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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule n° 2 - Témoignages du 18 février 2016


OTTAWA, le jeudi 18 février 2016

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 39, pour étudier la situation actuelle du régime financier canadien et international (sujet : les causes et les effets de la baisse récente du taux de change du dollar canadien).

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Nous continuons aujourd'hui notre étude sur la situation actuelle du régime financier canadien et international, plus particulièrement sur le dollar canadien.

Nous accueillons M. Hendrik Brakel, directeur principal des politiques économiques, financières et fiscales de la Chambre de commerce du Canada; et M. Ted Mallett, vice-président et économiste en chef de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Vous pouvez commencer votre exposé, monsieur Mallett.

Ted Mallett, vice-président et économiste en chef, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : Bonjour. Je suis ravi de vous présenter un exposé sur un sujet dont nos membres nous parlent fréquemment. Qu'elle soit élevée ou basse, la valeur du dollar est un sujet de discussion courant.

J'ai examiné une partie des témoignages de la semaine dernière. Des économistes connus vous ont parlé des causes de la dépréciation de la monnaie et des perspectives d'avenir. Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce sujet, car ils ont très bien passé en revue les différents aspects. J'ai donc cru bon de prendre une approche différente et de parler des effets et de ce que nous disent nos membres, et d'expliquer dans quelle mesure il est possible de faire quelque chose, car on peut réagir de manière excessive ou trop modérée. Nous allons faire une petite mise en contexte.

Vous savez peut-être que tous les membres de la FCEI sont des entreprises indépendantes. Elle ne compte aucune société cotée en bourse. On parle de gens qui en savent beaucoup sur les difficultés et les réussites liées à la gestion d'une entreprise. Par conséquent, il est extrêmement important de pouvoir se présenter à un comité comme le vôtre et de participer aux questions d'intérêt public, car nous avons des discussions individuelles avec les membres.

Nous ne comptons pas de société ouverte parmi nos membres, de sorte que la plupart de membres sont des petites entreprises, bien qu'on n'ait pas établi de limite quant à la taille. Il y a un certain nombre de très grandes entreprises parmi nos membres, quoiqu'il s'agisse de sociétés fermées. La moitié de nos membres emploient moins de cinq personnes, et seulement environ 4 p. 100 de nos membres en emploient plus de 50. Cela vous donne une idée. Malgré cela, parlant des petites entreprises en général, nos membres sont des entreprises plutôt grandes que petites. La grande majorité des petites entreprises sont constituées en société, même celles qui font des retenues à la source pour les régimes de retraite, par exemple, et sont des entreprises ne comptant qu'une ou peut-être deux personnes. Il reste qu'on parle d'entreprises plutôt grandes que petites.

Nous faisons beaucoup de sondages auprès de nos membres sur des questions stratégiques et de suivis sur la situation des entreprises. C'est l'information que je vais vous donner aujourd'hui. Notre Baromètre des affaires sur lequel je vous ai fourni de l'information est un rapport mensuel sur la situation des entreprises et les perspectives. Depuis février 2009, nous en produisons tous les mois à l'aide d'un sondage dont la méthodologie ne change pas. Nous accordons une grande importance à la constance, de sorte que nous avons des paramètres. Lorsque la situation des entreprises change, nos données nous permettent de le constater.

Je vous ai fourni quatre documents pour votre étude. Je peux en faire une brève description avant de parler de la question de la monnaie. Le rapport national de deux pages donne un aperçu de la situation et des attentes des entreprises sur une période de 12 mois. Les attentes des entreprises sont présentées sous la forme d'un indice — au graphique no 1 —, et nous faisons une comparaison avec la croissance du PIB. Cela reflète très bien la croissance du PIB dans l'économie. Il y a une forte corrélation entre les deux, mais nos données sont publiées durant le même mois au cours duquel elles sont recueillies. Nous publierons les résultats de février jeudi prochain, de sorte que c'est environ deux mois avant l'estimation du PIB. Il s'agit d'un important indicateur du rendement de l'économie.

À la page 2, nous avons les éléments suivants : intention de recruter du personnel à temps plein, performance globale de l'entreprise, fixation des prix et système de rémunération. La fixation des prix est pertinente, car elle tend à mettre en évidence une partie des questions liées à la monnaie. Nous suivons l'évolution des indicateurs économiques comme les suivants : carnet de commandes, comptes débiteurs, intentions liées aux immobilisations, intentions liées aux dépenses et obstacles à la croissance. J'attire votre attention sur le graphique no 11, dans le coin droit au bas de la page, intitulé « Principales pressions sur les coûts ». Au milieu de cette catégorie, il y a un groupe qu'on appelle « devises étrangères ». C'est délibérément formulé de façon vague, car nous devons avoir la même formulation, peu importe la valeur de la monnaie. Cela donne une idée du type de points problématiques.

Il ne s'agit pas nécessairement des coûts les plus élevés qu'une entreprise doit assumer, mais ce sont probablement ceux qu'un propriétaire d'entreprise peut le moins contrôler. Il s'agit des questions dont ils doivent s'occuper quotidiennement, comme les impôts et la réglementation. Bien entendu, ils signaleront que c'est l'un des éléments importants.

Les préoccupations concernant les devises et, par conséquent, les coûts élevés des produits américains, n'ont jamais été aussi grandes depuis notre sondage de 2009. Si nous retournons un peu dans le temps, nous n'avons pas le même type de question concernant la construction, de sorte que nous ne pouvons pas faire de comparaison en prenant le début des années 2000 comme point de référence. Il est à espérer que d'ici deux ou trois décennies, l'information que nous aurons sera plus complète en ce sens.

Nous avons deux documents plus volumineux que les autres, mais il s'agit simplement de comparaisons provinciales et sectorielles concernant la même information. Nous avons été en mesure de donner des précisions sur ces renseignements. Vous pouvez les examiner au moment qui vous conviendra. Le dernier document sur lequel je veux attirer votre attention contient des informations qui n'étaient pas fournies dans nos publications mensuelles. Je voulais vous donner plus de renseignements pour montrer ce qui achoppe sur le plan des monnaies. En ce qui concerne les principales pressions sur les coûts, le premier graphique indique que selon près de 40 p. 100 de nos membres, les devises constituent une principale préoccupation. Étant donné que les entreprises ne sont pas toutes liées directement aux marchés, il s'agit d'une très grande proportion. Elle a quadruplé depuis 2011-2012.

En superposant la valeur de la monnaie, on voit une relation inverse parfaite entre les deux éléments. De toute évidence, c'est devenu un enjeu majeur pour nos membres. En décomposant les données selon la taille des entreprises et les secteurs, on obtient d'autres renseignements.

Il semble que la taille de l'entreprise ne soit pas un facteur. Cela frappe les entreprises, peu importe leur taille. Parmi les microentreprises de moins de cinq employés, le taux est passé de 8 à 25 p. 100; il a donc triplé. Du côté des grandes entreprises, c'est un enjeu plus important, et l'augmentation des préoccupations est plus marquée.

Il s'agit davantage d'une question sectorielle. Il n'y a rien d'étonnant là-dedans, mais il semble que c'est dans les secteurs du commerce de gros et de détail et même, dans une large mesure, le secteur manufacturier, que les préoccupations sont plus vives. Bien que je n'aie pas de représentation graphique, nous avons été en mesure de faire une analyse sectorielle beaucoup plus poussée. Par exemple, selon nos membres, les secteurs les plus touchés — et il s'agit simplement de faire une comparaison entre les perspectives de 2011-2012 et celles de 2015-2016 qui les regroupent d'une meilleure façon sur une certaine période — sont les suivants : marchands en gros d'équipement de chauffage, de ventilation et de climatisation; matériel agricole et matériel pour pelouses et jardins; accessoires ménagers d'ameublement; livres; périodiques; musique; construction, matériel forestier et matériel d'exploitation minière; machines; et fabrication de produits électriques.

Fait intéressant, il y a également des questions parallèles concernant la restructuration de l'économie et le besoin d'accroître les gains de productivité. Ces secteurs importent des produits et nous espérons que d'autres entreprises les achèteront pour accroître la capacité de production. D'une part, en important ces produits au Canada, ils doivent payer plus cher. D'autre part, ce sont les produits dont l'économie canadienne a le plus urgemment besoin pour retrouver un équilibre.

Ce serait une bonne chose si ces renseignements que nous avons couvraient une plus longue période, mais nous continuerons de recueillir l'information régulièrement. Nous espérons être en mesure de fournir de plus amples renseignements à ce sujet. Les petites entreprises sont des preneurs de prix. Elles ne s'attendent pas à ce que nous fassions beaucoup de choses. Elles n'exercent pas de pressions sur nous pour que nous militions pour une hausse ou une baisse. Elles sont habituées à faire face à ce genre de choses. Dans une certaine mesure, les petites entreprises ont peut-être la capacité de couvrir le risque de change en partie. Or, plus l'entreprise est petite, plus les opérations de couverture sont coûteuses sur une base unitaire, ce qui rend les choses plus difficiles. Les coûts sont immédiats pour l'entreprise et elle suit la vague, peu importe que les choses fonctionnent ou non. C'est vraiment de cette façon qu'elles doivent fonctionner, ce qu'illustrent les observations qu'on nous présente.

Cela dit, je vais m'arrêter ici, et je serai ravi de répondre à vos questions.

Hendrik Brakel, directeur principal, Politiques économiques, financières et fiscales, Chambre de commerce du Canada : Je vais vous parler un peu de nos prévisions sur le dollar canadien, de notre vision sur la suite des choses, et ce que cela signifie vraiment pour les entreprises canadiennes, ce que nos membres nous ont dit, car comme l'a affirmé mon collègue, c'est un enjeu énorme pour les entreprises canadiennes.

Nous prévoyons que le taux de change du dollar canadien s'établira, en moyenne, à 71 cents en 2016 et à 74 cents en 2017, et que la valeur du dollar canadien augmentera légèrement de façon graduelle à partir de là.

S'il est difficile de faire des prévisions sur le dollar cette année, c'est entre autres à cause des conditions extrêmes du marché. Nous n'avons jamais vu une telle situation. Jusqu'à maintenant, en 2016, le Canada a l'un des marchés boursiers les plus performants au monde. C'est parce que le TSX n'a reculé que de 5 p. 100. Le S&P 500 a chuté de 8 p. 100, le NASDAQ, de 10 p. 100, les indices européens, de 17 p. 100, et l'indice composé de Shanghai, de 22 p. 100. Jamais nous n'avons vu de tels mouvements dans les marchés financiers.

Il ne s'agit pas seulement des marchés financiers. En parlant de ses résultats trimestriels, Tim Cook, le directeur général d'Apple — l'une des entreprises les plus rentables dans le monde — a dit que « nous n'avons jamais vu de conditions aussi extrêmes auparavant dans l'économie mondiale ».

Le contexte économique mondial est donc étrange. Les pays riches semblent s'en tirer un peu mieux. On s'attend à ce que les États-Unis connaissent une croissance se situant entre environ 2,5 p. 100 et 3 p. 100 cette année. L'Europe va mieux, et connaît une croissance de 1,5 à 1,8 p. 100 environ. Nous observons un ralentissement très inattendu des économies émergentes et un resserrement des conditions financières. Nos membres, qui font partie du milieu bancaire, nous parlent entre autres d'énormes flux de liquidité, un phénomène qui perturbe vraiment les marchés mondiaux.

Les mesures d'assouplissement quantitatif qui ont été prises en 2009 ont été très importantes. Elles ont permis d'éviter une crise mondiale. Nous devrions nous réjouir de voir que la Réserve fédérale américaine a évité une cascade de faillites bancaires comme celle des années 1930. Les mesures ont toutefois eu des conséquences imprévues en ce sens que la base monétaire américaine, les fonds qui sont disponibles dans le système financier américain, est passée de 800 milliards à 4 billions de dollars américains; elle a donc presque quintuplé. Il y avait énormément d'argent.

Des économistes parlent de l'effet du repositionnement de portefeuille, c'est-à-dire que les rendements des obligations du gouvernement sont tombés à zéro parce que la Réserve fédérale américaine achetait toutes ces obligations, de sorte que les rendements sont tombés à zéro. Les investisseurs se sont tournés vers des obligations de sociétés, et les gens qui avaient un portefeuille mixte ont vu les rendements des obligations de sociétés chuter et sont alors passés à des actions, aux marchés émergents, aux produits de base et aux devises. Il y a ce mouvement concernant le profil de risque, des actifs moins à risque à des actifs plus risqués. L'assouplissement quantitatif est maintenant terminé.

Il s'est terminé en 2015, et c'est pourquoi nous avons observé d'importantes variations dans les monnaies des marchés émergents. En fait, il se passe l'inverse; on commence à voir un resserrement. Dans le passé, chaque fois qu'il y a eu un resserrement de la politique monétaire américaine, cela a entraîné des répercussions négatives sur les marchés boursiers, de même que des répercussions sur les monnaies. Il s'agit d'un resserrement sans précédent, car nous sommes passés d'une période durant laquelle une quantité spectaculaire de liquidités ont été injectées dans le système à une période de resserrement.

Concernant les lourdes conséquences pour les marchés émergents, en 2015, des investisseurs et des entreprises ont retiré 735 milliards de dollars de ces marchés — la pire fuite de capitaux en 15 ans. Bon nombre de ces marchés émergents qui ont été habitués à emprunter de l'argent américain à des coûts très peu élevés, ont vu soudainement leurs coûts d'emprunt augmenter et leurs monnaies perdre de leur valeur.

Tout cela arrive en même temps que le ralentissement en Chine, qui nous laisse un peu perplexes. C'est un peu imprévisible. Dans l'ensemble, les nouvelles ne sont pas très bonnes pour les prix des produits de base, car les marchés émergents en sont les plus grands consommateurs. La Chine achète la moitié des minerais de fer dans le monde. Elle est responsable d'environ 28 p. 100 de l'accroissement de la demande de pétrole. C'est pourquoi un ralentissement en Chine, dans les marchés émergents, a d'importantes répercussions sur les flux des marchandises.

Qu'est-ce que cela signifie pour le dollar? Tout d'abord, en ce qui concerne le prix du pétrole, sur le plan de l'augmentation de la demande mondiale, on parlait habituellement d'environ 2,5 à 3 millions de barils par jour chaque année. En 2014, bien des prévisionnistes pensaient que le baril de pétrole vaudrait toujours 100 $ parce qu'heureusement, on extrayait plus de pétrole des sables bitumineux et les Américains avaient la fracturation; nous avions de la difficulté à suivre la demande croissante de pétrole. Tout à coup, lorsque les marchés émergents ont ralenti, nous avons vu la demande baisser fortement, ce qui fait qu'on enregistre un surplus de pétrole sur le marché.

Nous parlons d'un excédent de 1,5 ou 1,2 million de barils par jour cette année, qui diminuera probablement, et nous retrouverons un équilibre en 2017. Nous prévoyons que le prix du pétrole se situera entre 35 et 40 $ d'ici la fin de l'année et qu'il augmentera à 50 $ l'an prochain. Il y a des conséquences par rapport au dollar canadien.

Je suis sûr que les autres témoins vous ont dit que le plus grand facteur concernant le dollar canadien, ce sont les cours du pétrole. Nous avions l'habitude de blaguer en disant que les cours du pétrole et le dollar canadien sont comme un vieux couple marié, car ils se suivent partout. Il arrive parfois que l'un d'eux s'égare, mais ils finissent toujours par revenir ensemble. Historiquement, la corrélation s'établit à 80 p. 100, de sorte qu'une augmentation du prix du baril de 10 $ fait généralement varier le huard d'environ 3 cents.

Le deuxième facteur, c'est l'écart de taux d'intérêt entre le Canada et les États-Unis. Comme vous le savez, la Réserve fédérale américaine a augmenté les taux d'intérêt de 25 points de base en décembre. Nous nous attendons à ce qu'il y ait trois autres hausses en 2016, ce qui ferait grimper les taux d'intérêt à 1 p. 100. Aucun investisseur ou membre du milieu financier ne croit que les taux d'intérêt sont à la hausse au Canada. En fait, dans ses exposés, le gouverneur de la Banque du Canada parle de taux d'intérêt négatif et d'assouplissement quantitatif et de certains autres outils qu'il pourrait utiliser essentiellement pour stimuler l'économie si le Canada connaissait une autre baisse.

Le troisième facteur qui a entraîné le huard au-dessus de la parité avec le dollar américain, c'est le fait que le Canada était un refuge. Nous avons traversé la grande crise financière sans que des mesures de sauvetage aient été prises; nous avons les banques les plus sûres du monde; et nous avons vu des flux de portefeuilles très importants au Canada parce que c'est un refuge. À l'heure actuelle, aux États-Unis, l'économie se porte mieux, le pays a moins besoin d'un refuge et, enfin, les investisseurs connaissent mieux les faiblesses du Canada.

Tout cela pour dire que les investisseurs voient des taux en hausse et de la fermeté aux États-Unis, mais de faibles taux et des vulnérabilités au Canada. On voit donc les investisseurs quitter le Canada pour aller aux États-Unis. C'est la raison pour laquelle notre dollar vaut 71 cents.

Qu'est-ce que cela signifie pour le Canada? En fait, les résultats sont variables, mais la situation est positive pour les exportations : l'année dernière, les exportations ont diminué de 1 p. 100. Cela ne paraît pas bien, mais c'est en fait plutôt bon, quand on pense que 24 p. 100 des exportations canadiennes sont liées au pétrole et au gaz et que les prix ont diminué de moitié. Le calcul est très facile à faire. Les exportations ont subi une baisse de 12 p. 100, alors on a comblé ce trou béant par l'exportation de biens et de services. Nous avons connu des résultats spectaculaires, l'année passée : les exportations du domaine de l'automobile ont grimpé de 14 p. 100, celles du domaine de l'aérospatiale, de 29 p. 100, et celle de la technologie des communications, de 13 p. 100. Les services ont eu d'excellents résultats et le tourisme américain a augmenté le 8 p. 100.

Comme mon collègue l'a mentionné, il y a des résultats très variés dans bon nombre des sociétés de ressources naturelles et d'entreprises de services où les salaires sont payés en dollars canadiens et où les coûts sont principalement en dollars canadiens, mais où les revenus sont en dollars américains, ce qui aide. Nous avons vu des entreprises en profiter.

Je parlais aux gens d'une entreprise d'Ottawa appelée MDS Aero, et ils font des cellules d'essai pour des moteurs à turbine. Ils disaient que le problème qu'ils avaient quand le dollar canadien était égal au dollar américain, c'est qu'ils avaient toujours de la difficulté à réduire les coûts; pouvons-nous exploiter une installation avec 15 personnes plutôt qu'avec 20 personnes comme les Américains le font habituellement? De 2003 à 2008, le dollar canadien a augmenté de 8 ¢ par année, ce qui est très difficile pour une entreprise de ce genre. Cependant, leurs coûts sont maintenant très concurrentiels.

Pendant cette période difficile, quand le dollar canadien dépassait le dollar américain, nous avons constaté une baisse du nombre d'entreprises canadiennes exportatrices. Cependant, ces entreprises qui sont toujours là sont maintenant vraiment compétitives et obtiennent de très bons résultats avec le dollar à 71 ¢.

Ceci étant dit, nous ne croyons pas qu'un dollar faible soit une panacée pour la compétitivité canadienne, car l'un des mécanismes d'adaptation, et l'une des choses que nos sociétés de classe mondiale font, c'est d'accéder aux chaînes d'approvisionnement mondiales. Elles s'approvisionnent partout dans le monde et font venir des pièces des États-Unis, du Japon et d'Asie, ce qui fait qu'une baisse du huard ne fait que hausser le coût de leurs intrants. L'autre chose, c'est que nous voulons vraiment que les entreprises canadiennes investissent davantage dans le capital, qu'elles investissent à l'étranger et qu'elles investissent dans la technologie informatique de pointe, alors cela devient nettement plus coûteux quand le huard est faible.

Tout cela pour dire que c'est un peu de tout, mais que dans l'ensemble, il y a de légers avantages pour les exportations.

Le sénateur Massicotte : Merci à vous deux d'être là.

Monsieur Mallett, je regarde votre enquête, et je vois que 30 à 40 p. 100 de vos membres sont très inquiets du coût plus élevé du dollar. Cependant, quand vous avez 47 p. 100 du PIB qui est axé sur le commerce, où sont vos clients qui profitent d'un dollar américain plus coûteux? Pourquoi ne voyons-nous pas cela dans vos diagrammes?

M. Mallett : Nous montrons certainement qu'il y a un changement de perspective à grande échelle au sein de nos membres. Si vous regardez les conditions commerciales générales, nous constatons que l'optimisme, par province, a atteint un creux sans précédent en Alberta pour des raisons évidentes. Nous n'avons pas vu la reprise aussi rapidement que dans les autres régions du pays. Il y a un an, nous disions que la situation s'aplanirait, en ce sens qu'il y avait bien un revers de fortune ici, mais qu'il y aurait une hausse ailleurs. Nous n'avons pas vu cela encore, dans une grande mesure en raison de l'incertitude liée aux coûts.

De très nombreux exportateurs misent aussi sur des produits importés pour leurs sous-composants. Ce n'est pas nécessairement un avantage automatique pour une entreprise en particulier parce qu'elle exporte. Sa combinaison d'intrants et d'extrants joue un grand rôle. Ce qui est intéressant, cependant, c'est que nous ne constatons pas une reprise plus forte dans les provinces de l'Atlantique, côté positif. Le tourisme est une forme d'exportation, en particulier pour les voyageurs américains. Les entreprises les plus optimistes du Canada se trouvent en Nouvelle- Écosse, en ce moment, pour diverses raisons peut-être liées aux contrats de la marine et aussi au secteur des ressources. Ce sont des économies très connectées au nord-est des États-Unis.

Nous constatons ce genre de délai. C'est tout simplement que les avantages dont bien des gens pensaient qu'ils seraient automatiques et qu'ils apparaîtraient rapidement se présentent en réalité beaucoup plus lentement que ce que quiconque pensait.

Le sénateur Massicotte : À ce sujet, comme vous le savez, les économistes bancaires étaient ici la semaine passée. Ils disaient en gros que c'est kif-kif, concernant les avantages liés au coût du dollar.

Permettez-moi de poser une question à M. Brakel. Le Conference Board du Canada était ici hier; l'économiste était ici. Il a dit que nous ne constatons pas la reprise économique immédiate que devrait causer la faiblesse du dollar à cause du secteur manufacturier qui n'est pas aussi concurrentiel qu'il devrait l'être, soit parce qu'il manque de capacité ou parce que ses processus ne sont pas aussi concurrentiels ou modernes qu'il le faut. Il disait donc que nous ne verrions pas de reprise avant un certain temps, tant qu'ils ne réinvestiront pas, parce qu'ils ne peuvent soutenir la concurrence. C'est un peu décourageant; nous allons devoir attendre avant que notre économie profite de la faiblesse de notre dollar parce que nos joueurs canadiens, en particulier dans le secteur manufacturier, ne sont pas compétitifs et ne sont pas convenablement organisés.

M. Brakel : C'est un excellent point, et ce que nous entendons du côté de nos fabricants, c'est qu'ils rencontrent ces contraintes de production. Ils ne peuvent trouver les personnes qualifiées qu'il leur faut. Ils recrutent, mais ils ne peuvent en trouver.

La décision d'investir dans les installations et l'équipement, de dépenser des millions pour agrandir les installations, c'est une décision qui se prend sur un horizon de 10 à 20 ans. Il est difficile de prendre une telle décision compte tenu de ce que le huard fait en 2015 et 2016. Ils ont un horizon à long terme à l'esprit, alors ils ont vu où le dollar est allé. Le défi, c'est qu'au cours des 12 dernières années, le dollar a fluctué entre 63 ¢ et 1,08 $. Il est assez difficile de prendre des décisions en fonction de ce que fait le dollar.

Nous avons vu une reprise dans les placements d'entreprises, mais cela ne paraît pas dans les chiffres généraux en raison du fléchissement marqué des placements d'entreprises dans CapEx qui se produit en ce moment dans le secteur pétrolier et gazier. Dans l'ensemble, les placements d'entreprises sont très faibles au Canada. C'est négatif pour l'économie, mais c'est parce que la baisse dans le secteur des ressources naturelles est si brutale qu'elle contrecarre tous les gains que nous constatons.

Le sénateur Massicotte : Là-dessus, si vous me le permettez, je sais que vous avez un peu parlé d'opérations de couverture, mais vous avez de nombreux membres, des employés au nombre de 500. La Chambre de commerce du Canada compte de nombreux joueurs importants. Il n'y a vraiment pas de raison. Si le dollar est si important pour leur profitabilité, ils ne devraient pas spéculer sur ce genre de produits de base. Ils auraient dû opter pour des opérations de couverture. Ce n'est pas si coûteux et c'est bien organisé. Le marché des services de couverture a beaucoup de profondeur. Pourquoi vos membres les plus importants ne l'ont-ils pas fait? Ils profitaient sans coût des circonstances antérieures, mais maintenant, ils se font brûler parce qu'ils ont peut-être pris de mauvaises décisions.

M. Brakel : Il y a, à n'en pas douter, un secteur financier énorme au Canada, et n'importe quelle banque serait ravie d'aider une entreprise à couvrir le risque de change.

Je pense qu'une partie des difficultés sont liées à la complexité de cela, à la prévisibilité des revenus que vous allez obtenir. Nous avons entendu des choses diverses de la part de nos membres. Certains recourent à cela sans hésitation. D'autres choisissent de ne pas le faire.

Par exemple, concernant les sociétés aurifères et les sociétés pétrolières, les gens achètent ces actions parce qu'ils veulent que les actions réagissent comme le marché pétrolier et le marché aurifère le font. Si vous optez pour une couverture, vous enlevez cela à l'investisseur. De très nombreuses sociétés pétrolières choisissent de ne pas obtenir de couverture pour que leurs actions réagissent comme les investisseurs le souhaitent.

M. Mallett : Les décisions de placement sont prises par des humains, après tout. On ne déclare pas simplement qu'un secteur donné n'est pas concurrentiel à l'échelle mondiale et que cela représente un problème.

Les préoccupations dont nos membres nous font part ne portent pas nécessairement sur le dollar qui est trop fort ou trop faible. Ce qu'ils n'aiment vraiment pas, c'est l'incertitude autour de cela. Il est très difficile de prendre une décision relative à la couverture sans savoir quels sont les risques et les coûts, car ils sont très difficiles à quantifier.

Il en va de même concernant l'horizon de planification, la nécessité de respecter la liste de prix, par exemple, qu'ils envoient à leurs clients ou la mesure dans laquelle ils doivent s'engager à acheter les intrants dans d'autres pays. Ce sont toutes de grandes décisions. Plus le dollar bouge, comme Hendrik l'a dit, plus ce genre de décisions est difficile à prendre. Ils développent une prime de risque pour cela. Dans un monde plus incertain, cela signifie qu'ils souhaitent moins investir. Cela fait partie du problème. Si nous pouvions trouver une façon idéale de stabiliser la monnaie ou au moins donner aux gens plus d'assurance sur ce qu'il en adviendra, cela pourrait aider, mais cela aussi s'accompagne de coûts et de difficultés.

Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. On a mentionné souvent que le faible prix du pétrole est un facteur. Chaque fois que le prix du pétrole fléchit, notre dollar fléchit aussi. Comme vous l'avez dit, l'un ne vit pas sans l'autre.

Nous continuons d'acheter du pétrole à l'étranger. Qu'arrive-t-il si nous achetons notre propre pétrole? Si nous gardons l'argent ici? Serait-ce une bonne chose pour le dollar canadien?

M. Brakel : En général, le Canada est un gros exportateur net de pétrole. La raison pour laquelle les milieux financiers internationaux achètent et vendent des dollars canadiens chaque jour, c'est en grande partie pour avoir notre pétrole. Nous sommes pris avec cette fluctuation entre le dollar canadien et les prix du pétrole.

Mais vous avez tout à fait raison. Plutôt que d'importer du pétrole du Venezuela et d'ailleurs, si nous avions des pipelines qui nous permettaient de garder notre pétrole au Canada, ce serait sans équivoque à l'avantage du Canada. Nous n'aurions pas à en importer.

Le sénateur Enverga : Qu'est-ce que cela représente comme avantage? Avez-vous une estimation de coût ou de croissance, si nous achetions notre pétrole et n'en importions pas?

M. Brakel : L'une des difficultés que nous avons, en Amérique du Nord, c'est que les raffineries sont saturées. Quand nous parlons du pétrole West Texas Intermediate — au prix actuel de 32 $ —, en réalité, pour le pétrole Western Canadian Select, il y a un escompte et cela correspond à moins que le montant. Souvent le Western Canadian Select est de 5 $ moins cher parce qu'il est plus lourd, qu'il contient beaucoup de souffre et qu'on l'expédie vers les raffineries saturées de pétrole. Ce que nous aimerions faire, c'est expédier le pétrole canadien en Asie, vers l'est, et à toutes sortes d'autres endroits où ils ont vraiment besoin de notre pétrole pour que nous puissions ainsi en tirer un peu plus.

Il y a quelques années, la Chambre de commerce du Canada a fait une estimation, et ils l'ont appelée $50 Million a Day, ce qui correspond à ce que nous perdons en revenus sur le pétrole parce que nous pouvons amener notre pétrole sur les marchés où les prix sont les plus hauts, comme en Asie et ailleurs. Donc, rediriger notre pétrole au Canada et l'expédier en Asie représenterait un avantage énorme pour nous, oui.

Le sénateur Enverga : Nous parlons d'infrastructure et d'investissement dans l'infrastructure. Pensez-vous qu'un pipeline serait un bon élément d'infrastructure qui aiderait notre économie et notre dollar en même temps?

M. Brakel : Absolument. La Chambre de commerce appuie cela. Nous pensons qu'il est essentiel pour que nous puissions amener nos ressources naturelles sur le marché. Il y a de la technologie incroyable qui sert aux ressources naturelles. D'importants éléments du secteur de la technologie verte viennent de l'industrie des ressources naturelles. Il y a une croissance. Si nous faisons ces investissements cruciaux et que nous amenons nos ressources naturelles sur le marché, oui, absolument, nous sommes très axés sur les ressources naturelles.

Le sénateur Tannas : Nous avons eu une bonne discussion hier, avec certains témoins, au sujet de la productivité. Le sénateur Massicotte en a parlé un peu et vous avez répondu, mais je pense que nous avons entendu que le Canada, en général, a un écart de productivité d'environ 1 p. 100 par rapport aux États-Unis. Est-ce qu'il y a une différence pour les petites entreprises? L'écart est-il plus grand? Est-il le même? Est-il plus petit? Pouvez-vous nous dire pourquoi?

M. Mallett : Oui, je peux certainement vous parler de cela.

On mêle souvent deux principes : le premier est les économies d'échelle, et l'autre, la croissance de la productivité. Avec les petites entreprises, quand vous parlez d'activité liée à la main-d'œuvre, c'est une activité à prédominance de main-d'œuvre, et donc moins exigeante en investissements, ce qui fait que la productivité du travail est donc plus faible.

La préoccupation la plus importante réside dans la croissance de cette productivité au fil du temps. La réaction est mixte. À divers moments du cycle commercial, dans les années 1980 et 1990, certaines petites entreprises affichaient plutôt une faible croissance. Plus tard, les petits fabricants et autres ont affiché une croissance de la productivité supérieure à celle des grandes entreprises. La difficulté, c'est que personne n'a de moyen solide de mesurer la productivité parce que c'est un type de mesure incertain. C'est ce que vous produisez pour chaque unité donnée d'intrants. Comment mesure-t-on les intrants? Vous pouvez mesurer les personnes, mais pas nécessairement l'effort qu'elles déploient pour faire leur travail. Ces personnes se présentent au travail tous les jours et travaillent aussi fort dans une certaine mesure, mais font-elles exactement les bonnes choses, et tout cela?

C'est un concept difficile à mesurer. Bon nombre des mesures que nous avons tendent à répartir les choses en catégories qui n'ont pas nécessairement beaucoup de sens parce que le milieu des affaires est une série d'étapes intégrées verticalement. Les petites entreprises sont intégrées dans ces étapes, ce qui fait qu'un gros fabricant fait peut-être un produit en particulier, mais il achète des boyaux et des pièces d'un fournisseur de taille moyenne, mais tout le monde utilise les services d'un comptable et d'un avocat, lequel forme peut-être une petite entreprise.

On ne peut pas tout simplement dire : « Regroupons tous ces fournisseurs en un petit groupe et formons les grandes entreprises. Mais, oh, ces petites entreprises sont moins productives, alors elles contribuent à ralentir l'économie. » Non, elles sont intégrées dans le processus de production général, et la raison pour laquelle elles sont là, c'est que c'est mieux pour les grandes entreprises de sous-traiter le travail que de le faire elles-mêmes.

Il y a beaucoup de confusion quand on essaie de placer ces types de mesures en catégories de grandeur, ou même de les catégoriser selon le secteur, parce qu'il y a tellement de liens entre ces types d'entreprises. On peut vraiment se tromper en catégorisant ces choses. Cela ne signifie pas que la productivité n'est pas un aspect important, mais nous devons regarder le tout, plutôt que de scruter les détails.

Le sénateur Tannas : Nous nous éloignons peut-être du sujet, mais en ce qui concerne les petites entreprises aux États-Unis et les petites entreprises au Canada, où se trouvent les divergences, ou les divergences importantes que vous avez constatées dans vos recherches et dans vos travaux? Votre organisation, entre autres, nous a dit haut et fort que la petite entreprise est le moteur de nos économies, que nous avons de la chance d'avoir de petites entreprises et tout cela. Est-ce qu'il y a des comparateurs entre les petites entreprises des États-Unis et celles du Canada?

M. Mallett : Pour les petites entreprises aux États-Unis, il est plus facile de prendre de l'expansion. Vous avez entendu tous les arguments stratégiques concernant les taux d'imposition et tout cela, mais je pense qu'il y a aussi de très grands avantages qui accompagnent la structure géoéconomique des États-Unis, laquelle est étroitement axée sur les réseaux, les plaques tournantes et tout cela. La partie nord du nord-est des États-Unis est une région densément peuplée. Les gens peuvent partir de St. Louis pour aller à Chicago, puis Nashville, puis Columbus, et toutes ces villes sont à une heure ou deux de route. Le Canada n'est pas structuré ainsi.

Outre le Sud de l'Ontario et du Québec, nous avons un long ruban de villes, ce qui exige une infrastructure de transport très différente. Le secteur du commerce de gros est complètement différent. Les entreprises canadiennes, qu'il s'agisse de microentreprises, de petites entreprises ou de moyennes entreprises, doivent croître d'une manière non naturelle, alors qu'aux États-Unis, si vous devenez un solide fournisseur du centre de l'Ohio, vous pouvez desservir le Michigan, l'Indiana, la Caroline du Sud, et tout cela, à une distance de route raisonnable. Vous ne pouvez pas faire cela au Canada, simplement à cause de la géographie.

Je pense que c'est l'un des grands désavantages de l'économie canadienne, parce que nous sommes probablement victimes de notre géographie.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J'essaie de dégager un sens des données que vous nous avez présentées, en particulier les données qui nous proviennent de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Ces résultats sont surprenants. Je me demande dans quelle mesure ils seraient liés à la composition de vos membres, parce que vous dites que 50 p. 100 de vos membres — vous avez 109 000 membres — proviennent d'entreprises de cinq employés et plus. Donc, ce sont de très petites entreprises.

Lorsqu'on examine les données, elles sont présentées selon les secteurs, mais il y a le pourcentage qui indique la pression sur les coûts. J'ai toujours pensé qu'à la FCEI — de même que pour les chambres de commerce —, parmi vos membres, il y avait beaucoup de travailleurs autonomes, de petites entreprises vraiment associées au travail autonome, auquel cas, comme vous l'avez dit vous-même, le travail est très intensif en matière de main-d'œuvre, mais pas en capital. J'ai toujours pensé qu'il s'agissait d'entreprises qui avaient un marché interne important. Ainsi, étant donné que le dollar est faible, j'aurais cru que les compétiteurs étrangers, les grandes firmes de consultants, et les petites entreprises canadiennes auraient un avantage. Je comprends que, en ce qui concerne les détaillants, si vos membres ne sont que des vendeurs de petits commerces, ils importent beaucoup de produits. Donc, ils souffriront un peu de tout cela, tout comme le consommateur.

Pouvez-vous m'éclairer en me décrivant vos membres selon les secteurs, et me dire quel secteur vous représentez le plus?

[Traduction]

M. Mallett : Je vous remercie de cette question. Nos membres sont très représentatifs du milieu des affaires en général. Il n'y a pas un secteur ou un autre qui ressort particulièrement comme étant dominant. Un peu moins de 10 p. 100 de nos membres sont des fabricants. De 20 à 25 p. 100 de nos membres sont des détaillants; environ 10 p. 100 sont des entreprises de construction; environ 6 p. 100 sont des agroentreprises, des agriculteurs locaux et des entreprises connexes.

Le secteur des services est un peu sous-représenté parmi nos membres, par rapport à l'économie dans son ensemble, mais c'est dans une très grande mesure parce qu'il faut adhérer à notre organisation en tant que membre, que nous frappons aux portes pour inviter les entreprises à y adhérer et que les entreprises de ce secteur en particulier sont un peu cachées. Il n'y a pas d'affiche devant les locaux de ces entreprises comme c'est le cas devant la plupart des installations des fournisseurs ou des détaillants, par exemple. Nos membres sont tout de même généralement représentatifs de l'économie dans son ensemble, qu'il s'agisse de production de biens ou de fourniture de services.

La question de savoir s'il est avantageux pour les petites entreprises agiles d'être en mesure de répondre positivement aux types de forces changeantes que nous avons est importante. Je pense qu'à n'en pas douter, les possibilités sont formidables, et les petites entreprises ont montré qu'elles sont capables de saisir ces possibilités quand elles se présentent, mais il faut quand même du temps.

Il faut que quelqu'un ait assez de capital pour acheter le stock, et former ou recruter le personnel qu'il faut pour répondre à la demande dont leurs services pourraient faire l'objet. Nous disons simplement que cela ne peut se produire en quelques mois, après que le dollar soit passé d'un niveau à un autre. Il faut aussi l'assurance que le dollar va demeurer à un niveau donné, pour faire cela.

La question antérieure sur la technologie soulève un autre point intéressant. L'une des raisons pour lesquelles les petites entreprises sont plus exigeantes en main-d'œuvre et moins exigeantes en capital, c'est que la main-d'œuvre se présente en très petites unités. Si vous avez besoin d'aide, vous pouvez retenir les services d'une personne pour trois heures environ. Les exigences en matière d'appels sont telles que vous devez payer une personne à temps partiel pour trois heures, quand vous la faites entrer au travail. C'est une petite unité de production.

Si vous voulez faire l'achat d'une petite unité de technologie, vous devez probablement avoir à acheter une machine ou un camion. Vous pourriez le louer; c'est un élément. C'est la raison pour laquelle la location est nettement plus courante maintenant. Cependant, la technologie n'est offerte qu'en unités assez considérables, et une entreprise doit en arriver à une certaine taille. L'unité en question est d'une taille minimale, qu'il s'agisse d'un système de gestion des relations avec les clients, d'une pièce d'équipement, d'un camion ou d'une rétrocaveuse. Vous devez avoir la certitude que vous en tirerez au moins deux ou trois années d'usage efficace pour pouvoir l'utiliser efficacement. Engager une personne pour quelques heures est une chose à court terme. C'est la raison pour laquelle il est moins coûteux pour les petites entreprises de prendre de l'expansion du côté de la main-d'œuvre que du côté de la technologie.

Le sénateur L. Smith : Au fil des dernières semaines, nous avons reçu des économistes qui nous ont parlé des fluctuations du dollar, des causes, et cetera. Nous avons posé des questions sur les façons d'aider les entreprises, petites et grandes.

Je sais qu'il est difficile d'établir un plan en raison des différentes catégories d'entreprises, et tout cela. Dans chacun des exposés, il était question de déterminer s'il fallait investir dans la construction du Canada en fonction des talents de classe mondiale. La technologie sur le marché est un enjeu pour les chaînes d'approvisionnement mondial de nombreux fabricants, et les meilleurs biens d'équipement. L'efficacité relative en était un autre, ainsi que le coût des transports et l'accès à l'information sur les prix, et cetera.

Si vous deviez établir un plan en trois ou quatre points qui s'appliquerait généralement aux entreprises canadiennes, pour les aider à résister à la tempête et à progresser, qu'est-ce qui serait avantageux pour les entreprises canadiennes, grandes ou petites?

M. Brakel : Tout à fait. Comme nous en avons parlé précédemment, les gens ne prennent pas la décision d'investir des millions de dollars en fonction de la situation du huard. Il faut avoir les revenus à long terme et le plan d'affaires.

Pour les entreprises à l'échelle du pays, ce qui passe avant tout, c'est le manque de compétences : « Je suis incapable de trouver des employés. » Tout investissement dans la formation et dans l'assouplissement des règles permettant de faire venir plus d'immigrants au Canada serait prioritaire.

Le sénateur L. Smith : Le manque de compétences.

M. Brakel : Oui.

Le sénateur L. Smith : Le manque d'éducation ou de compétences? Qu'est-ce que le manque de compétences?

M. Brakel : C'est cela. Les emplois et la technologie, de nos jours, exigent des compétences de plus en plus grandes. Nous avons des chômeurs au Canada, mais leurs compétences ne correspondent pas toujours aux compétences qui sont requises pour doter les postes vacants.

Le succès des nouvelles entreprises de services se fonde entièrement sur les personnes et sur les talents que l'entreprise possède; les compétences passent avant tout.

Le deuxième point que nous voulons souligner, ce sont les types d'investissements dans l'infrastructure qui peuvent nous donner de forts gains de productivité et nous permettre d'amener nos produits sur les marchés plus facilement et à moindre coût. Certains investissements dans l'infrastructure, comme les ports, les routes et, même, la technologie numérique peuvent nous donner des gains de productivité à long terme. Le secteur privé investit beaucoup dans l'infrastructure en ce moment, et le gouvernement n'a en fait qu'à donner son soutien. Par exemple, VIA Rail aimerait construire un nouveau réseau de transport ferroviaire de passagers reliant Toronto, Ottawa et Montréal. Nous ne parlons pas d'un réseau pour train à haute vitesse, mais d'un réseau pour trains normaux, car en ce moment, tous les trains doivent rouler à 50 milles à l'heure à cause des trains de marchandises qui utilisent la même voie ferrée. Si nous avions des voies ferrées réservées aux trains de passagers, la vitesse pourrait être le double, à 90 ou 100 milles à l'heure, et nous arriverions tous à Toronto en deux heures, et à Montréal en une heure. Ne serait-ce pas fantastique? Ce sont des investissements que le gouvernement doit soutenir.

Donc, nous dirions que ce sont les compétences, l'infrastructure et un meilleur soutien à l'innovation et à la technologie. Ce sont les suggestions.

Le sénateur L. Smith : Est-ce que vous avez des comités à l'échelle du pays qui se penchent sur les questions de ce genre dans le but d'établir les priorités et de passer les messages, en plus de l'analyse que vous faites?

M. Brakel : Oui. Nous avons des comités sur l'imposition et l'innovation.

Hier, la Chambre de commerce du Canada a lancé son initiative, Les 10 principaux obstacles à la compétitivité, visant les facteurs les plus importants qui empêchent les entreprises canadiennes d'avancer. Il y a des problèmes comme celui de nos ressources qui ne se rendent pas sur les marchés, la nécessité de nous mettre à niveau et de faire les investissements en capital.

S'il est une statistique qui me trouble toujours, c'est celle selon laquelle pour chaque dollar qu'une entreprise américaine consacre au capital, les Canadiens consacrent 65 ¢. Nous étions en train de les rattraper quand le dollar canadien était à parité et qu'il était beaucoup moins cher pour les Canadiens d'acquérir la technologie, mais nous nous inquiétons que tout cela se remette à ralentir.

Le sénateur L. Smith : J'aimerais que M. Mallett réponde à la question.

M. Mallett : Je ne suis pas du tout en désaccord avec ce que M. Brakel a dit, mais, chose intéressante, ma liste est très différente.

Le sénateur L. Smith : Quelle est votre liste?

M. Mallett : Partons des principes généraux de promotion et de protection de la culture entrepreneuriale au Canada. On nous envie partout dans le monde d'avoir des gens assez confiants pour se lancer en affaires et réussir. Nous avons un bon succès en création d'entreprises, ici, ce qui aide à long terme. Nous ne sommes pas tout à fait au même niveau que les États-Unis, dans une grande mesure en raison d'autres avantages d'ordre structural, mais ce n'est pas un facteur que nous devons ignorer ou prendre à la légère.

Ce sera un test intéressant, car l'Alberta et la Saskatchewan comptent plus de travailleurs autonomes par personne que n'importe où ailleurs au pays, y compris en Colombie-Britannique. Parce que ces économies ont été mises au défi — l'Alberta et la Saskatchewan plus que toutes —, il sera intéressant de voir à quel rythme elles vont rebondir s'il y a une restructuration. Je nourris beaucoup d'espoir, parce que les gens sont si exposés au travail autonome et à l'entrepreneuriat, dans ces économies, qu'ils seront en mesure de se restructurer plus vite qu'ailleurs au pays.

Vient ensuite la flexibilité requise pour fonctionner. Des choses comme l'imposition des petites entreprises sont essentielles au maintien de la capacité des entreprises de préserver leur valeur si elles n'ont pas l'échelle, en ce sens qu'elles ne peuvent emprunter ou s'attaquer aux marchés des actions dans la même mesure. Les choses comme le crédit d'impôt aux petites entreprises donnent un signal. Nous ne préconisons pas des choses comme l'intervention directe du gouvernement ou des subventions gouvernementales directes aux petites entreprises.

Enfin — bien des gens l'ont dit avant —, l'ouverture des marchés nationaux par le retrait des obstacles internes au commerce permettra aux entreprises de croître de façon organique entre les provinces. C'est essentiel aussi, car les entreprises croissent naturellement vers le marché qui leur est le plus accessible. S'il est plus facile de vendre à un autre pays qu'aux clients d'une autre province, cela en dit long sur les restrictions au Canada. Ce sont mes trois demandes.

Le sénateur L. Smith : Si nous menons une étude sur l'aplanissement des obstacles entre les provinces, aimeriez-vous témoigner et y participer?

M. Mallett : Sans hésitation. Et je suis sûr que la Chambre de commerce du Canada le souhaiterait aussi.

M. Brakel : Nous en serions ravis.

Le sénateur L. Smith : Avez-vous parlé de capital de risque dans l'optique d'un changement de mentalité au Canada, où l'on passerait de l'aversion pour le risque à l'augmentation des risques?

M. Mallett : Ce n'est pas que nous soyons si allergiques au risque. Le marché du capital de risque au Canada mise sur un bassin nettement plus petit. Ce n'est pas une question de qualité, mais de quantité. Le bassin est nettement plus petit. Aux États-Unis, le système relatif au capital de risque a des plaques tournantes au Massachusetts et dans la Silicon Valley, en Californie. Il est difficile d'obtenir une telle échelle d'effort. Le capital de risque n'est qu'une très mince partie de la création d'entreprises au Canada. La grande majorité des entreprises qui démarrent le font avec très peu, et misent sur l'argent des parents ou les sous-sols des amis, et c'est tout ce que nous avons à promouvoir et à protéger.

M. Brakel : J'ajouterais aux observations de Ted qu'en effet, le capital de risque est essentiel. Nous avons publié un rapport, le mois passé, sur la façon d'asseoir l'industrie du capital de risque du Canada, parce que nous entendons beaucoup dire que des entreprises au Canada, comme Shopify, qui émerge, reçoivent à répétition des offres pour aller aux États-Unis, là où c'est plus attrayant, mais ce que nous voulons, c'est construire une industrie du capital de risque vraiment solide au Canada. Il y a des questions sur la taille, mais on constate une croissance. Nous pourrions en faire tellement plus.

Il y a des solutions comme le crédit d'impôt à l'investissement de la Colombie-Britannique, un crédit d'impôt remboursable de 30 p. 100, mais il faut que l'argent soit là pour cinq ans. Nous pensons que cela a très bien fonctionné en Colombie-Britannique. Nous savons que les actions accréditives fonctionnent vraiment bien pour l'exploration minière. À quoi sert-il de donner un crédit d'impôt à une entreprise si elle ne peut avoir de revenus pour les cinq années suivantes? Au lieu de cela, le crédit d'impôt est transmis aux investisseurs. Cela fonctionne vraiment bien pour l'exploration minière, mais cela fonctionnerait aussi vraiment bien pour la biotechnologie.

Nous exemptons les gains en capital sur les CELI pour encourager les gens à épargner pour la retraite. Pourquoi ne pas exempter certains gains en capital si vous investissez dans une entreprise à haut risque qui va produire de la nouvelle technologie?

Le capital de risque, oui, absolument, je pense que c'est essentiel à la croissance de nos entreprises.

Le sénateur Greene : J'ai trouvé intéressant votre commentaire au sujet de vos membres de la Nouvelle-Écosse qui sont vos membres les plus optimistes à l'échelle du pays. Cela m'intéresse, car je pense qu'un sondage général des Néo- Écossais les placerait parmi les cinq premières provinces.

Pouvez-vous expliquer pourquoi vous croyez que vos membres sont plus optimistes que le serait l'ensemble de la population de la province?

M. Mallett : Je pense que c'est une excellente question. Permettez-moi de revenir sur les résultats de la Nouvelle- Écosse, qui se trouvent à la troisième page du document provincial que j'avais. Traditionnellement, pendant la reprise qui a suivi la crise financière, les entreprises néo-écossaises étaient nettement derrière, par comparaison avec la moyenne nationale, mais en réalité, à compter de la fin de 2014, nous avons vu l'optimisme grimper.

La question qui est utilisée pour cet indice particulier est : quel rendement pensez-vous que votre entreprise donnera dans 12 mois? C'est une attente pour l'avenir, alors c'est une mesure relative. En moyenne, les choses iront mieux que maintenant.

On pourrait dire que les entreprises de la Nouvelle-Écosse devraient se montrer optimistes, parce qu'elles sont à la traîne depuis si longtemps. Si vous regardez l'état de santé général des entreprises, sur le diagramme trois, il est traditionnellement derrière. Seules 30 à 40 p. 100 des entreprises ont dit que leurs affaires étaient saines. C'est faible. C'est à l'échelle nationale, mais dernièrement, depuis deux ans, nous en sommes à peu près à 50 p. 100, ce qui est depuis toujours l'un des meilleurs résultats que nous obtenons généralement à l'échelle du pays.

Nous croyons que c'est en grande partie attribuable aux effets stimulants du dollar, étant donné qu'une si grande partie de l'économie de la Nouvelle-Écosse tourne autour de la foresterie ou du tourisme, ce qui fait qu'ils s'attendent à des retombées plus rapides que, par exemple, dans le secteur manufacturier de l'Ontario et du Québec, là où il faut plus de temps pour que l'évolution de la monnaie produise un effet sur les attentes pour l'avenir. S'ils vendent leurs produits à l'étranger ou aux États-Unis, ils constateront d'autres avantages.

La transmission des avantages d'une monnaie plus faible se fait plus rapidement dans les Maritimes que dans les autres provinces.

Le sénateur Greene : Parmi vos membres qui sont dans les Maritimes, en général, est-ce que le volet du tourisme est le plus important?

M. Mallett : Le tourisme n'est pas officiellement un secteur dans la classification type des industries, mais on y trouve l'accueil et le transport. Il y a de nombreuses entreprises qui sont liées au tourisme et tout cela. Il est très difficile d'établir un lien direct avec cela, mais je soupçonne que nous devons attendre énormément plus concernant le tourisme, peu importe le secteur industriel dans la province. C'est une bonne question. Il vaudrait la peine de se pencher plus longuement là-dessus.

Le sénateur Greene : C'est intéressant, car on ne peut faire le lien entre là où je pense que la plupart des Néo-Écossais se situent par rapport à l'avenir et les entreprises pour lesquelles ils pourraient travailler.

M. Mallett : C'est préférable ainsi que l'inverse.

Le sénateur Greene : Oui, en effet.

M. Mallett : Espérons que l'optimisme des employeurs se communiquera à la population générale, par l'intermédiaire des personnes qui travaillent pour elles. Je pense qu'avec le temps, vous verrez l'humeur des consommateurs se mettre à s'améliorer en Nouvelle-Écosse aussi.

Le sénateur Greene : Je l'espère.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Mallett, en particulier — mes salutations à Dan Kelly, en passant —, je regarde votre graphique 11, concernant les principales pressions sur les coûts à l'échelle nationale. Je suis très au fait des frais bancaires, j'essaie de mettre cette question en lumière et je vais continuer de le faire.

Ce qui m'intrigue toutefois, ce sont les assurances qui paraissent dans votre graphique. L'assurance relève du secteur privé. Nous pensons que la concurrence est plutôt bonne au Canada, offrant ainsi une souplesse pour ce qui est des coûts et ainsi de suite. Avez-vous tenté de savoir pourquoi les assurances coûtent tant et préoccupent tellement vos membres?

M. Mallett : L'assurance est l'un des secteurs sur lesquels les entreprises n'exercent que très peu de contrôle. Il tend à y avoir des fluctuations au sein du secteur lorsqu'il y a un grand choc. Ainsi, le 11 septembre a envoyé des ondes de choc au sein du secteur des assurances.

La sénatrice Ringuette : C'était il y a 10 ans.

M. Mallett : C'est la façon dont semble évoluer le secteur. Les propriétaires de petites entreprises ont peut-être une idée de leur profil de risque, mais le secteur des assurances s'en fait une autre. Il n'y a donc pas de correspondance entre ce que les entreprises pensent être un profil de risque convenable et les primes exigées par les compagnies d'assurance. Nous trouvons que les primes payées par les petites entreprises tardent longtemps à évoluer si l'on pense aux ondes de choc sur les marchés d'assurance plus élargis.

Encore une fois, il s'agit de se couvrir. C'est une forme d'assurance. C'est une forme d'assurance pour les ventes des entreprises, et il y a un coût qui l'accompagne. Mais si les primes d'assurance ne concordent pas avec le profil de risque envisagé par l'entreprise, il y aura des préoccupations à cet égard.

Je le répète : ce n'est pas une évaluation directe des coûts; c'est la perception qu'ont les entreprises de leur capacité de gérer les coûts.

La sénatrice Ringuette : Puisque 45 p. 100 de vos membres ont indiqué que le coût des assurances était un problème, avez-vous cherché à comprendre pourquoi? Les problèmes associés aux produits de base, au capital, à la technologie, au taux d'occupation, à la réglementation fiscale, nous les comprenons, mais à ma grande surprise, vient après les frais bancaires le coût des assurances comme facteur important. Pour moi, cela indique qu'il faut revoir le régime des assurances. Pourquoi les primes exercent-elles tant de pression sur nos entreprises?

M. Mallett : Il va falloir que j'examine le dossier de plus près, et vous pouvez bien sûr poser la question aux autres témoins. Mais je peux examiner notre histoire, voir où sont survenus les changements et déterminer s'il y a des liens avec d'autres facteurs. C'est une excellente question.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Monsieur Brakel, en ce qui concerne les fonds de capital de risque, vous avez suggéré de modifier le programme de crédits pour inciter les investisseurs, surtout les petits, à investir dans ces fonds. Notre comité en a beaucoup débattu, mais le dilemme le plus important en ce qui concerne le capital de risque, à mon avis, est lié au fait que ce n'est pas profitable pour une période de 10 à 15 ans. Les retours ne sont pas équivalents aux risques entrepris. Le gouvernement et les contribuables devaient-ils subventionner les investissements de capital de risque?

Je suis un peu perplexe. Fondamentalement, il faut que ces mécanismes se tiennent debout par eux-mêmes, mais ce n'est pas rentable. Par l'intermédiaire du gouvernement, de la BDC, et cetera, on ajoute à des fonds, parce que c'est très important pour l'économie canadienne. Cependant, quelque chose ne fonctionne pas. Verser des crédits alors que ce n'est pas rentable au départ, c'est douteux. Avez-vous des commentaires à faire à cet égard?

M. Brakel : Vous avez tout à fait raison. La rentabilité, le taux de retours sur ce genre de fonds présentent un risque très élevé, et le temps qui s'écoule avant de toucher un retour est long; ce sont des investissements de longue durée. Donc, nous croyons que le gouvernement a certainement un rôle à jouer, et les investissements faits par la BDC ont beaucoup aidé l'industrie du capital de risque au Canada. Lorsqu'on aborde la question avec l'Association canadienne du capital de risque et d'investissement, elle nous dit que ce genre d'investissements exige du secteur privé qu'il investisse l'équivalent des fonds. Ainsi, cela augmente la capacité d'investissement de cette industrie.

Nous croyons donc que le gouvernement a certainement un rôle à jouer. Comme vous l'avez si bien dit, la rentabilité étant très souvent faible, mais lorsque le gouvernement crée des incitatifs sur le plan fiscal pour améliorer le revenu de ces investissements, cela peut aider à attirer beaucoup plus de capital.

Partout dans le monde, aux États-Unis comme en Europe, le gouvernement joue un rôle important dans ce genre de capital de risque.

La sénatrice Bellemare : Monsieur Mallett, je regardais le baromètre des affaires des provinces, et toutes les provinces, à l'exception de l'Alberta, sont plus optimistes que la moyenne canadienne. Parmi vos membres, le pourcentage des répondants qui proviennent de l'Alberta est-il plus élevé proportionnellement à la population de cette province dans votre sondage?

[Traduction]

M. Mallett : Non, c'est à peu près pareil. Environ 10 p. 100 de nos membres se trouvent en Alberta. Nous avons aussi pas mal de membres en Saskatchewan, peut-être un autre 5 p. 100, mais puisque ces deux provinces se situent tellement en deçà de la moyenne nationale, elles exercent une pression considérable. Nous n'avons jamais vu l'index barométrique se situer en deçà de 30, là où se trouve l'Alberta actuellement, et c'est ce qui rabaisse la moyenne. C'est la raison pour laquelle presque toutes les autres se situent au-dessus de la moyenne.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Toutes les autres sont au-dessus de la moyenne, même la Saskatchewan qui est à 58,7. Il y a seulement l'Alberta. C'est la raison pour laquelle je me disais qu'il devait y avoir une proportion importante, mais vous dites que c'est d'environ 10 p. 100 seulement.

[Traduction]

Le sénateur Enverga : Ma question porte sur le même sujet. On constate des similarités entre la Saskatchewan et l'Alberta. Quel est le problème en Alberta, et comment se fait-il que la Saskatchewan se porte beaucoup mieux? Y a-t-il une grande différence entre les deux provinces?

M. Mallett : L'économie de l'Alberta s'est adaptée à l'industrie d'extraction pétrolière au fil des générations. On a investi des sommes considérables dans les sables bitumineux, dans le pétrole lourd et ainsi de suite, et une économie structurée s'est construite autour de ces activités. La Saskatchewan a beaucoup moins d'expérience. L'économie reposait traditionnellement sur l'agriculture, avec des secteurs de potasse, de bois d'œuvre, et d'uranium d'une certaine taille, et ce n'est que récemment que la province exploite ses réserves de pétrole et de gaz naturel. C'est la raison pour laquelle son économie n'était pas fondée sur ce secteur. D'où la réaction différente, du moins pour ce qui de ce secteur.

Terre-Neuve-et-Labrador est confrontée au même problème. Son secteur d'extraction en mer fait face aux mêmes conditions. Il se peut que les prix ne soient pas aussi bas, puisqu'il s'agit du pétrole Brent, plutôt que du pétrole WTI, et le secteur des petites entreprises n'est pas aussi intégré à celui de l'extraction pétrolière qu'il ne l'est dans l'économie de l'Alberta.

Le président : Merci. Chers collègues, j'ai ici une petite note que je vais vous lire. Nous en sommes à notre dernière réunion sur le taux de change, et la note me semble tout à fait appropriée. Je vais la lire pour le compte rendu avant que nos témoins ne nous quittent.

La note se lit ainsi : « Chers collègues, même si je ne suis plus membre du comité, ni même sénateur, j'aimerais boucler la boucle sur une question très importante. Le 9 avril 2014, comme se souviendront peut-être les membres du comité, j'ai acheté d'un guichet automatique 0,18 bitcoin lors d'une séance du comité, ce qui m'a coûté 100 $. Plusieurs membres m'ont rappelé que j'aurais à payer de l'impôt sur les gains en capital si je réalisais un profit sur mon achat de bitcoin. Chers collègues, soyez rassurés, mon assistant a encaissé mon 0,18 bitcoin et a obtenu 85 $, soit une perte nette de 15 $ sur une période de presque deux ans. J'aurais dû en fait recevoir presque 89 $ pour mon bitcoin, mais la machine ne donnait pas de plus petites coupures. Veuillez agréer mes sentiments les meilleurs. Irving Gerstein, sénateur. »

Messieurs, merci beaucoup pour vos exposés fort informatifs. Je crois que nous en avons tous profité. Chers collègues, je vous demanderais de rester quelques minutes après le départ de nos témoins, afin que nous puissions poursuivre à huis clos. Je veux être sûr que tout le monde est représenté. Nous étions fort mal à l'aise hier, car il n'y avait que des conservateurs, et je ne veux pas que le comité fonctionne ainsi. Je demande à tous de rester, merci beaucoup.

(La séance poursuit à huis clos.)

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