Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule no 45 - Témoignages du 6 novembre 2018
OTTAWA, le mardi 6 novembre 2018
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 heures, pour étudier la nouvelle relation entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour, tansi. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui assistent à cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, ici dans la salle, ou qui écoutent sur Internet.
J’aimerais souligner, dans l’intérêt de la réconciliation, que nous sommes rassemblés sur les terres traditionnelles et non cédées du peuple algonquin.
Je m’appelle Lillian Dyck. Je viens de la Saskatchewan. J’ai l’honneur et le privilège de présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude de ce que pourrait être la nouvelle relation entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Nous continuons d’examiner l’aspect futur de cette nouvelle relation.
J’invite maintenant mes collègues sénateurs de se présenter, en commençant à ma gauche.
La sénatrice McPhedran : Je m’appelle Marilou McPhedran, du Manitoba.
Le sénateur Christmas : Je suis Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Pate : Je m’appelle Kim Pate, de l’Ontario.
La sénatrice McCallum : Je suis Jane McCallum, du Manitoba.
La sénatrice Coyle : Mon nom est Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse.
La présidente : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. Penchons-nous maintenant sur notre étude. C’est avec grand plaisir que je vous présente M. Tony Belcourt, ancien président de la Nation métisse de l’Ontario.
Monsieur Belcourt, vous avez la parole. Après votre présentation, les sénateurs pourront poser des questions. Je vous invite à commencer.
Tony Belcourt, O. C., ancien président, Nation métisse de l’Ontario, à titre personnel : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m’avoir invité à faire une présentation. Je me réjouis toujours d’avoir l’occasion de parler des Métis. Aujourd’hui, j’espère pouvoir vous aider à comprendre son histoire contemporaine.
J’ai commencé à m’impliquer dans la Métis Nation of Alberta pendant les années 1960; j’en suis devenu le vice-président. En 1971, j’ai déménagé à Ottawa pour y représenter les Métis et les Indiens non inscrits en tant que président-fondateur du Métis Nation of Canada. Cette organisation s’appelle aujourd’hui le Congrès des peuples autochtones.
Après 10 ans, nous avons réussi, en 1981, à être reconnus comme l’un des peuples autochtones du Canada au sens de la Loi constitutionnelle de 1982.
Les organisations métisses de l’Ouest du Canada ont formé le Conseil national des autochtones du Canada. Nous voulions nous joindre aux Indiens non inscrits pour former un groupe de pression pour faire reconnaître nos droits. La préoccupation des Indiens non inscrits était la Loi sur les Indiens.
Au début des pourparlers constitutionnels de 1982-1983, on a formé le Ralliement national des Métis. Les Métis appartenant au Conseil national des autochtones du Canada s’en sont retirés. Les trois organisations se sont retirées parce que les membres ne croyaient pas qu’ils étaient bien représentés par une organisation qui, à l’époque, était dominée par des Indiens non inscrits, dont le programme visait les questions qui les touchaient. Les Métis voulaient avoir leur propre place à la table et, en fait, ont poursuivi le premier ministre devant les tribunaux pour obtenir le droit de l’avoir.
Les Métis de l’Ontario ont attendu encore 10 ans avant de se retirer. Nous appartenions à un organisme de pression appelé l’Association des Métis et des Indiens non inscrits de l’Ontario. En 1993, nous avons formé un comité pour créer la Nation métisse de l’Ontario. En 1994, nous avons organisé l’assemblée de nos délégués fondateurs. J’ai été le premier président, réélu un certain nombre de fois jusqu’à ma retraite, 15 ans plus tard, en 2008.
Pendant ce temps, nous avons pris du recul et, y voyant clair, nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas aspirer à concrétiser nos droits à l’autodétermination si nous nous impliquions dans des groupes de pression ou si nous nous définissions comme un autre organisme à but non lucratif. Nous avons décidé de nous orienter vers la négociation d’une relation de gouvernement à gouvernement avec le fédéral pour concrétiser nos droits à l’autodétermination et, donc, à l’autonomie gouvernementale.
Nous avons d’abord mis en place un registre intérimaire, fondé sur l’autodétermination et l’acceptation par la communauté. Ce sont des normes internationales pour les peuples et les communautés.
En 1993-1994, nous n’avions pas de ressources. En fait, la province de l’Ontario a bloqué notre financement pendant deux ans, pour toutes sortes de raisons fallacieuses. Lorsque nous avons commencé, nous avions 15 bénévoles qui travaillaient dans le grenier de ma maison. C’étaient nos débuts.
Nous avions à l’époque une définition de Métis; nous en avons encore une aujourd’hui. Cependant, nous étions toujours d’avis que la définition de Métis n’équivaut pas automatiquement à la citoyenneté métisse. Si c’est le seul critère, cela élimine ou empêche automatiquement la possibilité d’adoption, c’est-à-dire que les enfants adoptés soient membres de plein droit de la communauté métisse.
Nous avons eu gain de cause dans le cas R. c. Powley, devant tous les tribunaux de l’Ontario, et jusqu’à la Cour suprême du Canada. C’était l’affaire impliquant Steve et de Roddy Powley et le droit de chasse et de pêche des Métis pour se nourrir.
Au moment du procès, nous étions bien préparés. Nous avions accumulé des dettes, surtout à cause des avocats et des comptables, mais nous étions déterminés à appuyer Steve, à faire en sorte qu’il profite de la meilleure défense possible et à présenter les meilleures preuves possible et soutenir notre argument pour le droit de chasser et de pêcher pour se nourrir.
La cour a décidé que, en 1850, lorsque les Métis de Sault Ste. Marie se sont rendus aux négociations organisées par M. Robinson, celui-ci avait mandat pour négocier avec les Autochtones de sang pur, mais pas avec les Métis. Il leur avait dit que s’ils voulaient partager leurs cadeaux avec les Métis, que c’était selon leur bon vouloir.
Sur cette base, la cour a décidé que les Métis n’étaient pas visés par le traité; leurs droits n’étaient donc pas éteints. En conséquence, ils avaient encore le droit de chasser et de pêcher pour se nourrir.
Cette cause est la base sur laquelle se fondent les Métis aujourd’hui pour dire que le gouvernement doit nous répondre — ainsi que la cause Daniels.
Il s’agit de deux questions différentes. La première concerne nos droits constitutionnels, à savoir s’ils existent encore. C’est la première. L’autre concerne le domaine de compétence du fédéral : a-t-il la responsabilité de légiférer au nom des Métis? C’est sur quoi porte la cause Daniels.
Quand je suis arrivé à Ottawa en 1971, le gouvernement fédéral a refusé de traiter avec nous. Il nous a dit d’aller voir la province parce qu’il n’avait pas compétence ni responsabilité à l’égard des Métis. Eh bien, l’arrêt Daniels a réglé cette question.
À l’avenir, il faut accomplir un certain nombre de choses, à la fois pour le peuple métis, qui a des droits collectifs, et pour les particuliers. J’y reviendrai.
Nous voulons concrétiser notre droit à l’autonomie gouvernementale. Cependant, malheureusement, dans le cas de la Nation métisse de l’Ontario, nous sommes loin d’être prêts à entamer les négociations sur l’autonomie gouvernementale. Il y a des personnes qui s’impliquent maintenant, mais qui n’étaient pas là lorsque nous avons commencé. Nombre d’entre elles ne connaissent pas ce que nous essayons de faire parce qu’elles n’étaient pas là au début.
Nous avons élaboré un énoncé d’intentions concernant notre objectif premier, nos valeurs et nos aspirations en tant que peuple. Nous y avons affirmé que oui, la démocratie est importante. Encore plus importante, pour nous, est la prise de décisions par consensus. Récemment, cet aspect a été relégué aux oubliettes. Maintenant, les décisions sont prises en fonction de qui peut avoir plus de votes qu’un autre.
Dans notre énoncé d’objectif premier, nous avons défini nos aspirations et nos valeurs, dont le respect des uns envers les autres. Malheureusement, cela prend le même chemin des oubliettes. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est peut-être à cause de l’argent. Il y en a beaucoup en jeu. C’est vraiment séduisant d’être élu, de nos jours — de siéger à l’exécutif et d’être rémunéré à temps plein et de recevoir un gros salaire. La priorité des gens est de se protéger; c’est naturel.
Je regrette de dire qu’il n’y a pas de place dans la nation Métisse pour le désaccord. C’est possible de s’écarter complètement de la loi. La Nation métisse de l’Ontario a élaboré le projet de loi 153 sous le régime des lois de l’Ontario. Cette loi établit clairement qu’aucune personne élue ne peut être relevée de ses fonctions, à moins que ce soit par les personnes mêmes qui l’ont élue.
La fin de semaine dernière, le conseil provisoire, un organisme provincial, a adopté une résolution pour destituer trois conseillers régionaux élus, simplement avec une motion adoptée pendant une réunion. Il n’y a pas de processus d’appel. Pour faire appel, il faut recourir aux gens qui ont pris la décision. Dans les négociations futures sur l’autonomie gouvernementale, il faut absolument qu’il y ait une disposition pour établir un processus d’appel par un tribunal pour arbitrer les différends.
Il faut assurer les droits de tous les citoyens, même de ceux qui le sont devenus au début de 1994. Pendant 10 ans, la définition et les critères établissant qui pouvait devenir citoyen sont demeurés les mêmes. Maintenant, cela a été modifié, à cause de la décision Powley.
L’attitude actuelle à l’égard de la citoyenneté est qu’il faut répondre aux critères établis dans la décision Powley. Ce n’est pas correct. Tout d’abord, c’est inacceptable de priver les gens de leurs droits acquis. Il faut respecter ceux-ci. Si l’on change les critères, il faut au moins respecter les gens qui ont démarré l’organisme.
Dans la nation Métisse, beaucoup de gens n’ont pas leur place. Ils ont choisi de ne pas se joindre à eux. En fait, certains se sont retirés parce qu’ils ne sont pas d’accord avec ce qui se passe. Ils pourront choisir de ne pas participer si les choses ne changent pas de façon drastique.
Toutefois, le gouvernement fédéral a une responsabilité envers les peuples autochtones du Canada en vertu de l’article 91(24) de la Loi constitutionnelle. Donc, à l’avenir, non seulement doit-il continuer les négociations d’autonomie gouvernementale — j’y crois fermement —, mais il doit y avoir une disposition concernant le gouvernement fédéral et tous les gouvernements qui traitent avec les groupes de défense des droits acquis — les artistes, par exemple, ou les gens du domaine de l’éducation ou les organisations de garde d’enfants et ainsi de suite.
En fait, la Nation métisse de l’Ontario offre des programmes et des services. C’est indéniable. Ce serait bien plus efficace si elle pouvait établir elle-même les critères pour décider qui aurait accès à ces ressources. Lorsqu’on applique les critères du gouvernement, beaucoup de personnes passent entre les mailles du filet.
Je vais m’en tenir à cela, car je préférerais que vous posiez des questions. C’est vous qui m’avez invité à venir. Je vous en suis très reconnaissant. Il vous manque des œuvres d’art dans cette salle — les œuvres de Christi Belcourt. Merci, madame la présidente.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Belcourt.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup d’être présent parmi nous aujourd’hui. Une partie de l’histoire que vous avez racontée m’est très utile pour situer les témoignages que nous avons reçus dans leur contexte.
Je veux être certaine de bien comprendre un des points que je pense que vous vouliez faire aujourd’hui. Je vous demanderais de me corriger si j’ai mal compris.
En vous écoutant, il m’a semblé que vous vouliez transmettre le message qu’il existe des problèmes internes dans l’autonomie gouvernementale de la nation Métisse qui, d’après vous, entrave le processus visant à atteindre les objectifs de l’énoncé dont vous avez parlé.
Avons-nous une copie de l’énoncé d’intentions? Oui. D’accord, merci.
M. Belcourt : J’en ai une ici.
La sénatrice McPhedran : Madame la présidente m’indique que nous l’avons.
La présidente : Non, nous ne l’avons pas. Je ne crois pas que nous l’ayons. Si vous pouviez nous fournir des copies, cela nous serait très utile.
M. Belcourt : Malheureusement, je n’ai qu’une seule copie.
La présidente : Si le comité est d’accord, nous pourrions faire des copies et les distribuer. Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
La présidente : Merci.
Avez-vous terminé, sénatrice McPhedran?
La sénatrice McPhedran : Non, pas tout à fait.
Ce que je retiens de ce que vous avez dit — mais je dois vraiment le confirmer avec vous, M. Belcourt — est que les problèmes liés à l’autonomie gouvernementale créent une situation qui mine, par exemple, aux revendications territoriales.
Il s’agit vraiment d’un point crucial. Je veux m’assurer de l’avoir compris de votre point de vue.
M. Belcourt : Il y a d’autres épines qui minent subtilement nos capacités. En août, nous avons eu une assemblée annuelle, à laquelle j’ai participé. La Nation métisse de l’Ontario a entrepris un examen de tous ses citoyens, disant que dorénavant, ils doivent tous être titulaires de droits. Je voulais savoir si c’était dû à une demande du gouvernement fédéral. J’ai posé la question à la présidente — cela fait partie du compte-rendu — et elle a répondu : « Oui, c’est parce que le gouvernement veut seulement traiter avec les gens titulaires de droits. »
Récemment, j’ai rencontré la ministre Carolyn Bennett. Je l’ai interrogée à ce sujet. Elle a dit : « Non, je n’ai jamais dit que c’était un problème. » Il y a donc un manque de cohérence.
La citoyenneté de la Nation métisse de l’Ontario, ou la question de qui y a droit, n’a jamais été dépendant de la jurisprudence d’une autre compétence. C’est une décision que nous prenons nous-mêmes. Pourquoi faut-il maintenant imposer des critères? La cause Powley était bonne, mais il y a un défaut dans la décision : elle impose au particulier de prouver qui y a droit, ce qui n’est pas correct. Si l’on détient des droits collectifs, les droits appartiennent à la collectivité. C’est à la collectivité de déterminer qui peut en jouir. Voilà le grand défaut de la décision Powley qu’il faut corriger.
Actuellement, il semblerait que les Métis doivent adopter la décision Crowley et les critères de Crowley pour déterminer qui peut être citoyen. Ce n’est pas correct.
La sénatrice McPhedran : Pourriez-vous préciser si vos commentaires concernent uniquement l’organisme de gouvernance des Métis de l’Ontario ou l’organisme national aussi?
M. Belcourt : Ils concernent les deux. Le Ralliement national des Métis est gouverné par un conseil des gouverneurs et un président qui sont élus par un groupe de 55 délégués à une assemblée. Ce ne sont donc pas du tout les citoyens qui choisissent les dirigeants.
Les dirigeants sont très rigides à l’égard de la définition de Métis comme seul critère pour décider qui peut être un citoyen. Je ne suis pas en désaccord avec la définition de Métis — les Métis sont des Métis —, mais c’est un problème qui existe au niveau national. Je pense que les questions de la négociation de l’autodétermination et de l’autonomie gouvernementale doivent être traitées au niveau communautaire. La communauté doit s’impliquer et participer aux discussions et aux négociations.
Avant d’oublier, mon père serait très déçu si je négligeais de dire qu’à l’avenir, en ce qui a trait à une nouvelle relation, le sujet primordial doit être le territoire. Actuellement, à beaucoup d’endroits, nous ne pouvons pas revendiquer les territoires. Il peut s’agir d’une compensation en remplacement des terres. Il faut réserver des terres communes aux Métis pour une utilisation à des fins communautaires, cérémoniales ou culturelles. Nos peuples devraient participer à la gestion des terres, en ce qui concerne l’environnement et la faune sauvage.
Le sénateur Christmas : Monsieur Belcourt, c’est un honneur de vous rencontrer.
Vous avez dit à plusieurs reprises dans vos commentaires qu’il y avait des mesures à prendre. Plus précisément, vous avez dit que ces mesures concernaient les Métis comme entité collective, et aussi comme particuliers. Pourriez-vous nous dire ce que vous entendez au juste par là?
M. Belcourt : Si une personne n’est pas inscrite à la Nation métisse de l’Ontario, elle n’est pas automatiquement admissible à accéder à des fonds ou à la formation professionnelle offerte par la Nation métisse de l’Ontario ou aux programmes d’appui pour les études secondaires, par exemple.
Les mesures prises devront tenir compte de la réalité que tous les Métis ne sont pas nécessairement membres du regroupement provincial.
Le sénateur Christmas : Si un particulier n’est pas inscrit, il n’est pas admissible à certains programmes, mais cela veut-il dire qu’il n’est plus un Métis?
M. Belcourt : Non, bien sûr que non. Le Canada offre du financement pour la formation sous plusieurs formes. Un des moyens est d’accorder des fonds à la Nation métisse de l’Ontario, qui doit les gérer. Si une personne métisse n’y a pas accès, parce qu’elle n’est pas membre ou citoyenne de la nation Métisse, elle devrait pouvoir y accéder par d’autres voies. C’est ce que je veux dire. Il faut songer à des moyens de faire cela.
Je sais que ce ne sont pas seulement les Métis qui sont touchés par ce problème; les Premières Nations le sont également.
Le sénateur Christmas : J’ai une autre question. Vous avez parlé de la cause Powley en disant qu’elle comportait un défaut, soit que la décision fait porter au particulier le fardeau de prouver qu’il est Métis. Pourriez-vous nous préciser comment, selon vous, le statut de Métis devrait être reconnu?
M. Belcourt : Les Métis viennent des collectivités métisses. En Ontario, certaines collectivités ne répondent pas aux critères de la décision Powley, parce qu’elles ne peuvent pas prouver qu’elles ont existé avant l’arrivée d’agents de contrôle externes, ce qui est un autre aspect de la décision Powley. Les recherches n’ont pas été effectuées, et ainsi de suite. Les recherches se poursuivent.
Je crois savoir qu’il y a en Ontario sept zones géographiques où le gouvernement convient que les collectivités répondent aux critères établis par la décision Powley. Sur ces territoires, on reconnaît le droit de chasser et de pêcher pour se nourrir. Dans d’autres régions, notamment à North Bay, Nipissing et French River, on n’a toujours pas réussi à... Tout d’abord, les collectivités sont là. Il n’y a absolument aucun doute là-dessus. Elles ont toujours été là. Toutefois, peuvent-elles le prouver selon les critères de la décision Powley?
Si elles ne peuvent pas le prouver, pourquoi cela devrait-il faire en sorte qu’on empêche ces collectivités ou ces personnes d’accéder aux fonds qui devraient être réservés aux Métis?
Je ne sais pas si j’ai répondu à votre question ou si j’ai embrouillé les choses.
La présidente : Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails concernant l’arrêt Powley pour que cela figure au compte rendu? Certains d’entre nous sont nouveaux au comité et il se peut que nous sachions moins bien de quoi il s’agit.
M. Belcourt : Oui, bien sûr. Steve, qui est malheureusement décédé, et son fils, Roddy, chassaient l’orignal. Pour de nombreuses familles autochtones et métisses, l’exploitation des ressources fauniques est non seulement nécessaire pour l’économie, mais elle permet également d’avoir une source d’alimentation l’hiver. C’est un élément important de notre régime alimentaire.
Les Métis ne font pas de la chasse sportive. Ils ne tentent pas d’obtenir de permis de chasse. S’ils le font, ce ne sera jamais pour un mâle ou une femelle, ce sera pour un veau. L’Ontario accorde 17 000 permis par an.
Les gens vont à la chasse, cachent la viande qu’ils ont attrapée et la ressortent le soir. Steve a décidé qu’il n’accepterait plus de faire les choses comme cela. Il s’est dit qu’il était Métis et qu’il avait des droits qui se trouvaient dans la Constitution. Un jour, il s’est stationné devant le ministère des Ressources naturelles avec un orignal attaché à son camion. Il est rentré chez lui, a préparé l’orignal et a été accusé par le ministère de l’avoir chassé illégalement.
Steve était une personne très déterminée. Certains diraient même qu’il était têtu. Il était évident qu’il n’allait pas faire comme tout le monde. Il l’avait d’ailleurs dit lui-même. Il n’allait pas aller devant les tribunaux, payer une amende, puis recommencer. Il a refusé de le faire. C’était clair pour nous qu’il allait se battre devant les tribunaux et qu’il ferait appel de la décision s’il perdait le procès.
C’était au tout début de la Nation métisse de l’Ontario, mais on est présent depuis longtemps. Il n’y avait rien de pire pour nous que des mauvaises lois. On a eu recours aux services du cabinet d’avocats Pape Salter. J’avais connu Rick Salter dans les années 1970 quand il travaillait pour la Compagnie des Jeunes Canadiens. Ce cabinet avait défendu des causes autochtones à la Cour suprême à maintes reprises et avait connu beaucoup de succès. Ses avocats connaissaient les lois. Il fallait donc que l’on se prépare à montrer qu’il était question d’abord et avant tout du droit de chasser et de pêcher pour des raisons de subsistance, semblable au droit constitutionnel de pêcher des Premières Nations, qui a été le premier à être reconnu à la Cour suprême.
On devait démontrer qu’une communauté existait. Comme dans l’article 35 de la Loi constitutionnelle, il est question des droits existants des Autochtones, on avait à s’attaquer au mot « existant ». On devait prouver que la communauté à laquelle appartenait Steve, de Sault Ste. Marie, existait avant l’arrivée de tout contrôle extérieur et avant qu’aucun traité n’ait été conclu par M. Robinson. C’était relativement facile à faire. On devait également prouver que la communauté qui existe aujourd’hui était la même que la communauté historique.
Pendant le procès, l’Ontario a affirmé qu’il n’y avait pas de Métis sur son territoire, qu’il n’y en avait jamais eu et que s’il y en avait, ils ne venaient pas d’une communauté historique et ne s’étaient jamais prévalus de droits. Si on jugeait qu’ils s’étaient prévalus de droits, ils avaient depuis été abolis. Voilà en gros de quoi il s’agissait.
Quand la Cour suprême a rendu sa décision, elle a confirmé que la communauté existait, que les droits n’avaient pas été abolis et que Steve Powley était un citoyen issu de cette communauté.
Ce que je veux dire, c’est que ce n’était pas à Steve de prouver qu’il avait ce droit. Cela incombe à la collectivité.
J’ai autre chose à ajouter au sujet de l’arrêt de la Cour suprême. Si les gouvernements se posent la question de savoir si des droits existent, ou pas, il incombe au gouvernement de le prouver et non pas l’inverse. On ne respecte pas la décision de la Cour suprême.
La présidente : Merci de votre explication.
La sénatrice McCallum : Merci de votre présentation. Je voudrais revenir à l’article 35. Ma question porte sur le droit à la santé du peuple métis. Elle ne porte pas sur les services assurés auxquels ont droit tous les Canadiens, mais sur les services non assurés conférés aux Indiens signataires de traités. Selon vous, quels sont ces droits?
M. Belcourt : Je ne crois pas que le gouvernement ait le droit de faire de la discrimination contre des peuples autochtones en affirmant qu’il offrira des services à un groupe, mais pas à un autre.
Le gouvernement fédéral a pu s’en tirer ainsi jusqu’à l’arrêt Daniels, parce qu’il affirmait que cela ne relevait pas de ses responsabilités ou de ses compétences. La question a été réglée. Le gouvernement du Canada doit trouver des façons d’offrir des soins de santé non assurés au peuple métis comme il le fait pour les Premières Nations et les Inuits.
La sénatrice McCallum : J’en ai déjà parlé avec des ministres, qui ont dit qu’il s’agit d’une responsabilité provinciale. Ce n’est pas possible, parce que les services non assurés relèvent du fédéral. Ces droits ne sont pas déterminés par les provinces.
Que devrait-on faire pour vous aider à aller de l’avant en ce qui concerne la disposition visant les services non assurés pour la nation métisse?
M. Belcourt : Je ne suis pas ici pour représenter la Nation métisse de l’Ontario. Je suis ici en tant que particulier.
La sénatrice McCallum : Je sais. Pour le peuple métis?
M. Belcourt : On devrait tenir compte de cette question dans les discussions portant sur la nouvelle relation avec la Nation métisse de l’Ontario et la province. C’est dans ce contexte-là que cette discussion devrait avoir lieu.
La sénatrice McCallum : Merci.
Le sénateur Patterson : Nous avons le privilège aujourd’hui d’accueillir un chef autochtone d’expérience pour nous aider dans notre travail. Bienvenue, monsieur Belcourt.
On a entendu parler de l’importance de la terre pour les Métis et vous en avez parlé aujourd’hui.
À l’exception peut-être des Territoires du Nord-Ouest où les Métis ont fait partie d’entente de principe sur les revendications territoriales globales, qui a malheureusement été rejetée à l’époque de la crise d’Oka et qui n’a pas fait l’objet de vote par les bénéficiaires, les Métis ont été exclus du processus de revendications territoriales. Le professeur Larry Chartrand en a parlé au comité. Il a dit qu’un autre processus devait être mis en place pour que les Métis puissent régler leurs revendications et pour que leurs droits soient reconnus.
Monsieur Belcourt, vous avez dit que vous avez discuté avec la ministre Bennett. Le gouvernement fédéral a lancé une nouvelle politique fondée sur des distinctions en ce qui concerne la reconnaissance et la mise en œuvre des droits autochtones. Si je comprends bien ce nouveau cadre, que le premier ministre a détaillé au moment de l’annoncer, remplacerait les politiques actuelles sur les revendications territoriales globales et les droits inhérents. Je tiens à poser des questions à M. Belcourt au sujet de ce nouveau cadre. Est-ce un processus qui pourrait aider à définir et reconnaître les droits des Métis? Selon vous, comment les choses se passent-elles à ce niveau-là?
M. Belcourt : Cela fait huit ans que je ne suis plus actif au sein de la Nation métisse de l’Ontario. Ce n’est que récemment que j’ai repris mes activités en raison des craintes que j’ai que la Nation métisse de l’Ontario finira par dérailler. Malheureusement, je ne connais pas très bien tous les principes fondés sur des distinctions de ce nouveau cadre.
Pour moi, en ce qui concerne les terres, la réponse est assez simple. Le Canada est toujours régi par la Proclamation royale de 1763, qui prévoie qu’une entente soit conclue avec les peuples autochtones pour occuper leurs terres et s’installer sur leurs territoires. Nous avons prouvé que cela n’avait pas été respecté à Sault Ste. Marie. C’est clair. Il incombe au gouvernement de négocier selon la Proclamation royale de 1763.
Dans l’Ouest canadien, les revendications territoriales au Manitoba portaient sur un territoire de la province actuelle du Manitoba sur la rivière Rouge — une étendue de 70 milles allant de la frontière des États-Unis jusqu’au lac qui englobe ces communautés.
Les terres ont été prises. C’étaient des terres qui, selon les articles 31 et 32 de la Loi sur le Manitoba devaient être fournies aux enfants des chefs de famille métis, autrement dit, pour servir de base pour l’avenir. Ces terres n’ont jamais été fournies. Aujourd’hui, des négociations ont lieu.
À l’extérieur du Manitoba, dans les Prairies, les traités n’ont jamais tenu compte des Métis. On nous a toujours exclus. Je sais que dans ma communauté du Lac Ste. Anne, quand un de nos représentants tentait de faire avancer les choses pour nous, les commissaires disaient qu’ils n’avaient pas le mandat de conclure des traités avec nous.
Aucun traité n’a jamais été conclu avec le peuple métis des Prairies. Le gouvernement a décidé unilatéralement en 1885 qu’il allait donner des certificats aux Métis. Il a demandé aux Métis de se présenter aux tentes où se trouvaient les commissaires et de participer à des entretiens. Je suis désolé de ne pas avoir apporté une copie de l’entretien de mon arrière-arrière-grand-mère. Elle avait 92 ans au moment où elle a été interviewée en 1885. Un questionnaire guidait l’entretien. Quel est votre nom? Où êtes-vous née? Quand êtes-vous née? À qui êtes-vous mariée? Quand vous êtes-vous mariée? Avez-vous eu des enfants? Combien de vos enfants sont encore en vie? Combien de vos enfants sont morts? Quels sont leurs noms? Puis, ils lui ont donné un formulaire à signer avec un X. Ils ont mis un X dans le formulaire devant des témoins. Puis, ils lui ont donné un morceau de papier en échange de 160 $. Certaines personnes ont reçu un bout de papier à échanger pour un morceau de terre qui était à 300, 400 ou 500 milles de là où ils habitaient. Comment cela remplit-il l’obligation de conclure une entente avec ces gens? On n’a jamais vraiment essayé. Le gouvernement était convaincu à l’époque qu’il assumait ses responsabilités envers le peuple métis.
Or, ce n’était pas le cas. Cette situation n’a pas eu pour effet d’abolir les droits de notre peuple. Soit dit en passant, le gouvernement a délivré des certificats à tout le monde, pas seulement aux Métis. Aux termes de l’Acte des terres fédérales, il a délivré un peu partout toutes sortes de permis d’utilisation des terres.
Le sénateur Patterson : Merci.
La sénatrice Pate : Monsieur Belcourt, je vous remercie d’être ici aujourd’hui. J’ai deux questions. La première est d’ordre général. Outre les recommandations que vous avez déjà formulées à l’intention du comité, je vous saurais gré de nous dire s’il y a autre chose que nous pourrions faire pour améliorer la relation de nation à nation qui existe entre le gouvernement fédéral et les Métis du Canada. J’aimerais bien entendre vos commentaires là-dessus.
Ma deuxième question est de nature plus spécifique. Parmi les enjeux qui me tiennent énormément à cœur, il y a la situation des personnes marginalisées, victimisées, criminalisées et emprisonnées.
Comme vous le savez peut-être, le taux d’incarcération des Autochtones, dont les Métis, continue d’augmenter de façon exponentielle, en particulier chez les femmes. D’après ce que vous avez dit, j’ai l’impression que le projet de loi présenté récemment va avoir une incidence plus importante sur les Métis et les Inuits que sur les membres des Premières Nations.
En vertu des articles 81 et 84 des dispositions législatives actuelles sur les services correctionnels, une collectivité autochtone peut présenter une demande au ministre de la Sécurité publique afin que des membres de cette collectivité puissent purger leur peine ou être mis en liberté sous condition au sein de celle-ci.
Dans le projet de loi C-83, qui vient d’être présenté à la Chambre des communes et renvoyé à un comité, on prévoit supprimer le mot « collectivité » et exiger que les négociations aient lieu avec des dirigeants ou des organismes autochtones compétents. Ai-je raison de penser que la suppression du mot « collectivité » aura un effet sur les communautés métisses, qui disposent peut-être d’une structure différente de celle de certaines communautés et réserves des Premières Nations pour négocier ces contrats? Si oui, où pourrais-je obtenir de plus amples renseignements afin que je puisse mieux comprendre l’incidence éventuelle de ces changements sur les Métis et leurs communautés?
M. Belcourt : Lorsque nous avons établi la Nation métisse de l’Ontario, nous souhaitions notamment assurer une gouvernance à l’échelle locale. Nous avons créé des conseils communautaires. Nous avons aussi conclu des accords avec les conseils communautaires pour que ceux-ci puissent assumer de nombreuses responsabilités à l’échelle locale.
Les conseils communautaires existent toujours. Je sais que, en Ontario, ils sont structurés d’une façon particulière. Le Manitoba et d’autres provinces disposent aussi de conseils communautaires. Ils portent peut-être un autre nom, mais ils sont établis à l’échelle communautaire afin de pouvoir mener des négociations.
De manière générale, je pense qu’une autre chose est cruciale : avant la conclusion d’un accord d’autonomie gouvernementale, il faut tenir un référendum auprès de la population touchée. Les gens doivent approuver l’accord. Comme je l’ai dit dans ma déclaration liminaire, il nous reste encore beaucoup de chemin à faire avant de parvenir à l’autonomie gouvernementale.
Je tiens aussi à dire que les Métis et leurs communautés ont eu des gouvernements provisoires, en particulier dans les Prairies. Il y a eu des gouvernements responsables de la chasse. Des capitaines de chasse ont été nommés pour veiller au bon déroulement de la chasse, car, en cas d’échec, les effets pouvaient être dévastateurs pendant l’hiver. En Ontario, des capitaines de chasse ont été désignés. On dispose d’une politique sur la chasse, à laquelle les capitaines de chasse sont assujettis.
Tout d’abord, nous avons mis en place une politique provisoire relative au registre, mais nous ne sommes jamais passés à l’étape suivante, soit l’adoption d’une politique permanente en la matière, qui nous aurait permis de composer avec la question de l’acceptation sociale. Nous n’avons jamais fait cela. Nous ne disposions pas des ressources nécessaires pour tenir ces discussions.
Comment peut-on obtenir l’acceptation sociale? Comment procède-t-on? À l’heure actuelle, c’est l’organisme provincial qui dicte la marche à suivre. L’acceptation sociale ne fait pas l’objet de discussion. Cela doit changer.
Le seul moment où il est possible d’exprimer sa dissidence, c’est lors d’une assemblée annuelle. Une fois par année, il est possible d’assister à une assemblée et de manifester son opposition à un enjeu particulier. Toutefois, c’est l’organe directeur provincial qui prend toutes les décisions.
Ce qui se passe — et cela s’est produit le week-end dernier —, c’est que les personnes qui s’opposent à la volonté de l’organe directeur sont expulsées, et ce, même si elles ont été élues par voie de scrutin au sein de leur région respective. Soit dit en passant, nous insistons pour que les membres des conseils communautaires, des conseils régionaux et des organes directeurs provinciaux soient élus par voie de scrutin.
Il n’existe pas de mécanisme de règlement des différends. Nous avons composé avec ces questions dans nos communautés. Les familles ont pris les décisions en conformité avec ces objectifs. À l’échelle communautaire, nous avons décidé quelles personnes seraient enterrées dans les lieux de sépulture. Ces décisions ont été prises au sein de la communauté. Nous et nos familles sommes les seuls à avoir pris ces décisions. Les tribunaux ou d’autres entités de ce genre ne les ont pas prises à notre place. Ce sont les communautés et les familles qui ont déterminé ce qui n’allait pas et qui ont trouvé des façons de corriger la situation. Nous avons établi les lois des Prairies.
Je suis désolé, mais je n’ai pas eu le temps de préparer un mémoire détaillé avant de comparaître devant votre comité. J’ai l’intention d’en préparer un et d’expliquer en annexe certaines des questions que j’aborde aujourd’hui. Je vous ferai parvenir ce document.
La présidente : Merci. Nous vous en serions reconnaissants.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, monsieur Belcourt. J’ai suivi votre carrière au fil des ans avec beaucoup d’admiration. Vous êtes un leader exceptionnel, et c’est un honneur de vous accueillir parmi nous aujourd’hui.
Je comprends votre mécontentement à l’égard de la relation actuelle entre le gouvernement du Canada et les Métis. Je crois aussi comprendre — mais il se peut fort bien que je ne saisisse pas tous les détails — que vous être mécontent quant à la légitimité accordée à la gouvernance au sein de la nation métisse elle-même, que ce soit en Ontario ou à l’échelle nationale. Est-ce bien le cas?
Je sais que vous êtes originaire de l’Ouest. Je sais aussi que, dans l’Ouest, les communautés métisses que j’ai visitées — je suis même allée par avion dans certaines d’entre elles — sont, à certains égards, très différentes des communautés métisses d’autres régions du pays, surtout de l’Ontario. Je ne prétends toutefois pas être une experte en la matière.
J’aimerais en savoir plus sur la répartition de la population entre les régions rurales et le milieu urbain. Je me demande aussi si la mobilité de la population ou d’autres facteurs démographiques ont un effet sur certaines des questions dont vous avez parlé au sujet de la légitimité de la gouvernance, ou bien s’il s’agit d’un faux débat.
M. Belcourt : Selon moi, il n’y a pas de différence. Des villes ont émergé autour de nombreuses communautés métisses et, dans certains cas, elles les ont absorbées. Par exemple, il se trouve maintenant une ville autour de la communauté métisse de Mattawa. C’est la même chose à North Bay, ainsi qu’un peu partout dans les Prairies.
Nous avons aussi des conseils en milieu urbain. Évidemment, ils ne se penchent pas sur des enjeux touchant le territoire ou des questions communautaires. Ils s’intéressent surtout à la mise en œuvre des programmes et des services et, le cas échéant, ils participent à la prise de décisions en matière de politiques. Nous ne sommes pas aux prises avec un problème de division entre les régions rurales et le milieu urbain.
Pour ce qui est des communautés rurales, il se trouve six établissements métis en Alberta, par exemple. Ils sont très axés sur les enjeux ruraux. Ils disposent de conseils, tout comme l’une des communautés situées tout près.
La sénatrice Coyle : Un dernier mot à ce sujet. Je n’ai pas de statistiques en main. J’aurais probablement dû approfondir un peu plus mes recherches. Je ne sais pas ce qu’est la situation générale de la population métisse au Canada. Existe-t-il un phénomène d’urbanisation au sein de cette population? Des gens quittent-ils les établissements ruraux pour aller s’installer en milieu urbain, où ils peuvent s’organiser? Je me demande ce qui se passe en ce moment à cet égard.
M. Belcourt : Je pense que le phénomène d’urbanisation des Métis a surtout eu lieu dans les années 1960 et 1970. Les gens souhaitaient s’installer à un endroit où ils pourraient trouver un emploi et un logement. Ils se sont toutefois aperçus que c’était loin d’être facile.
Je n’ai pas l’impression que le processus d’urbanisation des Métis soit aussi prononcé de nos jours qu’il l’était il y a une cinquantaine d’années.
La sénatrice Coyle : Merci.
La présidente : Monsieur Belcourt, au nom du comité, je tiens à vous remercier d’avoir témoigné aujourd’hui et de nous avoir fait profiter de la sagesse que vous avez acquise pendant de nombreuses décennies en tant que dirigeant au sein des communautés métisses.
Nous attendons notre deuxième témoin, qui a eu des problèmes avec son véhicule. Elle est en route. Je vous remercie.
Nous poursuivons notre étude visant à déterminer ce que pourraient être les nouvelles relations entre le gouvernement du Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Nous accueillons maintenant Mme Ellen Gabriel, militante pour les droits fondamentaux des Autochtones.
Après votre déclaration liminaire, madame Gabriel, les sénateurs vous poseront des questions. Vous avez maintenant la parole.
Ellen Gabriel, militante pour les droits fondamentaux des Autochtones, à titre personnel : [Mme Gabriel s’exprime dans sa langue autochtone.]
Je vous salue dans ma langue maternelle et vous remercie de m’avoir invitée ici aujourd’hui. Mon nom mohawk est Katsi’tsakwas. J’appartiens au clan de la Tortue de la communauté de Kanehsatà:ke, que vous connaissez sous le nom d’Oka.
Je remercie toutes les forces de la vie naturelle de m’avoir permis d’être ici aujourd’hui. Après tous les problèmes que j’ai eus ce matin, je suis heureuse de me trouver dans cette pièce avec vous.
Lorsque j’ai pris connaissance des questions sur lesquelles vous vous penchez, dont le type de relation souhaité, j’ai pensé à ma communauté et à la lutte qu’elle livre aux colons depuis 300 ans. J’ai aussi pensé à la façon dont la doctrine de la supériorité, comme la doctrine de la découverte, continue d’avoir une incidence sur notre communauté et nos nations.
Comme d’autres personnes vous l’ont sans doute déjà dit, il importe notamment de rejeter la doctrine de la découverte et de la terra nullius. C’est Louis XIV, le Roi-Soleil, qui a cédé au Séminaire de Saint-Sulpice un terrain se trouvant sur le territoire traditionnel des Haudenosaunee.
Aujourd’hui, le Canada continue d’accepter la version de l’histoire que le Séminaire de Saint-Sulpice a colportée pour nous déposséder de nos terres. C’est d’ailleurs ce qu’il continue de faire. Cette situation est à l’origine de ce qu’on appelle la crise d’Oka. C’est la raison pour laquelle le conflit perdure dans la très petite communauté de Kanehsatà:ke.
Nous sommes la plus ancienne communauté encore en existence. Nous étions là avant les Européens. Nous faisons partie de la Confédération iroquoise, qui a survécu au colonialisme. Nous sommes là aujourd’hui. C’est cette gouvernance traditionnelle qui a été mise hors-la-loi par le Canada, en 1924, lorsque Deskaheh s’est adressé à la Ligue des Nations pour prier les autres pays d’accepter les Haudenosaunee en leur sein. Il a été moqué et ridiculisé par le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni, et nous en ressentons les effets encore aujourd’hui.
Nous ressentons encore les contrecoups de la dépossession de nos terres. Nous sommes traités comme des criminels. Si le Canada veut traiter de nation à nation, les échanges ne peuvent se faire à travers les structures coloniales qu’il a lui-même créées, c’est-à-dire les conseils de bande. Il doit faire affaire avec les gouvernements traditionnels. Sans nier le fait que chacun et chacune des membres de la nation Kanehsatà:ke est titulaire de droits, je dois insister sur tout ce qu’a fait le Canada — y compris le gouvernement actuel, qui prétend vouloir traiter de nation à nation — pour exclure le peuple haudenosaunee de quelque discussion que ce soit. On nous refuse même la moindre rencontre.
Il ne suffit pas que le gouvernement, la ministre des Affaires autochtones ou un fonctionnaire m’appelle pour m’annoncer que la ministre veut me rencontrer si c’est pour me rappeler la semaine suivante pour m’indiquer qu’elle a un empêchement et me proposer une autre date. Ce n’est pas ce que j’appelle respecter l’honneur de la Couronne. J’ai des droits. Comme le dit la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, nous avons le droit de choisir notre statut politique et de nous gouverner nous-mêmes.
Que veut-on dire par « coexistence pacifique » sinon l’absence de conflit et la présence de la paix?
Tout le monde nous dit que le Canada est sur la voie de la réconciliation, mais j’attends toujours qu’elle atteigne ma communauté et de nombreuses autres communautés du pays.
La réconciliation ne sera pas chose facile. Elle ne l’est déjà pas. La réconciliation exige que la totalité des torts causés à nos peuples par les lois et les doctrines coloniales de supériorité soient réparés. La pauvreté aux racines colonialistes, le meurtre et la disparition de femmes autochtones, la faible qualité de l’éducation offerte aux Autochtones, le manque d’eau potable : tous ces problèmes tirent leur origine du colonialisme et de la négligence que nous avons subie durant des décennies.
Le Canada doit honorer ses obligations en matière de droits de la personne, ce qui inclut les droits fondamentaux — individuels et collectifs — des peuples autochtones, car nous sommes les premiers habitants de ces terres.
Nous n’avons pas traversé le détroit de Béring; pas selon notre tradition orale. Nous sommes nés de cette terre. Notre ADN est entremêlé à celui de notre environnement, de nos terres. Nous sommes les habitants originels. Nous sommes pas les premiers à avoir colonisé cette partie-ci de l’île de la Grande Tortue : nous en faisons partie.
Que faudrait-il pour remettre nos nations sur pied? Il faudrait que les bureaucrates abandonnent leurs politiques. Il faudrait que le Conseil du Trésor nous donne accès aux fonds nécessaires pour faire revivre les langues et les cultures qui ont été détruites par les pensionnats indiens et qui, selon l’UNESCO, figurent parmi les plus menacées de la Terre.
Il faudrait que nous ayons les ressources humaines requises pour adapter nos lois coutumières traditionnelles à la réalité d’aujourd’hui. Nous ne voulons pas être de simples fournisseurs de services aux yeux du Canada, qui pourrait alors s’en laver les mains sous prétexte qu’il nous a fourni de l’argent pour l’éducation ou je ne sais quoi d’autre. Nous ne voulons pas être propriétaires en fief simple de nos terres, car cela pourra seulement intensifier la dépossession. Nous ne voulons pas que des bureaucrates nous dictent, par des ententes financières, comment dépenser notre argent — le nôtre, pas celui du Canada — pour rétablir et réhabiliter notre identité en tant que nations. Les voilà les piliers à retrouver, ceux-là même qui ont permis aux premiers colons de s’installer sur ces magnifiques terres et d’y survivre.
Comme retrouver notre esprit de nation? Dans les lois et les coutumes haudenosaunee, les dimensions spirituelle, physique et politique sont entrelacées. Nous avons plusieurs mots pour décrire l’état d’esprit d’une personne.
Si je vous ai dit ce que je vous ai dit au début, c’est pour que nous trouvions le moyen d’unir nos esprits dans la paix, car ce n’est pas ce qui se passe pour le moment.
Nous sommes les premiers habitants de ces terres, mais nous devons toujours nous plier aux lois et aux politiques coloniales. Le Canada doit changer de cap. Il doit respecter nos droits en tant qu’êtres humains, car c’est ce que nous sommes : des êtres humains.
Nous ne sommes pas un secteur industriel permettant au ministère de la Justice, de la Santé ou de je ne sais quoi d’autre de continuer à créer des emplois. Nous ne sommes pas du genre à autoriser la destruction de la Terre mère pour que des pipelines puissent y passer.
Nous voulons la même chose que vous : que nos nations soient en bonne santé. Les consommateurs que nous sommes veulent avoir accès à des sources durables d’énergie. C’est tout juste si nous pouvons avoir de l’eau potable. Comment sommes-nous censés nous approvisionner aux sources d’énergie dont tout le monde parle pour lutter contre les changements climatiques?
Notre histoire et notre réalité doivent se refléter dans la totalité du système d’éducation. Tous les avocats de la Commission de vérité et réconciliation l’ont dit : les travailleurs sociaux, les enseignants, les députés, les provinces et les territoires doivent connaître le passé colonial du Canada.
Soyez mal à l’aise. C’est ce que nous voulons, parce que c’est ainsi que nous nous sentons. Nous sommes chez nous, mais nous avons l’impression d’y être étrangers. Rien, pour le moment, ne reflète nos terres et nos territoires traditionnels. Nous continuons de nous battre mais, ce faisant, nous existons juste pour survivre. Ce n’est pas une vie.
Que faudra-t-il pour changer la mentalité du Canada? Il faudra commencer par parler des droits de la personne aux bureaucrates.
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones doit être mise en œuvre et intégrée dans l’esprit et dans le cœur de tous les bureaucrates des Affaires autochtones — et des autres aussi. Comme l’a déjà dit l’ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, James Anaya, le racisme constitue un des plus gros obstacles, un des murs les plus élevés empêchant les peuples autochtones de jouir de leurs droits fondamentaux.
Il s’agit bel et bien de racisme. Et comment combat-on le racisme? Quand j’étais jeune, le Canada distribuait des affiches disant qu’il faut lutter contre le racisme. Il reste encore un bon bout de chemin à faire, vous ne trouvez pas?
Nos frères et nos sœurs des nations au sud de la frontière vivent sous... Je ne sais même pas comment qualifier ce qui leur arrive. Je ne pense pas qu’il y ait de mot assez fort pour le décrire. On est en train de les effacer de l’histoire.
Ce serait navrant que les Canadiens effacent de l’histoire les origines de leur passé colonialiste. Comment tirer les leçons du passé, dans un tel cas? Comment continuer à avancer? Les Canadiens, et plus particulièrement les habitants de la province d’où je viens, les Québécois, doivent prendre conscience qu’ils ont aussi contribué à la destruction de la langue, de la culture, de la santé et du bien-être des peuples autochtones.
Nous ne voulons pas nous retrouver au milieu d’une guerre entre Français et Anglais. Nous avons eu assez de guerres comme c’est là. Je vous demande toutefois de trouver un moyen de respecter à la fois nos droits fondamentaux et nos traumatismes.
Le colonialisme nous a enseigné trois choses : taisez-vous, ne dites rien, ne faites confiance à personne. Comment peut-on vivre dans un tel contexte?
Le Canada a toujours tiré parti de nos divisions internes. On nous dit toujours que nous devons parler d’une seule voix, mais combien d’entre vous appartiennent à des partis différents? Le Canada parle-t-il d’une seule voix, lui? C’est le prétexte qu’on nous a toujours servi pour ne pas donner suite à nos revendications historiques, et plus particulièrement à celles de la nation Kanehsatà:ke.
Rien ne peut justifier la violation de nos droits. Rien. Nous devons pourtant le tolérer. Nous essayons de nous faire entendre auprès de ceux qui sont au courant de ce qui se passe, mais dans ce temps-là, les gens disent : « Bon, de quoi se plaignent-ils encore, eux? »
Que feriez-vous si vos droits étaient bafoués? Que feriez-vous si vous étiez obligés de parler une autre langue que la vôtre pour faire vos études et obtenir un emploi? Que feriez-vous si on vous reprochait par-dessus le marché de ne pas assez bien parler cette nouvelle langue? Des excuses, toujours des excuses. Au plus profond de vous-mêmes, vous savez qu’il s’agit de racisme.
Qu’allez-vous faire, Canada? Qu’allez-vous faire pour la nation Kanehsatà:ke, qui devrait être l’exemple de la réconciliation à la canadienne? Le Canada aurait pu régler nos revendications territoriales en 1990, mais il a décidé de n’en rien faire.
Le ministre des Affaires indiennes de l’époque nous avait promis, le Canada nous avait promis de ne plus jamais flouer le peuple de la maison longue.
C’est nous qui avons servi d’inspiration à la démocratie américaine. Ils utilisent même nos symboles : un aigle tenant une volée de flèches dans une de ses serres. Nous vivons à une époque tumultueuse. Et c’est ce qui fait que nos problèmes se retrouvent toujours dans le bas de la liste.
Je prie le comité sénatorial d’user de toute son influence pour corriger les injustices que nous avons subies. Encouragez les Canadiens, le gouvernement, les municipalités, les provinces et les territoires à, primo, accepter leur passé colonial et, secundo, à mettre en œuvre la totalité de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Je vais m’arrêter ici. Il y a encore beaucoup de choses à discuter. Je répondrai avec plaisir aux questions.
La présidente : Je vous remercie, madame Gabriel.
La sénatrice McPhedran : Merci infiniment de vous être déplacée. Je tiens à dire que vous avez marqué les gens de Winnipeg, au Manitoba, lorsque vous avez pris la parole devant l’Institute for International Women’s Rights. Vous avez réussi, avec votre éloquence, à nous faire comprendre le rôle de la langue et de la culture. Vous en avez d’ailleurs parlé aujourd’hui, je crois.
Il a aussi été beaucoup question de promesses rompues.
Avez-vous eu l’occasion de regarder le cadre de réconciliation et de reconnaissance des droits? Souhaitez-vous le commenter d’une quelconque façon?
Mme Gabriel : J’ai assisté à une rencontre en août et j’ai posé une question au sous-ministre, je crois, Joe Wild : « Vous dites qu’il s’agit d’une occasion de sortir du carcan de la Loi sur les Indiens, mais vous vous en remettez encore à l’autorité de la structure coloniale que sont les conseils de bande. Encore une fois, vous n’accordez aucune place aux gouvernements traditionnels du Peuple de la cabane longue, les Haudenosaunee. » Il a simplement répondu : « C’est ce que c’est. » Nous assistons en fait à la municipalisation de nos communautés. Les autorités ne nous considèrent pas comme des nations, mais comme des fournisseurs de services à peine capables d’adopter des règlements administratifs au nom d’un pseudo-gouvernement autonome vivant en harmonie totale avec les municipalités environnantes. On ne nous reconnaît pas le droit d’intégrer nos lois coutumières.
Quoi qu’on en dise, le développement à tout crin n’a pas sa place ici. Vous ne pouvez pas bâtir ici, parce que les Haudenosaunee sont des horticulteurs, des agriculteurs : nous chassons et nous pêchons. Or, ce n’est plus possible, parce que le Saint-Laurent est trop pollué.
Nous ne demandons pas au Canada de reconnaître nos droits. Nous n’avons que faire de la reconnaissance du Canada. Nous avons des droits inhérents et nous voulons que le Canada les respecte et agisse de manière honorable. Or, je ne vois rien de tout ça dans les droits et la reconnaissance. Je crois d’ailleurs que de nombreux Autochtones seraient d’accord.
La sénatrice McPhedran : L’inclusion des femmes a aussi été dénoncée dans à peu près tous les processus, il me semble. Quelle est votre position là-dessus? Par exemple, l’Association des femmes autochtones du Canada n’a toujours pas obtenu le statut de participant à part entière lors des négociations, et ce n’est pas la première fois, comme vous le savez. Si vous pouviez nous dire — mais je ne veux pas présumer de votre réponse... Quelle place devrait-on accorder aux femmes dans les négociations en cours?
Mme Gabriel : Je reviens à mes racines haudenosaunees.
Les terres sont confiées aux femmes. Pourtant, elles ont été exclues. Le régime des conseils de bande a été conçu et mis sur pied pour maintenir le leadership des hommes. Ce n’est que récemment que les femmes sont devenues membres des conseils. Bien que quelques-unes soient devenues de grandes chefs, il s’agit d’un régime électoral qui laisse énormément à désirer. Il doit être refait de toutes pièces. Nous ne pouvons pas examiner le modèle actuel et dire que nous y intégrerons l’égalité entre les sexes parce que le modèle actuel comporte des lacunes.
Nous devons traiter la question de nation à nation. Nous devons accorder aux femmes une représentation et une voix égales dans toutes les discussions. Les nouveaux modèles de discussion et de négociation sont établis par les Autochtones pour les Autochtones.
Comme nous pouvons aussi l’observer aux Nations Unies, c’est surtout les hommes qui prennent les décisions. Une femme n’a jamais atteint ce niveau et, peu importe son érudition, elle ne l’atteindra jamais — cette réalité s’applique également aux femmes autochtones. Nous devons nous défaire de ce régime prescrit dans la Loi sur les Indiens et peut-être nous fonder sur les gouvernements traditionnels qui étaient réellement démocratiques et qui assuraient vraiment l’égalité et l’équité à tous ses citoyens.
Ce n’est pas que l’Association des femmes autochtones du Canada qui a été exclue. Les représentants et les mères de clan du peuple haudenosaunee ont également été exclus. C’est un autre exemple de la façon dont le Canada ne respecte pas nos droits et notre droit à l’autodétermination.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, madame Gabriel, de votre discours très percutant. J’espérais qu’il en serait ainsi. Oui, je me sens mal à l’aise; c’est le sentiment que vous nous demandez tous de ressentir.
Je suis curieuse. Vous travaillez sur ce dossier depuis longtemps et je lève mon chapeau à vous, votre leadership et votre ténacité. Je suis très curieuse. Le comité examine la nouvelle relation entre le Canada et les Premières Nations; il s’agit du sujet de l’étude. Nous entendons des paroles qui semblent être plus respectueuses et on dirait que les dirigeants gouvernementaux s’attaquent au colonialisme et qu’ils sont — que nous sommes — déterminés à promouvoir la réconciliation.
Il serait intéressant de savoir si vous avez constaté des améliorations dans n’importe lesquels des domaines entre le Canada et votre nation ou d’autres nations au Canada. Y a-t-il des améliorations ou des régressions auxquelles vous souhaitez attirer notre attention? Je suis simplement curieuse. Si vous pouviez nous donner quelques exemples à partir de vos observations, cela nous serait très utile.
Mme Gabriel : Je ne pense pas que beaucoup de changements ont été apportés au statu quo. Le gouvernement parle beaucoup, mais il ne passe pas de la parole aux actes. Il y a de nouvelles politiques. Nous éprouvons toujours de nombreuses difficultés à revitaliser nos langues. La dépossession de terres se poursuit encore. Comme je l’ai indiqué, à Kanehsatà:ke, le gouvernement continue de s’ingérer dans les divisions et de nous dire que nous devons partir. Nous avons reçu une lettre qui n’était même pas signée par M. Joe Wild, mais par un subalterne, et qui nous avisait d’adresser toutes nos plaintes à notre conseil de bande.
Comme je l’ai expliqué, jusqu’à maintenant, le Canada n’a rien fait pour changer les événements de 1924, l’année où il a déclaré la confédération illégale et a tenté de démanteler le gouvernement traditionnel. Nous entendons beaucoup ceci : « Eh bien, voici ce qui fonctionne aujourd’hui. Vous devriez avoir ce type de règlements. Vous aviez l’autonomie gouvernementale. Vous serez des fournisseurs de services et vous contrôlerez toutes vos responsabilités. »
Pendant ce temps, notre territoire rétricit et notre population augmente. Dans de nombreuses communautés, il n’y a pas suffisamment de logements pour les gens. En ce qui concerne le commerce des cigarettes et maintenant la question de la marijuana, on voit les gens prendre les choses en main en raison des restrictions prévues dans la Loi sur les Indiens. Si je demande un prêt pour une entreprise et qu’un Québécois a la même entreprise que moi, je ne l’obtiendrais pas parce que la priorité est accordée au Québécois.
La question de la langue et des mécanismes de règlement des différends n’a pas changé. Elle est axée sur la bureaucratie coloniale. Elle ne comprend rien qui tient compte de nos coutumes et de nos protocoles. Il faut respecter ces coutumes et ces protocoles. Lorsque nous tenons des discussions, nous ne devrions pas parler à des gens qui ne peuvent pas prendre de décisions. Nous nous rendons souvent à des réunions pour parler de problèmes comme à Kanehsatà:ke et les participants ne font que prendre des notes. J’ai assisté à des réunions où il y avait cinq participants autochtones et 30 bureaucrates, dont pas un seul ne pouvait répondre à nos questions. Nous comparaissons devant des comités comme celui-ci et nous voulons avoir plus d’espoir parce que nous estimons que vous exercez au moins une certaine influence. La justice est toujours différée. À ce jour, elle l’est encore. Étant donné que le Canada n’a pas encore rejeté la doctrine de la découverte, il peut continuer à justifier la dépossession des terres et la pauvreté ancrée au colonialisme qui existent. Il peut continuer à appliquer des solutions de fortune à d’énormes problèmes sociaux.
La sénatrice McCallum : Merci de votre discours percutant. Je veux revenir à votre déclaration de ne pas vouloir être seulement des fournisseurs de services.
Je suis d’accord avec vous. J’ai travaillé comme professionnelle de la santé dans ma bande pendant 45 ans. J’ai travaillé dans ma réserve avec le chef et les membres du conseil qui étaient présents dans toutes leurs régions.
En raison du manque de ressources, les gens demeurent en crise. Ils sont incapables de voir au-delà de la crise et de faire le premier pas vers l’autodétermination. Que recommanderiez-vous pour nous aider à faire la transition vers l’autonomie gouvernementale? Quelles seraient vos recommandations?
Mme Gabriel : Je ne pense pas que nous disposons d’assez de temps.
La sénatrice McCallum : Préféreriez-vous rédiger une réponse plus complète et de nous l’envoyer?
Mme Gabriel : Je pense que notre situation découle en partie de notre manque de ressources financières pour les ressources humaines. Comme l’a dit un aîné, il nous a fallu plus de 150 ans pour en arriver à ce stade. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu’un gouvernement règle les problèmes. Il faudra au moins un autre siècle d’engagement de la part du Canada — un geste sincère de réconciliation et de dédommagement.
Si nos écoles sont tout à fait inadéquates, comme l’a affirmé l’ancienne vérificatrice générale Sheila Fraser, il faudra 28 ans pour que les écoles communautaires rattrapent leur retard sur les autres écoles en matière de qualité de l’enseignement. En ce qui concerne les problèmes sociaux et les restrictions imposées par le Canada sur nos droits sociaux et économiques, nous ne pourrons pas faire de progrès puisque cela nécessite une discussion honnête. Dans le cadre de notre grande loi, ce sont la paix, l’amour, la force et le respect qui sont importants pour nous. Si ces qualités sont absentes et les gens ne font que nous sermonner et pensent savoir ce qui est dans notre intérêt, nous continuerons de tourner en rond pendant un autre 150 ans.
Nos gens ont besoin d’aide maintenant, mais ils ne la reçoivent pas. Nos familles sont déchirées. Le système de pensionnats indiens les a déchirées. Nous avons plus d’enfants dans le système d’aide à l’enfance. La femme qui s’est portée à la défense des familles et des enfants autochtones a été traitée comme une criminelle par le gouvernement du Canada. Que faut-il penser du Canada? Cela a été caché au public. La vérité doit être rendue publique. Il faut que les médias assument leurs responsabilités et sensibilisent la population à cette réalité parce qu’ils jouent un rôle important dans la culture du Canada. S’ils ne le font pas, cela signifie qu’ils favorisent le racisme dont les Autochtones sont victimes chaque jour.
Nous voulons ravoir nos terres. Notre désir de ravoir nos terres est absolu et sans équivoque. Nous devons mettre fin aux développements insensés, que ce soit la construction de condominiums, de mines ou de pipelines. Nous devons protéger nos terres et l’environnement pour les générations futures et la génération actuelle, c’est-à-dire les bébés qui n’ont pas encore eu l’occasion d’en profiter.
La sénatrice McCallum : Merci.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup, madame Gabriel, de votre leadership. Je joins ma voix à celle de tous les sénateurs présents et je vous remercie d’avoir surmonté des obstacles impressionnants aujourd’hui — et toute votre vie — pour vous rendre ici et vous joindre à nous.
J’ai été frappée par l’une de vos observations. Vous avez dit que vous espérez que cela en vaut la peine. Je l’espère aussi. Je partage le malaise de nombreux sénateurs et je vous invite à continuer à nous mettre mal à l’aise concernant d’autres recommandations et mesures clés que le comité pourrait essayer d’appliquer. Vous en aviez long à dire. Je ne suggère pas que je n’ai pas entendu vos recommandations. Compte tenu du mandat et des responsabilités du comité, y a-t-il d’autres mesures concrètes que nous pourrions prendre pour faciliter le processus? Comment pouvons-nous pousser le mandat du comité de façon plus progressiste?
Mme Gabriel : Je vais commencer par une mesure qui peut sembler simple, c’est-à-dire aider le présent comité sénatorial à adopter la déclaration des Nations Unies au moyen du projet de loi d’initiative parlementaire C-262 visant à mettre en œuvre la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Une autre mesure consisterait à tenir le Séminaire de Saint-Sulpice responsable de la fraude en matière de titres fonciers qu’il a commise de concert avec le Canada afin de déposséder les habitants de Kanehsatà:ke de la nation Kanien’kehá:ka de leurs terres et à se pencher sur l’exclusion soutenue du peuple haudenosaunee de tout type de discussion foncière et même de réunions avec les ministres, comme la ministre présente aujourd’hui.
L’année dernière, lors d’une célébration de l’anniversaire de la déclaration des Nations Unies, elle m’a dit de m’adresser aux tribunaux si je n’aimais pas la façon dont j’étais traitée ou le fait que j’étais exclue. Les tribunaux sont très onéreux et le processus n’en demeure pas moins onéreux même si on se limite aux tribunaux provinciaux. Ils doivent nous respecter. Ils doivent examiner tous les éléments de la déclaration des Nations Unies qui incluent l’ensemble de nos droits à l’autodétermination. Ils doivent nous donner l’occasion de nous réunir en tant que nations avec vos nations pour parler des terres. Parlons d’énergie et d’économie, ce qui semble être les priorités de la plupart des États du monde. Ce sont nos terres que nous avons accepté de partager et sur lesquelles nous permettons aux gens de vivre. Nous ne tolérerons pas l’abus que nous avons observé, c’est-à-dire la judiciarisation des gens.
Nous voulons que les gens aient l’assurance de pouvoir protéger leur droit à l’autodétermination sans être traités comme des criminels. Nous voulons des familles en santé. Il faut se pencher sur les raisons derrière la situation actuelle. Il faut tenir compte du traumatisme. Pourquoi sommes-nous dans cette situation? C’est parce qu’on maintient le statu quo et que les injustices et l’assimilation coloniale durent depuis tellement longtemps que les gens ne savent plus faire la part des choses.
Il faut sensibiliser tout le monde, y compris les Autochtones. Il faut les renseigner sur leur passé et sur ce qui les attend à l’avenir. Les gens voient la Proclamation royale comme la Grande Charte des Autochtones. Je ne suis pas d’accord. Elle a exclu les gens de ma communauté. Elle a permis aux colons français de prendre nos terres de force. Ma grand-mère m’a raconté que les membres de sa famille, brutalement expulsés de chez eux par des gens du Séminaire de Saint-Sulpice, ont dû partir en n’emportant que les vêtements qu’ils avaient sur le dos.
Je ne peux pas vous dire à quel point le Séminaire de Saint-Sulpice a inspiré les Britanniques lorsqu’il s’agissait de justifier le fait de garder nos terres et de nous empêcher d’y accéder. Il représente l’un des principaux problèmes. À une époque, c’était l’un des propriétaires fonciers les plus importants du pays. Il faut aussi se pencher sur cette organisation, qui est maintenant basée à Montréal.
La présidente : Merci. Sénatrice McPhedran, aviez-vous une question complémentaire?
La sénatrice McPhedran : J’aimerais revenir sur la doctrine de la découverte, dont vous avez parlé pendant votre exposé. Vous avez souligné que le Canada ne l’a toujours pas rejetée de façon officielle. Vous nous avez ensuite parlé de la Proclamation royale de 1763. Je crois qu’on s’entend généralement pour dire que, de par sa nature, cette proclamation va essentiellement à l’encontre de la doctrine de la découverte.
Évidemment, il y a eu ensuite l’appel à l’action no 45 de la Commission de vérité et de réconciliation, qui, encore une fois, nous exhorte à répudier entièrement la doctrine de la découverte.
À ma connaissance, il n’y a pas d’initiative en cours pour donner suite à cette recommandation. Savez-vous si le gouvernement du Canada prend aujourd’hui des mesures pour dénoncer ou répudier officiellement la doctrine de la découverte? Je sais qu’il existe un certain nombre de bulles pontificales à ce sujet. La doctrine de la découverte est vraiment au cœur du problème. Je tiens également à souligner que, selon vous, cette doctrine était aussi au cœur de la crise d’Oka.
Mme Gabriel : Oui, lorsqu’il était enfant, le roi de France a concédé au Séminaire de Saint-Sulpice énormément de terres qui appartenaient au peuple de Kanehsatà:ke. À ma connaissance, le Canada n’a pas fait cela.
La Proclamation royale excluait le Québec et certains endroits de la région d’où je viens. Il est primordial de changer cela de manière à ce que nous puissions tourner la page et progresser.
On ne peut pas se fonder sur des sources comme la Proclamation royale, puisque ces dispositions ont été mises en place sans notre consentement. Elles n’ont pas été créées par les Autochtones. C’est une reine d’ailleurs qui les a imposées ici. Comme elle n’a jamais mis les pieds ici, elle ne pouvait pas comprendre les gens de ma communauté ni leur mode de vie. Elle ne comprenait pas que nous avions besoin d’être protégés contre les mauvais traitements qui nous étaient infligés par les colons venus s’établir ici. Comment peut-on parler d’une relation de nation à nation? En quoi est-ce une répudiation? Je crois qu’il faut aller plus loin. Tous les organismes et les fonctionnaires du gouvernement du Canada doivent le comprendre. Cette doctrine est au cœur des maux qui affligent les peuples autochtones.
Je peux vous assurer que nous avons été opprimés. On a ouvert notre courrier et porté atteinte à notre vie privée pour avoir exercé le droit de la nation haudenosaunee à l’autodétermination.
Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre présence et du défi stimulant que vous nous lancez.
Vous avez parlé du territoire et de l’importance de faire en sorte que votre communauté récupère ses terres.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet des difficultés éprouvées par votre peuple à l’égard des terres?
Je crois comprendre que, lors d’une émission de radio crie soulignant le 28e anniversaire de la crise d’Oka, vous avez dit en entrevue que vous avez, encore aujourd’hui, de la difficulté à résoudre des problèmes territoriaux.
Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails à propos de ces difficultés?
Mme Gabriel : Encore une fois, on va à l’encontre du droit coutumier. Toute nation autochtone pourra en témoigner.
Pourriez-vous répéter votre question?
Le sénateur Patterson : Dans une entrevue que vous avez accordée en 2018, soit 28 ans après la première confrontation au sujet du terrain de golf, vous avez dit que des problèmes territoriaux subsistent, que vous subissez encore des pressions et que le dossier n’est toujours pas réglé.
Mme Gabriel : Oui, sous le gouvernement de Jean Chrétien, on a présenté le projet de loi S-24, qu’on appelait le projet de loi sur le gouvernement du territoire provisoire de Kanesatake. À l’époque, l’avocat qui représentait le conseil de bande a dit : « Nous savons que le peuple de la maison longue ne votera pas. » Selon un article de la Loi sur les Indiens — j’ai oublié lequel —, il faut obtenir 50 p. 100 des voix plus une dans l’ensemble de la communauté.
On disait alors qu’une exception serait prévue. La proposition a été adoptée par le quart des membres de la communauté concernée et par une marge de 2 voix. L’accord prévoit un modèle de propriété en fief simple et permet à la municipalité d’Oka d’exercer un pouvoir sur nos terres traditionnelles, y compris le parc d’Oka.
Nous ne sommes pas plus près du but. En fait, nous nous éloignons encore davantage d’une résolution des problèmes qui ont déclenché la crise d’Oka. Nous allons poursuivre nos revendications de manière pacifique. C’est à cela que je faisais allusion lorsque j’ai dit que j’ai essayé d’obtenir une rencontre avec la ministre Bennett simplement pour entamer un processus avec le peuple de la maison longue en vue de régler ce dossier qui date d’il y a 300 ans. On ne veut même pas nous reconnaître comme des intervenants légitimes. On nous dit de nous adresser au conseil de bande. Je trouve que c’est irrespectueux.
Le sénateur Patterson : Merci.
La présidente : Il reste du temps pour une question.
Le sénateur Christmas : Je vous remercie de votre présence, madame Gabriel.
Je crois comprendre que vous avez participé à des tribunes des Nations Unies. L’un des principaux éléments que je retiens de votre témoignage d’aujourd’hui, c’est que vous recommandez très fortement l’application de la DNUDPA.
Pourriez-vous expliquer en quoi l’application de la DNUDPA pourrait changer la vie des Autochtones à l’avenir?
Mme Gabriel : Cela nous permettrait de rétablir les institutions qui ont été attaquées ainsi que le genre de gouvernements et de processus décisionnels qui touchent toute notre communauté. Il s’agit de promouvoir le consensus et la consultation entre les clans. Nous savons qui fait partie de notre famille, qui n’en fait pas partie, et à qui nous avons affaire. Nous cherchons à protéger les terres dans l’intérêt de tout notre entourage.
Étant donné que notre langue, nos coutumes et nos valeurs sont associées au territoire, nous devons bien connaître ce territoire et cette langue. Nous exploitons la terre pour nous procurer nos produits médicinaux. Nos chants et nos cérémonies sont liés à la terre. Si nous n’avons pas accès à nos terres, alors nous n’existons pas en tant que peuple.
Il y a aussi nos droits sociaux et économiques. Notre communauté doit composer avec une pauvreté issue du colonialisme et avec des gens qui se croient tout permis. Nous avons des lois, et il faut pouvoir transmettre nos valeurs et nos coutumes, du niveau préscolaire jusqu’au secondaire. Nous ne pouvons pas le faire lorsque la province impose ses critères et exige que les enfants aient un certain niveau de maîtrise du français oral avant l’obtention de leur diplôme, peu importe leur niveau de maîtrise de leur propre langue autochtone. Il s’agit de rétablir ce genre de choses essentielles au dynamisme de notre peuple, non seulement en tant que communauté, mais en tant que nation.
Dans la nation Kanien’kehà:ka seulement, il y a sept communautés. Nous faisons partie de la Confédération iroquoise. Qu’est-ce que cela signifie? Cela veut dire que nous tenons des séances comme les Nations Unies; les femmes sont aussi présentes et ne laissent pas les chefs et les hommes faire tout ce qu’ils veulent. Tout le monde peut prendre la parole. Chacun a le droit de se faire entendre.
Par exemple, comme le Canada, notre communauté a un système de justice et des services sociaux et de santé. C’est le genre de choses auxquelles notre communauté doit avoir accès de nos jours. Il est possible d’intégrer le droit et les protocoles coutumiers à la réalité actuelle des Autochtones, mais nous ne pouvons pas le faire si nous arrivons à peine à survivre.
Je vais revenir sur la doctrine de la découverte. Le quatrième paragraphe du préambule affirme que les doctrines qui invoquent la supériorité sont racistes et moralement condamnables. Cette doctrine est sans valeur. Or, il y a encore des fonctionnaires qui imposent leurs idées et qui les recommandent aux ministres. Pour nous, les promesses électorales sont insuffisantes. Nous voulons des gestes concrets.
Comme la sénatrice Coyle l’a souligné, je m’engage dans ce dossier depuis 28 ans. Malgré tous mes efforts, je ne vois aucune amélioration dans la collectivité où je vis.
Je vois la même situation dans d’autres collectivités. Je vois de la fierté, et je constate que les événements d’il y a 28 ans ont éveillé la conscience des Autochtones et des Canadiens. Des souverainistes du Québec ont dit : « Avant d’obtenir notre souveraineté, nous devons reconnaître et respecter celle des peuples autochtones. »
Or, 28 ans plus tard, on nous impose la municipalisation. Nous ne sommes pas traités comme une nation.
Ce cadre de réconciliation et d’autodétermination se trouve dans la Céclaration des Nations Unies, parce qu’il découle d’autres instruments juridiques et obligatoires en matière de droits internationaux de la personne auxquels le Canada a adhéré.
Le sénateur Christmas : Merci.
La présidente : Au nom du comité, je tiens à vous remercier, madame Gabriel, de votre comparution ce matin. Je vous remercie de votre témoignage et de vos recommandations.
(La séance est levée.)