Robinson : Je voudrais donner suite un instant aux commentaires de la sénatrice McCallum sur l’origine de l’argent. Malheureusement, d’après ce que j’ai vu en vivant et en faisant régner l’ordre dans les communautés, il sort des poches des moins nantis. Comme nous le savons tous ici, les symptômes de ce problème sont criants, et la légalisation du cannabis accentuera les pressions sur les organismes sociaux, sur les familles et sur ceux et celles qui doivent prendre soin de leur famille.

Je peux vous le garantir, à titre de jeune policier qui intervient auprès des familles chaque jour. C’est pourquoi, dans le cas présent, il importe tant de faire de l’éducation et d’informer les gens sur ce qui s’en vient avant la légalisation. J’ai toujours été en faveur de toutes les mesures de lutte contre les dépendances, et pas seulement dans les communautés des Premières Nations, mais il faut aussi admettre que, plus on éduque les enfants jeunes à l’école, mieux c’est. J’ignore si nous aurons l’occasion d’intervenir à ce chapitre. De toute évidence, ce ne sera pas le cas si la légalisation s’effectue en juillet. Il faudra faire du rattrapage sur le plan de l’éducation, ce que je trouve malheureux.

En ce qui concerne la question de la sénatrice sur le cannabis et les paiements, tout le monde ici doit comprendre, comme je sais que vous le faites, que la consommation de marijuana fumable à des fins récréatives n’est qu’un wagon d’un très long train. Ce n’est que la toute première vague qui touchera le rivage. La deuxième vague comprendra les produits mangeables et infusés, les crèmes et les onguents, ainsi qu’une panoplie de produits, comme les produits pharmaceutiques, qui restent dans l’ombre de ce qui se prépare actuellement. Le cannabis se retrouvera partout, dans les tonics capillaires, les crèmes pour la peau, les biscuits, les oursons en gelée et tutti quanti. Ce n’est que la toute première vague qui arrive.

Voilà pourquoi il faut comprendre que les produits fumables ne sont que le tout premier wagon du train et qu’il y en a beaucoup plus derrière. C’est vraiment incroyable.

M. Philipps : Tous ces produits peuvent être mis en marché, avec des règlements.

La présidente : Comme il n’y a plus d’autres questions, je voudrais, au nom du comité, remercier nos témoins de ce soir : M. Manny Jules, de la Commission de la fiscalité des Premières Nations, M. Bill Robinson, d’Indigenous Peoples Cannabis Association, et le chef Randall Phillips, de l’Oneida Nation of the Thames. Merci, messieurs, d’avoir répondu aux questions et d’avoir formulé d’excellentes observations et réponses.

(La séance est levée.)

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