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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule n° 8 - Témoignages du 20 octobre 2016


OTTAWA, le jeudi 20 octobre 2016

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs et de produire un rapport connexe.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je m'appelle David Tkachuk.

Il s'agit de notre troisième réunion dans le cadre de notre étude sur la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs. Nous sommes heureux d'accueillir, aujourd'hui, durant la première partie de notre réunion, des représentants de Transports Canada. Nous accueillons Sandra LaFortune, directrice générale, Relations internationales et politique de commerce, et Craig Hutton, directeur général, Politique stratégique et Innovation.

Je vous remercie tous les deux d'être là aujourd'hui. Veuillez présenter votre déclaration préliminaire. Je crois savoir que Mme LaFortune commencera. Allez-y, s'il vous plaît, puis nous passerons à la période de questions et de réponses. Nous avons jusqu'à une heure, parce que nous accueillons un deuxième groupe aujourd'hui.

Sandra LaFortune, directrice générale, Relations internationales et politique de commerce, Relations internationales et intergouvernementales, Transports Canada : Merci, monsieur le président, et merci honorables sénateurs. Nous sommes heureux d'avoir été invités aujourd'hui à comparaître devant votre comité dans le cadre de votre étude sur la création de réseaux de transport, de communications ou autres au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs.

Transports Canada possède des pouvoirs de réglementation liés à plusieurs des modes de transport visés par la portée de votre étude, notamment, le mode maritime, le mode aérien et le transport automobile. Ma déclaration d'aujourd'hui concerne principalement les systèmes de transport utilisés dans le cadre des échanges commerciaux au pays et à l'échelle internationale, des systèmes qui ont une importance vitale pour l'économie puisque le Canada est une nation commerçante.

Comme c'était le cas de la notion de corridor décrite dans le document produit par l'Université de Calgary et le CIRANO, qui a été présenté au comité le 5 octobre, l'approche de Transports Canada en matière de systèmes de transport liés au commerce est aussi de nature multimodale. Depuis 2006, cette approche a donné corps à trois stratégies multimodales liées au commerce distinctes : l'initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique, l'initiative de la Porte d'entrée et du Corridor de commerce de l'Atlantique et la Porte continentale Ontario-Québec.

Étant donné que le Canada est une notion commerçante et que, par conséquent, l'efficience et la fiabilité des transports ont un impact direct sur sa prospérité et son bien-être, ces initiatives visaient à réunir les enjeux liés à l'infrastructure, aux politiques, à la gouvernance et aux opérations dans des stratégies multimodales publiques-privées intégrées. La coopération entre les secteurs public et privé était une caractéristique centrale de l'approche des portes d'entrée. Il en est ainsi parce que tant la propriété que l'exploitation des principaux actifs de notre système de transport relèvent des secteurs public et privé et parce que tous ces actifs sont réglementés et taxés par tous les ordres de gouvernement.

Ces stratégies ont été soutenues par deux fonds spéciaux : le Fonds d'infrastructure de transport de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique, d'une valeur de 1 milliard de dollars, et le Fonds pour les portes d'entrée et les passages frontaliers, d'une valeur de 2,1 milliards de dollars. Cela a permis au gouvernement fédéral de partager les coûts de projets qui visaient à éliminer les goulots d'étranglement des chaînes d'approvisionnement et de renforcer la capacité du système de transport de favoriser le commerce international. Ces investissements ont permis d'obtenir par effet de levier environ 1 milliard de dollars de contributions privées liées à des projets, qui sont venus s'ajouter aux investissements du gouvernement fédéral de 2007 à 2016. Ces projets ont aussi généré des millions de dollars d'autres dépenses d'immobilisations et de fonctionnement du secteur privé, tandis que les entreprises tentaient de tirer parti des capacités du système et des améliorations de son rendement.

Le récent rapport sur l'examen de la Loi sur les transports au Canada a reconnu la réussite de l'approche des portes d'entrée en plus de tirer d'autres conclusions plus générales liées à tous les aspects du système de transport national.

Dans le contexte de ce rapport, en plus des engagements liés au mandat et au budget, le ministre des Transports, l'honorable Marc Garneau, a mené, au printemps dernier, une série de consultations auprès de Canadiens, d'intervenants, de représentants des provinces et des territoires et des groupes autochtones partout au pays pour connaître leurs points de vue et discuter d'idées liées au programme à long terme en matière de transport au Canada

Ces consultations portaient sur cinq thèmes : le renforcement de la sécurité des transports, des corridors de commerce aux marchés mondiaux, les voies navigables, les côtes et le Nord, le transport écologique et innovateur et le voyageur.

Des consultations ont eu lieu auprès d'un échantillon représentatif de transporteurs, d'utilisateurs des transports et d'experts universitaires en la matière, de collègues des gouvernements provinciaux et territoriaux et du grand public par l'intermédiaire d'un portail en ligne. Vu le sujet de votre étude actuelle, j'aimerais souligner certains des commentaires les plus détaillés que nous avons reçus en ce qui a trait aux thèmes des corridors de commerce vers les marchés mondiaux et du Nord.

Le ministre a organisé deux tables rondes sur le thème des corridors de commerce vers les marchés mondiaux : une à Toronto, en mai, et une à Winnipeg, en juillet. De façon générale, les répondants s'entendaient généralement pour dire que, même si le Canada possède un système national de transport des marchandises relativement efficace, des efforts collectifs étaient requis pour réduire les pressions de coûts et les risques, améliorer la rapidité et accroître la fiabilité, la capacité et la crédibilité du système de transport canadien. Les intervenants avaient l'impression qu'il fallait concentrer notre attention et nos investissements sur les corridors de transport par où passent la majeure partie des marchandises canadiennes destinées au commerce international. Les répondants ont aussi reconnu que les innovations opérationnelles et technologiques peuvent aussi aider à optimiser la capacité de notre transport lié au commerce actuel.

En plus d'aider à cerner les lacunes et les besoins futurs en matière de corridor, une meilleure base de données probantes aiderait à cerner les investissements stratégiques les plus nécessaires ou ceux le plus à même de permettre la mise en place d'une infrastructure de transport moderne, résiliente et de haute qualité pour desservir les marchés internationaux. On a aussi souligné que la coordination et la coopération entre les divers ordres du gouvernement étaient un facteur de réussite important.

Malgré le fait qu'il y a de vastes réseaux sur une bonne partie de l'Amérique du Nord qui servent de corridors commerciaux, les régions nordiques du Canada restent en périphérie de ces réseaux. Les connexions au reste du continent sont limitées. Cela a un impact sur les possibilités de générer de nouveaux flux de revenus publics, de permettre la croissance économique et de faciliter le commerce avec le reste du pays et les marchés mondiaux.

On pourrait concevoir des projets de grande envergure visant à renforcer les liens entre le Nord du Canada et nos réseaux de transport continentaux comme étant de nature transformationnelle, un peu comme l'ont été les projets historiques, comme le chemin de fer transcontinental, l'autoroute transcanadienne et la Voie maritime du Saint-Laurent, qui ont tous eu un impact positif sur la prospérité nationale et la qualité de vie de tous les Canadiens.

Cependant, il y a des besoins plus pressants à combler, des besoins qui ont été soulignés par les résidants du Nord et ceux qui mènent des opérations de transport dans le Nord dans le cadre d'une table ronde sur le Nord animée par le ministre Garneau à Iqaluit, en juillet. Les participants ont souligné les lacunes de l'infrastructure de transport de base dans le Nord, mentionnant des préoccupations liées à la sûreté, la sécurité et l'environnement.

Il ne fait aucun doute que les régions du Nord du Canada auront des besoins pressants en matière d'infrastructure liée au logement, à l'énergie et aux égouts, par exemple, des besoins qui, dans le cadre des programmes d'infrastructure nationaux actuels, ont tendance à être considérés comme étant des domaines d'investissement plus prioritaires que les besoins du secteur des transports.

En plus de déficiences liées à la sûreté de base, l'infrastructure de transport actuelle dans le Nord du Canada manque de résilience, problème causé en grande partie par des défis liés aux changements climatiques, y compris la dégradation du pergélisol, la modification des régimes de précipitation et le raccourcissement de la saison des routes d'hiver.

Comme votre étude le souligne, le haut coût des transports dans le Nord est lié directement au manque d'infrastructure. Le renforcement du système de transport dans le Nord grâce à des investissements immédiats pour améliorer l'infrastructure de base soutiendrait et favoriserait la croissance économique et les occasions pour les Canadiens.

Cependant, les gouvernements territoriaux n'ont pas formulé d'observations à Transports Canada selon lesquelles ils donneraient la priorité à un corridor dans le Nord, comme mentionné dans le rapport de l'Université de Calgary et le CIRANO, aux dépens d'autres priorités plus fondamentales liées à l'infrastructure de transport, comme l'amélioration de la sûreté et de l'efficience du réapprovisionnement communautaire dans les ports nordiques ou l'augmentation de la sécurité dans les aéroports du Nord.

Nous savons bien que les solutions du Sud aux problèmes du Nord ne sont pas efficaces en raison des caractéristiques environnementales, sociales et économiques uniques là-bas. Une importante mobilisation des gouvernements territoriaux, des collectivités nordiques et des Autochtones est cruciale pour garantir que les investissements fédéraux ont un impact positif et fournissent dans le Nord une solution à même de répondre aux priorités des gens là-bas.

Pour reprendre les mots du ministre Garneau, il ne faut pas oublier que le Canada peut bien avoir les produits de la plus haute qualité et les accords commerciaux les plus ambitieux du monde, ça ne changera rien si nous n'avons pas des moyens efficaces pour transporter nos produits vers les marchés internationaux. À ce sujet, l'une des principales priorités du ministre, comme l'indique sa lettre de mandat du premier ministre, est d'aider à rendre le Fonds Chantiers Canada plus ciblé vers des investissements dans les routes, les ponts, les corridors de transport, les ports et les points d'accès frontaliers afin d'aider les fabricants canadiens à acheminer leurs marchandises vers les marchés.

Dans un tel contexte, l'objectif global de Transports Canada à l'avenir continuera d'être l'amélioration des capacités et de la compétitivité des corridors commerciaux tout en aidant à répondre aux besoins prioritaires en matière de transport dans le nord du Canada.

Encore une fois merci de l'occasion que vous nous donnez de nous adresser au comité.

Le président : Merci. Sénateur Tannas, allez-y.

Le sénateur Tannas : Merci de nous avoir présenté votre exposé. Je voulais apprendre des choses au sujet des initiatives du ministre Garneau visant à tendre la main à divers groupes et divers intérêts afin d'obtenir leurs commentaires. Vous avez mentionné dans votre déclaration que le corridor du Nord n'était pas considéré comme une priorité. Y a-t-il eu des discussions à ce sujet? Est-ce que c'est un sujet dont on a ne serait-ce que parlé ou est-ce qu'on en a tout simplement fait fi puisqu'il ne s'agissait pas d'une priorité?

Craig Hutton, directeur général, Politiques stratégiques, Politique stratégique et innovation, Transports Canada : Il est évident que toute la question concernant les liens entre les collectivités, s'assurer qu'un réapprovisionnement est possible, veiller à ce que, dans ces collectivités, les marchandises destinées à l'exportation puissent partir — tous ces enjeux liés à la liaison — a été soulevée et qu'elle était présente dans l'esprit de tous.

Selon moi, ce qu'on a souligné au ministre, c'est que les besoins sont importants et que, en ce qui a trait à l'établissement des priorités, au moment de fournir son soutien, le gouvernement fédéral devait mettre l'accent sur les enjeux liés à la sûreté dans les collectivités, au réapprovisionnement et aux besoins de base en matière d'infrastructure, comme les aéroports et la liaison aérienne avec ces collectivités. C'est un message que nous avons très bien compris, parce que les représentants qui ont participé à la table ronde, soit vivaient dans ces collectivités, soit représentaient des entreprises qui sont présentes dans ces collectivités.

Par conséquent, on a très bien compris leur message au sujet des déficiences de l'infrastructure vraiment de base pour assurer le déplacement sécuritaire des marchandises et des gens.

Le sénateur Tannas : Je comprends et je crois que ce que nous voulons susciter, c'est un dialogue quant à savoir si l'heure est venue ou non de bâtir un autre chemin de fer transcontinental, un grand projet. Je me rappelle avoir vu Un rêve insensé de Pierre Berton. Je suis sûr que certaines personnes ont dit qu'il fallait réparer le chemin de fer entre Toronto et Peterborough avant de se lancer en territoire inconnu. En d'autres mots, il y aura toujours des besoins immédiats. Nous savons et nous comprenons, et il est évident qu'il y a des besoins pressants dans de nombreux domaines dans le Nord.

Mais, je me demande, y a-t-il eu des discussions visionnaires ou s'en est-on tenu à dresser un inventaire de tous nos problèmes actuels que le ministre a, à juste titre, acceptés et qu'il sait que nous devons régler?

M. Hutton : Je crois que les observations qui lui ont été formulées étaient assez liées aux réalités actuelles de ces collectivités en ce qui a trait à leurs besoins de base en matière d'infrastructure de transport. Cette idée d'un grand corridor semblable à celui décrit dans le rapport n'a pas été soulevée.

Le sénateur Tannas : D'accord. Vous voilà donc, ici, deux personnes qui possèdent une grande expertise dont nous pouvons bénéficier. Pourquoi ne parlons-nous pas du corridor dans le Nord de votre point de vue afin de savoir ce que vous pensez? L'heure est-elle venue d'aller de l'avant avec cette discussion et d'examiner ce dossier sérieusement ou devrait-on continuer à s'inquiéter du train entre Peterborough et Toronto?

M. Hutton : En ce qui a trait au déplacement des marchandises de façon générale ainsi qu'au déplacement des personnes, je crois que les efforts du ministre et du ministère actuellement sont encadrés par deux processus. Le premier, c'est le rapport de l'examen de la LTC, qui, comme vous le savez, a été déposé devant le Parlement l'année dernière par le ministre. Il a reçu ce rapport de David Emerson, qui était le président du groupe chargé de l'examen législatif de la Loi sur les transports au Canada. Les responsables ont parlé avec un large éventail d'intervenants partout au pays et ils se sont rendus dans le Nord et ont entendu directement les observations des représentants des gouvernements territoriaux et des personnes qui vivent dans le Nord. Le rapport et les constatations qu'il contient s'appuient sur un important ensemble de preuves.

Comme vous le savez, le ministre a lancé l'appel et a mené son processus d'engagement au cours des derniers mois en réalisant une série de tables rondes, ce que Sandra a mentionné, qui encourageaient les gens à formuler des commentaires sur les constatations du rapport, mais qui allaient aussi au-delà du rapport puisque les gens pouvaient parler des problèmes qui n'étaient pas abordés de façon exhaustive dans le rapport ou qui n'étaient pas visés par sa portée. Ses efforts d'extension et de mobilisation au cours des derniers mois étaient ciblés sur ces domaines thématiques. Il ne fait aucun doute qu'un très grand nombre d'idées ont été formulées.

Dans la mesure où il s'est penché sur les corridors et vu la façon dont il a exposé cette question, le rapport du CIRANO est une autre donnée probante dont on tiendra compte en plus de toutes les activités d'extension et toutes les observations formulées dans le sillage du rapport de l'examen sur la LTC.

Déjà, le rapport de l'examen sur la LTC mettait l'accent sur un certain nombre de données clés qui exigent notre attention dans le Nord, particulièrement dans les territoires, et je crois que même les projets d'infrastructure qu'ils ont mentionnés ont une importance en ce qui concerne les éventuels besoins dans le Nord. Cependant, le rapport spécifie clairement dans les recommandations liées à la LTC qu'il est important de travailler en collaboration avec les gouvernements territoriaux et les gens qui vivent dans le Nord, de façon à ce que, quelles que soient les solutions adoptées, elles soient durables et tiennent compte des priorités des territoires.

Encore une fois, les 24 derniers mois ont été une occasion de proposer un très grand nombre d'idées. Je crois que le ministre tente d'intégrer tous ces commentaires afin de décider de quelle façon promouvoir un programme à long terme en matière de transport au Canada qui est le reflet de ces commentaires.

Mme LaFortune : Si je peux me le permettre, les deux tables rondes sur le thème des corridors commerciaux vers les marchés mondiaux ont réuni un échantillon représentatif des différents types de fournisseurs et de fournisseurs de services de transport. De plus, le ministre a aussi discuté avec ses homologues provinciaux et territoriaux. Dans le cadre de ces deux tables rondes, je peux vous dire que la question du corridor dans le Nord n'a pas vraiment été soulevée non plus. Donc non seulement dans la table ronde sur le Nord, mais aussi dans les deux tables rondes sur le thème des corridors commerciaux vers les marchés internationaux.

C'est en partie parce que les gens semblaient estimer que ce ne sont pas toutes les portes qui sont des portes d'entrée et qu'il faut donc mettre l'accent sur les vrais besoins, sur les passages les plus cruciaux, s'assurer qu'il n'y a pas de goulots d'étranglement là-bas et permettre le commerce au pays et entre le Canada et le reste du monde, c'est ce qui doit être la première priorité.

Le président : Y a-t-il eu des idées sur la façon de régler le problème de pipeline?

Mme LaFortune : Pas durant les tables rondes auxquelles j'ai assisté.

Le président : C'est pourtant un enjeu de transport très important, non?

M. Hutton : Les travaux en cours au sujet des pipelines relèvent davantage de nos collègues de RNCan.

Le président : Donc, les discussions portaient essentiellement sur les aéroports locaux et les routes? A-t-on discuté de la possibilité de construire une autoroute vers le Nord?

Mme LaFortune : Je ne saurais vous dire s'il a été question d'une autoroute vers le Nord. Je ne crois pas. Mais il n'en a pas été question dans le cadre des discussions sur le thème des corridors commerciaux vers les marchés mondiaux, non. La discussion ne concernait pas l'échelon local; elle concernait les principaux points de départ par où les marchandises canadiennes peuvent partir vers les marchés internationaux et là où peuvent se trouver les goulots d'étranglement, les entraves au déplacement des marchandises partout au pays. Le sujet a été abordé d'un point de vue systématique et national. L'optique n'était pas locale, tous les intervenants ont vraiment adopté un point de vue national, ce qui était excellent. Et on semblait comprendre, dans une certaine mesure que, par exemple, un investissement en Saskatchewan pouvait avoir de très bonnes retombées pour la Colombie-Britannique, pour le port de Vancouver ou encore le port de Halifax.

Le président : Nous pouvons commencer à construire le pipeline en Saskatchewan, mais si on ne peut pas le terminer en Colombie-Britannique, à quoi bon?

Mme LaFortune : Comme Craig l'a mentionné, le sujet des pipelines relève davantage de Ressources naturelles Canada.

Le président : La prochaine question vient du sénateur Massicotte.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence à notre comité. Il s'agit d'un débat très important. Nous souhaitons connaître les priorités du ministère. Notre perspective, du moins en ce qui me concerne, est à plus long terme. Je suis curieux de savoir quelle est votre priorité à court terme. Selon moi, le plus important est de voir ce projet aboutir, ce qui pourrait prendre encore de nombreuses années, voire des décennies. Notre objectif est de déterminer s'il est possible de recommander et de réaliser un tel projet. Que ce projet fasse l'objet de débats publics ou non est une question secondaire. On ne cherche pas à faire la promotion de cette idée.

Il faut se demander si ce projet représente une valeur importante pour le Canada. Si oui, quels en seront les coûts? Y a-t-il moyen de concevoir un projet réaliste et rentable pour les Canadiens et les Canadiennes? Voilà comment je souhaite participer activement à ce débat. Je suis très heureux de vous voir ici, aujourd'hui, car vous êtes un expert dans le domaine.

On voit qu'on peut s'en servir autrement que comme moyen de transport de biens. En outre, cela reste un problème d'approbation, puisqu'il faut l'accord de toutes les communautés visées. Aussi, nous nous en servirons pendant des centaines d'années.

Est-ce quelque chose qui a beaucoup de mérite? Si oui, combien de milliards de dollars est-ce que cela représente? Enfin, est-ce rentable?

[Traduction]

M. Hutton : Monsieur le sénateur, vous avez soulevé un certain nombre de très bons points. Il ne fait absolument aucun doute qu'il faut vraiment garder à l'esprit le long délai d'exécution des projets de transport. C'est quelque chose que David Emerson a souligné dans son rapport. Lorsqu'on réalise des activités de planification dans le domaine des transports, un horizon de 30 ans n'est pas aussi long qu'on pourrait le croire en raison de toute la planification nécessaire, toute l'analyse nécessaire et tous les travaux auprès de partenaires qui sont requis.

Un projet de l'ordre de grandeur de ce qui était envisagé dans le cadre du rapport présenté par Calgary... je ne crois pas qu'ils aient encore une idée des coûts généraux ni si, d'un point de vue commercial, certains aspects seraient viables.

Cependant, nous savons bien sûr que les coûts seraient très élevés, mais pour ce qui est d'un coût précis, les coûts d'un tel projet n'ont pas été établis, et je ne crois pas qu'eux-mêmes ont des chiffres à ce sujet.

Vous avez mentionné la « rentabilité ». Nous tenons bien sûr compte de la façon dont les forces du marché, au bout du compte, créent les conditions en vertu desquelles les projets peuvent être viables, et il y a un lien direct avec le point que Sandra a formulé au sujet de notre ancien rôle à l'appui de la notion de porte d'entrée et de corridor commercial, soit la notion qu'il s'agit de corridors multimodaux par lesquels transitent d'importants volumes de marchandises, calculés en valeur ou en quantité, dans le cadre desquels on peut créer un partenariat avec le secteur privé de façon à réduire au minimum les coûts pour le gouvernement et les coûts pour les contribuables, tout en tirant parti des investissements du secteur privé, de façon à pouvoir faire des investissements dans des projets d'infrastructure, ce qui, sinon, n'aurait peut-être pas été possible.

De ce point de vue, les forces du marché, cette composante commerciale, la rentabilité que vous mentionnez sont des choses auxquelles il faut toujours réfléchir lorsqu'on envisage d'investir dans l'infrastructure de transport, mais particulièrement dans le cas d'un projet d'une telle envergure, où il faut très bien réfléchir aux partenaires qui participeront et à l'analyse de rentabilisation qui vient le justifier, quant aux marchandises qui transiteront par ce corridor.

Actuellement, les flux d'échanges reflètent certains des travaux liés aux corridors réalisés par Transports Canada. Cependant, comme vous l'avez dit, il faut commencer à planifier pour l'avenir. Nous devons prendre un peu de recul vu les longs délais d'exécution pour nous demander quelles seront les destinations commerciales à l'avenir. C'est en partie de cette façon qu'on recueille de l'information à la lumière de l'examen de la LTC, en fonction des activités d'extension réalisées par le ministre grâce au processus de tables rondes l'été dernier et à la lumière des observations qui nous ont été communiquées. Nous examinons toutes ces idées et tentons de déterminer ce qui sera viable à l'avenir. Où devons-nous être dans 30 ans? Il faut commencer à planifier dès aujourd'hui.

Le sénateur Massicotte : Comme nous le savons tous, la nature humaine et tout particulièrement le processus politique ont tendance à mettre l'accent sur le très court terme. Vous avez été là assez longtemps, et vous avez entendu les commentaires des gens. Leurs préoccupations concernent le fait d'aller chercher leur courrier et d'obtenir un accès. Je ne me laisse pas beaucoup influencer par ces choses. C'est bien, mais ce n'est pas quelque chose qui m'intéresse beaucoup.

Mais, en ce qui concerne la planification à long terme, la politique Ciel bleu, votre ministère y a-t-il jeté un coup d'œil et a-t-il déterminé si c'était une excellente idée? Je sais que nous sommes très occupés par la planification et le besoin de répondre aux besoins des citoyens et des électeurs, mais, si l'on voit plus grand, la politique est-elle justifiée? Y avez-vous réfléchi?

Mme LaFortune : Je sais que certains travaux ont été réalisés au sujet du concept des corridors dans le Nord lorsque le Cadre de politique nationale sur les portes et les corridors commerciaux stratégiques a été créé, en 2007, 2009 ou dans ces eaux-là. L'impression qu'on a eue à ce moment-là, c'est qu'il n'y avait pas suffisamment de volume et de valeur commerciale pour que ce soit viable.

Cependant, beaucoup de travaux sont effectués, et d'autres le seront exactement dans le sens que vous le suggérez. Quelles sont les tendances nationales en matière commerciale? Quelles sont les tendances internationales dans le domaine commercial? Où devons-nous être, comme Craig l'a dit, dans 30 ans? Que faut-il faire pour s'y rendre? Les prix des marchandises fluctuent, les flux d'échanges aussi, tout comme les endroits où les choses sont fabriquées et les techniques de fabrication utilisées; toutes ces données changent, et, par conséquent, c'est le genre de travail auquel Transports Canada consacre une partie de son temps. Et nous n'avons pas encore fini, mais, en ce sens, les études comme celles du CIRANO sont vraiment utiles.

Le sénateur Massicotte : Quand pensez-vous terminer votre examen et tirer des conclusions?

Mme LaFortune : Comprenez-moi bien. Il n'y a pas un projet précis actuellement qui concerne justement l'examen de tout cela.

Le sénateur Massicotte : Ce n'est pas dans les plans? Cela ne figure pas dans la visée de la politique Ciel bleu? Il n'y a pas de planification stratégique à long terme?

M. Hutton : Nous examinons toutes ces idées et nous tentons de déterminer où les flux commerciaux seront à l'avenir. M. Emerson a souligné dans son rapport — et c'est aussi quelque chose que nous avons entendu durant les tables rondes et vu dans d'autres observations qui nous ont été soumises depuis — que nous avons besoin d'une meilleure base de données probantes à examiner.

Le sénateur Massicotte : Je vous ai entendu plus tôt. C'est parfait, mais quel sera le résultat et quand l'obtiendra-t-on?

M. Hutton : C'est un processus en cours.

Le sénateur Massicotte : Il s'agit de discussions? Les gens parlent?

M. Hutton : C'est exact.

Le sénateur Enverga : Merci de nous avoir présenté votre exposé. J'ai écouté très attentivement et, essentiellement, nous avons les mêmes idées. Cependant, lorsqu'il est question d'un corridor national au Canada, avez-vous tenu compte du fait qu'il y a beaucoup de collectivités sur le territoire qui ont besoin d'être connectées au reste du Canada? Est-ce un des aspects de votre étude?

En même temps, ne croyez-vous pas qu'un corridor national nous permettrait en fait de miser sur bien des ressources qui, jusqu'à maintenant, n'étaient pas exploitées parce qu'il n'y avait justement pas de corridor national? Avez-vous réfléchi à cette possibilité à long terme? Est-ce un des éléments dont vous tenez compte dans le cadre de vos travaux de planification?

Mme LaFortune : Lorsque vous parlez de « corridor national », il faut dire qu'il y a déjà des corridors commerciaux, des corridors de transport qui suivent actuellement la chaîne d'approvisionnement, et ces corridors ont fait l'objet de beaucoup d'investissements au cours des dix dernières années grâce aux diverses stratégies et initiatives dont j'ai parlé précédemment.

La lettre de mandat du ministre et le budget de 2016 font référence en partie au fait que les corridors de transport et le besoin de transporter les marchandises vers les marchés internationaux feront partie du programme d'infrastructure de 120 milliards de dollars que le gouvernement propose. Le volet des transports fera partie de la phase 2, qui devrait être annoncée au cours des prochains mois, dans l'année suivant le budget, alors c'est quelque chose à quoi on réfléchit déjà.

Le sénateur Enverga : Que pensez-vous de la phase 2? De quoi s'agit-il? Pouvez-vous nous fournir de plus amples renseignements à ce sujet? Ou peut-on formuler d'autres idées pour vous aider dans le cadre de votre planification?

Mme LaFortune : Nous vous invitons bien sûr toujours à faire part de vos idées. Je suis toujours absolument heureuse de les recevoir. Pour ce qui est du contenu de la phase 2, je ne suis pas vraiment en mesure de vous répondre.

La sénatrice Marshall : Toute la discussion sur le corridor qui passerait par Terre-Neuve-et-Labrador a piqué ma curiosité, parce que les documents qu'on nous a remis présentent un corridor vers le Nord qui passe par le Labrador et, bien sûr, à Terre-Neuve, la majorité de la circulation se fait entre la Nouvelle-Écosse, à travers l'île, jusqu'à St. John's, où la majeure partie des gens vivent. Je me demandais donc quel genre d'options ont été envisagées.

Mme LaFortune : Vous parlez du projet du CIRANO? Est-ce la carte dont vous parlez?

La sénatrice Marshall : Oui.

Mme LaFortune : Je ne suis pas au courant qu'il y ait eu des discussions au sujet de ce corridor avec Transports Canada.

La sénatrice Marshall : D'accord. Alors il n'y a pas eu de discussions.

Envisage-t-on quelque chose pour Terre-Neuve-et-Labrador? Ou met-on plutôt l'accent sur les endroits où la majeure partie de la population vit au Canada?

Mme LaFortune : Selon moi, on met moins l'accent sur la population que sur les flux commerciaux, et les travaux qui sont en cours actuellement sur les valeurs futures du commerce et de quelle façon on peut transporter les principales marchandises et les principaux produits vers les marchés sont ce sur quoi on mettra l'accent.

La sénatrice Marshall : On exploite des mines au Labrador, même si la majeure partie de la population vit dans la région de St. John's, alors est-ce quelque chose dont on tiendrait compte au moment de créer un corridor?

Mme LaFortune : Les principaux secteurs commerciaux et les exigences du système de transport et de la chaîne d'approvisionnement pour permettre aux marchandises et produits de se rendre là où ils doivent aller au Canada et dans le monde entier sont les domaines essentiels sur lesquels on mettra l'accent au moment de prendre des décisions sur...

La sénatrice Marshall : Le tracé du corridor?

Mme LaFortune : Oui.

Le sénateur Smith : Je veux résumer tout ce que j'ai entendu. J'ai l'impression que vous vous intéressez davantage aux programmes de type régional, parce que vous avez parlé des besoins précis. J'imagine qu'on en revient à la question du sénateur Massicotte. Avez-vous mis sur pied un groupe de planification stratégique? Vous savez, si on regarde l'information disponible, il y a un corridor actuellement au pays, le corridor du Sud, qui a vu le jour avec la construction de nos chemins de fer. Nous avons ensuite créé des branchements pour nous raccorder aux États-Unis, notre principal partenaire commercial. En ce qui concerne les prévisions économiques futures dans le domaine des échanges commerciaux, des rapports ont récemment été produits au sujet de l'importance de créer un accès à nos partenaires commerciaux futurs en croissance, comme l'Asie, la Chine, et tous les pays qui feront partie du PTP au bout du compte; on parle donc évidemment de l'Inde, de la Corée et de ces genres de pays. Cependant, on dirait que vous vous intéressez vraiment aux enjeux communautaires quotidiens à l'échelle micro plutôt qu'aux enjeux nationaux. Quel est l'équilibre entre les enjeux nationaux, la planification transformative et les enjeux régionaux, qui sont importants, je le comprends bien?

On parle d'un horizon de 10 à 30 ans et d'échanges commerciaux, et ça m'effraie beaucoup parce que, lorsque j'entends ce type de commentaires, je me demande : « Qu'est-ce que ces gens peuvent bien faire pour ce qui est de l'horizon à long terme »? S'il y a un plan à long terme, on est mieux de l'élaborer maintenant, parce qu'il faudra 10 ans pour le réaliser si nous décidons un jour de construire un corridor de 7 000 kilomètres de routes, de pipelines, de lignes de télécommunications qui exigera un droit de passage dans le centre du Canada, dont il a été question dans le rapport du CIRANO. Bien sûr, tout a commencé en 1967 avec Richard Rohmer. L'idée de saisir cette occasion existe depuis plus de 50 ans.

Ce n'est pas nécessairement une nouvelle idée. Prenons un exemple, celle du transport du blé. J'ai travaillé pendant 10 ans pour Les Minoteries Ogilvie, le premier Père de la Confédération, la plus importante entreprise de meunerie du Canada. Nous avons de la difficulté à transporter le blé à l'extérieur de la Saskatchewan. Lorsque j'entends quelqu'un dire qu'une mesure bonne pour la Saskatchewan pourrait être bonne pour le commerce, je me dis que ce ne sera pas le cas sauf si on construit des voies ferrées pour avoir accès aux ports.

Je n'essaie pas de vous critiquer, mais j'essaie de comprendre : où se trouve l'élément stratégique dans votre processus de planification? Parce que, en quelque sorte, vous avez dit : « Non. Nous n'en parlons pas vraiment. Ce sujet ne faisait pas partie des discussions. » Cependant, il faudrait qu'il y ait un semblant d'équilibre entre les programmes au jour le jour, de mois en mois et d'année en année et quelque chose de plus stratégique, qui est lié à nos besoins en matière de commerce, besoins qui sont très clairs. L'accès au sud nous a bien servi, mais il faut aller en Chine, et il faut avoir accès aux pays asiatiques. Espérons que l'AECG avec l'Europe passera. Mais je ne vous ai pas entendu parler de choses stratégiques, et je me demande où est justement cet aspect stratégique. S'il n'y en a pas, devrait-il y en avoir? Ou existe-t-il un comité qui réunit les responsables du Commerce, des Transports et de trois ou quatre autres ministères où vous mettez au point un plan stratégique, ensemble? C'est peut-être déjà fait, aussi, mais j'essaie simplement de comprendre la logistique de votre processus de réflexion.

M. Hutton : Monsieur le sénateur, vous soulevez l'enjeu de la planification et de la prévoyance. Je crois que ces deux choses vont main dans la main. Vu les longs délais d'exécution, les idées, comme celle-là, qui sont soulevées — et cette idée est sur la table depuis un certain temps — méritent qu'on s'y attarde.

Mais, en même temps, si vous regardez les corridors actuels, leur remplacement est fondé sur les flux d'échanges actuels. La question de savoir si ces flux commerciaux changeront au point d'indiquer le tracé d'un éventuel corridor du Nord est sujette à débat. On pourrait aussi débattre au sujet de la meilleure façon de connecter certaines de ces occasions le long de ce corridor imaginé dans ce rapport. La meilleure façon de relier ces occasions est peut-être aussi un enjeu dont il faudrait parler.

Je crois que, si vous parlez aux gouvernements territoriaux, il est évident qu'ils exigent, actuellement, de longs délais d'exécution en raison du fait qu'il est difficile de construire des infrastructures dans le Nord — et ils ont des besoins pressants bien réels en ce moment —, qui aiderait à accroître leur niveau de connexion au système de transport national tout en améliorant la sûreté et la résilience de leurs réseaux de transport dans le Nord. La dégradation du pergélisol, par exemple, est un énorme problème auquel ils sont confrontés actuellement. En effet, les averses en janvier sont l'une des choses qui entraînent la dégradation de leur infrastructure routière actuelle.

Il existe donc actuellement d'importantes pressions sur le système actuel, et ces pressions exigent de longs délais d'exécution, beaucoup de planification et beaucoup de discussions avec les gouvernements territoriaux, pour que l'on puisse investir aux bons endroits, tant pour rendre leur réseau actuel plus résilient que pour déterminer de quelle façon élargir ces réseaux de façon à libérer une partie du potentiel économique du Nord.

Selon moi, il restera à voir si cette idée aura du mérite à l'avenir, et il reste certaines discussions à tenir à ce sujet. Selon moi, le réel avantage de ce genre de document, c'est qu'il présente de nouvelles idées sur la façon dont il faut réfléchir à ce qui nous attend et aux défis futurs que nous devrons relever.

Ce genre d'exercice nous fait comprendre que nous devons réfléchir à la façon dont les flux commerciaux fluctueront à l'avenir et à la question de savoir si quelque chose de ce genre répond à un besoin ou ne répondra pas à un besoin. Encore une fois, le secteur privé, la base commerciale, doit être là; le principe des forces du marché sur lequel nous fondons nos politiques doit générer ce genre de réflexion concernant...

Le sénateur Smith : Et qui donnera l'impulsion à une telle chose? Pour être honnête avec vous, les réponses que vous nous donnez semblent enregistrées d'avance, et je comprends. Je comprends que vous respectez certains paramètres, et je n'y vois pas de problème, mais la réalité, c'est que nous devons réfléchir à long terme parce qu'il s'agit d'un concept qui existe depuis 1967, et qui n'a donc rien de nouveau. C'est quelque chose qui trotte dans l'esprit des avant-gardistes depuis de nombreuses années.

Par conséquent, l'enjeu devient donc — si on l'associe aux activités commerciales et aux tendances actuelles en matière de commerce — le changement important des tendances commerciales au niveau mondial et l'émergence de nouvelles économies. Il y a 25 ans, la Chine n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui. C'est la même chose pour l'Inde. Il s'agira des deux plus importantes nations commerciales du monde. La Corée est un joueur important. Le Japon l'a toujours été.

J'essaie simplement de comprendre de quelle façon vous pouvez relier vos travaux à ceux d'autres groupes, comme les fonds de pensions et les intervenants au sein de l'industrie. Qui sera l'étincelle nécessaire pour que tout ça se concrétise? Parce que nous perdons du temps. Vous dites que ce sont des plans sur 10 à 30 ans, oui, l'horizon est de 10 à 30 ans, mais il faut se mettre à la table maintenant, parce qu'il y a déjà une longue histoire derrière. Qui sera l'étincelle? Vous pourriez peut-être déjà simplement répondre à cette simple question.

Mme LaFortune : Au cours des 10 dernières années et dans le cadre des diverses initiatives de portes d'entrée et de corridors commerciaux qui ont été réalisées, Transports Canada a été — pour reprendre votre expression — l'étincelle, et nous avons réuni d'autres ministères pour déterminer ce que nous devons faire en tant que gouvernement à la lumière de ce qui se passe à l'échelle internationale relativement au système de transport. Nous voulons maintenir ce genre de perspective et de coopération.

Le point de vue adopté dans le cadre des initiatives des portes d'entrée et des corridors — et c'est ce qui était unique au sujet de ces initiatives — n'était pas un point de vue régional. Même s'il y avait trois corridors régionaux, le point de vue adopté était transsystémique. Plutôt que de simplement s'attarder aux besoins dans un endroit précis, c'est l'ensemble du système national qui était envisagé. C'est ce point de vue qui était la grande nouveauté.

Le sénateur Smith : Pouvez-vous nous donner des exemples des résultats que vous avez obtenus au cours de la dernière décennie, des réussites dont nous devons être pleinement conscients?

Mme LaFortune : Un projet en tant que tel?

Le sénateur Smith : Oui.

Mme LaFortune : Au départ, il y avait trois ports distincts à Vancouver. Toutes les activités ont été transférées au même endroit afin que les responsables puissent tirer profit des synergies les plus évidentes.

Il y a aussi eu le développement du port de Prince Rupert, qui ne s'en allait nulle part il y a 10 ans et qui est maintenant le port le mieux situé pour expédier des choses en Asie.

Le sénateur Smith : Est-ce qu'une combinaison de fonds privés et publics a été utilisée dans toutes ces ententes?

Mme LaFortune : Oui.

Le sénateur Smith : Bien.

Mme LaFortune : C'est un dossier que nous voulons aussi faire avancer. Comme vous l'avez dit, il faut regarder là où les choses se passent, et l'Asie n'était peut-être pas un point aussi important sur notre écran radar il y a 10 ans. Dans le cadre de l'Initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique, nous nous sommes penchés sur cette situation, et c'est la raison pour laquelle le Canada est maintenant dans la position où il se trouve par rapport à l'Asie. Nous avons conclu des PE avec la Chine, la Corée et l'Inde.

Le sénateur Smith : Mon seul point — et je ne veux pas vous manquer de respect — c'est que, puisque j'ai travaillé dans l'industrie céréalière, lorsqu'on entend parler des problèmes... Je suis un vieux un bonhomme qui a travaillé dans l'industrie meunière : nous avons eu beaucoup de difficulté à transporter les grains qui étaient dans nos silos. Ni le CP ni le CN ne faisaient le travail. Si je me rappelle bien, le gouvernement a infligé une sévère amende pécuniaire au CN qui avait manqué à ses obligations. La compagnie avait un problème de logistique qui faisait en sorte qu'elle n'avait pas la capacité de livrer la marchandise.

Le deuxième produit, qu'on vend en grandes quantités en plus du blé, c'est le canola. La Chine est l'un de nos plus importants partenaires en ce qui concerne le canola.

Mon point de vue est simple : c'est parfait de pouvoir compter sur le port de Prince Rupert qui est agrandi et prêt, mais si on ne peut pas transporter la marchandise jusqu'à cet endroit précis pour répondre aux besoins, ça ne donne pas grand-chose.

L'idée, lorsqu'on fait quelque chose de transformateur, c'est de prévoir un autre moyen de transporter la marchandise jusqu'au marché par l'intermédiaire d'un port. Par exemple, il y a déjà un corridor, mais le nouveau corridor permettrait d'enlever de la pression sur le corridor actuel, ce qui nous permettrait de vendre plus de produits. Le concept est simple. L'enjeu concerne l'exécution, le temps nécessaire et les obstacles à la réalisation.

Pour moi, c'est quelque chose de très simple. J'imagine que, l'une des choses nécessaires, ce serait que le gouvernement agisse en collaboration avec une entreprise privée et les intervenants influents. Tous pourraient se réunir pour créer un groupe chargé d'examiner certaines de ces études qui ont été produites au fil du temps et qui sont à nouveau produites et qui disent la même chose. L'histoire a tendance à se répéter, mais les bonnes idées qui ne sont jamais mises en œuvre... Il y a une raison, mais il y a probablement une raison de le faire aussi. C'est juste une idée.

Je me demande si vous avez quelque chose à dire à ce sujet.

M. Hutton : Absolument. En ce qui a trait aux partenariats et à l'évaluation de ces enjeux, ils méritent assurément qu'on s'y attarde. Le rapport sur l'examen de la LTC était une occasion concrète. En effet, le mandat de cet examen législatif était de tendre la main aux intervenants et de les inviter à présenter des observations sur la façon de régler les importants problèmes de fiabilité dans le domaine du transport que vous avez soulignés, qu'il s'agisse du transport des grains ou d'autres marchandises. Le rapport contient une série de recommandations sur la façon d'améliorer la fiabilité du système de transport.

En plus de ces constatations, Emerson et les membres du groupe ont cerné des enjeux qui seront d'actualité dans 20 ans; ces enjeux figurent aussi dans le rapport.

Je crois que le ministre examine minutieusement le rapport. En plus de tenir compte des constatations du rapport, le ministre s'est aussi promené un peu partout cet été pour écouter, dans le cadre de tables rondes, ce que les intervenants avaient à dire. Il a aussi profité de l'occasion pour parler aux gens dans les collectivités par où il est passé. De ce point de vue, on réfléchit à la façon d'améliorer la fiabilité du système de transport, qui est vraiment un enjeu central. Le rapport de l'Université de Calgary décrit un corridor, mais je crois qu'il y a un certain nombre de recommandations dans le rapport sur l'examen de la LTC qui ne concernent pas directement la question des corridors, mais qui portent tout de même sur l'amélioration de la fiabilité du système de transport.

Le sénateur Smith : Un des aspects de fiabilité, c'est qu'il faut plus...

Le sénateur Day : J'aimerais discuter un peu plus en détail de ce qui a mené à l'examen législatif de la Loi sur les transports au Canada. Le processus a commencé sous un gouvernement précédent, c'est exact? David Emerson a été nommé par le gouvernement précédent?

M. Hutton : C'est exact.

Le sénateur Day : Donc, le rapport a été produit après un changement de gouvernement? Ce rapport est-il sur le coin de votre bureau, ou ai-je tort de croire que vous l'avez...

M. Hutton : Il est ici.

Le sénateur Day : Le gouvernement actuel a-t-il adopté des politiques à la lumière du rapport? C'est là où je voulais en venir.

M. Hutton : Le rapport a été déposé devant la Chambre en février dernier. Le ministre a indiqué à ce moment-là qu'il allait en examiner les constatations. En avril, dans le cadre d'un discours présenté au Club économique du Canada, il a décrit de quelle façon le gouvernement interprétait le rapport. Il a indiqué que, en raison des constatations formulées et puisqu'il voulait aussi discuter directement avec les intervenants pour en parler — et aussi parler d'enjeux qui n'avaient pas nécessairement été abordés dans le rapport —, il allait réaliser un processus d'engagement durant l'été, processus qui prendrait la forme d'une série de tables rondes. En outre, ses représentants ont aussi commencé à discuter avec des responsables des transports.

Le sénateur Day : Ce rapport est un peu comme la suite du rapport de la Chambre de commerce du Canada. Il contient un certain nombre d'idées intéressantes, mais on ne semble pas vouloir les traduire en politiques.

M. Hutton : Aucune décision n'a été prise quant à savoir si le rapport se traduira par des politiques. Le rapport contient des conseils pour le gouvernement, et on y a consacré beaucoup de travail sur une période de 18 mois pour recueillir les points de vue des intervenants, soit en examinant les observations qu'ils ont présentées, soit, directement, dans le cadre de réunions tenues par le groupe de travail dans certaines régions.

Le sénateur Day : Selon nos notes d'information, deux choses ressortent du rapport, la première étant que le rapport sur l'examen de la Loi sur les transports au Canada recommande la mise en place d'une stratégie nationale de transport intermodal canadienne. Est-ce une de vos responsabilités actuellement? Êtes-vous en train de préparer une stratégie de transport intermodal avec le ministre?

M. Hutton : Il y a beaucoup de travaux en cours pour évaluer le rapport et recueillir les constatations formulées durant l'été dans le cadre des tables rondes du ministre. Une fois ce travail terminé, le ministre déterminera de quelle façon il faut aller de l'avant pour gérer ces enjeux, et ce, à la lumière des résultats de ces activités d'engagement.

Le sénateur Day : En temps voulu.

M. Hutton : En temps voulu.

Le sénateur Day : On mentionne aussi un programme national de protection des corridors. Pour ce faire, le gouvernement doit travailler en collaboration avec les gouvernements provinciaux pour acquérir les emprises. Si on sait qu'on veut faire passer un corridor de transport intermodal à un endroit, même si on le fera peut-être seulement d'ici 10 à 15 ans, est-ce que des fonds sont mis de côté pour permettre d'acquérir les terres et les emprises nécessaires? Est-ce quelque chose qui a lieu et qui est en cours?

M. Hutton : Encore une fois, cette recommandation a été formulée compte tenu de l'enjeu de la planification et du fait que les activités de transport sont souvent opposées à d'autres intérêts contradictoires, particulièrement en zone urbaine. Le gouvernement évalue évidemment les constatations à ce sujet, en plus de toutes les autres recommandations contenues dans le rapport. Assurément, ce sont des choses dont le gouvernement tiendra compte au moment de définir les prochaines étapes.

Le sénateur Day : Avez-vous déjà accumulé un paquet de droits de passage? Quelqu'un travaille-t-il sur ce dossier, sur la question des droits de passage?

M. Hutton : Ce sont toutes des choses que nous évaluons en ce moment

Le sénateur Campbell : Pouvez-vous me dire qui est responsable de ce projet ou de cette notion de corridor? Qui s'occupe de ce dossier au sein du gouvernement?

Mme LaFortune : Vous parlez des corridors de transport?

Le sénateur Campbell : Non. Je parle d'un corridor, nous parlons ici d'un corridor qui sera utilisé pour le transport, l'acheminement de pétrole, les communications et le transport ferroviaire. Attendez. Faisons un pas en arrière : avez-vous déjà lu Mid-Canada Development Corridor : A Concept, de Richard Rohmer?

Mme LaFortune : Non.

Le sénateur Campbell : Je vous suggère d'en obtenir une copie. C'est un rapport qui a été produit en 1967. C'est un rapport très intéressant produit par un Canadien extrêmement brillant — j'ajouterais qu'il est encore vivant — et dont on célébrera le cinquantième anniversaire de parution l'année prochaine. Un retour vers le futur s'impose peut-être, mais je vous suggère d'obtenir ce rapport et d'inciter beaucoup de gens du gouvernement à le lire, parce que quelqu'un doit s'occuper de ce dossier.

Ce n'est pas un dossier qu'on peut fragmenter. Le gouvernement doit agir de façon unifiée. Si nous avions donné suite au rapport de Rohmer, ça n'a aucun sens à quel point serions en avance sur la situation actuelle. Nous recevons des gens, mais personne n'assume la responsabilité. Chacun prend sa petite bouchée, ici et là : « Oh, nous réalisons des études et nous évaluons la situation. » Mais, au bout du compte, qui est responsable? Y a-t-il quelqu'un? Ce dossier intéresse-t-il quelqu'un au sein du gouvernement?

M. Hutton : Encore une fois, nous évaluons les idées qui sont proposées. Toutes ces idées font partie des nombreuses façons dont on peut régler les graves problèmes qui affectent le transport ou tous les autres types de déplacements de marchandises. C'est la première chose que je tiens à dire.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'approche sur laquelle il faut miser pour examiner le transport des marchandises et l'adoption d'un point de vue national, je dirais que, dans le cadre de l'initiative de la porte et du corridor, nous avons décidé d'adopter une approche systématique en matière de transport. Dans les corridors multimodaux où des transferts intermodaux doivent s'effectuer sans heurts, il faut éliminer la congestion parce que, comme Sandra l'a dit, s'il y a de la congestion au port de Vancouver, cette situation a un impact direct sur les producteurs de la Saskatchewan.

En ce qui a trait au fait d'adopter un tel point de vue, il est évident que c'est quelque chose que Transports Canada a fait dans le passé. Le ministère a eu tellement de réussites que, en fait, d'autres pays ont tenté de reproduire son approche. Selon moi, la stratégie de marque des portes et l'approche des corridors commerciaux sont des réussites.

Selon moi, la prochaine étape consiste à nous demander de quelle façon nous pouvons vraiment tirer parti des leçons apprises relativement à cette approche des corridors commerciaux. Assurément, l'examen de la LTC a été, comme je l'ai déjà dit, l'occasion de recueillir de telles idées. Le dernier examen législatif a eu lieu en 2000-2001; il remontait donc à il y a très longtemps. Comme vous le savez, l'examen législatif a été demandé par l'ancien gouvernement, mais le rapport a été reçu par le nouveau gouvernement.

Pour ce qui est de l'occasion d'examiner les constatations reçues et les idées qui sont lancées, tout cela exige beaucoup de discussions entre les partenaires qui jouent des rôles dans l'exploitation de ces corridors. Assurément, l'une des leçons que nous avons tirées de l'approche nationale en matière de porte et de corridor commerciaux, c'est le fait qu'il y a des partenaires provinciaux et territoriaux, des partenaires commerciaux et que tout le monde veut atteindre un objectif commun, soit le fonctionnement efficient des corridors. Tous ces participants ont des rôles précis à jouer, mais il ne fait aucun doute que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour réunir tous ces partenaires et s'assurer que tout le monde, si je peux m'exprimer ainsi, rame dans la même direction.

Le sénateur Campbell : Et qui est responsable?

M. Hutton : Ce rapport a été préparé par l'Université de Calgary. Je crois que c'est une idée qui vient... Comme vous l'avez dit, ça remonte à un certain nombre d'années... Où c'est situé géographiquement ou là où on envisageait de le faire... C'est une idée qui vient des intervenants du milieu universitaire et d'autres intervenants. C'est assurément une initiative bien accueillie qui contribue à la discussion quant à savoir comment il faudra permettre le déplacement des marchandises à l'avenir.

Le sénateur Campbell : Va-t-on laisser des intervenants du milieu universitaire mener le projet?

M. Hutton : Je ne suis pas sûr de comprendre.

Le sénateur Campbell : Vous dites que ce sont les universitaires qui dirigent le projet. Allons-nous laisser les universitaires choisir pour nous à l'avenir? Ou le gouvernement va-t-il continuer de jouer un rôle? C'est très frustrant, parce que tout le monde dit que c'est une bonne idée, mais personne ne veut s'en occuper. Personne ne veut mettre l'épaule à la roue et se salir les mains parce qu'il y a trop d'intervenants et que tout le monde préfère s'occuper de sa petite affaire.

Je veux simplement savoir qui s'occupe de ce dossier. Devrions-nous parler au Cabinet du premier ministre et lui dire : « Vous devriez mettre tout ça en place? » Je n'ai rien entendu aujourd'hui pour me rassurer quant à savoir où les choses s'en vont.

Vous avez dit tantôt que la Colombie-Britannique a reconnu l'importance de l'Asie il y a 10 ans. Laissez-moi vous dire que la Colombie-Britannique a compris l'importance de l'Asie il y a bien plus de 10 ans et qu'elle travaille sur ce dossier depuis longtemps.

Il y a des renseignements qui nous font tourner en rond et qui, au bout du compte, ne sont pas logiques et sont contre-productifs. Si personne ne veut s'occuper du dossier, si on est pour ne rien faire, c'est parfait. C'est une décision comme une autre. Mais nous sommes un peu pris entre deux feux : « Oh, nous voulons vraiment le faire, mais nous ne savons tout simplement pas qui sera responsable. »

Je veux savoir qui nous devons rencontrer ici qui sera responsable de ce dossier, parce que, croyez-le ou non, c'est un dossier que nous prenons très au sérieux. Nous sommes très sérieux. Selon nous, c'est un projet viable qu'il faut prendre en considération. À qui dois-je téléphoner?

M. Hutton : Je ne veux pas tirer de conclusions pour le comité. Je crois que vous allez recevoir un certain nombre de témoins qui vous parleront de ce dossier et je crois que le comité déterminera par lui-même de quelle façon une telle initiative doit être réalisée, si elle en vaut la peine. Je ne crois pas que ce soit à moi de préjuger de cela.

Le président : Nous n'avons pas beaucoup de temps, alors nous essaierons d'y voir clair parce que nous avons deux autres témoins qui attendent. Je ne veux pas leur laisser trop peu de temps.

La sénatrice Ringuette : Vous avez parlé de l'origine des portes d'entrée et mentionné le fait que des études ont été réalisées et que la notion a été adoptée, et que ce semble être une grande réussite à l'échelle internationale. La Porte du Pacifique est un projet qui est terminé.

Où en sommes-nous par rapport à la Porte de l'Atlantique? Je n'ai vu aucune mesure et aucun investissement au cours des sept ou huit dernières années. C'était une promesse majeure, mais je n'ai pas vu de réels progrès sur ce front. Où en sommes-nous?

Mme LaFortune : Pour commencer, effectivement, la Porte du Pacifique est considérée comme une pratique exemplaire à l'échelle internationale.

La sénatrice Ringuette : J'en suis très fière.

Mme LaFortune : Je crois cependant que rien n'est jamais terminé à 100 p. 100. Il y a toujours des améliorations possibles.

Les fonds investis dans les diverses initiatives des portes d'entrée dépendaient des besoins de l'initiative et des structures déjà en place. Dans le cas de la Porte de l'Atlantique, il n'y avait pas vraiment de problèmes de goulot d'étranglement ou de capacité. La capacité était là. L'objectif était de tirer le maximum de la capacité existante et de la promouvoir afin que les moyens de transport associés à la Porte de l'Atlantique puissent être utilisés plus efficacement.

Il y a eu plusieurs investissements liés à la commercialisation, en particulier, dans le cas de la Porte de l'Atlantique, et il y avait un comité de la Porte de l'Atlantique composé de représentants de toutes les provinces atlantiques et de fournisseurs et utilisateurs de services de transport des Maritimes. C'est eux qui ont déterminé quelle était la meilleure façon de dépenser les fonds dans le cadre du projet de la Porte de l'Atlantique. Les choses étaient différentes là-bas.

La sénatrice Ringuette : Les fonds ont-ils été dépensés?

Mme LaFortune : Oui.

La sénatrice Ringuette : Les fonds ont été dépensés. En ce qui vous concerne, la Porte de l'Atlantique est terminée?

Mme LaFortune : Je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire par terminée, il y a toujours des choses qu'on peut faire différemment.

La sénatrice Ringuette : Mais est-elle terminée à 90 p. 100?

Mme LaFortune : Dans le cas de la Porte de l'Atlantique, l'objectif n'était pas de renforcer la capacité pour éliminer les goulots d'étranglement, parce qu'il n'y avait pas ce genre de problème là-bas.

La sénatrice Ringuette : C'est assurément un problème dans le port de Halifax.

La sénatrice Wallin : Nous avons entendu le témoignage d'un groupe d'universitaires qui tentent de mettre sur pied un projet. Ils veulent procéder à une étude. Fait intéressant, ce qu'ils nous demandaient, c'était des fonds pour pouvoir le faire. Ils ont tout décrit. Est-ce quelque chose que Politique stratégique et Innovation serait prêt à envisager, de façon à financer les travaux qu'ils proposent de faire?

M. Hutton : Je ne suis pas en mesure de promettre des fonds au nom de mon ministère.

La sénatrice Wallin : Je sais que vous ne pouvez pas dire oui aujourd'hui. Mais participez-vous à ce genre de chose?

Ils font ce travail. Ils ont un plan. Ils ont tout présenté et ils ont dit : « Voici le corridor que nous envisageons. Tout peut être modifié. Tout pourrait changer, parce qu'il faut vraiment effectuer des recherches à ce sujet, en établir les coûts, en évaluer l'efficience, et ainsi de suite. Mais ils ont besoin d'argent pour le faire. Théoriquement, est-ce une possibilité que pourrait envisager votre ministère, d'un point de vue de la planification stratégique et de l'innovation?

M. Hutton : Encore une fois, nous accueillons avec plaisir ce genre de rapport.

La sénatrice Wallin : Non, non, je parle non pas de lire le rapport, mais de financer la recherche.

M. Hutton : Je ne peux pas engager de fonds.

Le sénateur Tannas : J'ai appris quelque chose ici, et c'est excellent. Je suis vraiment heureux que vous soyez là, et je ne suis pas condescendant du tout. Ce que nous examinons, c'est un enjeu lié à la géographie, ce sont les réalités des droits de passage, des emprises, les capacités actuelles et ce à quoi on peut s'attendre à l'avenir. J'ai deux ou trois questions.

Vous avez décrit de quelle façon vous avez aidé à accroître la capacité des corridors importants actuels au Canada, et nous en avons parlé, de la stratégie de portes d'entrée et tout cela. J'imagine que l'objectif global de ces efforts, c'était de renforcer la capacité et d'éliminer les goulots d'étranglement actuels.

Si nos échanges commerciaux bondissent de 50 p. 100, la quantité de marchandises transportées dans nos corridors de transport, les volumes de trafic, augmentent de 50 p. 100; sommes-nous en mesure d'assumer cette augmentation? Le corridor actuel peut-il gérer une augmentation de 50 p. 100 du transport de pétrole brut, des céréales, des marchandises, des automobiles et ainsi de suite?

M. Hutton : C'est une excellente question. On réalise beaucoup de travaux de modélisation, et il reste du travail à faire. Le rapport Emerson soulignait le besoin d'obtenir des données, d'accroître la capacité de prévoir les tendances en matière de trafic et de façon à déterminer si le système de transport peut traiter ce genre de volumes. Cependant, je crois qu'il faut aussi déterminer où, d'un point de vue géographique, le trafic sera présent, parce qu'il ne sert à rien de bâtir une infrastructure de transport à un endroit où il n'y aura rien à transporter; c'est la raison pour laquelle le volet commercial est si important.

Le sénateur Tannas : Supposons donc simplement qu'il s'agit peut-être de flux d'exportation, donc nos exportations. Parce que c'est toujours une question de transporter du pétrole brut quelque part. C'est toujours une question de transporter des grains dans un endroit quelconque. Nous ne pouvons pas manger toutes les céréales que nous produisons. Une des bénédictions possibles liées au réchauffement climatique, c'est que le Centre du Canada pourrait devenir un endroit où faire pousser des arbres et de la nourriture.

Ce que je veux savoir, c'est si des travaux ont été faits pour associer de possibles augmentations aux capacités du corridor actuel, afin de déterminer quand nous roulerons à plein rendement. Avez-vous vu une information quelconque qui vous a fait réfléchir — vous occupez des postes élevés — et dire : « Oui, vous savez quoi? À tel ou tel moment, nos capacités seront maximisées. Nous avons tout essayé et nous ne pourrons pas être plus efficients, tout est maximisé. » Quand cela se produira-t-il?

M. Hutton : Je crois qu'il reste du travail à faire pour répondre à cette question. Cependant, je crois que nous avons déjà vécu une pointe des prix des produits de base et l'impact sur la circulation des marchandises. Il y a du travail à faire pour améliorer la fiabilité, et le rapport Emerson aborde cette question de façon très détaillée.

Il reste du travail à faire pour déterminer de quelle façon nous pouvons optimiser la capacité actuelle. Comment y arriver? C'est en partie grâce à la technologie. On réglera d'autres problèmes grâce à des rajustements mineurs et au rajustement des capacités ici et là. Lorsqu'on regarde la situation sur la côte Ouest et les problèmes là-bas, de même que les exportations destinées à ces marchés en croissance importants, la façon dont on améliorera le transport vers la côte Ouest est une autre considération importante à laquelle il faut réfléchir.

Le président : Merci beaucoup d'avoir comparu devant nous. La dernière heure a été très intéressante.

Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à John Van Nostrand. M. Van Nostrand est le directeur fondateur de SvN, une agence de planification et d'architecture dont les bureaux sont situés à Toronto. En 2014, M. Van Nostrand a écrit un article pour The Walrus dans lequel il a décrit le concept de Richard Rohmer concernant un corridor dans le nord du Canada.

Nous accueillons aussi Rick Laliberte, qui nous vient directement, en voiture, de Saskatchewan. C'est un ancien député de la Chambre des communes. Il a été en poste de 1997 à 2004. M. Laliberte représentait la circonscription de Churchill River, soit plus de la moitié de notre province. Je crois savoir que M. Laliberte soutenait aussi l'idée de Richard Rohmer concernant un corridor dans le nord de la Saskatchewan.

John Van Nostrand, directeur fondateur, SvN Architects + Planners : Je vous remercie de me recevoir. Je ne suis pas sûr de comprendre comment je suis arrivé ici. C'est peut-être grâce à Jack Mintz, à qui je parle depuis son étude qui a été suscitée par un article que j'ai écrit il y a un an avant qu'il entreprenne ses travaux. Les deux sont étroitement liés.

Je dirige un cabinet multidisciplinaire que j'ai créé en 1978, chez moi, et l'entreprise compte maintenant environ 130 employés. Nous avons travaillé partout sur la planète sur la question du lien entre les ressources et les transports et les liens entre les zones où sont exploitées les ressources et les zones urbaines. Je vais mettre l'accent sur ce genre de travail. Nous avons beaucoup travaillé sur le dossier des corridors, ici, au Canada, et pas les corridors multimodaux, parce que c'est l'interprétation qu'en font les responsables du transport, mais multifonctions. C'est en fait ce dont on parle vraiment ici, parce que cela ne concerne pas seulement les modes de transport. Ce sont aussi les corridors pour transporter du pétrole et des grains.

Hier, j'ai entendu le premier ministre sur The Current. À un moment donné, Anna Maria Tremonti lui a demandé quels étaient selon lui les trois principaux enjeux. Le premier, c'était l'économie. J'ai lu qu'un des principaux moteurs de l'économie, c'est l'immigration et le genre d'immigration. Le deuxième enjeu principal, c'est la refonte de notre relation avec les Autochtones ou les peuples indigènes. Il veut créer une relation solide parce que nous n'en avons jamais eu. Le troisième enjeu, c'est de trouver le juste équilibre entre l'environnement et les affaires, les investissements et l'exploitation des ressources.

Je me suis donc dit que c'était probablement la meilleure occasion que nous avions de prouver les trois. J'espère que tout sera clair lorsque j'aurai terminé de parler et qu'on passera aux questions.

Je tiens aussi à souligner qu'il s'agit d'un enjeu lié à la croissance. Je suis surpris d'apprendre que le ministre fédéral des Transports ne planche pas là-dessus. Nous sommes maintenant 35 millions de citoyens. Il y en aura 75 millions d'ici 2050, et 100 millions d'ici 2100. On parle d'une augmentation de 100 p. 100, puis d'une autre augmentation de 100 p. 100 de la croissance durant cette période. Vous pensez peut-être que c'est dans longtemps, mais le chemin de fer a maintenant 100 ans, et il reste une composante majeure de ce que j'appellerais notre premier corridor.

C'est donc beaucoup un enjeu lié à la croissance. On parle ici de choses pratiques, pas de théories. J'ai travaillé à Thompson, au Manitoba, à l'établissement d'un plan régional qui était lié en partie à la réouverture du port de Churchill, associé à l'ouverture du passage Nord-Ouest. C'est là une porte d'entrée vers l'Atlantique

Les Chinois font d'importants investissements actuellement au Groenland pour créer un port là-bas où ils pourront se rendre en deux jours en provenance de Chine. Ils passeront le long de notre littoral est si nous leur permettons de le faire. Nous avons pris beaucoup de retard. Nous n'avons pas de ports. Nous ne réfléchissons même pas à la question des ports dans cette région.

Lorsque j'ai travaillé sur ce dossier, les gens parlaient d'un corridor entre le golfe et Churchill; c'est donc là une tout autre idée. C'est une idée américaine. Je me souviens que M. Rohmer a eu cette idée en 1967, alors que j'étais un étudiant, alors j'ai écrit un article. En 1967, nous vivions tous à moins de 300 milles de la frontière. Selon moi, c'est encore le cas. Si on prend cette ligne et la limite des arbres, on parle d'un corridor de 800 milles d'un bout à l'autre du pays. C'est dans ce corridor que se trouvent la forêt boréale, de 60 à 75 p. 100 de nos ressources naturelles, de nos minéraux et de notre forêt, ainsi de suite, et 75 p. 100 de la population autochtone. De plus, c'est une zone tempérée. C'est ce qu'il a montré en 1967. Cette bande, ce corridor boréal, fait le tour du monde, en passant, jusqu'en Russie. C'est exactement le même corridor. Les Russes l'utilisent. Nous ne l'utilisons pas. Nous ne comptions pas sur la population pour le faire, mais nous l'aurons bientôt.

J'ai appris de M. Rohmer. J'ai appris que rien ne s'est produit. Il a publié son rapport en même temps que Pierre Trudeau a été élu. Il s'inquiétait du fait que M. Trudeau soit un libéral et qu'il ait un autre programme en tête. M. Laliberte a participé à des efforts visant à ramener le dossier à l'ordre du jour lorsque M. Chrétien était au pouvoir, et ce dernier a tenté de déposer le rapport à nouveau durant son mandat pour en faire un enjeu d'intérêt majeur pour le pays. On en a encore fait fi. Je ne crois pas que c'est un dossier dont on peut faire fi. Je crois que c'est un élément important de notre croissance dans un avenir rapproché.

J'ai donc consulté de nouveau le rapport, et vous verrez qu'il y a là une illustration de ce corridor. M. Rohmer a dit qu'il y aura toutes sortes d'éléments de croissance là-bas au cours des 50 prochaines années. Qu'est-ce qui s'est produit depuis 1967? Qu'est-ce qui s'est produit au cours de ces 50 années? La carte de mon étude révèle que les activités de développement qui se sont produites là-bas sont les principales activités de développement au pays. Si on regarde la situation depuis l'Ouest, on parle de ce qui se passe à Whitehorse, à Dawson, et il est question de toutes les régions de Kitimat, Port Rupert et Terrace. Les sables bitumineux de l'Alberta se trouvent dans ce corridor. Les zones pour la potasse et le pétrole en Saskatchewan sont là aussi. Même chose pour l'extraction du nickel dans le nord du Manitoba. Churchill se joindra au lot. Le Cercle de feu est dans cette région. Nous participons beaucoup aux travaux futurs dans ce dossier. Le complexe actuel Timmins-Sudbury, qui produit encore beaucoup, se trouve aussi dans cette zone.

La mise en valeur du minerai de fer au Québec — je sais que les corridors sont tracés en zigzag —, mais tout le Plan Nord pour le Québec, c'est un plan pour la partie québécoise du corridor. Ensuite, nous arrivons à Terre-Neuve, et ce sont le pétrole et le gaz du Labrador.

C'est ce qui est arrivé en 50 ans. Il n'est pas seulement question de cela. Toutes ces activités sont directement liées à Vancouver, à Calgary, à Edmonton, à Winnipeg, à Toronto et à Montréal. Elles sont toutes axées sur ces économies, mais nous excluons en quelque sorte cette possibilité en les considérant comme quelque chose de distinct.

Ce n'est pas le Grand Nord, c'est le Moyen Nord. Il s'agit de la prochaine région dans laquelle nous allons entrer, que nous l'ayons prévu ou non. Les entreprises de ressources ont déjà de l'avance sur nous. Nous avons travaillé dans un certain nombre de ces régions relativement à la planification. Nous avons travaillé en Alberta et avons produit une étude appelée CRISP, qui était le programme d'infrastructure provincial pour les sables bitumineux au cours des 50 prochaines années. Ce programme avait été mandaté par le Conseil du Trésor de l'Alberta et approuvé par le dernier cabinet du dernier gouvernement. C'est la même chose dans le nord du Manitoba.

En passant, tous ces cas concernaient des accords avec les Premières Nations. Nous pensons que, dans le nord-ouest de l'Ontario, on est en train de tout bloquer. Ce n'est pas le cas. Les gens de cette région veulent accéder à cette économie tout autant que nous, mais ils veulent le faire sur un pied d'égalité. Il s'agit d'une occasion formidable de miser sur la relation nouvellement nouée par le gouvernement avec les Premières Nations.

Ce n'est pas la première fois; il s'agit en fait de la troisième fois. On a maintenant trouvé une carte crie. J'ai vu la carte originale, c'est-à-dire une carte qui indique comment se rendre du lac Ontario à l'océan Pacifique. Personne n'arrive à la dater, mais elle est probablement du XIIIe, XIVe ou XVe siècle. C'était le premier corridor. Tous les voyageurs, les commerçants français et les gens de la Compagnie de la Baie d'Hudson ont profité de ces cartes.

En ce qui concerne le deuxième corridor, en 1886, on a construit un chemin de fer traversant le pays afin d'ouvrir les Prairies quand la ressource était le blé. C'était une question de ressource. Cela a été fait par le gouvernement fédéral, alors il est inexact de dire que nous ne l'avons jamais fait auparavant. Nous l'avons déjà fait. Le gouvernement fédéral avait arpenté les terrains en parcelles, et il s'agissait de terres de la Couronne, mais il a pris une disposition unique consistant à transférer des terres de la Couronne aux compagnies de chemin de fer, à la Compagnie de la Baie d'Hudson et aux organismes municipaux publics, afin qu'ils puissent les utiliser. Le chemin de fer ajoute manifestement de la valeur d'un bout à l'autre du pays, alors les responsables avaient avancé l'argent, mais, en aval, ils ont vendu des terres pour payer les coûts.

Par exemple, les compagnies de chemin de fer ont obtenu 100 000 acres — cela me semble être beaucoup; je ne sais pas pourquoi elles en avaient besoin d'autant — par mille de chemin de fer afin de payer pour la voie ferrée, et la Compagnie de la Baie d'Hudson en a reçu suffisamment pour construire toutes les nouvelles installations commerciales. Il s'agissait des seules personnes qui étaient intéressées, à l'époque. En 45 ans, ce corridor a ouvert tout le sud des Prairies. Il y avait un silo tous les huit milles, et, autour de chacun, on avait dressé un plan de ville. Alors, nous avons 770 villes qui fonctionnent encore. Elles fonctionnaient au départ pour le blé, et, maintenant, elles fonctionnent pour la potasse. Maintenant, les Premières Nations s'en emparent parce qu'elles ont besoin d'expansion. Dans ce document, je décris un plan très tourné vers l'avenir.

Ensuite, je terminerai en disant que, avant les dernières élections, j'avais fait des exposés devant les libéraux et le NPD. Comme j'avais lu l'article, j'ai été invité par ces partis à venir parler de leur plateforme en vue des élections tenues il y a un an. Comment doit-on composer avec cela dans un sens politique? Alors, j'ai dit qu'il était question de mettre... Maintenant, j'appelle cela le corridor boréal, et je ne suis pas le seul. Je pense qu'il s'agit vraiment du corridor boréal. Ce n'est pas le Canada-médian, car il est situé en parallèle. Nous devons le soulever dans le cadre de la discussion concernant notre croissance en tant que pays.

Les terres de la Couronne comptent encore pour 89 p. 100 de notre pays. Pourquoi ne pas les utiliser pour financer ce projet? Pourquoi ne pas établir le même genre de relations que celles que le gouvernement avait nouées il y a 150 ans? Je ne vois pas pourquoi nous ne le ferions pas. En même temps, cela nous forcerait à régler nos relations avec les 75 p. 100 des Premières Nations. Je ne dis pas que cela va arriver au cours des quatre prochaines années, mais c'est vraiment essentiel. J'ai travaillé en Afrique, en Amérique latine, dans toutes les grandes régions de ressources du monde, et leur principal problème, ce sont leurs relations avec les Autochtones. Il s'agit de ma principale tâche. Les sociétés minières nous paient pour que nous dressions une table entre eux et les parties touchées, alors nous sommes neutres. Nous travaillons uniquement avec des entreprises sous l'égide de la neutralité, et nous établissons des liens entre les parties. Nous avons réglé ce problème. Cela peut prendre 18 mois. Ce processus peut être aussi long que le temps qu'il faut pour conclure un traité réel et significatif. Je ne pense pas que nous devrions être surpris de la situation. Les Premières Nations sont prêtes à prendre le temps nécessaire, mais elles ont besoin de parler.

Je poursuis en donnant des détails sur certaines politiques, mais je dirais que je ne pense pas qu'il s'agisse d'une responsabilité nationale seulement. C'était un peu un défaut du projet de M. Rohmer : penser que le gouvernement allait intervenir à un échelon supérieur. Je pense que le projet doit être intégré avec les provinces, avec les collectivités autochtones et avec les municipalités locales. On ne peut pas se contenter de belles paroles. Il faut découvrir ce que cela suppose sur le terrain, de quoi le projet aura l'air, ce qu'il supposera pour moi, pour ma société minière, pour ma réserve et pour ma petite ville dans le nord de l'Alberta ou du Québec.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Van Nostrand. Maintenant, nous allons passer à M. Laliberte, qui est venu ici en voiture depuis la Saskatchewan. Par ailleurs, rappelez-vous que je veux qu'on ait beaucoup de temps pour les questions. M. Van Nostrand était très enthousiaste, alors nous avons un peu dépassé le temps alloué.

Rick Laliberte, à titre personnel : Merci.

[Note de la rédaction : Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]

Je m'appelle Richard Victor Laliberte, et je suis de descendance métisse crie, des berges de la rivière Beaver, dans le bassin de la rivière Churchill de la forêt boréale de la Saskatchewan. Je veux vous communiquer une petite leçon d'histoire.

Cette région du Canada est incroyable. Pour parler de mon voyage seulement, quand je suis parti de Beauval, il y avait 16 pouces de neige, et, deux heures plus tard, il n'y avait plus de neige dans les Prairies, puis, en passant par les Grands Lacs, cela a été une belle promenade en voiture... l'été des Indiens jusqu'à mon arrivée ici. La dynamique du pays est incroyable, et les défis à relever sont grands.

Tout comme les rapports sur le Canada-médian qui ont été produits avant lui, ce rapport est une entreprise majeure. Je dirais qu'il s'agit d'une énorme responsabilité et que le temps est vraiment venu pour nous de planifier l'avenir, comme vous pouvez le voir, compte tenu des défis liés aux transports et aux ressources.

Aujourd'hui, je vais me concentrer sur les titres autochtones. J'espère que vous n'y voyez pas d'inconvénients, même s'il s'agit du comité des banques et du commerce; cela vous donne une certitude quant à vos investissements dans l'avenir ainsi qu'à notre avenir.

Le président : Simplement pour que vous le sachiez, monsieur Laliberte, nous avons pris tout cela en considération. De fait, une grande délégation de Premières Nations de la Colombie-Britannique viendra ici à la fin du mois d'octobre, alors nous voulons obtenir de l'information comme celle que vous êtes en train de fournir. Il ne s'agit pas d'une considération secondaire.

M. Laliberte : Merci. L'autre volet que je voulais mentionner, c'est le fait que l'économie de ma famille est fondée sur la trappe, la chasse, la pêche et la cueillette de petits fruits, tout ce qui consiste à vivre de la terre, de la forêt boréale. Nous parcourons cette forêt depuis des années. Notre ADN est littéralement dans les arbres, car nous avons tout laissé. C'est la vie. C'est une belle vie. C'est une vie de chasseur-cueilleur, pas une vie agraire, urbanisée.

Un bref aperçu de la façon dont le Canada a vu le jour : je considère les villes comme des cités-États. Je pense que la densité de leur population est énorme, mais, pour qu'elles puissent prendre des décisions politiques, futuristes et démocratiques, on ne peut pas sous-estimer la contribution que peuvent apporter les gens de la terre. Il s'agit selon moi d'un élément très crucial. Quand je dis « gens de la terre », d'une certaine manière, on nous utilise comme des parties prenantes. L'obligation de tenir des consultations... allons parler aux parties prenantes. En fait, les Autochtones sont des titulaires de droits.

Quand vous parlez de terres de la Couronne, l'engagement initial de la Couronne britannique auprès des nations autochtones du pays, c'était un instrument international de traité. Il s'agissait d'une reconnaissance de souveraineté entre la Couronne britannique et la reconnaissance de la souveraineté des nations autochtones du pays. Les Cris, les Dénés, les Mohawks et les Ojibway sont tous des nations souveraines. Vous saisissez la situation.

J'ai fourni une carte des bassins hydrographiques, et c'est approprié partout au pays. Vous verrez que les bassins hydrographiques coïncident et chevauchent les limites de territoire prévues dans les traités. Comme il n'y avait aucun arpenteur pour dire : « je veux que cette partie de territoire fasse l'objet de négociations relativement à ces traités », on a utilisé les bassins fluviaux, car ce sont des lignes distinctes. Un côté de la rivière coule vers la rivière Saskatchewan, pour ainsi dire, et l'autre, vers la rivière Churchill. Ainsi, il y a une ligne distincte, et voilà comment les traités ont été négociés partout au pays, à l'aide des bassins hydrographiques.

Quand les traités sont entrés en jeu, on a également reconnu la souveraineté de notre peuple. Nous ne sommes pas des Cris. Nous ne sommes pas des Autochtones. La terminologie est très cruciale, à nos yeux, car elle provient directement de notre cœur, donné par le créateur : *nêhiyawi. De cette façon, nous comprenons qui nous sommes. Nous pouvons nous identifier les uns aux autres.

Alors, ce qui manque, au Canada — je crois —, quand le Canada a été créé, la Couronne britannique a apporté ses propres instruments de gouvernance; ainsi, on voit la Colline du Parlement ainsi que la Chambre des communes et le Sénat — les deux chambres — forger l'avenir de notre pays. Même la façon dont la chambre a été conçue dans une église, à deux épées de distance, où une opposition allait tempérer la gouvernance, nous ramions pour en sortir directement — pour ainsi dire —, comme dans le sens d'un canot.

L'affaire, c'est qu'il faut que ce soit un vaisseau. La gouvernance ne peut être fondée sur un moment dans l'histoire. Fournissons-nous à nous-mêmes un vaisseau afin de pouvoir prendre des décisions maintenant, mais aussi de l'orienter dans l'avenir.

Une chose qui manque à la structure parlementaire, ce sont les Autochtones. Je crois que les nations du pays — les Cris, les Dénés et les Mohawks — doivent être présentes au Parlement. Dans le cadre du travail que j'ai effectué relativement à cette région durant la période que j'ai passée au Parlement, j'ai également observé le besoin de transformer la gouvernance du pays. Une recommandation a été formulée à la Commission royale sur les peuples autochtones. Toutefois, cette recommandation a été supprimée parce que la question de la gouvernance du Canada ne faisait pas partie du mandat de la Commission royale. Ce dont elle avait besoin, c'était de nouer la relation appropriée avec les Autochtones. Nous avions besoin de transformer la gouvernance canadienne, et la commission avait recommandé une chambre autochtone. Comme je suis une personne curieuse, j'ai exploré la Colline du Parlement, et je crois que cette chambre existe. Il s'agit de la Bibliothèque du Parlement.

Elle a survécu à un incendie. Tous les édifices gouvernementaux de la Colline sont partis en fumée, en 1916, sauf celui-là. Si on le regarde, c'est un tipi de pierre. Les arcs-boutants soutiennent toute la structure de l'extérieur, alors, quand on entre à l'intérieur, il n'y a aucun appui structurel. C'est comme entrer dans un tipi.

Si on regarde l'histoire de la ratification des traités, par exemple, à Fort Carlton, il y avait déjà des forts — un fort carré —, et, quand les signataires du traité sont venus négocier le traité, les tipis ont été érigés à l'extérieur. Ainsi, il y avait la structure des tipis et la structure du fort. Les structures des bâtiments carrés, comme le fort, sont comme la Chambre des communes et le Sénat, qui sont tous deux carrés, mais nous avons besoin de cette force ronde et unificatrice. Je pense que c'est la chambre autochtone.

Je pense qu'il devrait y avoir une troisième chambre du Parlement. Il devrait y avoir une Chambre des communes, un Sénat et une chambre autochtone. Voilà le vaisseau qui pourrait cartographier l'avenir de notre pays. C'est là que les décisions relatives à l'écologie, à la structure, à la santé, aux enjeux sociaux, aux problèmes économiques, aux questions internationales et aux enjeux liés à la paix et à la guerre pourraient être négociées, à l'intérieur de la structure parlementaire — à juste titre —, par les parlementaires, ici même. Mais je suppose que je mets le gouvernement du Canada au défi d'envisager l'inclusion des Autochtones et de leurs nations dans ce voyage parlementaire.

L'autre point de vue, c'est celui de la province. Il s'agit là du point de vue fédéral. Dans les années 1970, on explorait des mines d'uranium dans le nord de la Saskatchewan, et, à cette époque, des consultations avaient été tenues, et le rapport Bayda avait été produit. Dans ce rapport, on ne voulait pas construire une autre ville d'uranium, une ville minière où tous les déchets et l'infrastructure sont laissés à l'abandon. Aujourd'hui, si vous regardez les lieux, ce n'est plus qu'une entité vacante, vide. Les responsables ne voulaient pas faire cela, alors, ils ont convenu avec nous que les collectivités nordiques pourraient venir, sur une rotation de sept jours, par avion dans les collectivités, et que nous n'allions pas créer une grosse municipalité. Au départ, c'était Cluff Lake, qui est maintenant désaffectée, et ils sont passés à de nouvelles mines.

Toutefois, une des promesses qui avaient été faites dans le rapport Bayda, c'était l'établissement d'un gouvernement régional. En outre, pour établir ce gouvernement régional, nous avons répondu à un sondage d'options, dans le cadre duquel il a été demandé à tous les résidants si l'établissement d'un gouvernement régional serait avantageux pour nous — et nous avons tous convenu que c'était le cas —, car les gens sortaient littéralement de leurs sentiers de piégeage, enfilaient leurs bottes de travail et se rendaient dans les mines pour travailler.

Dans le cadre de la transition, la conséquence de ce processus décisionnel, c'était que les redevances de cette nouvelle économie pourraient revenir à nos collectivités afin que nous puissions réparer nos maisons. En même temps, il y avait aussi une initiative fédérale appelée MEER — le ministère de l'Expansion économique régionale —, avant le ministère de la Diversification de l'économie de l'Ouest.

Ce ministère était très concentré dans notre région. Au sein de nos collectivités, nous construisions toutes nos routes, tous nos réseaux d'aqueducs et d'égouts, nos gymnases et nos écoles secondaires. Toutes les structures municipales ont été construites en un clin d'œil.

Nos gens ont été employés, nous avons reçu une formation, et il n'y avait aucune limite. Ensuite, un changement de gouvernement a eu lieu. On nous avait promis qu'un gouvernement régional viendrait. Le changement de gouvernement a eu lieu, et le projet est mort à l'échelon provincial.

Mais, ensuite, il y a eu un peu d'espoir. Les Inuits du nord du Québec sont venus enquêter sur leur titre foncier prévu par traité et sur leurs revendications territoriales autochtones, et ils ont eu le choix entre des structures de réserve — comme celles auxquelles ont pris part certaines nations autochtones — et d'autres formes de gouvernement.

Ils sont venus en Saskatchewan pour enquêter. Ils n'aimaient pas les structures de réserve parce que, en tant qu'Inuits, ils doivent vivre de la terre. Ils ont besoin d'aller au-delà de leurs collectivités pour survivre. Ils aimaient vraiment le gouvernement régional du nord de la Saskatchewan, qui s'appelait le Northern Municipal Council, à l'époque. Ils sont revenus, et on a assisté à l'avènement et à la naissance du Nunavik.

Aujourd'hui, dans le nord du Québec, il y a un gouvernement régional qui gouverne les terres inuites au titre d'un accord conclu entre le gouvernement provincial du Québec et le gouvernement fédéral du Canada. L'accord englobe tous les ports de mer, les infrastructures et l'ensemble des besoins sociaux de cette région.

Voilà vers quoi nous nous dirigions en Saskatchewan alors je voudrais mettre toutes les provinces de notre pays au défi d'étudier cette possibilité. Regardons le nord du Manitoba. Examinons ce corridor boréal. Créons un gouvernement régional. Faisons participer les gouvernements provinciaux et mettons leurs pouvoirs à contribution, mais élaborons une politique nationale. En outre, comme le mentionnent d'autres documents, il est aussi question d'unifier notre pays. C'est comme une ceinture métisse. Vous pourriez devoir tisser dans un sens, mais nous tissons une politique dans l'autre sens également, pour tout faire tenir.

Et, dans cette politique nationale, nous ne voulons pas dresser une région contre l'autre, car il y a des régions visées par des traités, comme le Traité no 9, le Traité no 5, le Traité no 10 et le Traité no 8. Il s'agit de régions et de nations autochtones distinctes, mais, si nous pouvons les unir et planifier les choses, nous pourrions vous donner les meilleures solutions de rechange ou recommandations possibles relativement à ce projet.

C'est là que je m'étais arrêté, en 2002, dans la promotion du projet auprès de Jean, à l'époque : obtenir un institut de recherche qui se consacre au Canada-médian afin que l'on puisse répondre aux besoins écologiques, environnementaux, économiques et relatifs aux droits des Autochtones. Tous ces besoins peuvent être intégrés là-dedans et prévus, et, comme vous l'avez dit, quelqu'un doit prendre cela au sérieux et prendre les choses en main. Je crois que c'est ce que j'ai entendu ici. Quelqu'un doit être responsable, si vous voyez ce que je veux dire. Nous avons tout le cœur, toute la volonté et toutes les ressources, mais c'est inutile sans la possibilité d'entendre, de prévoir, d'écouter et de décider. Toute la question des sept générations et de la planification de l'avenir est très cruciale dans notre monde autochtone, mais nous devons aller au-delà.

Une fois que nous aurons quitté ce sentier — ce corridor —, ce sera irréversible. Je ne pense pas que nous ne pourrons jamais le fermer. Alors, nous devons bien faire les choses, et la mise en garde a été formulée par un trappeur déné du nord de l'Alberta. J'écoutais les audiences sur les redevances des sables bitumineux dans le nord de l'Alberta, et, à la fin, le dernier conférencier des audiences a déclaré, sur un ton de regret : « je n'ai jamais sauvé aucune terre pour mes enfants. »

Ce qu'il voulait dire, c'est que les Autochtones avaient négocié toutes les concessions pétrolières et gazières du nord de l'Alberta, toutes les concessions forestières étaient faites, tous les parcs nationaux avaient été attribués, et toutes les pourvoiries pour les ours, les orignaux et la pêche avaient été distribuées. Il ne restait nulle part où aller et aucune terre à demander dans le nord de l'Alberta.

Dans ce sens, en tant qu'Autochtones, notre source de vie, c'est le Nord. Nous devons faire attention à la façon dont nous empiétons dessus. Donnez-nous les instruments de gouvernance nécessaires et incluez-nous dans cette gouvernance afin que nous puissions prendre les décisions avec vous en ce qui concerne notre avenir. Il y a tant de choses en jeu dans cette décision. Il s'agit de notre gagne-pain et de notre avenir.

Le président : Merci, monsieur Laliberte.

Le sénateur Black : Messieurs, votre enthousiasme à tous les deux était extrêmement intéressant. La matinée a vraiment été intéressante, et je vous en remercie.

J'ai des questions pratiques à poser, si je le puis. Je vais peut-être vous les adresser, monsieur, mais sentez-vous à l'aise d'ajouter des commentaires, si vous le voulez.

En ce qui concerne la vision d'un corridor boréal ou nordique, je voudrais aborder certains aspects pratiques — si vous me le permettez — afin que je puisse entendre quelle serait votre vision, d'après votre expérience. Pouvez-vous nous parler de la façon dont vous verriez l'élaboration de la propriété et de la gouvernance et ce que contiendrait le corridor, à votre avis?

M. Van Nostrand : Je vais commencer par ce qu'il contiendrait; quand je dis « à usages multiples » plutôt que « polyvalent », je veux dire que, selon moi, nous souhaitons construire un oléoduc qui traverse le pays afin de ramener notre pétrole vers notre pays, ce qui est très logique, à mes yeux. Techniquement, cela exige le transport de boue — votre pétrole lourd —, alors, je crois savoir qu'il faut une source d'énergie tous les 200 milles pour pousser cette matière.

Le sénateur Black : Il faut un oléoduc.

M. Van Nostrand : Il va falloir un corridor d'énergie. Nous avons besoin de fibre optique pour que les gens puissent communiquer. Nous avons probablement besoin d'une route pour l'entretien, mais pourquoi cette route ne deviendrait-elle pas une autoroute? Peut-être pas partout. Alors, il s'agit d'une considération.

Il y a toutes sortes de bonnes et de mauvaises choses, mais les compagnies de chemin de fer ont déclaré que les 10 milles qui s'étendent d'un côté et de l'autre de la voie ferrée étaient les terres qui allaient être renégociées avec le peuple qui était titulaire des droits à leur égard. Elles n'ont pas fait cela, mais je pense qu'il s'agit de l'occasion qui se présente maintenant à nous, car je suis tout à fait d'accord avec la notion de M. Laliberte selon laquelle nous sommes en présence de deux cultures différentes; la première en est une de chasseurs-cueilleurs, et l'autre, d'agriculteurs. Nous serions le premier pays au monde à reconnaître cette distinction.

Le sénateur Black : Vous dites que les compagnies de chemin de fer devraient être incluses dans le corridor, ou une voie ferrée? Avez-vous bien dit cela?

M. Van Nostrand : Je n'ai pas dit précisément « voie ferrée ».

Le sénateur Black : Pourraient ou pas?

M. Van Nostrand : Je sais que cela va être...

Le sénateur Black : Très bien; et la transmission?

M. Van Nostrand : La transmission, c'est certain. Une route.

Le sénateur Black : Envisagez-vous une quelconque capacité pour de petits aéroports?

M. Van Nostrand : Eh bien, ils sont là. En fait, nous n'avons pas de pénurie de petits aéroports dans le corridor.

Le sénateur Black : J'ai une image de cela.

Je n'ai aucune notion de la propriété des terres. Je crois savoir que c'est compliqué en raison de nos relations avec les Autochtones, mais comment le corridor sera-t-il établi?

M. Van Nostrand : Je me demande si nous ne pouvons pas simplement examiner en profondeur ce qui est vraiment arrivé. À ce que je sache, et d'après mon expérience, le transfert de terres de la Couronne — et toutes sortes de problèmes se posent quant à la façon dont ces terres seront transférées — à en fait aidé à payer pour le chemin de fer aux premières étapes du développement.

Le sénateur Black : La plupart de ces terres appartiennent-elles à la Couronne? Voilà la question.

M. Van Nostrand : Oui.

Le sénateur Black : La plupart sont-elles assujetties à un traité?

M. Van Nostrand : Oui. Toutefois, notre pays est composé à 89 p. 100 de terres de la Couronne. Essentiellement, nous sommes encore une colonie, avec le plus grand des respects. Nous sommes une colonie britannique qui connaît beaucoup de succès. J'ai travaillé dans des colonies britanniques. Ce qui est vraiment intéressant, c'est exactement ce que disait M. Laliberte, c'est-à-dire que tous ces pays ont effectué le changement parce qu'ils étaient majoritairement peuplés d'Autochtones. Je parle de l'Afrique. Une guerre a eu lieu parce que les Britanniques ont choisi certains peuples plutôt que d'autres.

Le sénateur Black : Si je puis me concentrer seulement un peu sur le corridor, envisageriez-vous un processus dans le cadre duquel, en consultation avec les provinces et les Autochtones, le gouvernement du Canada déclarerait l'existence d'un corridor et exproprierait des gens pour l'établir? Comment voyez-vous le déroulement de cette initiative?

M. Van Nostrand : Même lorsqu'on construit une autoroute, maintenant, on a besoin d'une large bande. Il faut commencer par regarder le corridor en entier. Il faut préparer les endroits où se trouvent les économies, où se trouvent les collectivités de chasseurs-cueilleurs, puis on établit un tracé. Devinez quoi? Ce ne sera peut-être pas une ligne droite. Ce pourrait être une ligne qui dévie, alors je crois que le gouvernement fédéral devrait prendre les commandes du projet.

Le sénateur Black : Voilà ce que je voulais savoir. Nous avons entendu certains de ces propos un peu plus tôt dans la journée.

Croyez-vous qu'un ministre devrait être nommé afin d'assumer les responsabilités à cet égard? Pour en revenir à l'excellente question posée par le sénateur Campbell, qui devrait en être responsable?

M. Van Nostrand : Je ne sais pas quelle serait cette organisation, car elle est un peu sans précédent, mais je pourrais certainement y réfléchir et vous faire part de mes réflexions.

Le sénateur Black : Cela serait très utile.

M. Van Nostrand : Du 1er au 3 novembre, 600 chefs vont se rassembler à Winnipeg, pour parler d'enjeux comme celui-ci. Il s'agit également d'une merveilleuse occasion de les mobiliser, car il s'agit d'une organisation sans précédent.

Le sénateur Black : Nous voulons réfléchir un peu à cela, alors ce sera utile.

Le sénateur Tannas : Je pense qu'il serait utile que vous nous parliez tous les deux des efforts que vous avez déployés pour expliquer ce projet et de la réaction que vous avez obtenue des dirigeants actuels et passés.

John, vous l'avez expliqué aux chefs du NPD et des libéraux; pourtant, il ne s'est rendu jusqu'à la plateforme d'aucun de ces deux groupes ni n'a été mentionné d'aucune manière que je sache par l'un ou l'autre. Évidemment, je m'intéresse surtout aux libéraux, puisque ce sont eux qui sont au pouvoir.

Vous pourriez peut-être nous expliquer un peu si vous êtes surpris de n'avoir rien entendu dire. À quoi ressemblait la réaction?

M. Van Nostrand : Non, nous avons entendu dire pas mal de choses, et nous voilà : un an après les élections, et nous en discutons, d'une certaine manière, avec vous, les sénateurs.

Le sénateur Tannas : C'est grâce à vous et à Jack Mintz. Ce n'est pas grâce à quoi que ce soit qui ait été formulé par un chef du gouvernement ou un politicien, à part les gens ici présents avec vous.

M. Van Nostrand : Simplement pour être franc, quand je suis allé parler aux députés du NPD, une carte du corridor était posée sur la table, et je leur ai dit que je ne l'avais jamais vue. Et ils ont dit qu'il s'agissait de leurs circonscriptions. Bien entendu, ils sont extrêmement intéressés. Je veux dire qu'il y a un certain genre de corrélation entre les ressources et le développement du Nord — les députés de Nickel Belt et tout ce genre de choses —, alors cela m'a surpris.

Il y a une base, mais l'affaire, c'est qu'il s'agit d'une base cohérente, des gens de 18 ans jusqu'à des gens qui ont fait leurs preuves. Les libéraux étaient moins intéressés, à l'exception de deux personnes. La première, c'est la ministre actuelle d'AANC, avec qui je discute encore de cette question. Je pense qu'elle vous dira que nous en avons beaucoup parlé. La deuxième, c'est la ministre du Commerce, Chrystia Freeland, qui a grandi sur une propriété située dans le nord de l'Alberta. Par conséquent, elle sait ce qui se passe là-bas, et elle a voyagé de là jusque dans le monde, mais nous ne reconnaissons pas sa force, même ici. J'espère qu'au deuxième tour, elle aura la possibilité d'être incluse dans cette discussion.

Il s'agit d'une question de commerce; c'est une question de commerce avec des gens qui nous fournissent certains stocks, et il n'est pas question d'apporter de la nourriture. Une étude très intéressante portant sur la vallée du Mackenzie a été menée par une personne appelée Hugh Brody. Il a prouvé que les Dénés ont une économie parce que, si on attribue une valeur à la viande de caribou — ce que nous ne faisons pas —, leur économie est énorme. Toutefois, nous leur enlevons le caribou alors nous devons le remplacer par du bœuf qui coûte 26 $ la livre. Et je me demande ce qui se passe.

Nous avons besoin de ce projet. Nous avons besoin de ces gens. Puis, je vais me contenter de dire que j'y ai consacré une heure et demie dans le cadre de l'émission d'Anna Maria Tremonti.

Le sénateur Tannas : Elle aimerait être au gouvernement, mais elle ne l'est pas.

Monsieur Laliberte, pourriez-vous nous donner une petite idée de la réception que vous avez obtenue durant la période où vous avez fait la promotion de ce projet?

M. Laliberte : Simplement pour revenir sur l'exposé présenté par Richard Rohmer au premier ministre Trudeau, l'épisode du « fuddle duddle » est lié au Canada-médian. Le jour où il a été présenté était celui de l'incident du « fuddle duddle » survenu sur la Colline. Le simple fait de voir l'ambiance d'une personne confrontée à une énorme décision et traitant de politique en même temps... Richard Rohmer a porté cet aspect à mon attention.

L'autre aspect est lié à la gouvernance. Comme nous l'avons dit, nos collectivités autochtones du Nord ne se sentent pas du tout incluses dans le processus décisionnel. Regina prend toutes les décisions stratégiques pour le nord de la Saskatchewan; Edmonton prend toutes les décisions pour le nord de l'Alberta, et Winnipeg prend les décisions pour le Manitoba. Nous ne faisons pas du tout partie de l'économie.

Comme je l'ai dit, nous devons nous reconcevoir nous-mêmes afin d'être inclus. Regardez l'histoire, même dans la région de l'Assiniboine, quand la demande initiale a été présentée afin qu'une province soit établie dans les Prairies, c'était l'Alberta et la Saskatchewan ensemble, et cette réalité est entrée en ligne de compte, maintenant, dans le cas de cet accord occidental. Maintenant, nous avons la Colombie-Britannique, l'Alberta et la Saskatchewan qui ont en commun les mêmes politiques relatives aux ressources humaines, au commerce, au travail et aux marchés. Je vois constamment des camions de l'Alberta circuler dans le nord de la Saskatchewan. Ces camionneurs sont en concurrence pour les contrats dans nos propres collectivités, et nous tentons encore d'obtenir un prêt bancaire pour mettre en règle nos sentiers de trappeur.

Il manque une pièce. Toute l'industrie des finances de ce monde mène à la certitude. Vous pouvez vouloir une hypothèque, mais, dans le titre autochtone, la terre ne nous appartient pas. Nous avons peut-être la maison, mais pas la terre. Alors, vous devez vraiment étudier ce projet relativement à la façon dont vous allez faire participer les Autochtones.

Le président : Les banques autochtones ne vous aident-elles pas?

M. Laliberte : Elles sont comme toute autre banque. On renégocie l'hypothèque, mais ce n'est qu'une autre façade. Ainsi, il faut vraiment penser à la façon dont le titre et la responsabilité autochtones sont portés, investis ou compromis. Voilà pourquoi, au départ, cet institut de recherche a soulevé la question. Si ce rapport suscite de plus en plus d'intérêt, nous devons faire quelque chose plus rapidement. C'est pourquoi l'inclusion de la gouvernance aux échelons national et local est très cruciale en ce moment.

Le sénateur Campbell : Merci de votre présence aujourd'hui. C'est fascinant.

C'est peut-être un peu fou. Monsieur Laliberte, qu'arriverait-il si les Premières Nations prenaient la responsabilité de ce projet? Comme le corridor traverse votre territoire et des terres de la Couronne et que nous savons que, dans bien des cas, les obstacles à ce projet seront des préoccupations des Premières Nations, avant même que nous commencions, qu'arrivera-t-il si les Autochtones jetaient un coup d'œil à ce projet? S'ils en prenaient la responsabilité, je pense qu'ils reconnaîtraient probablement les avantages qui s'y rattachent.

Votre troisième volet de gouvernement m'a intéressé. Il s'agissait d'un sujet différent. Toutefois, si vous y croyez vraiment, je pense que les dirigeants des Premières Nations de l'ensemble du Canada — traité ou pas — pourraient prendre les commandes de ce projet.

Nous en venons toujours à l'argent, et c'est toujours l'objectif final, mais, si les Premières Nations se montraient disposées à expliquer cela... Et, comme vous l'avez dit, personne ne connaît ce territoire mieux que vous. Les gens qui y vivent savent où coulent les rivières. Ils savent dans quelle direction elles vont. Nous savons où sont les ressources. Vous le saviez probablement aussi, avant même que nous les ayons découvertes. Que pensez-vous de cela?

M. Laliberte : Je pense qu'il s'agit de la bonne voie à suivre, non seulement en ce qui concerne le corridor nordique, mais, en tant que Canadien, pour l'ensemble du pays. Voilà pourquoi j'ai mentionné...

Le sénateur Campbell : Je veux me concentrer là-dessus, car, si les Premières Nations pouvaient réunir tous ces éléments, le reste du projet en découlerait. Vous feriez preuve d'un excellent leadership, d'un leadership exceptionnel. De mon point de vue, avant que nous fassions quoi que ce soit, il nous faut des partenaires, des dirigeants qui appartiennent aux Premières Nations.

M. Van Nostrand : Je pense qu'il est intéressant de regarder des pays qui sont dirigés par des Autochtones. J'ai travaillé dans un de ces pays, appelé le Ghana. La façon dont les dirigeants s'occupent des choses, c'est que les redevances qui proviennent de toutes les ressources sont distribuées à partir du gouvernement fédéral jusqu'aux chefs des collectivités touchées, en passant par les échelons provincial et régional. Alors, pour en revenir à l'aspect pratique, les redevances sont distribuées sur l'ensemble du spectre.

Il y a beaucoup de précédents. Si vous regardez les lignes directrices de la SFI concernant la façon de travailler dans les pays en développement pour une société minière, vous verrez un document important qui contient un chapitre entier portant sur les relations que vous entretenez avec les Autochtones. La société minière qui est ici n'a rien de cela à faire. Elle n'est assujettie à aucun genre de...

Le sénateur Campbell : Je pense que cela brouille les cartes. Ma question est la suivante. Y a-t-il des dirigeants des Premières Nations qui seraient disposés à présenter cette proposition d'une certaine manière afin que tout le monde puisse participer à une discussion active à ce sujet?

Actuellement, j'aurais de la difficulté à voir ce projet se réaliser sans le soutien complet des Premières Nations et la reconnaissance du fait qu'elles sont des nations. Les gens s'imaginent qu'elles sont unifiées. Elles ne le sont pas. Ce sont réellement des nations. Imaginez l'Europe dans les années 1800. Ce sont réellement des nations. Les nations doivent se rassembler afin de décider si c'est ce qu'elles veulent faire. Si elles décident que c'est le cas, alors je pense que nous sommes bien placés pour nous asseoir et en discuter.

M. Laliberte : Je crois qu'il s'agit de l'appel au rassemblement des nations autochtones souveraines afin qu'elles aident à gouverner le pays, et, comme je l'ai mentionné, que cela mène à l'établissement d'une troisième chambre. Ce projet ou cette initiative pourrait être le levier permettant d'envisager un contexte plus vaste ou un changement plus important.

La décision récemment rendue dans l'affaire Daniels concernant les droits des Métis a revigoré mes droits autochtones d'être un négociateur de traités. Dans ma région, c'est le Traité no 10, alors les Métis devraient être inclus dans ce traité. Il y a le Traité no 9. Rassemblons-les tous et incluons ce projet dans la façon dont nous allons aller de l'avant en tant que pays. Notre passé colonial n'est plus là. Faisons les choses en tant que pays, ce avec quoi nous vivons, ici, maintenant, et voici les traités. Ce sont les instruments qui ont créé le pays. Le fondement du Canada, ce sont les traités.

Alors, au lieu de terres de la Couronne, appelons-les « terres visées par un traité », car la Couronne n'est que le fruit de l'imagination des Britanniques, là-bas. C'est avec cela que nous devons composer, à partir de maintenant. Le titre souverain est détenu par les Autochtones. Alors, intégrez les Autochtones, et créons un vaisseau qui nous permettra de décider de quelle façon nous allons concevoir les routes...

Le sénateur Campbell : C'est à l'envers.

M. Laliberte : Il s'agit de l'autre sens, c'est exact.

Le sénateur Campbell : Laissez les Autochtones venir nous parler de leur vision de ce corridor et du fait qu'ils ont besoin d'aide, nous dire qu'ils sont prêts à négocier et à travailler là-dessus en tant que groupe de nations. Tant que nous ne le ferons pas, rien ne va bouger, car la taille des nations va de ceci à cela. Et on ne peut pas en faire fi.

La sénatrice Wallin : Ma question est directement liée à ce qui précède, c'est-à-dire que nous en sommes là où nous en sommes. Nous disposons des structures provinciales, des structures régionales, de la relation fédérale-provinciale, des accords de l'Ouest... Toutes ces choses sont des structures existantes, et, du côté des nations autochtones, de nombreux groupes sous diverses formes veulent du développement et des emplois. D'autres groupes s'y opposent, pour des motifs environnementaux ou politiques. Alors, même pour envisager la notion du sénateur Campbell ici présent, voyez-vous une voie — et il ne s'agit pas de la troisième chambre, il est question de nos structures existantes — qui vous permettrait de tirer votre épingle du jeu, compte tenu de ces divers problèmes et systèmes de croyances qui sont en contradiction du point de vue des Autochtones?

M. Laliberte : La meilleure solution que je pourrais recommander, ce serait probablement qu'un premier ministre téléphone à tous les chefs autochtones du territoire. Je pense qu'il s'agit de votre relation la plus étroite entre la Couronne et les nations autochtones.

Nous l'avons constaté dans le cas des accords — l'accord de Kelowna —, et nous avons vu ces rassemblements se tenir. Mais, dans le cas d'un enjeu d'une telle importance, je pense que les Autochtones ont besoin de savoir afin qu'ils puissent regarder vers l'avenir et voir où ce projet pourrait les mener, les avantages et les inconvénients.

Je pense que le dialogue doit provenir de l'échelon du premier ministre, car il fera aussi affaire avec les premiers ministres provinciaux. Il s'agit également de s'occuper des politiques provinciales, mais les relations avec les Autochtones et les relations visées dans les traitées sont probablement à l'échelon du premier ministre et des chefs autochtones, et elles comprennent également les Métis et les Inuits.

La sénatrice Wallin : Et vous croyez qu'ils pourraient s'entendre, je ne sais trop comment, dans le cadre de ce projet, malgré les différends que nous avons observés au chapitre des pipelines et des progrès et tout ce genre de choses?

M. Laliberte : Je ne peux pas dire que le feu vert sera donné au projet, mais avec la réflexion et à la lumière des conseils des décideurs fédéraux et provinciaux, nous faisons peut-être fi de responsabilités de base qui pourraient provenir de l'échelon communautaire, ou de la base, pour ainsi dire. Nous devons bénéficier des retombées de tout cela.

Voilà pourquoi toute cette recherche a été présentée en 2002. Il y a tant de choses, quand on regarde les enjeux commerciaux comme les engagements relatifs au commerce international que nous prenons et ce que nous allons négocier dans l'avenir... Vous devez acheminer vos produits vers le marché, alors il y a une personne qui réfléchit, mais cette personne pense-t-elle aux conséquences, aux collectivités et au potentiel? Il pourrait également y avoir d'autres potentiels. Ce pourrait être un corridor qui a un aspect différent, au moment où nous tenons les discussions, et la technologie pourrait évoluer. Une personne a mentionné les zeppelins en guise d'exemple quand j'étais ici. Elle a affirmé que les zeppelins pourraient transporter des marchandises et des personnes sans laisser d'empreinte.

La technologie pose problème; les pipelines en sont un, les chemins de fer en sont un autre, et les routes, encore un autre, mais, du point de vue de la propriété et de l'entretien, les gens du Nord regardent passer le développement. Nous voulons en faire partie, alors accordez-nous du temps. Je pense qu'il y aura une occasion d'en faire partie, mais la plus grande conséquence, c'est la vérité de qui va payer pour le projet et de qui va investir dedans. C'est la même chose pour le chemin de fer du CN. D'où provenait cet argent? Qui a investi à ce moment-là? Nous sommes de nouveau au début de cette période.

La sénatrice Wallin : Je suis d'accord.

Le président : Y a-t-il d'autres questions? S'il n'y en a pas d'autres, je veux remercier nos deux témoins.

Messieurs Van Nostrand et Laliberte, je vous remercie de votre contribution. J'espère que vous continuerez à regarder les témoins qui se présenteront. Comme je l'ai mentionné, monsieur Laliberté, un contingent assez important de représentants des Premières Nations du nord de la Colombie-Britannique comparaîtra également. Je suis certain qu'ils auront beaucoup d'informations à ajouter, et nous allons continuer de recueillir ces renseignements également.

Sur ce, mesdames et messieurs les sénateurs, merci beaucoup. La séance est levée.

(La séance est levée.)

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