Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule no 41 - Témoignages du 13 juin 2018
OTTAWA, le mercredi 13 juin 2018
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 43, pour son étude sur les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonsoir. Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs et aux membres du public qui regardent cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, ici même dans la pièce ou sur le Web.
Dans un esprit de réconciliation, je tiens à souligner que nous nous réunissons sur le territoire non cédé des peuples algonquins.
Je m’appelle Lillian Dyck, je viens de la Saskatchewan et j’ai l’honneur et le privilège d’être présidente du comité.
J’invite maintenant mes collègues sénateurs à se présenter.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.
Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Boyer : Yvonne Boyer, de l’Ontario.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse.
La présidente : Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur les nouvelles relations entre le gouvernement du Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Nous accueillons donc, du Congrès des peuples autochtones, Robert Bertrand, chef national, Robert Russell, gestionnaire principal de la mobilisation, et Ron Swain.
Chef national Bertrand, vous avez la parole. Après votre exposé, nous entendrons les questions des sénateurs.
Robert Bertrand, chef national, Congrès des peuples autochtones : Je suis le chef national Robert Bertrand, du Congrès des peuples autochtones ou, comme nous aimons l’appeler, le CPA. Je suis heureux d’être avec vous aujourd’hui et je souhaite reconnaître que nous sommes sur le territoire traditionnel et non cédé des peuples algonquins.
[Français]
Les enseignements et la sagesse de nos ancêtres sont essentiels pour guider notre travail et nos discussions aujourd’hui.
[Traduction]
J’aimerais remercier tous les membres du comité de permettre au CPA d’être ici pour vous parler aujourd’hui. Votre comité a entendu des témoins qui reflètent la diversité des Premières Nations, des Inuits et des Métis des collectivités urbaines, rurales, éloignées et nordiques.
Pendant plus de 47 ans, le CPA s’est engagé à défendre les droits et les besoins des Indiens inscrits et non inscrits, des Métis et des Inuits du Sud vivant hors réserve. La majorité de ces gens vivent dans des régions urbaines, rurales et éloignées.
Le CPA sert également de voix nationale à ses 11 groupes affiliés provinciaux et territoriaux qui sont indispensables pour nous aider à établir des liens directs avec les priorités et les besoins des gens que nous représentons.
[Français]
D’un océan à l’autre, les affiliés provinciaux et territoriaux du CPA jouent un rôle de premier plan quand il s’agit de nous fournir un accès direct pour répondre aux besoins et aux intérêts de nos commettants.
[Traduction]
Depuis sa création, le CPA a joué un rôle essentiel pour défendre et protéger les droits des gens qu’il représente. L’ancien président du CPA, le regretté Harry Daniels, a été au centre des pourparlers constitutionnels qui ont mené à la Loi constitutionnelle de 1982. Harry Daniels a refusé d’abandonner et il a réussi à atteindre ses objectifs, et les Métis ont été enchâssés dans la Constitution.
Le CPA a aussi occupé un siège lors des négociations des forums constitutionnels et a participé très activement à ces négociations, par exemple dans le cadre des processus liés à l’accord de Charlottetown de 1992 et à l’Accord de Kelowna.
Nous luttons depuis longtemps pour défendre les droits des peuples autochtones du Canada qui vivent à l’extérieur des réserves. Nous avons assumé un rôle essentiel dans les négociations constitutionnelles et nous devrions jouer un rôle équivalent dans toutes les négociations liées à réconciliation qui sont entamées par le gouvernement fédéral.
Il ne fait aucun doute que le sujet de l’étude d’aujourd’hui, c’est-à-dire la nouvelle relation entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis, est extrêmement important pour tous les Autochtones qui vivent dans ce pays. Nous ne faisons peut-être que commencer à explorer la pointe de l’iceberg dans cette étude.
Une nouvelle relation entre le Canada et notre peuple devrait être inclusive et devrait avoir la possibilité de se resserrer au fil du temps. Quels principes devraient guider le développement de cette nouvelle relation?
Il y a un peu plus de 20 ans, la Commission royale sur les peuples autochtones, la CRPA, a été chargée de mener une enquête pour répondre à une question semblable, c’est-à-dire qu’elle devait déterminer les fondements d’une relation équitable et honorable entre les Autochtones et les non-Autochtones du Canada.
Je ferais valoir que les quatre principes suivants, qui sont proposés par la commission, devraient servir de fondement à la nouvelle relation qui sera établie entre le Canada et notre peuple : la reconnaissance, le respect, le partage et la responsabilité.
Un grand nombre de membres de notre peuple sont toujours dans une situation de crise, que ce soit parce qu’ils n’ont pas accès à des programmes et à des services de base ou qu’ils doivent faire face à une discrimination généralisée, à des taux d’incarcération à la hausse ou à une pénurie de logements.
La réparation et la réconciliation pour les peuples autochtones sont essentielles à la suite de projets coloniaux aussi destructeurs que la Loi sur les Indiens, le système des pensionnats et la rafle des années 1960. En effet, ces initiatives ont eu des répercussions durables sur notre peuple.
[Français]
Notre vision est celle où tous les Autochtones du Canada connaîtront une meilleure qualité de vie, fondée sur la reconstruction de nos nations. Tous les citoyens autochtones seront légitimement traités avec respect, dignité, intégrité et égalité.
[Traduction]
Les Autochtones ont passé toute leur vie à défendre leurs droits, c’est-à-dire le droit de revendiquer leur propre identité autochtone, le droit à un accès ouvert et égal aux mêmes programmes et services qui sont offerts à de nombreux autres citoyens de ce pays, et le droit de déterminer leur propre place et leur propre avenir.
Plusieurs modèles ont été créés pour aider tous les échelons de gouvernement à favoriser les droits et la détermination des peuples autochtones, notamment la Commission royale sur les peuples autochtones, la Commission de vérité et réconciliation du Canada et ses 94 appels à l’action, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et le projet de loi C-262 du député néo-démocrate Romeo Saganash.
Le CPA est d’avis que l’élément le plus important dans la création d’une nouvelle relation, c’est l’établissement d’une relation de travail avec le gouvernement fédéral par l’entremise du respect de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Daniels c. Canada, une victoire juridique que le CPA a tenté d’obtenir pendant 17 ans. La décision a été prise à l’unanimité par les neuf juges.
Pendant des années, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral du Canada ont refusé d’admettre qu’ils avaient compétence législative à l’égard des Métis et des Indiens non inscrits. En effet, le gouvernement fédéral invoquait que le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 l’en empêchait, et les gouvernements provinciaux invoquaient le fait qu’il s’agissait d’un enjeu de compétence fédérale.
Par conséquent, de nombreux Métis et Indiens non inscrits se sont retrouvés dans ce que la Cour suprême du Canada a appelé un « désert juridique sur le plan de la compétence législative, situation qui a des conséquences défavorables importantes et évidentes. »
En 1999, le CPA s’est attaqué à cette impasse directement en déposant une contestation judiciaire par l’entremise de Daniels c. Canada. Le 14 avril 2016, après une bataille juridique de 17 ans, la Cour suprême a rendu une décision unanime dans Daniels c. Canada, en déclarant que les Métis et les Indiens non inscrits sont des Indiens en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867.
La décision importante rendue dans l’affaire Daniels a confirmé la compétence et la responsabilité du Canada à l’égard des Métis et des Indiens non inscrits. Elle a confirmé que le gouvernement fédéral avait une relation fiduciaire avec les Métis et les Indiens non inscrits, la même relation qu’il a avec les Indiens, et qu’il avait donc l’obligation de les consulter sur les questions qui les touchent.
La victoire juridique remportée par l’entremise de la décision Daniels appartient de plein droit au CPA et représente l’instrument qui permettra à notre peuple d’obtenir les droits, les programmes et les services auxquels, comme je l’ai dit, ils ont droit.
Dans la décision Daniels prise par la Cour suprême en 2016, le juge Michael Phelan a reconnu que ces conséquences avaient produit un grand nombre de gens qui souffraient de dommages collatéraux après avoir été privés de programmes, de services et d’avantages non tangibles que tous les gouvernements reconnaissent comme étant essentiels.
La décision Daniels avait le potentiel de transformer le cadre et la relation dans lesquels le Canada interagit avec les Métis et les Indiens non inscrits.
Le premier ministre Justin Trudeau a affirmé à de nombreuses reprises qu’aucune relation n’était plus importante pour le Canada que celle qu’il entretient avec les peuples autochtones. Son gouvernement travaille en partenariat avec les peuples autochtones pour réviser les lois et les politiques fédérales, afin de veiller à ce qu’elles respectent les obligations constitutionnelles du Canada et les normes internationales, y compris celles établies dans la DNUDPA.
En ce qui concerne ce que le gouvernement a appelé la « décision CPA/Daniels », le gouvernement a énoncé ce qui suit :
Nous étudions présentement la décision afin de fixer les prochaines étapes. Nous travaillerons sur des assises d’un partenariat authentique avec les Métis et les Indiens non inscrits qui sera fondé sur la reconnaissance des droits, le respect et le partenariat avec comme objectif de faire progresser la réconciliation.
Selon le site web du gouvernement, cette déclaration a été modifiée pour la dernière fois le 14 avril 2016, le jour où la Cour suprême a rendu sa décision finale. À ce jour, le Canada demeure un partenaire inactif à l’égard du Congrès des peuples autochtones en ce qui concerne la décision Daniels. Le CPA, et par conséquent les voix des Métis et des Indiens non inscrits, continue d’être exclu des décisions importantes du gouvernement canadien qui ont des répercussions sur les droits et la vie des gens que nous représentons.
L’inaction prolongée du gouvernement fédéral à l’égard de la décision Daniels traduit un manque d’engagement à l’égard de l’appui et de la progression des droits de tous les peuples autochtones, surtout ceux des gens représentés par le CPA.
Plus tôt cette année, c’est-à-dire en février dernier, le gouvernement du Canada a lancé une stratégie nationale de mobilisation, afin d’élaborer un Cadre de reconnaissance et de mise en œuvre des droits qui veillerait à ce que le gouvernement du Canada respecte les droits des Autochtones et mette en œuvre des politiques et des mécanismes qui permettraient aux peuples autochtones d’exercer leurs droits.
Même si les consultations ont débuté immédiatement après l’annonce du gouvernement, la participation du CPA n’a toujours pas été sollicitée dans cette étape essentielle entre le gouvernement du Canada et les peuples autochtones. Un tel exemple démontre que le Canada prend des décisions unilatérales au nom des Indiens non inscrits et des peuples autochtones qui vivent en région urbaine. Cette pratique doit cesser, car elle va directement à l’encontre des droits fondamentaux de la personne des Autochtones.
Le gouvernement fédéral doit abandonner cette relation paternaliste et conflictuelle avec les peuples autochtones pour mettre en place une réconciliation complète avec tous nos peuples, dans laquelle il assume ses responsabilités constitutionnelles et fiduciaires. Cette nouvelle relation reposera sur l’honneur de la Couronne.
Dans la décision Daniels de la Cour suprême, la juge de la Cour suprême Rosalie Abella a déclaré ce qui suit :
À mesure que le rideau continue de se lever sur l’histoire des relations entre le Canada et ses peuples autochtones, de plus en plus d’iniquités se font jour et des réparations sont instamment réclamées.
Le gouvernement du Canada doit reconnaître la réalité changeante des peuples autochtones et sa nouvelle réalité urbaine. Réunies dans la victoire juridique du CPA dans la décision Daniels, la Constitution canadienne et la DNUDPA permettront d’apporter des changements durables et positifs pour notre peuple.
Le gouvernement du Canada doit respecter l’esprit et l’intention de la décision Daniels et pleinement reconnaître les droits des Métis et des peuples non inscrits. Le gouvernement du Canada doit immédiatement entamer des négociations de réconciliation avec le Congrès des peuples autochtones, afin d’établir une relation fondée sur les droits et la reconnaissance, tel que l’indique l’article 35 de la Loi constitutionnelle. Nous devons assurer la justice pour tous.
Meegwetch. Je vous remercie d’avoir pris le temps de nous écouter.
Le sénateur Tannas : Mes collègues ne seront pas surpris de la question que je poserai, car c’est une question que je m’entête à poser et qui, je crois, contient un élément essentiel. C’est une situation complexe et, bien honnêtement, la décision Daniels la rend encore plus complexe pour le gouvernement et le pays.
Parfois, des situations complexes peuvent seulement être résolues à l’aide de solutions simples. J’aimerais que vous nous parliez des droits et des privilèges individuels liés à la reconnaissance, aux dédommagements, au partage, et cetera, comparativement aux droits et aux privilèges qui s’appliqueraient à un groupe, c’est-à-dire aux gouvernements autochtones.
Avez-vous réfléchi sur la question de savoir comment les fonds versés et d’autres privilèges devraient s’appliquer au niveau individuel comparativement au niveau gouvernemental?
M. Bertrand : Vous avez absolument raison lorsque vous dites qu’il s’agit d’un enjeu très complexe. Afin d’illustrer à quel point il est complexe, lorsque mes deux collègues et moi avons travaillé sur l’exposé que j’ai livré cet après-midi, nous avons eu toute une discussion. Nous ne pouvions pas nous mettre d’accord sur la signification exacte de tout cela.
Ces deux messieurs viennent de différentes régions du pays, et je viens du Québec. Ce qui est bon pour le Labrador, par exemple, ne répond peut-être pas aux besoins de la Colombie-Britannique ou de Terre-Neuve.
À mon avis, nous devons commencer à parler à nos gens, à notre peuple, pour déterminer exactement ce que cela signifie pour eux d’être reconnus à titre d’Indiens. Quels sont les privilèges, comme vous le dites? Est-ce quelque chose que l’on doit à une personne ou s’appliquent-ils au niveau communautaire?
Nous n’avons pas eu le temps de poser ces questions au sein de notre groupe. C’est la raison pour laquelle nous avons dit, dans mon exposé, que pour le moment, nous devions nous asseoir et réfléchir avant même de parler de privilèges. Nous devons avoir une discussion ouverte avec le gouvernement fédéral et demander à des spécialistes du droit de nous expliquer ce que signifie exactement la décision Daniels.
J’étais présent lorsque la Cour suprême a rendu sa décision. Nous étions très heureux. Nous avions gagné. Toutefois, après une heure ou deux, tout le monde a commencé à se demander ce que nous avions gagné.
En mars dernier, nous avons eu un symposium sur la décision Daniels. Des gens sont venus de différentes régions du pays. Certaines personnes ont parlé de pêche. D’autres ont parlé de taxes, de logement et d’éducation. Nous avons mis tout cela par écrit, mais nous devons organiser ces idées, afin d’avoir des arguments pour discuter avec le gouvernement fédéral.
J’espère que cela répond à votre question.
[Français]
Comme je l’ai dit, monsieur le sénateur, c’est très, très compliqué.
[Traduction]
Le sénateur Doyle : Je suis heureux de vous revoir, chef. Je crois que, la dernière fois que nous nous sommes rencontrés, nous étions collègues à la Chambre des communes pendant 12 ans. Je suis heureux de vous revoir.
Selon nos notes d’information, de 2013 à 2017, vous avez parcouru le pays dans le cadre d’une visite nationale auprès des communautés. Lorsque vous avez décidé de mener cette série de visites, qu’espériez-vous apprendre? Qu’espériez-vous accomplir? Selon vous, quel était votre mandat relativement aux découvertes que vous feriez pendant cette série de visites?
Les gens que vous avez rencontrés ont-ils formulé de nombreuses recommandations liées à la relation qu’ils avaient avec le gouvernement fédéral à ce moment-là? Pourriez-vous nous parler de cela?
M. Bertrand : Oui, la série de visites nationales auprès des communautés a été entamée par le grand chef précédent, un monsieur distingué du nom de Dwight Dorey, qui est décédé il y a environ deux semaines. On a produit un rapport volumineux. Si vous le souhaitez, je veillerai à ce que le bureau envoie un exemplaire de ce rapport à votre président, qui pourra vous le distribuer.
Le sénateur Doyle : Oui, ce serait bien.
M. Bertrand : Les éléments principaux qui ont été soulignés sont ceux que j’ai mentionnés plus tôt, c’est-à-dire le logement, l’éducation et le développement économique. Un autre problème qui a été mentionné assez souvent, c’est que les peuples autochtones qui vivent à l’extérieur des réserves n’ont pas accès aux mêmes outils financiers qui permettent d’avancer et auxquels les autres Canadiens ordinaires ont accès.
Nous ne l’avons pas mentionné dans mon exposé, mais selon les données de Statistique Canada, plus de 70 p. 100 des Autochtones vivent maintenant à l’extérieur d’une réserve. Je serai le premier à admettre que nous avons tous observé l’horrible pauvreté qui existe dans certaines réserves indiennes. Le gouvernement a bien fait de dire qu’il était là pour aider. Personne ne peut s’opposer à une aide, qu’elle soit financière ou d’un autre type, qui vise à améliorer la vie des Indiens inscrits qui vivent dans les réserves. Je finis toujours par dire qu’il ne faut pas oublier les autres 70 p. 100 qui vivent à l’extérieur de ces réserves.
[Français]
Ce sont les données de Statistique Canada, les propres chiffres du gouvernement, qui nous indique que, en ce moment, 70 p. 100 des Autochtones vivent hors réserve.
Autre chose intéressante, les compagnies qui auront besoin de main-d’œuvre pour les chemins de fer ou le secteur pétrolier engageront de jeunes Autochtones. Or, ces jeunes Autochtones doivent avoir les mêmes possibilités que les autres Canadiens.
J’ai toujours dit que le CPA était très bien situé pour aider ces gens qui vivent hors réserve. Malheureusement, le gouvernement du Canada n’est pas toujours sur la même longueur d’onde que nous. Nous respectons ses décisions. J’aimerais souligner que le CPA est l’une des premières organisations qui ont été créées. Si je me souviens bien, le CPA a vu jour en 1971. Et je peux vous assurer que nous serons présents pendant plusieurs années.
[Traduction]
La sénatrice Boyer : Bienvenue, et merci beaucoup d’être venus. Vous avez dit qu’une victoire juridique avait été remportée par l’entremise de la décision Daniels, et qu’elle appartient de plein droit au CPA. Je sais que Joe Magnet et son équipe ont travaillé d’arrache-pied pour cette décision. C’était sans doute une grande décision. Vous avez également parlé de l’inaction du gouvernement fédéral lorsqu’il s’agit de déterminer les droits et d’aider à la mise en œuvre de tout ce qui se trouve dans la décision Daniels.
Collaborez-vous avec d’autres organismes nationaux pour créer un cadre qui favorisera la promotion des droits des gens que vous représentez? Qu’en est-il du rapport Isaac? Il s’agissait d’un rapport assez complet, et j’aimerais savoir si vous avez été en mesure de l’utiliser lorsque vous avez tenté de mettre en œuvre la décision Daniels en collaboration avec le gouvernement fédéral.
M. Bertrand : La décision Daniels touchait principalement les gens qui vivent hors réserve. Nous n’avons pas essayé de travailler avec d’autres organisations autochtones nationales, car cela touchait principalement les mandants du CPA. Depuis que je suis entré en fonction, notre porte a toujours été ouverte. Si d’autres organisations autochtones veulent travailler avec le CPA pour aider les Métis ou les Indiens non inscrits qui vivent hors réserve, notre porte est toujours ouverte. Nous travaillerions volontiers avec elles.
Avons-nous fait des demandes en ce sens? Je dois dire que non, car cette décision était principalement liée aux mandants du CPA.
La sénatrice Boyer : J’aimerais savoir ce qu’il en est des Métis, par exemple la Nation métisse de l’Ontario, qui travaille sur des accords-cadres dans la région. Je me demande si vous avez travaillé avec eux pour faire avancer les droits de vos mandants.
M. Bertrand : Il y a des OPT dans toutes les provinces. Quel est le nom de celle de l’Ontario?
Ron Swain, ancien vice-président national, Congrès des peuples autochtones : La Coalition des peuples autochtones de l’Ontario.
M. Bertrand : Ils ont leurs propres collectivités, et c’est avec eux que nous travaillons. Je ne veux pas m’exprimer au nom d’autres groupes, mais s’ils veulent nous aider, je suis certain que leur aide ou leurs suggestions seront les bienvenues.
La sénatrice Boyer : La Nation métisse de l’Ontario fait des efforts considérables par rapport à la décision Daniels, en s’inspirant du rapport Isaac. Je me demande pourquoi vous ne seriez pas portés à faire équipe avec eux s’ils contribuent, en fait, à faire avancer les droits des Métis.
M. Swain : Sénatrice, j’aimerais faire un commentaire concernant votre excellente question. Le chef national ne savait pas que notre ancien chef avait écrit à tous les groupes nationaux — le Ralliement national des Métis, l’Inuit Tapirisat et l’Assemblée des Premières Nations — pour demander la tenue d’une réunion pour discuter des enjeux liés au Métis et assurer le maintien d’un dialogue continu. Comme notre chef national l’a indiqué, le fait est que très peu de choses ont été faites à l’échelle fédérale par rapport à la décision Daniels, aux Métis et aux Indiens non inscrits. Nous avons essentiellement été écartés des tribunes où ont lieu bon nombre de ces discussions.
Ces lettres ont été écrites pour susciter le dialogue afin que nous puissions participer aux discussions. Le gouvernement fédéral a des relations bilatérales avec les autres organisations nationales. Vous n’étiez probablement pas au courant, mais nous avions écrit des lettres, qui sont restées sans réponse.
Concernant la Nation métisse de l’Ontario et le rapport de Thomas Isaac, il faut savoir que ce rapport est essentiellement une enquête menée dans le cadre du processus des revendications territoriales au Manitoba, dans la foulée de la décision de la Cour suprême. Le Congrès des peuples autochtones n’a pas beaucoup interagi avec M. Thomas Isaac lors de son enquête. En fait, nous n’avons même pas eu l’occasion de le rencontrer pour discuter. C’était prévu, mais des élections ont été déclenchées et la réunion a été annulée.
J’ai été, en fait, président fondateur de la Nation métisse de l’Ontario et j’ai travaillé avec un collègue, Tony Belcourt, pour créer l’organisme il y a quelques années. Je suis les activités de la Nation métisse de l’Ontario, où j’ai encore beaucoup d’amis et de collègues. Ils sont parvenus à établir des relations avec les gouvernements fédéral et provincial par l’intermédiaire du groupe représentant la Nation métisse, le Ralliement national des Métis, qui a l’appui du Congrès des peuples autochtones, car ils représentent certaines définitions des Métis. Ils les appellent les Métis de la Nation métisse, tandis que nos définitions sont plus larges.
Nous voulons tenir des discussions et un processus avec le gouvernement fédéral pour les personnes que nous représentons, c’est-à-dire les Métis qui ne font pas partie du Ralliement national des Métis et de la Nation métisse. Au Canada, seul le Congrès des peuples autochtones s’est porté à la défense des Indiens non inscrits et a parlé en leur nom.
Il reste beaucoup de travail à faire. Nous devons discuter des définitions et des procédures de dénombrement. Il faut déterminer qui sont les mandants. Voilà pourquoi le congrès est extrêmement déçu de constater que depuis la décision de la Cour suprême, un processus plus officiel n’a pas encore mis en œuvre pour entreprendre ce travail. Même la Nation métisse de l’Ontario a établi sa propre définition, à laquelle nous souscrivons. La nation s’est définie elle-même, selon certains termes, en fonction d’un territoire précis.
Les définitions varient selon les régions du pays, mais cela témoigne toujours de notre volonté de permettre aux Métis et aux Indiens non inscrits d’exercer les droits autochtones prévus à l’article 35, et de créer des institutions autonomes et d’en faire partie.
C’est un élément nouveau. Dans ses notes d’information, notre chef national parle d’une nouvelle réalité au Canada, réalité qui résulte des inégalités entre les sexes qui perdurent depuis 150 ans dans la Loi sur les Indiens et dans toutes les politiques distinctes qui ont forcé les femmes autochtones hors de leur communauté.
Le Congrès des peuples autochtones est une institution vieille de 47 ans qui a été créée par ces femmes et leurs descendants. Chacun d’entre nous est un descendant de ces femmes des Premières Nations qui ont été dépossédées, ou de femmes de groupes ou de collectivités métisses qui ne font pas partie du Ralliement national des Métis ou du territoire des Métis.
L’explication est à la fois longue et complexe. Comme vous l’avez indiqué, madame la sénatrice, la situation est complexe. La situation de nos mandants au sein du congrès est très complexe et les relations avec le Congrès des peuples autochtones sont donc très difficiles. Les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral préfèrent travailler dans des contextes plus simples.
Cet après-midi, mon collègue a très bien exprimé la volonté du gouvernement fédéral de travailler avec trois groupes distincts, étant donné que c’est plus simple.
Robert Russell, gestionnaire principal de la mobilisation, Congrès des peuples autochtones : Cela correspond exactement aux propos de Ron Swain. Comme vous l’avez mentionné précédemment, sénatrice, tous les gouvernements veulent une approche facile concernant la forme que cela pourrait prendre. Pour notre communauté, celle des Indiens non inscrits, la réalité est que tout sera totalement différent. Chaque province pourrait avoir sa propre approche. Lors de réunions comme celle-ci, on nous demande de définir, en groupe ou individuellement, en quoi consistent l’autonomie gouvernementale et l’autodétermination.
De manière générale, nous ne le savons pas vraiment. Nous savons que nous représentons des mandants et des membres qui ont des droits autochtones dans ce pays. Nous aimerions avoir une approche. Dans son exposé, le chef parlait essentiellement de notre volonté d’établir une relation avec ce gouvernement. Combien de fois faut-il dire au gouvernement canadien que nous sommes des Autochtones et que nous avons des droits autochtones? C’est ce qu’il entend depuis 100 ans, et il n’a toujours pas progressé sur la nature des droits autochtones des Indiens non inscrits.
Nous poursuivons le gouvernement devant les tribunaux, et nous n’obtenons toujours pas satisfaction, aucun engagement, aucune obligation ou aucune démonstration quelconque de bonne foi indiquant que le gouvernement souhaite réellement travailler avec nous. Cela peut être aussi simple que de dire : « Nous aimerions nous asseoir à une table avec vous pour discuter. » C’est aussi simple que cela, mais nous n’avons même pas eu cette occasion. Jusqu’où devons-nous aller?
Nous nous adressons à la Cour suprême du Canada, qui confirme que nous sommes des Autochtones et que nous avons des droits autochtones, comme tout autre groupe autochtone du pays. Nous nous tournons ensuite vers le gouvernement, qui répond : « Nous réfléchissons à la question. » Après 100 ans de réflexion, je pense qu’il est temps qu’il donne un véritable signe de sa bonne foi et qu’il prenne au moins la peine de s’asseoir pour discuter avec nous.
La sénatrice Boyer : Puisque rien ne bouge actuellement, quelle est votre prochaine étape? Quelles mesures prenez-vous actuellement pour faire bouger les choses et faire valoir ces droits?
M. Bertrand : Nous demandons continuellement au ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada de tenir des discussions. Nous avons de l’espoir, car cela devrait arriver un moment donné. Si vous nous demandez si nous pensons retourner devant les tribunaux, la réponse est non. J’ai toujours eu l’habitude de dire que les avocats sont les seuls gagnants des recours devant les tribunaux. Ce sont des procédures longues et coûteuses. Prenons l’affaire Daniels comme exemple. Nous avons gagné, mais tout semble rester au point mort. Si nous retournons devant les tribunaux, que nous gagnons et que le gouvernement ne fait rien pour tenir des discussions avec nous, quelle autre option nous reste-t-il? Quel autre recours avons-nous?
En somme, notre approche à cet égard consiste à continuer à cogner aux portes sur la Colline du Parlement. Tôt ou tard, quelqu’un ouvrira la porte et nous pourrons commencer à discuter. Comme je l’ai indiqué au sénateur Doyle, j’étais présent lorsque la décision Daniels a été rendue. À ce moment-là, je me suis dit que c’était une bonne chose. Nous ne savions pas ce que nous avions gagné, comme je l’ai mentionné plus tôt, mais je me disais qu’on nous inviterait quatre ou cinq mois plus tard pour entreprendre des discussions sur l’incidence de la décision Daniels pour les gens qui vivent hors réserve, Métis ou non. Légalement, il n’y a plus de Métis et d’Indiens non inscrits. Aux termes de la décision Daniels, nous sommes tous considérés comme des Indiens.
J’avais cru comprendre que nous devrions commencer à négocier, mais rien n’a été fait. Comme Ron Swain l’a indiqué, nous avons souvent été écartés des discussions, en quelque sorte. Le gouvernement fédéral ne traite qu’avec certaines organisations autochtones nationales et écarte les autres, ce qui revient à isoler une partie des peuples autochtones.
La sénatrice McCallum : J’ai deux questions. Premièrement, puisque je ne connais pas très bien le CPA, j’aimerais savoir combien de membres vous avez et quelle est la population que vous représentez. Est-elle répartie dans l’ensemble du Canada?
M. Bertrand : Vous avez dit que vous aviez deux questions.
La sénatrice McCallum : Je vais poser l’autre plus tard.
M. Bertrand : Comme je l’ai indiqué, le CPA compte 11 organisations provinciales et territoriales, ou OPT. Chaque OPT est autonome, est responsable de ses membres, a ses propres règlements et tient ses propres assemblées générales annuelles. Leurs activités sont très semblables à celles du CPA, mais ce sont des organismes très autonomes qui déterminent eux-mêmes leurs membres. Ces organismes sont tenus de présenter des documents de conformité pour être membres du CPA, et c’est ce qu’ils font. Les modalités relatives aux membres relèvent de l’organisme.
Je veux parler de mes fonctions antérieures, lorsque j’étais chef national de l’AAQ, l’Alliance autochtone du Québec. Nous avions divisé la province en cinq régions et chacune d’entre elles avait sa propre communauté ou ses propres membres. Lorsque j’ai quitté mes fonctions, nous comptions environ 22 000 à 23 000 membres dans l’ensemble du Québec. Quant aux autres, ils ne révèlent pas ces renseignements.
Ron Swain a travaillé avec l’Ontario; il pourrait vous expliquer comment cela fonctionne dans cette province.
M. Swain : Je peux vous parler de l’histoire de la Coalition des peuples autochtones de l’Ontario. Le Congrès des peuples autochtones s’appelait autrefois le Conseil national des Autochtones du Canada. Fondé il y a environ 47 ans, il s’agit du plus ancien organisme représentant les Autochtones et les Premières Nations vivant hors réserve. Les collectivités des diverses provinces se sont organisées au fil des ans. Je vais faire un bref rappel historique sur la situation en Ontario.
Dans cette province, l’organisme s’appelait auparavant l’Association des Métis autochtones de l’Ontario, ou AMAO. Essentiellement, tous les Autochtones — les Métis et les Indiens non inscrits et inscrits — vivant à l’extérieur des collectivités des Premières Nations en étaient membres. L’organisme a fait faillite il y a environ 14 ans. Nous avons ensuite créé la Coalition des peuples autochtones de l’Ontario.
Il est très difficile d’assurer une bonne représentation des membres sans financement adéquat et je dirais que cela fait probablement partie des principaux enjeux dont le congrès voudra discuter avec le gouvernement lorsqu’une tribune aura été créée. Ce sont tous des bénévoles. Dans l’Ouest de l’Ontario, aucun des membres affiliés du Congrès des peuples autochtones ne reçoit un financement de base, que ce soit du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial. Tous ceux qui y travaillent le font bénévolement. Les critères relatifs aux membres, essentiellement semblables à ceux d’AINC, servent à la production de documents, comme les certificats de naissance, et à l’établissement des lignées jusqu’aux parents ou grands-parents autochtones. Tous les cas sont légèrement différents, mais nous faisons de notre mieux. C’est un lent processus qui exige beaucoup de travail. Par rapport aux bénévoles, le problème est lié au roulement et à la perte d’expertise lorsque les gens quittent leurs fonctions.
Je vous donnerai un exemple datant de l’époque à laquelle je faisais partie de la Nation métisse de l’Ontario, une organisation qui remportait beaucoup de succès parce qu’elle recevait quantité de ressources du gouvernement fédéral. Le gouvernement finance son processus d’établissement de registre afin d’appliquer les droits prévus à l’article 35. Nous voulons établir une table à cette fin. Pour ce qui est de la Nation métisse du Canada, ou NMC, chacune de ses organisations provinciales reçoit des millions de dollars pour son registre, car ces initiatives sont très onéreuses.
Dans la foulée de l’affaire Daniels, il importe pour les Métis, les Indiens non inscrits et, particulièrement, le Congrès des peuples autochtones de pouvoir commencer à déterminer qui sont les gens visés, les citoyens de nos communautés, les Métis et les Indiens non inscrits. Quand on commence à créer des organismes d’autonomie gouvernementale, il faut disposer d’un mandat émanant d’un peuple autochtone légitime. Voilà pourquoi nous sommes impatients de créer ces tables.
La Nation métisse de l’Ontario jouit d’une excellente relation avec les gouvernements fédéral et provincial, créant les tables et établissant le cadre nécessaire. Cela découle en grande partie du rapport de Thomas Isaac. L’organisation a établi un processus fondé sur son registre, lequel est essentiel à sa réussite et à une partie du succès de la Nation métisse du Canada dans les provinces de l’Ouest. Nous avons proposé au gouvernement fédéral de mettre à l’essai un processus d’établissement de registre, mais avons essuyé un refus. C’était avant l’affaire Daniels, remarquez.
Je voulais formuler une observation à propos du rapport de Thomas Isaac, un document fort exhaustif commandé avant qu’une décision ne soit rendue dans l’affaire Daniels. Ce rapport ne traite pas vraiment de la signification de cette décision et n’explique pas qui sont les personnes visées, soit les Métis et les Indiens non inscrits. Pour préparer ce rapport, Thomas Isaac et son équipe ont consulté les organisations de l’Ouest de l’Ontario affiliées au Conseil national des Métis. Le document brosse un excellent tableau du Conseil national des Métis et de la philosophie particulière qu’il entretient à propos d’une terre ancestrale métisse dans certaines régions.
Ce rapport n’inclut pas nos organisations affiliées de l’Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Alberta, de la Colombie-Britannique ou des provinces maritimes quand il traite des Métis. Il est essentiellement silencieux à cet égard, en raison d’un manque de capacité du Congrès des peuples autochtones ou de ses organisations affiliées des diverses provinces de l’Ouest. Nous sommes essentiellement des bénévoles qui faisons de notre mieux. Un sénateur nous a demandé ce que nous faisons. Pour lutter contre le fait qu’il n’existe pas de table ou de forum adéquats avec le gouvernement fédéral ou les diverses provinces, nous organisons et tenons des rassemblements communautaires pour parler de l’affaire Daniels de manière limitée, en ayant une portée restreinte.
Des visites à l’échelle communautaire se sont tenues, auxquelles les anciens chefs du congrès ont participé pendant trois ans. Je veillerai à ce que le chef vous remette un exemplaire du rapport, car il indique ce que les gens ont dit vouloir en priorité à l’échelle communautaire dans le cadre des visites menées aux quatre coins du pays. Quand il est question de l’affaire Daniels, les principales priorités sont le logement, l’éducation et les divers problèmes qui touchent les Autochtones vivant dans les communautés des Premières Nations. Dans l’Est, les organisations affiliées du Congrès des peuples autochtones disposent d’un financement de base; les capacités du congrès étaient donc accrues au Québec et dans l’Est.
M. Bertrand : Je sais que nous avons beaucoup parlé du Congrès des peuples autochtones, mais avec votre permission, madame la présidente, je voudrais y revenir. Le Congrès des peuples autochtones a été créé en 1971, marquant la naissance d’un grand nombre d’organisations qui existent aujourd’hui. C’est la Nation métisse du Canada qui est à l’origine du Congrès des peuples autochtones. Elle en était membre, puis a décidé de faire cavalier seul. L’Assemblée des Premières Nations, qui s’appelait la Fraternité des Indiens au moment de sa création, a aussi fait partie du Congrès des peuples autochtones.
Le Congrès des peuples autochtones est là depuis le début et aide les peuples autochtones. Je me dois d’être honnête. Je ne veux pas parler au nom de mes deux amis ici, mais je suis troublé quand je vois les ressources que le gouvernement fédéral accorde aux autres organisations, alors qu’un groupe comme le Congrès des peuples autochtones est mis de côté. C’est une des raisons pour lesquelles je trouvais important de discuter de la question avec vous ce soir.
Nous avons besoin d’aide pour convaincre le gouvernement central qu’il importe d’aider les habitants des réserves, comme je l’ai indiqué. À mon avis, toutefois, il est tout aussi important d’aider les Indiens vivant hors réserve. Le Congrès des peuples autochtones est l’organisation qui peut le faire. Comme je l’ai fait remarquer, nous sommes ici. Nous voulons apporter de l’aide. Nous voulons aider nos membres, qu’ils demeurent en Colombie-Britannique ou à Toronto. Il nous faut toutefois des ressources. Voilà pourquoi nous avons décidé de vous rencontrer ce soir.
Mesdames et messieurs, nous avons besoin d’aide. Nous avons besoin de partenaires qui convaincront le gouvernement que le Congrès des peuples autochtones est une organisation bonne et viable. Nous avons besoin de son aide.
La sénatrice McCallum : Les Autochtones ont passé toute leur vie à lutter pour leurs droits, comme vous l’avez souligné. Les citoyens qui grandissent dans un climat de conflit et de traumatisme au sein de leurs communautés tendent à adapter leur comportement pour leur permettre de composer avec les traumatismes. Ils en viennent notamment à accepter la relation paternaliste, qu’ils considèrent comme normale.
Dans le cadre de la transformation vers l’autonomie gouvernementale, des changements doivent survenir chez les gens, les municipalités, les régions, les provinces et les organismes nationaux. Comment peut-on encourager ces changements quand les membres du congrès sont disséminés aux quatre coins du pays et que les déterminants sociaux se trouvent dans les municipalités des diverses provinces?
M. Bertrand : La question est très complexe. Le pays est vaste, comme vous le savez. J’ai eu la chance de voyager dans chaque province et territoire et, selon moi, il faut nouer des alliances avec les diverses organisations.
Pour vous donner un exemple, nous avons rencontré la Fédération canadienne des municipalités l’an dernier. Cette dernière est prête à collaborer avec nous pour former les jeunes dans le domaine du logement. Je pense qu’une partie de la solution consiste à convaincre les diverses organisations de travailler avec nous pour trouver des solutions pour les Autochtones vivant à l’extérieur des réserves.
J’ai évoqué la Fédération canadienne des municipalités, mais il y a aussi la Chambre de commerce du Canada, présidée par M. Perrin Beatty. Les membres de la chambre voient le vaste potentiel des jeunes Autochtones qui vivent actuellement en dehors des réserves. Selon un vieil adage, on peut dépenser l’argent maintenant ou on peut dépenser une somme beaucoup plus considérable plus tard. Cette idée émane de ces intervenants. Il est temps de commencer à former les jeunes pour qu’ils puissent occuper divers emplois, mener de meilleures vies, prendre soin de leurs enfants et peut-être devenir égaux dans les générations futures. C’est ainsi que je vois les choses.
La sénatrice McCallum : Je vous remercie du travail extraordinaire que vous accomplissez.
M. Bertrand : Merci beaucoup.
La sénatrice Coyle : C’est vraiment un plaisir de vous recevoir ce soir.
Monsieur Bertrand, vous semblez être dans une situation fort délicate, et ce, depuis un certain temps, si je comprends bien. Vous avez évoqué quelques éléments, indiquant notamment qu’il importe d’aider les Indiens vivant hors réserve au Canda et que le Congrès des peuples autochtones était l’organisation qui pouvait le faire. Vous venez de le dire. Vous avez ajouté que le gouvernement fédéral ne collabore pas avec le Congrès des peuples autochtones. J’essaie, comme nous tous — y compris vous —, de comprendre pourquoi. Nous avons entendu d’autres organisations, comme le Conseil national des Métis, divers organes constituants de la Nation métisse de l’Ontario et d’autres groupes. Nous pensons que le gouvernement fédéral collabore avec ces organisations.
Je tente de comprendre la situation. Je sais qu’un schisme est survenu à un certain moment, donnant naissance au Conseil national des Métis. Je ne prétends pas en savoir beaucoup, mais j’en sais un peu. Je m’efforce de comprendre pourquoi la situation est telle qu’elle est. Pourquoi vous trouvez-vous dans cette situation?
M. Swain a souligné ce qui pourrait être considéré comme le désordre complexe des divers membres, qui unissent leurs efforts, mais ne forment pas de groupe très uniforme parce qu’il n’y a pas de groupe très uniforme. Le désordre règne parmi vos membres; ce disant, je ne veux pas les dénigrer, mais simplement décrire la situation.
Il existe d’autres organisations dont la légitimité semble admise et qui semblent moins désordonnées. Dans votre cas, est-ce une question de désordre, de légitimité? Quelle serait, selon vous, la raison fondamentale de la réticence ou de la résistance que vous rencontrez?
M. Russell : Je suppose que je peux fournir une sorte d’explication. Je conviens que nous donnons une impression de désordre et que notre composition semble complexe. C’est toutefois le cas de toutes les organisations, qu’il s’agisse de l’Assemblée des Premières Nations, de la Nation métisse du Canada ou d’Inuit Tapiriit Kanatami. La réalité, c’est que la facture est plus salée. Quand votre comité ou le Sénat a aboli la date limite de 1951 dans la nouvelle mesure législative sur la discrimination sexuelle, cela a permis à 250 000 personnes de plus de réclamer le statut d’Indien. Ces personnes sont aujourd’hui non inscrites. Elles pourraient faire partie de nos organisations ou être membres d’un grand nombre d’organisations. Le coût est faramineux pour le gouvernement. Je pense que c’est en partie pour cette raison que nous avons été mis de côté.
Si on affirme que nos organisations sont si complexes qu’on ne peut traiter avec elles, c’est pour avoir une excuse pour ne pas agir. Or, vous avez une responsabilité envers les gens, que la situation soit désordonnée, délicate ou complexe. Le gouvernement a toujours une obligation envers les Autochtones. Je pense que c’est ce qui est, dans une certaine mesure, à l’origine du problème.
Vous avez raison : nous avons une certaine responsabilité quant au fait que nos membres ne sont pas aussi faciles à identifier que ceux de la Nation métisse du Canada, d’Inuit Tapiriit Kanatami ou de l’Assemblée des Premières Nations. En outre, ils ont eux-mêmes des problèmes complexes à résoudre. La majorité des membres des Premières Nations vivent maintenant hors des réserves. Il arrivera un moment où les Indiens vivant hors réserve seront furieux à l’égard de ceux qui vivent sur les réserves et où les personnes vivant sur des terres visées par un traité seront mécontentes à l’égard de celles qui ne vivent pas sur ces terres. Le fait est que la dynamique de la population autochtone évolue considérablement au pays.
En refusant de dialoguer avec nous, le gouvernement refuse en fait d’affronter la situation qui existe au pays. Nous ne formerons pas une communauté hors réserve facile et éloignée dotée de droits autochtones traditionnels. Les situations pourraient être complexes et différentes. Les droits des Autochtones peuvent être totalement différents selon que l’on est dans une ville ou dans une communauté du Nord située hors réserve. Tout ce que nous avons demandé au gouvernement, c’est de s’asseoir avec nous pour discuter de la complexité de la situation et des occasions qui s’offrent à nous. Il existe de réelles possibilités.
Comme le chef l’a indiqué, le milieu des affaires comprend vraiment la situation. Le fait est que notre segment de la population est celui qui connaît la croissance la plus rapide au pays. Cette population est active et s’installe au sein des communautés. Bientôt, votre voisin de porte sera autochtone. Il y a de fortes chances que si vous retournez à la maison aujourd’hui, vous vous aperceviez que votre voisin est autochtone. Ce changement est une réalité.
Nous ne pourrons progresser au Canada que si nous travaillons ensemble pour en arriver à une sorte de réconciliation. L’approche fondée sur les distinctions que le gouvernement propose comme unique solution n’est qu’une autre manière de perpétuer la discrimination. Il a en fait transféré l’approche discriminatoire aux communautés autochtones en leur indiquant qu’elles doivent faire preuve de discrimination en disant que certaines personnes ne peuvent faire partie de la communauté, alors que c’est ce qu’il nous a dit au cours des 100 dernières années.
Nous ne pensons pas être si complexes ou si difficiles à identifier. Simplement, nous n’avons pas eu l’occasion de discuter.
M. Bertrand : J’ai beaucoup appris au cours de nos échanges de ce soir. Robert Russell disait que 50 p. 100 de la population de Winnipeg est autochtone actuellement, un chiffre qui ne fera qu’augmenter à l’avenir. Au lieu de considérer la situation comme un problème, nous devrions commencer à penser qu’elle recèle un potentiel énorme qui pourrait nous permettre d’améliorer les choses. J’ai peut-être quelques difficultés à exprimer ma pensée, mais vous comprenez ce que je veux dire. Nous pourrions en faire tellement.
Le sénateur Patterson : Il est intéressant d’entendre une critique de l’approche fondée sur les distinctions, car le président d’Inuit Tapiriit Kanatami a affirmé à notre comité que cette approche quant à la manière dont nous parlons des Autochtones du pays est essentielle pour que la nouvelle relation fonctionne.
Je ne tente pas de critiquer son point de vue, car les Inuits forment un peuple homogène doté d’une langue commune. C’est peut-être ou probablement une approche logique dans leur cas. Vous avez toutefois clairement expliqué que cette approche ne vous convient pas en raison de la grande diversité de vos membres au pays.
Quelle nouvelle approche le gouvernement fédéral devrait-il adopter pour vous traiter avec le respect dont vous avez parlé dans votre exposé?
M. Swain : Nous respectons le fait que l’approche fondée sur les distinctions fonctionne pour ces groupes. À titre de groupe autochtone, notre organisation respecte le fait que l’Assemblée des Premières Nations adopte une certaine position.
Une des raisons nous ramène à une question qu’une autre sénatrice a posée. Il est plus facile de composer avec un groupe en se fondant sur les distinctions. Le gouvernement s’appuie sur la Loi sur les Indiens pour traiter avec un groupe en fonction de ses terres et de ses problèmes particuliers. En toute honnêteté, cette loi existe depuis environ 150 ans. Le gouvernement fédéral a comme priorité et comme responsabilité d’agir en interaction avec ce groupe de manière constructive.
La situation se complique légèrement quand il est question des Indiens non inscrits. J’ai vu des documents de communication de membres de l’Assemblée des Premières Nations dans lesquels ces derniers commencent à parler de représenter les Indiens non inscrits, alors qu’ils ne l’ont jamais fait auparavant. Je ne les critique pas, mais la loi limite leur sphère de compétences aux communautés des Premières Nations. Le sexisme qui perdure depuis 150 ans en raison de la Loi sur les Indiens a eu une incidence non seulement sur la société canadienne, mais aussi sur les institutions des Premières Nations et mes frères et sœurs. C’est un fait de la vie que les communautés autochtones ont été victimes de sexisme en raison de la Loi sur les Indiens.
Les gens composent avec la situation. C’est facile pour le gouvernement. Même moi, je peux arriver à comprendre ce qu’il en est. La Constitution stipule que les peuples autochtones du Canada sont les Indiens, les Inuits et les Métis. C’est très facile pour le gouvernement fédéral et le premier ministre Trudeau. Je ne lui prête pas des propos qu’il n’a pas tenus. Je tente seulement de dire où je pense qu’il se dirige dans ce dossier. Il est facile d’adopter une approche fondée sur les distinctions, mais le fait que toutes les politiques que le gouvernement fédéral a élaborées depuis l’avènement de la Constitution ont visé à réduire sa responsabilité à l’égard des Autochtones. Il a établi les pensionnats, mené la rafle des années 1960, intégré le sexisme dans la Loi sur les Indiens et obligé notre peuple à quitter ses propres communautés.
Il existe une nouvelle réalité, et c’est lui qui l’a créée. Des générations et des générations d’Autochtones, de membres des Premières Nations, d’Inuits et d’Innus ne vivent pas dans leurs communautés et n’y retourneront jamais.
Nous n’avons rien contre le Conseil national des Métis et appuyons tout à fait ses réussites. Il lui est toutefois plus facile de s’organiser quand il existe une définition d’un peuple. Vous avez raison de dire que le Congrès des peuples autochtones est plus désorganisé et bien plus complexe. Quand on discute d’une définition lors d’une assemblée, on examine une myriade de définitions. Il est donc très difficile d’atteindre un consensus. Pour sa part, le Conseil national des Métis a eu beaucoup de succès avec ses définitions et son concept idéologique reposant sur une terre et un territoire métis. Cette approche fonctionne bien plus facilement.
Dans l’Ontario et dans l’Ouest, un grand nombre de nos membres habitant sur des terres que le Conseil national des Métis considère comme étant des terres métisses ne veulent pas faire partie de ces communautés et n’acceptent pas les définitions du conseil. Nous avons nos communautés. Il y a 47 ans environ, les gens se sont organisés selon le concept de syndicats, formant des groupes initialement qualifiés de sections locales et de communautés. Il s’agissait d’un mouvement ouvrier. Cette structure organisationnelle existe encore dans un grand nombre de nos communautés. Dans certaines communautés mixtes, les Métis et les Indiens inscrits et non inscrits s’organiseront dans une sorte de structure ouvrière. Cela fonctionne, car nous mettons la main à la pâte et nous communiquons avec les gens, transmettant bénévolement le savoir d’une génération à l’autre.
J’aimerais vous ramener au processus constitutionnel de Charlottetown. Je ne suis pas un politicien comme mon collègue ici et le sénateur qui ont siégé pendant 12 ans et qui se sont habitués aux discussions. Malheureusement, je crois qu’il faudra un processus complexe et malheureusement, le processus constitutionnel de Charlottetown a échoué à titre de référendum. Lorsqu’il a abordé les questions autochtones et l’autonomie gouvernementale autochtone, il ne les a pas expliquées. Il ne les a pas intégrées aux droits de l’article 35. C’était un processus sur la façon d’obtenir l’autonomie gouvernementale. Les collectivités, les nations et les organisations pouvaient prendre part au processus et négocier avec le gouvernement fédéral.
Nous n’avons pas à réinventer la roue. Nous avons eu la commission royale. Nous avons eu quelques processus constitutionnels. Nous avons eu l’Accord de Kelowna qui évoque bon nombre de ces points. Pour moi, la commission royale est comme une bible. C’est l’analyse la plus exhaustive des questions autochtones et rien n’a changé en 20 ans. La seule différence, c’est qu’aujourd’hui, les définitions sont plus précises, depuis le moment décisif de l’affaire Daniels. Aujourd’hui, nous n’avons plus à nous inquiéter de voir les Métis et les Indiens non inscrits exclus du paragraphe 91(24). Ils sont là. Je ne dis pas qu’il faut reprendre le processus constitutionnel, mais il y a beaucoup à apprendre de ces processus sophistiqués.
Le Congrès des peuples autochtones a pris part à toutes ces conversations. En fait, mon chef national a fait référence à Harry Daniels. Il était à la première table constitutionnelle. C’est lui qui a fait entrer les Métis dans la Constitution en vertu de l’une de ces trois définitions. Sans cela, nous n’aurions pas gagné l’affaire Daniels et le Ralliement national des Métis n’existerait probablement pas aujourd’hui. Le congrès a joué un rôle très important dans la défense et la promotion des questions autochtones.
Je crois toujours que nous avons un rôle à jouer pour négocier ces grands processus complexes, et pas seulement pour nos membres, mais pour tous les Autochtones qui vivent en dehors des collectivités autochtones. J’ai toujours eu une tradition. Après 47 ans, je crois en la légitimité de la création des tables pour négocier ces grands accords comme les ententes-cadres sur l’autonomie gouvernementale. Elles permettent également d’établir un mandat ou une ratification en créant des tribunes permettant aux Autochtones de voter et de donner leur accord.
Je crois beaucoup aux processus d’adhésion. Ce que j’ai aimé du processus constitutionnel de Charlottetown, c’est que les collectivités et les nations pouvaient y adhérer si elles le souhaitaient. Ensuite, il y avait un cadre sur la façon de négocier les ententes sur l’autonomie gouvernementale.
Je crois que le Congrès des peuples autochtones est plus qu’une simple organisation nationale. C’est une organisation qui négocie depuis 47 ans de grands concepts comme un processus constitutionnel ou le processus de Charlottetown. Nous voulons une table pour parler des grandes catégories et des grandes idées visionnaires. Nos peuples sont les plus pauvres. Lorsqu’ils quittent les collectivités des Premières Nations et les établissements métis pour se rendre dans les régions urbaines, les Métis et les Indiens non inscrits sont malheureusement les plus pauvres, les moins éduqués et ceux qui sont en moins bonne santé, selon les statistiques.
Je n’ai pas à le demander à mes collègues, mais nous faisons ce travail depuis 47 ans dans le but de nous sortir de la pauvreté. On peut parler des droits des Autochtones ou des droits de l’article 35, mais l’objectif premier est de nous sortir de la pauvreté grâce à l’éducation, à l’exercice de nos droits et à la réparation des dommages causés par le système de pensionnat. Nous croyons que nos collectivités doivent prendre des décisions sur la façon de réparer nos collectivités ravagées et leurs membres.
Vous pensez peut-être qu’il s’agit d’une organisation bénévole qui n’a pas une grande capacité. Comme l’a dit mon chef national, les données probantes montrent que nous sommes très inclusifs et que nous connaissons un très grand succès. Même si le Ralliement national des Métis dit qu’il a gagné l’affaire Daniels, ce n’est pas le cas. Nous avons été là pendant 14 ans. Malheureusement, je n’aime pas dire cela, mais je sais pertinemment que le Ralliement national des Métis et l’Assemblée des Premières Nations sont intervenus et ont parlé contre notre définition élargie et les divers processus. Ils ne nous ont pas beaucoup aidés dans le cadre de ce litige.
Une sénatrice a parlé de Joe Magnet. Oui, il était notre principal avocat. Il a travaillé avec le Congrès des peuples autochtones à de nombreux cas. Nous sommes très reconnaissants d’avoir pu profiter de son expertise et de sa diligence, qui nous ont fait gagner cette cause.
Le sénateur Patterson : Si je puis me permettre, c’est votre cause. Vous étiez les demandeurs; le RNM est intervenu, comme d’autres. Vous étiez aux tables constitutionnelles lors du rapatriement, de l’accord de Charlottetown, et de l’Accord de Kelowna. Je dois dire que j’ai été choqué d’entendre qu’il n’y avait eu aucun dialogue avec vous, les demandeurs, dans cette cause que vous pensiez gagner. Cela me rappelle le projet de loi S-3 où les plaideurs n’avaient pas pris part à la consultation à la suite d’une autre cause importante sur la discrimination fondée sur le sexe.
Que souhaitez-vous que nous recommandions? Est-ce simplement que le gouvernement fédéral négocie avec un important groupe d’Autochtones qui jusqu’à maintenant ont été tenus à l’écart du dialogue? Est-ce que c’est ce que nous devons recommander? Je crois que vous nous avez dit que le gouvernement fédéral négociait avec le Ralliement national des Métis, ce qui est bien, mais il ne négocie pas avec vous; vous êtes tenus à l’écart. Nous allons présenter un rapport au gouvernement. Est-ce que c’est ce que vous voulez que nous disions?
M. Bertrand : Je crois que Robert Russell a très bien exprimé notre point de vue. Nous aimerions qu’il y ait des négociations. Qu’on s’assoie ensemble. Nous sommes un groupe brouillon, si vous me permettez l’expression. Si nous voulons améliorer la qualité de vie de notre peuple, il faut entamer les discussions avec le gouvernement fédéral. Si votre rapport pouvait faire cette recommandation, et recommander qu’on entreprenne des démarches, je serais la personne la plus heureuse au monde, sénateur.
Le sénateur Patterson : Ce qui m’a surpris, également, c’est de vous entendre dire que 70 p. 100 des Autochtones vivaient en dehors des réserves. Ce que nous avons entendu dans les témoignages — et que je croyais depuis toujours être vrai —, c’est que plus de la moitié des Autochtones vivaient dans une région métropolitaine à l’extérieur des réserves. Je crois que Statistique Canada parle de 51,8 p. 100, mais vous dites que c’est plutôt 70 p. 100. Parlez-vous des gens qui ne vivent pas dans les régions urbaines?
M. Bertrand : Je parle des gens qui vivent en dehors des réserves.
Le sénateur Patterson : Ils ne vivent pas dans des villes de 30 000 personnes et plus. Est-ce de là que vous tirez ce chiffre de 70 p. 100?
M. Bertrand : Nous avons obtenu ces chiffres de Statistique Canada. Il ne s’agissait pas nécessairement des gens qui habitaient dans les villes de plus de 30 000 personnes. C’était de manière générale, c’est-à-dire les Autochtones qui vivent dans les petits villages comme dans les grandes villes. C’est de là que viennent les 70 p. 100.
La présidente : Je remercie les témoins de leur présence ici ce soir. Au nom de tous les sénateurs, je remercie le chef national Robert Bertrand, Robert Russell, gestionnaire principal de la mobilisation, et Ron Swain de nous avoir parlé de l’histoire du Congrès des peuples autochtones et de sa vision de l’avenir.
(La séance est levée.)