Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule n° 2 - Témoignages du 17 février 2016
OTTAWA, le mercredi 17 février 2016
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 16, pour étudier la situation actuelle du régime financier canadien et international (sujet : les causes et les effets de la baisse récente du taux de change du dollar canadien).
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je suis le sénateur Tkachuk. Je souhaite la bienvenue à tous les membres du comité ainsi qu'à nos témoins.
Je voudrais signaler, avant de commencer, que la sénatrice Beth Marshall remplace temporairement le sénateur Black, et que le sénateur Enverga remplace le sénateur Gerstein à titre de membre permanent du comité. Le sénateur Enverga a une grande expérience du secteur bancaire, ce qui est plutôt rare parmi nous. Il a travaillé pendant 30 ans pour la Banque de Montréal et est titulaire d'un certificat de maîtrise de l'École de commerce Schulich de l'Université York. Il a été très actif dans la communauté philippine du Canada ainsi que dans la politique municipale torontoise. Je suis très heureux de le compter parmi les membres du comité. Nous vous souhaitons la bienvenue, sénateur Enverga. Je vous avais promis que vous seriez heureux ici. Vous me direz ce qu'il en est à la fin de l'année.
Je voudrais également souhaiter la bienvenue à nos témoins. De gauche à droite, nous avons, du Conference Board du Canada, M. Glen Hodgson, premier vice-président et économiste en chef; du Centre canadien de politiques alternatives, Mme Armine Yalnizyan, économiste principale; et, de l'Institut Fraser, M. Herbert Grubel, que nous avons déjà eu le plaisir d'entendre. Je vous souhaite encore une fois la bienvenue, monsieur Grubel. Nous avons aussi, de l'Institut C.D. Howe, M. Daniel Schwanen, vice-président à la recherche, qui se joint à nous par vidéoconférence.
Cela dit, mesdames et messieurs, nous devrions peut-être commencer dans le même ordre.
Glen Hodgson, premier vice-président et économiste en chef, Conference Board du Canada : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. J'ai bien pensé que mon nom serait en premier. Je n'ai pas l'habitude de présenter des exposés en me basant sur des notes, mais j'ai préparé quelques notes dans ce cas parce que j'ai pensé que le sujet méritait un examen sérieux.
Le Conference Board est un centre indépendant d'études et de recherches à but non lucratif. Vous savez qui nous sommes. Je suis économiste en chef du Conference Board depuis 12 ans. Auparavant, j'ai travaillé pour Finances Canada, le Fonds monétaire international à Washington et Exportation et développement Canada. Par conséquent, j'ai beaucoup réfléchi aux taux de change tout le long de ma carrière. Je vais vous présenter un point de vue un peu puriste centré davantage sur la politique que sur les conséquences, mais je serais très heureux de répondre à des questions concernant les conséquences d'une politique de taux de change flottant.
Pourquoi le Canada a-t-il un taux de change fluctuant? En fait, nous avons été parmi les premiers pays à nous retirer du système de taux de change fixes de Bretton Woods au début des années 1960. La plupart d'entre vous ne s'en souviendront pas, mais nous avions adopté un taux flottant au début des années 1960, puis nous avions recommencé à ancrer notre devise sur le dollar américain. Ensuite, nous avons abandonné le taux de change fixe avec les Américains au début des années 1970. Je suis un ardent partisan du taux de change fluctuant. Je crois que tout changement de la politique canadienne à cet égard serait une erreur.
Un taux de change flottant joue le rôle d'un amortisseur face à des événements extérieurs, à des choses qui échappent à notre contrôle au-delà de nos frontières. Il est vraiment utile d'amortir l'impact qu'ont sur les entreprises les fluctuations du cycle économique ou des événements inhabituels, comme celui que nous avons vécu il y a 15 mois lorsque le supercycle des produits de base a plus ou moins pris fin et que les cours de ces produits ont commencé à chuter. Le taux de change flottant amortit les effets de tels événements sur le revenu des entreprises. Bien sûr, ce taux a aussi des incidences négatives pour beaucoup d'éléments de notre économie. Les consommateurs paient davantage pour les produits importés. De plus, les entreprises paient plus cher pour acheter des produits technologiques.
Nous importons du reste du monde une grande partie de notre capacité productive. Nous pouvons sans doute dire que les entreprises canadiennes ont manqué une bonne occasion. Nous aurions pu, jusqu'aux événements d'il y a 15 mois, importer beaucoup de choses des États-Unis, du Japon et de l'Europe à un bien meilleur prix qu'aujourd'hui. Le créneau qui existait alors est maintenant fermé. Je n'ai pas l'impression que nous assisterons à un rétablissement des prix élevés des produits de base dans l'avenir prévisible, mais le taux de change a certainement amorti le choc.
Il crée aussi ce que les économistes appellent un biais de substitution. Il s'agit en fait d'un avantage de prix qui favorise les biens canadiens. Nous n'achetons pas nécessairement les choux-fleurs à 8 $. Nous pouvons leur substituer d'autres légumes comme les carottes et autres. Au cours des quelques derniers mois, les consommateurs ont dû s'adapter en modifiant leur panier de provisions pour en maintenir le prix au niveau voulu. Le taux de change fluctuant crée donc un biais en faveur des biens produits chez nous.
En même temps, il nous permet de protéger les prix intérieurs. Je parlerai dans quelques instants des taux de change fixes. En faisant monter et descendre les prix extérieurs, nous amortissons dans une grande mesure les impacts sur les salaires et les prix au Canada.
Je vous présente mes excuses. J'ai laissé mon téléphone allumé parce que je me suis permis une petite effronterie. Je voulais prendre une photo du comité. C'est ce que j'ai fait hier au comité des finances de la Chambre des communes, où j'ai aussi été appelé à témoigner. J'ai dit au président que j'envoyais un message sur Twitter. Il ne s'y est pas du tout opposé, monsieur le président. J'espère donc que vous ne vous y opposerez pas non plus.
Un taux de change flottant permet d'avoir des marchés de capitaux ouverts. Ainsi, nous n'avons pas à imposer des contrôles sur l'entrée et la sortie de capitaux dans notre économie. Il n'y a donc qu'une intervention minimale du gouvernement sur les marchés financiers. Le taux de change flottant permet aussi, dans une grande mesure, l'autorégulation de la balance des paiements.
Je ne suis pas puriste à l'égard de beaucoup de politiques. Le Conference Board ne s'oppose pas du tout à une intervention réfléchie de l'État. Toutefois, dans le domaine des taux de change, je suis assez fortement puriste parce que je crois qu'on a le choix qu'entre un taux flottant et un taux fixe. Le taux de change a des conséquences particulières que je voudrais signaler. De plus en plus d'économies sont axées sur ce qu'on appelle les chaînes de valeur mondiales. Or, nous sommes intégrés dans l'économie mondiale. Le taux de change a des incidences différentes dans les différents secteurs. Nous avions fait beaucoup de recherche lorsque j'étais à EDC. J'ai en fait travaillé avec Stephen Poloz, du temps où il était économiste en chef de cette société d'État, il y a un peu plus d'une décennie. Nous avions beaucoup analysé le commerce extérieur canadien pour déterminer les conséquences du contenu canadien sur les chaînes de valeur. Nous avions conclu que le taux de change a des répercussions très différentes selon le secteur. C'est en quelque sorte une vaste généralisation.
Le secteur des ressources et celui des services ont un fort contenu canadien. Lorsque le cours du dollar baisse, comme cela a été le cas l'année dernière, ces deux secteurs sont les grands bénéficiaires. Au Canada, le secteur des ressources a un contenu canadien de l'ordre de 80 à 85 p. 100. Il doit donc importer la technologie, disons des États- Unis ou de l'Europe, mais la plus grande partie de sa valeur est créée au Canada. Il bénéficie d'une baisse du cours du dollar, car, même s'il est touché par la hausse du prix des importations, il tire de bonnes recettes de ses ventes, ce qui le protège contre la baisse des prix des produits de base.
Le secteur des services a lui aussi un fort contenu canadien. Nous avons récemment fait beaucoup de recherche sur le commerce des services. En fait, nous avons connu un grand essor du commerce et des services au cours de la dernière décennie. Les économistes croyaient en général que les services intervenaient peu dans notre commerce international. Aujourd'hui, dans un monde intégré, les services constituent une source vraiment importante d'échanges commerciaux et d'investissements. C'est là que la baisse de notre dollar a vraiment avantagé nos exportateurs de services. Ce n'est pas tellement le cas de nos exportateurs de biens manufacturés.
En fait, une grande partie du secteur manufacturier n'a que 50 p. 100 de contenu canadien, de sorte que certains fabricants sont parfaitement protégés contre les fluctuations du dollar parce que le prix de leurs importations est assez proche du revenu qu'ils tirent de leurs exportations, ce qui crée un certain équilibre. Toutefois, dans un secteur automobile tel que le montage final des véhicules, une voiture montée au Canada n'a qu'environ un tiers de contenu canadien. Par conséquent, il est faux de croire que le secteur manufacturier bénéficie automatiquement d'une baisse du cours du dollar. En effet, il pourrait bien payer davantage pour ses importations qu'il ne retire de ses ventes à l'étranger. Il faut donc examiner de près chaque secteur.
Je voudrais mentionner une étude que nous avons publiée la semaine dernière — vous la trouverez sur notre site web — et dans laquelle nous examinons, secteur par secteur, lesquels sont les plus prêts à tirer parti d'une forte reprise aux États-Unis et d'un dollar qui serait à nouveau ancré à 70 cents. Nous avons constaté que cinq secteurs seulement disposaient de l'équipement et de l'avantage concurrentiel nécessaires pour profiter d'un dollar plus faible. De plus, ces secteurs devront investir s'ils veulent rester compétitifs à l'avenir.
En ce qui concerne nos prévisions, nous croyons que les exportations canadiennes augmenteront en 2017, mais pas beaucoup cette année. Les entreprises devront investir pour profiter du repositionnement, d'un renforcement de la reprise américaine et d'un dollar se situant au bas de l'échelle des 70 cents.
J'ai pensé à me livrer à ce que les économistes appellent un exercice de réflexion créatrice. Quels choix avons-nous? Si nous ne sommes pas en faveur d'un taux de change flottant, qu'est-ce qu'un taux de change fixe peut apporter au Canada? Qu'arriverait-il si nous revenions au système de Bretton Woods, dans lequel tous les taux de change du monde sont restés plus ou moins bloqués entre 1944 et le début des années 1970? Soit dit en passant, il y a des possibilités intermédiaires, comme le flottement « impur » ou « contrôlé », qui implique une intervention partielle. Par exemple, les organismes de réglementation chinois sont toujours intervenus dans leur marché des devises d'abord pour empêcher l'appréciation et aujourd'hui pour empêcher la dépréciation du renminbi. Il y a aussi quelques petits pays qui tiennent des enchères.
J'ai déjà eu à représenter la Jamaïque au Fonds monétaire international. Les Jamaïcains tenaient une enchère hebdomadaire au cours de laquelle ils fixaient le taux de change en fonction du montant en dollars américains dont ils disposaient.
Dans un système de taux de change fixe, on évite la dévaluation concurrentielle. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le système avait été créé à l'origine. Je pense cependant qu'il y a un prix très élevé à payer pour le faire. Par exemple, lorsqu'il y a une chute soudaine des prix du pétrole ou d'un autre produit de base, comme cela est arrivé récemment, et que le taux de change est fixe, tous les rajustements doivent être faits dans l'économie intérieure. Cela signifie que les salaires doivent baisser, que les gouvernements peuvent avoir à créer des excédents budgétaires afin de réduire la demande du marché et d'éviter ainsi des difficultés au niveau de la balance des paiements.
À mon avis, le remède est pire que la maladie. Ayant eu l'occasion d'examiner la situation de très nombreux pays, je suis essentiellement un partisan acharné du taux de change flottant. Je sais qu'il y a un prix à payer, mais je pense que, dans notre économie et compte tenu de l'ensemble du cycle économique, il a des avantages. Par conséquent, si j'ai à voter aujourd'hui, ce sera en faveur du maintien de la politique actuelle. Pour moi, s'il n'y a rien de cassé, il n'y a rien à réparer.
Armine Yalnizyan, économiste principale, Centre canadien de politiques alternatives : Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité aujourd'hui pour parler d'un sujet qui nous impose de modeler et de remodeler radicalement nos options de politique publique et les perspectives du secteur privé. Si vous le souhaitez, vous pouvez consulter mes notes en anglais et en français. Je vais essayer de répondre dans l'ordre aux questions posées aux témoins au sujet...
Le président : Excusez-moi, sénateur Day, mais qu'êtes-vous en train de faire? Ne pouvez-vous pas trouver une place à la table?
Le sénateur Day : Je voudrais m'asseoir près des témoins pour mieux les entendre. Je n'avais pas l'intention d'interrompre la séance.
Le président : Vous ne l'avez pas interrompue. Il y a une chaise juste ici. Au Sénat, nous faisons les choses d'une manière un peu différente de celle de la Chambre des communes. N'importe quel sénateur peut assister à une séance de comité et poser des questions. Bien sûr, il n'a pas le droit de voter, mais il a le droit de poser des questions. Je vous souhaite donc la bienvenue, sénateur Day. J'espère que vous trouverez cette séance agréable.
Le sénateur Day : Merci, monsieur le président.
Le président : Poursuivez, je vous prie. Je m'excuse de cette interruption.
Mme Yalnizyan : Merci beaucoup.
On nous a donc posé des questions sur les causes et les effets de la baisse du taux de change. Je vais commencer par la question suivante : pourquoi le dollar canadien est-il si bas? Ma réponse, c'est que nous avons eu le pire concours de circonstances.
Tout d'abord, il y a la baisse de la demande mondiale, qui est due au fait que la croissance en Chine est tombée à son niveau le plus bas depuis 25 ans. Cette baisse a mis en branle une chute croissante de la demande, à mesure que les entreprises, un peu partout dans le monde, réagissaient au ralentissement des ventes en réduisant leurs coûts. Bien sûr, une initiative parfaitement rationnelle au sein d'une entreprise se transforme en désastre si toutes les entreprises font la même chose. La deuxième raison, c'est l'offre excessive de pétrole et de produits de base qui continue à se manifester. Ce n'est pas que la demande de ces produits n'augmente pas. En fait, elle augmente bel et bien, mais l'offre, elle, croît à un rythme beaucoup plus rapide, faisant chuter les cours.
La troisième raison, c'est non seulement que notre devise est un pétrodollar, mais aussi qu'on nous compare à d'autres. Le taux de change dont nous parlons, c'est la valeur de notre dollar par rapport au dollar américain, à un moment où l'économie américaine est beaucoup plus forte que la nôtre. Aux États-Unis, le taux de chômage est tombé en deçà de 5 p. 100. Autrement dit, c'est le plein emploi. En décembre dernier, la Réserve fédérale a relevé son taux d'intérêt pour la première fois en près de 10 ans, ce qui a fait des États-Unis un aimant pour les investisseurs étrangers à la recherche d'un abri sûr pour leur argent. En ce moment, le climat de l'investissement est beaucoup plus attrayant aux États-Unis qu'au Canada.
Tous ces facteurs réduisent la valeur de notre devise par rapport au dollar américain.
Maintenant, quels sont les aspects positifs d'un dollar bas? C'est l'une des questions que vous nous avez posées. Tout d'abord, nous exporterons davantage. Les choses produites en dollars canadiens et vendues en dollars américains, comme le pétrole et le bœuf, les produits du bois, les produits de l'automobile et les services, auront des marges bénéficiaires plus importantes. Nous aurons davantage de clients américains parce que notre dollar fait monter de 40 p. 100 leur pouvoir d'achat. Nous pouvons donc nous attendre à voir davantage de touristes américains dans nos centres de vacances, à nos manifestations sportives, et cetera. Si le dollar reste bas, nous aurons vraiment beaucoup de monde aux parades de la fierté et il sera difficile de trouver des billets pour assister au Festival international du film de Toronto.
Un dollar bas inversera la direction du magasinage transfrontalier qui, d'après Statistique Canada, pourrait avoir atteint 10 milliards de dollars en 2012. Ce flux devrait donc s'inverser dans une certaine mesure. Chose fascinante, nous assisterons à un certain rapatriement des capitaux qui avaient migré vers le sud avec nos retraités qui prennent leurs vacances d'hiver aux États-Unis et qui avaient acheté des biens immobiliers d'une valeur de 92 milliards de dollars chez nos voisins entre 2009 et 2015. Maintenant qu'ils peuvent obtenir 40 p. 100 de plus sur ce qu'ils ont acheté, ils vont peut-être vouloir rapatrier une partie de cet argent.
Il y a aussi de plus grandes possibilités d'investissement. Un dollar bas se traduit par des salaires relativement moins élevés que ceux des Américains. Quelques entreprises des États-Unis envisageront de produire davantage au Canada. Comme chacun le sait, « Hollywood-Nord » explose quand notre dollar chute. À Toronto seulement, l'industrie cinématographique valait plus d'un milliard de dollars en 2014. Nous avons déjà assisté à une augmentation rapide des investissements dans la fabrication de pointe en haute technologie et en informatique, particulièrement en Ontario. C'est parce que nous avons trois centres d'innovation à Waterloo, à Toronto et en Ontario, qui offrent tous des possibilités de pointe aux entreprises souhaitant investir dans des travaux avancés de R-D. Bien sûr, lorsque notre dollar baisse, beaucoup d'acheteurs étrangers s'intéressent aussi à nos biens immobiliers.
Enfin, si le dollar reste bas, les trois grands de l'automobile pourraient songer à réinvestir au Canada lorsque viendra le moment de rembourser les montants qu'ils avaient reçus lors de la récession. Les prêts arriveront à expiration en 2017. Ils auront donc à décider de ce qu'ils feront de l'argent. Si le dollar reste bas, ils constateront que, sur le plan de la productivité, nous avons des usines très compétitives.
Le dernier point relatif aux possibilités d'investissement, que Glen a abordé brièvement, est que les importations du Canada s'élèvent à un tiers de notre PIB. La plus grande part vient des États-Unis. En deuxième place, la Chine vient assez loin derrière, avec seulement 7 p. 100 de nos importations de marchandises. Si le dollar reste bas assez longtemps, il y aura substitution des importations. Autrement dit, les Canadiens produiront davantage de ce que nous consommons parce qu'il est trop cher de l'importer. Encore une fois, tout ce que nous achetons aux États-Unis coûte maintenant 30 à 40 p. 100 plus cher, et tout ce que nous produisons chez nous revient à 30 à 40 p. 100 moins cher.
Quels sont les inconvénients économiques d'un dollar canadien bas? Premièrement, il réduit le pouvoir d'achat. Comme Glen l'a mentionné — et j'imagine que nous en parlons tous d'une manière ou d'une autre —, les consommateurs paient plus cher les produits importés. Les plus durement touchés sont les ménages à faible revenu qui doivent affronter des prix plus élevés pour les fruits et les légumes essentiellement importés des États-Unis. Les entreprises qui importent des biens intermédiaires entrant dans la fabrication de ce qu'elles produisent sont également touchées. Un dollar bas représente à la fois une réduction des salaires et une baisse des bénéfices pour les Canadiens.
Les fermetures de commerces de détail constituent le deuxième inconvénient économique d'un dollar bas. Nous assistons à une évolution rapide du paysage du secteur du détail, qui joue un rôle important au Canada sur le plan de l'emploi. Le ralentissement de la demande a changé le paysage par suite de la fermeture de géants tels que Target et Future Shop ainsi que de nombreux autres intervenants plus petits. Nous pouvons nous attendre à d'autres regroupements tandis que les détaillants s'efforcent d'absorber les coûts supplémentaires au lieu de les transmettre aux consommateurs afin de minimiser la diminution des ventes.
Le troisième inconvénient réside dans les actifs délaissés. Dans le secteur du pétrole et du gaz, les dépenses en capital ont baissé de plus de 30 p. 100 en 2015 par rapport à 2014. Moody prévoit une autre baisse d'au moins 19 p. 100 en 2016 et de 25 p. 100 à l'échelle mondiale. Si la demande de produits pétroliers continue à chuter, des projets d'une valeur pouvant atteindre 2 000 milliards de dollars, dont la réalisation était prévue au Canada, risquent d'être abandonnés. Il est également possible, à notre avis, qu'une vague de défaillances de sociétés minières se produise.
Le quatrième effet négatif d'un dollar bas est l'augmentation des déficits budgétaires. On pourrait croire que ces déficits sont surtout attribuables à la chute des cours du pétrole, mais les deux sont inextricablement liés à l'échelle tant régionale que nationale. Les budgets des gouvernements sont donc soumis à des pressions par suite de ce qui se passe.
La faiblesse du dollar durera-t-elle longtemps? De multiples facteurs sont en jeu à cet égard. Premièrement, on peut prévoir une croissance encore plus forte de l'offre. L'Iran, qui était deuxième parmi les plus grands producteurs de pétrole de l'OPEP jusqu'à l'imposition de sanctions en 2012, s'apprête à redémarrer le pompage. Les Iraniens prévoient au départ augmenter leur production d'un million de barils par jour. À l'échelle mondiale, les producteurs extraient déjà chaque jour 1,5 à 2 millions de barils de plus que ce qui est consommé. À plus de 9 millions de barils par jour, la production des États-Unis n'a pratiquement pas changé malgré la baisse des prix. Se situant près des records récemment enregistrés, cette production dépasse celle d'il y a deux ans de plus d'un million de barils par jour. L'offre est très forte, exerçant des pressions à la baisse sur les prix et sur la valeur du dollar.
Il y a aussi les initiatives liées au changement climatique. Nous avons un plafond fixe sur les émissions de l'Alberta et l'engagement mondial, pris à Paris, de limiter le réchauffement de la planète non à 2 mais à 1,5 degré. Cela implique des politiques beaucoup plus énergiques non seulement pour conserver l'énergie, mais aussi pour faire une transition plus rapide vers les énergies renouvelables. L'Union européenne est en avance sur nous à cet égard. Ses initiatives environnementales ont entraîné une baisse annuelle de 1,5 p. 100 de la demande de produits pétroliers. Si le Canada décidait d'aller dans cette direction, un tel résultat est tout à fait possible.
Depuis quelques semaines, l'économie mondiale est sur la corde raide. On craint de plus en plus une crise du crédit et une bulle d'actifs en Chine. Les obligations émises par les sociétés un peu partout dans le monde totalisent quelque 29 000 milliards de dollars. D'après certaines estimations, un tiers des entreprises financées par endettement n'obtiennent même pas un rendement suffisant sur leurs placements pour assurer le service de la dette.
De plus, l'intensification des tensions au Moyen-Orient met maintenant en cause d'importantes économies, comme celles de la Turquie et de la Russie, qui jouent actuellement au plus fort l'une contre l'autre, ce qui est extrêmement dangereux. N'importe lequel des trois éléments que je viens de mentionner peut déclencher une récession mondiale susceptible de faire monter notre dollar.
Enfin, il y a la politique monétaire américaine, qui pourrait bien être sur le point de faire marche arrière. En janvier, la croissance a été moins forte que prévu, ce qui a amené la Réserve fédérale à laisser entendre qu'elle pourrait retarder la mise en œuvre de son calendrier 2016 de relèvement des taux d'intérêt. Si les ralentissements récents de l'activité manufacturière se maintiennent, il est même possible que la hausse de décembre soit annulée. La ratification du Partenariat transpacifique pourrait ralentir encore plus, à long terme, l'activité manufacturière et la croissance de l'emploi aux États-Unis. Cela aussi entraînerait une hausse de notre dollar.
Que pouvons-nous faire? Que devrions-nous faire?
La politique monétaire, nous le savons, n'a qu'un effet très limité lorsque le taux d'intérêt est à tout près de zéro, comme il l'est actuellement. Elle a aussi un effet limité sur la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain. Si nous adoptions les mêmes taux d'intérêt que nos voisins du Sud, nous réduirions la fuite des capitaux, mais cela aurait de lourdes conséquences sur notre économie, qui est bien plus faible que celle des États-Unis. Contrairement à l'économie américaine, l'économie canadienne nous a réservé toute une série de déceptions depuis 2012. Les prévisions de croissance ont constamment baissé et les estimations établies pour 2016 par nos six grandes banques se situent entre un minimum de 0,9 p. 100 selon la Banque Nationale et un maximum de 1,5 p. 100 d'après la Banque TD. On peut dire, en pratique, que l'économie sera en stagnation en 2016.
Une politique financière expansionniste peut jouer un rôle positif, mais elle n'agira pas très sensiblement sur la valeur du dollar. Le déficit de 20 milliards de dollars ou plus préconisé par Bay Street ces jours-ci n'aura que peu d'effets sur la croissance d'une économie de 2 000 milliards de dollars. Il faudrait un énorme programme de relance pour augmenter la croissance. Seul un tel programme peut faire monter notre dollar.
Je dirai en conclusion qu'en ce qui concerne le dollar, le rôle de la politique publique devrait consister à aller au-delà de la croissance économique et du déficit de cette année pour élaborer une stratégie à long terme destinée à renforcer le potentiel futur. Nous allons devoir nous adapter. Il ne s'agit pas seulement du Canada. Nous allons devoir nous faire à l'idée d'un ralentissement de la croissance dans l'avenir prévisible et d'un dollar qui restera bas pendant assez longtemps. Voilà la nouvelle situation anormale que nous devons accepter. J'espère avoir l'occasion de travailler avec vous tant pour affronter les difficultés que pour tirer parti de nouvelles perspectives.
Le président : Je me sens déjà mieux.
De l'Institut Fraser, nous avons M. Herbert Grubel, agrégé supérieur de recherche.
Herbert Grubel, agrégé supérieur de recherche, Institut Fraser, à titre personnel : Je dois malheureusement dire que je n'exprime qu'une opinion personnelle. L'Institut Fraser n'a pas d'opinion.
Le président : Pas d'opinion sur le dollar canadien?
M. Grubel : Pas d'opinion sur aucun sujet. Il est très important, pour des raisons fiscales, que nous restions neutres.
Glen a soulevé une question sur laquelle j'ai beaucoup travaillé. Je ne sais pas si vous connaissez le concept de l'« amero », devise commune proposée pour l'Amérique du Nord. C'est moi qui en ai eu l'idée. Ce concept figure dans un livre que l'Institut Fraser a publié et dans lequel j'explique les avantages d'une union monétaire nord-américaine.
Pour lancer l'idée d'une discussion future possible autour de cette table, je voudrais poser une question à Glen. Si un taux de change flottant a des avantages aussi remarquables — Robert Mundell a eu un prix Nobel pour cette question —, si c'est tellement bon, pourquoi n'avons-nous pas une devise distincte pour l'Alberta? Et, si nous en avions une, ne vaudrait-il pas mieux avoir une devise distincte pour Edmonton ou même pour chacune de ses banlieues? Si un taux de change flottant est tellement avantageux, quelle est la taille optimale de la région qui devrait avoir une monnaie commune? Les provinces de l'Atlantique auraient peut-être dû avoir leur propre devise. Elles auraient été à l'abri de nombreux chocs dans le passé. Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question, mais je veux simplement lancer le défi pour stimuler la réflexion au sujet des avantages d'un taux de change flottant.
Ma propre contribution consiste à suggérer que nous avons connu ce qu'on appelle une détérioration des termes de l'échange. Ce que je veux dire par là, c'est que le Canada obtenait dans le passé deux voitures pour le prix de 100 barils de pétrole. Aujourd'hui, nous obtenons seulement deux voitures, si nous importons, ou l'équivalent en bananes ou en choux-fleurs. Je dirais qu'essentiellement, la détérioration des termes de l'échange attribuable à la baisse des cours des produits de base, en particulier du pétrole, signifie que nous sommes plus pauvres. Nous devons l'accepter. Je crois qu'il est important de ne pas le perdre de vue lorsque nous parlerons des politiques adoptées pour remédier à la situation.
Nous ne pouvons pas changer les modalités de l'échange. Cela nous échappe complètement. Nous devons nous en accommoder. Cela nous amène à la question suivante : pendant combien de temps cette situation persistera-t-elle? Je suis heureux de voir que certains prennent le risque d'affirmer que les choses iront mieux « en 2017 » et tout le reste. Je ne me suis jamais aventuré à faire des prévisions, surtout au sujet de l'avenir. Tout ce que je peux dire, c'est que je ne sais pas. J'admets aussi que les gens qui réagissent à différents prix futurs sont mieux placés pour s'occuper de ces choses parce qu'en le faisant, ils défendent leurs propres intérêts et leurs propres entreprises. L'une des pires calamités que nous pourrions nous infliger nous-mêmes serait de penser qu'un fonctionnaire — quelqu'un à la Banque du Canada — peut prédire l'avenir.
J'aime beaucoup raconter cette histoire : j'étais assis dans un télésiège à côté de Václav Klaus, qui était alors premier ministre de ce qu'on appelait la Tchécoslovaquie. Il m'avait dit : « Vous savez, Herb, je suis constamment hanté par les médias qui veulent savoir ce que je ferai de tous les travailleurs que j'enverrai au chômage en privatisant des industries qui appartenaient auparavant à l'État. » Il répondait aux journalistes : « Si je l'avais su, le communisme aurait marché. » Je pourrais aussi dire que nous devrions faire preuve de beaucoup de modestie au sujet de ce qu'il convient de faire. Quant à moi, j'estime que nous devrions favoriser des arrangements institutionnels et des modifications de la réglementation qui faciliteraient le retrait des ressources aux industries en difficulté et leur réaffectation dans les industries que le taux de change avantage. Je crois que cela est très important.
J'exhorte aussi les responsables à rejeter les demandes de ceux qui préconisent de verser des prestations plus élevées et plus généreuses dans les régions en récession, comme l'Alberta.
Supposons juste un instant — car nous ne pouvons pas rejeter cette hypothèse — que le taux de change reste bas pendant une très, très longue période. En accordant des prestations beaucoup plus généreuses pour aider temporairement des gens, nous risquons de les voir s'habituer à les recevoir. Nous aboutirions alors à la même situation — beaucoup de gens en conviennent — que dans les provinces de l'Atlantique : les généreuses prestations d'assurance-emploi ont engendré d'horribles distorsions, dont il est très difficile de se débarrasser une fois qu'elles sont en place.
Il y a deux choses positives que nous devrions envisager. La première est déjà en marche : c'est l'approbation de l'oléoduc. Un pipeline augmente l'avantage qu'il y a à produire du pétrole au Canada. Il signifie que les sociétés peuvent produire et vendre davantage, faire de meilleurs bénéfices, payer plus d'impôts et mettre moins de gens au chômage. Voilà qui est très positif.
La seconde chose est liée à certaines de mes recherches et de mes publications sur l'immigration. Pendant des années, nous avons eu un système dans lequel nous réduisions le nombre d'immigrants dans les périodes économiques difficiles et les augmentions dans les périodes d'abondance. Nous pouvions fixer le maximum et le minimum au gré du Parlement. En fait, le ministre de l'Immigration et le Cabinet avaient établi le chiffre à 250 000, mais il variait avec la conjoncture économique.
Le système a changé dans les années 1970 ou 1980 parce qu'il était très difficile d'ouvrir et de fermer le robinet. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus facile. Les communications se sont améliorées, de même que le stockage de l'information et les moyens de transport, par rapport à la situation d'alors. Je crois que nous devrions, pour faciliter l'ajustement qui devra inévitablement se produire, faire varier le taux d'immigration avec la situation économique, qui est évidemment influencé par la faiblesse actuelle des prix des produits de base dans le monde.
Le président : Merci, monsieur Grubel. Nous entendrons maintenant M. Daniel Schwanen, de l'Institut C.D. Howe.
Daniel Schwanen, vice-président, Recherche, Institut C.D. Howe : Merci, monsieur le président. Honorables sénateurs, je vous remercie de nous avoir invités à présenter des observations sur les causes et les effets de la récente baisse du taux de change du dollar canadien. Permettez-moi de vous dire quelques mots de notre institut.
[Français]
L'Institut C.D. Howe est un organisme de recherche en politiques publiques, à but non lucratif, non partisan, dont la raison d'être est une meilleure compréhension des choix de politiques auxquels font face les décideurs canadiens, dans le but d'améliorer le niveau de vie des Canadiens.
[Traduction]
Je suis heureux de m'adresser à vous à titre de représentant de l'institut. Vous remarquerez sans doute que certains de mes propos reprennent des choses que vous avez déjà entendues de la part de mes collègues.
Je voudrais vous dire d'entrée de jeu que la valeur du dollar canadien par rapport aux autres devises constitue l'une des plus importantes valeurs — sinon la plus importante — de notre économie. La chute du dollar est la réaction d'une multitude d'intervenants du marché à la baisse des revenus réels et du pouvoir d'achat des Canadiens par suite de l'effondrement des cours du pétrole et des autres produits de base. À bien des égards, notre économie se caractérise encore, par rapport à celles de nos concurrents, par l'abondance de nos ressources. La valeur de ce que les Canadiens vendent au reste du monde, par rapport à la valeur de ce qu'ils achètent du reste du monde, a sensiblement baissé — d'environ 10 p. 100 — depuis 2013.
La baisse du dollar canadien est la réaction du marché qui nous indique que, compte tenu des nouvelles réalités concernant les prix des produits de base, la richesse des Canadiens ainsi que leur capacité de gagner des salaires élevés et d'attirer du capital sont moindres que ce qu'elles étaient auparavant. Les faiblesses de notre économie — croissance relativement médiocre de notre productivité et vulnérabilité à l'endettement — sont maintenant plus évidentes. Nos clients sont disposés à acheter ce que nous produisons, mais à un prix inférieur. Ils sont prêts à investir au Canada, mais à un prix moindre qu'auparavant. La baisse de la valeur de notre dollar représente ce prix moindre.
Cette description très stylisée explique pourquoi le taux de change de notre dollar par rapport aux autres devises doit rester flottant. Si ce taux ne pouvait pas s'adapter aux circonstances, les entreprises et les travailleurs auraient l'obligation de réduire les salaires pour maintenir la compétitivité. À défaut, ce sont les quantités que nous aurions à réduire. L'emploi et l'investissement en souffriraient encore plus qu'à l'heure actuelle.
Nous avons vu des cas — récemment encore, dans la zone euro — où l'impossibilité de rajuster les taux de change a imposé de réduire les salaires pour que l'économie demeure compétitive. S'il est impossible de rajuster les salaires et que le taux de change est fixe, les effets se font sentir dans l'économie sous forme d'un chômage élevé.
Je dois mentionner que la valeur du dollar canadien dépend aussi de ce que les autres pays font. Il s'agit en effet de la valeur d'une devise par rapport à une autre. Par exemple, lorsque les États-Unis ont inondé le marché de leurs dollars, parce que la Réserve fédérale américaine appliquait sa politique dite d'« assouplissement quantitatif » en 2010 afin de relancer l'économie, le dollar américain a chuté par rapport aux autres devises. Comme d'autres témoins l'ont signalé, maintenant que l'économie américaine est plus solide, la politique monétaire relâchée est progressivement retirée, ce qui a renforcé le dollar américain, et pas seulement par rapport à la devise canadienne, puisque nous pensons à notre taux de change surtout en fonction du dollar américain. La chute du dollar canadien par rapport à celui des États-Unis a été plus forte que sa baisse par rapport à d'autres devises, comme l'a mentionné une étude récente de la Banque du Canada.
La production canadienne n'est donc pas la seule à être plus compétitive dans notre marché le plus important, les États-Unis. Nous n'avons pas carte blanche même si notre dollar a beaucoup baissé par rapport au dollar américain.
Voilà ce que je pense des causes et de l'environnement dans lequel nous fonctionnons.
Quant aux effets, considérons la chute par rapport au dollar américain, qui est la principale devise par rapport à laquelle le dollar canadien est évalué. Par suite de la baisse, tout ce que nous importons en dollars américains est plus coûteux. En même temps, ce que nous vendons en dollars canadiens est moins coûteux pour les entreprises et les particuliers qui gagnent un revenu mesuré en dollars américains. Par conséquent, ce que nous avons à vendre est plus compétitif sur le marché américain.
Fait qui ne surprend guère, le résultat prévu d'une chute du dollar canadien est un accroissement de nos exportations nettes, compte tenu de nos niveaux de productivité, de nos salaires et des autres coûts que nous devons assumer en dollars canadiens, pourvu que tout reste constant. Nos exportations devraient donc augmenter tandis que nos importations diminuent, du moins dans un scénario où rien ne change. C'est là un mécanisme clé qui soutiendra l'économie face au choc que nous avons connu à cause de la chute des prix du pétrole.
Davantage de Canadiens prendront des vacances au Canada au lieu d'aller à l'étranger. En même temps, les touristes étrangers trouveront le Canada plus attrayant. Nous assistons déjà à une hausse sensible dans beaucoup de catégories d'exportations, qui connaissent un taux de croissance nettement supérieur à celui de l'ensemble de notre économie.
Cette transition forcée, qui nous écarte de la production étrangère et nous rapproche de la production canadienne, n'est pas toujours avantageuse pour les Canadiens. Par exemple, une grande proportion des investissements canadiens en machines et en matériel se compose de biens importés, comme d'autres l'ont mentionné. Ces biens sont maintenant plus coûteux. Par conséquent, au moins dans une certaine mesure, le fait d'investir dans le renouvellement de la capacité de production canadienne revient plus cher maintenant à cause de la baisse du dollar canadien. C'est en même temps plus souhaitable parce que nos exportations devraient nettement augmenter.
Il en est de même d'autres intrants étrangers dont les entreprises canadiennes ont besoin. Il est intéressant de se demander s'il y a des secteurs qui devront se battre pour attirer des compétences, par exemple dans les services, à un moment où les salaires sont plus élevés aux États-Unis. Cette question a son importance parce qu'à moins de faire les investissements nécessaires ou d'attirer les compétences pouvant augmenter notre productivité, le dollar continuera tout simplement à baisser, en même temps que notre niveau de vie.
En fin de compte, les résultats ne sont pas uniformément positifs, même dans ces conditions. Il y a un prix à payer quand le dollar canadien baisse. Bref, la performance du dollar et, partant, le pouvoir d'achat des Canadiens dépendent non seulement du prix que nous tirons de notre production sur les marchés internationaux, mais aussi, d'une manière plus fondamentale et à long terme, de l'évolution de notre productivité par rapport à celle des autres pays.
Au niveau du détail, les consommateurs ressentiront les effets de la hausse des prix des produits importés. Cela fait partie du mécanisme d'ajustement que j'ai décrit. Toutefois, cela n'a pas d'effets sur l'objectif global d'inflation de notre politique monétaire. Si l'inflation risque de dépasser l'objectif à cause des prix d'importation plus élevés, la Banque du Canada prendra des mesures correctives pour soutenir le dollar canadien et atténuer la hausse des prix des produits et des services importés. Autrement dit, un dollar bas n'a pas d'effets permanents sur le taux d'inflation.
Je dirai en conclusion que notre économie et notre devise seraient dans une meilleure situation si les prix de beaucoup de nos produits de base ne s'étaient pas effondrés ou si la productivité du Canada avait été supérieure. Toutefois, dans les circonstances, un taux de change flottant est un mécanisme essentiel qui permettra aux secteurs autres que celui des ressources de prendre de l'essor et d'atténuer le choc subi par le secteur et les régions de ressources, de sorte que la situation des revenus et de l'emploi au Canada sera de loin meilleure que ce qu'elle aurait été si nous avions un taux de change fixe.
Bref, nous considérons que la situation du taux de change, prise évidemment en contexte, aboutira lentement mais sûrement à une amélioration du rendement net de nos exportations et soutiendra l'économie canadienne dans cette conjoncture très difficile.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Nous sommes heureux de vous accueillir ce soir.
Pour résumer brièvement ce que vous avez dit, nous vivons une période économique anormale, turbulente et complexe. Les termes de l'échange ont changé énormément, et nous sommes dans une situation où les défis du point de vue des politiques publiques ne sont pas tout à fait les mêmes que par le passé. Je pense que le gouverneur de la Banque du Canada a bien dit que la politique monétaire ne peut plus être un levier économique, comme c'était le cas auparavant.
On sait que la politique fiscale peut être appelée à la rescousse, mais avec des bémols, si je comprends bien vos sous- entendus.
Personne d'entre vous n'a parlé des projets d'infrastructure majeurs que le gouvernement fédéral compte entreprendre et qui représentent 125 milliards de dollars sur 10 ans, accompagnés de fonds provenant des provinces, des municipalités et du secteur privé. Il s'agit peut-être d'un mini boum intérieur qui pourrait contribuer à améliorer notre compétitivité, notre productivité et nos facteurs fondamentaux pour que, éventuellement, les termes de l'échange soient un peu plus avantageux pour nous.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette initiative, et si des efforts à l'échelle internationale s'y ajoutaient pour renouveler des infrastructures, parce qu'il s'agit d'un problème mondial. Sommes-nous en mesure de réunir des conditions plus favorables que ce qu'on a entendu afin de permettre à l'économie canadienne et à d'autres pays également de mieux s'en sortir en favorisant des situations plus adaptées aux changements climatiques et aux conditions fondamentales du monde d'aujourd'hui?
J'aimerais vous entendre tour à tour au sujet du problème des investissements en matière d'infrastructures.
[Traduction]
M. Hodgson : Je vous remercie pour cette excellente question. J'ai eu l'occasion hier de comparaître devant le comité des finances de la Chambre des communes. Nous avons eu une longue conversation sur l'infrastructure. Je vais donc reprendre la réponse que j'ai donnée hier.
Nous croyons qu'à court terme, les dépenses d'infrastructures constituent l'un des meilleurs moyens de stimuler l'économie. Notre analyse montre que pour chaque dollar dépensé, l'économie retire un avantage supérieur à un dollar. Le facteur multiplicateur est habituellement de l'ordre de 1,20 $ par dollar dépensé.
À court terme, c'est un excellent moyen d'aider les économies de l'Alberta et de Terre-Neuve, par exemple, à surmonter le choc causé par l'effondrement des prix du pétrole.
Mais l'argument fondamental — que vous avez vous-même mentionné — est que nous n'avons pas assez investi dans les infrastructures publiques depuis une trentaine d'années et que nous avons donc un énorme rattrapage à faire. La Fédération canadienne des municipalités estime à 177 milliards de dollars le manque à investir dans les infrastructures municipales qui aboutissent aux systèmes routiers, aux ponts interurbains, aux ports et à tout le reste. Il est vraiment essentiel de rebâtir notre plateforme pour faire le commerce avec les Américains et le reste du monde. Je crois que ce sera vraiment la pierre angulaire de la politique fédérale à l'avenir. Il est impossible de remédier à la situation dans un seul budget. Il faudra prendre des engagements étalés sur de nombreux budgets afin d'assurer un plus grand soutien public des infrastructures dans le cadre — nous l'espérons — d'une action concertée des trois ordres de gouvernement.
Mme Yalnizyan : Merci beaucoup de votre question. Je regrette de ne pas pouvoir vous répondre en français.
Vous avez parfaitement raison de dire que l'infrastructure peut jouer un rôle déterminant si les trois ordres de gouvernement agissent ensemble. Je vis à Toronto, où nous avons actuellement une énorme querelle au sujet de notre budget. Nous avons des choses à faire d'une valeur de 22 milliards de dollars, qui sont insuffisamment financées. Il est nécessaire d'augmenter les recettes à ce stade. Si nous voulons réaliser ces choses, nous allons devoir trouver des revenus supplémentaires. Par conséquent, oui, je suis parfaitement d'accord, il faut en faire davantage. Il y a un peu d'argent au niveau fédéral.
Si le gouvernement fédéral annonce son plan d'infrastructure, nous aurons peut-être une plus grande contribution, mais la règle traditionnelle a toujours consisté à faire trois parts égales, chaque ordre de gouvernement payant un tiers des frais pour que les choses se fassent. C'est ainsi que nous avons bâti le Canada, et je ne m'attends pas à ce que les choses soient différentes cette fois-ci. Comme je l'ai dit, il y a beaucoup de grandes municipalités qui se débattent pour réaliser les projets déjà planifiés, et qui auraient donc énormément de difficultés à en faire davantage.
Cela dit, même si le fédéral ne lance pas un programme d'infrastructure, il y aura chaque année des fonds fédéraux de 1,6 milliard pour les infrastructures lourdes, 1,6 milliard pour les infrastructures légères ou sociales et 1,6 milliard pour les infrastructures vertes. L'ensemble ne représente qu'une goutte d'eau dans une économie de 2 000 milliards de dollars. Nous n'allons pas faire beaucoup monter la croissance avec des dépenses de ce genre. Même en doublant ces montants, les effets seraient à peine sensibles.
Je ne voudrais pas que nous nous égarions en affirmant que le gouvernement fédéral ne peut rien faire d'autre pour relancer l'économie. L'une des choses qu'il peut faire dans une période de croissance faible ou nulle, c'est empêcher les coûts évitables d'augmenter. Nous devons non seulement examiner un éventuel plan de relance pluriannuel, mais aussi songer à ce que nous pouvons faire pour éviter que les contribuables aient à dépenser davantage plus tard lorsque les taux d'intérêt et les coûts de main-d'œuvre auront augmenté, ce qui ne manquera pas de se produire. Pourquoi ne parlons-nous pas des économies que nous assurerons aux contribuables? Nous devons éviter les fausses économies en cessant de dire : « Si nous équilibrons le budget maintenant, nous n'aurons pas à payer plus tard. » Nous devrons payer davantage plus tard. Que faisons-nous pour écarter ce qui est évitable? Notre économie, qui se classait huitième parmi les économies du monde avant la récession, est maintenant en onzième position. Le Mexique s'apprête à passer en cinquième position dans les prochaines années. Si nous n'investissons pas, nous risquons la stagnation.
Qu'allons-nous faire pour éviter cette situation? L'économie mondiale forme une grande chaîne d'approvisionnement dont les éléments sont interdépendants. Quelles mesures prendrons-nous pour nous placer aux premiers rangs? Sommes-nous disposés à envisager d'augmenter les recettes pour le faire? Nous ne pouvons pas tout réaliser avec des déficits budgétaires. Nous pouvons le faire pour certains éléments, mais pas pour la plupart.
Cela nous amène à aborder une question différente à laquelle vous avez très brièvement fait allusion tout à l'heure. J'ai vu quelques articles à ce sujet la semaine dernière. Michael Spence a écrit un texte évocateur sur ce qu'il conviendra de faire pour changer le schéma de la croissance mondiale. Il a aussi dit que tous les pays s'entendent pour équilibrer leur budget, ce qui ralentit la croissance parce que des sommes colossales sont mises de côté. C'est ce que Mark Carney, l'ancien gouverneur de la Banque du Canada, appelait « l'argent mort » parce qu'il n'est pas investi. Les investisseurs se disent : « Il n'y a pas de croissance. Pourquoi devrais-je investir maintenant dans des projets d'expansion? Je vais plutôt garder de l'argent liquide parce que je ne sais pas à quoi m'attendre. »
Si chacun faisait la même chose, il y aurait d'énormes sommes qui ne servent à personne. Quelqu'un doit faire sauter cet embâcle. Malheureusement, nous sommes obsédés par l'idée que les gouvernements sont pareils aux ménages : tout le monde doit boucler son budget et, comme nous avons tous des déficits, tout ce que nous pouvons faire, c'est réduire les dépenses. C'est vraiment stupide, car nous nous pénalisons doublement : nous ne pouvons pas croître parce que le secteur privé n'a aucune raison de s'étendre et que le secteur public veut faire des compressions.
Nous devons vraiment changer de philosophie lorsque nous pensons aux gouvernements, à leur objet et à leur façon de préparer la voie à la croissance future. C'est leur rôle parce que l'investissement public et l'investissement privé sont deux choses complètement différentes, même si elles sont complémentaires. Sans l'apport du secteur public... Songez à ce que Glen a dit. Nous avons de l'entretien différé d'une valeur de 177 milliards de dollars. Ne parlons pas d'expansion, de trains à grande vitesse ou d'infrastructures vertes. Parlons de cet entretien différé. Pour pouvoir nous en occuper afin de croître au même rythme que les meilleurs pays du monde, nous devons changer d'optique quant à ce que les gouvernements sont censés faire. Nous devons nous demander si le gouvernement qui intervient le moins possible est vraiment le meilleur. C'était le point de vue le plus courant dans les 20 dernières années.
M. Grubel : Nous venons d'entendre le raisonnement de gauche typique qui consiste à dire : « Dépensons davantage, les déficits n'ont aucune importance, nous nous rattraperons à l'avenir. Ce ne sont que des investissements. »
Je me demande pourquoi la ville de Montréal, constatant que ses infrastructures se détériorent, n'augmente pas les impôts fonciers pour faire les réparations nécessaires. Pourquoi devrions-nous, en Colombie-Britannique, envoyer de l'argent à Montréal pour remédier au problème? Pourquoi n'est-ce pas une responsabilité locale?
On demande aux gens, un peu partout dans le pays : « À votre avis, quels problèmes devons-nous régler maintenant? » S'ils n'ont rien à payer, ils vous proposeront de merveilleux plans. Ils ne s'arrêteront pas à 137 milliards; ils feront état de désirs valant 300 milliards. Je me demande où se situe le niveau optimal. Allons-nous décider à Ottawa du niveau optimal d'infrastructures dont le pays a besoin? La décision ne devrait-elle pas être décentralisée? C'est un point dont j'aimerais discuter.
On a laissé entendre qu'en fait, les dépenses d'infrastructures sont avantageuses comme mesures anticycliques. L'expérience acquise nous montre que les projets prêts à démarrer sont extrêmement petits et ne sont pas très nombreux. D'ailleurs, beaucoup ont déjà été réalisés. Nous voulons ajouter quelques projets, mais il faut attendre longtemps afin d'obtenir les approbations environnementales et d'autres permis gouvernementaux pour être en mesure de créer des infrastructures. L'expérience montre qu'en général, lorsqu'on a obtenu toutes les autorisations nécessaires, le cycle économique a déjà tourné et on est en période d'expansion, ce qui fait que le projet en cause ne fait qu'alimenter l'inflation. Je voudrais simplement vous dire que c'est ce que l'expérience nous enseigne.
Je suis très sceptique, mais je m'inquiète — comme tout le monde — des raisons pour lesquelles nous avons un tel ralentissement de la croissance économique, surtout dans le monde occidental. Il faut être prudent lorsqu'on discute de cette question parce qu'elle dépend dans une grande mesure de la croissance démographique. Nous pouvons avoir une forte croissance de la population et de l'économie, mais c'est une autre question. Au Canada, aux États-Unis et en Europe nous avons besoin de ce qu'on appelle une augmentation de la « productivité globale des facteurs ». Autrement dit, nous avons de la croissance dans nos économies de marché quand un travailleur qui gagne 100 $ cette année arrive à gagner 102 $ l'année suivante. Ce n'est pas inflationniste, mais sa productivité s'est accrue de 2 $. Ainsi, le même capital donnera lieu à une plus grande production l'année prochaine.
Comment pouvons-nous obtenir cette productivité accrue de la main-d'œuvre et du capital? C'est grâce à l'innovation, à des gens qui développent de nouveaux produits, de meilleures technologies, et cetera.
Pourquoi n'avons-nous pas réussi à réaliser cette innovation? Tout le monde en parle, tout le monde investit dans des centres de développement chargés de produire de nouvelles idées. Mais rien n'aboutit. Peut-être les créateurs n'arrivent-ils pas à vendre leurs innovations. Toutefois, cela ne les avait jamais arrêtés dans le passé.
Je pense que, dans le monde occidental, nous avons tué la poule aux œufs d'or avec une réglementation excessive.
Il y a deux semaines, j'ai déjeuné avec un type à Whistler. Dans le temps, il vendait des aliments aux entreprises d'élevage du saumon. Lui et un ami avaient découvert qu'il y avait un grand problème en Colombie-Britannique, celui de se débarrasser des débris provenant des nombreuses serres que nous avons. Ils avaient alors eu l'idée de mettre les débris dans une boîte et d'y placer des œufs d'insectes pouvant s'en nourrir. Quel merveilleux moyen de recyclage! Ensuite, ils ont pris les insectes et en ont fait de petits gâteaux qu'ils pouvaient vendre. Les chiens les adorent, et ils peuvent aussi servir d'engrais. Toutefois, le grand marché est celui des aliments piscicoles. Aux États-Unis, aucun règlement n'empêche la vente d'insectes comme aliments pour les poissons.
Ce type m'a dit qu'il négociait depuis quatre ans avec les organismes de réglementation d'Ottawa pour obtenir l'autorisation de vendre ses petits gâteaux aux éleveurs. Voilà ce qui se passe. Cette histoire se reproduit partout. C'est l'environnement réglementaire qui a tué la poule aux œufs d'or.
[Français]
M. Schwanen : J'ai une réponse plutôt courte, car on en déjà beaucoup dit à ce sujet. Je suis d'accord avec les intervenants qui croient que les dépenses en matière d'infrastructure ont un effet positif, quoique limité à court terme. La vraie question est à savoir quel sera l'impact des dépenses en infrastructure à long terme. Tout dépend du choix des infrastructures. C'est, bien souvent, l'objet de nos travaux. Ces dépenses nous aideront-elles à exporter ou à augmenter notre productivité ou notre compétitivité? Investirons-nous dans les ponts, les frontières ou même les oléoducs? Ce sont ces investissements qui augmenteront la capacité du Canada à générer des revenus et des salaires élevés pour la population canadienne.
En termes d'infrastructures physiques, c'est très important, mais il faut faire les bons choix. Cet aspect est encore plus important que le total des dépenses. C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant, mais je pourrai vous donner d'autres détails si vous le voulez.
[Traduction]
Le président : Je voudrais demander à tous d'être plus concis dans les questions et les réponses pour que nous puissions terminer avant 18 heures.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Ma question s'adresse à MM. Hodgson et Schwanen, car nous connaissons déjà l'opinion de Mme Yalnizyan.
En examinant le monde entier, et surtout le Japon, on arrive à une théorie sur la croissance économique et à une théorie sur la politique monétaire. Toutefois, plusieurs pays ont de la difficulté à créer une croissance acceptable. On se demande donc si ces théories s'appliquent toujours. Peut-être que nous vivons à une époque différente. Peut-être que nous connaîtrons 100 ans de croissance relativement faible, ou peut-être que nous nous trompons sur la façon de gérer l'économie.
Monsieur Hodgson, monsieur Schwanen, avez-vous des craintes à cet égard? Est-ce que nous devons nous préparer à une croissance peu élevée, compte tenu de la situation démographique au Canada, en Europe et ailleurs?
[Traduction]
M. Hodgson : Sur ce point, je serais d'accord avec M. Grubel. Je dirais que la croissance de la productivité est la solution magique. Malheureusement, notre performance sur ce plan est médiocre depuis 25 ans, notre taux de croissance de la productivité étant d'un point entier de pourcentage inférieur à celui des États-Unis. Il n'y a pas de panacée. Je ne peux penser à aucune solution simple.
Le président : J'ajouterai qu'au comité, nous parlons de cette question depuis 20 ans au moins.
M. Hodgson : Absolument. Nous avons tendance à penser à toute une série d'activités dont aucune ne peut, seule, résoudre le problème. Nous devons sans doute les adopter toutes.
Il est probable que nos gouvernements ont déjà parcouru les deux tiers du chemin en ce qui concerne les politiques qu'ils ont la possibilité de changer. Nous avons une réforme fiscale et nous avons déployé des efforts pour conclure des accords de libre-échange. Le ministre Bains a déjà évoqué la possibilité de se débarrasser des barrières interprovinciales. Nous avons peut-être abordé une période, disons-le, de stagnation séculaire dans laquelle il est très difficile de générer de la croissance. Nous devrions idéalement concentrer nos efforts, nos budgets et presque tous les aspects de l'élaboration des politiques sur une forme de croissance qui serait largement répartie dans toute l'économie, mais il n'y a pas de panacée.
Il est tout à fait vrai que des facteurs démographiques conditionnent le potentiel sous-jacent de croissance. Toutefois, un pays comme le Japon, par exemple, ne se développe qu'à cause de la croissance de sa productivité. Beaucoup d'autres pays industrialisés connaissent les mêmes difficultés. Il n'y a pas de solution magique. Réfléchir intensément à des choses telles que l'innovation, la mise en marché de nouveaux produits et les moyens d'alimenter le processus d'intégration fait partie du dialogue et de la conversation.
[Français]
M. Schwanen : Il y a tout de même de bonnes nouvelles dans le monde. Certains pays connaissent une croissance accélérée, comme l'Inde. Même en Afrique, les choses vont relativement bien ces temps-ci. Il y a donc des pays qui trouvent la formule. Évidemment, ils ne sont pas dans la même situation que le Canada.
Pour donner suite aux propos de mon collègue, Glen, je dirais que nous avons un peu gaspillé notre chance. Nous avons eu tous ces revenus du pétrole, que nous n'avons pas réinvestis dans des domaines qui nous permettraient justement d'améliorer notre productivité et de favoriser l'innovation dans la recherche au développement. Nous ne les avons pas réinvestis non plus dans des couches de la population qui sont importantes au Canada et qui ont de la difficulté à s'adapter à une économie de pointe en termes de technologie. Il s'agit de problèmes liés à l'alphabétisation et aux notions de calcul, par exemple. Si les gens ne suivent pas l'évolution de la technologie, et vice versa, nous aurons des problèmes.
Je ne jetterai pas l'éponge. Nous avons une chance, encore une fois, de réinvestir dans des programmes et dans l'infrastructure de façon à générer une meilleure croissance économique, et ce, pour mieux faire face à nos défis fiscaux en termes de vieillissement de la population. Il y a des choses que nous aurions pu faire et que nous n'avons pas faites, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire.
[Traduction]
La sénatrice Marshall : Je voudrais revenir à la question des dépenses de relance. Chaque fois que nous parlons de relance, pourquoi insistons-nous toujours sur les dépenses d'infrastructure? Si le gouvernement doit avancer un certain montant de financement, nous espérons qu'il s'est fixé une limite pour ce qui est de la taille du déficit qu'il acceptera. Mais pourquoi insistons-nous sur l'infrastructure? Est-ce là que nous aurons le meilleur rendement? Ne vaudrait-il pas mieux utiliser l'argent — je ne sais pas — peut-être pour aider Bombardier? Pourquoi parle-t-on toujours d'infrastructure? Est-ce dans ce domaine que nous profiterons le plus de notre investissement?
Un témoin a dit que les dépenses de ce genre sont avantageuses à court terme, mais non à long terme. Pourquoi est- ce que tout le monde parle d'infrastructure? Si nous devons stimuler la croissance — et je ne dis pas que j'appuierai d'importantes dépenses de relance —, faut-il absolument le faire en passant par l'infrastructure? Pourquoi insister tant sur cet aspect? Promet-il vraiment le rendement le plus élevé?
Le président : Est-ce que quelqu'un souhaite répondre?
La sénatrice Marshall : J'ai une autre question à poser si personne ne veut répondre à celle-ci.
Le président : Je pense que les témoins sont prêts à répondre.
M. Hodgson : Je vais peut-être donner une brève réponse. Tout d'abord, le facteur multiplicateur des dépenses d'infrastructures est assez élevé. De plus, ces dépenses sont très visibles, ce qui est de bonne politique.
Nous pouvons aussi recourir à d'autres programmes. Par exemple, j'avais bien aimé le crédit d'impôt pour la rénovation domiciliaire qui avait été offert en 2009. Il avait permis à beaucoup de travailleurs au chômage de retrouver un emploi très rapidement. Il avait également donné aux gens la possibilité de faire un peu plus tôt une dépense qu'ils auraient peut-être faite de toute façon. Le programme a donné de très bons résultats pendant une courte période.
La sénatrice Marshall : Plus de gens pensent qu'ils en profitent.
M. Hodgson : La réforme de l'assurance-emploi est une autre possibilité, si on peut la réaliser rapidement. De toute évidence, les Albertains ont beaucoup de difficultés à accéder à l'assurance-emploi. C'est une autre initiative qu'on peut mettre en œuvre assez rapidement et qui donne de bons résultats. Il reste quand même qu'une analyse brute, comme nous en faisons tous les jours, révèle que les dépenses d'infrastructures donnent un bon rendement pour chaque dollar qui y est affecté.
La sénatrice Marshall : Un témoin a dit qu'il en est seulement ainsi à court terme, mais non à long terme. Ce n'est pas exact? C'est vraiment à long terme?
Me reste-t-il assez de temps pour une autre question?
Le président : Est-ce que quelqu'un d'autre veut essayer de répondre? Autrement, sénatrice, posez votre question.
Mme Yalnizyan : Je me demande si je peux intervenir brièvement pour répondre à la question exceptionnellement intéressante concernant l'opportunité d'investir dans Bombardier. Je pense que c'est l'une de ces questions auxquelles il est impossible de répondre parce que la situation du marché évolue rapidement pour cette entreprise et qu'il est difficile de prédire ce que l'avenir lui réserve. Je suis contente de ne pas avoir à prendre moi-même cette décision.
Toutefois, si nous perdions Bombardier, l'impact sur l'économie québécoise serait encore plus important que celui de la crise de 2008 sur l'industrie automobile ontarienne. Il y aurait aussi d'énormes répercussions sur l'économie nationale.
On peut donc avoir l'impression qu'il est extrêmement facile de répondre à la question. On peut se dire : pourquoi le ferions-nous? On se rend cependant compte qu'il n'est pas si facile que cela de répondre.
Vous avez demandé pourquoi nous devrions faire quelque chose qui ne serait avantageux qu'à court terme. Investir dans l'infrastructure est tout à fait le contraire de travailler pour le court terme si nous parlons d'ouvrages importants ayant une durée utile de 20 ou 30 ans. Je ne sais pas où vous vivez, mais, dans les grandes villes, la circulation est extrêmement lente parce que nous n'avons pas suffisamment de logements abordables et que les gens vont habiter de plus en plus loin de leur lieu de travail. Cela retarde les entreprises et les travailleurs et finit par nous coûter une fortune. Jusqu'ici, nous n'avons pas trouvé un moyen de résoudre ce problème.
Par conséquent, si nous pouvons trouver une solution, les marchés fonctionneront mieux et nous aurons jeté les fondations pour l'avenir.
La sénatrice Marshall : Puis-je avoir une question au deuxième tour si nous en avons un?
Le président : Oui, absolument.
Le sénateur Enverga : Au sujet du dollar américain et du dollar canadien, on se demande toujours quel serait le meilleur taux de change que nous puissions avoir. Je sais que lorsque notre dollar était haut, on se plaignait parce que personne n'achetait nos marchandises. Et maintenant qu'il est bas, nous avons besoin d'aide.
Quelle serait la valeur idéale du dollar canadien, compte tenu du fait que nous avons toujours essayé de le rendre égal au dollar américain? Je pense au commentaire de Herb concernant la devise américaine. Serait-il préférable pour nous d'adopter le dollar américain? Cela est-il possible? Qu'arriverait-il si nous le faisions?
M. Grubel : On me posait toujours cette question lorsque je proposais d'adopter l'« amero » avec tous les avantages qu'il comporte. J'ai récemment parlé au téléphone avec l'économiste en chef de l'une des grandes banques, qui a déjà été doyen d'une importante école de commerce. Il recevait toutes sortes de messages de chefs d'entreprises qui lui disaient : « Nous sommes ravagés par les fluctuations constantes du taux de change. Il est extrêmement difficile et coûteux dans ces conditions de planifier nos activités. » Pour eux, cette situation était bien pire qu'un taux de change fixe.
Ma réponse à votre question, c'est bien entendu que je ne connais pas le taux de change idéal. Il nous faudrait tenir une longue discussion, si nous en arrivions un jour à nous entendre sur une monnaie commune, pour déterminer si le dollar canadien serait échangé à 90 cents ou à 1,10 $. Je ne sais pas vraiment. Le point essentiel, c'est que la certitude accrue qui découlerait de l'absence de fluctuations dans nos échanges avec les États-Unis encouragerait l'investissement, la spécialisation, le commerce et les mouvements de capitaux. Ce serait un énorme avantage, un peu comme l'avantage que l'Ontario tire d'un marché exempt de fluctuations des prix, de même que le Manitoba, la Colombie-Britannique et les autres.
C'est l'argument essentiel. Le concept est très abstrait. Je voulais simplement l'avancer comme antithèse de l'idée qu'un taux de change flottant constitue la solution pour tout le monde.
M. Hodgson : Eh bien, j'ai deux petites observations à formuler. La plupart des économistes pensent qu'un taux de change de 85 cents représente la parité des pouvoirs d'achat. C'est ce qui ressort de notre analyse ainsi que de celles du FMI et de l'OCDE. Bien sûr, nous ne restons jamais à ce niveau parce que le taux de change est fixé par le marché au jour le jour. Nous l'atteignons de temps en temps dans les périodes de hausse et les périodes de baisse.
Je pourrais passer beaucoup de temps à réfuter les avantages d'un taux de change fixe. Je crois que si vous demandiez aux Espagnols, aux Grecs et aux Italiens quels sont les avantages de l'appartenance à la zone euro, ils rejetteraient sans hésiter le système de taux de change fixe de l'Europe. Mais nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour parler de l'Europe.
Le président : Monsieur Schwanen, voulez-vous intervenir?
M. Schwanen : Non, pas vraiment. Je suis d'accord avec Glen tant au sujet de la parité des pouvoirs d'achat que des dangers d'un taux de change fixe. Avec un taux fixe, on n'a plus de souplesse, ce qui est plus important que les avantages de la plus grande certitude dont parle M. Grubel. Je suis d'avis que nous ne devrions pas perdre notre souplesse en adoptant un taux de change fixe.
Mme Yalnizyan : Tout ce que j'ai à ajouter, c'est que personne ne connaît la valeur relative du dollar canadien par rapport au dollar américain parce que cette valeur change tout le temps. Si nous avions parlé de l'« amero » il y a quelques années, lorsque nous étions au-dessus de la parité, aurions-nous eu intérêt alors à adopter le taux de change fixe?
Il est difficile de fixer une valeur dans un marché en évolution constante dont chacun des éléments varie à sa façon. Pour le moment, j'ai l'impression qu'en l'absence d'une base énergétique différente, l'économie canadienne peut s'attendre à une longue période de dollar faible.
Le sénateur Enverga : Je sais qu'un certain nombre de petits pays, comme l'Équateur, El Salvador et d'autres, ont adopté le dollar américain. Savez-vous si cela a été avantageux pour eux? Comment se porte leur économie? Se débrouillent-ils mieux que les autres?
M. Hodgson : Dans la plupart des cas, les pays qui ont adopté le dollar américain avaient auparavant connu une situation monétaire catastrophique. N'ayant aucun autre ancrage dans leur économie, ils l'on fait parce qu'ils n'avaient pas d'autre choix. Le Zimbabwe serait sans doute bien avisé d'adopter le dollar américain comme devise parce que sa situation est vraiment catastrophique.
M. Grubel : J'ai demandé une fois à Milton Friedman — parce que j'ai déjà enseigné à l'Université de Chicago — ce qu'il pensait de l'argument de Mundell relatif à la zone optimale pour une devise. Je lui ai demandé : « Si c'est tellement avantageux pour tous les pays, recommanderiez-vous que le Panama ait sa propre monnaie? » Il a répondu : « Non. Le Panama a bien fait d'adopter le dollar. » Aujourd'hui, le Panama est l'un des pays les plus prospères de l'Amérique centrale. La raison, c'est que les politiciens ne peuvent plus ordonner à la banque centrale de financer leurs dépenses excessives comme l'ont fait l'Espagne et la Grèce. J'ai beaucoup écrit à ce sujet. Un jour, les Grecs seront reconnaissants de leur appartenance à la zone euro parce que leurs politiciens dépensaient constamment beaucoup trop et imposaient à leur banque centrale de faire marcher la planche à billets. Ils en ont payé le prix sous forme d'inflation et d'une économie très stagnante.
Il y a de longs arguments à faire valoir de part et d'autre, et je ne fais que vous en donner une idée.
Le sénateur L. Smith : Merci beaucoup de votre participation. Je vais tâcher d'être le plus bref possible.
Le sénateur Massicotte, je crois, a commencé une question qui m'a incité à intervenir. Vous êtes enfermés dans une salle, vous quatre, y compris notre estimé témoin qui se trouve très loin, dans un studio de télévision, et votre mandat est le suivant : vous devez, chacun de vous, trouver un seul facteur, une seule mesure ou une seule politique sur quoi vous vous appuieriez pour aider notre pays à se relancer, pour insuffler une nouvelle vigueur, une nouvelle énergie à l'économie, sachant que nous sommes dans une économie mondialisée et que nous sommes touchés par de très nombreux problèmes qui échappent à notre maîtrise.
Je demande à chacun de vous de dire quelle est la mesure prioritaire que vous prendriez si vous étiez en position d'autorité pour la faire appliquer.
Je connais les économistes. J'ai moi-même une spécialisation en économie, et je me souviens que, en quatrième année, nous avions des discussions avec notre professeur. Nous étions cinq dans la classe, en économie internationale, nous buvions, nous avions du plaisir et nous théorisions à n'en plus finir. Mais y a-t-il quelque moyen pratique de nous attaquer au problème?
Mme Yalnizyan : Je proposerais un plan décennal visant à résorber les retards dans l'entretien différé, dont la valeur atteint les 177 milliards de dollars. Le coût des travaux ne fera qu'augmenter avec le temps. Si nous faisons les réparations, nous pourrons construire, nous pourrons ajouter d'autres infrastructures. Je proposerais donc un plan décennal clairement défini : qu'allez-vous faire, quand allez-vous le faire? Pour réaliser les travaux, je lèverais des impôts. Je ne les financerais pas par le déficit budgétaire.
Le sénateur L. Smith : Comment définit-on l'entretien différé, s'il vous plaît?
Mme Yalnizyan : C'est tout ce que la Fédération canadienne des municipalités a désigné comme tel.
Le sénateur L. Smith : Vous parlez donc d'infrastructures.
Mme Yalnizyan : Des infrastructures matérielles. Je ne parle même pas d'infrastructures vertes ou sociales. Qu'on répare les infrastructures de base nécessaires à la croissance, celles dont se servent les entreprises, les familles, tout le monde.
M. Grubel : Vous avez eu une question que je pose souvent. Elle permet d'en savoir long sur la façon de penser des gens. C'est un très bon stratagème.
Une des choses qui découragent le plus les investissements et les dépenses de consommation, qui stimuleraient l'économie, c'est l'incertitude devant l'avenir. Quelle est l'une des grandes incertitudes en ce moment? Nous venons de signer un accord prévoyant une réduction radicale des émissions de gaz à effet de serre. Quelles seront les conséquences pour l'industrie? Les entreprises devront-elles les réduire beaucoup? Ces réductions vont-elles les plonger dans les difficultés ou les stimuler?
Et voici que le gouvernement dit : « Vous savez, un petit déficit actif qui laisse le ratio de la dette au PIB à un niveau raisonnable... » Peu importe si, plus tard, il est très difficile de le réduire, compte tenu du taux de croissance. Et nous ne savons pas vraiment quelle sera la croissance économique, celle qui permettrait d'avoir le ratio de la dette par rapport au PIB que nous prédisons.
Bien des gens, au Canada, s'interrogent vraiment sur l'intérêt que présente un nouveau cycle de déficit actif. Nous avons mis beaucoup de temps à en sortir. Cela a compté dans le mouvement de 1993, le Parti réformiste, qui a beaucoup changé la façon de penser. Et cela nous a valu 10 ou 15 ans de prospérité, tandis que d'autres pays n'ont pas abaissé le déficit comme Chrétien l'a fait.
Il y a donc toute cette incertitude suscitée par les politiques interventionnistes du gouvernement, qui nuisent aux dépenses des consommateurs et aux investissements. Voilà ma réponse.
M. Schwanen : Je dirai simplement en passant que je suis d'accord avec M. Grubel : beaucoup de secteurs de l'économie sont trop réglementés. Il faut leur laisser un peu de latitude.
Nous devons accepter que notre économie repose toujours en grande partie sur l'exploitation des ressources, et accepter notre destinée de pays commerçant. En ce moment, nous sommes hésitants sur les deux fronts, qu'il s'agisse des pipelines ou des accords commerciaux. D'une façon ou d'une autre, nous devons parvenir à une certaine acceptation sociale, en quelque sorte, sur la façon de faire avancer le dossier de l'énergie, des infrastructures et du commerce.
En ce qui concerne les infrastructures, je suis d'accord avec Armine pour dire que le coût de la congestion est terrible. Une chose, à propos des infrastructures : la vie dans les grandes villes coûte évidemment très cher à l'ensemble de l'économie. L'espace urbain ne rapporte pas aux gouvernements autant de revenus qu'il le devrait, à cause de ce problème.
J'ai une ou deux notes à propos des dépenses en infrastructure. Je vais terminer par mon point le plus solide, qui concerne ces dépenses. D'abord, elles peuvent améliorer la productivité à long terme de l'économie. Deuxièmement, ces dépenses sont plus faciles à financer que d'autres. On n'a pas à financer les infrastructures par des emprunts. Si le gouvernement fédéral veut augmenter ses dépenses en infrastructures, il peut les amortir sur un très longue période, soit celle de la durée des infrastructures. Il n'a pas à faire des déficits.
En ce qui concerne les économies urbaines, la formule que nous envisageons en ce moment, et nous aurons un document à ce sujet d'ici une quinzaine, est une formule de financement des infrastructures appelée « financement par de nouveaux impôts ». C'est ce que nous proposons pour Toronto et que d'autres villes pourraient adopter.
Je le répète, le financement des infrastructures a un impact positif, si on choisit le bon type d'infrastructure, et, deuxièmement, elles sont plus faciles à financer que d'autres programmes.
M. Hodgson : Je vais vous donner une réponse, et elle sera brève. Le plus important que nous puissions faire, c'est investir dans les ressources humaines. C'est un scandale que les jeunes Autochtones aient un taux d'obtention de diplôme d'études secondaires de moins de 50 p. 100. S'il est une chose que je ferais, c'est déployer tous les efforts pour que les jeunes Autochtones aient le même taux d'obtention de ce diplôme que tous les autres jeunes. Le taux chez les Autochtones, dans une province comme la Saskatchewan, est probablement de 45 p. 100.
M. Grubel : Comment allez-vous vous y prendre?
Le président : C'est une question que nous aborderons un autre jour, monsieur Grubel. Parce que je suis ici depuis longtemps.
Nous avons discuté de la productivité. Je me souviens d'une comparution du gouverneur de la Banque du Canada, monsieur Dodge. Nous lui avons demandé pourquoi le dollar était à 65 cents. Et il a fait de grandes explications. Cela dépendait du prix des produits de base. Mais au fond, le Canada est placé devant un problème difficile, et je voudrais connaître votre opinion à ce sujet. Les prix du pétrole ont été déterminés par une sorte d'office géant de commercialisation des œufs, par un cartel. Je suis un partisan convaincu du marché. Je savais donc que, tôt ou tard, l'innovation aurait raison du cartel.
La seule chose qui m'a empêché de devenir milliardaire, c'est que je ne savais pas quand cela se produirait. La croissance économique et les investissements se faisaient en fonction d'un prix qui était fixé par une bande de pays arabes qui contrôlaient la production. Les économistes n'en parlaient pas, personne n'en parlait, mais en réalité, ce prix était faux. C'est comme si on portait le prix des tomates à 100 $, alors que tout le monde a besoin de tomates. Vous savez quoi? C'est le problème que nous avons.
Le fait que le dollar soit à 78, 75 ou 74 cents ne fera pas augmenter la productivité, puisque cela donne un avantage de 40 p. 100 à nos fabricants. Pourquoi investiraient-ils? Pourquoi deviendraient-ils plus productifs?
Comment pouvons-nous concilier les deux éléments? Le problème du prix du pétrole ne se situe pas dans le prix du pétrole, en fait. Il est ce qu'il est. Il sera ce qu'il sera. Il pourrait être de 12 $ le baril lorsque l'Iran commencera à produire. Nous ne devrions pas compter investir de nouveau dans du pétrole à 100 $, à moins que les producteurs ne fixent le prix. Le dollar à 72 cents n'aidera pas à améliorer la productivité. Que sommes-nous censés faire?
M. Grubel : Je dirais que le prix peut aussi être de 200 $. Si un grand conflit militaire éclate au Moyen-Orient, le prix pourrait atteindre ce niveau. Nous ne savons vraiment pas. Comme Václav Klaus l'a dit : « Si nous avions su comment gérer ces choses-là, le communisme aurait marché. » Nous ne savons pas à quoi nous en tenir. Nous devons encourager les marchés pour que les gens puissent réagir de façon décentralisée. Il se peut qu'ils prennent tous des décisions individuelles mauvaises, mais en somme, c'est leur argent qu'ils investissent, et le pire que nous puissions faire, c'est croire que quelqu'un, à Ottawa ou à Washington, connaît le juste prix. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Personne n'avait prévu la fracture. C'est ce qui a tout déclenché. Et Dieu sait ce qui nous attend demain.
L'autre jour, j'ai reçu un courriel d'un étudiant me disant : « Monsieur Grubel, lorsque vous donniez des cours sur les prix de l'énergie, vous avez dit que vous ne saviez pas à quel niveau ils s'établiraient. Ils pourraient être très faibles, à l'avenir. Nous pourrions être inondés de produits pétroliers. » L'étudiant ajoute : « Tous, dans la classe, se disaient que vous étiez fou. Et il se trouve que vous aviez raison. Nous ne savons tout simplement pas. » Et pourtant, bien des gens sont prêts à dire que c'est ce qui est en train d'arriver.
L'instabilité des prix touche tout : voitures, légumes, blé, poisson. Tout est instable. Une planification permettrait- elle d'éliminer l'instabilité? Je ne crois pas que nous excellions sur ce plan. Comme on l'a déjà dit, il faut vivre avec.
Mme Yalnizyan : J'ai quelque chose à dire sur ce qui fait que la productivité ne semble pas rapporter autant que par le passé. Dans une économie agraire qui s'est mécanisée, nous avons observé une énorme progression de la qualité de vie, du niveau de vie. Lorsque nous sommes passés d'une société agricole à une société industrialisée, la qualité de vie et le niveau de vie ont fait un bond.
Nous sommes maintenant plongés dans quelque nouvelle vague d'innovation qui submerge tout. Mais elle apporte des choses gratuites pour le marché. Il y a des choses gratuites partout. C'est pourquoi, entre autres raisons, la croissance est si lente et ne se traduit pas par de meilleurs revenus pour les particuliers ou des prix plus élevés. Une très grande partie de l'actuelle vague d'innovation ne vise pas à obtenir un prix du marché. Elle vise plutôt à inonder le marché de possibilités inédites. Par conséquent, nos modèles qui servent à mesurer la productivité sont dépassés. Comment nous y prendre? Comment traduire la croissance en une prospérité générale?
Le président : Donnez-moi un exemple.
Mme Yalnizyan : Tout ce qui concerne la TI, la musique, l'intelligence artificielle, notre façon de faire de la recherche scientifique. Prenez les renvois dans les études médicales ou pharmaceutiques, je veux dire les vraies études. Il y en a des milliers. C'est un peu comme un générique de film. Il y a tant de gens qui contribuent à faire avancer le savoir et la conception des produits qu'on ne peut plus dire que ce sont des personnes et des brevets individuels, mais une démarche wiki. C'est un processus qui se déroule en temps réel.
Je ne dis pas que c'est gratuit. Je dis simplement que beaucoup d'innovations et d'avancées ne sont pas « monnayables ». Twitter et Facebook deviennent fous. Certaines des plus grandes entreprises dans le monde ne savent pas comment monnayer des produits qui ont des milliards d'utilisateurs. Plus de la moitié des habitants de la planète utilisent leurs produits, et elles n'arrivent pas à trouver comment en tirer un profit. C'est une nouvelle époque et il y a une nouvelle dynamique pour ce qui est de la mesure de la productivité.
Le président : Mais ou bien ils réalisent des bénéfices ou bien ils font faillite.
Mme Yalnizyan : Ils réalisent des bénéfices...
Le président : Encore la même chose.
Mme Yalnizyan : ... mais ils ne peuvent pas croître. L'enjeu, c'est la croissance. Le problème n'est pas de dégager des bénéfices ou d'atteindre la rentabilité; c'est plutôt que les actionnaires veulent, comme dans le passé, obtenir des rendements de 4, 5 ou 8 p. 100. Les entreprises savent comment obtenir ce résultat. Elles y parviennent en limitant leurs coûts, ce qui veut dire qu'elles réduisent les effectifs et les salaires et cherchent à s'implanter à des endroits où les coûts sont moindres. À un moment donné, il faut que cela cesse. On ne peut pas agir comme cela sans fin.
Dans la nouvelle normalité, on a beaucoup plus de choses que par le passé, mais on ne peut pas continuellement en tirer profit au même rythme qu'auparavant. Une nouvelle économie émerge de tous ces éléments qui accroissent la productivité ou de toute façon apportent de nouvelles manières de faire les choses, mais nous n'avons pas encore découvert comment exploiter tout cela.
Je dis que nous vivons dans une nouvelle réalité économique que nous ne sommes pas encore arrivés à comprendre, et il y a collision avec le vieillissement démographique, qui garantit que les consommateurs dépenseront moins. Tout évolue en ce sens, et moins de dépenses, cela veut dire moins de croissance et des bénéfices plus difficiles à aller chercher. Nous sommes contraints de nous demander, d'une manière toute nouvelle depuis les révolutions agricoles, à quoi sert l'économie et à qui elle sert. Quelque chose de nouveau est en train de se produire.
Le président : Je ne veux pas m'engager dans un débat à ce sujet, mais l'argent ne disparaît pas. Les gens le dépenseront autrement.
Mme Yalnizyan : Non, nous avons affaire à une cohorte de retraités, des gens qui sont trop âgés pour travailler, une cohorte plus importante que tout ce que nous ayons jamais vu sur la planète, en Chine, aux États-Unis, en Europe et au Canada. Leurs revenus vont accuser une baisse importante et nous allons devoir nous adapter au fait qu'une plus grande partie de la population ne peut plus dépenser autant qu'avant parce que ses revenus sont plus faibles. Parallèlement, les jeunes cherchent partout des choses gratuites. Ils ont moins d'argent que jamais et ils s'attendent à ce que tout soit gratuit. Ne me comprenez pas mal : il y a abondance d'argent dans le monde, mais le rythme de croissance ne sera plus le même.
Le président : Le taux de mortalité va régler le cas des aînés.
M. Hodgson : Il est difficile d'enrichir ces échanges en y apportant quelque chose de neuf et d'intelligent, mais j'ai beaucoup aimé qu'Armine emploie les termes « bénéfices » et « monétisation ». C'est une première et cela m'a beaucoup plu.
Fondamentalement, la difficulté est de trouver comment être décideur de prix au lieu de preneur de prix. Si notre économie est mise à mal en ce moment, c'est en partie parce que nous sommes devenus un preneur de prix, et que les prix se sont effondrés.
Il y a, par exemple, des secteurs qui affichent une bonne croissance. Nous sommes en train de faire des recherches sur le secteur des services. Au Canada, les services sont maintenant à l'origine de 70 p. 100 du PIB. Le défi à relever, c'est de devenir un chef de file mondial dans toutes sortes de services où nous pouvons réaliser des bénéfices.
Par exemple, nous avons des sociétés d'assurance-vie qui sont des chefs de file dans le monde. Il y a de grandes réussites dans certains secteurs.
La sénatrice Marshall : Voici ma deuxième question. Nous entendons parler de taux d'intérêt négatifs. Quel impact peuvent-ils avoir sur l'économie?
Le président : Pour commencer, de quoi s'agit-il? Que sont les taux d'intérêt négatifs?
La sénatrice Marshall : D'abord, gardez votre argent à la banque.
Mme Yalnizyan : C'est une question qui intéresse les banques, pas vous et moi.
M. Grubel : Si la pratique s'étendait au-delà des banques, voici ce qui se produirait : si vous avez un petit magot, une réserve d'argent liquide de 10 000 $ que vous pourriez utiliser parce que vous tombez malade ou avez un accident de voiture, par exemple, le gouvernement dirait que l'an prochain, ce montant ne vaudra plus que 9 900 $. C'est une taxe sur les soldes des comptes bancaires. L'idée, c'est de stimuler les dépenses.
Pourrais-je ajouter quelque chose à propos des services? Il y a un malentendu très répandu à propos de la nature des services. La vaste majorité des services, ce ne sont pas les repas chez McDonald's, les coupes de cheveux ou les restaurants. La vaste majorité des services professionnels sont intégrés aux marchandises exportées. Nous n'avons pas à exporter les services. Il est bien que quelques sociétés d'assurance-vie exportent les leurs, mais beaucoup de services, des services professionnels — recherche, marketing, génie, transport et tout le reste — sont utilisés dans le secteur des ressources naturelles.
Donc, lorsque nous donnons de l'expansion à l'activité manufacturière, en réaction au déplacement des ressources vers la fabrication à partir du secteur des ressources naturelles, cela augmente énormément les revenus des professionnels, et les services professionnels sont absorbés. S'il y a une telle croissance des revenus de ces professionnels, c'est que leur productivité a augmenté parce qu'ils ont pu se réorienter.
M. Schwanen : Je dirais au bout du compte que la productivité, à l'ancienne, est liée aux investissements. À cet égard, je suis plus ou moins un keynésien de la vieille école. C'est un réflexe animal. Si les investisseurs ne voient pas de possibilité prometteuse, ils ne vont pas investir dans une nouvelle usine, de nouvelles machines ou du nouveau matériel; et s'ils ne savent pas à quoi s'en tenir ou si l'avenir est incertain, ce qui est le cas en ce moment, étant donné certains facteurs dont nous vous avons discuté, ils ne vont pas le faire.
Selon moi, le gros problème à résoudre, c'est de trouver le moyen de stimuler les investissements du secteur privé. Nous avons essayé de différentes manières, mais on en revient toujours aux investissements. Il n'y a pas que les machines et le matériel, mais aussi les compétences, les lieux de travail, et tout le reste. Jusqu'à un certain point, les infrastructures et les investissements publics sont une solution de rechange ou peuvent aider à stimuler les investissements privés, mais si les investissements privés ne se manifestent pas, il sera difficile d'améliorer la productivité. Voilà une observation qui peut sembler aller de soi, mais c'est vraiment le grand point d'interrogation dans notre économie et même à l'échelle mondiale.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J'ai une courte question à vous poser. J'essaie de comprendre comment on peut se protéger des incertitudes.
Selon des intervenants qui ont comparu auparavant, grâce à la chaîne des valeurs et à la globalisation, bon nombre d'entreprises sont désormais en mesure de se protéger, et les fluctuations du dollar canadien — en raison des activités qui sont partagées dans le monde — peuvent aider à maintenir un certain équilibre. En fin de compte, le risque serait moins élevé.
Le risque est-il moins élevé maintenant qu'à l'époque où il y avait moins de globalisation? En d'autres mots, les changements dans la valeur du dollar peuvent-ils aider à mieux protéger les entreprises qu'auparavant?
[Traduction]
M. Hodgson : Vous avez raison, il y a des entreprises au Canada qui investissent à l'étranger pour diversifier leurs activités dans le monde entier, mais je dirais que, au fond, elles remplacent un risque par un autre. Elles en tirent peut- être un avantage sur le plan du risque du taux de change, mais elles s'exposent à d'autres risques, comme le contrôle de la chaîne d'approvisionnement ou de la chaîne de valeur, des risques auxquels elles ne seraient pas exposées ici au pays.
Il faut considérer le risque dans son ensemble. Si le risque qui compte le plus pour l'entreprise est le taux de change, alors il faut diversifier l'entreprise en investissant aux États-Unis, si bien qu'une couverture est intégrée à l'entreprise. Le risque s'en trouve atténué, mais il peut y avoir d'autres risques à gérer. Le risque de litige aux États-Unis, par exemple, serait à mes yeux un risque grave à gérer.
La sénatrice Bellemare : La mise en commun des risques, comme cela se fait en assurance, n'apporte peut-être pas la certitude, mais elle pourrait réduire, pour le particulier, les fluctuations du contexte.
Mme Yalnizyan : Les grandes sociétés mettent les risques en commun en devenant encore plus grandes. Elles recourent à l'intégration verticale et gèrent leurs risques en faisant appel à de plus nombreux fournisseurs. Cela dépend de la façon de considérer le risque et de le déplacer. Souvent, les sociétés déplacent le risque vers leurs fournisseurs et entrepreneurs, ce qui, en fait, accroît le risque dans toute la chaîne d'approvisionnement des sociétés. Vous avez dit tout à l'heure que nous étions des preneurs de prix. Il y a dans le système plus de preneurs de prix que de décideurs de prix. Et ceux-ci sont impitoyables dans leur façon d'établir les prix. Et les prix baissent. Le risque est accéléré dans ce jeu de la chaîne d'approvisionnement, où de plus en plus d'entreprises constatent que les achats dans un même magasin diminuent. L'une des façons de mousser les ventes, c'est de réduire les coûts et de les répercuter sur les fournisseurs. Il y a bien des coûts répercutés dans la chaîne.
Alors que les grandes sociétés réduisent les risques en utilisant leur capacité de mettre la chaîne d'approvisionnement à contribution, les éléments de cette chaîne voient le risque répercuté au niveau le moins en mesure de l'absorber, lorsque les choses tournent mal.
M. Grubel : Nous vivons dans un monde plein de dangers et de risques. Nous nous tirons fort bien d'affaire. Les Canadiens ont un niveau de vie plus élevé que jamais. Le monde est en meilleur état qu'il ne l'a jamais été. Nous avons toujours eu de nouveaux défis, de nouveaux risques, l'économie... Une société libre a su très bien y faire face. La plus grande menace qui pèse sur notre prospérité future, il me semble, c'est que nous avons trop de bien-pensants qui estiment que nous avons besoin de pouvoirs autoritaires à Ottawa ou à Washington pour régler à l'avenir ces problèmes, dont nous nous sommes fort bien débrouillés par le passé, quitte à nous priver de la liberté d'adaptation ou d'expression, et qui ont imposé la rectitude politique, de façon à prévenir l'expression d'opinions qui ne concordent pas avec la pensée régnante.
Tout le monde dit que l'infrastructure, c'est la solution. Un instant. Il n'y a pas de solution simple à ces problèmes. Nous savons que, lorsque nous avions une prise de décisions décentralisée, nous jouissions d'une très grande prospérité.
La Chine, et le Japon aussi, du reste, était dans une situation où de 80 à 90 p. 100 de la population était très peu productive dans le secteur agricole. Soudain, ces pays ont ouvert leurs marchés, disant : « Nous devrions profiter de ce que le reste du monde a déjà créé. » Ils ont investi dans nos technologies les plus récentes; et ils ont connu une énorme accélération de leur croissance économique.
Le Japon a eu le même problème, vieillissement démographique à part, que la Chine aura très bientôt : la croissance économique — après un certain moment, quand ils ont mis la main sur toute notre technologie qu'ils ont volée, technologie issue de l'innovation dont j'ai parlé — dépend d'une plus grande productivité des facteurs.
Chaque fois que quelqu'un propose un nouveau produit dans notre société et que cette innovation nuit à bien des gens, ceux-ci peuvent s'y opposer. Mais que se passe-t-il en Chine? Il y a des entreprises qui sont propriété de l'État et qui ont beaucoup de relations politiques. Si, en Chine, un entrepreneur veut faire quelque chose qui nuit aux intérêts de ces entreprises, celles-ci communiquent avec Beijing, et il se fait tuer. À moins que nous n'ayons, en Chine et au Japon, de meilleures dispositions institutionnelles permettant les innovations qui perturbent l'équilibre, nous verrons la stagnation que le Japon a connue et que la Chine connaîtra.
Dans Why Nations Fail, l'auteur enquête sur un certain nombre de pays importants. Dans chaque cas, la défaillance est attribuable au fait que des institutions se sont développées avec l'aide de l'État, qui a empêché la concurrence contre les intérêts établis. Nous risquons de faire la même chose pour éliminer le risque ou pour toute autre raison.
Voilà, selon moi, l'une des plus grandes menaces, avec la réduction de nos libertés.
Le président : Merci. Nous avons entendu aujourd'hui des opinions certainement très variées. C'était très intéressant, et nous avons eu beaucoup de plaisir. Merci à vous tous.
Honorables sénateurs, nous allons dire au revoir aux témoins et invités avec une rapide poignée de main, puis nous siégerons à huis clos pendant une dizaine de minutes.
Monsieur le sénateur Day, pourriez-vous rester, puisque nous n'avons aucun représentant de l'opposition?
Le sénateur Day : Je le voudrais bien, mais je dois prendre la parole à une réunion.
(La séance se poursuit à huis clos.)