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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 40 - Témoignages du 6 juin 2018


OTTAWA, le mercredi 6 juin 2018

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 49, pour étudier la nouvelle relation entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

La présidente : Je souhaite la bienvenue à tous les sénateurs et tous les membres du public qui regardent ou écoutent la réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, que ce soit, ici, dans la salle ou sur le Web.

Je tiens premièrement à souligner, par souci de réconciliation, que nous nous réunissons sur les terres ancestrales non cédées des Algonquins.

Je m’appelle Lillian Dyck. Je viens de la Saskatchewan et j’ai l’honneur et le privilège de présider le comité. Je vais maintenant inviter mes collègues sénateurs à se présenter.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l’Ontario.

La sénatrice Pate : Kim Pate, de l’Ontario.

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur McPhedran : Marilou McPhedran, du Manitoba.

La sénatrice Boyer : Yvonne Boyer, de l’Ontario.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Sandra Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.

La présidente : Avant de commencer, j’ai deux questions d’ordre administratif à régler. Pour commencer, est-on d’accord pour que les responsables de la Direction des communications puissent prendre des photos et filmer durant la réunion?

Des voix : D’accord.

La présidente : Ensuite, il est possible que les sénateurs soient appelés à se rendre au Sénat pour des votes. Si la sonnerie se fait entendre, nous terminerons avec le témoin avec lequel nous nous entretenons à ce moment-là, puis nous nous dirigerons vers la Chambre du Sénat pour le vote. Nous reviendrons ensuite pour continuer la réunion.

Nous nous excusons d’avance de toute perturbation que cela peut causer, mais vous avez au moins l’occasion de voir le Sénat en action. C’est tout particulièrement excitant que de jeunes Autochtones puissent en être témoins.

Ce soir, nous sommes heureux de tenir notre troisième forum annuel des jeunes leaders autochtones. Nous accueillons neuf jeunes de partout au pays qui ont participé à des activités toute la journée. Ces jeunes ont des antécédents et des expériences variés, et nous sommes extrêmement chanceux de les compter parmi nous.

Nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur la création de nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Chaque témoin aura quelques minutes pour se présenter, puis un, deux ou plusieurs sénateurs poseront des questions. Nous avons seulement 10 minutes à consacrer à chaque jeune ce soir.

Avant de commencer avec notre premier jeune, je tiens à souligner que, durant l’allocution de bienvenue à la Chambre,on a dit à tort que Kayla Bernard venait de l’Ontario. En fait, elle est la seule jeune leader, cette année, qui représente les Maritimes. Elle vient de la Nouvelle-Écosse.

Nous allons commencer par Kieran McMonagle.

Kieran McMonagle, à titre personnel : Bonsoir. Je m’appelle Kieran McMonagle. Je suis une Métisse, mère d’un enfant, et je vis à Dryden, en Ontario, dans la région du traité no 3, dans le nord-ouest de l’Ontario.

Je suis née et j’ai grandi à Dryden. J’ai quitté l’endroit pendant une courte période, mais mon cœur m’y a ramenée. C’est grâce à mon parcours que j’en suis venue à travailler avec d’autres jeunes Autochtones de notre région. Je travaille pour un conseil scolaire du district Keewatin Patricia, notre région. Nous couvrons la plus grande région de la province de l’Ontario et servons une population estudiantine dont 55 p. 100 sont des membres des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Le programme auquel je travaille et que je soutiens s’appelle Four Directions. J’encadre des étudiants des Premières Nations, métis ou inuits en vue de l’obtention de leur diplôme à l’école secondaire de Dryden. Dans le cadre de mon travail, je soutiens plus de 300 étudiants des Premières Nations, métis et inuits et leur famille.

J’ai été la première entraîneure de finissants autochtones, métis et inuits de la province de l’Ontario. Nous avons commencé le projet il y a quatre ans avec une cohorte d’étudiants. Nous avons fait preuve de diligence afin de comprendre les obstacles auxquels les jeunes Autochtones étaient confrontés dans la région et nous nous sommes engagés à faire tout ce qu’il fallait pour les soutenir afin qu’ils surmontent ces obstacles.

Depuis, chaque année, j’ai eu l’occasion de travailler auprès d’une autre cohorte d’étudiants, mais les étudiants de ma première cohorte obtiendront leur diplôme en juin. Historiquement, dans notre école secondaire, environ 30 p. 100 des étudiants autochtones terminaient leurs études secondaires à temps et étaient en voie d’obtenir leur diplôme après quatre ans. On prévoit que, en juin ou plus tard ce mois-ci, 77 p. 100 de ces étudiants obtiendront leur diplôme à temps. La moyenne provinciale en Ontario est de 80 p. 100. En quatre ans, en travaillant auprès de cette cohorte d’étudiants, nous avons réussi à maintenir le bon travail que nous faisions.

Pour un jeune Autochtone qui est né et qui a grandi dans le nord-ouest de l’Ontario, il y a beaucoup d’obstacles à surmonter et, selon moi, notre système scolaire est l’endroit où nous pouvons apporter des changements. Nous pouvons être des participants actifs et être une force motrice pour reconnaître et surmonter ces obstacles.

Nous nous concentrons non seulement sur les jeunes à risque, mais aussi sur tous les jeunes Autochtones, les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits, pour créer des règles du jeu équitables et assurer l’égalité des résultats. Historiquement, les Autochtones ont été désavantagés au pays, et nous avons maintenant l’occasion d’en faire plus et de corriger le tir. Cet aspect de la réconciliation et du mouvement vers l’avant permet de cerner les obstacles antérieurs et actuels de façon à ce que nous puissions tous travailler ensemble en collaboration au pays pour les surmonter.

J’ai espoir pour notre avenir et l’avenir de ma famille. Comme je l’ai dit, je suis une Métisse mère d’un enfant. Ma fille est une Métisse Ojibway. Il est important d’accepter notre culture et d’être fiers de qui nous sommes. Depuis que j’occupe ce poste, j’ai constaté une augmentation de l’autoidentification. J’ai constaté une augmentation du nombre de parents qui participent au sein du système scolaire, surtout les parents qui ont eu de l’expérience dans le système des pensionnats et qui affichent cette méfiance. En créant cette relation avec les étudiants et leur famille, nous pouvons aller de l’avant et surmonter tout cela.

Au cours des quatre dernières années, j’ai constaté une augmentation de l’engagement des parents au sein du système scolaire. J’ai vu des parents qui poursuivent leurs propres études après les avoir arrêtées à un moment donné, j’ai constaté l’augmentation de la persévérance scolaire, de la réussite scolaire et j’ai constaté le renforcement de l’identité parmi mes élèves, ce qui renforce notre collectivité et l’esprit de corps au sein de l’école. Au sein de mon conseil, nous nous efforçons de soutenir les étudiants et d’appuyer les étudiants du Grand Nord. Dans le district Keewatin Patricia, beaucoup d’étudiants qui fréquentent nos écoles viennent des 52 collectivités nordiques. La réalité, c’est qu’ils doivent quitter leur famille à un jeune âge. Ils doivent venir dans un endroit où ils ne connaissent personne, où ils n’ont pas de soutien et ne savent pas ce qui leur est offert.

Une des choses qui me passionnent et que j’aimerais bien faire à l’échelon fédéral, ce serait de déterminer l’importance des langues autochtones. En Ontario, ce qui se produit, au bout du compte, c’est que les étudiants arrivent avec leur première langue maternelle. Cette langue n’est pas reconnue comme une langue seconde au sein de la province ou au sein du système scolaire. On leur refuse l’accès à un soutien supplémentaire, comme des programmes d’anglais langue seconde ou un soutien accru en littéracie ou en mathématiques, ce qui, encore là, les désavantage. Même si nous tentons d’offrir un soutien d’éliminer les obstacles, d’un point de vue institutionnel et systémique, les obstacles sont encore là.

Une autre lacune que j’ai constatée dans les services, c’est que, lorsque les étudiants viennent d’écoles financées par le gouvernement fédéral, on ne leur a pas fourni les ressources nécessaires. D’un point de vue scolaire, ils se situent à un niveau différent en raison de ces lacunes. Et le processus est tellement déjà bien entamé qu’on n’a tout simplement pas ce genre de ressources au niveau secondaire. Les interventions liées à la littéracie ainsi que ces soutiens supplémentaires ne sont pas nécessairement là.

Au sein de notre conseil scolaire, nous trouvons aussi très important de créer des partenariats avec des écoles financées par le gouvernement fédéral et de miser sur des programmes de mentorat auprès des enseignants afin d’offrir une expérience uniforme aux étudiants. Une des choses que j’ai constatées dans mon travail, c’est que le plus important, c’est de créer la relation, de créer ce lien de confiance et d’aller de l’avant afin de travailler en collaboration pour soutenir les étudiants et leur famille, et ce, à tous les niveaux. Lorsqu’on travaille dans le domaine de l’éducation autochtone, l’approche holistique est ce qu’il y a de plus important.

Merci.

Des voix : Bravo!

La présidente : Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.

La sénatrice Boniface : Merci beaucoup. C’est vraiment passionnant à plusieurs égards. Je crois que la passion qui vous anime doit être une incroyable source de motivation pour les étudiants. J’ai trouvé intéressants vos commentaires sur les étudiants du Grand Nord. Je connais très bien ces collectivités et la vôtre.

Pensez-vous qu’il devrait y avoir plus de possibilités de transition pour les étudiants en ce qui a trait à la langue et aux autres domaines où des étudiants qui arrivent dans une grande école de district, comme celle de Dryden, pourraient être désavantagés? Dans l’affirmative, quelles devraient être nos sources d’inspiration?

Mme McMonagle : Dans le cadre de notre programme, nous misons surtout sur les mesures de transition pour nous assurer que les étudiants comprennent bien, d’avance, dans quoi ils s’embarquent. Dans le cas des étudiants du Grand Nord, nous constatons qu’il y a souvent une participation du conseil tribal et qu’il y a un manque de logement et de soutien. Essentiellement, on place les étudiants là où l’occasion se présente. S’ils ne sont pas placés, ils n’ont pas accès à l’éducation. Nous constatons un surpeuplement dans les maisons d’hébergement, et je dirais qu’il s’agit de conditions qui ne favorisent pas un environnement de vie sain pour les étudiants.

Dans un premier temps, il faudrait offrir des logements sécuritaires et durables aux étudiants; ensuite, il faut soutenir la transition. Dans ma collectivité, actuellement, les autorités de l’éducation ont en fait acheté une résidence tout juste à l’extérieur de Dryden. Il y a dans la maison des parents de la collectivité. Il y a deux parents de la collectivité qui parlent la langue et qui participent aux activités traditionnelles. Les étudiants nouvellement arrivés vivent avec eux. Ils ont ainsi accès à leur culture, à leur langue et à leur patrimoine. Il y a là deux personnes qui les comprennent. C’est vraiment une dynamique familiale. Nous avons eu du succès avec ces étudiants et ce modèle.

C’est l’élément principal. Cette transition est l’aspect le plus important, non seulement pour les étudiants, mais pour leur famille qui vit à des kilomètres d’eux.

La sénatrice Boniface : Excellent.

La sénatrice McCallum : Merci de votre exposé. C’est incroyable et réconfortant de voir des jeunes qui sont aussi éloquents et intelligents. Nous sommes en train d’examiner le projet de loi sur la marijuana, un sujet négatif, alors je suis heureuse d’avoir pu entendre vos commentaires.

Je m’intéresse à l’augmentation du nombre de parents qui ont été résidents de pensionnats et à l’augmentation du nombre de parents qui poursuivent leurs études. Comment cela s’est-il produit? Dans les pensionnats, on nous a retiré notre capacité de raisonnement crucial. Je vois que la vôtre est excellente.

Nos jeunes doivent prendre leurs propres décisions et choisir eux-mêmes s’ils veulent consommer de la marijuana ou non et la façon dont ils vivront leur vie. C’est leur décision. De quelle façon ce nombre a-t-il augmenté?

Mme McMonagle : J’ai déjà travaillé au niveau communautaire avec le centre d’amitié local, alors j’ai pu établir beaucoup de relations il y a des années. Je travaille avec certains de mes étudiants depuis qu’ils ont cinq ans, et ils auront 18 ans cette année. Le fait de créer cette relation a été l’élément central. J’ai constaté très rapidement que les familles avec lesquelles j’avais pu travailler par le passé me faisaient confiance, tandis que, dans le cas des familles avec lesquelles je n’avais pas déjà travaillé, je devais commencer en tendant la main. Je les invitais à l’école. Je faisais un suivi afin de voir si les gens me rappelaient ou acceptaient de venir à l’école. Dans la négative, je faisais une visite à domicile. Je me présentais avec du café ou du thé. J’ai commencé à créer une relation dans leur zone de confort, que ce soit chez eux ou à un autre endroit dans la collectivité.

Heureusement, le bouche-à-oreille dans notre collectivité est une excellente façon de communiquer. Les gens posaient des questions au sujet du programme ou posaient des questions sur moi à d’autres familles. C’est intéressant, parce que la conversation qui a lieu dans les réserves, que ce soit dans des quartiers pauvres ou riches, est identique; elle concerne le programme et le soutien que nous fournissons à leurs enfants. Ils étaient au moins prêts à entendre ce que nous avions à dire.

Nous commençons à jeter les bases de la confiance en allant chez eux, peu importe à quoi cela peut bien ressembler et où c’est. On enlève nos souliers, on s’assied bien confortablement dans le fauteuil et on s’ouvre tout simplement et on discute. Je le faisais plusieurs fois jusqu’à ce que j’aie pu établir une certaine relation, puis je les ai invités à l’école lorsqu’il n’y avait personne d’autre. Durant l’été, les fêtes ou après l’école, et j’assurais le transport. Si ces gens devaient se rendre à la banque alimentaire un certain jour, j’offrais de les conduire et je disais : « J’ai oublié quelque chose, voulez-vous venir prendre un café, un thé ou quelque chose à manger? »

On a beaucoup réfléchi à la façon de leur présenter tout cela. Pour moi, l’élément déclencheur, c’était la tenue d’une soirée de rencontre parents-enseignants. J’ai invité tous nos parents. Je les ai appelés, je leur ai envoyé un message texte ou un courriel ou encore je leur ai envoyé des messages sur Facebook pour leur donner la date et leur demander s’ils avaient besoin de transport. Nous fournissions également de la nourriture durant ces événements. Tous ces éléments clés, la nourriture, la sécurité et le transport ont aidé à créer ce lien. Je leur disais : « Hey, je vais être là et je vais vous faire visiter l’endroit. »

Durant ma première soirée de rencontre parents-enseignants, j’ai passé une personne après l’autre. Je les ai amenés et je leur ai présenté les enseignants. Ils étaient vraiment fiers de leurs enfants. La culture au sein de l’école a aussi changé. Les enseignants font des appels positifs pour parler des bonnes choses qui se produisent, pas seulement des problèmes. Nous avons réussi à renforcer cette relation. À mesure que nos étudiants progressent au secondaire, je ne suis plus la seule personne avec qui ils ont tissé des liens. Ils ont tissé des liens avec tout un cercle d’adultes bienveillants qui soutiennent aussi leurs enfants.

La présidente : Merci beaucoup, Kieran.

Notre deuxième témoin est Kayla Bernard, membre des Premières Nations de la Nouvelle-Écosse.

Kayla Bernard, à titre personnel : Bonjour. Je m’appelle Kayla Bernard. J’ai grandi dans une collectivité autochtone appelée Indian Brook, en Nouvelle-Écosse. Ce n’est pas très loin de la ville, mais c’est très près d’un ancien pensionnat qui est maintenant fermé.

Lorsque je pense à la relation du Canada avec les Autochtones, les Métis et les Inuits, je m’arrête et je soupire, parce qu’il y a tellement de travail à faire. En tant que jeune leader dans ma collectivité, je ressens à ce sujet un lourd fardeau sur mes épaules, puisque c’est maintenant mon travail. Je suis maintenant responsable de cela, puisque malheureusement, les adultes n’ont pas encore compris. Malheureusement, je crois qu’il est maintenant trop tard pour cette génération.

Quel est le travail? Pourquoi est-ce un si lourd fardeau? On parle beaucoup de réconciliation au Canada, surtout les leaders canadiens. Malheureusement, c’est un mot qu’on utilise sans l’accompagner de mesures concrètes. C’est bien parfait de parler de réconciliation, mais cela ne veut rien dire si on ne fait rien de concret.

C’est formidable de croire qu’on vit dans un pays diversifié, un pays qui accepte tous ses citoyens, mais quiconque vit vraiment au Canada sait que c’est un mensonge. Il reste beaucoup de travail à faire. Les conditions des collectivités autochtones sont épouvantables. Je parle de mon expérience personnelle, puisque j’ai grandi dans une réserve. Plusieurs n’ont pas accès à une eau potable et à des services d’égouts adéquats. Un des souvenirs que je garde de mon enfance, c’est mon père qui remplissait notre bain d’une boue brune ou d’eau contaminée qui sortait du robinet et qui était impropre à la consommation humaine. Parfois, nous passions une semaine sans nous laver et nous devions manger dans des assiettes jetables, parce que nous ne pouvions pas laver la vaisselle.

Nos collectivités n’ont pas de médecin, de conseiller ou d’autres professionnels de la santé formés de façon appropriée, ce qui fait en sorte que les nôtres doivent aller obtenir des soins à l’extérieur de la collectivité, souvent auprès de médecins qui sont racistes et qui ne comprennent pas notre culture.

Nos écoles, l’endroit où nous devons éduquer nos enfants et les préparer pour l’avenir, manquent d’enseignants qualifiés et bien formés. Nous nous retrouvons dans une situation où la chance n’est déjà pas de notre côté. Par conséquent, ma famille a décidé de m’envoyer dans une école à l’extérieur de ma collectivité, une école où j’ai été confrontée à de l’intimidation et du racisme, dès un très jeune âge. À la fin de mes études primaires, je pouvais déjà répéter beaucoup de mots désobligeants et offensants utilisés pour décrire un Autochtone, des mots que je ne comprenais pas. J’arrivais à la maison et je les disais à ma mère. Son visage paraissait choqué et consterné et elle me disait : « N’utilise plus jamais ces mots. » Quand j’avais cinq ans, je n’en connaissais pas la signification. Je connaissais seulement les mots. J’ai appris, en vieillissant, que ces mots étaient blessants. C’était le compromis. J’ai eu une bonne éducation, mais j’ai dû sacrifier mon bien-être émotionnel.

Avec les meilleures intentions du monde, mes parents voulaient me voir réussir. Mon père avait arrêté l’école après sa troisième année, et ma mère, après sa sixième année. Le pari a fonctionné. J’ai obtenu un diplôme d’études secondaires et je fréquente maintenant l’université. Je suis en voie de devenir la première personne de ma famille à détenir un diplôme d’études postsecondaires, mais tout cela ne s’est pas fait sans cicatrices durables et sans problèmes de santé mentale dont je ne pourrai jamais me défaire.

En tant qu’Autochtones, nous avons besoin que vous, les leaders de notre pays, de mon pays, admettiez qu’il y a du travail à faire et que vous l’acceptiez. Cacher les choses, tout balayer sous le tapis et prétendre que cela n’existe pas n’a jamais aidé personne et ne le fera jamais. Je sais que, comme je suis une femme autochtone, les chances sont contre moi. Je sais que je suis plus à risque d’être victime de violence physique, de violence et d’agression. Ma mère m’appelle chaque soir pour s’assurer que je suis chez moi et que j’ai verrouillé mes portes lorsqu’il fait noir dehors. Je ne dois pas aller dehors lorsqu’il fait noir, parce qu’elle veut savoir que je suis en sécurité et que je serai encore là demain.

Je sais que je me bats pour me tailler une place au pays. Je sais que je fais partie d’une minorité dans un pays où les miens ont déjà été majoritaires. Je sais que je suis une citoyenne de deuxième classe, un symbole, une coche que les employés cochent pour respecter les exigences en matière de diversité. Je me bats pour m’intégrer à l’identité canadienne et je sacrifie ma propre culture à chaque pas que je fais, parce que c’est plus facile d’être Blanche que d’être moi.

Je sais aussi que je viens d’une famille de combattants, une famille forte et bienveillante qui ferait n’importe quoi pour ses voisins et qui donnerait sa chemise à n’importe qui. Je sais que je peux provoquer des changements. J’ai commencé ce dur travail grâce à mes études, grâce à mon bénévolat et ma participation communautaire, en partageant ma culture, en remettant en question le racisme et en servant de modèle pour d’autres jeunes Autochtones. Tous les jeunes, surtout les jeunes Autochtones, peuvent apporter des changements positifs.

Ma question s’adresse aux membres du Sénat, aux dirigeants du Canada. Accepterez-vous votre place, votre rôle dans le travail qui doit être fait? Arrêterez-vous de cacher les problèmes afin de faire vraiment du Canada un pays où tous les habitants seront fiers de vivre? Ou allez-vous rester assis et attendre que cela passe? La relation du Canada avec les Autochtones, les Métis et les Inuits ne mérite pas d’être célébrée. Il y a beaucoup de travail à faire en ce qui a trait à cette relation.

Merci.

Des voix : Bravo!

La présidente : Merci, Kayla. La sonnerie se fait entendre, mais nous avons le temps pour une question.

La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup. Je n’ai pas eu l’occasion de vous poser cette question plus tôt. Étiez-vous avec nous à New York pour la réunion de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies?

Mme Bernard : Oui.

La sénatrice McPhedran : C’est ce que je pensais. Je suis heureuse de vous revoir. Pour expliquer à mes collègues, nous avons permis à des étudiantes de différentes régions du Canada de participer à une réunion de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies à New York. Kayla était l’une des étudiantes participantes et elle était avec nous dans le cercle lorsque nous nous sommes préparées. Je suis heureuse de vous revoir.

Mme Bernard : Merci.

La sénatrice McPhedran : Ma question est liée à tout cela. Vous nous avez parlé de votre expérience à l’échelle locale. Vous étiez parmi nous durant cette conférence mondiale.

Mme Bernard : Oui.

La sénatrice McPhedran : J’aimerais savoir ce que vous pensez de votre rôle et du rôle des autres personnes avec lesquelles vous travaillez, les jeunes leaders autochtones, en tant que citoyens du monde.

Mme Bernard : J’ai fait beaucoup de travail à l’échelle nationale et internationale. J’étais récemment en Suède où j’ai participé à une conférence sur la santé mentale et plus précisément sur la prévention du suicide. Mon travail consiste à habiliter les jeunes, surtout les jeunes Autochtones, à aborder la question de la prévention du suicide d’un point de vue différent, d’y voir plutôt une promotion de la vie.

Nous savons que nos collectivités sont terribles. Nous savons qu’il y a beaucoup de problèmes. Nous savons que nous venons d’un contexte traumatisant. Nous n’avons pas besoin de nous le rappeler. Essayer de prévenir le suicide en limitant l’accès aux armes à feu ou en construisant de hauts murs n’aide personne. Il faut encore habiliter les jeunes à trouver des raisons de penser que leur vie vaut la peine d’être vécue. Il faut améliorer leur qualité de vie et les aider à tisser des liens au sein de leur collectivité.

Lorsque j’étais en Suède, j’ai pu communiquer ce point de vue à l’échelle internationale et à des représentants et des leaders de 40 autres pays du monde entier. J’étais la plus jeune personne dans la salle. Tout le monde dans cette salle avait l’âge de mes grands-parents.

La sénatrice McPhedran : Un peu comme ici.

Mme Bernard : Les jeunes ont un point de vue différent, un point de vue nouveau. Nous voyons les choses un peu différemment, parce que nous avons grandi à une époque différente. Nous grandissons à une époque où les choses changent. Notre point de vue est utile, parce que certaines des choses qu’on a faites n’ont pas fonctionné. Il serait insensé de continuer à faire la même chose au Canada pendant encore 150 ans.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, le vote a lieu à 19 h 25. Si quelqu’un a une brève question, nous pouvons l’accepter. Dans la négative, nous allons suspendre la séance et revenir après le vote.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

La présidente : Nous accueillons maintenant notre troisième témoin de la soirée, Bryanna Brown, une Inuite de Terre-Neuve-et-Labrador. La parole est à vous, madame Brown.

Bryanna Brown, à titre personnel : Je m’appelle Bryanna Brown. Je suis une femme inuite de Happy Valley-Goose Bay, à Terre-Neuve-et-Labrador. J’ai 20 ans et je suis une bénéficiaire du Nunatsiavut. Je vous remercie tous, aujourd’hui, de m’écouter.

J’aimerais reconnaître notre territoire et aussi saluer nos ancêtres autochtones, qui, j’en suis sûre, auraient aimé pouvoir être ici pour parler de leur expérience, mais n’en ont pas eu l’occasion. Sans leur force, leur grâce et leur résilience, je n’aurais pas été ici aujourd’hui. Lorsque j’ai préparé mon discours, j’ai prié pour que leur présence m’accompagne et qu’ils me donnent de la force, qu’ils me soutiennent et qu’ils me guident. Je les remercie eux aussi.

Pour terminer, je tiens à remercier ma grand-mère, mon héros. C’est la femme la plus forte qu’on puisse connaître : Mme Sophie Margaret Ford. Ma grand-mère a survécu à plus de difficultés que toute autre personne que je n’aie jamais rencontrée. Elle a eu un impact important dans ma vie. Elle m’a enseigné à être la femme forte que je suis maintenant. Oui, tu es une femme incroyablement intelligente et je t’aime plus que personne ne le saura jamais.

L’automne prochain, j’ai la chance de dire que j’en serai à ma quatrième année d’études universitaires. J’étudie les affaires. Je suis actuellement une formation pour devenir monitrice de premiers soins dans le cadre du Programme de développement des instructeurs de l’Ambulance Saint-Jean, qui est financé par l’intermédiaire d’Indspire. Quatre de mes amis autochtones et moi avons eu la chance d’être choisis et de pouvoir saisir cette merveilleuse occasion, et je remercie beaucoup Indspire pour cela. Il y a un énorme déficit de connaissances en premiers soins et de services de santé dans les petites collectivités et réserves isolées partout au Canada. En raison des nombreux décès et traumatismes auxquels nous sommes confrontés, une telle éducation est vraiment essentielle.

J’ai également eu l’honneur d’être l’une des premières employées autochtones de Tom Gordon, en tant qu’adjointe de recherche dans le cadre du partenariat de recherche Traditions et transitions. En travaillant dans le cadre de ce partenariat, durant ma première année d’université, j’ai appris beaucoup de choses au sujet de ma culture et de mon patrimoine, et c’est grâce à ce projet. Je dois aussi remercier un autre chercheur avec qui j’ai travaillé en étroite collaboration. Je parle de Hans Rollmann. Il m’a beaucoup aidée à apprendre des choses au sujet de l’histoire de ma famille. Il m’a amenée à découvrir que mon arrière-grand-mère avait été amenée en Espagne à la fin des années 1800 pour être exposée dans un zoo humain. Ses recherches m’ont aussi grandement permis de faire valoir mon statut d’Inuite par l’intermédiaire du Nunatsiavut.

J’ai aussi travaillé, l’été dernier, pour le Partenariat en formation autochtone du Labrador. Dans le cadre de ce travail, j’ai eu l’occasion d’aider les miens à Terre-Neuve-et-Labrador à trouver du travail. Ma merveilleuse employeure, Carol Best, a proposé ma candidature afin que je sois ici aujourd’hui. Je te remercie beaucoup, Carol.

J’aimerais parler du caractère interrelié et complexe des innombrables défis auxquels les Autochtones sont confrontés, comme la maladie mentale découlant des traumatismes intergénérationnels. J’aimerais aussi aborder la question du racisme systémique. Je vais vous expliquer ma propre expérience relativement à ces enjeux et vous dire pourquoi je crois que les Autochtones sont ceux qui ont le plus de difficultés.

En raison du silence lié aux difficultés auxquelles nous sommes confrontés, j’estime que vous ne pouvez pas vous fier aux apparences. Le racisme, le sexisme, la discrimination, l’oppression, la maladie mentale et la toxicomanie sont des programmes qu’on ne peut pas toujours facilement déceler. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut voir tout simplement en regardant quelqu’un. On ne peut pas dire si une personne a été agressée sexuellement, si son mari la bat ou si elle a ou n’a pas de parents. Ce qu’on peut voir, ce sont des effets, comme le fait qu’une personne ne se présente pas au travail, le fait qu’une personne soit un sans-abri, vive dans la rue, ou encore le fait qu’une personne se retrouve en prison. Je suis désolée, je deviens émotive.

Ce qu’on ne voit pas, c’est toutes les raisons interreliées qui mènent à ces situations. Le manque de compréhension à ce sujet est justement la raison pour laquelle les Autochtones sont indirectement envoyés à la mort, par le suicide, que leurs enfants leur sont enlevés par les services sociaux, qu’ils se retrouvent en prison ou encore patients dans un service de psychiatrie. Ce qui nous mène à ces terribles résultats n’est pas de notre faute. Lorsque je vois les miens, peu importe qui ils sont ou leur situation, je vois la réussite en eux. J’ai une façon vraiment non conventionnelle de définir la réussite, et c’est parce que je comprends les obstacles et tous les pièges que nous devons éviter et que les autres ne connaissent même pas.

Le fait que ces gens soient vivants est déjà là une réussite selon moi. Ce n’est pas nous qui échouons, c’est le système. C’est très difficile à comprendre. C’est parfois difficile de comprendre que ces obstacles existent, même si on ne les vit pas nous-mêmes. Selon moi, c’est ce qu’il y a de plus dur au sujet du racisme. C’est la même chose pour le sexisme. Un homme ne peut pas toujours voir l’oppression que subit une femme en raison du sexisme. C’est la raison pour laquelle les femmes autochtones, en particulier, sont les personnes les plus opprimées au Canada. Le problème vient de la culture au sein de notre société. Nous sommes réduits au silence par la société en raison de la stigmatisation associée à ces sujets. Nous sommes réduits au silence et à la honte liés au fait de parler de ces énormes problèmes. Nous sommes réduits au silence au sein de la société lorsque vient le temps de lutter contre les agressions sexuelles tout comme lorsqu’il est question de parler de maladie mentale. Nous sommes enfin réduits au silence lorsque vient le temps de parler du racisme.

C’est aussi une question d’éducation. L’éducation est entre les mains d’universitaires habituellement blancs parce qu’ils viennent d’un milieu qui leur donne le privilège de ne pas avoir à vraiment penser à la race, au sexe, à la pauvreté ou à l’éclatement familial découlant des traumatismes intergénérationnels. Ces personnes écrivent les livres dont nous avons besoin pour recevoir un diplôme. Dans ces manuels, il y a un énorme écart entre nos expériences en tant qu’Autochtones et l’expérience des Blancs.

Depuis de longues années, durant toute l’histoire, la plupart des personnes au pouvoir n’étaient bien sûr pas des Autochtones. Ce silence découle du fait qu’on vit dans un pays dominé principalement par la culture occidentale. Nous n’avons pas la liberté de nous exprimer ou de nous attaquer à ces problèmes parce que nous devons travailler deux fois plus dur pour simplement survivre et parce qu’on nous jugera si nous parlons. Tout cela, encore une fois, est lié à la santé mentale, parce que si on ne parle pas de nos problèmes, on finit par les intérioriser. Cela mène à la maladie mentale et, bien sûr, souvent, au suicide.

Je crois aussi que les rôles des hommes et des femmes dans la culture blanche comparativement à la culture autochtone sont extrêmement problématiques. Avant la colonisation du Canada, on mettait très peu l’accent sur les rôles des sexes dans notre culture. Les femmes autochtones ont été habituées à une culture plus matriarcale depuis des milliers d’années. Nous sommes considérés comme des chefs. Nous sommes vénérées en tant que créatrices de vie. Je crois que cette pratique est encore en place dans notre culture actuellement. Lorsqu’on est considérée comme une guérisseuse pour notre famille et ceux qu’on aime dans notre collectivité, c’est très difficile d’assumer le fardeau d’avoir à guérir les douleurs des personnes devant composer avec des traumatismes intergénérationnels. Ce problème est quasiment impossible à régler, et cela fait en sorte que les femmes se sentent très isolées. Au bout du compte, lorsqu’elles doivent travailler et composer avec leurs propres traumatismes en plus de ceux des membres de leur famille et de leur collectivité, elles sont laissées à elles-mêmes. Selon moi, c’est la raison pour laquelle les femmes autochtones sont assassinées et qu’elles disparaissent, ce qui est sans nul doute là aussi problématique.

Aujourd’hui, j’ai décidé de porter une robe rouge en mémoire des femmes autochtones disparues et assassinées. Une femme qui s’appelait Loretta Saunders, une femme de ma collectivité, a disparu. Je n’étais pas proche de sa famille, mais j’étais très proche de son frère. Nous parlions souvent de nos problèmes, des traumatismes intergénérationnels et de tout ce que nous voulions faire de notre vie. Ironiquement et malheureusement, Mme Saunders faisait des recherches sur les femmes autochtones disparues et assassinées lorsqu’elle est décédée. Cette situation en dit beaucoup sur notre culture et notre société. Comme j’ai presque été une femme portée disparue moi-même, la crainte de manquer à l’appel, d’être assassinée ou de voir des membres de ma famille assassinés étaient très effrayants pour moi. C’est une réalité avec laquelle je dois composer chaque jour.

Une éducation appropriée est la seule façon de vraiment comprendre les problèmes auxquels nous sommes confrontés, et ce n’est pas le cas de celle que nous recevons actuellement. Il faut plus d’éducation dispensée créée par les Autochtones. Je crois aussi qu’il faut pouvoir parler de nos problèmes. On nous réduit constamment au silence. Il faut en parler. Nous avons besoin de guérir, et je crois que c’est la seule façon de régler la situation.

Je sais aussi qu’il est très difficile d’obtenir des thérapies. Il y a des problèmes d’accessibilité. Si, lorsqu’on participe à une thérapie, on se retrouve devant un psychologue qui, habituellement, est un non-Autochtone, c’est difficile d’expliquer nos difficultés à quelqu’un qui ne les a jamais vécues et qui n’a pas l’éducation nécessaire pour nous aider à guérir. C’est très difficile et c’est une autre raison pour laquelle beaucoup d’Autochtones ne cherchent pas à bénéficier d’une thérapie. Je ne comprends pas pourquoi quelqu’un voudrait payer une personne qui ne comprend pas ce qu’on vit parce que cette simple situation pourrait être traumatisante en tant que telle. Il y a des problèmes de ce côté-là aussi. Il faut trouver des façons de guérir. Je crois que c’est la seule façon que nous pourrons mettre fin au caractère intergénérationnel des traumatismes intergénérationnels.

Pour terminer, j’aimerais dire que, en 1879, notre tout premier premier ministre, John A. Macdonald, a prévenu que, si les écoles des enfants autochtones devaient être construites dans les réserves, les enfants vivraient et pratiqueraient leur vie sauvage avec leurs parents sauvages. Même si ces jeunes apprennent à lire et à écrire, ils auront encore l’esprit et les habitudes des Indiens. Il sera simplement un sauvage qui peut lire et écrire, et il avait raison. C’est pour cette raison que les enfants ont été retirés à leur famille. Ils ont été forcés à aller dans des pensionnats. Même si on nous a arrachés à notre culture, aujourd’hui, moi, Bryanna Brown, je peux lire et écrire, et, d’abord et avant tout, je suis et je serai toujours une sauvage.

Merci.

Des voix : Bravo!

La présidente : Merci, Bryanna. La sonnerie se fait entendre. Nous avons un vote à 20 heures, honorables sénateurs, je tenais à vous en informer. Monsieur le sénateur Doyle, nous avons probablement le temps de poser une deuxième question.

Le sénateur Doyle : Merci beaucoup de votre excellent exposé. Vous avez participé à l’organisation de la toute première conférence internationale pour les leaders inuits. Pouvez-vous nous parler de certains des défis logistiques que vous avez rencontrés? Quelles sont certaines des leçons que vous avez tirées de l’exercice?

Mme Brown : J’ai appris beaucoup de choses sur ma culture. J’ai remarqué les différents dialectes de l’inuktitut un peu partout dans le monde. J’ai été très enthousiaste à l’idée de voir tant de gens de ma propre culture qui avaient réussi réunis au même endroit et venant de partout dans le monde. J’ai beaucoup appris en essayant d’aider à organiser cette conférence. J’ai moi-même des problèmes d’organisation à cause d’un TDAH, alors tout cela m’a vraiment beaucoup aidée à apprendre, et cela a été une occasion vraiment merveilleuse.

Le sénateur Doyle : Votre biographie indique que vous voulez relever des défis extrêmement intéressants et difficiles de pair avec l’Ambulance Saint-Jean et Indspire. Qu’est-ce qui vous a motivée et qu’est-ce qui vous a inspirée à vous intéresser à la traite de personnes, à la violence et à l’agression sexuelle, des choses qui, d’entrée de jeu, sont un fléau? Qu’est-ce qui vous a motivée à vous intéresser à ces sujets?

Mme Brown : Ce qui m’a motivée à m’attaquer aux problèmes d’agression sexuelle, de traite de personnes et de violence en général, c’est le fait que les Autochtones sont les plus touchés par cette violence. Les femmes autochtones en particulier, là où elles sont très isolées, elles disparaissent, et c’est en raison de leur situation qu’elles sont les plus ciblées. Elles ont beaucoup de problèmes de santé mentale, parce que nous, en tant que femmes autochtones, portons le lourd fardeau de la douleur de notre peuple découlant des traumatismes intergénérationnels parce qu’on nous considère encore comme les leaders et les guérisseuses dans nos collectivités.

Cependant, si votre mari vous bat ou si lui ou votre fils est bouleversé émotionnellement ou que votre sœur disparaît, c’est un événement vraiment traumatisant. Cela a un grand impact sur la santé mentale, et c’est la raison pour laquelle nous sommes si isolées. Selon moi, c’est en raison de notre propre santé mentale que nous sommes autant prises pour cible.

J’ai moi-même été ciblée, alors je comprends de quelle façon tout cela fonctionne, surtout en ce qui concerne la traite de personnes. C’est la raison pour laquelle j’en ai parlé.

Le sénateur Doyle : Merci.

La sénatrice Pate : Pour gagner du temps, je vais plutôt formuler un commentaire.

Je tiens à vous remercier, vous qui avez déjà pris la parole et ceux qui le feront. Vous parlez de problèmes que vivent directement beaucoup trop de jeunes dans les collectivités autochtones et au sein d’autres collectivités marginalisées. Cela fait de vous certains de plus grands défenseurs et des porte-parole les plus énergiques. C’est la raison pour laquelle vous êtes des leaders qui vont de l’avant et que vous allez changer les choses, pas simplement en discutant avec nous, ici, mais à l’avenir.

En outre, le fait que vous ayez fait un lien entre les femmes autochtones disparues et assassinées et la traite de personnes, les prisons et tous ces autres problèmes est d’une importance cruciale. Je tiens à vous remercier, parce qu’on voit clairement que votre passion vient du fait que vous avez une connaissance directe ou indirecte — assurément dans votre cercle ou encore une connaissance de première main — de tous ces problèmes. Merci de votre participation, parce que vous nous rappelez à nous tous, alors que nous nous dépêchons d’aller voter, que ce ne sont pas là des problèmes abstraits, mais qu’on parle bien de la vie des gens.

La présidente : Merci de votre témoignage. Nous allons suspendre la séance pendant que nous retournons voter au Sénat. Nous serons de retour.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

La présidente : Nous en sommes à notre quatrième jeune témoin de la soirée. Bienvenue, Amanda Fredlund, du Manitoba. La parole est à vous.

Amanda Fredlund, à titre personnel : Je m’appelle Amanda Fredlund. Je viens du Manitoba. Ma communauté natale, c’est Churchill, au Manitoba, là où il y a des ours polaires. J’en suis actuellement à ma quatrième année à l’Université du Manitoba. Je vis en ville depuis maintenant au moins quatre ans. J’ai un peu fait l’aller-retour pendant un certain temps.

Je suis extrêmement honorée d’être ici ce soir pour vous raconter un peu mon histoire, mes expériences et, comme quelqu’un l’a dit précédemment, vous parler des choses qui me tiennent vraiment à cœur. Je tiens à souligner que nous nous trouvons en territoire algonquin non cédé. C’est agréable, pour une fois, de reconnaître des territoires et de souligner qu’ils sont non cédés. J’ai bien aimé le dire.

J’ai eu un peu de difficulté cette semaine à décider ce dont j’allais vous parler. Je constate qu’il y a beaucoup de choses à dire, mais j’ai seulement 13 minutes. J’ai dû éliminer certaines choses, alors je vais parler du fond du cœur en jetant un coup d’œil à mes notes.

Je veux vous fournir un peu de renseignements contextuels sur là d’où je viens. Churchill, au Manitoba, se trouve sur le territoire du traité no 5, un territoire utilisé par les Dénés, les Cris, les Inuits et les Métis. Historiquement, c’était un lieu de rencontre, ce que j’ai toujours trouvé unique puisqu’il n’y a pas un seul groupe majoritaire dans ma collectivité. Je suis fière d’être une femme dénée de ce territoire. Churchill est une petite collectivité de 900 personnes maintenant en raison des récentes difficultés. En grandissant, dès un très jeune âge, j’ai constaté l’importance de la communauté et du soutien qu’on y reçoit. Mon père a grandi dans une petite collectivité du Nunavut. Il descend des colons, mais il est né et a grandi dans le Nord. Ma mère est une très fière Tlicho Dénée de la partie des Territoires du Nord-Ouest visée par le traité no 11.

En tant que survivante des pensionnats, ma mère m’a appris beaucoup de choses sur ce que signifie être une femme forte et résiliente. C’est la personne qui m’a le plus inspirée à devenir leader, à relever des défis, et à sortir de ma zone de confort pour offrir du soutien à l’université à des amis, des membres de la famille et tous ceux que je peux aider. Elle a vécu beaucoup de difficultés et de traumatismes en grandissant. Lorsque j’étais enfant, j’ai vu de quelle façon tout cela l’a touchée. Elle a toujours été et elle reste encore la femme la plus forte que je connaisse. Elle continue de me montrer des choses, même si elle est décédée soudainement en 2013. C’est sa mémoire et son héritage que j’honore dans tout ce que je fais. Je vais être une personne aimable et forte comme elle l’était. J’accorde beaucoup d’importance à ces traits de personnalité et j’essaie de les appliquer dans le travail que je fais.

L’importance de la collectivité a toujours été évidente pour moi, parce que je viens d’une petite collectivité. En quittant ma collectivité lorsque j’étais plus vieille, j’ai compris sa valeur encore plus lorsque je suis déménagée dans une ville où l’on avance à tâtons jusqu’à ce qu’on réussisse à trouver sa communauté, un endroit où on se sent en sécurité. J’ai appris que la communauté, c’est l’endroit où on se sent protégée, soutenue, encouragée et poussée à dépasser ses limites et à aller même au-delà afin d’accomplir de grandes choses. En ce moment, dans ma vie, je suis à l’étape de l’université. J’aime la communauté et je reconnais qu’elle m’aide à surmonter les défis.

J’en suis à ma quatrième année à l’Université du Manitoba. Durant ma première année, il m’a fallu moins d’une semaine pour trouver ma communauté. Le centre des étudiants autochtones offre une atmosphère merveilleuse, et il y a là plein de personnes qui sont les meilleures sources de soutien et d’inspiration qui soient. Je me suis fait des amis très rapidement. C’est ma maison dans la ville, maintenant.

Au cours de ma deuxième année, j’ai été invitée à participer à une conférence sur le leadership étudiant, et c’est ce qui m’a convaincue. C’est la première fois que j’ai assumé un rôle de leadership. J’étais dans une salle avec plus de 500 autres leaders étudiants de partout au Canada. En fait, cela a vraiment été une révélation pour moi, de voir autant d’autres étudiants de mon âge et des plus jeunes, aussi, réaliser toutes ces merveilleuses choses comme diriger des campagnes, des associations, des organisations et des activités de collecte de fonds, des choses que, pendant longtemps, j’imaginais être la chasse gardée de personnes plus âgées. Pour moi, tout cela a été vraiment inspirant. Je me suis dit que, si autant d’autres étudiants pouvaient faire des choses merveilleuses, je pouvais au moins essayer.

Dans cette optique, dans ma communauté, sur le campus, j’ai décidé de me mettre au défi. J’ai commencé par faire du bénévolat dans le cadre du programme de mentorat par les pairs Neechiwaken. Neechiwaken veut dire « ami » en cri. Officiellement, on crée des relations mentor-mentoré, mais l’idée, c’est vraiment de créer des relations avec les nouveaux étudiants afin de les aider à se sentir bien dans la communauté du campus. On est là pour répondre aux questions, prodiguer des conseils et guider ces nouveaux étudiants de toutes les façons que nous pouvons. J’aime vraiment soutenir et aider les gens de façon très pratique en leur montrant où est la cafétéria, en leur expliquant le système de tutorat ou tout simplement en m’assoyant avec eux pour bavarder et faire du commérage. Ce sont les petites choses qui rendent une communauté confortable, et le fait de tisser des liens en est une composante très importante.

Beaucoup d’étudiants de l’Université du Manitoba viennent des collectivités environnantes. Quitter sa collectivité pour venir en ville nous désavantage immédiatement, alors nous ne sommes plus dans notre zone de confort. La communauté que nous trouvons sur le campus nous aide vraiment à nous établir et à avoir accès aux ressources. Afin de participer davantage, j’ai décidé de me présenter aux élections de l’association des étudiants autochtones. À ma troisième année, je me suis présentée comme co-vice-présidente, et, à ma quatrième année, comme coprésidente. L’Association des étudiants autochtones de l’Université du Manitoba mise sur un conseil équilibré. Au sein du leadership, il y a une co-vice-présidente et un co-vice-président et un coprésident et une coprésidente afin qu’on bénéficie des deux points de vue.

En tant que représentante féminine des deux postes durant ces deux années-là, j’ai pu participer. Ce que j’ai appris au sujet du leadership au cours des deux dernières années, surtout, c’est que c’est énormément de travail. C’est cela, le leadership. Il ne s’agit pas de dicter ou de dire aux gens quoi faire. Il s’agit de se lever à 6 heures du matin pour être au campus et cuisiner 150 hot-dogs sur pain bannock pour le dîner gratuit des étudiants. C’est laisser tomber ses fins de semaine pour être tuteur. C’est laver la vaisselle et placer les chaises. C’est beaucoup de travail, mais c’est aussi agréable en même temps parce qu’on inspire les gens, on les encourage et on les pousse à réussir.

Je sais à quel point tout cela a été important pour moi au cours de ma première et de ma deuxième années. Il y a quand même des leaders que j’admire à l’université. Je les vois travailler très dur. Je les vois, en coulisse, donner de leur temps sans être payés et mettre l’épaule à la roue. Pour moi, c’est cela le leadership. J’aimerais continuer à faire ce travail pour le reste de ma vie.

Avant de manquer de temps, j’aimerais vous parler de certains des grands projets auxquels j’ai participé cette année. Cette année, j’ai été coprésidente de l’association des étudiants autochtones, comme je l’ai expliqué. Nous avons eu quelques grands projets en cours. Je vais vous en présenter trois.

Le premier, c’est un conseil des femmes. L’association des étudiants autochtones de l’université compte sur un centre des femmes, un groupe de défense des femmes sur le campus. Il y a l’association des étudiants autochtones, qui est un groupe de défense des étudiants autochtones du campus. Je voulais créer quelque chose pour les femmes autochtones. Comme une témoin l’a dit tantôt, les femmes autochtones comptent parmi les personnes les plus vulnérables, surtout sur les campus où les taux d’agression et de viol sont très élevés. Je voulais offrir du soutien grâce aux ressources qui existaient déjà, mais je voulais le faire de façon plus structurée. Ce n’était pas seulement moi. En collaboration avec d’autres femmes, nous avons créé le conseil des femmes dont le mandat est de défendre les droits des femmes et de créer un lieu sécuritaire pour les femmes autochtones sur le campus. C’était là mon premier projet. C’est encore tout récent, mais j’espère continuer à y travailler au cours des deux ou trois prochaines années, si je le puis, afin de l’améliorer.

Un autre projet sur lequel l’association des étudiants autochtones a travaillé cette année concernait la langue. Nous avons déjà entendu parler de réconciliation, un terme qui reflète l’esprit de la campagne que nous proposions. La notion de réconciliation est une idée née il y a seulement deux ans. Cette année, deux membres de notre association sont venus ici à Ottawa pour proposer devant la Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants une campagne afin de promouvoir l’appel à l’action no 16 sur l’élaboration de diplômes en langue autochtone sur les campus des établissements d’études postsecondaires partout au Canada. La proposition a été acceptée. La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, la FCEE, représente plus de 60 campus à l’échelle du Canada. Elle fait maintenant, elle aussi, la promotion de la campagne.

En tant que femme dénée, ma mère est allée dans un pensionnat, et donc, en grandissant, je n’ai jamais vraiment appris ma langue maternelle, le tlicho déné, ni la langue maternelle de mon père, l’inuktitut. Beaucoup d’étudiants du campus viennent de contextes communautaires où le décalage est très évident. On constate le profond désir chez les étudiants de se connecter à leur langue et à leur culture. Je suis vraiment enthousiasmée par le fait que notre équipe a réussi à mener quelque chose comme cela, et j’ai vraiment hâte de voir jusqu’où on ira. Il y a eu beaucoup de travail à l’Université du Manitoba pour embaucher du personnel et des enseignants autochtones, mais l’objectif, ce serait que chaque université canadienne offre un diplôme complet en langue autochtone. Il y aura donc des langues différentes d’une province à l’autre, et, bien sûr, tout cela est très excitant.

Un enjeu me touche de plus près : comme certains d’entre vous le savent peut-être, Churchill a eu plus de difficultés que la moyenne. Notre chemin de fer a été emporté au printemps dernier. Nous venons tout juste de passer ce triste anniversaire il y a peu de temps, et beaucoup de membres de la collectivité ont des difficultés, parce que le port est en difficulté. Avant que le chemin de fer soit emporté, il y avait déjà moins d’emplois. Les gens n’étaient pas rappelés au travail. Avec ce qui vient d’arriver, il y a encore moins de personnes rappelées au travail. Cette situation se répercute en quelque sorte sur une foule de choses, comme le coût plus élevé des aliments et le coût de la vie plus élevé. Beaucoup de membres de la collectivité sont partis. Environ 20 p. 100 des étudiants du secondaire n’y sont plus. Ils ont dû déménager dans le Sud, parce que le coût de la vie est tout simplement trop élevé.

Cette année, j’ai participé à un projet de collecte de fonds pour aider un peu ma collectivité. Nous avons réalisé la collecte tout juste un peu avant Noël, et nous avons donné l’argent à l’organisation chargée de répandre la joie de Noël de Churchill. Nous avons demandé à un aîné de nous donner une paire de pantoufles en vue d’un tirage au sort, et j’ai donné certaines de mes gravures représentant la faune. C’était quelque chose de très personnel pour moi, de pouvoir utiliser mes relations d’une bonne façon. En tant qu’Autochtone, le travail que nous faisons, nous le faisons, au bout du compte, pour notre communauté. D’une certaine façon, grâce au travail que nous faisons, nous redonnons à la communauté. C’est ce que j’ai fait.

J’ai aussi récemment participé à une collaboration, entre la Fondation canadienne pour l’amélioration des services de santé et le Centre de santé Churchill, pour la promotion de la vie. Nous nous sommes réunis la semaine dernière pour échanger sur des façons d’élaborer à Churchill des programmes qui autonomiseraient nos aînés et encourageraient nos jeunes à en participer également.

Beaucoup de collectivités éloignées et rurales font face à des problèmes de suicide. Il faut faire quelque chose. On doit assurément s’y attaquer. À Churchill, heureusement, nous n’avons pas eu de problèmes de suicide depuis longtemps, mais nous avons une population d’aînés vulnérable. En raison de notre isolement, de l’absence de programmes et du coût élevé de la vie, la collectivité estimait que nous devions élaborer des programmes qui autonomiseraient les aînés et créeraient des occasions pour eux. Nous avons invité les intervenants du milieu à faire partie de cette initiative en utilisant les ressources existantes pour apporter des changements.

Je vais terminer là-dessus. Je tiens à vous remercier encore une fois de me recevoir et de me permettre de parler du fond du cœur.

La présidente : Merci, Amanda. Nous avons beaucoup dépassé le temps, donc nous passerons au prochain intervenant.

Des voix : Bravo!

La présidente : Nous recevons maintenant notre cinquième témoin de la soirée, Theoren Swappie, du Québec. La parole est à vous, monsieur Swappie.

Theoren Swappie, à titre personnel : Bonjour, je m’appelle Theoren Swappie. Je viens de la réserve de Schefferville et de la réserve de Kawawachikamach. Je suis en quatrième secondaire à l’école Jimmy Sandy Memorial, à Kawawachikamach. En Ontario, je pense que cela correspond à la 10e année.

Aujourd’hui, je veux vous dire à quel point l’éducation et la signification de l’éducation ont changé pour moi. Je suis fier de dire que l’école a changé pour moi de façon positive, grâce à la révélation de ma professeure de sciences. Elle a changé la signification de l’éducation pour moi, parce que cette année, elle a commencé à utiliser un nouveau mode d’enseignement pour nous, en tant que classe. Elle a mis de côté les cahiers, s’est assise avec nous et nous a demandé : « Comment voulez-vous apprendre? » Elle s’est assise avec nous tous et elle a pris connaissance de nos forces et de nos faiblesses en tant que groupe et en tant que personnes.

Je ne m’étais jamais senti comme cela par rapport à l’école auparavant, et je la remercie. Je me suis découvert une passion pour l’école. Auparavant, l’école était une corvée pour moi. Maintenant, quand il y a de longues pauses, j’ai hâte que l’école recommence, parce que je suis impatient de m’asseoir dans cette classe et d’apprendre auprès de ma professeure de sciences de la façon dont nous voulons apprendre. Ce qui est amusant, c’est son enseignement. Ce n’est pas juste son enseignement; c’est aussi notre enseignement l’un envers l’autre. Ce n’est pas seulement elle; c’est nous qui parlons en tant que classe. Nous apprenons les uns des autres. Elle m’a permis de découvrir mes forces et ce que je suis capable de faire.

L’autre chose dont je veux parler est aussi liée à l’éducation. Je viens de la réserve de Schefferville, où nous faisons face à une lacune au chapitre de l’enseignement supérieur après l’école secondaire, parce qu’il n’y a pas de fonds. Lorsqu’un membre de ma collectivité termine l’école secondaire, les options sont limitées par rapport à ce qu’il peut faire par la suite. Dans la plupart des cas, vous voyez des gens qui terminent l’école secondaire, mais ne peuvent pas partir, parce qu’ils n’obtiennent pas d’aide de la bande. Ma bande est confrontée à des problèmes économiques. Je pense que cela découle de l’éducation. C’est un cycle, parce que nous avons un problème d’accès aux études supérieures, ce qui entraîne un problème dans notre bande. Dans ma ville natale de Schefferville, il doit y avoir un changement en matière d’études supérieures, afin de nous permettre de nous améliorer en tant que collectivité, parce que sans cela, c’est difficile pour nous de nous aider les uns les autres.

Je souhaite aussi parler d’un autre enjeu auquel nous sommes confrontés dans notre collectivité : les soins médicaux inadéquats. Dans mes deux collectivités, nous avons récemment constaté une augmentation des taux de décès en raison de soins médicaux inadéquats. Souvent, les gens iront dans des dispensaires et, je ne mens pas, ils vont littéralement nous renvoyer à la maison avec du Tylenol, et c’est tout. Dans la plupart des cas, ces douleurs entraînent des problèmes de santé plus grands, comme le cancer. Nous avons eu dans ma collectivité beaucoup de cas où une personne est retournée à répétition voir les infirmières, et tout ce qu’on lui disait sans cesse, c’était : « Prenez du Tylenol. Allez à la maison, reposez-vous et prenez du Tylenol ». Au final, cela entraîne de plus grands problèmes de santé.

Le problème est lié au manque d’éducation. L’éducation est la clé pour nous permettre de nous aider nous-mêmes. Comment ma collectivité de Schefferville est-elle censée s’aider elle-même si elle n’a pas d’établissement d’enseignement supérieur? Ma bande ne peut pas fournir du soutien à un diplômé de l’école secondaire qui s’en va au collège. C’est vraiment difficile pour la personne et, au bout du compte, celle-ci revient dans la collectivité pour trouver du travail.

La présidente : Êtes-vous maintenant prêt à répondre à des questions?

M. Swappie : Oui, je suis prêt.

La présidente : Merci.

Le sénateur Tannas : Theoren, je crois comprendre que vous êtes une personnalité de la radio.

M. Swappie : C’était mon dernier emploi; j’en ai un nouveau maintenant. Je pense qu’il y a eu une petite erreur à ce sujet. En ce moment, je travaille dans une station d’essence locale, mais j’ai travaillé à la station de radio.

Le sénateur Tannas : Parlez-nous de votre expérience dans la radiodiffusion. Comment êtes-vous arrivé là-bas et qu’avez-vous fait?

M. Swappie : J’ai obtenu mon emploi lorsque j’ai postulé un emploi d’été. Je diffusais des messages en ondes et je faisais jouer de la musique. J’ai vraiment aimé cela.

Le sénateur Tannas : C’est excellent.

Le sénateur Patterson : Merci de votre exposé. Je me posais des questions au sujet de votre préoccupation concernant les études postsecondaires. Vous n’avez pas la possibilité d’accéder à des études postsecondaires par l’intermédiaire des ministères responsables des services aux Autochtones et des affaires autochtones? Cette option ne vous est pas offerte?

M. Swappie : Nous avons des écoles primaires et secondaires dans les deux collectivités, mais nous n’avons pas de collège ni quoi que ce soit du genre. Il nous faudrait aller à l’extérieur de notre collectivité, parce que nous vivons dans une région très reculée.

Le sénateur Patterson : Serait-il possible, par l’intermédiaire des programmes aux Autochtones, de demander du financement pour aller à l’école ou à l’université à l’extérieur de Schefferville?

M. Swappie : La façon dont cela fonctionne dans ma bande, du côté des Naskapis, c’est que je vais les voir, et l’école m’aide à présenter une demande au collège quand j’ai terminé. La bande va me financer et m’aider avec des prêts mensuels lorsque je déménagerai à l’extérieur de la collectivité. Toutefois, ce n’est pas comme cela dans l’autre collectivité, celle de Schefferville.

Je me sens en réalité privilégié d’être à moitié Naskapi et à moitié Montagnais et d’avoir l’option d’aller au collège. En même temps, j’ai de la peine pour mon côté montagnais, parce que ce n’est pas une option facile pour les Montagnais d’aller faire des études supérieures ailleurs.

La présidente : Merci, Theoren.

Des voix : Bravo!

La présidente : Passons maintenant à notre sixième témoin de la soirée. Nous recevrons quatre témoins de plus ce soir. Peut-être que je pourrais rappeler aux quatre intervenants restants qu’ils ont environ 10 minutes, puis 2 minutes environ pour entendre les questions des sénateurs.

Nous accueillons maintenant Colette Trudeau, de la Colombie-Britannique. La parole est à vous.

Colette Trudeau, à titre personnel : Bonjour.

[Note de la rédaction : Mme Trudeau s’exprime dans sa langue autochtone.]

Je m’appelle Colette Trudeau et je suis fière d’être Métisse. Je vis à Maple Ridge, en Colombie-Britannique, et je suis très heureuse de commencer par souligner que nous nous réunissons sur le territoire non cédé du peuple algonquin, et je leur suis reconnaissante de nous permettre de faire ce bon travail sur leur territoire.

Je suis Russe et Allemande du côté de ma mère et Métisse du côté de mon père. Ma famille est originaire de Saint-Boniface, au Manitoba. Je suis de la lignée des Hamelin. J’aime à dire que ma famille était une dure à cuire, parce que durant la résistance, elle a caché Louis Riel et Gabriel Dumont lorsque l’armée canadienne est arrivée à Batoche, en Saskatchewan.

Je suis actuellement directrice de Youth et directrice du programme du plan d’action provincial pour les Autochtones hors réserve auprès de la Métis Nation British Columbia. Toutefois, je suis fière de dire que j’ai récemment accepté le poste de directrice des activités auprès de ma nation.

Quand j’ai grandi, je ne savais pas que j’étais Métisse. Je me rappelle le jour où à l’école primaire, un travailleur de soutien autochtone m’a approchée et m’a dit : « Sais-tu que tu es une Autochtone? » Je me rappelle être rentrée dans la maison de mes parents, être allée voir ma mère et lui avoir dit : « Maman, un travailleur de soutien autochtone dit que je suis une Autochtone. Est-ce que c’est vrai? »

« Tu dois aller parler à ton père. » Je suis allée voir mon père et je lui ai demandé : « Papa, est-ce que nous sommes des Autochtones? »

« Tu dois parler à ta grand-mère. » Je peux me rappeler, encore aujourd’hui, être au téléphone avec ma grand-mère et l’entendre me crier : « Nous ne sommes pas des Autochtones. Nous sommes des Canadiens français. » Je dois vraiment avoir été persistante, parce que, à un certain moment, elle a éclaté et a dit : « D’accord, nous sommes des Métis, mais tu diras que nous sommes des Canadiens français. »

Même si j’avais découvert que j’étais Métisse, je n’avais aucune idée de ce que cela signifiait. Je suis allée à l’école. Comme j’étais une élève très performante, j’étais invitée une fois par année à un rassemblement à l’extérieur de ma collectivité. On me remettait des prix, parce que j’avais bien travaillé, que j’excellais sur le plan scolaire et dans les sports. Ce n’est qu’au moment où j’ai été très chanceuse d’obtenir le poste de directrice de Youth auprès de la Métis Nation British Columbia que j’ai vraiment été en mesure de commencer mon cheminement.

Je suis vraiment fière de dire que, tout au long de mon cheminement, j’ai été en mesure d’aider ma grand-mère, avant son décès il y a trois ans, à devenir fière de ce elle était. Je me rappelle être allée à Batoche et qu’elle soit venue m’accompagner à l’aéroport. Je me rappelle lui avoir dit, une fois revenue à la maison, avoir vu différentes pierres tombales des Hamelin au cimetière de Batoche. Elle était vraiment fière. C’est quelque chose que j’étais vraiment fière de faire, et cela fait partie de ma mission dans tout le travail que je fais.

Les gens ont beaucoup d’idées préconçues au sujet des Métis et de ce à quoi nous ressemblons. Nous sommes un des groupes autochtones distincts reconnus par la Constitution canadienne. Nous sommes une nation distincte qui possède une riche histoire de cultures mélangées et d’identités uniques. Les Métis sont le fruit des unions entre les trappeurs européens et les femmes autochtones. Nous avons notre propre langue et culture mitchifs et nous adorons dans la gigue. Le drapeau métis est le plus vieux au pays, et nous revendiquons fièrement le héros canadien Terry Fox comme un des nôtres.

Je travaille à titre de directrice de la jeunesse depuis près de neuf ans. Mes priorités actuelles concernent la gouvernance des jeunes Métis, l’exécution de programmes et la prestation de services. Lorsque je réfléchissais à ce dont je voulais vous parler aujourd’hui, j’aurais vraiment aimé avoir 20 jours. J’aimerais aborder quelques éléments vraiment essentiels sur lesquels je travaille. J’espère vraiment que cela va soutenir votre recherche.

Je suis vraiment chanceuse de dire que j’ai fait partie de la création de la loi sur les jeunes de la Colombie-Britannique au sein de la Métis Nation British Columbia. Celle-ci a enchâssé la gouvernance des jeunes dans la Métis Nation British Columbia, ce qui signifie que nos voix métisses comptent. Nous avons une jeune Métisse qui siège à notre conseil d’administration. Elle représente la voix de nos jeunes aux échelons communautaire, régional et provincial. Elle a également une voix à l’échelle nationale.

En ce moment, une chose à laquelle nous nous heurtons, c’est que le gouvernement fédéral a nommé des collectifs ou des particuliers qui ne sont pas associés à notre nation pour représenter la voix des jeunes Métis partout au Canada. Cela doit vraiment changer. Cette situation a influé sur notre capacité de faire entendre la voix de nos jeunes de la base jusqu’à l’échelon fédéral. Je vais terminer là-dessus. C’est incroyablement important d’aller voir les nations et de s’adresser aux dirigeants de tous les ordres de gouvernement.

Je travaille sur un projet passionnant qui s’appelle Sashing Our Warriors. Comme bon nombre de mes collègues ici, le projet porte sur les femmes autochtones disparues ou assassinées. Nous avons créé une écharpe avec nos jeunes Métis et nos comités de femmes métisses en Colombie-Britannique. Nous avons reconnu que les renseignements liés aux expériences de violence des Métis étaient très limités. D’après l’enquête sur les femmes autochtones qui sont portées disparues ou qui ont été assassinées, de nombreuses études sur la violence contre les femmes et les filles autochtones concernent précisément les Premières Nations et ne reflètent pas l’expérience des femmes et des filles inuites et métisses. Sans une évaluation plus détaillée des difficultés uniques auxquelles les femmes et les filles métisses font face, les recommandations de ces rapports ne seront pas aussi efficaces pour la nation métisse.

Nous avons réalisé un sondage ouvert auquel les femmes métisses pouvaient choisir elles-mêmes de répondre. En deux semaines, nous avions reçu 250 réponses de toute la Colombie-Britannique. Cela montre juste à quel point nos femmes sont prêtes à venir raconter leur histoire. C’était vraiment déchirant d’être la personne à l’autre bout qui lisait ces histoires.

J’allais aujourd’hui porter l’écharpe Sashing Our Warriors, mais elle n’allait pas bien avec ma tenue. J’aimerais pouvoir envoyer à chacun des sénateurs une écharpe Sashing Our Warriors. Vous la revêtez, puis vous en drapez un autre combattant qui est déterminé à mettre fin à la violence contre les femmes et les filles métisses. Cela contribue vraiment à garder vivants la conversation et le dialogue.

J’aimerais aussi aborder les questions de l’éducation, de la formation et de l’emploi. D’après un sondage mené par Métis au travail, les jeunes Métis n’arrivent pas à terminer leurs études secondaires. Ils s’exposent à des écarts salariaux importants. Lorsqu’ils occupent des postes de gestion, ils peuvent s’attendre à recevoir 35 p. 100 de moins que leurs pairs non autochtones. La proportion de Métis qui vivent sous le seuil de faible revenu est de 6 p. 100 supérieure à celle de la population générale.

Mon équipe au ministère de la Jeunesse, au sein de MNBC, a effectué des recherches pour créer des données propres aux Métis. Un des enjeux les plus frappants que nous avons découverts durant une analyse environnementale, c’était que moins de 1 p. 100 des 110 programmes d’emploi et de formation en Colombie-Britannique s’adressaient précisément aux Métis. D’après le recensement de 2016, on compte près de 90 000 Métis en Colombie-Britannique.

Pour remédier à la situation, nous avons lancé lundi le Métis Community Support Worker Program en collaboration avec l’Université de Fraser Valley. Nous avons formé une cohorte de 18 Métis qui se heurtent à plusieurs obstacles en matière d’accès à l’éducation. Nous leur avons fourni tous les outils nécessaires en vue de satisfaire à toutes les exigences du programme. Ils termineront le programme avec un certificat, auront accès toutes les deux semaines à des ateliers culturels et, chaque jour, ils seront en mesure de rendre visite à un aîné métis en résidence.

Un des derniers éléments dont je veux parler, c’est que j’ai eu le privilège de me rendre, au cours des dernières semaines, dans des communautés à charte métisses de l’ensemble de la province. La Colombie-Britannique compte 38 communautés à charte métisses. Elles sont toutes dirigées par des bénévoles. C’est un groupe très passionné de gens qui sont aussi aux prises avec un épuisement professionnel. Durant ces conversations, on m’a demandé de discuter avec des Métis de ce à quoi ressemble pour eux la réconciliation avec le gouvernement. Une des choses principales qui sont ressorties, c’était la reconnaissance des injustices historiques vécues par les Métis.

Je suis sûre que vous savez tous que les excuses ou les règlements formulés par le gouvernement fédéral ne tenaient pas compte des Métis. Je veux parler précisément des pensionnats et des écoles de jour. Les victimes de nos pensionnats et de nos écoles de jour ne faisaient pas partie de ces excuses. Nos Métis n’ont pas été reconnus dans la rafle des années 1960, et nos aînés métis non plus.

C’est incroyablement important, parce que, pour moi, cela me donne l’impression d’être une Autochtone de seconde classe. Dans la Constitution canadienne, il n’y a pas de hiérarchie dans l’énumération de nos groupes autochtones. Je trouve inquiétant que nous commencions à utiliser des mots à la mode comme « Autochtone ». Le mot a été très en vue, et c’est essentiellement un terme générique. Lorsque je songe à la Constitution canadienne, je m’y vois comme Autochtone, mais j’y suis comme Métisse.

Pour terminer, j’aimerais vous dire, s’il vous plaît, dites « Métis ». S’il vous plaît, dites-le. Nous n’accédons pas à des programmes. Nous n’accédons pas à des ressources qui nous sont offertes, parce qu’un très grand nombre de personnes sont comme moi. Leur famille s’est cachée. Elles ne le savent pas. Elles commencent à peine leur aventure et elles ne sentent pas assez autochtones pour accéder à ce qui existe. La seule façon pour elles d’y arriver, c’est de se voir elles-mêmes dans les communications qui sont publiées.

Lorsqu’il s’agit de communiquer avec les Métis, dites « Métis ». Chaque fois que le gouvernement dit « Métis », il encourage la prise de conscience nécessaire dans la société canadienne selon laquelle la nation métisse et notre culture sont vivantes et se portent bien. Il encourage également les personnes dont l’histoire est semblable à la mienne à se sentir fières de leur identité et à savoir qu’elles peuvent retourner dans leur nation.

Merci.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Christmas : Merci beaucoup, Colette, d’avoir décrit votre cheminement pour arriver à comprendre votre identité métisse. Je suis sûr que, dans le cadre de votre travail, vous tomberez sur des gens qui passent également par là. Selon ce que vous avez appris, comment pourriez-vous aider, conseiller ou guider d’autres jeunes qui font également ce même cheminement?

Mme Trudeau : Merci beaucoup de poser la question, parce que c’était un élément que je souhaitais aborder.

Mon expérience repose sur la création de programmes propres aux Métis. J’ai découvert qu’une approche panautochtone ne fonctionne pas pour nos gens. Nous sommes vraiment à la base pour beaucoup de nos gens, beaucoup de nos jeunes qui seront les artisans du changement pour notre nation. Lorsque nous animons des programmes, nous nous assurons que nos aînés sont en santé et que les jeunes peuvent faire l’expérience de leur culture dans un lieu sécuritaire.

Dans mon rôle, je voulais veiller à ce que beaucoup des premiers points de contact pour nos jeunes Métis qui commencent à peine leur cheminement soient communiqués au ministère de la Jeunesse au sein de MNBC. Je peux vous assurer que c’est un cheminement positif. J’ai reçu des commentaires de jeunes Métis qui ont commencé leur cheminement et sont devenus partie intégrante de nos programmes. J’ai toujours eu l’impression qu’il manquait quelque chose à ma vie. Maintenant que je suis ici, je sais où est ma place. Mon rôle consiste à soutenir cette collectivité et à fournir ce sentiment d’appartenance qui sont si importants à mes yeux. C’est ma mission principale, et c’est aussi de garder l’histoire de ma grand-mère vivante.

Le sénateur Christmas : Je vous souhaite un franc succès. Vous êtes non seulement devenue un exemple, mais vous invitez les autres à embrasser qui ils sont. Je vous souhaite un franc succès.

Mme Trudeau : Merci beaucoup.

La présidente : Merci. Nous passons maintenant à notre septième témoin, Ruth Kaviok, du Nunavut.

Madame Kaviok, la parole est à vous. Veuillez commencer.

Ruth Kaviok, à titre personnel : [Mme Kaviok s’exprime dans une langue autochtone.]

Bonsoir. Je m’appelle Ruth Kaviok et je suis d’Arviat, au Nunavut. Je suis la présidente élue du National Inuit Youth Council. Le NIYC représente plus de 25 000 jeunes Inuits partout au Canada, soit environ 50 p. 100 de la population inuite. Nos gens sont des jeunes, et ceux-ci font face à de nombreux défis : la santé mentale, le suicide, la sécurité alimentaire, le surpeuplement des logements, et la liste continue.

Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de ce qui fonctionne, précisément dans le domaine de l’éducation. Je vais mettre en lumière un programme que je viens de terminer. Il s’appelle Nunavut Sivuniksavut, connu également sous le nom de NS, collège d’enseignement postsecondaire de huit mois pour les étudiants inuits. Il existe depuis plus de 30 ans, et il est situé juste au bout de la rue, au 450, rue Rideau. Le programme comprend 40 jeunes qui viennent de terminer l’école secondaire. Les étudiants viennent principalement du Nunavut, mais il y en a eu quelques-uns de Nunatsiavut, dans le Nord du Labrador, et d’Inuvialuit, aux Territoires du Nord-Ouest.

En tant que jeunes qui ont grandi dans une petite collectivité inuite, nous croyons qu’il est normal de voir la faim, l’itinérance, le décrochage scolaire et le suicide. Les taux de suicide chez les Inuits sont, plus de 10 fois, supérieurs à ceux de la moyenne nationale. Les taux élevés de décrochage scolaire vont de 40 à 70 p. 100. Imaginez cela. C’est inacceptable partout, mais particulièrement dans un pays riche comme le Canada.

Avant de participer au programme NS, j’étais au courant de certaines des choses que nos gens avaient subies, comme le pensionnat, la réinstallation dans l’Extrême-Arctique et la tuberculose. Mon père a contracté la tuberculose et a passé de nombreuses années de sa jeunesse dans le Sud du Canada, sans aucun lien avec sa famille. J’avais entendu parler de ces choses, mais je n’avais jamais fait le lien. Ces liens ou les événements historiques inuits sont résumés dans le document que j’ai préparé pour vous aujourd’hui. Lorsque vous ouvrirez le dépliant, vous verrez une courbe. C’est la représentation graphique de la relation entre les Inuits et de nombreux étrangers, des Européens et des Canadiens du Sud qui sont venus sur nos terres au fil du temps.

Le graphique présente une optique spéciale dans laquelle on peut regarder ces relations. Il illustre la mesure du contrôle et de l’indépendance que les Inuits ont eus par rapport à leur société et à leur vie au fil du temps, à partir de l’arrivée des Européens jusqu’à aujourd’hui. Le programme NS, l’histoire des Inuits, peut être simplifié dans ce graphique. À NS, nous l’appelons la « courbe de puissance des Inuits ».

De plus, à NS, nous découvrons notre histoire partagée, à commencer par l’histoire préeuropéenne, époque où nous étions totalement autosuffisants sur les plans économique, social et spirituel. Nous passons ensuite à l’étude des vagues de divers groupes, qui sont arrivés sur nos terres pour des raisons précises : les explorateurs, les chasseurs de baleines, les commercelants et les missionnaires. Toutes ces rencontres ont eu des répercussions sur notre population, dont certaines étaient bonnes, et d’autres, mauvaises. Quoi qu’il en soit, au fil de l’établissement de ces relations, la vie a commencé à changer, et nous avons graduellement commencé à perdre certains éléments de contrôle sur notre vie durant ces rencontres.

Ensuite, il y a eu l’ère du gouvernement, lorsque les systèmes de justice étrangers et les numéros d’Esquimaux ont été introduits, que l’armée est devenue une nouvelle présence sur nos territoires, que les pensionnats ont été établis et que les Inuits ont été forcés de déménager dans des collectivités. À un rythme de plus en plus rapide, les Inuits ont perdu encore plus de contrôle. Nos gens sont tombés malades en raison de maladies et d’épidémies. Des programmes sociaux ont été introduits. On a procédé à l’abattage systématique des chiens. Notre seul moyen de transport nous a été retiré, et les administrateurs de l’État ont pris la relève.

Cette époque, dans les années 1950, a vu les Inuits atteindre le point bas de la courbe de puissance. Pour reprendre les mots d’une aînée estimée, Rhoda Karetak, de ma collectivité d’origine : « Nous nous sommes rendu compte que nous avions complètement perdu le contrôle de nos territoires. » Pouvez-vous simplement imaginer le nombre d’attitudes et de sentiments négatifs que les personnes ont dû garder avec elles à ce moment-là : les blessures, la confusion, la douleur, la honte, la colère, le ressentiment et la méfiance? La liste est longue.

Imaginez qu’il s’agit du point de départ pour reconstruire une société afin qu’elle puisse prospérer dans le monde moderne. Comme de nombreux anthropologues l’ont prédit, cela aurait pu signifier notre fin, mais cela n’a pas été le cas. À la fin des années 1960 et 1970, les sociétés pétrolières et gazières ont découvert l’or noir de l’Arctique et ont voulu envahir nos terres. À ce moment-là, nous savions que nous devions prendre la parole. Depuis ces humbles débuts, une renaissance politique a été amorcée par une poignée de jeunes Inuits, ce qui a débouché sur ce que nous pouvons facilement désigner comme la deuxième Révolution tranquille au Canada.

Les années 1970 ont été un point tournant dans notre relation avec le Canada. De ce mouvement précoce est issue une entité inuite nationale, ITK. De là, de nombreuses organisations ont décidé de résister à la courbe du temps. L’Inuit Broadcasting Corporation a travaillé à faire venir la télévision pour nous dans notre propre langue. Pauktuutit, l’organe représentant les femmes inuites, et le mouvement des revendications territoriales ont changé la carte du Canada.

Comme les 42 articles de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut le décrivent, nous avons également découvert nos droits à NS. Ce contrat entre les Inuits et la Couronne est un document évolutif qui mérite une mise en œuvre intégrale. Nous apprenons également des choses au sujet des réalités et des difficultés des Inuits aujourd’hui. Nous découvrons le paysage politique, particulièrement dans l’Arctique, bien sûr, mais la revitalisation politique seule ne rend pas une société en santé. La revitalisation culturelle dans ses nombreuses formes est importante pour les jeunes aujourd’hui.

À NS, nous découvrons également les compétences traditionnelles, ainsi que de nombreuses chansons et danses inuites. Nous nous exécutons devant des publics dans des lieux comme le bal d’hiver de la gouverneure générale, le Bal de Neige et, l’année dernière, la flamme du centenaire, quand les armoiries du Nunavut ont été dévoilées. Ces performances nous permettent d’être les ambassadeurs pour le reste du Canada. Ce faisant, nous nourrissons un sentiment de fierté face à qui nous sommes : des Inuits. Cela nous rapproche des Canadiens et renforce les amitiés et le sentiment de compassion. Comprendre qui nous sommes, pourquoi les choses sont telles qu’elles sont et comment nous sommes arrivés jusqu’ici nous permet de nous comprendre nous-mêmes, de comprendre nos collectivités et notre place dans le pays.

Quand on sait d’où on vient, on peut aller de l’avant avec une vision de là où on veut aller. C’est ce que nous apprenons à NS. L’éducation est essentielle. Si vous voulez aider nos gens, mon message, c’est que nous avons besoin d’un système d’éducation qui reflète notre culture, notre langue, nos valeurs et notre histoire.

Comme nos dirigeants qui se sont battus pour nos droits durant la Révolution tranquille, j’imagine un Arctique où nos jeunes sont en santé, sur les plans tant mental que physique. Comme nos dirigeants avant moi, j’imagine un Arctique où notre culture et notre langue s’épanouissent et sont pratiquées, et j’imagine nos jeunes qui poursuivent des études postsecondaires.

À NS, dans le cadre de notre cours sur les relations entre les Inuits et le gouvernement, on donne aux étudiants un certain nombre de biographies de chefs inuits qui ont ouvert la voie pour nous amener là où nous sommes aujourd’hui. J’ai choisi la biographie de John Amagoalik, et je vous recommande fortement de la lire. Dans ce livre, John dit qu’il s’est rendu en avion jusqu’à des collectivités inuites éloignées pour aller consulter des Inuits sur la première revendication proposée au Nunavut dans les années 1970. Ironiquement, l’avion s’est écrasé, avec bon nombre de chefs inuits à son bord. Ils ont survécu et ont continué de faire leur travail. Cela m’a inspiré un poème au sujet de John A.

Inuits

Pourquoi devons-nous ressentir une honte quand ce n’était pas notre faute?

On se souviendra de nos héros comme des combattants puisqu’ils ont presque péri pour nous.

Ils ont mis leur vie en péril pour faire du Nunavut ce qu’il est.

Ils ont regardé la mort en face dans cet écrasement d’avion et ils se sont relevés et ont continué de se battre.

Mon cœur s’emballe comme le leur a dû s’emballer.

Mes yeux sont remplis de larmes.

Mes sentiments me disent que je suis Inuk.

C’est qui je suis.

Mes pensées me disent que nous, les Inuits, devons être plus fiers de nous-mêmes.

Ma force réside dans ma confiance envers la réconciliation avec le gouvernement fédéral.

Ma peur demeure dans les vestiges de l’écrasement d’avion.

Dans la toundra à l’est d’Iqaluit, comment ont-ils pu survivre et continuer de se battre pour nous?

Comment ont-ils pu?

On se souviendra de nos dirigeants comme des héros puisqu’ils ont presque péri pour nous.

Ils n’étaient pas que des visionnaires ou des dirigeants, si grand cela puisse-t-il être.

Notre héritage, c’est d’être des combattants, tout comme eux.

Je le sais, parce que c’est qui je suis.

Des voix : Bravo!

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur Patterson : [Note de la rédaction : le sénateur Patterson s’exprime en inuktitut.]

Je crois que c’est une très bonne chose que vous rendiez hommage aux chefs pour l’histoire incroyable de la création du Nunavut. Je me rappelle avoir attendu cet avion à Iqaluit. Nous nous demandions tous pourquoi l’avion n’avait pas atterri. Je me rappelle de façon très vive le moment où nous avons appris qu’ils avaient survécu.

J’aimerais vous poser une question au sujet de vos commentaires sur l’éducation. C’est très bien que vous ayez louangé l’histoire du programme NS. Malheureusement, ce ne sont qu’environ 40 personnes par année. Vous avez étudié à Arviat. À quoi ressemblent les choses pour les enfants là-bas? Avez-vous un bon sentiment par rapport à l’éducation? Vous avez parlé d’un faible taux de participation et de taux de décrochage élevés. Les choses s’améliorent-elles lentement, ou que faudrait-il dans le cas contraire?

Mme Kaviok : Je dirais qu’elles s’améliorent en raison des programmes que nous offrons à notre école secondaire, particulièrement le club de théâtre, les activités après l’école et ainsi de suite. En tant que dirigeants politiques, nous essayons de rendre leur avenir un peu meilleur. Je dirais que les choses s’améliorent, depuis que j’ai obtenu mon diplôme, du moins.

Le sénateur Patterson : Pourriez-vous nous dire un peu ce que vous espérez pour l’Inuit Youth Council? Sur quoi travaillez-vous?

Mme Kaviok : Oui. Nous allons essayer de mettre en œuvre cinq sujets principaux. Nous avons une réunion en personne dans deux semaines. Nous élaborerons un plan d’action stratégique sur les cinq sujets principaux, soit la prévention du suicide et la santé mentale, l’éducation et l’autonomisation, les pratiques linguistiques et culturelles, et deux de plus qui sont liés à l’aspect politique.

Le sénateur Patterson : Je vous souhaite bonne chance. Merci beaucoup.

La présidente : Merci beaucoup, Ruth.

Nous allons maintenant passer à notre huitième jeune intervenante ce soir, Rae-Anne Harper, de ma province natale de la Saskatchewan.

Merci d’être ici. La parole est à vous, madame Harper.

Rae-Anne Harper, à titre personnel : Bonjour. J’aimerais commencer par reconnaître le territoire algonquin non cédé sur lequel nous nous réunissons.

Bonsoir, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité. Je tiens à vous dire à quel point je suis privilégiée et honorée d’être assise devant vous tous aujourd’hui dans le cadre de la discussion sur la vision d’une nouvelle relation entre le gouvernement et nos nations autochtones.

Je m’appelle Rae-Anne Harper et je suis Crie-des-Plaines et femme métisse. Ma terre d’accueil se trouve sur le territoire visé par le traité no 6 dans la nation crie d’Onion Lake. Je vis actuellement hors réserve à Lloydminster, en Saskatchewan.

J’aimerais vous faire part de trois points aujourd’hui : le premier, un très bref aperçu du mouvement des centres d’amitié; le deuxième, quelques obstacles que nos jeunes ont signalés; et le troisième, quelques moyens que les centres d’amitié utilisent pour éliminer les obstacles et des solutions que nous avons entendues directement de la part des jeunes.

Pour ma part, comme j’ai grandi et j’ai vécu dans un contexte urbain, j’ai trouvé difficile d’apprendre des choses au sujet de notre culture et des manières de mon peuple, mais une bonne chose, c’étaient les centres d’amitié qui, avec une porte ouverte, m’ont invitée et m’ont montré des choses au sujet de mon patrimoine autochtone. J’ai commencé à me rendre aux centres d’amitié en tant que jeune fille et j’ai participé à des programmes pour enfants. Un peu plus tard, j’ai travaillé comme étudiante dans des programmes d’été du centre d’amitié et j’ai fait la transition vers un poste de coordonnatrice jeunesse à temps plein. En plus de me donner les moyens de subvenir à mes propres besoins et de devenir indépendante, le centre d’amitié m’a aussi aidée à me rendre compte que j’avais une voix et un pouvoir en tant que jeune.

Grâce à ces nouvelles compétences, j’étais assez confiante pour présenter ma candidature de représentante jeunesse dans un centre d’amitié provincial. J’occupe maintenant le rôle de présidente du National Aboriginal Youth Council de l’ANCA. L’Aboriginal Youth Council défend les intérêts de la population de jeunes Autochtones en milieu urbain et de ceux qui vont temporairement dans des villes pour des raisons médicales ou pour y obtenir d’autres formes de soutien.

La population autochtone urbaine connaît une croissance constante, et c’est le segment de la société canadienne qui croît le plus rapidement. D’après le recensement de 2016, plus de 61,1 p. 100 des Autochtones vivent dans des villes canadiennes. La population totale de jeunes Autochtones, y compris celle des villes, est parmi celles qui augmentent le plus rapidement au Canada. Nos jeunes Autochtones doivent de plus en plus jouer un rôle essentiel pour assurer la croissance économique future du Canada. Le rythme de cette croissance est très élevé pour un certain nombre de raisons. Pour n’en nommer que quelques-unes, il y a la migration, l’emploi, l’éducation, la santé, le bien-être, un changement ou simplement le fait de fuir des circonstances invivables.

Le mouvement des centres d’amitié est un réseau de 125 centres d’amitié dans des organisations provinciales et territoriales situées d’un bout à l’autre du pays. Les centres d’amitié sont l’infrastructure de prestation de services aux Autochtones hors réserve la plus importante, et ils sont les principaux fournisseurs de programmes et de services adaptés à la culture et destinés aux résidents autochtones en milieu urbain et à ceux qui visitent temporairement des villes. Pendant plus de 60 ans, les centres d’amitié ont travaillé auprès de collectivités autochtones urbaines, et ce, indépendamment du statut, et les jeunes sont au cœur même du mouvement des centres autochtones. À un certain moment, notre président actuel de l’ANCA, Christopher Sheppard, était le jeune représentant de la région de l’Atlantique du National Aboriginal Youth Council. Cela montre que les centres d’amitié encouragent la croissance et le leadership.

Les centres d’amitié ont appuyé les Autochtones urbains dans le cadre de plus de 1 800 programmes et services différents adaptés à la culture dans les domaines de la santé, du logement, de l’éducation, des loisirs, des langues, de la justice, de l’emploi, du développement économique, de la culture et du bien-être communautaire. En 2015, on comptait 2,3 millions de communications avec les clients. Parmi celles-ci, il y avait plus de 16 000 communications avec de jeunes clients.

Les services reposent sur les besoins que présente chaque personne qui franchit les portes des centres d’amitié. Cela comprend l’élimination des obstacles auxquels les Autochtones urbains se heurtent. Les centres d’amitié agissent d’une façon dépourvue de jugement, adaptée à la culture et fondée sur les enseignements et la culture autochtone. C’est important, puisque nos jeunes ont déclaré que la culture et l’identité doivent demeurer au cœur de toutes nos initiatives. Un des principaux obstacles pour ce qui est de réagir aux enjeux touchant les jeunes est l’absence d’un financement pluriannuel qui concerne précisément les jeunes.

Pour assurer la réussite d’une stratégie jeunesse auprès de nos jeunes Autochtones en milieu urbain, on doit y avoir des travailleurs auprès des jeunes dans tous nos centres d’amitié où la participation et la mobilisation des jeunes peuvent se produire. Les services aux Autochtones doivent se trouver là où les jeunes Autochtones se trouvent. L’accord de financement le plus récent des centres d’amitié comprend malheureusement très peu de fonds pour les jeunes. Les programmes destinés aux jeunes en milieu urbain, les conseils jeunesse et la participation des jeunes n’ont pas fourni autant de soutien qu’ils auraient pu depuis que les centres d’amitié ont reçu un financement de base destiné précisément aux jeunes.

C’était dans le cadre de la capacité culturelle de l’enveloppe budgétaire pour les jeunes Autochtones qui, malheureusement, a pris fin en 2014. Il n’y a pas eu de volet de financement précis depuis cette époque, et les centres d’amitié ont besoin de soutien particulier pour les jeunes. Les centres d’amitié reçoivent du financement dans le cadre de programmes axés sur la capacité organisationnelle et de volets de financement pour des services qui sont dirigés vers le secteur vulnérable. Les jeunes sont placés dans ce volet. Toutefois, ce n’est pas propre aux jeunes, et les centres d’amitié ont besoin d’une capacité pour le soutien et l’engagement.

La santé mentale est un des principaux obstacles pour les jeunes, puisqu’une épidémie de suicide élevée chez les jeunes se produit dans les réserves et hors réserve. Nous avons des établissements de santé mentale inaccessibles. Nous devons changer le langage, car beaucoup de nos jeunes Autochtones ne veulent pas avouer qu’ils ont des problèmes de santé mentale.

Un autre obstacle pour nos jeunes est la pauvreté. Les jeunes Autochtones en milieu urbain ont besoin de plus de soutien. En raison de l’absence de financement propre à ces jeunes, les Autochtones de la rue ne peuvent pas subvenir à leurs propres besoins après avoir grandi dans des foyers d’accueil, et bon nombre de nos Autochtones sont incarcérés.

Un autre obstacle, c’est que le racisme et les préjugés dans nos villes suivent les problèmes de nos gens. Les centres d’amitié comme celui de Val-d’Or ont présenté au Québec une consultation provinciale publique sur le racisme. Les centres d’amitié travaillent dans la collectivité à construire des ponts, mais les jeunes sont tout de même victimes de racisme et d’injustices, comme Colten Boushie et Tina Fontaine, pour donner des exemples.

Vous demandez aux jeunes comment ils veulent être consultés. Incluez-les dans les conversations depuis le début et fournissez du soutien pour ces conversations, parce qu’ils savent exactement ce qu’ils veulent. Les jeunes veulent voir des activités culturelles. Ils veulent se sentir en sécurité avec des non-Autochtones dans la collectivité, avec la police locale et la GRC. Ils veulent être des chefs dans leur collectivité et ils veulent le soutien nécessaire pour devenir des chefs. Les jeunes veulent parler leur langue et ils veulent être appuyés pour établir un lien avec le territoire.

Rien de tout cela ne peut se produire au niveau de capacité dont nous avons besoin, à moins qu’il y ait un volet de financement réservé aux jeunes qui permet de soutenir les jeunes Autochtones en milieu urbain dans nos centres d’amitié, où une majorité de jeunes Autochtones vivent au Canada. L’approche de nation à nation doit tenir compte du point de vue des Autochtones en milieu urbain. Les Canadiens doivent voir que leurs fournisseurs de services s’efforcent d’inclure les Autochtones et de tendre la main aux centres d’amitié pour soutenir les programmes et la prestation de services. Nous devons faire en sorte que l’héritage du mouvement des centres d’amitié, tel qu’il est établi, ne soit pas perdu dans la mêlée, à mesure que ce paysage de nation à nation continue d’évoluer.

Merci.

Des voix : Bravo!

La présidente : Merci beaucoup. Nous avons le temps pour une question. Comme je viens de la Saskatchewan, je vais peut-être en poser une, même s’il semble que le sénateur Tannas se préparait à le faire.

Le sénateur Tannas : Je vais écouter votre question.

La présidente : Le sénateur Tannas et moi avons dit par le passé que nous ne recevons souvent pas assez de commentaires des Autochtones hors réserve en milieu urbain, et des jeunes en particulier. Votre témoignage ce soir vient combler une lacune, ce dont nous avons vraiment besoin. Vous nous avez fourni quelques recommandations très précises.

Ma question vous concerne plus personnellement. Vous avez présenté un exposé très précis et éloquent. Votre participation auprès du centre d’amitié vous permet-elle de mieux réussir au sein du système d’éducation? Vous a-t-on encouragé à fréquenter l’école secondaire ou à poursuivre des études postsecondaires? Pourriez-vous nous donner un peu plus de renseignements à ce sujet?

Mme Harper : En fait, complètement. Ma collègue, Bonnie, m’a encouragée à terminer mes études secondaires. C’était difficile pour moi de rester à l’école. Je décrochais beaucoup lorsque j’étais à l’école secondaire. Je ne me sentais pas à l’aise. Mon centre d’amitié local et le conseil m’ont encouragée à poursuivre mes études.

J’ai maintenant obtenu mon diplôme. Puis, j’ai obtenu un nouveau diplôme durant mon programme de mise à niveau. Je suis maintenant acceptée, sous réserve de conditions, au programme de l’année de transition de l’Université de l’Alberta. Je dois absolument remercier le centre d’amitié pour cela.

La présidente : Merci beaucoup. C’était un témoignage magnifique.

La présidente : Nous passons maintenant à notre neuvième jeune témoin ce soir, Spirit River Striped Wolf, de l’Alberta. Quand vous serez installé, vous aurez 10 minutes pour présenter un exposé, après quoi les sénateurs vous poseront des questions.

M. Spirit River Striped Wolf, à titre personnel : [Note de la rédaction : M. Spirit River Striped Wolf s’exprime dans sa langue autochtone.]

Bonjour. Je m’appelle Spirit River Striped Wolf. Mon nom dans la langue des Pieds-Noirs est Iyimakoyiomaahkaa. J’ai reçu ce nom d’un aîné qui a reconnu ma persévérance, en dépit des traumatismes vécus. Je viens du territoire de Niitsitapi, également connu sous le nom de territoire des Pieds-Noirs ou Confédération des Pieds-Noirs. Ma nation d’origine est l’Aapátohsipikáni, également connue sous le nom de Première Nation Piikani, située dans le Sud de l’Alberta.

Je travaille pour un projet d’innovation sociale établi à mon université à Calgary, en Alberta, qui s’appelle l’Université Mount Royal. Avec un groupe de gens, j’ai aidé à cofonder et à nommer le projet Otahpiaaki, qui soutient des entrepreneurs autochtones du secteur de la mode en fournissant du capital social et en trouvant des façons de diminuer le coût des intrants pour eux.

J’ai travaillé auprès de trois autres étudiants autochtones de premier cycle sur des sous-projets majeurs. L’un d’eux consiste à examiner les lois en matière de droit d’auteur et le cadre du processus visant à protéger les designs des Autochtones contre l’appropriation et le vol. Un autre suppose de travailler sur des cultures de prospérité dans le but d’acheter des cultures textiles et des teintures dans des collectivités autochtones pour des créateurs de mode autochtones d’ici 2025, ainsi que de se doter d’une main-d’œuvre hautement qualifiée pour soutenir les entrepreneurs autochtones du secteur de la mode.

La quantité de travail réalisé par mon université pour incorporer l’indigénisation est absolument admirable. Lorsque je m’éloigne de ma réserve et de ma famille, l’Université Mount Royal est mon second chez-moi. Chaque année, en novembre précisément, nous tenons une semaine annuelle de la mode à Calgary, en Alberta, afin d’accroître davantage le capital social obtenu par nos partenaires de la mode. Si vous vous trouvez à Calgary au début novembre — le 5 novembre pour être précis —, n’hésitez pas à venir nous voir. J’ai donné au greffier des cartes postales avec mes coordonnées à distribuer.

Dans le cadre de mon projet, j’ai examiné la croissance économique dans les collectivités autochtones. À ma surprise, cela m’a ramené au génocide culturel. Cela m’a ramené à la violence latérale dans mes collectivités, les traumatismes vécus dans mes collectivités.

Christian Welzel, un chercheur dont j’ai entendu parler dans mes cours, a élaboré une théorie du développement humain. Essentiellement, celle-ci dit que les démocraties ne sont stables que lorsque les conditions socioéconomiques de la société sont favorables. C’est logique, n’est-ce pas? Nous avons vu ce qui s’est produit en Allemagne après la Première Guerre mondiale. Le niveau de menace économique et interpersonnelle qui pesait sur les Allemands était si élevé que leur valeur de liberté a été tout à fait supplantée par leur valeur de survie. Cela a permis à un chef populiste de connaître une ascension et d’affirmer qu’il ramènerait des emplois et la sécurité et qu’il n’y avait personne de meilleur que les Allemands. Nous voyons que Welzel avait raison : les Allemands voulaient non pas la liberté, mais bien l’autorité et l’ordre, et l’autoritarisme est né dans cet exemple qui ressort du lot.

Lorsque je compare cette théorie à une autre désignée comme les traumatismes historiques et intergénérationnels, la littérature dit que pour réussir à induire des traumatismes historiques dans un pays, celui-ci doit avoir vécu chacune de ces quatre expériences : la première, l’isolement et le déplacement, comme le système des réserves; la deuxième, l’écrasante violence psychologique et physique; la troisième, l’érosion de l’identité culturelle; la quatrième, le dénuement économique.

Nous savons que les Autochtones font face à des menaces économiques, mais de nombreuses communautés immigrantes de partout dans le monde sont aussi exposées au racisme. Elles éprouvent tellement de difficultés que ces groupes d’immigrants utilisent l’entrepreneuriat pour composer avec cette exclusion du marché du travail. Cette capacité d’être des entrepreneurs — et indépendants, de surcroît — leur a permis de contribuer à hauteur de millions de dollars à leur PIB national. Au Royaume-Uni seulement, les entreprises appartenant à des minorités ethniques contribuent à hauteur d’environ 15 milliards de livres au PIB national, même si elles représentent 5,8 p. 100 des petites et moyennes entreprises.

J’ai commencé à m’intéresser à la culture, parce qu’une chose à laquelle ces groupes d’immigrants ont accès rapidement, c’est le capital social de leur culture ethnique respective. Lorsque nous regardons ce que la Commission de vérité et réconciliation nous a apporté, le terme « génocide culturel »… J’ai su que j’allais dans la bonne direction.

Je suis étudiant de premier cycle en études politiques à l’Université Mount Royal de Calgary. Dans mes cours, j’ai appris que la croissance économique est fonction de trois choses. La première est l’ordre politique et économique international comme toile de fond, comme la lutte entre le communisme et le capitalisme que nous avons vue durant la guerre froide, la façon dont cela a influencé notre monde entier et dont nous continuons de vivre dans ce monde aujourd’hui. La deuxième, ce sont nos institutions nationales : cela revient au débat sur le vieux marché ou l’économie dirigée par l’État, que vous connaissez tous très bien, j’en suis sûr. La troisième, c’est notre culture. Cette partie n’est pas beaucoup abordée lorsqu’il est question de politiques. Quoi qu’il en soit, la croissance économique est tributaire de chacun de ces trois éléments.

J’ai passé environ quatre mois à travailler sur ce projet. Je n’ai pas assez de temps pour expliquer en détail ce que j’ai constaté dans le cadre de ma recherche, mais je suis plus que disposé à en parler si on communique avec moi. Ce que j’ai découvert, c’est que la culture est fortement influencée par notre biologie. Nous ne décidons pas de notre culture : notre biologie le fait, et celle-ci réagit et est influencée par les circonstances de l’ordre politique et économique international comme toile de fond et des institutions nationales qui existent dans notre pays.

Vous pouvez voir comment le génocide culturel a rendu pratiquement impossible une croissance économique durable dans les collectivités autochtones en raison des traumatismes. Notre culture, ce ne sont pas des tipis, et elle n’est pas autant axée sur la communauté qu’elle l’était auparavant. Il est question de traumatismes, de honte et de survie. Cela se transforme pour devenir les stéréotypes que les Blancs ont utilisés, et la douleur et les souffrances auxquelles les jeunes Autochtones sont habitués. Les dépendances et le suicide sont des moyens d’engourdir la douleur, la honte et la vulnérabilité.

Pourquoi la honte? Quand je serai plus âgé, j’aimerais être chercheur. Une grande influence pour moi est Mme Brené Brown, doctorante en travail social à l’Université de Houston. Elle m’a littéralement sauvé la vie avec son travail. Si je suis assis ici aujourd’hui, c’est en partie grâce à son travail. Elle m’a fourni les mots pour décrire mon expérience concernant les traumatismes historiques et le génocide culturel.

Qu’est-ce que le génocide culturel pour moi? Pour moi, c’est le sentiment d’indignité, mais ressenti à un niveau existentiel primaire. Brené décrit ou définit la honte comme une émotion primitive. Mes autres recherches montrent que c’est une émotion primitive qui nous a été laissée par tous nos ancêtres qui devaient s’assurer d’être intégrés dans leur tribu. Si vous étiez indigne de la tribu, cela pouvait signifier la mort. Cela pouvait signifier la non-survie, et notre réaction de fuite et de lutte s’activait.

Ce sentiment est débilitant. Si on pouvait mettre des mots sur ce sentiment, je dirais que c’est comme se dire qu’on n’est pas assez, ou « pour qui se prend-on? ». C’est le gouvernement canadien qui nous a enseigné cela, avec ses politiques sur le génocide culturel baignant dans la suprématie blanche.

Les cultures des collectivités des Premières Nations reposent sur la valeur de la honte. D’après Christian Welzel, ce type de menace sociale fera en sorte que les valeurs biologiques qui clament à la liberté, l’égalité et la fraternité seront supplantées par la valeur de survie. Lorsque vous valorisez la survie plus que tout le reste, vous êtes plus enclin à accepter un chef populiste qui fait la promotion de l’autorité et de l’ordre.

Autrement dit, c’est un régime autoritaire. Brené Brown définit la honte comme le croisement du sentiment d’être isolé, pris au piège et impuissant. L’intersection de toutes ces trois choses est ce qui cause la honte. Ce que j’ai entendu aujourd’hui, c’était beaucoup d’isolement, d’impuissance et d’impression d’être pris au piège. Je me sens fréquemment isolé, piégé et impuissant. Mon anxiété et mon sentiment débilitant sont fonction de la honte. Il importe aussi de mentionner que, selon Brené, les seules personnes qui n’éprouvent pas de honte sont celles qui ne peuvent ressentir d’empathie. Elle dit que vous éprouvez de la honte ou bien que vous êtes un sociopathe. Il vaut peut-être mieux de choisir de ressentir un peu de honte.

Dans les collectivités autochtones, la honte est au cœur des traumatismes historiques autochtones. Les programmes de développement dans les collectivités autochtones devraient se servir de la théorie de la résilience face à la honte; conçue par Brené Brown, elle présente un continuum théorique visant à expliquer la réaction de honte chez les participants durant des situations de menaces économiques, existentielles ou interpersonnelles ainsi que les aspects qui sont faibles.

À une extrémité du continuum, on trouve la honte, et à l’autre, l’empathie, qui agit aussi comme antidote à la honte. Nos collectivités en sont dépourvues. Ce n’est que très récemment que j’ai développé un sentiment d’empathie. Ce n’est que récemment que j’ai vu à quel point ma mère et ma sœur sont importantes et l’importance des nombreuses collectivités dont je fais partie. Avant, j’étais beaucoup trop occupé à engourdir la douleur. Je ne pouvais pas voir qu’un antidote se trouvait tout près. De nouveaux antidotes pour l’établissement de relations utiles apparaissent dans ma vie. Fait plus important encore, j’ai commencé à établir une véritable relation de confiance avec moi-même. Grâce à cela, je sais que je peux apporter du changement dans ma vie, pour le mieux, parce que je le veux et parce que je ne peux pas imaginer autre chose.

Il m’a fallu vraiment beaucoup de temps avant d’arriver jusqu’ici. Je dois remercier ma famille de m’avoir donné de l’amour durant mon enfance alors que je sais que c’était difficile pour elle, quelque chose qui n’est juste pas très présent dans la vie de nombreux jeunes Autochtones. Dans mon enfance, j’avais une mère et une sœur que j’adorais, et je continue de les adorer. J’ai aussi grandi avec un père qui n’arrêtait pas de nous faire du mal. J’ai grandi avec l’anxiété, la dépression et la confusion, parce que j’ignorais pourquoi les circonstances de vie étaient devenues telles qu’elles étaient. Mon père ne comprenait pas l’amour et le sentiment d’appartenance. Je le sais, parce qu’il croyait que l’amour, les liens et le sentiment d’appartenance se manifestaient par le don de biens matériels.

Lorsqu’il était là et essayait, il disait : « Je veux te donner les choses que je n’ai jamais eues dans mon enfance. » Il croyait que la raison de sa honte, c’était le manque de biens matériels reçus de son père adoptif durant l’enfance. Peut-être qu’il avait vu ses frères et sœurs adoptifs obtenir ces choses de ses parents adoptifs, et pas lui. Peut-être qu’il croyait que la violence dont il était victime, ce qui allait du travail forcé des enfants à l’agression sexuelle et à d’autres actes de trahison, était sa punition parce qu’il n’était pas assez bon pour l’amour, le sentiment d’appartenance et les liens. L’histoire de mon père, une victime de la rafle des années 1960, était peut-être plus chargée que ce que j’ai connu dans mon enfance.

Voici une citation de ma première ministre, Rachel Notley, qui s’excuse auprès des victimes de la rafle des années 1960 et de leur famille. Elle a dit ceci :

Vous êtes nombreux à vous débattre avec votre identité puisque vous avez perdu votre culture, votre langue et les liens avec votre famille.

Vous êtes nombreux à avoir parlé des difficultés continues que vous éprouvez avec les systèmes du gouvernement, l’éducation, la police et la justice.

Lorsque nous regardons en face ce que vous avez vécu, ce que nous vous avons fait, on n’est pas surpris qu’il soit si difficile pour un si grand nombre d’entre vous de faire à nouveau confiance.

La confiance est non seulement fondamentale au développement économique et à la prospérité, elle doit également être fondamentale à la réconciliation. Nous devons comprendre la honte et l’empathie et à quel point c’est fondamental pour une zone culturelle résiliente et prospère.

Une culture qui est résiliente devant la honte est nécessaire dans une période si menacelante comme en ce moment dans nos sphères politique, environnementale et sociale, où notre confiance est constamment remise en question pour chacun d’entre nous, peu importe la race. Notre résilience devant tout cela faiblit en tant que société, mais les Autochtones sont aux prises avec cette difficulté depuis très longtemps, parce que ce n’est pas une question d’argent ni du fait de bien paraître. Il s’agit de gens qui ouvrent leur cœur à la confiance afin d’apporter des changements qui profitent à la collectivité.

Mon aîné pour le projet Otahpiaaki, qui est aussi mon professeur de la langue des Pieds-Noirs et d’études autochtones à l’école secondaire, m’a demandé d’intégrer tout cela dans notre déconnexion avec la Terre. Je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire, jusqu’à ce que je parle avec un ami proche, collègue et mentor de l’université. Avec toutes les recherches que j’ai faites, je pense que j’ai maintenant une idée de ce que cela veut dire.

Notre connexion à la Terre est notre capacité d’ouvrir notre cœur devant la vulnérabilité, d’être vraiment nous-mêmes, avec notre cœur entier, sans excuses, parce que c’est la signification d’être reconnecté à la Terre, c’est-à-dire avec notre corps et notre cœur. C’est votre sentiment d’ego ou votre sentiment du soi et c’est la capacité de faire confiance au corps physique. Pour avoir confiance en votre corps, vous devez vraiment entretenir une relation saine avec lui, lui être redevable, établir du respect et protéger vos limites.

J’ai découvert que, pour guérir des traumatismes, vous devez littéralement créer cette relation avec votre corps. La création de toute relation demande du temps, de la patience et de la communication. Les Autochtones ont toujours su que quand vous pouvez connecter avec votre corps, avec ses sens, et que vous cultivez cette relation d’amour avec vous-même, vous êtes connecté à la Terre, parce que votre corps vient de la Terre. Notre corps est analogue à la Terre, parce que nous revenons vers elle lorsque notre temps ici-bas est terminé.

J’espère pouvoir continuer de me pencher sur ces connaissances, de travailler et de collaborer avec des Autochtones qui ont des buts semblables, soit l’établissement de la prospérité économique dans les collectivités des Premières Nations, parce qu’on veut que les Autochtones deviennent des chefs économiques dans la société canadienne. On veut que les Autochtones deviennent leurs propres chefs et qu’ils possèdent ce qui leur appartient. Il s’agit de militantisme et de réconciliation, et d’aider à contribuer à l’économie canadienne. C’est tout ce que j’avais à dire.

Des voix : Bravo!

La présidente : Nous avons du temps pour une question ou un commentaire très rapide.

La sénatrice Coyle : Merci beaucoup. C’était une discussion très inspirante et instructive.

Dans vos commentaires, vous avez parlé de l’établissement de la prospérité communautaire, des designs autochtones, de l’entreprise et de l’innovation sociales. Je sais que vous allez maintenant à l’école, et vous réalisez évidemment des choses incroyables dans ce programme.

Quelles sont vos ambitions pour l’avenir?

M. Spirit River Striped Wolf : Merci, sénatrice, de poser la question. J’aimerais continuer de faire ce travail. Mon ambition, c’est de faire ce type de travail. Ce n’est pas Colten Boushie, mais bien Colton Crowshow, de ma collectivité à Piikani, qui a été assassiné à Calgary. Durant une des cérémonies commémoratives, des aînés de ma collectivité auprès de qui je me rappelais avoir grandi avaient les yeux gonflés. Ils nous disaient que la police et le gouvernement n’écoutaient plus et que nos jeunes devaient occuper des postes ou jouer des rôles où ils auraient de l’influence et sauraient ce qui se passait. Je crois que ce message s’est inscrit dans mon cœur, pour ce qui est de mon ambition. Je pense que ma passion provient en grande partie de là, parce que je ne voulais pas revoir mes aînés pleurer ainsi.

La présidente : Merci beaucoup. Nous sommes arrivés à la fin de notre séance.

Au nom de tous les sénateurs, j’aimerais remercier nos jeunes Autochtones qui ont témoigné ce soir. Merci Kieran McMonagle, Kayla Bernard, Bryanna Brown, Amanda Fredlund, Theoren Swappie, Colette Trudeau, Ruth Kaviok, Rae-Anne Harper et Spirit River Striped Wolf, d’avoir fait part de votre point de vue au comité.

(La séance est levée.)

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