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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 47 - Témoignages du 27 novembre 2018


OTTAWA, le mardi 27 novembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 h 2, pour étudier la teneur des sections 11, 12 et 19 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, et à huis clos, pour l’étude d’une ébauche de rapport.

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour, tansi. Bienvenue, chers collègues, membres du public qui regardez la séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, ici dans la salle ou sur Internet.

Dans l’intérêt de la réconciliation, je tiens à souligner que nous nous réunissons sur les terres ancestrales et non cédées des peuples algonquins.

Je m’appelle Lillian Dyck. Je viens de Saskatchewan et j’ai l’honneur et le privilège de présider le comité.

Aujourd’hui, nous poursuivons nos séances sur la teneur des éléments des sections 11, 12 et 19 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Je suis convaincue que certains d’entre vous savent exactement de quoi il s’agit. Excusez-moi, je ne pouvais m’empêcher de commencer la séance par une petite blague.

J’invite maintenant mes collègues à se présenter, en commençant par le vice-président.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.

Le sénateur Patterson : Bonjour. Dennis Patterson, du Nunavut.

Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Francis : Brian Francis, de l’Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.

La sénatrice Pate : Kim Pate, de l’Ontario.

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Merci à vous, mesdames et messieurs. Comme vous le savez, notre comité a fait l’objet d’une restructuration et il y a de nouveaux sénateurs parmi nous. Les sénateurs McInnis et Francis sont présents aujourd’hui. Bienvenue à ce comité.

J’aimerais maintenant présenter les témoins qui sont présents avec nous ce matin : Manny Jules, commissaire en chef, et Marie Potvin, conseillère juridique, tous deux de la Commission de la fiscalité des Premières Nations, et Harold Calla, président exécutif du Conseil de gestion financière des Premières Nations.

Monsieur Jules, vous présenterez le premier exposé, puis ce sera au tour de M. Calla, et nous passerons ensuite aux questions.

C.T. (Manny) Jules, commissaire en chef, Commission de la fiscalité des Premières Nations : Merci, madame la sénatrice.

Bonjour. Je m’appelle Manny Jules et je suis commissaire en chef de la Commission de la fiscalité des Premières Nations.

Merci de me donner l’occasion de comparaître devant le comité pour discuter des modifications qu’on propose d’apporter à la Loi sur la gestion financière des premières nations, la LGFPN, lesquelles sont prévues dans la Loi d’exécution du budget. Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a toujours appuyé la LGFPN ainsi que nos propositions visant à étendre et à améliorer ce cadre législatif. Comme vous le savez, il s’agit du cadre législatif habilitant dirigé par les Premières Nations qui a connu le plus de succès dans l’histoire du Canada. Le Sénat a été parmi les premiers à l’appuyer, et vos efforts pour favoriser l’innovation ont bien servi les Premières Nations et le Canada.

Pour faire simple, la LGFPN fonctionne. Près de 300 Premières Nations y prennent maintenant part. Cette loi a permis de générer plus de 2 milliards de dollars en investissements, plus de 1 milliard de dollars en recettes fiscales des Premières Nations et plus de 600 millions de dollars en débentures. Plus de 200 étudiants ont suivi une formation accréditée pour apprendre à l’appliquer, et plus de 100 Premières Nations se sont vu accorder un certificat de gestion financière.

Le secret de notre réussite repose sur trois volets. Premièrement, nous assurons une liaison dirigée par les Premières Nations et soutenue par des institutions pour aider les Premières Nations qui le souhaitent à abandonner la Loi sur les Indiens pour assurer leur autonomie gouvernementale. Notre objectif à tous, c’est qu’elles dépendent moins de la Loi sur les Indiens et du ministère des Services aux Autochtones et qu’elles s’appuient davantage sur la souveraineté des Premières Nations.

Deuxièmement, nous faisons appel à l’innovation pour détruire de manière créative l’ancien système et ouvrir la voie à un système meilleur, plus rapide et plus rentable. Les institutions visées par la LGFPN ont créé et mis en place de meilleures normes, des lois simples et efficaces, de la formation universitaire accréditée, des systèmes administratifs, des logiciels, la Gazette des Premières Nations, la disposition relative à l’interception et des ententes de service. Ces innovations ont permis d’accroître les avantages pour les Premières Nations participantes et ont fait en sorte qu’il soit plus simple et facile d’adopter un meilleur système.

Troisièmement, si je suis ici aujourd’hui, c’est parce que notre système est inscrit dans la loi. Cela offre un processus ordonné pour l’exercice de la compétence des Premières Nations, conformément à ce que la Cour suprême répète à tous les gouvernements : il faut trouver une solution législative pour mettre sur pied un gouvernement des Premières Nations au Canada. Les mesures législatives confèrent un mandat et une stabilité à long terme à nos institutions. Les mesures législatives et les institutions des Premières Nations donnent confiance aux investisseurs et aux bailleurs de fonds et, surtout, à nos collectivités participantes.

Les modifications de la LGFPN prévues dans la Loi d’exécution du budget constituent une nouvelle étape vers l’amélioration de notre cadre. Nos institutions sœurs ont présenté d’importantes modifications à leurs dispositions. La commission de la fiscalité a présenté certaines modifications techniques et certaines modifications de fond. Toutes les modifications sont importantes pour renforcer la LGFPN; elles sont toutes soutenues par les institutions financières. Je vous exhorte à soutenir toutes ces modifications. Je peux vous assurer qu’elles permettront d’accroître les avantages fiscaux et économiques des Premières Nations participantes.

Même si les modifications que nous avons proposées sont importantes, j’aimerais insister sur un aspect durant ce court exposé. Je fais allusion aux modifications de l’article 35 et au nouvel article 141.2. Les modifications de l’article 35 confèrent à la commission d’importants nouveaux pouvoirs d’élaboration de normes pour soutenir les Premières Nations qui souhaitent exercer leurs pouvoirs en matière d’imposition sur les réserves communes, y compris à l’aide de délégations. L’article 141.2 proposé permettra la création d’un vaste cadre réglementaire de sorte que les Premières Nations sur des terres de réserve communes puissent bénéficier de la LGFPN de manière plus efficiente.

Il y a 12 jours, j’étais à Winnipeg pour rencontrer de hauts représentants du gouvernement provincial. Plus tard, j’ai rencontré un groupe de maires et de chefs de la région de Winnipeg. Leur principal problème, c’est le projet de mise en valeur d’anciennes casernes militaires sur une surface de 160 acres au milieu de Winnipeg. Le site s’appelle Kapyong. Sept Premières Nations ont signé une entente de principe pour créer une réserve urbaine. Ce serait la plus grande réserve urbaine de l’histoire du Canada.

D’après les estimations provisoires, le potentiel économique et l’incidence fiscale des activités de mise en valeur à Kapyong incluent un investissement de près d’un demi-milliard de dollars, des emplois équivalant à plus de 30 000 années-personnes, une augmentation annuelle des dépenses de plus de 100 millions de dollars, plus de 10 millions de dollars en impôts locaux annuels et plus de 30 millions de dollars d’autres taxes annuellement. Il s’agirait de l’un des plus importants projets de développement économique au Manitoba, province qui, comme l’a signalé le directeur parlementaire du budget, fait face à un enjeu de viabilité budgétaire et pourrait profiter de cette croissance économique.

Toutefois, comme je l’ai appris, le projet de Kapyong se heurte à un obstacle. Les Premières Nations doivent établir un système d’imposition sur leur réserve commune proposée. Elles doivent négocier des ententes de service afin d’offrir les services et l’infrastructure nécessaires à leurs investisseurs résidentiels et commerciaux. Elles ont besoin d’élaborer un plan commun de développement avec la ville, et possiblement solliciter la participation des provinces.

La commission de la fiscalité et moi tentons de résoudre ces problèmes pratiques depuis les 30 dernières années. Nous connaissons la fiscalité des Premières Nations. Nous comprenons l’infrastructure commerciale. Nous savons comment faciliter la négociation d’ententes de service et de plans d’aménagement conjoints des terres. La province, les maires et les chefs demandent notre aide. Grâce à cette modification, nous pensons pouvoir aider ces Premières Nations, Winnipeg et le Manitoba à bénéficier plus rapidement des avantages de Kapyong.

Toutes les modifications dont vous êtes saisis sont importantes, mais j’aimerais vous parler de modifications que j’aurais aimé voir, mais qui ne sont pas proposées. D’abord, j’aimerais inclure le mot taksis dans notre législation, puisqu’il s’agit du mot chinook pour désigner les taxes.

Ensuite, nous demandons que le mandat de la Commission de la fiscalité des Premières Nations, la CFPN, soit officiellement élargi de sorte que la commission puisse continuer à conférer plus de pouvoirs d’imposition aux Premières Nations.

Comme vous le savez, nous militons pour l’octroi de pouvoirs fiscaux et réglementaires aux Premières Nations à l’égard du cannabis. Nous voulons améliorer le système de taxation des biens et services des Premières Nations et avons présenté des modifications précises pour y parvenir.

Nous travaillons également avec les Premières Nations concernées et des représentants du gouvernement provincial de l’Ontario pour promouvoir les pouvoirs de taxation du tabac. Nous présentons une proposition afin de créer un système de redevances pour les Premières Nations sur les projets d’exploitation des ressources et d’indemniser les entreprises qui paient ces redevances au moyen d’un crédit d’impôt fédéral, de façon à améliorer le climat fiscal relativement aux investissements canadiens.

Nous faisons valoir des propositions pour mettre sur pied un institut de l’infrastructure des Premières Nations, un organisme de statistique ainsi qu’un registre des titres fonciers des Premières Nations, et nous avons proposé d’élargir le système de formation accréditée pour toutes ces nouvelles compétences au Tulo Centre of Indigenous Economics.

Nous avons réussi à faire progresser ces initiatives dans le cadre d’une nouvelle compétence fondée sur une option de relation fiscale de sorte que les Premières Nations puissent bénéficier d’une voie claire et soutenue par des institutions pour abandonner la Loi sur les Indiens et mettre en œuvre ces compétences.

La LGFPN fonctionne et devrait être élargie. Nous allons collaborer avec Services aux Autochtones et nous espérons que les ministères des Finances et de la Santé vont mettre au point et présenter cette modification du mandat au printemps. Comme vous le savez, les ministres de la Santé et des Services aux Autochtones ont promis au comité que, à tout le moins, ils corrigeraient l’erreur de ne pas tenir compte des gouvernements des Premières Nations dans le cadre financier et réglementaire concernant le cannabis. Vos efforts soutenus pour assurer la réalisation de cet engagement sont essentiels.

Comme je l’ai dit, nous sommes prêts à appuyer un certain nombre de modifications dans ces domaines. Dans un monde idéal, elles pourraient être présentées dans la Loi d’exécution du budget au printemps prochain. En mai, nous prévoyons rencontrer les Premières Nations visées par la LGFPN qui soutiennent et attendent ces changements. Elles espèrent toutes que nous soyons à la hauteur.

Nous bénéficions depuis longtemps d’une excellente relation de travail avec ce comité. Ensemble, nous avons apporté des changements législatifs qui ont aidé les Premières Nations et tous les Canadiens. Ensemble, nous avons réalisé des progrès et nous avons créé un algorithme pour permettre aux Premières Nations qui le souhaitent d’éliminer l’application de la Loi sur les Indiens et la compétence du ministère des Affaires autochtones à leur égard. Nous pouvons et devons faire plus.

Je vous demande d’appuyer les modifications dont vous êtes saisis. Je vous demande de nous aider à proposer plus de modifications au printemps prochain. Comme mes ancêtres l’ont dit il y a 118 ans au premier ministre Wilfrid Laurier : « Nous nous aiderons les uns les autres à être bons et grands. »

Merci beaucoup.

La présidente : Merci, monsieur Jules.

Harold Calla, président exécutif, Conseil de gestion financière des Premières Nations : Merci au comité de m’avoir invité.

Je vais vous expliquer les modifications de manière plus détaillée. Le comité doit comprendre que nous comptons maintenant des années d’expérience, et que nombre des choses que nous avons proposées découlent de notre engagement envers les collectivités des Premières Nations qui nous demandent, en tant qu’institutions, d’apporter certains changements à la loi afin qu’elles puissent en bénéficier. Il s’agit d’un aspect important à comprendre. Ces modifications sont dictées par ces institutions et notre clientèle.

La première chose que nous allons aborder, c’est l’élargissement de la portée du CGF pour inclure les Premières Nations dont le nom ne figure pas à l’annexe; les conseils tribaux; les groupes autochtones parties à un traité ou à un accord de revendications territoriales ou à une entente sur l’autonomie gouvernementale; les entités qui appartiennent à une Première Nation ou qui sont contrôlées par une Première Nation, pourvu que leur mandat vise principalement la promotion du bien-être et de l’avancement des peuples autochtones; et, enfin, les organismes sans but lucratif créés pour assurer la prestation de services publics, notamment en ce qui concerne l’assistance sociale, le logement, les loisirs, la culture, la santé ou l’éducation, aux groupes ou peuples autochtones. Ce sont toutes des organisations des Premières Nations, et les représentants de ces organisations viennent de collectivités, dont bon nombre sont nos clients. Nous voyons les avantages et les possibilités dont elles pourraient possiblement se prévaloir également.

L’intention est de conférer au CGF le pouvoir d’établir des normes et des procédures, et nous produirions un rapport de conformité répertoriant ses observations, un peu comme celui qui est actuellement produit au titre de l’article 50 pour les Premières Nations dont le nom figure à l’annexe. Toutefois, ce nouvel article n’autorise pas l’approbation d’un règlement ou la délivrance d’un certificat de rendement financier ou de système de gestion financière à ces entités. Ce sera encore réservé aux Premières Nations figurant à l’annexe. Il n’est pas nécessaire d’adopter un règlement pour mettre en œuvre cette portée élargie.

Le nouvel article 56.1 confère le pouvoir d’adopter un règlement qui permettrait au CGF de fournir des services sous le régime de la partie 3 de la LGFPN aux Premières Nations dont le nom ne figure pas à l’annexe et aux entités que j’ai déjà mentionnées. À l’heure actuelle, le CGF ne peut fournir ses services qu’aux Premières Nations dont le nom figure à l’annexe. De nombreuses collectivités et organisations veulent se présenter devant nous, mais, techniquement, nous ne sommes pas censés leur fournir de services, et cette disposition clarifiera cet état de fait. Encore une fois, ce sera dans les domaines de l’administration ou des structures financières des organisations qui assurent la gouvernance et le rendement financier, en plus de fournir les systèmes de gestion financière. Le pouvoir de réglementation ne pourrait pas être utilisé pour permettre au CGF d’exercer son pouvoir d’intervention à l’égard de ces Premières Nations ou entités.

Parallèlement, sous le régime du nouvel article 141.1, nous aurons le pouvoir d’adopter un règlement qui permettrait l’établissement d’organismes sans but lucratif chargés de fournir des services publics, y compris au chapitre de l’assistance sociale, du logement, des loisirs, de la culture, de la santé et de l’éducation. L’Autorité sanitaire des Premières Nations de la Colombie-Britannique, qui s’intéresse à la monétisation de ses transferts provenant du gouvernement fédéral afin de pouvoir fournir des postes de soins infirmiers beaucoup plus rapidement qu’elle le pourrait autrement sous le régime de la LGFPN, en est un exemple. Encore une fois, ces demandes doivent nous être envoyées par ces genres d’organisations.

Le même principe s’applique aux conseils tribunaux. Il y a environ six ou sept ans, quand j’étais en Saskatchewan, le conseil tribal de Meadow Lake a posé des questions au sujet de l’obtention de services et de l’accès à un fonds commun d’emprunt, et, encore une fois, nous observons ce phénomène. Au moment où le gouvernement du Canada commence à parler de regroupement des Premières Nations, cette disposition particulière deviendrait cruciale, tout comme les réserves communes, dont parlait Manny.

Nous voulons regrouper tous ces éléments, et nous voulons être dans une situation où nous avons la capacité de permettre aux Premières Nations de se rassembler et de se prévaloir des services prévus dans la Loi sur la gestion financière relativement aux réserves communes, à l’imposition, à la gestion budgétaire, à l’accès aux capitaux et au renforcement des capacités, ce qui est quelque chose d’important pour les collectivités autochtones.

Nous avons besoin de précisions concernant les pouvoirs d’intervention. Je n’entrerai pas dans les détails juridiques, mais il importe de comprendre que nous n’élargissons pas la portée de notre pouvoir d’intervention au moyen de ces modifications. Nous précisons les pouvoirs existants dans le but d’éviter de futures contestations judiciaires.

Concernant la protection de responsabilité civile, à mesure que nous continuerons d’étendre les services que nous offrons en tant que conseil aux Premières Nations et, actuellement, au ministère fédéral des Services aux Autochtones relativement à des subventions de 10 ans, nous devons nous retrouver dans une situation où les personnes qui font don de soi afin de siéger à leur conseil puissent le faire sans que ce soit à leur risque et péril.

Le fonds commun d’emprunt destiné aux Premières Nations signataires d’un traité et autonomes présente un problème important. C’est le cas depuis des années. Nous avons bon espoir qu’un règlement sera adopté bientôt, mais, encore une fois, ces organisations sont dans une situation où elles ne sont plus des bandes au sens de la Loi sur les Indiens. Nous devons être en mesure de leur fournir des services et de leur procurer l’accès aux mêmes possibilités que celles auxquelles ont actuellement droit ces bandes sous le régime de la Loi sur les Indiens, et ces modifications seront utiles à cet égard.

L’accès à l’argent des Premières Nations détenu en fiducie à Ottawa est quelque chose d’important pour nous, et c’est une autre affaire dont les collectivités nous ont parlé. Elles affirment vouloir être dans une situation où elles ont accès à cet argent et que la LGFPN peut appuyer cet accès. Ce dont il est question, c’est de nous assurer que, de façon facultative... Et tout cela est facultatif. C’est un autre élément important. Les Premières Nations décident de participer. Elles en font le choix ou bien leurs organisations le font. Au moment où elles choisissent d’obtenir l’accès à leur argent qui est détenu en fiducie et de prendre des engagements, nous voulons qu’elles aient la possibilité de le faire, et elles le pourraient au titre d’un cadre qui les amènerait à établir une loi en matière d’administration financière et à examiner le rendement financier et les systèmes de gestion financière afin que nous ayons le genre de diligence raisonnable qui est requise.

Le succès de la LGFPN est facile à constater, et Manny a donné une bonne explication concernant un grand nombre de ces réalisations. Ce que nous observons, au Conseil de gestion financière, dans le cadre de la discussion concernant les subventions de 10 ans, c’est la participation exceptionnelle des collectivités autochtones qui étudient et envisagent cette possibilité. L’un des faits les plus frappants qui sont ressortis de cet exercice, c’est que, d’après notre analyse de leurs états financiers, de 85 à 90 p. 100 des Premières Nations du pays répondent aux critères en matière de rendement financier, et cela leur donne accès aux marchés de capitaux avec une cote de solvabilité de A+. Je pense que cela en dit beaucoup en ce qui concerne le renforcement des capacités et l’amélioration de la gestion des finances au sein des collectivités autochtones et que cela continue à montrer pourquoi une approche fondée sur les compétences visant à accroître notre capacité d’exercer notre pouvoir d’accroître les recettes peut être adoptée d’une manière responsable et transparente qui présente un risque minime pour la Couronne.

Merci.

La présidente : Je vous remercie, monsieur Calla. Nous allons maintenant céder la parole aux sénateurs afin qu’ils posent des questions.

La sénatrice Coyle : Je vous souhaite la bienvenue à tous les trois. Comme vous le savez, vous êtes là pour mieux nous orienter dans notre processus décisionnel relatif à la Loi d’exécution du budget. D’après ce que je crois comprendre, vous orientez ces aspects de la loi et, pour l’instant, vous êtes satisfaits parce qu’ils reflètent les divers éléments que vous venez tout juste de nous mentionner, alors vous ne contestez actuellement rien de ce qu’elle contient. D’après les propos tenus par M. Jules, je crois comprendre que, bien entendu, entre le mois de décembre et le moment du dépôt du budget, vous espérez faire un peu plus de progrès à l’égard de certaines autres affaires, mais ce n’est pas de cela que nous sommes venus parler aujourd’hui. Je voulais simplement le préciser. Je vous vois hocher la tête, alors je pense que vous confirmez mon interprétation. Vous avez expliqué la situation très clairement, alors ce n’était pas difficile à comprendre, même pour moi.

J’ai seulement une simple question à poser parce que je tente de comprendre un peu la nuance de ce dont vous parlez. Monsieur Jules, vous avez donné l’exemple de Winnipeg, où se présente une occasion vraiment formidable qui, à ce que je crois savoir, pourrait offrir toutes sortes de possibilités pour les Premières Nations qui sont les promoteurs du projet ainsi que pour la Ville de Winnipeg et le Manitoba.

Vous avez mentionné le fait que l’article 35, avec le nouvel article 141.2, confère au conseil les pouvoirs cruciaux permettant d’adopter des normes pour appuyer les Premières Nations qui souhaitent exercer leurs pouvoirs en matière d’imposition dans les réserves communes, y compris au moyen de délégations. Pourriez-vous nous donner une interprétation de ce que vous entendez par « à l’aide de délégations »? Je voudrais comprendre cette expression. Je sais qu’il existe des précédents, alors j’aimerais également obtenir d’autres exemples afin que nous puissions comprendre ce qui est proposé.

M. Jules : En résumé, l’expression signifie qu’une Première Nation serait en mesure de déléguer son pouvoir prévu dans la loi à un organisme commun. Actuellement, la loi confère à chaque nation autochtone un pouvoir en matière d’imposition. Ce que cela signifie, c’est que, si sept collectivités se réunissaient, comme c’est le cas à Winnipeg, elles pourraient déléguer à une organisation centrale la gestion du pouvoir d’imposition pour l’ensemble des collectivités. Nous voyons cette pratique se répéter dans toutes les réserves communes de l’ensemble du pays, alors ce n’est pas qu’un cas isolé au Manitoba. C’est un enjeu national.

Simplement pour vous présenter un peu le contexte des discussions qu’on tient là-bas, comme je l’ai mentionné dans mon exposé, je suppose que la dernière fois que j’ai comparu, j’ai évoqué le fait que le directeur parlementaire du budget affirmait que le Manitoba, suivi de l’Île-du-Prince-Édouard, était sur le point de déclarer faillite d’ici une génération. C’est en raison des contraintes budgétaires qui sont exercées sur les collectivités et du fait que les Premières Nations ne participent pas activement dans toute la mesure du possible aux activités économiques qui ont lieu sur le territoire de ces provinces.

J’ai rencontré le représentant du gouvernement provincial à l’échelon du sous-ministre, et nous allons travailler avec ces personnes, non seulement sur ce projet de mise en valeur, mais aussi en ce qui a trait au reste des droits fonciers issus des traités — les DFIT — ainsi qu’aux composantes budgétaires qui sont nécessaires pour que les Premières Nations puissent participer aux échelons provincial et national et, par conséquent, à l’économie mondiale. En outre, nous avons donné suite à ces discussions par la tenue d’une rencontre avec les maires.

Une situation intéressante s’est produite. Nous sommes actifs au Manitoba depuis un certain nombre d’années, mais ce n’est qu’au moment où nous avons rencontré les maires et les chefs ensemble que les deux groupes ont dit : « Nous voulons travailler avec vous afin de régler ce problème. Nous savons que nous tentons de composer avec depuis les cinq ou six dernières années, mais réglons-le. » Ainsi, il y a une nouvelle volonté, non seulement au sein des Premières Nations, mais aussi chez les maires et au sein des conseils municipaux et du gouvernement provincial, de s’attaquer à ces problèmes, et c’est d’une importance cruciale pour le bien-être général du pays. Si vous pouvez imaginer une province éprouvant des difficultés, cela concerne toute la formule de péréquation qu’applique le Canada, et nous en faisons fondamentalement partie. Je considère que notre tâche consiste à nous assurer que les Premières Nations font partie de l’économie.

En résumé, voilà la réponse.

La sénatrice Coyle : Merci, monsieur Jules. J’ai une question complémentaire à poser. Nous tous ici présents sommes préoccupés — et je suis certaine que vous l’êtes également — par la question de la participation au processus décisionnel. Selon mon interprétation, que je vous demande de corriger, dans le cas que vous présentez aujourd’hui, c’est le gouvernement du Canada qui suit votre exemple à l’égard de ces enjeux. Je voudrais vous entendre nous parler un peu de la façon dont cela fonctionne. Dans le cadre de votre explication, pourrions-nous vous entendre nous parler un peu de la participation des gens qui sont derrière vous, les collectivités mêmes? Merci.

M. Jules : Fondamentalement, toutes les modifications qui sont proposées l’ont été par les institutions mêmes. Il existe des problèmes sur le terrain avec lesquels nous devons composer régulièrement dans l’ensemble de nos collectivités membres. La façon dont elles décident de se prévaloir de la loi facultative est relativement simple. Elles tiennent des discussions à l’échelon communautaire et à celui du conseil. Elles adoptent une résolution du conseil de bande afin que leur nom soit inscrit à l’annexe. Cela nous indique qu’elles veulent se prévaloir de la loi facultative et appliquer les principes sous-jacents des institutions, ce qui, espérons-le, les mènera à une plus grande autonomie.

C’était l’un des messages clés à l’intention de la province et des maires : une fois qu’ils reconnaissent la compétence d’une Première Nation, cela facilite toutes leurs tâches. L’histoire que j’ai racontée aux maires c’est que quand j’ai commencé à m’occuper des pouvoirs en matière d’imposition, je me suis heurté à une résistance exceptionnelle de la part des municipalités de la Colombie-Britannique, mais, une fois qu’elles ont compris qu’elles n’étaient pas en position de percevoir des taxes qui seraient en arrérages et que ce serait la Première Nation qui pourrait le faire, en raison de la loi, cette compréhension a changé fondamentalement la relation de travail entre les maires, le chef local et le conseil. Ce sera le cas au Manitoba également.

Le mandat est établi à ce que nous considérons comme l’échelon local et communautaire et remonte jusqu’à l’échelon national. Quant à moi, il y a une volonté, et nous avons pu le voir grâce à la croissance exceptionnelle. Pour que l’on puisse atteindre cet objectif, il faut un fondement législatif. Il ne suffit pas de passer des contrats.

La sénatrice Coyle : Vous avez mentionné le terme « facultatif ».

M. Jules : C’est exact.

La sénatrice Coyle : Pourriez-vous nous l’expliquer?

M. Jules : « Facultatif » signifie que les collectivités ont un choix. Elles peuvent faire cavalier seul, ce à quoi nous sommes favorables, ou bien se regrouper, et cela renforce les Premières Nations partout au pays.

Ce principe accompagne également la notion que j’ai présentée lors de notre dernière comparution devant le comité, c’est-à-dire le fait de considérer les Premières Nations comme étant, au bout du compte, une 11e province. Cela ne signifie pas que chacune des collectivités autochtones est moins souveraine ou qu’elle possède moins de compétence; cela veut dire que le moyen le plus facile d’aborder la situation est par la création d’institutions nationales qui faciliteront le processus et l’offre de services de soutien institutionnels à l’échelon local et qui permettront de s’assurer que les membres de la collectivité ont reçu une formation leur permettant d’en tirer profit et, encore une fois, de comprendre les principes qui sous-tendent l’approche législative.

La sénatrice Coyle : Merci.

M. Calla : Il importe de reconnaître que les efforts que nous déployons dans le but de sensibiliser les collectivités sont continuels. Nous intervenons auprès de ces collectivités tout le temps. Le monde a changé considérablement depuis 2005, quand cette loi a été adoptée. De nombreuses collectivités ont maintenant des possibilités économiques qu’elles n’avaient jamais eues auparavant. Nos interventions auprès de ces collectivités apportent une compréhension qui n’y était pas nécessairement, de même qu’un mécanisme de soutien pour renforcer les capacités dont elles ont besoin. Cela va dans les deux sens. Nous allons communiquer notre expérience, et elle nous raconte la leur. Dans bien des cas, c’est ainsi que fonctionne cette mobilisation. Nous comprenons les défis auxquels elles font face.

L’autre chose qui est en train de se produire — Manny y a fait allusion, et nous tiendrons une autre rencontre en mai, encore une fois appuyée par le ministère —, c’est le rassemblement de toutes les collectivités régies par la LGFPN et par la Loi sur la gestion des terres des premières nations et la tenue d’un dialogue entre elles et nous afin de promouvoir ces genres de positions. Nous avons tenu une réunion en mai dernier. Les choses dont Manny parle en ce qui a trait à un programme et à des modifications ultérieures sont celles que ces collectivités ont approuvées à ce moment-là. Nous continuerons d’utiliser ce cadre afin d’obtenir l’approbation sociale nécessaire pour nous présenter ici et nous adresser à vous.

M. Jules : J’ai seulement un dernier argument à formuler. L’une des choses qui sont d’une importance cruciale à propos du projet de loi, c’est qu’il s’agit en réalité d’un organisme vivant. Une fois qu’on a un mandat prévu par la loi, on peut passer à l’action et apporter les modifications nécessaires à mesure que les situations évoluent ou changent. L’une des choses que j’ai remarquées dans le cas de beaucoup de collectivités qui ont conclu une entente sur l’autonomie administrative qui a force de loi ou un traité-loi, c’est que ces documents deviennent figés dans le temps. Ils sont figés à un moment ou un endroit particuliers de l’histoire, alors que nous préconisons l’établissement d’un mécanisme qui finirait par changer et par évoluer en temps voulu, et au moment où les compétences devront être étendues. À mes yeux, il s’agit d’une occasion incroyable et formidable pour nous tous de pouvoir participer à cette initiative.

La sénatrice Coyle : Merci. Il s’agit d’une distinction très importante que nous devons comprendre.

Le sénateur Tannas : Merci de votre présence. Je suis toujours ravi d’avoir de vos nouvelles.

Nous venons tout juste de tenir une bonne discussion au sujet de certains des éléments à propos desquels je voulais vous poser des questions. Comme vous le dites, les modifications qui nous ont été présentées ont été proposées, essentiellement, par les institutions mêmes, et c’est excellent. C’est ainsi que cela devrait être.

J’ai quelques questions à poser. Avez-vous obtenu tout ce que vous aviez demandé dans le cadre de ces négociations et ce dont vous, en tant qu’institutions, aviez affirmé avoir besoin, ou bien y a-t-il eu le moindre picorage, à défaut d’un meilleur terme?

Ensuite, il importe que le dialogue et le cycle d’élaboration se déroulent plus rapidement. Avez-vous l’impression d’être sur la bonne voie d’une certaine manière, pour accélérer le cycle, de sorte que vous puissiez obtenir les améliorations dont vous avez besoin plus rapidement que vous ne les avez obtenues au cours des 13 dernières années?

M. Calla : Nous n’avons pas obtenu tout ce que nous voulions. Nous avons obtenu des modifications administratives qui ont été qualifiées ainsi, et nous étions heureux de cela. Il y a plus. Comme l’a affirmé Manny, il s’agit d’un organisme vivant. Nous allons examiner des modifications dans l’avenir. Les efforts déployés par le Canada et par l’Assemblée des Premières Nations dans le cadre d’une nouvelle relation de nation à nation et d’une nouvelle relation fiscale vont nous amener à envisager d’autres modifications visant à appuyer ce processus. Je ne sais pas vraiment si qui que ce soit obtient jamais tout ce qu’il veut, surtout à Ottawa, mais nous en avons obtenu assez pour nous sentir à l’aise quant au fait que nous pouvons répondre aux collectivités qui se sont présentées devant nous et qui ont demandé : « Pouvez-vous nous aider dans ce domaine? »

Nous devons prendre certaines mesures structurales qui sont soutenues par une relation fiscale axée sur les compétences, ainsi que par les institutions et les services de soutien qui seront requis pour ce faire. À mesure que Services aux Autochtones Canada sera éliminé progressivement — et c’est le terme qu’a employé le ministre —, nous allons devoir examiner nos lois et déterminer comment nous pourrons appuyer ce processus. Il y a beaucoup à venir et, encore une fois, votre soutien continuel sera essentiel à la réalisation de ces objectifs.

Le sénateur Tannas : À ce propos, je vais demander à M. Jules : pourquoi ne préparez-vous pas le terrain pour l’étape suivante? Vous avez mentionné une expansion de mandat. Pourriez-vous nous donner des détails à ce sujet?

M. Jules : Comme vous le savez, deux ministres ont adressé une lettre à votre comité, dans laquelle ils s’engagent à envisager d’apporter des modifications fondamentales à la Loi sur le cannabis et d’autres modifications à la Loi sur la taxe d’accise. L’une des choses avec lesquelles nous avons de la difficulté, c’est que nous nous demandons en quoi votre mandat vous permet de régler ces problèmes.

On ne saurait trop insister sur le précédent. Ce que nous nous efforçons de faire, depuis de nombreuses années, c’est travailler avec le ministère des Finances, par l’intermédiaire de la Loi d’exécution du budget, parce que c’est un projet de loi qui porte sur l’argent. Nous avons fait passer le travail que nous faisons à ce niveau. Il nous a fallu un certain nombre d’années pour y arriver. Nous devons complimenter le gouvernement au sujet de cette initiative, car elle envoie à elle seule un signal positif, selon lequel il ne s’agit pas d’une question de politique sociale; il s’agit fondamentalement d’une question économique. C’est un changement radical de la façon dont nous devons être perçus.

Afin d’atteindre une véritable relation financière, nous devons obtenir le mandat prévu par la loi qui nous permettra de le faire. On me pose souvent la question : quel genre de mandat avez-vous? Je réponds simplement : un mandat prévu par la loi. Lorsqu’une loi renforce la compétence, c’est plus éloquent que bien des promesses.

La sénatrice McCallum : Merci de vos exposés. Je suis heureuse de vous revoir. Vous faites un travail formidable.

Messieurs Jules et Calla, depuis 2005, quand le gouvernement fédéral a fondé la Commission de la fiscalité des Premières Nations et le Conseil de gestion financière des Premières Nations et qu’il vous a nommés, les autres membres et vous aux conseils de ces organismes, il y a eu une évolution marquée vers l’autonomie administrative et l’autodétermination. Que considérez-vous comme étant le rôle de votre conseil et de votre commission en cette ère de changement? Leur statut passera-t-il aussi de celui d’organismes gouvernementaux à celui d’organismes relevant des Premières Nations, de sorte que vous nommiez vos membres, et cetera? Comment voyez-vous vos organismes changer au moment où l’autonomie administrative entrera en vigueur?

M. Jules : Nous profiterons de la réunion du mois de mai afin d’amorcer ce dialogue. Nous devrons être en mesure d’établir un cadre institutionnel pour effectuer les nominations. Toutefois, comme on s’occupe de l’imposition de citoyens au-delà de ses propres membres, probablement que le commissaire en chef et le sous-commissaire de la commission de la fiscalité devront continuer d’être nommés par le gouverneur en conseil, car nous avons besoin d’une loi fédérale pour le faire.

Si nous examinons les autres aspects du volet des nominations, ce que nous envisageons et dont nous allons discuter avec les collectivités membres, c’est le genre de processus qui serait possible à cette fin. Jusqu’à maintenant, nous avons eu recours au Centre du droit autochtone du Canada, en Saskatchewan, pour effectuer une nomination. Nous travaillons avec les intervenants de ce centre. Ils procèdent à la nomination d’un des commissaires.

Il s’agit d’une compétence commune des Premières Nations et du gouvernement fédéral, alors, en fin de compte, je voudrais voir la majorité des commissaires être nommés par une autorité ou une institution autochtone, si on veut. Toutefois, nous devons également nous rappeler que nous représentons un peu plus que cela. Quand on s’occupe d’imposition, on a affaire non seulement aux entreprises citoyennes, mais aussi aux résidants des collectivités. Un de nos représentants s’occupe des questions résidentielles, et nous tenons des consultations approfondies avec la Fédération canadienne des contribuables ainsi qu’avec l’Association canadienne des pipelines, afin de nous assurer que nous entendons ce qu’ils ont à dire concernant les personnes qui devraient être nommées. Il est d’une importance cruciale que nous maintenions cette relation avec elles.

Fondamentalement, à mesure que nous progressons vers l’autonomie administrative, nous nous considérons comme favorables à cela. L’une des choses qui sont claires — et nous tentons de nous attaquer à ce problème depuis son apparition —, les Tsawwassen, les Maa-nulth et même les Nisga’a, d’ailleurs... une fois que ces nations ont amorcé le processus de traité en Colombie-Britannique, les gouvernements fédéral et provincial ont considéré que leur pouvoir fiscal découlait d’une compétence provinciale, pas de la compétence fiscale fédérale. Cette perception a entraîné beaucoup de problèmes chez ces collectivités membres. Elles veulent être régies par la LGFPN. Toutefois, en raison des contraintes prévues par la loi, plus particulièrement du gouvernement provincial, qui ne veut pas qu’elles cessent de relever de leur compétence pour relever de la compétence des Premières Nations, elles n’ont pas été en mesure d’accéder à l’Autorité financière des Premières Nations ni de miser sur leur compétence afin d’être sur le marché d’obligations international.

Le problème tient en partie au fait que leur création a eu lieu pas mal en même temps que celle de la LGFPN. Nous suivions tous deux le processus législatif en même temps, alors cette option ne leur était pas accessible à ce moment-là. Toutefois, elle l’est maintenant, et la partie qui nous oppose le plus de résistance est le gouvernement provincial.

Au moment où nous commençons à acquérir davantage d’autonomie administrative pour les collectivités autochtones, il s’agit de l’une des choses que je recommanderais au Sénat, c’est-à-dire que vous vous assuriez, en tant que sénateurs, que les choix qui s’offrent aux Premières Nations quant au recours à des institutions nationales sont encore à leur disposition.

M. Calla : Madame la sénatrice, il s’agit d’une excellente question parce que c’est la grande question, c’est-à-dire : comment pouvons-nous continuer à appuyer cette progression vers l’autonomie administrative? Je pense que ces institutions sont des centres d’expertise, de connaissance. Un grand nombre des personnes qui travaillent dans nos institutions sont elles-mêmes des Autochtones. Je pense que la plus grande contribution que nous aurons apportée d’ici un certain temps sera de nous rendre dans ces collectivités afin de les sensibiliser, de renforcer leurs capacités, de les éduquer, dans certains cas, de travailler avec d’autres organisations, comme AFOA Canada, afin d’apporter des connaissances et de l’expertise dans ces collectivités, et d’assumer certaines des responsabilités qui sont actuellement gérées par le ministère.

La question que nous nous posons tous est la suivante : si Services aux Autochtones doit être éliminé progressivement, en quoi sera-t-il transformé? Il faut que ce soit en institutions autochtones. Nous devons faire avancer les genres de conversations qui sont nécessaires pour que nous puissions créer des économies d’échelle par le regroupement et la mise en commun des services à l’appui de ces collectivités. Nous ne pouvons pas créer 634 systèmes au pays. Ce n’est tout simplement pas faisable, d’un point de vue financier, et nous ne disposons pas des ressources humaines nécessaires pour appuyer un tel exercice.

Ce que nous proposons afin d’appuyer le processus, ce sont des capacités, une compréhension et des connaissances fondées sur nos nombreuses années d’expérience dans ce domaine. Cela pourrait être extrêmement avantageux pour les collectivités autochtones. Le Canada appuie et continuera d’appuyer, de façon toujours croissante, cette activité des institutions.

Grâce à la LGFPN, nous avons montré que les initiatives menées par les Premières Nations ont remporté du succès, alors que ce n’est pas le cas des initiatives politiques. Nous devons être dans une position qui nous permet de continuer de soutenir l’accroissement de cette capacité dans ces collectivités, et de donner la confiance nécessaire à leurs responsables pour qu’ils puissent prendre des décisions qui s’imposent dans les situations auxquelles ils feront face. À quoi correspond un consentement libre, préalable et éclairé si vous n’avez pas la capacité ni la confiance?

La sénatrice McCallum : Vous avez dit qu’il faut abolir la Loi sur les Indiens. Certains gouvernements autonomes souhaitent conserver cette loi comme fondement, et n’apporter que des modifications aux dispositions qui leur posent problème. Je me demande quelle est la meilleure des deux approches.

M. Jules : Quand j’ai été élu comme membre d’un conseil pour la première fois, en 1974, nous avons occupé les bureaux du ministère des Affaires indiennes à Kamloops et à Vernon. Nous avons fait fermer ces bureaux. Ces fonctionnaires ont tout simplement été déplacés vers Vancouver, et ensuite vers Ottawa, parce qu’ils exécutent un mandat prévu par la loi. À ce moment, j’ai réalisé que, si nous refusions les fonds du gouvernement, nous n’avions pas d’économie. Nous n’avions aucun mécanisme propre nous permettant de prendre toutes ces responsabilités.

J’ai écouté avec intérêt les Nisga’a en particulier. Ils ont signé le premier traité moderne en Colombie-Britannique. Il ne s’agissait pas du premier traité moderne, bien entendu, puisque celui-là avait été signé par les Cris et les Naskapis au Québec. Quand ils ont d’abord examiné la Loi sur les Indiens... Je dis toujours qu’il s’agit d’un système qui a été inventé à la même époque que le télégraphe et que nous devons le changer. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de consensus à l’échelle nationale pour s’en débarrasser. Ce texte législatif compte parmi les cinq plus vieux au Canada, donc il sera difficile de l’éliminer.

J’ai choisi d’adopter l’approche qui consiste à élaborer des mesures législatives facultatives pour que les responsables de collectivités, comme l’a mentionné Harold, aient une voie claire à suivre et qu’ils puissent prendre des décisions par eux-mêmes. Cela ne signifie pas que, une fois leur collectivité ajoutée à l’annexe de la LGFPN, ils doivent faire ceci ou cela. Nous collaborons avec les responsables des collectivités pour nous assurer de nous adapter à leurs besoins particuliers.

Mon point de vue est simple. Je n’aime pas la Loi sur les Indiens et je souhaiterais la voir abrogée, mais il n’y a aucun consensus pour le faire. Comme mes dirigeants l’ont dit dans les années 1970 : « Dans cinq ans, nous souhaitons nous débarrasser de la Loi sur les Indiens. » Cela a été les cinq années les plus longues de ma vie.

M. Calla : Encore une fois, monsieur le sénateur, je crois que cela est très éclairant.

Le défi, c’est que nous tentons de définir notre relation avec la Couronne, c’est-à-dire le gouvernement fédéral et provincial, relativement à l’article 35. Il y a beaucoup de travaux en cours. Ce que nous entendons dire, et ce que j’entends toujours quand je me rends dans les collectivités, c’est qu’il existe une obligation fiduciale qui incombe au fédéral dans le paragraphe 91(24). Jusqu’à ce que nous soyons à l’aise pour définir quels seront nos droits au titre de l’article 35 et qu’ils soient inclus dans un texte législatif, comme Manny l’a dit, je crois qu’une approche facultative qui permet de se soustraire à l’application de certaines dispositions de la Loi sur les Indiens, selon son gré, est la bonne approche à adopter en ce moment. Dans ma propre collectivité, nous avons suivi cette voie quant à la participation à l’aide sociale à l’enfance et à la taxation. Cela peut fonctionner. Je crois qu’il y a moins d’appréhension de la part des membres de la collectivité. Personne n’aime la Loi sur les Indiens, mais tout le monde la connaît.

M. Jules : Il y a quelque chose qui revêt une importance cruciale, en particulier à l’extérieur de la Colombie-Britannique. C’est une des raisons pour lesquelles je propose d’établir notre propre système foncier en vertu du paragraphe 91(24). Actuellement, le gouvernement fédéral a empiété sur le paragraphe 91(24) en raison de ses propres mesures législatives, c’est-à-dire la Loi sur les Indiens et d’autres textes législatifs. Ma proposition est simple : nous devrions avoir notre propre système de titres fonciers en vertu du paragraphe 91(24). Je crois que cela faciliterait les choses en ce qui concerne les droits fonciers issus de traités.

J’ai été membre d’un comité de chefs qui examinait la question des terres, et nous avons eu à analyser les droits fonciers liés aux réserves d’un bout à l’autre du pays. En Colombie-Britannique, en raison du décret en conseil 1036 et du décret du Conseil privé 208, la responsabilité de toutes les terres des réserves a été transférée du gouvernement provincial au gouvernement fédéral. Cela ne s’est pas produit ailleurs au Canada. Dans les Prairies, je serai toujours perplexe quant à la raison qui pousse les aînés à affirmer qu’ils ont besoin de la Loi sur les Indiens, parce cela protégera leurs terres. De fait, cette loi les protège parce que, dans les Prairies, les droits de propriété sous-jacents à ces terres de réserve sont détenus par le gouvernement provincial. Le ministère des Affaires autochtones est responsable de l’administration de ces terres et des personnes qui les habitent, mais il ne détient pas les droits de propriété sous-jacents.

Si nous avions notre propre système de titres fonciers, nous serions en mesure de transférer les terres comme bon nous semble de façon à ce que nous en possédions le titre de propriété, et nous n’aurions pas besoin d’avoir recours à la Loi sur les Indiens pour soutenir la notion que, si cette loi n’existait pas, nous n’aurions pas les terres que nous avons aujourd’hui. Je le dis parce que cela met en lumière non seulement la complexité du problème auquel nous faisons face, mais aussi la méthode que nous avons choisi d’utiliser, qui est celle d’une loi facultative, tout en nous assurant qu’il existe un soutien et une base institutionnels pour soutenir les Premières Nations à mesure qu’elles franchissent les pas essentiels vers l’autodétermination.

Le sénateur Christmas : Je vous remercie encore une fois d’avoir consacré du temps et de l’énergie pour venir jusqu’à Ottawa afin de nous aider à comprendre ces questions. Je crois que je peux dire au nom de tous mes collègues ici que nous sommes reconnaissants du travail que vous effectuez. Pour ma part, j’admire le travail assidu que vous effectuez et l’innovation que vous apportez. À mes yeux, il semble que vous réalisez l’autonomie gouvernementale d’une façon concrète que nos peuples peuvent accepter et utiliser et qui leur permet de progresser à leur rythme.

Le sénateur Patterson : Bravo!

Le sénateur Christmas : Cela facilite notre travail quand vous venez nous dire que vous appuyez entièrement ces modifications et que vous avez pris part au processus menant à leur élaboration et à leur proposition. D’après ce que je comprends, monsieur Calla, vous n’avez pas obtenu tout ce que vous souhaitiez, mais vous êtes satisfait des modifications apportées. Voilà un exemple de ce à quoi devraient ressembler les relations entre la Couronne et les Autochtones, c’est-à-dire qu’avant qu’une mesure législative n’arrive à cette table, les personnes touchées devraient être en mesure d’y consentir et d’exprimer leur accord. Je suis très satisfait de cela.

La semaine dernière, nous avons reçu des membres du Conseil consultatif des terres des Premières Nations. Ils nous ont aussi dit qu’ils appuyaient les modifications apportées à la Loi sur la gestion des terres des premières nations. J’en suis heureux.

Monsieur Jules, j’aimerais savoir pourquoi vous avez mentionné que le mot en langue autochtone désignant les taxes a été supprimé du texte législatif?

M. Jules : Je souhaitais qu’il soit inclus.

Le sénateur Christmas : Vous vouliez qu’il soit inclus, mais que s’est-il passé?

M. Jules : Je vous prépare en vue de la prochaine Loi d’exécution du budget. Je dis cela parce que partout où je vais, que je rencontre des politiciens issus des Premières Nations, des députés ou d’autres politiciens, on me dit toujours : « Manny, comment se fait-il que vous ne puissiez pas utiliser un autre mot que ” taxes ”? » Je réponds : « Oui, j’utilise un autre mot, et je l’épelle différemment : t-a-k-s-i-s. »

Ce que je souhaite, c’est que l’on reconnaisse ce concept de façon formelle dans les mesures législatives auxquelles nous sommes assujettis. Cela signalerait aux membres des Premières Nations et à tous les Canadiens qu’il s’agit d’une notion que nous avons utilisée jusqu’à ce que nous soyons écartés par la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Christmas : Je sais que le sénateur Tannas a abordé cette question, et que vous avez répondu en partie, mais comment se déroulent vos négociations ou vos discussions avec les responsables du ministère des Finances et ceux de Santé Canada concernant le cadre de travail relatif au cannabis?

M. Jules : Nous aurons une rencontre en janvier. J’espérais que nous aurions discuté de choses plus importantes, si vous voulez, avant Noël et avant la visite du père Noël. J’espérais que nous serions sur sa liste, mais nous ne le sommes pas. Nous poursuivrons les discussions au début de janvier. Je demeure optimiste que nous puissions faire des progrès avant le printemps ou l’été. Les discussions se déroulent dans un cadre informel, et c’est une des raisons pour lesquelles je demande d’étendre la portée du mandat de la commission de la fiscalité, de même que celui d’autres organisations, afin que nous puissions avoir pour mandat de traiter avec les responsables du ministère des Finances, du ministère de la Santé et d’autres ministères fédéraux.

Le sénateur Christmas : Entrevoyez-vous que ces discussions pourraient aboutir à l’ajout d’une mesure dans le budget de 2019?

M. Jules : Ce qui était intéressant des discussions tenues avec les responsables des Finances et de Santé Canada, c’est qu’ils n’avaient pas entendu les propositions. Ils avaient rencontré les responsables des collectivités de façon séparée. Bien entendu, quand vous traitez avec une collectivité en particulier, vous portez votre attention sur cette collectivité et ne menez pas un examen de portée nationale, ce qui est ce que vous devez faire dans ce cas en particulier. Pour dire les choses simplement, quand vous examinez la Loi sur la taxe d’accise, elle doit être fractionnée en deux parties, et ils n’avaient pas entendu parler de cette approche auparavant. C’est la même chose pour les responsables du ministère de la Santé. Après deux ans de consultation, j’étais complètement sidéré du fait qu’ils n’avaient pas entendu parler de ces concepts auparavant.

Cela témoigne de l’étendue des consultations qu’ils ont menées. Elles ne correspondaient pas vraiment à ce qu’elles auraient pu être. En conséquence, j’ai rencontré beaucoup de responsables de collectivités des Premières Nations partout au pays, et je me suis exprimé devant de grands groupes. Je commence toujours par la notion de taksis. Voici comment j’explique la chose.

Quand les membres des Premières Nations commencent à réaliser que la Loi sur la taxe d’accise s’applique aussi à eux, on assiste à un réveil. Bon nombre d’entre eux ne saisissent pas que quand ils font le plein à une station de service, qu’elle soit située ou non sur une réserve, ils paient une taxe d’accise sur l’essence, le tabac et l’alcool, et que cela s’appliquera aussi au cannabis. Une fois que vous leur expliquez que 75 p. 100 de ces revenus de taxation seront partagés non pas avec nous, mais avec les gouvernements des provinces, ils prennent une autre inspiration et s’exclament : « Quoi? » Il y a beaucoup de soutien partout au pays, et il augmente, pour créer un organisme national devant traiter de cette question afin que nous puissions au bout du compte avoir notre mot à dire, appliquer une réglementation à ces produits de façon nationale et obtenir une part équitable de la taxe d’accise qui sera perçue auprès de nos citoyens.

Le sénateur Christmas : Merci, monsieur Jules.

Monsieur Calla, je suis très heureux d’apprendre que le mandat du Conseil de gestion financière a été étendu pour comprendre l’ensemble de la liste des organisations des Premières Nations, des conseils tribaux aux organismes d’autonomie gouvernementale, en passant par les organismes à but non lucratif. Je suis certain que vous avez déjà prévu cela, mais je vais vous poser la question : vu toute cette croissance de l’organisation, avez-vous la capacité, le budget et le personnel nécessaires? Je sais que vous avez des bureaux partout au Canada, mais comment prévoyez-vous l’agrandissement de l’organisation pour être en mesure d’offrir des services à ce nouveau groupe de clients?

M. Calla : Grâce à la réponse du ministère et au budget qui a été annoncé, nous avons augmenté de façon importante le financement des institutions — en particulier du Conseil de gestion financière — pour répondre au besoin de croissance. Cela se poursuivra, et nous continuerons de faire valoir, au moyen de nos plans administratifs et de nos discussions avec les responsables du gouvernement, les besoins en matière de ressources humaines pour réaliser ce mandat accru.

L’autre chose importante qui s’annonce, c’est que le Conseil de gestion financière commencera aussi à effectuer une forme de surveillance de certains éléments — des subventions sur 10 ans, par exemple —, et cela augmentera aussi la demande.

Ce qui est heureux dans le cas de nos institutions, pour être franc, c’est que les gens veulent venir travailler pour nous. Il est arrivé plus d’une fois que des personnes se sont présentées et nous ont dit : « Je souhaite venir travailler ici parce que je vois que vous voulez agir, et que vous faites véritablement quelque chose. » C’est pourquoi il n’a pas été difficile de trouver des personnes qui souhaitent travailler pour le Conseil de gestion financière, ou d’autres institutions.

Les modifications et les choses que nous examinons ne concernent pas seulement le Conseil de gestion financière; cela concerne également la commission de la fiscalité et l’administration financière. La monétisation des sources de revenus offre d’excellentes possibilités de soutien pour l’économie et le développement des collectivités de ces régions, et l’organisation de certaines de nos collectivités ne devrait pas être une raison qui les empêcherait de tirer profit de ce type d’initiatives.

Si les choses se font au niveau du conseil tribal plutôt qu’au niveau de la bande, nous devons le reconnaître et en tenir compte. Nous sommes actuellement en train d’élaborer quelques normes, au Conseil de gestion financière, en collaboration avec l’Autorité sanitaire des Premières Nations de la Colombie-Britannique pour déterminer ce à quoi ressembleraient une structure de gouvernance, le rendement financier, et ce sera différent. Nous réalisons ce travail, et nous continuons d’être soutenus par le ministère et le gouvernement. Cela doit être soutenu du début à la fin.

Le gouvernement doit reconnaître les demandes reçues par l’organisme et en tenir compte, et nous devrons étendre nos activités dans les régions pour pouvoir soutenir ces collectivités. C’est pourquoi nous sommes ravis de travailler avec l’Association des agents financiers autochtones du Canada et de chercher avec elle comment elle pourrait contribuer à soutenir le renforcement des capacités nécessaire dans ces collectivités.

C’est beaucoup de travail, mais c’est un travail stimulant, et nous sommes capables de le faire aujourd’hui. À l’avenir, si le ministère continue à répondre aux demandes croissantes de nos institutions, la voie à suivre sera clairement tracée.

La présidente : Nous avons presque épuisé le temps dont nous disposions, mais j’aimerais donner l’occasion à chacun de nos nouveaux membres de poser une question.

Le sénateur Francis : Manny, vous avez mentionné tout à l’heure que le Manitoba et l’Île-du-Prince-Édouard sont au bord de la faillite. Je viens de l’Île-du-Prince-Édouard, j’aimerais donc savoir si vous pouviez m’en dire davantage.

M. Jules : Le directeur parlementaire du budget a fait une analyse, comme il en fait régulièrement, et présenté un rapport au Parlement. Dans ce rapport, il souligne que le Manitoba et l’Île-du-Prince-Édouard pourraient être en situation de faillite d’ici une génération, en résultat d’un certain nombre de facteurs.

Ma propre analyse indique que les Premières Nations doivent faire partie intégrante de l’économie. Si nous ne participons pas à l’économie, il y a aura de plus en plus de collectivités et de provinces qui feront face à ce dilemme à l’avenir. Comment paie-t-on les soins de santé? Comment paie-t-on l’éducation? Les Premières Nations doivent participer à ce genre de questions fondamentales et à ces dialogues. Elles contribueront au bout du compte à l’amélioration de notre sort.

Cela signifie que nous devons éliminer les obstacles législatifs qui nous empêchent de participer activement à l’économie. Jusqu’ici, la Loi sur les Indiens nous a empêchés d’atteindre notre plein potentiel. Au Manitoba, nous observons des changements, en conséquence de la situation économique. C’est pourquoi les réunions que nous avons tenues la semaine dernière au Manitoba sont d’une importance capitale. J’aimerais également aller sur l’Île-du-Prince-Édouard pour aider à améliorer cette situation. Le Manitoba est prêt à envisager un crédit d’impôt fédéral, de sorte que les Premières Nations pourraient exercer des compétences qui, jusqu’ici, ne faisaient pas partie de la structure fiscale. Les provinces sont prêtes à parler de la compétence que nous exerçons sur nos terres, alors qu’avant il y avait une certaine résistance à cet égard.

Le sénateur Francis : Merci.

Le sénateur McInnis : J’ai eu la réponse à beaucoup de mes questions grâce à la question posée par le sénateur Christmas, mais en écoutant ce matin parler de l’abrogation de la Loi sur les Indiens, je me suis rappelé l’époque où je faisais partie du gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse, il y a environ 40 ans. Il était toujours question de se débarrasser de la Loi sur les Indiens, mais personne ne semblait avoir trouvé mieux à ce moment-là.

La question que le sénateur Christmas a posée concernait le cannabis, et vous y avez répondu, mais je comprends que le gouvernement a établi une politique selon laquelle il le fera. Je comprends également qu’il n’est pas nécessaire d’apporter une modification à la loi; cela pourrait être fait au moyen d’un règlement du Conseil exécutif. N’est-ce pas?

M. Jules : Mon approche est un peu différente. Je pense que nous avons besoin d’une modification législative, à la fois de la Loi sur la taxe d’accise et de la Loi sur le cannabis, afin de reconnaître que les Premières Nations exercent une compétence en tant que gouvernement. Cela n’avait pas été intégré dans les mesures législatives initiales. C’est particulièrement mis en évidence dans la Loi sur la taxe d’accise, qui reconnaît seulement le partage des recettes entre les gouvernements fédéral et provincial, laissant le gouvernement des Premières Nations totalement en dehors de l’équation. Si nous procédons simplement à un changement réglementaire, cela ne réglera pas les aspects fondamentaux de la loi. J’ai appris quelque chose, il y a longtemps : pourquoi agir indirectement quand vous pouvez agir directement?

Le sénateur McInnis : Je suis d’accord avec vous, c’est parce que c’est plus sûr ainsi.

M. Jules : C’est vrai. Absolument.

Le sénateur McInnis : Ensuite, concernant les titres fonciers, vous voulez avoir un registre distinct. Nous n’avons pas beaucoup de temps, mais il s’agit de toute une transition, n’est-ce pas? Comment allez-vous vous y prendre? Vous disposez maintenant d’une Loi sur la gestion des terres. Quels en sont les avantages?

M. Jules : Actuellement, il s’agit simplement du logement. Quant à la pénurie de logements à l’échelon fédéral, c’est-à-dire à l’échelon national, il faudra pour y remédier, soit 300 ans, si vous croyez le ministère des Affaires autochtones, soit 800 ans, si vous croyez l’Assemblée des Premières Nations. C’est en soi une raison suffisante pour que nous ayons notre propre régime d’enregistrement des titres fonciers.

Quant à la question des droits fonciers issus de traités, ce qui se passe, c’est que vous avez 100 p. 100 de la valeur des terres quand elles sont en fief simple, mais, quand elles passent sous le régime de la Loi sur les Indiens, vous perdez immédiatement plus de 90 p. 100 de sa valeur. Cela concerne des questions comme celles de la garantie. Dans une réserve indienne, vous ne pouvez pas donner une terre en garantie. Que se passe-t-il si vous ne pouvez pas donner une terre en garantie? Cela nuit à un entrepreneur qui veut se lancer dans les affaires. Vous ne pouvez pas saisir d’actif, dans une réserve, ce qui limite donc la possibilité de l’entrepreneur de conclure des marchés. L’une des raisons pour lesquelles nous réclamons que notre propre institution puisse s’occuper de ces questions, c’est que cela nous permettrait de contourner les obstacles législatifs qui empêchent nos entrepreneurs de pleinement s’épanouir et qui empêchent les Premières Nations d’exercer une compétence adéquate, nécessaire pour une économie dynamique.

M. Calla : Étant donné que la question a été soulevée, il est important de comprendre que l’une des raisons pour lesquelles nous avons proposé une approche territoriale en matière de relations fiscales, c’est que cela nous donne une certitude et nous permet d’exercer une influence. Si la loi ne nous donne pas cette certitude fiscale, nous en revenons à l’accord de contribution du ministère. Il peut être annulé à n’importe quel moment. Pour maximiser les avantages économiques et fiscaux de ces sources de revenus, vous devez être certains qu’elles resteront là. Si nous parlons d’une nouvelle relation de nation à nation et d’une nouvelle relation fiscale, il sera absolument essentiel de créer cette certitude fiscale. Quand nous parlons de ces questions, il est important de dire que, si nous passons au régime de la taxe d’accise, cela doit être fait par voie législative. C’est la seule manière de s’assurer que cela fonctionne et de tirer réellement profit de l’augmentation des revenus.

Le sénateur McInnis : Pourtant, l’adoption d’une loi peut parfois prendre beaucoup de temps.

M. Calla : Nous avons tenté trois fois de le faire, pour la Loi de la gestion financière des Premières Nations, sur une période de plus de 10 ans, à partir du début. Vous devez commencer; vous ne devez pas vous décourager. Nous pouvons en tirer des leçons, et nous savons que cela peut se faire beaucoup plus rapidement.

M. Jules : J’aimerais revenir rapidement sur la question du registre. Ce qui s’est passé, avec les Nisga’a et d’autres nations, c’est qu’ils devaient enregistrer leurs terres sous le régime de droits fonciers de la province. Cela nous écarte des dispositions de la loi provinciale qui vont du paragraphe 91(24) à l’article 92. C’est une autre raison pour nous d’avoir notre propre régime d’enregistrement des titres fonciers.

Pour finir, j’avais promis aux sénateurs de leur donner pour Noël un exemplaire du livre chinook qui retrace le voyage des chefs Louis et Chiliheetza de Kamloops à Rome. J’ai ici des exemplaires. Une fois encore, je vous souhaite de joyeuses Fêtes.

La présidente : Merci beaucoup. Au nom du comité, j’aimerais remercier nos témoins de la Commission de la fiscalité des Premières Nations et du Conseil de gestion financière des Premières Nations qui ont comparu ce matin. Merci de vos réponses exhaustives.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous recevons un deuxième groupe de témoins, ce matin, des fonctionnaires du ministère des Services aux Autochtones et du ministère des Relations Couronne-Autochtones.

Avant de commencer avec ce deuxième groupe de témoins, j’aimerais attirer l’attention des membres du comité sur une lettre envoyée par la ministre Philpott et sur la liasse de documents qui l’accompagnent, que nous avons reçus et distribués hier par courriel. Les fonctionnaires sont ici aujourd’hui pour répondre à certaines préoccupations et, peut-être, parler de certains écarts entre les témoignages des invités que nous avons reçus la semaine dernière.

Nous allons commencer les questions des sénateurs.

Le sénateur Patterson : Merci d’être de nouveau ici aujourd’hui, et merci pour les documents que vous avez transmis au comité hier. Ont-ils été mis à la disposition des membres du comité?

La présidente : Oui.

Le sénateur Patterson : D’accord.

Je suis préoccupé par les écarts entre votre témoignage et celui des membres du Comité sur les droits fonciers issus de traités au Manitoba, qui ont témoigné à la même séance que les fonctionnaires.

J’ai pris connaissance des documents envoyés par le ministère, et il ne m’est pas apparu tout de suite évident que les modifications législatives proposées abrogeraient la Loi sur la mise en œuvre de mesures concernant le règlement de revendications au Manitoba et qu’elles intégreraient les droits fonciers issus des traités dans la nouvelle loi. S’agit-il là des répercussions des modifications législatives proposées?

Sheilagh Murphy, sous-ministre adjointe, Terres et développement économique, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada et Services aux Autochtones Canada : Oui, il s’agit bien de cela.

Le sénateur Patterson : Merci. Vous avez rencontré les membres du Comité sur les droits fonciers issus de traités au Manitoba, avez-vous distribué des documents pendant la réunion?

Mme Murphy : Quand je les ai rencontrés en août, nous en avons parlé. À ce moment-là, nous n’avions pas de documents à remettre. Nous leur avons expliqué l’intention et nous avons proposé d’aller à la rencontre des Premières Nations qui ont adhéré à cet accord et de le leur expliquer, ce que j’ai fait le 14 septembre. À ce moment-là, nous avons distribué cette longue feuille qui montre les bénéfices; je crois qu’elle se trouve avec les documents que nous avons envoyés à toutes les Premières Nations en septembre. Je le leur ai donné des explications. Nous leur avons fait part de l’intention et nous leur avons expliqué qu’ils ne perdaient rien de ce qu’ils ont déjà en vertu de cet accord, que nous intégrons simplement ces dispositions dans la loi nationale, et que, en fait, leurs droits fonciers sur des parcelles non issus de traités au Manitoba leur procureraient les mêmes bénéfices que ceux qu’ils retirent de la loi concernant le règlement de revendications.

Le sénateur Patterson : Avons-nous le document que vous avez distribué?

Mme Murphy : Oui, je crois qu’il se trouve avec les autres.

Le sénateur Patterson : Y avait-il un échéancier pour l’adoption de cette mesure législative?

Mme Murphy : Nous leur avons dit qu’elle était attendue pour l’automne, et je crois que nous avons dit la même chose aux autres groupes. Nous ne savions pas au printemps quelle forme elle aurait. Quand il est devenu évident qu’elle serait intégrée dans la Loi d’exécution du budget, je leur ai envoyé un préavis par courriel, quand elle a été déposée.

Le sénateur Patterson : Vous nous dites que le but premier et unique de cette réunion était de discuter de la mesure législative. Est-ce que c’était le seul objectif de la réunion?

Mme Murphy : Non. Vous savez probablement qu’une décision d’arbitrage a été rendue relativement aux activités de consultation sur la conversion des parcelles de terrain en vertu des droits fonciers issus de traités que le gouvernement du Canada a menées auprès des Métis. Nous travaillons avec les chefs dans le but de corriger la situation et d’élaborer des modifications qui pourront être apportées à l’accord-cadre du Manitoba. Je suis allée là-bas en septembre dans le but précis d’expliquer la proposition législative. J’ai été très claire sur le fait que nous allions le faire. D’ailleurs, ils nous l’avaient demandé. Nous avons aussi discuté à ce moment-là de problèmes de nature plus générale ainsi que des objectifs du plan d’action prioritaire que nous avions élaboré ensemble pour promouvoir les droits fonciers issus des traités au Manitoba.

Le sénateur Patterson : Si je vous ai posé cette question, c’est parce que j’ai communiqué avec le Comité sur les droits fonciers issus de traités après avoir reçu les documents que vous venez d’envoyer. D’après ce qu’on m’a dit, l’objectif principal de la réunion était, en vérité, de demander au Canada de rendre des comptes au sujet des manquements cernés par l’arbitre dans la sentence arbitrale exécutoire du 19 mars 2018.

Chers collègues, la situation me rappelle trop le projet de loi S-3 : le gouvernement affirmait avoir mené des consultations, mais notre comité a appris que le ministère distribuait ses documents quelques minutes seulement avant les exposés. En même temps, nous avons aussi appris que le ministère trouvait suffisant d’envoyer des lettres aux chefs et aux dirigeants nationaux. Vous vous souvenez que nous avions trouvé cela inacceptable, à l’époque, et que cela a provoqué des changements considérables. Je doute que nous ayons suffisamment de temps pour examiner convenablement ce projet de loi; cela me préoccupe.

A-t-on mal interprété la situation, ou est-ce que la réunion était vraiment axée principalement sur les manquements à l’entente et sur la décision de l’arbitre?

Mme Murphy : Le 9 août, à Ottawa, pendant la rencontre, nous leur avons expliqué plusieurs des améliorations que nous voulions apporter à l’accord-cadre du Manitoba, entre autres, en ce qui a trait à la directive en matière de politique sur les ajouts aux réserves. J’ai aussi évoqué l’idée, avec eux, d’une loi nationale et de ce que cela sous-entend. Je leur ai offert de venir expliquer tout cela aux membres du Comité sur les droits fonciers issus de traités, le CDFIT. Nous avons communiqué avec eux en août, pour faire le suivi de la réunion, en supposant que la réunion de septembre comprendrait deux volets : nous devions leur expliquer la proposition législative, et ensuite discuter des recours. Ils étaient manifestement préoccupés — et ils sont toujours — au sujet de la décision d’arbitrage. Nous avons continué de travailler avec eux par rapport à cela, mais nous avons été très clairs en août quant au fait que nous voulions également aborder la question de la loi.

Le sénateur Patterson : Comment progressent les choses relativement à l’accord de règlement qui servira à combler les manquements du Canada, cernés dans la décision d’arbitrage de mars, par rapport à l’accord avec le CDFIT? Comment vont les choses?

Mme Murphy : Nos efforts collaboratifs se poursuivent. Nous avons effectivement réagi à bon nombre de problèmes soulevés dans la décision. Nous avons aussi payé leurs frais de justice. Nous leur avons donné plus d’un million de dollars pour leur permettre cette année de mener des consultations et de travailler avec nous à modifier l’accord-cadre du Manitoba. Nous cherchons encore des moyens de rattraper les retards dans la conversion des 35 parcelles de terrain. Susan pourra fournir plus de détails, mais je crois qu’il n’y a présentement que 4 ou 5 parcelles de terrain sur 35 qui n’ont toujours pas été converties en réserve depuis que la décision a été rendue.

Nous ne sommes pas toujours sur la même longueur d’onde. Nous poursuivons les discussions. Nous avons rencontré le comité la semaine dernière. Nous avons également rencontré le comité chargé du suivi de la mise en œuvre, qui s’occupe aussi du volet de règlement des différends. Il surveille la mise en œuvre de l’accord-cadre du Manitoba. Nous avons aussi discuté avec ce comité afin de trouver des façons de corriger les manquements et de pouvoir engager enfin, la vraie discussion, c’est-à-dire sur la modernisation de l’accord et la résolution de tous les autres problèmes qui nous empêchent de finaliser le processus relatif aux droits issus des traités.

Le sénateur Patterson : D’accord. Merci.

La présidente : Je crois que vous avez dit, madame Murphy, que vous avez présenté à quelques-uns des membres du Comité sur les droits fonciers issus de traités, ce qui allait être proposé dans le projet de loi, lorsque vous les avez rencontrés en août, et que vous avez offert de leur fournir des explications. D’autres témoins nous ont dit qu’ils avaient participé à l’élaboration des modifications et du texte législatif, mais vous semblez dire qu’ils n’ont pas contribué au processus.

Mme Murphy : Non, ce n’est pas ce que j’ai dit. Revenons un peu en arrière. En 2009, nous avons rencontré une foule d’organisations, comme l’Assemblée des Premières Nations, afin d’améliorer le processus d’ajout aux réserves. Dans le cadre de ce travail, il y a eu des engagements à long terme visant à mettre au point des options qui nous permettraient d’améliorer le processus d’ajout aux réserves. Nous avons également abordé la possibilité de reprendre à l’échelle nationale les lois sur la mise en œuvre de mesures concernant le règlement de revendications dans les Prairies. C’est donc ce que nous essayons de faire : nous voulons donner suite à cette recommandation tirée des rapports du comité et du vérificateur général ainsi que du travail global du comité.

Nous avions toute l’information à notre disposition lorsque nous avons commencé l’élaboration de la nouvelle directive en matière de politique, en 2016, mais nous ne nous sommes pas rendus jusqu’à l’étape de la législation. Nous croyons que les modifications administratives que nous proposons maintenant cadrent avec nos efforts de longue date en matière de mobilisation et de consultations. Nous donnons suite aux instructions et aux souhaits des Premières Nations. Cela fait des années qu’elles veulent cela; ce n’est pas quelque chose que nous avons fait au cours de l’année dernière.

La présidente : Des représentants du Conseil consultatif des terres des Premières Nations sont venus témoigner devant nous à propos de l’Accord-cadre relatif à la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations qui avait été signé en 1996. Ils nous ont dit que la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations avait été proposée en 1999 dans le but de mettre en œuvre l’accord. Selon eux, il y a beaucoup de choses dans la Loi d’exécution du budget qui auront pour effet d’éliminer des redondances ou des lacunes dans la Loi sur la gestion des terres et de l’harmoniser avec l’accord-cadre. Ils nous ont aussi dit qu’ils préféreraient avoir une loi distincte, par exemple une loi sur la reconnaissance de la régie des terres. Ce serait la meilleure façon de procéder, au lieu de continuer de jouer avec la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations. Avez-vous envisagé de proposer une nouvelle loi, comme celle qui a été proposée par ce groupe? Ils ont même fourni le libellé. Je tiens pour acquis que vous avez aussi reçu une copie de la proposition.

Eric Grant, directeur, Développement des terres communautaires, Gestion des terres et de l’environnement, Terres et développement économique, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada et Services aux Autochtones Canada : Merci, madame la sénatrice, de votre question.

Notre objectif à long terme, comme fonctionnaires fédéraux, est d’abroger ou de remplacer la Loi sur la gestion des terres des Premières Nations. Nous avons toujours été ouverts à ce sujet et avons toujours discuté avec le Conseil consultatif des terres au fur et à mesure que nous préparions ce travail. Pour l’instant, nous estimons que les améliorations proposées par le conseil de gestion des terres des Premières Nations pourraient être mises en œuvre plus rapidement avec le système actuel, c’est-à-dire à la fois l’accord-cadre et la législation. Il faudra mener un peu plus d’études et viser un plus long terme pour connaître les conséquences juridiques d’une décision d’abroger la loi au complet et de la remplacer, comme cela a été proposé, par une nouvelle loi de régie des terres. Donc, nous travaillons effectivement avec eux de ce côté-là, et avons adopté une perspective à long terme. Je crois que nous sommes d’accord. Même s’ils ont dit pendant la discussion qu’ils voulaient aller de l’avant maintenant, je crois que l’abrogation de la loi est, pour eux, effectivement, un objectif à long terme.

La présidente : Quand vous dites « à long terme », voulez-vous dire un, deux ou cinq ans?

M. Grant : Dans nos discussions, il était question de deux à cinq ans. Pour les changements immédiats, c’est un à deux ans. Nous avons un programme de réforme des terres en deux étapes. Cela sera fait sur une période de deux à cinq ans, avec plusieurs autres questions plus complexes à régler qui nous ont été soumises par le Conseil consultatif des terres.

La présidente : Pourquoi est-ce si important de présenter ces modifications? Quelle est la chose critique qui doit être faite?

M. Grant : Merci de la question. Il y a deux ou trois éléments très critiques, en particulier en ce qui concerne les seuils de représentativité et l’élimination des exigences en matière de participation liées à ces seuils de représentativité. Cela leur cause des problèmes depuis plusieurs années. Ils veulent réellement que cela soit fait le plus tôt possible. C’est un exemple parmi d’autres.

La présidente : Merci.

Le sénateur Christmas : Merci d’être venu témoigner à nouveau.

J’essayais de comprendre, pendant le témoignage des représentants du Comité sur les droits fonciers issus de traités au Manitoba, pourquoi ils ont dit ne pas avoir été consultés pleinement. Après avoir lu les documents que vous nous avez transmis, il me semble que votre processus de mobilisation — c’est-à-dire, ce que vous avez fait après voir appris que tout cela allait être fait au moyen de la Loi d’exécution du budget — se résumait à aviser les Premières Nations par écrit, au moyen de lettres. Comme Mme Murphy l’a mentionné, il était prévu dans la stratégie que vous alliez tenir des réunions en personne dans le but d’informer, de conseiller et d’aider le CDFIT du Manitoba relativement à ce qui était proposé dans la nouvelle loi. Dans votre plan de mobilisation, votre objectif était-il strictement de conseiller et d’informer, ou cherchiez-vous également à obtenir le consentement des collectivités?

Mme Murphy : Je ne crois pas que notre intention était d’obtenir leur consentement, étant donné que les modifications proposées avaient été élaborées grâce à plusieurs années de travail collaboratif. Ces modifications administratives avaient déjà été recommandées; on était d’avis que toutes les collectivités du Canada tireraient avantage des lois sur la mise en œuvre dans les Prairies. La résolution est aussi comprise dans la documentation de l’Assemblée des Premières Nations. Elle a été coparrainée par le chef Genaille, du CDFIT. L’une des idées était d’inclure ces lois visant les Prairies à l’échelle nationale. Selon nous, nous avions recueilli suffisamment de commentaires, d’observations et de demandes des Premières Nations des quatre coins du pays pour dire que nous avions un mandat clair et pouvions procéder à ces modifications administratives.

Je dirais qu’il y a quand même énormément d’autres choses que nous devons faire pour améliorer le processus d’ajout aux réserves — tant du point de vue législatif que stratégique —, mais je crois que cela sera un bon premier pas et que cela va nous aider. Nous nous engageons sur un sentier qui mène à d’autres réformes, et nous avons déjà commencé à y travailler. Nous nous sommes dotés d’un comité consultatif en matière d’ajout aux réserves, et nous continuons de mobiliser des intervenants afin de cerner les améliorations que nous pourrions apporter au système. Tout cela n’est qu’un premier pas vers une réforme à long terme. Cela a commencé en 2016 avec la directive en matière de politique, et nous allons maintenant poursuivre avec d’autres choses.

Selon moi, cet effort s’inscrit dans un programme d’amélioration continue; ce n’est pas une initiative ponctuelle, quelque chose qui servira une fois seulement pour améliorer le processus d’ajout aux réserves. C’était instructif, vu que nous pensions déjà avoir un mandat, étant donné tout le travail que nous avions déjà accompli.

Susan Waters, directrice générale, Direction générale de la gestion des terres et de l’environnement, Terres et développement économique, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada et Services aux Autochtones Canada : J’aimerais ajouter que les dispositions législatives concernant l’ajout aux réserves sont optionnelles. Pour certaines dispositions, les Premières Nations peuvent choisir ou non d’en tirer parti. La seule disposition obligatoire est celle qui requiert l’approbation du ministre au lieu d’un décret en conseil. C’est une distinction importante.

Le sénateur Christmas : Il me semble que personne ne remet vraiment en question le fond. Tout le monde est d’accord avec le fond. C’est au chapitre du processus de mobilisation qu’il y a des différends. On se demande si vous avez consulté suffisamment ou de manière assez vaste ou approfondie. Ce qui me frappe, si vous comptez réellement abroger la loi, vu ce que vous faites avec le CDFIT du Manitoba... Je comprends ce que vous dites, madame Murphy. Essentiellement, vous conservez les mêmes dispositions, mais vous les appliquez à l’échelle nationale. Cependant, je crois que le fait même d’abroger une loi, du moins à mon avis, supposerait d’obtenir un consentement explicite. Je me demande si c’est ce que pensaient les personnes qui sont venues témoigner la semaine dernière. Elles s’attendaient à donner leur consentement explicite, ce qui n’est manifestement pas arrivé. À présent, elles ont l’impression d’avoir été en quelque sorte exclues du processus. Encore une fois, j’essaie de comprendre ce qui s’est passé la semaine dernière. Avez-vous des commentaires à faire?

Mme Murphy : Tout ce que je peux dire, c’est qu’on croyait, vu le travail que nous avions déjà accompli, qu’il n’y avait pas nécessairement matière à s’inquiéter. En août, pendant que nous discutions avec eux de l’amélioration du processus d’exécution des droits fonciers issus de traités au Manitoba, nous leur avons posé la question. Nous leur avons demandé s’ils avaient des préoccupations ou des questions. Nous leur avons dit que nous irions parler à leurs collectivités, ce que nous avons fait en septembre.

Durant tout le processus de consultation, rien ne nous a été transmis par écrit. Aucune préoccupation n’a été portée à notre attention. Nous n’avons obtenu aucune rétroaction, à la suite de ces conversations, qui aurait pu nous faire croire qu’il y avait des inquiétudes ou des préoccupations. Nous leur aurions répondu avec plaisir et aurions discuté en long et en large avec eux de leurs préoccupations, mais ils ne nous ont rien dit.

J’ai rencontré les chefs en septembre pour leur expliquer quelle forme tout cela prendrait, et je leur ai dit que, s’ils avaient des questions ou des préoccupations qu’ils ne voulaient pas aborder à ce moment-là, nous resterions à leur écoute. Il y avait des fonctionnaires régionaux dans la salle. J’y étais. Je leur ai dit que nous resterions à leur écoute s’ils voulaient en discuter. C’était en septembre, et nous n’avons obtenu aucune réponse. Je leur ai proposé une autre réunion en octobre, et ce n’est que tout récemment qu’ils ont communiqué avec nous en demandant à nous voir. Nous avons essayé de nous réunir la semaine dernière, mais cela n’a pas été possible.

Donc, pour avoir une discussion, nous devons savoir s’il y a quelque chose qui cloche, mais ils ne nous ont rien dit.

Le sénateur Christmas : Aux fins de l’amélioration de votre processus — et je sais que ce que je dis est en rétrospective —, je peux vous dire, en tant qu’Autochtone, que parfois, l’absence de réponse ou le silence est effectivement une réponse. Je vous recommande de prendre cela en considération.

J’ai l’impression que votre plan de mobilisation était d’aller de l’avant s’il n’y avait pas d’objections. Dans ce genre de cas, selon moi, lorsqu’il est question de lois, la meilleure chose à faire aurait été de demander un consentement explicite. Vous auriez dû demander aux collectivités de vous fournir un document indiquant qu’elles consentaient à ce que vous proposiez. À ce sujet, je m’appuie, bien sûr, sur l’article 19 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui exigent d’obtenir pour tout projet de loi le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. C’est un commentaire que je voulais faire.

Ma deuxième question concerne le Conseil consultatif des terres des Premières Nations. Selon l’interprétation des membres, les modifications prévues à la loi se résument à une codification; ils nous ont dit qu’ils croyaient que l’accord-cadre était le document essentiel, et que la loi était simplement la codification. Ils nous ont parlé des efforts visant, essentiellement, à reproduire l’accord-cadre dans la loi. Toutefois, des écarts sont apparus. Ils ont commencé à se demander quel était le document essentiel. Ils ont dit que pour eux, c’était l’accord-cadre, étant donné qu’ils avaient donné leur consentement pour ce document.

Je me demandais pourquoi on n’avait pas simplement adopté une loi pour codifier l’accord-cadre, au lieu d’essayer de le reproduire dans une loi qui deviendra le document essentiel ou exécutoire.

M. Grant : Merci de la question.

Je crois que nous avons convenu, tous ensemble, pour le premier ensemble de modifications, de suivre la méthode que nous avions employée pour les modifications par le passé, c’est-à-dire de modifier l’accord-cadre et de faire les changements correspondants dans la loi pour que cela entre en vigueur. Nous avons décidé de procéder ainsi, mais, à la deuxième étape, nous avons envisagé une méthode différente : abroger la loi et la remplacer par une loi comprenant des dispositions similaires à ce que le Conseil consultatif des terres avait recommandé, du moins, si c’est juridiquement possible au Canada.

La sénatrice McCallum : Merci d’être revenu témoigner.

J’aimerais parler à nouveau du groupe du Manitoba. Les deux témoins qui sont venus témoigner la semaine dernière nous ont parlé de leur processus; le premier avait commencé en 1996, et celui de Sapotaweyak, en 1997. Ils ont brossé deux portraits très différents. L’un des groupes ne voulait rien savoir des modifications à l’accord-cadre; le groupe de Sapotaweyak poursuivait encore ses négociations, en 1997, sur les droits fonciers issus de traités. On nous a dit que le prix des terres en 1997 était de 199 $. Aujourd’hui, il est de 3 000 ou 30 000 $. Les prix ont tellement augmenté qu’ils n’ont plus les moyens d’acheter la terre. Le processus s’étire depuis vraiment longtemps, et je crois que cela est injuste pour les Premières Nations, puisque cela a restreint énormément leurs possibilités. C’était un problème par le passé, et c’est toujours un problème aujourd’hui. Selon vous, quels sont les obstacles principaux qui empêchent Sapotaweyak de finaliser le processus des droits fonciers issus de traités? Est-ce qu’il leur manquait de l’information précise ou est-ce qu’il y avait des circonstances précises qui ont fait que le processus n’a pas pu aller de l’avant?

Mme Murphy : Je ne connais pas tous les détails à propos de ce qui s’est passé dans cette collectivité. De façon générale, les droits fonciers issus de traités, au Manitoba, prévoient le retour aux collectivités d’une superficie de 1,4 million d’acres ou quelque chose du genre, et nous n’avons pas atteint cette cible. Nous reconnaissons qu’il y a encore beaucoup de choses à faire pour faire avancer le processus des droits fonciers issus de traités au Manitoba.

Nous avons fait de grands pas au cours des deux ou trois dernières années relativement à la conversion des terres. Nous continuons de travailler avec les collectivités. Nous savons qu’il y a des difficultés, par exemple les intérêts des tierces parties, la sélection des terres et l’acquisition des terres.

Le Comité sur les droits fonciers issus de traités s’est adressé à la ministre Bennett en 2016 et lui a présenté une liste de 13 mesures prioritaires qui, selon lui, aideraient à promouvoir les droits fonciers issus de traités. Nous avons utilisé cette liste pour élaborer un plan, et nous avons tenté, avec les chefs, d’élaborer un certain nombre de mesures afin de finaliser le processus de droits. Cela ne concerne pas vraiment la loi; il y a toutes sortes d’autres détails complexes qui entrent en ligne de compte au moment de convertir les terres pour les ajouter aux réserves. Nous savons qu’il sera nécessaire de réexaminer tout cela. Nous devons savoir de combien d’argent les collectivités disposent. Certaines d’entre elles ont atteint la limite de ce qui était prévu dans l’accord. Tout cela a été intégré dans le plan d’action du Canada, et le gouvernement a dit qu’il veut collaborer avec les chefs et avec la province, étant donné que la province est aussi partie à l’accord-cadre.

Je dirais que les contestations et les arbitrages des dernières années nous ont pour ainsi dire paralysés et empêchés de poursuivre notre plan d’action. Cependant, le Canada n’a pas changé d’avis. Lorsque nous nous sommes réunis en août, j’ai présenté le plan en 12 points. Je leur ai expliqué certaines des autres choses qu’il reste à faire. Nous devons retourner à la table de négociations et examiner l’accord en vue de le moderniser et de résoudre certaines difficultés qu’éprouvent ces collectivités, par exemple en ce qui a trait aux intérêts des tierces parties, à l’arpentage et à tout ce qui complique la conversion des terres.

La sénatrice McCallum : Selon vous, les choses pourraient-elles se mettre à bouger bientôt? Les gens attendent depuis très longtemps.

Mme Murphy : Je ne sais pas si Susan veut intervenir.

Certaines collectivités ne sont même pas signataires de l’accord. D’autres n’ont pas terminé la sélection des terres. La situation de chaque collectivité partie à l’accord est différente.

Il y a toutefois des choses que nous pouvons faire. Nous travaillons avec la Première Nation de Barren Lands, par exemple, pour trouver une solution à ses problèmes particuliers. Toutefois, des difficultés accompagnent cet accord tripartite, et nous allons devoir nous y attaquer et trouver d’autres façons de les régler.

Cela fait effectivement longtemps. Certaines collectivités se sont très bien débrouillées, et pour elles, tout est presque terminé. D’autres n’ont même pas commencé. Donc, nous allons devoir discuter avec chacune des collectivités pour établir les priorités de ce qu’elles veulent accomplir et travailler avec elles pour y arriver.

En vertu de la nouvelle directive en matière de politique sur les ajouts aux réserves qui a été mise en œuvre en 2016, tous les bureaux régionaux du pays doivent aller discuter avec les collectivités — c’est prévu dans la directive — et dresser l’ordre de priorité pour les ajouts de parcelles de terre aux réserves. Nous devons travailler avec les collectivités pour convertir les terres et contribuer à la création des réserves. Bien évidemment, la plus grosse parcelle de terrain se trouve au Manitoba et est assujettie aux droits fonciers issus de traités. Il y en a aussi une en Saskatchewan. C’est probablement là-bas qu’il y a le plus grand nombre d’obligations juridiques en suspens. Nous poursuivons nos efforts pour tout démêler cela avec les collectivités. Les collectivités, elles aussi, doivent être prêtes. Il y en a qui sont occupées par d’autres choses. La conversion des terres ou de grosses parcelles de terre n’est pas nécessairement leur priorité. Peut-être essaient-elles — comme nous l’avons vu récemment — de convertir de petites parcelles de terre en zone urbaine, ce qui est tout aussi complexe. Nous essayons de nous adapter à leurs priorités pour les aider à atteindre leurs objectifs en matière d’ajout aux réserves.

Susan, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Waters : Non, je crois que ce que vous avez dit est juste. Nous travaillons avec le comité consultatif autochtone national afin de voir où les choses bloquent ou de cerner les domaines où nous pourrions collaborer pour faciliter le processus. Par exemple, nous examinons les problèmes précis qui peuvent faire obstacle à la conversion des terres. Bien sûr, nous devons prendre en considération les intérêts des tierces parties, mais, comme je l’ai mentionné la semaine dernière, il y a certaines tierces parties qui posent des problèmes particuliers, et peut-être pourrions-nous travailler tous ensemble pour convertir de grandes parties de terre au lieu de procéder parcelle par parcelle.

Le sénateur Patterson : J’ai une question à propos de votre engagement et de la question que nous avons examinée à la dernière réunion; je parle des changements importants auxquels on a procédé dans le cadre de la réorganisation de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, anciennement AADNC et AANC.

Quand Mme Waters a comparu à notre dernière séance, je lui ai demandé s’il y avait de la confusion à propos du ministère compétent dans toute cette affaire et à propos du changement. Voici ce qu’elle a répondu :

Présentement, nous sommes dans le processus de transition. Nous passons d’un ministère à deux, mais il n’est pas nécessaire pour les Premières Nations de savoir à quel ministre elles doivent s’adresser quand elles vont de l’avant. Nous avons une approche à guichet unique, et, si un ministre en particulier doit approuver une transaction donnée, nous nous assurons que tout se fasse sans accroc pour les Premières Nations.

Elle a ajouté :

Le processus se fait de façon fluide, et je crois qu’il fonctionne très bien.

Nous avons ensuite entendu le témoignage des représentants du Comité sur les droits fonciers issus de traités au Manitoba. Et ils ont dit que l’approche à guichet unique pour les bureaux régionaux ne fonctionnait pas, pour eux, étant donné qu’ils interagissent surtout avec l’administration centrale. Je voulais savoir si vous aviez eu l’occasion de prendre connaissance de leur témoignage et si vous étiez d’accord avec eux. J’ai l’impression que dans ce cas-ci, les organisations avec qui vous interagissez ne savent clairement pas quel ministère est responsable, depuis la réorganisation, de l’administration des terres.

Mme Murphy : Je pense que, lors de cette réunion, nous avons promis de fournir une réponse écrite. On en est aux dernières étapes d’approbation entourant la réorganisation du ministère. Toutefois, je suis heureuse de fournir quelques détails supplémentaires sur la façon dont nous travaillons en ce moment.

Le Secteur des terres et du développement économique, dont je suis SMA, s’occupe des programmes et des politiques dans le domaine des terres et du développement économique. Nos bureaux régionaux, qui relèvent de Services aux Autochtones Canada, offrent ensuite ces programmes et ces services en première ligne aux collectivités. Au jour le jour, même les collectivités visées par des droits fonciers issus de traités collaboreront avec le bureau régional du Manitoba de Services aux Autochtones Canada à tous les travaux nécessaires pour que les parcelles soient prêtes à être ajoutées à la réserve.

Pour ce qui est des questions plus importantes concernant l’accord-cadre du Manitoba, parce qu’on investit dans les politiques, je travaille avec Susan, les gens de l’administration centrale, le bureau régional et le CDFIT pour essayer de régler certaines questions qui pourraient avoir une nature plus politique que le travail ponctuel réel qui se fait dans le cadre du processus des ajouts à la réserve. Il s’agit d’un effort collectif.

Lorsqu’il y a d’autres questions de politique, c’est le secteur de l’administration centrale qui s’en occupe. Lorsqu’il s’agit des questions ponctuelles de rassembler les documents relatifs aux ajouts à la réserve, d’établir des priorités et de faire tout le travail ayant trait aux documents qui seront présentés aux ministres aux fins d’approbation, cela se fait dans le contexte régional.

Je dirais que, chaque fois que nous avons une conversation avec le Comité des droits fonciers issus de traités, nous précisons quand cela relèvera du bureau régional, et quand cela relèvera de l’administration centrale et quand cela relèvera des deux. Ce n’est pas l’idéal, mais, que nous soyons dans deux ministères ou dans un seul, ce serait la façon normale de travailler en ce qui concerne l’orientation stratégique de l’administration centrale et le travail opérationnel sur le terrain effectué par les bureaux régionaux.

Le sénateur Patterson : M. Duchesnes, qui n’est pas ici aujourd’hui, a dit qu’il vaudrait la peine de fournir une réponse écrite décrivant le processus de décret qui a eu lieu, le processus lié au gouverneur en conseil qui a eu lieu jusqu’à maintenant, le cadre juridique concernant ce qui a été maintenu en vertu de la Loi sur le MAINC et ce qui a été transféré par décret, et le calendrier pour la création d’une loi qui permettrait d’établi le cadre juridique des deux ministères de façon ferme.

Les renseignements sur le processus de décret que vous vous êtes engagée à fournir indiqueront-ils ce qui relève de la politique et ce qui est opérationnel, ainsi qu’à qui il faut s’adresser? De plus, puisque je pense que c’est important dans notre examen de cette loi et que nous avons encore aujourd’hui devant nous des fonctionnaires issus de deux présumés ministères, obtiendrons-nous ces renseignements rapidement? Je comprends que ces décisions par décret sont des documents publics. Serons-nous en mesure d’obtenir ces renseignements avant la fin de notre examen de ces dispositions législatives?

Mme Murphy : Oui. C’est maintenant à l’étape de l’approbation finale, et je crois comprendre que vous l’aurez bien avant que vous n’ayez fini d’examiner le projet de loi et vos délibérations connexes.

Le sénateur Patterson : Chers collègues, j’aimerais dire que je me réjouis des commentaires du sénateur Christmas selon lesquels c’est l’engagement qui nous préoccupe ici plutôt que le fond des dispositions législatives. Je pense que c’est particulièrement pertinent, car le gouvernement a approuvé un projet de loi d’initiative parlementaire qui appuie la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et qui parle de consentement libre, préalable et éclairé, projet de loi dont le comité sera saisi.

On nous a montré un résumé d’une page des mesures législatives proposées; M. Henderson, le représentant du Comité sur les droits fonciers issus de traités au Manitoba, nous a dit, lors de la réunion du 14 septembre, que la fonctionnaire avait brièvement mentionné aux membres que le projet de loi était en préparation, mais ne leur a à aucun moment demandé ce qu’ils en pensaient. On leur a simplement dit qu’une loi était en cours d’élaboration et qu’il était certainement possible que cela se réalise assez rapidement. Il y a ensuite eu un silence, et je dirais qu’il a été interprété comme un consentement.

Je ne sais pas si cela répondrait à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et aux attentes que suscite ce projet de loi. Je crains que cela n’ait pas été très bien géré. Nous venons d’entendre un témoin qui, je crois, a dit qu’on avait probablement eu une influence sur les dispositions législatives dans les autres sections que nous examinons. C’est un modèle d’engagement que nous devrions tous nous efforcer de suivre.

L’autre point, c’est que je ne pense pas qu’il soit clair que les fonctionnaires ont été explicites quant à l’abrogation de la loi habilitante du Manitoba, car le chef Genaille et M. Henderson ont clairement indiqué qu’ils ne considéraient pas que le gouvernement s’était engagé à cet égard. Pourriez-vous faire des commentaires au sujet de l’abrogation de la loi habilitante et nous dire si vous en avez parlé et si vous avez tenu des discussions à ce sujet en Alberta et en Saskatchewan?

Mme Murphy : Je dois dire que j’en ai discuté avec le Comité sur les droits fonciers issus de traités lorsque j’ai rencontré ses membres en septembre. Je ne peux pas dire comment ils ont compris la chose et tout le reste. Ils parlent pour eux-mêmes; j’ai proposé d’y retourner et de leur expliquer à nouveau ou de répondre aux questions tout au long des mois qui ont suivi. C’est ce que j’ai fait avec eux. Je ne peux pas dire comment ils ont interprété cela.

Pour ce qui est de la Saskatchewan et de l’Alberta, Susan est partie, et vous voyez aussi dans vos documents une liste des réunions auxquelles nous avons assisté. On nous a demandé de venir donner des explications, alors nous l’avons fait tout au long de l’automne. Je ne pense pas que nous ayons eu la même interaction avec les collectivités de la Saskatchewan et de l’Alberta qu’avec le CDFIT. Susan a rencontré les collectivités et les dirigeants de ces provinces.

Mme Waters : En Alberta, notre bureau régional s’est occupé d’une bonne partie de la sensibilisation, et la loi s’applique de façon limitée et vise surtout les ententes de règlement. Dans cette province, les mesures n’ont pas la même étendue ni la même portée quant aux droits fonciers issus de traités qu’au Manitoba et en Saskatchewan. En Saskatchewan, nous n’avons pas non plus entendu de préoccupations au sujet de l’abrogation de la loi.

Je dirais simplement que les dispositions ont été copiées de façon à peu près exacte dans la nouvelle loi, il s’agit donc davantage d’une question de forme que de fond. Les dispositions ont été reportées et n’ont pas été modifiées d’une façon qui pourrait avoir une incidence sur leur capacité de convertir des terres en réserves dans ces deux provinces.

La présidente : Nous arrivons à la fin de la séance. La sénatrice McCallum a le temps de poser une petite question, après quoi nous tiendrons une brève séance à huis clos.

La sénatrice McCallum : Je vais simplement faire une demande. Lorsqu’on regarde le nombre d’ajouts actifs dans les réserves par région, les chiffres pour la Saskatchewan et le Manitoba sont de 602 et de 514 respectivement, et ceux des régions suivantes sont de 68 et de 67. Il y a une énorme différence. Seriez-vous en mesure de nous expliquer par écrit pourquoi il y a un arriéré aussi important? Cela nous aiderait à comprendre.

Mme Waters : C’est une question de superficie de terres que nous devons aux Premières Nations du Manitoba et de la Saskatchewan en vertu des droits fonciers issus de traités qui ne sont pas accordés de la même manière que dans les autres provinces. Nous n’avons pas sélectionné la même superficie de terres pour les ajouter aux réserves ni ne nous sommes engagés à le faire en vertu d’un traité. Ce plus grand nombre de parcelles est vraiment propre au Manitoba et à la Saskatchewan. Cela n’a rien à voir avec le fait que le Manitoba et la Saskatchewan sont plus lents. En fait, 80 p. 100 des terres que nous convertissons se trouvent au Manitoba et en Saskatchewan, et c’est donc là que nous verrons le plus de progrès. Au Manitoba, un nombre important d’ajouts à la réserve ont été réalisés depuis 2015, et la Saskatchewan arrive au deuxième rang.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie.

La présidente : Merci. J’aimerais remercier nos témoins de ce matin. Merci d’être venus témoigner une fois de plus pour apporter des précisions à nos questions.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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