Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule no 34 - Témoignages du 23 mars 2018 (séance de l'après-midi)
WINNIPEG, le vendredi 23 mars 2018
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 13 h 58, afin d’étudier les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : J’aimerais souhaiter la bienvenue à notre premier groupe d’experts cet après-midi. Nous poursuivons notre étude sur les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis. L’un des sujets particuliers qui seront abordés cet après-midi est l’effet de la légalisation du cannabis sur les communautés autochtones.
Je suis heureuse d’accueillir le représentant de la Fédération des Métis du Manitoba, M. Jack Park, ministre de l’Énergie et de l’Infrastructure, et, à titre personnel, la Dre Catherine Cook, Mme Melanie MacKinnon et le Dr Ian Whetter, tous membres de l’Université du Manitoba.
Nous disposons d’une heure au total. Nous entendrons d’abord les observations du groupe d’experts, puis les sénateurs poseront des questions.
Monsieur Park, veuillez commencer.
Jack Park, ministre, Énergie et Infrastructure, Fédération des Métis du Manitoba : Au nom du gouvernement de la Fédération des Métis du Manitoba, je vous remercie de nous permettre d’intervenir cet après-midi et de votre aimable présentation.
Je devrais vous fournir un peu plus de précisions quant à mon rôle au sein du gouvernement de la nation des Métis du Manitoba. Je suis non seulement ministre de l’Énergie et de l’Infrastructure, mais aussi président de la Metis N4 Construction, un organisme à but lucratif du gouvernement. Nous avons présenté une proposition sur les débouchés du cannabis au Manitoba, sur laquelle nous vous communiquerons plus de renseignements un peu plus tard. Je tenais avant tout à aborder la question de notre relation de nation à nation avec le gouvernement du Canada et de notre position jusqu’à maintenant.
Compte tenu des commentaires que j’ai entendu notre président, David Chartrand, formuler, je peux vous dire que les nouvelles sont fantastiques. Le récent budget est un excellent exemple de l’engagement du gouvernement à l’égard de l’ensemble des Métis du Canada. Nous sommes ravis que le gouvernement constate maintenant l’incidence que les Métis peuvent avoir si on leur donne l’occasion de participer à l’économie.
Cette chance ne nous a pas été offerte par le passé. Sous les gouvernements précédents, il nous fallut combattre pour chaque petite concession que nous pouvions obtenir. Je pense, entre autres, à la consolidation de l’article 35, qui a permis d’inclure les Métis dans la Constitution de 1986. La réussite de cette initiative a exigé beaucoup de temps. Nous croyons que c’est maintenant un fait accompli, et nous sommes très reconnaissants au premier ministre Trudeau et à son gouvernement de la relation qu’ils ont nouée avec nous et qu’ils continuent de favoriser au profit de notre peuple.
Je peux également affirmer que nous sommes très satisfaits de la participation des sénateurs du Manitoba qui continuent d’appuyer nos entreprises au sein de la province. Je suis sûr que vous avez tous entendu les nouvelles des derniers jours. La Fédération des Métis du Manitoba et notre relation avec la province traversent une excellente période. Je ne tiens pas à trop m’étendre sur le sujet, car nous ne sommes pas ici pour discuter de notre province. Nous sommes ici pour parler du gouvernement du Canada.
Dans l’ensemble, nous sommes très satisfaits et tout à fait emballés de l’occasion qui nous est donnée de faire nos preuves. Au cours des quelque quatre dernières années, nous avons établi notre propre pharmacie métisse en face de notre siège social, au 150, avenue Henry. En raison des possibilités économiques qui nous ont été offertes au cours des deux dernières années et demie dans le cadre du projet d’Hydro-Manitoba, nous avons réalisé d’importantes recettes. Nous restituons maintenant l’argent à nos citoyens métis en veillant à ce que nos aînés n’aient plus à se préoccuper de l’achat de leurs médicaments. Notre président s’est engagé à faire en sorte que nos aînés obtiennent leurs médicaments gratuitement. Ils doivent simplement satisfaire à quelques conditions, mais il leur a garanti qu’ils n’auraient plus jamais à s’inquiéter d’être en mesure de payer leur loyer ou leur facture d’électricité. Le fardeau médical qui pèse sur nos aînés est immense. Nous sommes très heureux d’avoir l’occasion de témoigner de notre reconnaissance à nos aînés, qui nous ont guidés jusqu’à maintenant. Nous nous réjouissons de cela.
Je ne tiens pas à accaparer votre temps beaucoup plus longtemps. Donnons donc aux autres intervenants l’occasion de s’exprimer. Je suis très heureux de la relation que le gouvernement du Canada entretient avec la nation des Métis à l’échelle nationale.
Dre Catherine Cook, vice-doyenne, Santé des Autochtones, faculté des sciences de la santé Rady, et chef, Ongomiizwin, Indigenous Institute of Health and Healing, Université du Manitoba, à titre personnel : Je vous remercie de l’occasion qui nous est donnée de vous entretenir de certains des enjeux propres aux services de santé, à l’éducation et à la recherche que nous jugeons importants dans la relation qui existe entre le Canada, les provinces, les Premières Nations et les populations de Métis et d’Inuits.
Notre système de santé actuel, ainsi que d’autres systèmes comme ceux liés à l’éducation, à la protection de l’enfance et à la justice, reposent principalement sur des lois et des politiques qui ont été adoptées dans le passé par le gouvernement fédéral. Quand les systèmes ont évolué davantage et que leur responsabilité a été confiée aux provinces, la séparation et les restrictions imposées par les directives fédérales, comme la Loi sur les Indiens et la Politique sur la santé des Indiens, ont entraîné des disparités et des injustices flagrantes en raison de l’ambiguïté en matière de compétence. De plus, certaines provinces hésitent à assumer la responsabilité financière de certains services de santé et de certaines prestations destinés aux membres des Premières Nations, en dépit du fait qu’ils sont à la fois membres de la province et des Premières Nations.
Les Premières Nations souhaitent également tenir le gouvernement fédéral responsable des engagements qu’il a pris, étant donné que, souvent, elles n’entretiennent pas des relations solides avec les provinces. Les systèmes coloniaux renforcent l’impression de la société canadienne selon laquelle il est acceptable d’adopter des comportements racistes et discriminatoires à l’égard des Autochtones. Ces systèmes laissent aussi entendre que les Autochtones obtiennent tout gratuitement, ne s’occupent de rien et adoptent des modes de vie malsains caractérisés par la consommation de drogues et d’alcool.
Plusieurs obstacles liés à des politiques découlent de l’ambiguïté en matière de compétence et des soins de santé. Au nombre de ces obstacles, on retrouve l’accès aux services offerts par les provinces, l’interaction entre les deux systèmes, l’accès aux prestations de santé et aux moyens de transport, et l’impression qu’ont les travailleurs de la santé que les Premières Nations, les Métis et les Inuits bénéficient d’un système parallèle de soins de santé primaires financé complètement par le gouvernement fédéral. Souvent, ces systèmes excluent ou marginalisent les Autochtones, minent nos aptitudes, portent atteinte à nos contributions et présument que les Autochtones sont des profiteurs incapables de gérer leur vie. J’adopterai un ton un peu plus positif dans à peu près deux minutes. Vous pouvez donc vous détendre. Tout en reconnaissant essentiellement que des injustices existent en ce qui concerne l’admission et l’accès à la plupart des services et qu’il y a d’importantes disparités entre les systèmes financés par les provinces et les systèmes financés par le gouvernement fédéral, on peut constater que certaines mesures peuvent être prises.
Comme l’Université du Manitoba a reconnu au cours des dernières années que les Premières Nations, les Métis et les Inuits pouvaient avoir été découragés ou avoir eu un accès inéquitable à une éducation appropriée, en raison de disparités en matière de finances et de ressources humaines, l’université s’est employée à soutenir les collectivités et les étudiants en organisant diverses activités. Le vice-recteur de la mobilisation des Autochtones assume un rôle de chef de file en favorisant à plusieurs endroits la sensibilisation aux Autochtones, la mobilisation des Autochtones et les réalisations autochtones.
À la faculté des sciences de la santé Rady, où nous travaillons tous, nous avons créé l’Indigenous Institute of Health and Healing approuvé par le sénat avec l’appui de nos alliés et de nos collègues. Nous l’avons appelé Ongomiizwin. L’institut soutient la santé des Autochtones au moyen des trois piliers suivants : la recherche, l’éducation et la prestation de services de santé. Nos modèles sont élaborés ou influencés par la communauté. Le plan d’action de notre faculté en matière de réconciliation guide le travail que nous accomplissons.
La création d’un poste de vice-doyenne de la santé des Autochtones pour la faculté des sciences de la santé Rady, poste que j’occupe, a permis le développement de l’infrastructure requise pour mieux remédier aux iniquités liées assurément à l’accès, mais aussi aux disparités, aux ressources disponibles, aux services de soutien et au nombre de mentors, de membres du personnel et de facultés autochtones.
À Ongomiizwin, nous aidons les étudiants autochtones à réussir des programmes en médecine, en sciences infirmières, en pharmacie, en sciences de la réadaptation et en dentisterie menant à l’obtention de grades de professionnel de la santé, et nous aidons les étudiants diplômés à mener des recherches en santé autochtone. Cela a été accompli en rectifiant les injustices des processus d’admission, en tâchant de créer des milieux culturellement sécuritaires grâce à l’élaboration d’un solide programme d’études sur la santé autochtone, à la mobilisation de la communauté et à l’offre de stages communautaires et de possibilités de formation.
Le volet de recherche d’Ongomiizwin continue de renforcer ses relations avec des partenaires de recherche autochtones en mettant l’accent sur des recherches qui sont significatives pour nos collectivités. Nous avons noué de solides relations avec les IRSC et leurs chercheurs. Nos services de santé, anciennement connus sous le nom d’unité médicale du Nord, ont plus de 40 années d’expérience de la prestation de services auprès des collectivités. Les efforts déployés récemment pour se porter à la rencontre de la communauté autochtone en vue d’élaborer des modèles de service et pour accentuer la mobilisation ont entraîné la création d’une charte des médecins. En fait, j’ai apporté des copies de certains des travaux que nous avons réalisés, au cas où vous aimeriez les avoir comme ressources documentaires.
La raison pour laquelle cela importe, c’est que tous nos étudiants titulaires de grades de professionnels de la santé ont été instruits à l’université, mais les stages ont tous lieu au sein d’établissements relevant de l’office régional de la santé de Winnipeg. Nous disposons d’un système parallèle en ce sens que nous avons créé des programmes de santé autochtone afin de pouvoir aider les patients et les familles métis, inuits et des Premières Nations qui reçoivent des services de santé. Ce système comprend des services d’interprétation en plusieurs dialectes. En ce qui concerne la planification des congés, elle avait toujours représenté un énorme problème pour certains de nos membres. Les gens qui, après un séjour à l’hôpital, sont renvoyés dans leur collectivité en présumant à tort qu’elle dispose de certaines ressources sont plus susceptibles de souffrir assez rapidement de décompensation au sein de la collectivité en question.
Nous disposons aussi d’un défenseur particulier des intérêts des patients autochtones afin de régler les problèmes à mesure qu’ils se posent. Les problèmes les plus communs sont liés à l’accès à des ressources qui soutiendraient les clients. Comment peuvent-ils avoir accès à des prestations de santé non assurées, à un logement, à des aides à la mobilité et à des transports pour raisons médicales? Souvent, les gens sont maltraités ou incompris au sein du système de soins de santé, ainsi qu’au sein d’autres systèmes. Nous souhaitions créer un endroit sécuritaire où les gens peuvent exprimer leurs préoccupations. Nous offrons de leur expliquer les étapes du processus, et nous cherchons à arbitrer ou à atténuer les différends auxquels les gens font face, mais cela ne fonctionne pas toujours. Nous sommes là pour aider les gens. Nous sommes certainement très qualifiés et bien informés en ce qui concerne les recours dont peut se prévaloir toute personne qui rencontre des problèmes au sein du système de soins de santé.
Il importe également de développer une main-d’œuvre représentative de la communauté. Nous envisageons donc d’embaucher un plus grand nombre d’Autochtones, et nous étudions la nécessité de former notre personnel actuel. Il était primordial pour les Autochtones et pour la résolution de nos problèmes que nous développions un programme d’éducation et de formation culturellement sécuritaire. Nous l’avons fait. Le processus est maintenant en cours, ainsi que l’offre de plusieurs ateliers. Nous avons établi un système qui permet aux gens d’avoir accès à des guérisseurs traditionnels et à des aînés dans nos établissements, s’ils le souhaitent. Ce système fonctionne très bien.
Les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation nous ont donné l’occasion de rallier l’office régional de la santé et ont donné à l’université la chance de prendre un engagement plus complet à l’égard de la communauté autochtone. Notre cadre d’action comprend des cibles mesurables et des produits livrables qui orientent notre travail. Le plan d’action n’est pas composé de mesures que les Autochtones doivent prendre, mais il concerne plutôt l’ensemble des Canadiens, des membres du personnel, des facultés et des étudiants. Je vous ai fait part de certains des exemples, comme le plan d’action de l’université en matière de réconciliation. Celui de l’Ontario est raisonnablement réussi. Leur rapport annuel d’étape met l’accent sur les thèmes auxquels appartiennent les produits qu’ils ont livrés. Nous envisageons de faire la même chose au Manitoba.
Nous avons la Loi sur la réconciliation. Nous avons présenté notre premier rapport d’étape de l’année en cours par l’entremise du gouvernement du Manitoba. Nous aimerions que le rapport soit un peu plus structuré et que le bureau du ministre ne soit pas le seul intervenant à réagir au travail réalisé, de sorte que chaque personne qui fournit un service puisse participer au processus. Les obstacles liés à des politiques sont essentiellement les ambiguïtés en matière de compétence, ainsi que les problèmes de financement des soins de santé et des prestations de santé. Le financement a toujours représenté un énorme défi au Manitoba.
Je vais conclure en posant une question. Nous pourrions peut-être en discuter. Maintenant que les programmes de santé des Premières Nations relèvent de Services aux Autochtones Canada, comment les mettront-ils en œuvre ou assumeront-ils la responsabilité du mandat en matière de services de santé, anciennement établi par les dirigeants opérationnels et stratégiques de Santé Canada? Nous pouvons accomplir pas mal de choses si les dirigeants, les alliés et les personnes en position d’autorité font preuve d’une grande détermination et travaillent à nos côtés pour veiller à ce que ces choses se produisent.
Nous avons travaillé d’arrache-pied afin de nous assurer que nos collectivités nous appuient, à l’instar de nos étudiants et de notre faculté. Nous nous sommes légèrement attaqués à certains des problèmes auxquels nous faisons face en raison des obstacles créés par les lois et les politiques.
Melanie MacKinnon, directrice générale, Services de santé Ongomiizwin, Université du Manitoba, à titre personnel : Je vous remercie de nous avoir invités, moi et les autres membres de notre équipe. C’est un grand honneur et un privilège de comparaître devant vous. Outre les renseignements que la Dre Cook vous a communiqués, je parlerai plus précisément des relations de nation à nation. Je tiens aussi à m’exprimer à titre personnel.
Mes antécédents sont en sciences infirmières. Je suis une Crie originaire de la Nation crie de Misipawistik. Tout mon travail clinique a été effectué dans des réserves éloignées ou isolées. Lorsque le stade clinique de ma Drcarrière a pris fin, j’ai assumé des rôles de gestion et d’analyse des politiques pour le compte de l’Assemblée des chefs du Manitoba, puis des rôles plus liés aux services de santé et à l’enseignement universitaire. Je suis très chanceuse d’avoir eu une solide carrière entièrement consacrée à la santé autochtone.
En plus de mon cheminement intellectuel, professionnel ou universitaire, j’aimerais vous faire part de ce que, sur le plan personnel, j’ai fait pour moi-même et pour ma famille. Je suis une danseuse du soleil, une traditionaliste et une spécialiste des cérémonies. Je suis fière d’être en mesure de travailler avec la Dre Cook, qui me permet d’utiliser toute ma personne pour jouer mon rôle particulier.
Il était important que je vous communique cette information, parce que je souhaite parler de la santé d’un point de vue global. En tant que membre d’un effectif nous ne pouvons nous attendre à ce que nos collègues, nos professionnels de la santé et nos membres du personnel laissent une partie d’eux-mêmes à la maison, comme leur esprit ou leur richesse ou santé émotionnelle. Certaines des initiatives que nous avons été en mesure de mettre en œuvre à Ongomiizwin visent à intégrer dans notre conception organisationnelle particulière les cérémonies que nos aînés utilisent à des fins d’enseignement. Nous croyons que la culture peut modifier la culture organisationnelle et rendre sain un milieu de travail. Comme la Dre Cook l’a mentionné, nous avons grandement investi dans la formation de praticiens de la santé compétents et culturellement sécuritaires. Chaque année, chaque jour, nous contribuons à accroître leur nombre. Ces praticiens souhaitent également travailler dans un milieu sécuritaire. Ils veulent être au service d’une organisation culturellement sécuritaire. Cela signifie qu’en fait, le pouvoir doit être redistribué ou rééquilibré.
Lorsque je parlerai des relations, je le ferai relativement au pouvoir. D’abord et avant tout, notre vice-doyenne et notre vice-recteur ont eu la capacité d’embaucher une masse critique de chefs de file de la santé autochtones dans plusieurs différents secteurs cliniques. Grâce à notre masse critique, nous avons été en mesure de guider et façonner les procédures stratégiques requises pour nous amener à créer l’Indigenous Institute of Health and Healing approuvé par le sénat.
Beaucoup de travail s’est fait en coulisse. L’un de nos principes fondamentaux était le respect de la relation de nation à nation. En tant qu’institution d’enseignement ou en tant qu’université, nous ne sommes pas en position de négocier au nom des collectivités. Nous voulons nous engager dans des relations bilatérales avec elles, dans des relations en tant que signataires en ce qui concerne les services que nous offrons, et pas nécessairement plus que cela. Nous devons respecter la nature de ces principes originels et du rôle qu’ils jouent dans la réparation de la relation.
Nombre d’entre vous sont au courant de ces grands principes : le respect pour le respect, la réconciliation, la coopération et les relations. Au chapitre de la réconciliation, il nous fallait comprendre qu’il y a de multiples niveaux et que la première partie est en nous-mêmes. Cela concerne l’embauche de personnel et le fait d’être entier lorsqu’il est question de l’endroit que nous cherchons à créer. Comme le premier ministre Trudeau l’a dit, la réconciliation se fait entre moi et vous, ainsi qu’entre mon esprit et le vôtre. C’est assurément l’esprit qui caractérise le contexte culturel de notre organisation.
Il y a quelques autres aspects dont il faut tenir compte en ce qui concerne la modalité de la prestation de service : la création de programmes méditatifs pour les collectivités que nous desservons; le recrutement et le maintien en poste des praticiens, des professionnels et des alliés culturellement compatibles dont nous avons parlé; et une approche antiraciste. Nous continuons d’obéir aux principes qui s’accordent au point de vue des Premières Nations, tels qu’énoncés par le regretté grand chef Dave Courchene dans Wahbung: Our Tomorrows. Comme beaucoup d’entre vous le savent, cet ouvrage a été écrit en 1971 en réponse au livre blanc et a servi à étoffer le livre rouge national. Quelque 47 ou 48 ans plus tard, nous sommes toujours en train de travailler sur ces principes. En un demi-siècle, peu de choses ont changé. Notre façon de changer les choses de l’intérieur vers l’extérieur est notre locus de contrôle, et cela se fait depuis le milieu académique, depuis le milieu universitaire.
En ce qui concerne la santé, nous savons que nous n’aurons jamais la santé intégrale sans la richesse. Depuis un certain nombre d’années, nous nous focalisons sur un paradigme ou sur un système de soins de santé, ainsi que sur les responsabilités que nous avons à l’égard de notre santé et de notre bien-être. Dans l’optique de la santé de la population et de l’équité en matière de santé, nous savons que nous devons réfléchir de façon beaucoup plus globale que dans le simple contexte du système de santé. Ce à quoi cela pourra ressembler, la définition même de cette vision et des scénarios connexes doivent être discutés. C’est le travail que nous devrons tous faire pour la suite des choses.
J’aimerais citer un passage du livre de Shaun Loney, un entrepreneur social, intitulé An Army of Problem Solvers: Reconciliation and The Solutions Economy. Nous essayons vraiment d’envisager notre santé à travers la lentille des déterminants sociaux et de celle de la santé de la population. Nous essayons de voir comment nous allons pouvoir apporter des améliorations à l’extérieur du système de santé. Parallèlement aux efforts du gouvernement canadien de « sortir l’Indien de l’enfant », il y a eu toute une gamme de politiques pour « sortir l’Indien de l’économie ». Un trop grand nombre de ces politiques persistent encore aujourd’hui. La prospérité est l’antidote à la pauvreté. Sans richesse, notre santé restera précaire.
Voilà le point de vue que nous souhaitons promouvoir à travers nos efforts collectifs avec nos partenaires, ainsi que dans nos relations régionales et nationales. Nous devons sans relâche envisager la santé selon ce à quoi elle doit ressembler dans une perspective plus globale. Je vais m’arrêter là.
Dr Ian Whetter, chef des services médicaux, Services de santé Ongomiizwin, Université du Manitoba, à titre personnel : Je suis médecin de famille. J’ai eu le privilège de travailler avec un certain nombre de communautés autochtones à travers le Canada. Lors de ma formation, j’ai eu l’occasion de travailler à Cambridge Bay, au Nunavut. J’ai fait ma formation en résidence à Terre-Neuve-et-Labrador. J’ai travaillé avec certaines collectivités inuites de Nunatsiavut, ainsi qu’avec les collectivités inuites de Sheshatshiu et de Natuashish. Une fois ma résidence terminée, je suis revenu, et j’ai travaillé avec les collectivités inuites de Kuujjuaq, au Nunavut ainsi qu’à Quaqtaq, sur la côte de l’Ungava. J’ai ensuite déménagé au Manitoba où j’ai travaillé — d’abord par l’intermédiaire des Services de santé Ongomiizwin, puis de l’Unité médicale du Nord — pour les collectivités de Little Grand Rapids, de Pauingassi, de Barron River et de Norway House.
Pendant mon séjour dans ces communautés, j’ai rencontré des enseignants vraiment très compétents qui m’ont ouvert les yeux sur l’existence d’une vérité flagrante que ceux d’entre nous qui sont des colons non autochtones doivent accepter pour avancer.
S’ajoute à cette expérience le fait que j’ai grandi sur une ferme du sud-ouest du Manitoba. De toute évidence, notre terre était une terre autochtone qui s’était retrouvée dans les mains de ma famille. La façon dont cela s’est passé n’est pas une chose dont nous parlions, mais il ne fait aucun doute qu’il y avait sur le terrain certaines pierres qui avaient été disposées de façon particulière. Il y avait des amas de pierres qui indiquaient manifestement la présence de tombes. Mon père se souvient que, dans les années 1950, il s’était rendu sur les rives d’un lac du sud-ouest du Manitoba et qu’il avait vu des tipis dans un campement itinérant. Ce n’était pas le cas dans mon enfance. Donc, le processus de colonisation était vraiment récent pour ma famille et nous n’en parlions jamais.
En jetant un coup d’œil à mon histoire familiale, je suis tombé sur une note écrite par mon arrière-grand-mère concernant mes ancêtres agriculteurs d’origine écossaise qui sont venus s’installer dans la région de Minnedosa. Les Ojibway de Rolling River, au Manitoba, s’étaient soulevés. Ils n’ont pas aimé qu’on leur enlève leurs terres et qu’on construise des clôtures. Essentiellement, on les chassait de leurs terres. Les membres de ma famille — mes ascendants de sang directs — se sont portés volontaires pour prendre les armes afin de réprimer ce soulèvement et d’affirmer leur mainmise sur ces terres. Je vois aussi dans mon histoire familiale que ces mêmes agriculteurs écossais se sont portés volontaires pour prendre les armes lorsque la police montée du nord-ouest a voulu traquer Louis Riel. Ils n’avaient pas à le faire, mais ils étaient d’avis que c’était important pour leur propre survie à cet endroit.
Ce ne sont pas des choses que notre famille répète. Lorsque nous nous réunissons chaque année, nous jouons au curling et au golf parce que nous sommes une famille écossaise, mais nous ne célébrons pas les horreurs auxquelles les nôtres ont pris part. C’est quelque chose que nous allons devoir faire en tant que Canadiens. Je sais que c’est compliqué parce que certains d’entre nous ont un côté écossais et un côté cri. Comment peut-on arriver à concilier ces choses dans son propre corps?
La Commission de vérité et réconciliation nous indique que ces conditions se réunissent dans cet ordre pour une raison très précise et que nous ne pouvons pas parvenir à la réconciliation sans passer par la vérité. Ceux d’entre nous qui sont des Canadiens non autochtones veulent parvenir à la réconciliation sans passer par la vérité. Nous devons scruter nos consciences avec le plus grand soin. Nous devons garder nos familles à proximité lorsque nous nous engageons dans des conversations pénibles au sujet de cette vérité et sur la façon dont les nôtres ont été historiquement complices.
Leslie Spillett, une figure de proue très influente dans cette communauté, ne nous demandait pas d’assumer la responsabilité de ce qu’ont fait nos ancêtres. Elle nous demandait de démanteler cette structure du pouvoir mise en place pour veiller à ce que le pouvoir aille toujours dans notre direction. Voilà ce que j’estime être notre vraie responsabilité. En tant que fournisseurs de soins de santé non autochtones travaillant dans les collectivités, nous avons été accusés d’être des artisans de la misère des Autochtones, et de chercher à extraire une ressource : la souffrance des peuples autochtones. Si cette accusation n’est pas erronée, cela signifie que nous allons devoir changer notre comportement en profondeur. Je crois que ce comportement transformé ressemblera à une reconnaissance du fait que notre relation avec les Autochtones est une relation abusive. En tant que partie agressante, nous allons devoir trouver un moyen de mettre un terme à cette dynamique d’abus et nous allons devoir chercher notre propre guérison.
Mes collègues autochtones et mes conseillers autochtones m’ont dit avec une grande générosité et une infinie sollicitude que les colons non autochtones ont besoin de guérir individuellement et collectivement. Nous devons effectivement guérir collectivement, tout en reconnaissant que tout le monde n’a pas une histoire familiale aussi chargée que la mienne en matière de colonisation. Je continue à croire qu’une bonne partie des avantages et de la richesse dont nous jouissons en tant que Canadiens non autochtones découle directement de notre complicité dans le projet de la colonisation et de la destruction de peuples autochtones et de vies autochtones.
Notre richesse vient vraiment directement de cela. Aucun d’entre nous n’est innocent. Nous sommes tous complices. Nous avons le choix d’être complices ou de travailler activement contre ces abus. Si nous ne travaillons pas activement à la décolonisation au Canada, nous sommes complices de l’extraction de la richesse des terres autochtones et de l’acheminement de cette richesse dans les poches des non-Autochtones.
Il faut donc chercher à comprendre comment nous pouvons cesser d’être complices, d’être racistes, comment nous pouvons guérir en tant que Canadiens non autochtones et arriver à un état de réconciliation après avoir fait le travail qu’il nous incombe de faire sur nous-mêmes. Je ne pense pas que nous pourrons concrétiser la réconciliation en prenant des raccourcis. Nous ne pouvons pas tendre la main et nous attendre à une poignée de main chaleureuse sans avoir d’abord fait ce difficile travail sur nous-mêmes. Je pense que ce travail devra passer par une refonte complète du programme scolaire national semblable à celle que l’Allemagne a dû faire après l’Holocauste.
Lorsque vous parlez aux Allemands de la façon dont l’Holocauste s’est produit, ils ne manquent pas de mentionner le nationalisme. Ils peuvent cerner les moyens que le public était prêt à prendre pour démoniser un groupe de personnes, obéissant en cela aux exhortations d’un leader charismatique. Je pense qu’en tant que Canadiens, nous devons déterminer les racines de la colonisation et établir comment ce pouvoir est encore à ce jour utilisé de façon violente et agressive. À l’instar de Patrick Wolfe, nous devons reconnaître que la colonisation est un système et non un événement. Nous ne pouvons penser à cela comme d’une chose qui appartient au passé. C’est le fondement et le réseau sur lesquels nous avons édifié notre société.
Nous devons procéder à un réaménagement en profondeur de notre système d’éducation. Nous devons lâcher les rênes de l’économie et accepter qu’aucune ressource ne puisse être extraite des terres autochtones sans le consentement libre, éclairé et courant des peuples concernés. Ce sont aux peuples autochtones de décider ce qui sera extrait, si l’extraction doit avoir lieu ou non, l’endroit où ces ressources seront acheminées et comment elles seront utilisées. Pour être bien honnête, je vous dirai que je sais que c’est une perspective qui terrorise de nombreux Canadiens non autochtones. Tout ce que j’ai vu, c’est de la générosité et une volonté de vivre ensemble sur ce territoire. Or, pour arriver à une coexistence véritable, ce sont les principes du wampum à deux rangs et de la non-interférence qui doivent être appliqués.
La guérison devra aussi passer par une reconnaissance du racisme et des façons qui font que nous sommes tous complices. Il faudra un travail actif de décolonisation. Lorsque nous avons fait cela à l’université en nous servant de cette charte des médecins, les résultats ont été spectaculaires. Voici comment nous avons décrit notre démarche : « Nous travaillons pour combattre le racisme. Si vous voulez devenir médecin avec nous, vous devez vous engager à travailler de manière à combattre le racisme. Si vous voulez devenir médecin avec nous, vous devez vous engager à travailler à privilégier l’autodétermination de la collectivité. » Lorsque nous avons fait cela, nous avons attiré un grand nombre de médecins. Nous avons parlé de cela lors de notre réunion d’aujourd’hui : pour la première fois dans l’histoire de l’Unité médicale du Nord, nous n’avons pas assez de locaux pour embaucher des gens. Nous sommes complets. Il n’y a pas beaucoup d’autres endroits dans le Nord du Canada qui peuvent affirmer ne plus avoir de place pour embaucher de nouveaux médecins. L’esprit de cette démarche a vraiment accroché les gens. Ils sont emballés, mais nous avons atteint la limite de nos capacités.
Nous avons abreuvé ces collectivités de tous les services médicaux que la province est disposée à payer. Pourtant, les déterminants de la santé ne changent pas, et je crois que c’est parce que nous nous butons au problème de l’eau non potable. Nous nous butons au problème des maisons qui pourrissent. Nous nous butons à l’absence d’économie. Il y a aussi des façons bien précises en raison desquelles le gouvernement fédéral s’est érigé en obstacle à la santé et au bien-être. Malgré tout le bon travail que nous avons essayé de faire, un obstacle bien précis s’est mis en travers du chemin.
Au Manitoba, nous avons une loi provinciale phénoménale à l’égard des incidents critiques. Si quelque chose d’anormal vous arrive dans le cadre des soins de santé, il existe tout un système pour signaler l’incident. Il y a un système qui fera le suivi de cela. Il y a un système aux termes duquel vous devrez avoir rédigé un rapport dans les 90 jours. La famille sera avertie presque immédiatement puis dans les 90 jours suivant le suivi que vous aurez fait des recommandations contenues dans le rapport.
Une telle loi n’existe pas dans le système fédéral. Si quelque chose d’anormal arrive à un poste de soins infirmiers, il n’y a pas de système structuré pour veiller à ce que cet incident médical anormal soit signalé, pris en compte et suivi. Il y a eu un problème dans le système provincial manitobain : les cas de septicémie n’étaient pas repérés suffisamment tôt. L’infection a été foudroyante. Les autorités ont donc mis sur pied tout un programme de sensibilisation à l’intention des médecins de la province les exhortant à dépister les cas de septicémie plus tôt qu’ils ne le faisaient et les informant des façons d’y parvenir. Le fédéral ne dispose pas d’un tel système de suivi et il devrait en avoir un.
Ensuite, il y a les lois fédérales sur la protection des renseignements personnels. À Winnipeg, si vous avez un infarctus et que l’on fait venir une ambulance, les résultats de l’électrocardiogramme effectué dans cette ambulance seront envoyés sur-le-champ et sans fil au téléphone du cardiologue. Grâce à ces résultats, le cardiologue pourra émettre une consigne adaptée au besoin de cette personne, comme l’administration d’un médicament thrombolytique, ce qui pourra se faire avant même son arrivée aux urgences de l’hôpital de Saint-Boniface.
Dans nos postes de soins infirmiers fédéraux, on interdit au personnel infirmier de transmettre des images électroniques. Une infirmière dans un poste de soins infirmiers n’a pas le droit de saisir une image d’un électrocardiogramme et de l’envoyer à un cardiologue. C’est interdit. Même si vous avez la technologie qui est acceptée par le gouvernement du Manitoba, le gouvernement fédéral affirme que vous n’avez pas le droit de le faire en raison des lois fédérales sur la protection des renseignements personnels. Ces dispositions sont un véritable obstacle à la prestation équitable de soins à l’intention des Autochtones.
Il y a deux autres éléments que j’aimerais soulever. Tout d’abord, il y a la question des normes et des agréments. Aucun des postes de soins infirmiers fédéraux n’est agréé. Le rapport du vérificateur général de 2015 a cerné toute une ribambelle de problèmes dans le réseau des postes de soins infirmiers fédéraux du Manitoba et de l’Ontario. Le gouvernement fédéral n’a pas nié qu’il y avait des problèmes. On lui a demandé de définir le bouquet de services qu’offrent ces postes, mais cela n’a toujours pas été fait. Si nous ne sommes pas en mesure de définir le bouquet de services que nous offrons, nous ne pouvons pas vraiment déterminer si cette offre est adéquate ou non.
L’autre chose qu’il convient de souligner, c’est que les normes provinciales ne s’appliquent pas aux réserves. La qualité des soins prodigués dans les réserves est donc sous la normale. On s’attendrait à ce que les normes fédérales soient plus rigoureuses sinon tout aussi rigoureuses que les normes provinciales, mais ce n’est pas le cas. L’un des risques, c’est la possibilité que le gouvernement provincial se mette à miser sur l’austérité et qu’il décide de sabrer les budgets provinciaux. Ils vont laisser aller les gens qui sont les moins susceptibles de réagir fortement. Or, ces personnes sont celles qui vivent dans les minuscules collectivités éparpillées dans tout le nord du Manitoba. Nous avons besoin d’une loi pour protéger les gens du risque de voir leurs services de base de qualité inférieure réduits encore davantage.
En dernier lieu, je préconise un financement fondé sur les résultats afin que les collectivités des Premières Nations soient financées en fonction des résultats qui feront l’objet d’un suivi. Si nous tenons à réduire le taux de mortalité périnatale au sein des collectivités, nous devons en faire le suivi et accorder les fonds en conséquence. Nous ne pouvons même pas recueillir des données sur les membres des Premières Nations par rapport aux autres Manitobains. C’est là un problème très grave.
J’ai une dernière observation à faire sur la légalisation du cannabis. Le Canada affiche l’un des plus hauts taux de consommation de cannabis chez les jeunes dans le monde, selon l’UNICEF. Le mal est déjà fait. Nous n’allons pas mettre un terme à la consommation juvénile du cannabis. C’est déjà une réalité. Ce que nous devons reconnaître, c’est que les lois actuelles criminalisent de façon disproportionnée les Autochtones et d’autres groupes vulnérables, mais en particulier les Autochtones. Les prisons canadiennes, comme tout le monde le sait, sont remplies de jeunes autochtones qui ont été criminalisés pour des infractions liées à la drogue. C’est un préjudice qui découle des dispositions législatives en vigueur. Nous ne savons presque rien sur les dangers associés à la consommation de cannabis. Il nous est impossible de les étudier parce que c’est illégal.
Après la vague de suicides chez les jeunes d’Attawapiskat, on a demandé aux adolescents ce qu’ils voulaient. Si vous jetez un coup d’œil aux affiches qu’ils ont préparées, vous verrez ce qu’ils ont écrit. Ils veulent un gymnase ouvert 24 heures sur 24, 7 jours par semaine. Ils veulent une patinoire de hockey. Ils veulent une piscine. Ils veulent se promener sur les terres avec leurs proches. Ils veulent passer du temps avec les aînés.
Ce qu’on leur a donné plutôt, c’est un groupe de psychiatres et de psychologues pour des services d’intervention en situation de crise de plusieurs millions de dollars. Pourtant, dans les États du Colorado et de Washington, où l’on a légalisé le cannabis, toutes les recettes fiscales provenant de la vente du cannabis ont été réinvesties dans des écoles, des terrains de jeu, des piscines et des arénas de hockey.
C’est une belle occasion pour la nation des Ojibway Brokenhead, qui figure parmi les groupes approuvés de vente de cannabis au Manitoba. Il serait utile d’adopter une mesure législative pour l’aider à réinvestir cet argent dans les ressources pour les jeunes. Nous pourrions obtenir des résultats semblables à ceux atteints en Islande, où l’on a essentiellement enrayé la consommation de drogue chez les jeunes en investissant massivement dans des terrains de jeu, des piscines et tout le reste.
En conclusion, comme l’a dit Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, nous avons le plus fort taux de suicide au monde chez nos jeunes, ainsi que le taux de tuberculose le plus élevé. Nous, Canadiens, devons soit régler ces problèmes, soit reconnaître qu’il existe un trou béant dans le tissu moral de notre société.
La sénatrice McCallum : Puis-je faire une demande pour me joindre à votre équipe? Vous faites un travail remarquable.
Ma question s’adresse à qui voudra bien y répondre. Si je comprends bien, la plupart de vos travaux font intervenir les gouvernements provincial et fédéral, mais vous semblez faire plus de progrès avec le gouvernement provincial que le gouvernement fédéral. En conviendriez-vous? Vous avez préparé un rapport à l’intention de la province, mais rien ne semble avoir été présenté au gouvernement fédéral.
Tous les efforts que vous déployez visent les peuples autochtones. Que recommanderiez-vous pour établir ce lien entre votre organisation, la province et le gouvernement fédéral afin que vous puissiez en faire davantage?
Dre Cook : Voyons si je comprends bien votre question. Je suis d’origine écossaise et crie. Je suis membre de la nation métisse au Manitoba. J’ai commencé ma carrière comme médecin de famille dans les collectivités éloignées. Je me suis aperçue très rapidement qu’il y avait d’énormes lacunes dans ma capacité de répondre aux besoins des patients et des collectivités. Je me suis alors lancée dans le domaine de la santé publique et de la santé de la population en pensant que je pouvais aider ainsi un plus grand nombre de personnes. J’ai vite compris que cela ne nous menait pas très loin non plus et qu’il nous fallait vraiment un engagement de la part de tous les ordres de gouvernement.
Je ne prétends pas comprendre toute la dynamique entourant la politique des Premières Nations, des Métis et de notre population croissante des Inuits. La seule chose que j’ai observée au cours de ma carrière de plus de 30 ans, c’est que les gouvernements fédéral et provincial sont vraiment réticents à l’idée de conjuguer leurs efforts dans n’importe quel dossier concernant les Autochtones. Le gouvernement provincial semble contester la façon dont a évolué sa relation avec le gouvernement métis, le gouvernement des Premières Nations et les représentants inuits de la région. Il semble aussi y avoir une peur réelle de l’énorme responsabilité financière qui pourrait résulter d’un tel dialogue.
Nous pouvons accomplir beaucoup de travail au niveau clinique. Grâce à la mise en commun imminente des services de santé, nous espérons que la relation entre les gouvernements provincial et fédéral s’améliorera. Pour l’heure, personne ne sait à quoi cela ressemblera, surtout dans le domaine de la santé. C’est quelque chose qui doit absolument se produire. Des efforts considérables sont déployés en Colombie-Britannique, en Ontario, au Québec et dans les Maritimes, ce qui est très loin de la situation au Manitoba. Nous ne disposons pas de bonnes données, car nous n’avons pas d’indicateurs sur l’ethnicité. Nous travaillons là-dessus aussi.
Ce ne sont pas les personnes qui secouent le système. C’est l’incapacité de surmonter certains obstacles considérables en matière de politiques en raison d’un roulement incessant du personnel dans différents postes. Ce serait vraiment bien si les gouvernements fédéral et provincial prenaient l’engagement de régler ces problèmes. Comme ce n’est pas le cas, nous avons tenté de voir comment nous pouvons en régler une partie dans le cadre de nos plans d’action pour la réconciliation.
Mme MacKinnon : Je peux vous donner un exemple concret d’une telle mesure et de la façon dont la compétence partagée se concrétise sur le plan opérationnel. Les politiques et les lois s’appliquent bel et bien au travail que nous effectuons. La Loi canadienne sur la santé prévoit évidemment des services médicaux, des diagnostics et l’hospitalisation dans le contexte des services assurés. Au cours de la dernière décennie probablement, notre bureau régional fédéral a déployé des efforts considérables pour s’assurer que la province assume toutes les responsabilités provinciales prévues par la Loi canadienne sur la santé. Il y a eu un « retrait » de certains services que le gouvernement fédéral offrait auparavant ou qu’il finançait dans le cadre d’un programme.
Au fond, les Services de santé Ongomiizwin, appelés anciennement l’Unité médiale du Nord, agissent comme intermédiaires pour le compte de la collectivité. Nous touchons un salaire de médecin ou une rémunération annuelle par médecin. Dans notre cas, il y a 30,5 équivalents temps plein. C’est tout ce que la province paiera. Mais encore faut-il envoyer les médecins dans les collectivités. Nous devons payer des indemnités quotidiennes, des frais d’hébergement et d’autres coûts. Santé Canada intervient à cet égard en appuyant, dans le cadre du Programme des services de santé non assurés, l’accès aux soins de santé primaires grâce à des services itinérants. Vient ensuite l’effort de coordination ou d’administration pour déployer 200 professionnels de la santé dans une semaine donnée.
C’est assez considérable. Certains professionnels de la santé vivent dans les collectivités; d’autres se déplacent. Nous encourageons constamment la relation entre les gouvernements provincial et fédéral et nous réclamons plus de ressources. D’ailleurs, les sommes réelles que nous recevons n’ont pas changé depuis 1996. En dépit de la croissance démographique et des indicateurs de santé qui témoignent d’une régression, les gouvernements fédéral et provincial n’ont pratiquement rien investi dans les services cliniques non infirmiers dans notre contexte régional.
Dre Cook : Je voudrais brièvement vous faire part d’un exemple qui montre comment les écarts entre le fédéral et le provincial peuvent poser des défis. Le principe de Jordan a donné lieu à des investissements importants dans la province. Beaucoup de gens ont été embauchés pour s’attaquer à ces problèmes. Je me suis fait demander par des membres du conseil tribal, des directeurs de santé et des responsables de services infirmiers si nous pouvions les aider à tirer les choses au clair. La communication entre les gouvernements est très limitée. Elle pourrait être extraordinaire, mais ce n’est tout simplement pas le cas. Par conséquent, leur capacité de fournir une gamme de services harmonisés entre les deux compétences est limitée en raison d’un manque de communication au sujet du processus.
La sénatrice McPhedran : Merci à vous tous de vos exposés. Nous vous en sommes bien reconnaissants. Ayant moi-même travaillé sur des dossiers liés à la santé et aux droits de la personne pendant la majeure partie de ma carrière, j’aimerais poser une question à laquelle, je le sais déjà, il n’est pas facile de répondre. La question elle-même n’est pas facile à poser.
Vous avez évoqué les mesures qui sont prises, notamment en matière de suivi et d’intervention, face à des problèmes de santé que nous connaissons tous très bien et qui sont reconnus et discutés très ouvertement dans notre société : la tuberculose, les maladies cardiaques et le diabète. Que considéreriez-vous comme des pratiques exemplaires, ou qu’avez-vous observé comme bonnes pratiques en réaction aux diverses formes d’exploitation sexuelle ou d’agression sexuelle que subissent des patients, peu importe leur classe sociale, leur culture et les diverses autres caractéristiques que nous pourrions énumérer? Nous sommes ici pour parler du bien-être des peuples autochtones. Dans votre réponse, pourriez-vous également nous indiquer quels sont, à votre connaissance, des modes d’intervention efficaces lorsque ces cas d’exploitation sexuelle se retrouvent entre les mains des professionnels de la santé réglementés?
Dr Whetter : En ce qui a trait à l’ampleur du phénomène, il s’agit d’un problème de très grande envergure. Cet enjeu transcende les cultures, et cela nous ramène à l’enseignement fondamental de la notion de consentement en général. Il existe un fossé énorme. Je ne sais pas si quelqu’un a déjà obtenu de bons résultats dans ce domaine, mais il existe certainement une lacune dans l’étendue des efforts déployés pour enseigner aux gens en quoi consistent des relations sexuelles consensuelles, point à la ligne.
Quand ces deux facteurs coexistent — à savoir la toxicomanie comme moyen de faire face à la détresse et le manque de sensibilisation à la notion de consentement —, c’est comme un baril de poudre du point de vue des risques d’exploitation sexuelle. C’est ce que nous observons. Cela se manifeste, entre autres, dans le grand nombre de personnes qui demandent des soins pour la dépression ou l’anxiété. De notre côté, nous cherchons à savoir, de façon maladroite, si elles ont déjà été victimes d’exploitation sexuelle. Bien entendu, il faut s’y prendre avec grande délicatesse. D’ailleurs, selon une étude sur l’utilisation de benzodiazépines ou de tranquillisants auprès de femmes autochtones, presque la totalité des femmes autochtones qui s’étaient fait prescrire des benzodiazépines avaient été victimes d’agression sexuelle. Cela laisse entendre que nous traitons les traumatismes sexuels au moyen de tranquillisants. Je crois que nous devons nous y prendre différemment.
En ce qui concerne les approches qui fonctionnent bien, il faut offrir aux fournisseurs de soins de santé une formation de base sur les soins adaptés aux traumatismes subis. Qu’est-ce qui s’impose par la suite, une fois que nous avons créé un espace où les gens se sentent suffisamment en sécurité pour admettre en avoir été victimes? Si je me fie à mon expérience limitée au Manitoba, un des moyens les plus efficaces de venir en aide aux gens qui essaient de surmonter un traumatisme sexuel, c’est de les mettre en rapport avec l’esprit et les méthodes de guérison traditionnelles.
Pour ce qui est de savoir ce qui arrive lorsque ces cas se retrouvent entre les mains d’un professionnel de la santé, je comprends la question, mais puis-je vous demander de répéter l’information que vous cherchez à obtenir?
La sénatrice McPhedran : Il y a une dynamique générale qui recoupe les diverses caractéristiques que nous pourrions utiliser pour décrire des groupes de personnes. C’est un rapport de force. Il s’agit d’une dynamique qui est alimentée par le pouvoir. Dans ce genre de milieux où des gens doivent se faire soigner, pour qu’ils puissent recevoir les soins dont ils ont besoin, ils doivent essentiellement avoir confiance. Les mesures prises par les institutions et les organismes de réglementation s’imbriquent, en quelque sorte, les unes dans les autres. Notre société semble être beaucoup mieux outillée pour repérer des problèmes tels que les maladies cardiaques, le diabète ou des problèmes dentaires, et pour trouver des réponses institutionnelles sous forme de programmes. Par contre, ce dossier semble nous donner du fil à retordre.
Ma question portait plutôt sur ce que l’un ou l’autre d’entre vous avait observé. Je ne crois pas que cela se limite à l’expérience des médecins, bien franchement. On parle ici de nombreux groupes de professionnels de la santé qui travaillent ensemble dans un milieu institutionnel. Je cherchais surtout à savoir si vous recommanderiez des pratiques exemplaires ou des modes d’intervention efficaces que vous avez constatés et qui méritent plus d’attention.
Dr Whetter : Je me contenterai de mentionner un point pour répondre plus précisément à la question concernant l’agression sexuelle. L’office régional de la santé de Winnipeg offre un programme de personnel infirmier spécialisé en traitement des victimes d’agression sexuelle. Le but est de créer un espace très sûr et rassurant pour les personnes qui cherchent à recevoir des soins immédiatement après un traumatisme sexuel, au lieu de devoir passer par le service d’urgence. En fait, quand ces gens vont au service d’urgence, ils sont aiguillés assez rapidement vers un autre programme afin de réduire le traumatisme lié aux soins de suivi immédiat. Voilà une mesure positive et importante qui a suscité une bonne réaction chez les participants.
Le sénateur Patterson : Merci beaucoup de vos exposés fort pertinents. Je viens du Nunavut. J’ai fait la tournée de l’ensemble des 25 collectivités du Nunavut pour connaître les répercussions de la légalisation de la marijuana et entendre des points de vue à ce sujet.
Le Dr Whetter a dit que nous ne pouvions pas étudier les dangers associés à la marijuana médicale parce que c’est illégal. Je crois que des études menées dans d’autres pays révèlent que la consommation de marijuana a des effets sur certaines personnes souffrant de schizophrénie, de psychose, d’anxiété et de dépression. J’ai été étonné de voir qu’au Nunavut, où la consommation de marijuana est très répandue, même si cela coûte extrêmement cher, de nombreuses personnes sont bien au courant de ces répercussions. J’ai entendu des aînés unilingues parler de la schizophrénie à certaines des réunions communautaires.
Ma question porte sur l’Unité médicale du Nord. Elle a peut-être changé de nom. À ma connaissance, environ 15 000 Inuits sont traités chaque année à Winnipeg ou à Churchill. Les personnes avec qui je me suis entretenu ont vraiment l’impression qu’il est injuste que les gens disposés à suivre un programme de traitement de la toxicomanie soient envoyés loin de leur domicile, de leur famille et de leur cadre culturel familier. J’ai même entendu dire que certains Inuits ont été envoyés à Poundmaker’s, à Edmonton, où l’on a recours aux cérémonies de la suerie et des herbes sacrées, ce qui ne fonctionne pas pour les Inuits.
Vous avez parlé d’intégrer le contenu autochtone dans vos services et votre culture. Quels services offre-t-on aux Inuits pour la santé mentale et le traitement de l’alcoolisme et de la toxicomanie par l’entremise de l’Unité médicale du Nord?
Dre Cook : L’Unité médicale du Nord s’occupe, en grande partie, de mettre à la disposition des collectivités des médecins itinérants, ainsi que toute une gamme de spécialistes, notamment des psychiatres et des fournisseurs de services en santé mentale. Fait intéressant, bon nombre des médecins qui travaillent pour les Services de santé Ongomiizwin — c’est le nouveau nom de notre organisation — consacrent aussi une partie de leur temps à la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances dans le cadre de certains programmes.
Au Manitoba, nous avons un système très fragmenté en ce qui concerne le traitement des problèmes de santé mentale et de la toxicomanie. Il s’agit de programmes complètement distincts. Le seul volet du traitement de la toxicomanie qui fait partie du programme de santé mentale est l’unité de sevrage, qui est un programme à participation volontaire au Centre des sciences de la santé.
D’ailleurs, nos services en santé mentale et en toxicomanie ont fait l’objet d’un examen approfondi au cours de la dernière année. Le rapport devrait paraître à la fin du mois. Nous y avons tous participé. Nous croyons fermement que ces services doivent être offerts en plus étroite collaboration. Il faut centrer davantage nos efforts sur la sensibilisation aux différences culturelles et la préservation de la culture dans les programmes de lutte contre la toxicomanie.
Je n’ai pas d’autre meilleure réponse à vous donner. C’est un domaine où il existe beaucoup de lacunes.
Dr Whetter : Nous n’offrons plus les services des médecins de soins primaires au Nunavut, mais nous offrons les services de spécialistes. L’un de nos psychiatres mène un programme en collaboration avec une collectivité de Naujaat, anciennement Repulse Bay. Ils ont placé les aînés et les membres de la collectivité à l’avant-plan de cette approche pour aborder les préoccupations relatives à la santé mentale et à la dépendance.
Une aînée m’a dit qu’elle était la personne sur appel en tout temps. Les gens ne veulent pas aller au poste de soins infirmiers pour ce qui touche la santé mentale. Ils ne veulent pas consulter un psychiatre en raison de la stigmatisation associée à cela. Cette aînée est celle qui reste debout jusqu’aux petites heures du matin pour aider les jeunes suicidaires ou les gens qui souffrent de dépression et d’anxiété. Nous tentons de reconnaître officiellement ces aidants à titre de partie intégrante du système de santé. Si l’on pouvait officialiser leur rôle et les rémunérer en conséquence, ce serait un geste très puissant.
Le sénateur Patterson : C’est utile. Des habitants de Kivalliq m’ont dit que certaines personnes aux prises avec des problèmes de dépendance se rendaient à Selkirk, au Manitoba, pour obtenir de l’aide. Je ne sais pas ce qui se trouve là-bas. Je suppose que les services offerts ne sont pas adaptés à la culture des Inuits. C’est donc très utile.
Docteur Whetter, vous avez réitéré ce que j’avais déjà entendu. Il faut que les services en santé mentale — du moins les premiers contacts lorsqu’une personne demande de l’aide — soient offerts à proximité, par des aînés connus et respectés, qui parlent l’inuktitut et qui sont formés. Sinon, les gens ne se prévaudront pas des services de transit ni même des services du centre de santé local. Nous vous remercions pour cela.
C’était plutôt une observation, mais j’ai aussi une brève question. Monsieur Park, qu’est-ce qui vous a rendu si heureux dans le dernier budget? J’aimerais le savoir.
M. Park : Pour la première fois de l’histoire du Canada, on a consacré 500 millions de dollars à la nation métisse du Canada. C’est un énorme engagement du gouvernement à l’égard de la nation métisse. Il s’agit d’une première dans l’histoire. Il aura fallu attendre au troisième budget des libéraux, mais nous y sommes enfin. Nous en sommes très heureux.
Les fonds seront consacrés principalement à l’éducation — notamment à l’éducation de la petite enfance — et aux services de santé. Nous allons grandement profiter de ce budget.
Le sénateur Christmas : Je dois transmettre mes félicitations à votre faculté des sciences de la santé, parce qu’il s’agit de l’une des réponses les plus inspirantes et les plus positives que j’aie entendues à la Commission de vérité et réconciliation depuis longtemps.
J’aimerais revenir à la déclaration du Dr Whetter. Votre plan d’action pour la réconciliation visait notamment à créer un environnement d’apprentissage respectueux de la culture qui reconnaîtrait la présence du racisme et la nécessité de prendre un engagement pour lutter contre le racisme. Je suis surpris d’entendre que vous êtes confrontés au racisme, non seulement au sein du système de soins de santé, mais aussi dans la société en général. Je suppose que votre faculté, vos apprenants et votre personnel doivent reconnaître le problème et s’engager à lutter contre celui-ci.
Ma question est la suivante : comment y arrivez-vous? Quelles sont les mesures prises pour lutter contre le racisme et encourager les gens à s’engager en ce sens?
Dre Cook : Nous avons commencé à utiliser le mot « racisme », ce qui est une réalisation extraordinaire. Au début, les gens paniquaient lorsqu’on parlait de racisme. La plupart des gens peuvent maintenant utiliser ce mot sans qu’il génère de l’anxiété ou une hystérie. Nous sommes fiers de cela. Nous avons adopté une approche concertée par l’entremise de notre administration centrale sur le campus de Fort Garry, qui est notre campus principal. La vice-rectrice assure un rôle de premier plan en ce qui a trait à la sensibilisation à la culture autochtone, à l’engagement et à l’accomplissement, et a su mettre de l’avant les réussites des jeunes membres des Premières Nations, des jeunes Métis et des jeunes Inuits. Il y a très peu d’Inuits au Manitoba, mais leur nombre augmente.
Nous offrons aussi beaucoup de choses par l’entremise de la faculté. Par exemple, il y a quatre ans, le doyen de la faculté s’est engagé à adopter une approche antiraciste à l’égard du programme sur la santé des Autochtones offert au cours des quatre premières années d’études en médecine. Nous sommes passés de 12 heures d’enseignement sur la santé autochtone à plus de 70 heures d’enseignement, qui comprend à la fois les cours théoriques et les stages cliniques. Nous passons plus de temps dans la communauté. Nous avons diverses méthodes d’enseignement. Nous organisons des ateliers sur le racisme. Nous n’abordons pas seulement la santé des Autochtones, mais nous veillons à faire comprendre aux gens que le racisme à l’égard des Autochtones diffère des autres formes de racisme, en raison de l’histoire coloniale de notre pays. Nos systèmes ont rendu cette forme de racisme acceptable. C’est donc un des volets.
De plus, en collaboration avec l’office régional de la santé de Winnipeg, nous avons aidé la province de la Colombie-Britannique à élaborer son cours de formation en ligne. Le programme de formation sur la sécurisation culturelle autochtone du Manitoba offre une formation en ligne de 8 à 10 heures. Elle est obligatoire pour tous les postes de haut niveau. Nous avons une certaine hiérarchie, si l’on veut : les dirigeants de l’office régional de la santé de Winnipeg et l’université. On compte maintenant le ministère de la Santé du Manitoba, la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, les autorités régionales de la santé — à l’exception de celles du Nord — et les diagnostics pour le traitement du cancer. Les principales organisations de santé se sont engagées à garantir un certain nombre de sièges par année. Lorsqu’on descend les échelons, après les hauts dirigeants et les directeurs, il y a les gestionnaires de première ligne, les agents de sécurité et les travailleurs des services d’urgence, qui ont un contact particulier avec les Autochtones. Ils sont visés en priorité par la formation.
Cela ne règle pas tout. Les gens trouvent des façons de ne pas porter attention aux choses qui les rendent mal à l’aise. C’est un début et la démarche a été très bien reçue au Manitoba. Les modules que nous avons élaborés au Manitoba visent la population du Manitoba; il en va de même pour les modules de la Colombie-Britannique et ceux de l’Ontario, qui correspondent aux besoins de leurs populations. Ce sont quelques-unes des mesures que nous avons prises.
Le sénateur Christmas : Je vous félicite pour vos efforts. Croyez-vous que cette approche ou ces modules soient transférables à d’autres professions, que ce soit l’enseignement ou le droit?
Dre Cook : Oui, tout à fait. Lorsque la Colombie-Britannique élaborait ses modules, elle en a préparé un pour le système de protection de l’enfance. Je ne les ai pas examinés parce que ce n’était pas mon intérêt premier à ce moment-là. Il y a tout un bloc de modules qui offrent des renseignements factuels sur l’histoire des Autochtones du Canada. Ils peuvent très bien être utilisés dans d’autres domaines.
Lorsqu’on entre dans les sujets précis sur la santé, les soins de santé cliniques et ce genre de choses, c’est un peu différent.
La présidente : Nous n’avons plus de temps. Au nom du comité, je vous remercie de vos témoignages.
Notre dernier groupe de témoins est composé d’Ainsley Krone et de Daphne Penrose, du Défenseur des enfants et de la jeunesse du Manitoba. Mesdames, vous avez la parole. Les sénateurs pourront vous poser des questions après votre exposé.
Daphne Penrose, défenseur des enfants, Défenseur des enfants et de la jeunesse du Manitoba : Meegwetch et merci d’avoir invité notre organisation à témoigner au sujet du projet de loi C-45.
Le Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes est une organisation nationale regroupant 11 défenseurs, représentants, ombudsmans et commissaires des enfants et des jeunes des provinces et des territoires nommés par les assemblées législatives. Les membres du CCDEJ partagent un engagement commun à l’égard du bien-être des enfants et des jeunes du Canada. Dans le cadre de nos efforts distincts et de nos efforts collectifs à titre de conseil national, nous reconnaissons surtout la surreprésentation des Autochtones dans bon nombre des systèmes publics. Cette surreprésentation est l’héritage des anciennes politiques ratées du passé, mais aussi le résultat des inégalités auxquelles sont confrontés les enfants et les jeunes Autochtones du Canada.
Après avoir étudié le projet de loi C-45 de façon approfondie et avoir discuté de ses conséquences possibles sur les enfants et les jeunes du Canada, les membres du CCDEJ souhaitent vous faire part de certaines préoccupations. L’article 33 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant énonce que les gouvernements doivent prendre toutes les mesures appropriées, y compris des mesures législatives, administratives, sociales et éducatives, pour protéger les enfants contre l’usage illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, tels que les définissent les conventions internationales pertinentes. Le CCDEJ est d’avis que la loi proposée ne protège pas les jeunes de manière adéquate.
De plus, l’article 3 de la convention énonce que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.
Le Comité des Nations Unies sur les droits de l’enfant recommande également qu’une évaluation de l’impact sur les droits de l’enfant soit réalisée à cet égard. Le CCDEJ conseille fortement au comité de tenir compte de ces éléments dans le cadre de l’étude sur le projet de loi.
Il est reconnu que la criminalisation du cannabis et les messages antidrogue traditionnels n’ont pas réussi à enrayer la consommation de cannabis chez les jeunes. La fin du cadre de prohibition du cannabis représente une occasion d’avoir recours à des mécanismes appropriés en matière de santé et de sécurité publiques pour protéger la santé des enfants et des jeunes. L’approche de santé publique à l’égard du cannabis pourrait être pragmatique et se centrer sur les risques associés à l’abus de drogue plutôt que sur la drogue en soi. Un cadre de santé publique approprié pourrait accorder la priorité à la réduction des risques pour la santé et des problèmes sociaux plutôt qu’aux punitions et à l’abstinence. Un bon cadre de politique publique pour le cannabis pourrait également se centrer sur la promotion de la santé publique par l’entremise de la réglementation de l’accès, de l’utilisation de données probantes pour orienter le message de santé publique, de restrictions relatives à la publicité et à la promotion, et de fonctions de surveillance.
Le 5 juillet 2017, le Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes a présenté des recommandations au très honorable Justin Trudeau et à la première ministre Rachel Notley, à titre de présidente du Conseil de la fédération au sujet du projet de loi C-45.
À titre de représentants indépendants de nos assemblées législatives provinciales et territoriales respectives, les membres du CCDEJ témoignent aujourd’hui pour faire entendre au comité la voix des enfants, des jeunes et des jeunes adultes afin que vous en teniez compte dans le cadre de la collecte de renseignements et des délibérations subséquentes sur la manière de procéder, alors que le pays est confronté à un changement important en matière de politique publique.
Le CCDEJ est d’avis que tous les ordres de gouvernement doivent assurer la protection des enfants et des jeunes contre les dangers potentiels de la légalisation de la marijuana en vertu du projet de loi et des règlements provinciaux connexes. On parle non seulement de la protection contre les effets de la consommation, mais aussi contre les conséquences inattendues émanant des dispositions sur la possession et des définitions des activités criminelles.
Bien que notre lettre du mois de juillet portait sur les conséquences de la légalisation sur les enfants et les jeunes du Canada de manière précise, il faut aussi porter une attention particulière au contexte des jeunes Autochtones du pays. Bon nombre des préoccupations relatives à la santé publique et à la criminalisation sont exacerbées dans les collectivités autochtones en raison de leur surreprésentation dans une multitude de systèmes gouvernementaux, comme dans les domaines de la santé mentale, des dépendances et de la justice.
Les recommandations du CCDEJ tiennent compte des conséquences de la légalisation sur les enfants, les jeunes et les jeunes adultes du Canada, notamment des effets du cannabis sur le développement du cerveau, de l’accès des jeunes au cannabis, de l’offre du cannabis aux mineurs, de la nécessité d’une réglementation uniforme dans l’ensemble du Canada, du besoin d’affecter une partie des taxes au financement de la recherche, de l’éducation publique et du traitement, de la possibilité de surcriminaliser les jeunes et des considérations particulières relatives aux enfants et aux jeunes Autochtones.
La version actuelle de la loi fédérale ne tient pas pleinement compte des dangers potentiels du cannabis sur le développement du cerveau. Ces préoccupations sont particulièrement importantes pour les enfants et les jeunes qui présentent des troubles de santé mentale. Il s’agit d’un enjeu particulièrement préoccupant pour les enfants et les jeunes Autochtones étant donné les importantes disparités et l’inégalité d’accès aux ressources et soutiens en santé mentale dans bon nombre des collectivités des Premières Nations du Canada.
À ce titre, le Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes avait recommandé que les effets néfastes du cannabis soient pris en compte, en établissant des limites associées à la puissance pour les produits du cannabis dans la réglementation fédérale ou provinciale, et que les quantités de cannabis et la puissance du cannabis soient restreintes pour les personnes âgées de moins de 25 ans. Comme ce qui a déjà été proposé pour les produits alcoolisés, nous recommandons que des niveaux de taxation plus élevés soient appliqués aux produits dont la puissance est élevée. Dans le but de réduire les risques potentiels du cannabis pour les jeunes, le Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes recommande également d’intégrer des principes de santé publique au cadre de réglementation, qui est appliqué de manière uniforme dans l’ensemble du Canada.
L’une des intentions de la loi fédérale est de restreindre l’accès des jeunes au cannabis. De l’avis du CCDEJ, certains jeunes trouveront des façons d’accéder au cannabis, malgré la réglementation, et il y aura tout de même un risque élevé de dépendance ou de conduite avec les facultés affaiblies pour les jeunes.
En Ontario, par exemple, la conduite avec les facultés affaiblies par le cannabis est maintenant plus commune que la conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool. La recherche suggère également que la conduite avec les facultés affaiblies par le cannabis augmente les risques d’accident de la route. Ainsi, dans sa lettre, le CCDEJ recommandait la création d’une stratégie d’information subventionnée à l’échelle nationale qui complèterait la réglementation du cannabis.
Cette stratégie devrait comprendre un volet sur les jeunes qui miserait sur les données les plus récentes relatives à ce qui fonctionne en vue de réduire la consommation de substances chez les jeunes. La stratégie devrait viser à informer les jeunes des effets du cannabis sur la santé et des risques associés à la conduite avec les facultés affaiblies. Le CCDEJ recommande également l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme de détection régulière du cannabis en bordure des routes et la désignation de conséquences appropriées pour les jeunes qui conduisent avec les facultés affaiblies par le cannabis.
Le projet de loi C-45 prévoit des sanctions pour les adultes qui fournissent du cannabis aux mineurs. Nous estimons toutefois que les mesures prévues ne sont pas suffisamment dissuasives et ne permettront pas d’empêcher les adultes de vendre ou de distribuer du cannabis aux enfants et aux jeunes. À ce titre, le CCDEJ avait recommandé que des peines soient imposées aux adultes qui fournissent du cannabis aux enfants et aux jeunes au moyen d’un système de pénalités strictes et croissantes, semblable à celui qui est en place pour la vente de tabac dans certaines administrations.
Le projet de loi C-45 confie aux provinces certains aspects de la réglementation des détaillants de cannabis, avec le risque de créer une réglementation incohérente au Canada. Nous nous réjouissons des restrictions sur la promotion, surtout en ce qui concerne la promotion de produits d’une façon qui pourrait susciter l’intérêt des jeunes, ainsi que des restrictions sur l’utilisation des produits du cannabis pour promouvoir des événements et des activités. Toutefois, nous conseillons vivement l’imposition de nouvelles restrictions aux détaillants, qui seraient les mêmes partout au Canada.
Ainsi, le CCDEJ avait recommandé la mise en place d’une réglementation fédérale voulant que les produits du cannabis ne puissent pas être vendus dans les commerces de détail où les enfants et les jeunes ont l’autorisation d’entrer, comme les épiceries ou les pharmacies, qu’ils doivent être vendus uniquement dans des commerces de détail qui sont très surveillés et très contrôlés, qu’ils doivent être vendus dans un emballage neutre afin de décourager les emballages visant à susciter l’intérêt des enfants, et que l’emballage doive contenir de l’information sur la puissance et les dangers possibles, de façon semblable aux exigences en matière d’emballage pour le tabac.
Le CCDEJ a aussi recommandé que les détaillants soient assujettis à des restrictions sur la vente de cannabis sous toutes ses formes qui pourraient susciter l’intérêt des enfants, notamment sous forme de friandise. En outre, nous recommandons que les détaillants soient assujettis à des restrictions sur les panneaux de publicité, les heures d’ouverture, les jours de vente et la densité des points de vente dans les collectivités.
En ce qui concerne la nécessité de réserver une portion des taxes au financement de la recherche, de l’éducation publique et des traitements, le projet de loi C-45 est muet quant à l’utilisation des sommes d’argent récoltées par la vente des produits du cannabis. Nous sommes d’avis qu’il serait important de veiller à ce qu’une portion des recettes soit réservée à ces fins pour faire du Canada un chef de file de la recherche scientifique, de l’éducation publique, du traitement et des stratégies relatives à la réduction des méfaits liés au cannabis. Par conséquent, la recommandation du CCDEJ sur cet enjeu est que la loi prescrive qu’un pourcentage précis des taxes perçues à partir de la vente des produits du cannabis soit utilisé pour soutenir la recherche, l’éducation publique et les programmes de traitement.
En outre, l’accès équitable aux programmes et services en santé primaire, en santé mentale et en traitement de la toxicomanie varie considérablement selon les collectivités autochtones et constitue une importante préoccupation dans les collectivités situées dans les réserves. Bien qu’on ait présenté le projet de loi C-45 comme une mesure visant à réduire les méfaits et permettant d’améliorer la santé publique, il convient de tenir compte des circonstances particulières des collectivités autochtones des réserves et des régions éloignées et de leur accès à la recherche et aux mesures d’aide. Il faut affecter les ressources nécessaires pour que les collectivités autochtones puissent offrir des programmes de traitement de la toxicomanie, de soutien en matière de santé mentale et d’éducation publique comparables à ceux qui sont offerts partout au pays.
Sur la question du risque de surcriminalisation des jeunes, nous avons des préoccupations concernant l’article 8 du projet de loi, plus précisément en ce qui a trait aux infractions criminelles pour possession de cannabis auxquelles s’exposent les jeunes. Selon le libellé du projet de loi, il serait interdit pour les jeunes de posséder plus de 5 grammes de cannabis, tandis que pour les adultes, la quantité est de plus de 30 grammes. Bien que nous soutenions l’objectif de réduire l’exposition des jeunes au cannabis, nous craignons que cette mesure n’engendre une augmentation de la criminalisation des jeunes. Les articles 8 et 9, dans lesquels sont énoncées les interdictions sur la possession et la distribution de cannabis, criminalisent particulièrement les jeunes de 12 à 18 ans, car ils peuvent être accusés de possession et distribution pour une même quantité de cannabis. Il est précisé dans la mesure législative que tout jeune qui contrevient aux interdictions est passible d’une peine spécifique en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Même si je n’ai pas eu l’occasion de consulter mes collègues sur cette question, je recommande que le gouvernement fédéral modifie le projet de loi C-45 afin d’éliminer cette infraction liée au statut juridique qui aurait pour effet d’entraîner une hausse du nombre de jeunes accusés sous le régime de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. La surreprésentation des Autochtones dans le système de justice pénale, tant chez les adultes que chez les jeunes, est un problème reconnu partout au Canada. Passons au problème mentionné précédemment, celui de la criminalisation des jeunes pour possession et distribution de cannabis. On s’inquiète de la possibilité que les jeunes Autochtones puissent être criminalisés davantage que les jeunes non-Autochtones. La possibilité que les jeunes Autochtones soient criminalisés davantage pour possession et distribution de cannabis dépendra de l’accès équitable aux programmes de déjudiciarisation et aux services d’aide nécessaires.
Par conséquent, le CCDEJ recommande que l’application de la réglementation sur le cannabis soit semblable à l’application de la réglementation actuelle sur le tabac et l’alcool et que des mesures soient prises pour éviter la criminalisation des jeunes en autorisant des sanctions non pénales, comme les contraventions et la confiscation.
Passons maintenant aux considérations spéciales concernant les enfants et les adolescents autochtones. Le colonialisme a entraîné dans cette population des disparités sur les plans de la santé et de la vie sociale. Ces mêmes disparités peuvent mener à un accès difficile aux services, notamment les services aux toxicomanes, ainsi qu’à l’élaboration de stratégies de promotion de la santé qui ne tiennent pas compte des conditions locales et des besoins culturels des enfants et des jeunes Autochtones, et de leur famille.
En octobre 2017, l’Assemblée des Premières Nations a annoncé, par voie de communiqué, qu’elle mettrait sur pied un groupe de travail chargé d’étudier les répercussions du projet de loi sur le cannabis. L’APN a en outre précisé dans ce communiqué que les travaux du groupe de travail porteraient sur les enjeux liés à la santé publique, à la justice, à l’éducation et la sensibilisation de la population et aux impacts sociaux. Les renseignements obtenus par le groupe de travail aideront sans aucun doute les Premières Nations à cerner les possibles répercussions du projet de loi C-45 sur leurs collectivités.
Par conséquent, le CCDEJ considère que les provinces doivent satisfaire à leur obligation inhérente de mener de véritables consultations avec les bandes, les nations et les collectivités autochtones, de même qu’avec les jeunes Autochtones de façon à adapter les lois, les règlements, les mesures de promotion de la santé et les programmes de prévention et de traitement afin de satisfaire aux besoins des enfants et des jeunes Autochtones et de leur famille.
Bien que le projet de loi indique que les objectifs sont d’empêcher les jeunes d’avoir accès au cannabis et de protéger la santé et la sécurité de la population, le CCDEJ croit que ces objectifs ne sont pas atteints dans la forme actuelle du projet de loi et demande que ses recommandations soient examinées sérieusement afin qu’elles soient incluses dans le projet de loi.
Au nom du conseil, nous vous demandons respectueusement de prendre en compte ces commentaires et recommandations.
Le sénateur Patterson : Merci de cet exposé très pertinent. Je suis très favorable à la proposition de réserver une partie des recettes fiscales et d’utiliser ces ressources pour offrir aux Autochtones des services de traitement des toxicomanies comparables à ceux qui existent ailleurs. Je viens du Nunavut, un territoire énorme où il n’y a aucun centre de traitement.
Vous avez indiqué avoir présenté des recommandations au premier ministre Trudeau et à la première ministre Notley en juillet dernier. Était-ce en personne, ou par l’intermédiaire d’une lettre? Je vois dans votre document que c’était par lettre.
Vous proposez certaines améliorations au projet de loi. Ma question comporte deux volets. Premièrement, avez-vous obtenu une réponse au sujet de ces recommandations? Deuxièmement, je me demande si vous avez eu l’occasion de rédiger de possibles amendements.
Mme Penrose : À ma connaissance, pour répondre à la première partie de votre question, ni le premier ministre ni Mme Notley ne nous ont encore répondu. Quant à la deuxième partie, je dirais que je n’ai pas les compétences nécessaires pour préparer des amendements. Nous avons toutefois certaines suggestions, en particulier pour les articles 8 et 9, comme la possibilité de porter des accusations de possession et de distribution contre les jeunes âgés de 12 à 18 ans s’ils ont plus de 5 grammes en leur possession.
Pour un jeune, une accusation de distribution est lourde de sens, et l’application de cette disposition par les services policiers variera considérablement d’une région à l’autre du pays. Ce que je crains, c’est que l’absence de programmes de déjudiciarisation comme ceux qui existent ailleurs entraînera une augmentation des mises en détention des jeunes découlant de ces accusations. Si la décision est véritablement de légaliser le cannabis, fixer la limite à 5 grammes plutôt qu’à 6 grammes a son importance. Les jeunes qui ne connaissent pas la différence entre 5 et 6 grammes pourraient se retrouver dans l’illégalité. C’est un problème très grave. Nous proposons son élimination et son remplacement par d’autres conséquences, comme la confiscation, une contravention ou des mesures semblables à celles pour le tabac.
Le sénateur Patterson : Récemment, un médecin des services de santé du Manitoba nous a indiqué que les États du Colorado et de Washington ont utilisé les recettes du cannabis pour les écoles, les gymnases, les piscines et les ressources pour les jeunes. Nous avons également entendu que des programmes de ce genre ont permis d’enrayer les problèmes de toxicomanie en Islande.
Est-ce ce que vous recommandez? Vous êtes-vous inspiré d’autres administrations?
Mme Penrose : Nous n’avons pas nécessairement examiné ce qui se fait ailleurs. Nous cherchions principalement à trouver une façon de garantir qu’une portion des recettes soit réservée aux programmes de traitement pour les collectivités qui en ont besoin.
Je suis certaine que d’autres administrations ont utilisé une partie des fonds pour les écoles, et cetera. L’aspect le plus important n’est pas nécessairement de savoir à quoi serviront les recettes de la vente de drogue, mais de savoir comment cette mesure législative sera appliquée. Quelles seront les répercussions sur les enfants? L’enjeu est d’aller de l’avant tout en veillant à dissuader les jeunes de consommer du cannabis, et à leur faire prendre conscience des effets nuisibles potentiels du cannabis sur leur cerveau en développement, leur santé et leur bien-être mental.
Le cadre choisi pour la mise en œuvre de cette mesure législative est très important. Il sera tout aussi important d’utiliser une partie des recettes tirées de la vente du cannabis pour composer avec les enjeux qui surviendront lorsque cette drogue sera plus accessible.
Ainsley Krone, défenseur des enfants, Défenseur des enfants et de la jeunesse du Manitoba : Sénateur Patterson, j’ajouterais, par rapport à un de vos commentaires sur la présentation précédente, que les collectivités ont vraiment besoin de services de traitement et d’un accès aux ressources. Ce qu’on voit constamment, au Manitoba, ce que les jeunes qui ont besoin de services d’aide de base doivent quitter leur collectivité pour obtenir ces services dans des centres urbains.
Ce que je veux dire, c’est que les besoins sont réels. Si nous avons l’occasion d’utiliser une portion des recettes fiscales pour permettre aux jeunes d’obtenir les services d’aide dont ils ont besoin dans leur propre collectivité, où ils sont entourés de personnes qui les connaissent et qui les aiment, nous serions probablement tous d’accord pour dire que ce serait dans leur intérêt supérieur. Je voulais simplement ajouter ce commentaire.
Le sénateur Christmas : J’aimerais revenir sur le commentaire concernant la disparité entre les services offerts aux Autochtones qui habitent dans les réserves, ou ailleurs, et les services offerts aux non-Autochtones. Compte tenu de la situation actuelle, je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que les jeunes ou même les adultes ont parfois besoin de services spécialisés en santé mentale ou en traitement de la toxicomanie. Ces gens doivent composer avec le sentiment d’aliénation et le stress qu’ils ressentent parce qu’ils se retrouvent à l’extérieur de leur collectivité pour de longues périodes, ce qui ne favorise pas leur guérison ou leur traitement, j’en suis convaincu.
Je cherche des solutions pour éliminer ces différences. Est-il possible de traiter les jeunes qui ont développé des dépendances sans avoir à les envoyer loin de chez eux pour qu’ils accèdent aux services d’un professionnel? Autrement dit, serait-il possible d’offrir des services de traitement de la toxicomanie plus près de chez eux, des services qui seraient offerts par des gens qui n’auraient peut-être pas un titre professionnel, mais qui auraient manifestement les compétences nécessaires pour aider les jeunes à surmonter leur dépendance? D’autres ressources communautaires pourraient-elles assurer la prestation de services de traitement de la toxicomanie, de façon à éviter d’envoyer les jeunes à des centaines de kilomètres pour obtenir les services de professionnels?
Mme Penrose : Oui. Les problèmes de toxicomanie qui touchent les jeunes se présentent sous de multiples formes, et dans certains cas, ils nécessitent des interventions importantes. Je peux uniquement vous parler de la situation au Manitoba, où l’on observe actuellement des taux alarmants de dépendance aux métamphétamines chez les jeunes. Dans bien des cas, les jeunes qui font usage de ce type de drogue ont besoin d’aide professionnelle que les membres de leur famille ne peuvent leur offrir, car les jeunes qui consomment cette drogue mettent leur vie en danger.
Les autres enjeux liés à la consommation de drogues, comme la participation à un gang, l’exploitation sexuelle et d’autres activités criminelles, sont des expériences extrêmement traumatisantes pour les jeunes qui tentent de combattre une maladie très grave. Je crois que les communautés ont la capacité nécessaire et qu’il est possible de mettre en place des programmes communautaires pour lutter contre la toxicomanie, promouvoir les modes de vie sains et offrir diverses options aux familles. Il s’agit de gens qui n’ont peut-être pas une dépendance à un médicament sur ordonnance utilisé dans un programme de sevrage pour une drogue donnée.
Je crois que nous avons la capacité d’offrir des programmes de santé mentale, de bien-être et de traitement en milieu communautaire et d’appuyer les collectivités à ces fins. Je pense toutefois qu’on ne peut le faire en tout temps et pour toutes les drogues auxquelles les jeunes ont une dépendance.
Mme Krone : J’ajouterais à cela qu’il faut offrir un continuum ou un éventail de traitements et de ressources. Comme Mme Penrose l’a indiqué, certains jeunes ont besoin de thérapie et de traitements intensifs pour régler le problème. Habituellement, les dépendances sont liées à d’autres aspects de leur vie, à leur situation.
Le milieu communautaire a de bonnes capacités pour aider les jeunes. Les gens sont très ouverts à suivre des formations, et ce serait une extraordinaire façon d’investir à l’échelle locale dans les collectivités qui ont besoin de ressources ou d’expertise.
Un jour, un de mes amis d’une grande sagesse m’a dit que ce sont les relations et non les programmes qui incitent les gens à changer. Je reviens toujours à cette idée lorsque je réfléchis aux recommandations à faire ou à celles qui s’imposent. Ce qu’il faut, c’est miser sur les endroits où les jeunes peuvent trouver des gens qui leur inspirent confiance, où ces relations existent déjà. Il faut investir dans les ressources communautaires existantes fondées sur les familles, le leadership communautaire et les aînés.
Le sénateur Patterson : Bravo!
Le sénateur Christmas : Madame Krone, c’est la réponse que je cherchais. L’analogie qui me vient à l’esprit, par exemple, est celle de jeunes qui veulent arrêter de fumer. Ils pourraient demander de l’aide à une tante, à un oncle ou à un aîné pour se défaire de leur dépendance au tabac. J’hésite à le dire, mais je sais qu’il s’agit d’une dépendance mineure, en quelque sorte. Je sais à quel point les jeunes ont de la difficulté à se défaire de cette habitude. Quant aux autres drogues, notamment la marijuana, je connais des jeunes qui ont consommé pendant longtemps. Ils veulent aller à l’université ou à l’école, et ils veulent se libérer de cette habitude. Ils peuvent demander conseil auprès de membres de la communauté qu’ils connaissent pour savoir comment se libérer de cette habitude. Des gens peuvent les conseiller tout au long du processus. Ce ne sont pas nécessairement des professionnels; il s’agit probablement de gens qui ont réussi à vaincre ces habitudes et qui savent ce qu’il en est.
La marijuana sera bientôt légalisée; tout cela se fera donc ouvertement. Certains auront besoin de traitements. Je tente de trouver une solution pour que les jeunes — du moins ceux des réserves — se sentent à l’aise de demander de l’aide à un membre de la communauté. J’essaie de savoir s’il serait possible d’offrir des soins et des traitements à l’échelle communautaire, sans qu’on doive nécessairement faire appel à un professionnel.
Mme Penrose : Parler aux jeunes serait extrêmement utile; ils pourront vous dire quels sont leurs besoins. J’ai parlé à l’un de mes amis de la communauté, un alcoolique rétabli, à l’instar de deux autres membres de sa fratrie. Les trois ont retrouvé le chemin de la sobriété de manière très différente. L’un d’eux s’est tourné vers la culture, l’autre vers l’église, et le troisième vers les Alcooliques anonymes.
Chaque enfant est unique. Quand je parle aux ministères d’un continuum de soins destinés aux enfants, il faut savoir que chaque enfant peut accéder aux différents niveaux de ce continuum, en fonction de ses besoins. Si un jeune doit être admis dans un centre de sevrage résidentiel, ou si sa consommation est telle qu’il n’est pas en état de prendre des décisions sensées pour sa santé et sa sécurité, nous n’interviendrons pas du tout de la même façon que s’il s’agit d’un enfant qui a commencé à s’automédicamenter à la suite d’un traumatisme.
De quelle façon les enfants voudront-ils entrer en relation? Ce sera vraiment à eux de nous le dire. Comment les interpeller? Que pouvons-nous faire pour les aider? Comment mobiliser l’aide dont ils ont besoin, sans les éloigner de leur famille, de leur collectivité et de ceux qu’ils aiment? Nous pouvons les écouter. Les enfants sont brillants, et si la maladie n’a pas embrouillé leur jugement, ils vont vous dire de quoi ils ont besoin.
Mme Krone : J’ai travaillé une dizaine d’années comme intervenante auprès des jeunes avant d’arriver au bureau du défenseur du Manitoba. C’est à cette époque que j’ai appris les plus grandes leçons qui soient, car c’était mon travail d’élaborer des programmes pour traiter de ces enjeux. J’ai conçu différents types de programmes, mais j’ai compris assez rapidement qu’il fallait d’abord créer un espace pour les jeunes, un milieu stable pour les accueillir. Et cela revient à ce que disait Mme Penrose. Au fil du temps, le programme voulu va se définir par lui-même, car les jeunes vont vous dire de quoi ils ont besoin. Ils doivent avant tout savoir qu’ils peuvent faire confiance à tous ceux qui se trouvent dans ces locaux ou dans cet endroit. Ensuite, ils doivent savoir qu’ils ne se buteront pas à des portes closes le vendredi soir, si c’est à ce moment-là qu’ils sont prêts à demander de l’aide, qu’on leur servira quand même un repas s’ils se présentent pas tout à fait sobres ou peu amochés parce qu’ils se sont battus.
Donc, dans ce continuum de soins, il faut d’abord prévoir un endroit pour accueillir les jeunes; un endroit où ils sont effectivement en sécurité, mais aussi où ils se sentent en sécurité. Cela ne suffira pas pour ceux qui doivent être admis dans un centre de traitement résidentiel plus intensif, mais cela fonctionnera pour ceux qui ont besoin d’aide et qui ont besoin d’entendre qu’ils occupent une place importante dans la communauté.
La sénatrice McCallum : Je veux parler de la réconciliation en rapport au projet de loi C-45. Vous dites que le projet de loi contreviendrait aux articles 33 et 3, qui demandent d’offrir une protection adéquate aux enfants et d’accorder la priorité aux intérêts des enfants. Les droits de la personne sont au cœur de la relation qui favorisera la réconciliation.
Vous avez poursuivi en disant que l’adoption du projet de loi entraînerait une criminalisation accrue des jeunes. Je sais que les programmes de prévention ne fonctionnent pas en communauté. La crise sanitaire s’accentue malgré tout l’argent investi et toutes les mesures mises de l’avant. Les programmes en place sont inégaux, et souvent, l’aide requise dépasse celle que peuvent offrir les professionnels.
Diriez-vous que le projet de loi C-45 est discriminatoire à l’égard des peuples autochtones?
Mme Penrose : Je dirais que le projet de loi aura des répercussions discriminatoires envers les jeunes autochtones, car l’offre de services fait défaut en communauté. Vous avez parlé, par exemple, de la criminalisation. Un jeune arrêté à Winnipeg aura accès à des programmes de déjudiciarisation, qui lui éviteront une accusation et une peine à purger. En communauté, ce sera une autre histoire, car bien des communautés n’ont pas de programmes de déjudiciarisation. Les enfants n’auront donc pas tous accès aux mêmes possibilités. Il y aura des iniquités.
Si l’offre de services n’est pas équitable, les effets ne seront pas les mêmes sur tous les enfants. C’est la même chose pour les services en santé mentale. Je ne peux que parler de ce qui se passe au Manitoba, alors c’est ce que je vais faire. Quand un enfant décède, une enquête spéciale est menée. On voit beaucoup trop souvent des enfants qui auraient eu besoin de soins en santé mentale, mais qui n’ont pas pu recevoir l’aide voulue, faute de services dans leur communauté. Quand le cannabis vient exacerber les troubles de santé mentale chez les enfants, et que les ressources sont inexistantes, leur santé mentale s’en trouve compromise.
Je ne prétends pas que les services en santé mentale sont parfaits dans la région urbaine de Winnipeg, parce qu’ils ne le sont pas. Les services demeurent difficiles d’accès pour les enfants, mais il existe des centres de traitement, et les jeunes peuvent toujours tenter d’obtenir l’aide dont ils ont besoin. Si leur état est suffisamment précaire, ils pourront recevoir des soins.
Cela va certainement entraîner bien des difficultés pour les enfants autochtones et leur famille vivant dans une communauté ou une collectivité isolée, des difficultés qui ne toucheront pas nécessairement les autres.
La sénatrice McPhedran : Merci à vous deux d’être ici et de répondre aussi bien à nos questions.
La semaine dernière, j’ai pu assister à la première du film 1200+. Il a presque entièrement été tourné à l’endroit précis où nous nous trouvons, à Winnipeg. Il a été produit par le grand chef Sheila North. Le film illustre très bien le phénomène de la dépendance à un très jeune âge. Il démontre bien la corrélation entre les différents types de dépendances et le fait d’avoir été victime d’exploitation sexuelle à un très jeune âge.
Récemment, Global TV a interviewé des membres et d’anciens membres de gangs, qui ont expliqué qu’ils appréhendaient la légalisation de la marijuana depuis un bon moment, parce que cela allait hypothéquer sérieusement leur source de revenus. La stratégie dévoilée dans ce reportage, et cela vient directement du crime organisé, est de vendre plutôt des amphétamines et de cibler les enfants les plus jeunes possible, de façon à se garantir une longue source de revenus. Ce sont les enfants les plus vulnérables et les plus exposés à ce milieu qui sont visés.
Cela dit, est-ce que vous ou votre bureau avez été consultés par le gouvernement du Manitoba, le gouvernement fédéral ou les dirigeants autochtones concernant les répercussions dont vous êtes témoins pour les enfants de la province?
Mme Penrose : Non, nous n’avons pas été consultés. Par rapport à ce que vous avez dit, j’ajouterais que ce n’est pas la seule stratégie de ces gangs. Il faut aussi parler de l’exploitation des jeunes filles, et de l’argent que les gangs tirent de l’exploitation d’une seule fille au cours d’une année : cela peut aller jusqu’à 200 000 $. Quand on peut faire autant d’argent sur le dos d’une jeune fille, pourquoi vendre de la drogue?
L’exploitation sexuelle et son lien avec la consommation de drogues posent un grave problème. Nous le voyons au Manitoba. C’est de plus en plus préoccupant, et les drogues sont de plus en plus facilement accessibles. Les gangs tentent de compenser la perte des revenus autrefois générés par le cannabis en vendant des drogues plus dures. Ils exploitent des filles ou des jeunes à cette fin, et il est très inquiétant de savoir qu’au Manitoba, plus leurs victimes sont jeunes, plus c’est lucratif pour eux.
La sénatrice McPhedran : J’ajouterais ceci : je doute fort qu’ils se limitent à un ou à l’autre. Je crois qu’ils essaient probablement de tirer le plus de revenus possible de toutes les sources possibles, y compris de l’exploitation.
Le sénateur Patterson : Pourriez-vous transmettre au comité la lettre que vous avez envoyée au premier ministre du Canada et au premier ministre du Manitoba, ainsi que votre excellent exposé d’aujourd’hui? Je n’ai jamais entendu parler d’une évaluation de l’impact sur les droits de l’enfant. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Dans ma région, la grande préoccupation concerne les enfants et les répercussions qui les touchent. J’aimerais qu’on évalue le projet de loi dans cette optique. Comment faire? Qui pourrait fournir ce point de vue?
Mme Krone : D’excellents cadres de référence et mécanismes ont été mis en place à différents endroits au pays, mais à petite échelle. J’oublie laquelle des provinces de l’Est a lancé un projet pilote à cet égard. C’est peut-être la Nouvelle-Écosse. Le projet consistait à mettre à l’épreuve tout genre de modifications législatives apportées au régime provincial, en menant une évaluation de l’impact sur les droits de l’enfant.
Il existe des cadres de référence à cet égard. Il s’agit essentiellement d’évaluer les répercussions qu’aurait la mesure proposée sur les jeunes. Est-ce que les changements proposés contreviennent à la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies? Comme vous le savez, le Canada est un des signataires de ce traité international. Il y a des cadres de référence.
En plus de vous transmettre l’exposé de Mme Penrose et la lettre du CCDEJ, nous pouvons certainement vous envoyer quelques exemples d’une telle évaluation. Absolument.
La présidente : C’est tout le temps que nous avions cet après-midi pour cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Au nom des sénateurs ici présents, je remercie les représentantes du Conseil canadien des défenseurs des enfants et des jeunes. Merci d’avoir répondu d’excellente façon à nos questions.
(La séance est levée.)