Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule n° 9 - Témoignages du 2 novembre 2016
OTTAWA, le mercredi 2 novembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 21, pour étudier le fonctionnement et les pratiques de la Commission du droit d'auteur du Canada et formuler des recommandations.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers sénateurs, j'aimerais faire une annonce avant de commencer. Hier, Brett Stuckey, notre analyste en congé de la Bibliothèque du Parlement, a assisté à la naissance de son bébé de sept livres. Son nom est Charlie Virginia Howard. On m'a dit que tout le monde se porte bien, et je veux donc féliciter Brett et sa famille au nom du comité.
Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je m'appelle David Tkachuk, et je suis président du comité.
À titre d'information, conformément à l'article 92 de la Loi sur le droit d'auteur, un comité du Sénat, de la Chambre des communes ou des deux Chambres du Parlement doit effectuer un examen législatif de la loi tous les cinq ans. En 2017, le gouvernement fédéral doit procéder à cet examen. Notre comité a pensé qu'il serait utile à ce stade-ci, en prévision de l'examen, de tenir quelques audiences sur le fonctionnement et les pratiques de la Commission du droit d'auteur du Canada.
La première séance a lieu aujourd'hui. Nous prévoyons faire rapport au Sénat d'ici la fin du mois pour présenter des recommandations au gouvernement.
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue aux représentants de sociétés de gestion des droits d'auteur et de sociétés créatrices de contenu. Le premier des deux groupes de témoins comprend Martin Lavallée, avocat et directeur, Licences et affaires juridiques, de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada; Jason J. Kee, conseiller en politiques publiques et relations gouvernementales, de Google Canada; Carolyn Rioux, présidente de l'Agence canadienne des droits de reproduction musicaux; et Erin Finlay, directrice, Affaires juridiques et relations gouvernementales, et avocate générale, d'Access Copyright.
Je vous remercie de vous intéresser au travail du comité et d'être ici aujourd'hui. Afin d'avoir suffisamment de temps pour vous poser des questions, nous allons accorder à chacun de vous environ cinq minutes pour faire une déclaration liminaire avant de passer aux questions.
Je vous propose de procéder en fonction de l'ordre établi dans l'ordre du jour. Monsieur Lavallée, vous avez la parole.
[Français]
Martin Lavallée, avocat, directeur, Licences et affaires juridiques, Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada : Monsieur le président, membres du comité, mon nom est Martin Lavallée et je suis le directeur des Licences et affaires juridiques de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada, la SODRAC. Je tiens à remercier les membres du comité sénatorial pour cette invitation.
En tant que société de gestion collective du droit d'auteur concernant le droit de reproduction d'œuvres musicales, la SODRAC émet des licences à tout utilisateur souhaitant exploiter le répertoire de ses milliers de membres, en contrepartie de redevances raisonnables, que nous versons ensuite aux créateurs. Pour ce faire, la SODRAC peut négocier directement des licences avec un utilisateur potentiel, déposer un projet de tarif ou entamer des procédures d'arbitrage contre un utilisateur devant la Commission du droit d'auteur (CDA), qui agit alors à titre de tribunal quasi judiciaire indépendant et établit les redevances à verser, le cas échéant, pour l'utilisation d'œuvres confiées collectivement à une société comme la nôtre.
Nous avons recours à la CDA uniquement lorsque nos tentatives de négociation de bonne foi n'aboutissent pas, ou en cas d'échange imparfait d'information. Sans la CDA, il nous serait impossible d'obtenir des informations cruciales de nature sensible quant aux formes d'utilisation des œuvres de notre répertoire dans de nombreux secteurs ou industries, ou de débattre de points de droit complexes et hautement spécialisés dans un forum spécialisé et indépendant, comme la CDA.
Notre mission étant de faire reconnaître l'existence de notre droit, d'en déterminer la juste valeur et de rétribuer nos créateurs efficacement, nous reconnaissons d'amblé le rôle de premier plan que joue la CDA. En effet, la CDA est un lieu privilégié où on peut librement débattre des points suivants : l'interprétation de la Loi sur le droit d'auteur et donc de l'existence même de notre droit dans certains contextes; la détermination d'une valeur juste et équitable, tant pour les titulaires de droits que pour les utilisateurs, basée sur une preuve complète et des analyses d'experts; et, finalement, les modalités d'application des nouvelles exceptions qui ont été introduites dans la Loi sur le droit d'auteur en novembre 2012.
L'enjeu le plus important pour la CDA, selon la SODRAC, concerne le temps que prend la commission à rendre ses décisions. Auparavant, la SODRAC était en mesure de conclure des ententes avec la vaste majorité de ses licenciés sans devoir faire intervenir la CDA, ce qui a créé un marché fonctionnel pour l'utilisation des œuvres des auteurs et éditeurs que nous représentons. Or, depuis les 10 dernières années, des impasses de négociations nous ont obligés à faire appel à la CDA de trois à quatre fois par année en moyenne.
Nous pouvons attester que toute comparution devant la CDA nécessite beaucoup de temps et de ressources, et représente un investissement significatif pour nous comme pour toutes les parties concernées. À ces coûts de représentation s'ajoutent ceux liés aux délais. Tant qu'une décision définitive n'est pas rendue, les utilisateurs profitent du flou et imposent leurs conditions. Les redevances payables subissent une pression à la baisse et les auteurs et éditeurs que nous représentons ne sont pas payés pour l'utilisation de leurs œuvres. Le tableau à l'annexe 1, joint à la présentation, fait état de notre situation.
C'est pour ces raisons que nous appuyons et encourageons tout geste ou toute recommandation visant à améliorer le fonctionnement de la CDA, sans toutefois toucher à son pouvoir d'indépendance, car nous sommes convaincus que la commission doit préserver son statut d'arbitre neutre. Il est pour le moins risqué, voire dangereux, de tenter d'influencer le pouvoir décisionnel d'un tribunal indépendant d'une manière ou d'une autre. Toute démanche visant à établir des critères de détermination de tarifs liés au droit d'auteur serait, selon nous, une erreur. Si une partie est en désaccord avec le résultat d'une décision, le contrôle judiciaire, malgré ses délais supplémentaires, demeure l'unique voie appropriée.
C'est dans ce contexte que la SODRAC, dans le cadre de cette consultation, présente les recommandations suivantes : tout d'abord, étudier l'opportunité de nommer des commissaires et un président ou une présidente à temps plein auprès de la commission; et ensuite, fournir à la commission les ressources nécessaires à la pleine réalisation de son mandat, tel que l'a proposé M. Claude Majeau, vice-président et premier dirigeant de la CDA, dans le rapport qu'il a déposé devant le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes, le 5 mai dernier. Plus précisément, nous recommandons que soient fournies des ressources juridiques spécialisées, puisque nous convenons avec la commission que cette dernière est devenue un tribunal de première instance pour les affaires liées au droit d'auteur.
Au nom de la SODRAC, je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.
[Traduction]
Jason J. Kee, conseiller en politiques publiques et relations gouvernementales, Google Canada : Merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous. Google est une société mondiale de technologie qui se spécialise dans les produits et les services liés à Internet. Vous connaissez peut-être surtout nos services de recherche, Gmail et Google Maps, mais nos interactions avec la Commission du droit d'auteur et les responsables du système tarifaire portent habituellement sur nos services de contenu en ligne, c'est-à-dire Google Play Musique et YouTube.
Google Play Musique est notre service de musique en ligne, qui offre un accès sans publicité à environ 35 millions de chansons, moyennant des frais mensuels, ainsi qu'un accès à un service parallèle plus limité payé par la publicité. C'est un service multiplateforme, ce qui signifie que les abonnés peuvent écouter la musique à partir de leur téléphone intelligent, de leur tablette, de leur téléviseur intelligent ou d'Internet. Ils peuvent également découvrir de la nouvelle musique grâce à des stations de radio interactive et créer des listes de lecture à partir de leurs favoris. Google Play Musique leur permet également d'acheter des chansons et des albums à la carte et de sauvegarder jusqu'à 50 000 chansons de leur propre collection sur le nuage pour les lire en continu sur leurs propres appareils.
YouTube est notre plateforme vidéo en ligne. C'est une plateforme mondiale ouverte qui permet à tout le monde de télécharger des vidéos, d'avoir des liens directs avec ses adeptes et d'avoir un auditoire mondial. De plus, YouTube permet aux créateurs de monnayer leur contenu, surtout au moyen de la publicité en ligne, et offre des analyses détaillées qui permettent aux créateurs de comprendre leurs auditoires. La majorité du contenu n'est pas lié à la musique, mais YouTube est devenu une plateforme puissante pour découvrir de la musique, pour donner l'occasion aux nouveaux talents de percer et de se faire découvrir et pour permettre aux grandes vedettes de devenir encore plus célèbres, ce qui se traduit par de nouvelles sources de revenus pour l'industrie de la musique dans son ensemble.
La question des licences d'œuvres musicales pour des services en ligne comme Google Play Musique et des plateformes comme YouTube peut être très complexe, compte tenu de multiples chevauchements de droits gérés par différents titulaires ou sociétés de gestion. Il peut être extrêmement difficile de naviguer dans ce milieu.
À notre avis, la réalisation de gains d'efficience, en établissant des taux prévisibles et normalisés, est un des avantages du système de tarification. Malheureusement, plusieurs problèmes font en sorte que les avantages ne sont pas ce qu'ils pourraient être.
Tout d'abord, les délais dans le processus de fixation des tarifs sont considérables, alors qu'il faut souvent attendre des années après le dépôt d'un tarif avant qu'il soit homologué. Selon une étude du professeur Jeremy de Beer, qui, si j'ai bien compris, comparaîtra devant vous demain, le délai moyen entre le dépôt d'un tarif et son homologation est de trois ans et demi, et il faut attendre presque quatre ans et demi lorsqu'on tient une audience.
Ces délais créent une incertitude considérable sur le marché, car il est extrêmement difficile pour tout le monde de créer un service de musique lorsqu'il faut attendre un minimum de quatre ans après le fait pour connaître le coût du principal facteur de production, c'est-à-dire la gestion des licences d'œuvres musicales. Cette incertitude est aggravée par le fait que les tarifs s'appliquent rétroactivement après avoir été finalement homologués, et que les taux peuvent varier considérablement d'une année à l'autre, car les tarifs sont habituellement déposés chaque année.
De plus, si le taux augmente, il arrive que l'on doive payer des intérêts sur les montants en souffrance, ce qui signifie que la structure des coûts sur laquelle s'est appuyé un service de musique pour lancer ses activités peut radicalement changer quelques années plus tard. Il est donc extrêmement difficile de se fier à la continuité des taux.
Comme les entreprises qui offrent des services de musique en ligne ont déjà une faible marge de profit, cette incertitude et cette imprévisibilité font en sorte qu'il est très difficile pour elles d'assurer la viabilité et la durabilité de leurs activités. De plus, cette réalité touche de façon disproportionnée les petites entreprises en démarrage et les nouveaux services, que nous devrions appuyer pour soutenir et maintenir le dynamisme et la compétitivité du marché.
La complexité, la lourdeur ainsi que le caractère officiel et légaliste du processus actuel de fixation des tarifs représentent une autre difficulté, car une aide juridique est nécessaire pour s'y retrouver. Cette situation rend le processus inaccessible — ils sont nombreux à ne pas pouvoir y prendre part — et coûteux, non seulement en raison des frais juridiques, qui peuvent être élevés, mais aussi en raison du temps, de l'énergie et des ressources nécessaires dans le cadre du processus. Une fois de plus, ce sont les petites entreprises en démarrage et les nouveaux services, qui ne sont peut-être pas outillés pour participer au processus, qui portent le fardeau de façon disproportionnée.
Par ailleurs, d'un point de vue plus large, sur le plan de la politique publique et du développement économique, il serait préférable que les entreprises qui offrent de nouveaux services investissent leurs maigres ressources dans la viabilité de leurs activités et la compétitivité du marché plutôt que dans un processus judiciaire coûteux et parfois imprévisible.
Pour résoudre ces difficultés et accroître la certitude et la prévisibilité du processus tarifaire, nous avons plusieurs recommandations de portée générale. Premièrement, nous devrions songer à simplifier le processus de fixation des tarifs pour accélérer l'homologation. Nous pourrions contribuer ainsi à la résolution des problèmes liés à l'accès et au coût, et atténuer les problèmes liés aux délais.
Deuxièmement, nous devrions songer à éliminer l'application rétroactive des tarifs de manière à ce que les taux ne soient appliqués qu'après avoir été établis. L'amélioration des délais aidera à régler le problème de la rétroactivité, mais il est essentiel que les entreprises comprennent leurs coûts réels avant de se lancer en affaires.
Troisièmement, nous devrions éliminer les exigences obligatoires relatives aux dépôts annuels, car ces dépôts peuvent créer des procédures redondantes et lourdes qui sont parfois inutiles.
Enfin, il est impératif que le processus demeure suffisamment souple pour permettre aux autres utilisateurs des services de négocier directement avec les sociétés de gestion et les titulaires de droits. La gestion des licences d'œuvres musicales est très complexe. Il arrive que la portée des tarifs soit imprécise, surtout lorsqu'ils s'appliquent à de nouvelles technologies et à de nouveaux services qui sont mis au point. Les entreprises qui offrent les services doivent donc être en mesure de faire affaire directement avec les sociétés de gestion et les titulaires de droits au besoin.
Nous remercions encore une fois les membres du comité de nous avoir invités. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Caroline Rioux, présidente, Agence canadienne des droits de reproduction musicaux : Pour le compte de la CMRRA, je souhaite remercier le comité de me permettre de témoigner. La CMRRA est une société de gestion collective qui représente des titulaires de droits d'auteur, allant des vastes maisons d'édition à des auteurs-compositeurs individuels. Pour leur compte, la CMRRA accorde des licences d'autorisation en vue de la reproduction de leurs œuvres.
En grande partie, nos titulaires de licences sont des maisons de disques qui diffusent des enregistrements sonores, comme des disques compacts; des services de musique et des services audiovisuels en ligne qui permettent la lecture en continu et le téléchargement d'enregistrements musicaux; ainsi que des radiodiffuseurs et des télédiffuseurs qui font des copies de ces enregistrements à des fins de diffusion.
Depuis de nombreuses années, la CMRRA réussit à négocier des conditions acceptables auprès des maisons de disques pour ce qui est de la gestion d'œuvres reproduites sur des produits physiques. Les négociations avec d'autres catégories d'utilisateurs n'ont toutefois pas toujours été possibles. Par exemple, dans le cas des radiodiffuseurs, la CMRRA a été totalement incapable de négocier avec des utilisateurs qui reniaient l'existence de tout fondement juridique pour les redevances qui peuvent être versées aux éditeurs de musique.
De plus, alors que le marché de la musique en ligne a commencé à créer différents modèles d'exploitation, il a été difficile de conclure des ententes sans un premier tarif. C'est pourquoi la CMRRA contribue, depuis de nombreuses années, au dépôt de tarifs afin de déterminer les redevances qui doivent être versées pour la reproduction d'œuvres musicales par certains utilisateurs.
La Commission du droit d'auteur a un rôle essentiel, qui est d'établir la valeur de référence minimale de chaque utilisation de la musique au Canada. Le processus permet la divulgation de renseignements essentiels pour déterminer la valeur. C'est une option qu'une partie ayant un pouvoir de négociation moindre n'a peut-être pas dans le cadre de négociations directes.
L'homologation d'un tarif par la commission crée des conditions équitables, assorties de modalités normalisées qui s'appliquent à tous les utilisateurs d'une catégorie donnée, ce qui permet aux entreprises canadiennes indépendantes de percer le marché canadien en bénéficiant des mêmes conditions que les multinationales.
Pour simplifier l'homologation des tarifs, la CMRRA s'est jointe à la SODRAC sous la bannière CSI. Il aura fallu moins d'une année pour homologuer le premier tarif de radio commerciale et le premier tarif de musique en ligne de CSI. Depuis ses premières procédures, la capacité de la commission de rendre rapidement des décisions à la suite de chaque audience a toutefois été fortement réduite. J'ai inséré dans mon mémoire un tableau qui expose les dates pertinentes associées aux différents tarifs de CSI afin de mettre en lumière la prolongation des délais avant qu'une décision soit obtenue.
Le délai requis pour prendre une décision a été particulièrement allongé en raison des changements apportés au cours des dernières années au cadre juridique du Canada. La plupart du temps, les procédures de la Commission du droit d'auteur soulèvent des problèmes juridiques sans précédent, notamment l'interprétation initiale récente de nouveaux droits et exceptions proposés dans les modifications de novembre 2012 à la loi. La commission doit également composer avec de nouveaux principes établis par la Cour suprême du Canada. Ces principes ont fortement augmenté la charge de travail de la commission et soulignent la nécessité d'avoir recours à une expertise spécialisée pour déterminer la valeur des œuvres visées par un droit d'auteur.
Pour remplir son mandat, la commission a besoin à temps plein de juristes, d'économistes de même que d'experts en technologie et en administration pour rendre rapidement des décisions justes et éclairées. Le manque apparent de ressources au sein de la commission a coïncidé avec une période d'expansion importante et de changement dans l'industrie de la musique à l'échelle mondiale.
À défaut de mettre à jour les tarifs en place, le manque d'orientation ferait en sorte que certaines entreprises auraient peur de pénétrer le marché canadien sans connaître avec certitude les coûts qui seraient occasionnés. La CMRRA se retrouve aussi dans une situation désavantageuse lors des négociations en raison de cette incertitude, un fait que certains services utilisent pour proposer des tarifs qui ne reflètent pas la valeur inhérente de la musique, surtout pour ce qui est de la musique offerte gratuitement.
À défaut d'avoir des tarifs établis au Canada, la croissance du marché pourrait être freinée ou influencée par des décisions d'autres territoires. Sans une Commission du droit d'auteur efficace, indépendante et dotée des ressources appropriées, l'industrie de la musique canadienne est victime d'une perte de valeur et rate des occasions.
Même si nous sommes incapables de déterminer avec exactitude les ressources dont la commission a besoin, nous incitons le gouvernement, tout d'abord, à évaluer la charge de travail de la commission en tenant compte du contexte actuel et à déterminer les ressources et le plan de travail requis pour reprendre le travail en retard, et, ensuite , à veiller à ce que les nouvelles demandes de tarif soient traitées rapidement.
En fait, une telle évaluation n'a rien à voir avec l'examen quinquennal obligatoire de la Loi sur le droit d'auteur. Selon nous, le gouvernement doit se préparer aux répercussions des modifications de 2012 en créant un plan pour soutenir de manière appropriée la mise en œuvre de ces changements. C'est dans cet esprit que nous incitons le gouvernement à commencer dès maintenant l'évaluation, sans attendre de le faire dans le cadre de l'examen de 2017 de la Loi sur droit d'auteur.
Je vous remercie. Nous sommes impatients de poursuivre la discussion.
Erin Finlay, directrice, Affaires juridiques et relations gouvernementales, avocate générale, Access Copyright : Monsieur le président, chers membres du comité, je vous remercie de m'avoir invitée et de prendre le temps d'étudier cette importante question. Je m'appelle Erin Finlay. Je suis directrice, Affaires juridiques et relations gouvernementales à Access Copyright.
Access Copyright est une société de gestion du droit d'auteur qui représente 600 éditeurs et 12 000 créateurs canadiens. Access Copyright accorde des licences pour la reproduction de livres, de magazines, de revues et de journaux par les écoles, les universités, les collèges, les gouvernements et les entreprises.
Access Copyright négocie des licences et soumet des tarifs à la Commission du droit d'auteur lorsque les licences ne peuvent pas faire l'objet de négociations volontaires.
Dans le cadre de mes observations, je vais aborder deux principaux thèmes : premièrement, le rôle important de la commission sur le marché des œuvres visées par un droit d'auteur; et deuxièmement, l'incidence des délais de la commission.
La Commission du droit d'auteur est un élément essentiel à l'efficacité et au bon fonctionnement du marché des œuvres visées par un droit d'auteur. Les œuvres visées par un droit d'auteur — dans notre cas, des livres, des magazines, des revues et des journaux — ont un caractère non concurrentiel et non exclusif, ce qui signifie qu'il est difficile d'empêcher les gens d'y avoir accès ou de les utiliser et que leur utilisation par une personne n'exclut pas l'utilisation par quelqu'un d'autre. Ces caractéristiques propres aux œuvres visées par un droit d'auteur font en sorte qu'une intervention du gouvernement est souvent nécessaire pour garantir le fonctionnement efficace du marché pour ce qui est de ces œuvres. C'est d'autant plus vrai dans un monde numérique.
Quand une certaine confusion règne sur le marché, qu'un intervenant agit injustement de manière monopolistique ou monopsonistique ou qu'une entente ne peut pas autrement être négociée en privé, les intervenants, tant les utilisateurs que les titulaires de droits, doivent se tourner vers la Commission du droit d'auteur pour mettre rapidement fin à l'impasse.
À défaut de sortir rapidement et efficacement de l'impasse, le marché où se fait l'échange de ces biens ne fonctionnera pas. Il pourrait être paralysé, alors que personne n'utilise ou ne produit le contenu; nous pourrions avoir un problème de profiteurs; ou la motivation pour créer des œuvres visées par un droit d'auteur pourrait disparaître, ce qui donnerait lieu à une création insuffisante de contenu.
Dans ces situations, les titulaires de droits et les utilisateurs dépendent largement de la commission pour redresser ou corriger le marché — autrement dit, pour garantir le bon fonctionnement et la progression du marché.
Pour illustrer le rôle important de la Commission du droit d'auteur dans le cadre de nos activités, en 2010, Access Copyright a soumis à la commission un projet de tarif visant la copie d'œuvres par les collèges et les universités. Le tarif a été déposé parce qu'il était devenu difficile pour la société de gestion de renégocier les licences qui étaient en vigueur pour le secteur de l'éducation depuis près de 20 ans. Les titulaires de droits faisaient face à l'arrêt complet des paiements de redevances, et les universités et les collèges ne savaient pas trop quelles étaient les utilisations permises du contenu.
La commission a rendu très rapidement une décision qui a précisé les utilisations visées par le droit d'auteur qui étaient autorisées, ce qui a mené à la poursuite des paiements aux titulaires de droits. Peu de temps après, des ententes ont été négociées en privé et la majorité des utilisateurs se sont de nouveau tournés vers la société de gestion pour obtenir des licences de façon volontaire. La question n'était pas complètement réglée, mais le marché fonctionnait de nouveau grâce à l'intervention rapide de la Commission du droit d'auteur.
C'était en 2010. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à d'importants défis en raison des délais à la commission. Toujours par rapport au même exemple de tarif, la Loi sur la modernisation du droit d'auteur, entrée en vigueur en novembre 2012, a entraîné beaucoup de confusion dans le marché. En décembre 2013, presque tous les participants de la communauté d'utilisateurs se sont retirés de notre processus d'établissement des tarifs, qui était toujours en cours devant la commission. L'audience sur le tarif des redevances, prévue pour février 2014, a été ajournée indéfiniment par la commission et aucune audience n'a eu lieu avant janvier 2016. Par conséquent, le processus a été interrompu pendant près de deux ans.
Ce délai a été nuisible. Entre l'ajournement et la tenue d'une nouvelle audience, toutes les ententes de licence conclues volontairement étaient venues à échéance et, dans la plupart des cas, les titulaires de droits d'auteur n'ont pu renouveler ou renégocier de nouvelles ententes de licence. Maintenant, tandis que la décision de la commission se fait attendre, les auteurs, les artistes visuels et les éditeurs sont privés d'une source de revenus qu'ils avaient depuis plus de 20 ans.
Il y a évidemment diverses raisons qui expliquent la longueur du processus d'établissement de tarifs, mais le processus est tout simplement trop long, en particulier dans le contexte d'un marché en constante évolution.
De longs délais de ce genre entraînent une incertitude, à la fois pour les tarifs et pour l'utilisation, ce qui rend le marché imprévisible pour toutes les parties. Les utilisateurs ignorent quelles utilisations sont permises ou ignorent le coût associé à ces utilisations. Les titulaires des droits d'auteur passent de longues périodes dans l'incertitude quant à leurs revenus, ou même sans revenus.
Ces délais entraînent une autre conséquence : les décisions de la commission sont souvent rendues après l'expiration de la période prescrite pour les tarifs. Une fois la décision rendue, les titulaires des droits d'auteur doivent procéder, rétroactivement, à la perception de redevances ou à la réconciliation des paiements de redevances. Pire encore, peut- être, les utilisateurs pourraient voir une réduction des usages autorisés, de sorte qu'ils pourraient être confrontés à des revendications liées à la violation du droit d'auteur pour des usages qu'ils estimaient permis pendant toute la période visée par le tarif. C'est précisément le genre de situation que la commission doit corriger rapidement et efficacement.
Ces délais découlent d'un ensemble complexe de facteurs, mais le système ne peut continuer de fonctionner ainsi. Nous reconnaissons qu'il n'y a pas de solution facile à ces problèmes et que la commission est confrontée à une multitude d'enjeux à la fois nouveaux et complexes sur le plan de l'établissement de la valeur et sur le plan juridique. Cependant, dans l'état actuel des choses, nous n'avons pas un marché fonctionnel pour les œuvres protégées par des droits d'auteur, et nous sommes d'avis qu'une révision s'impose.
Merci; c'est là-dessus que se termine mon exposé. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Le sénateur Black : Monsieur le président, j'ai plusieurs questions. Il conviendrait peut-être que j'en pose deux ou trois et que je reporte les autres au deuxième tour.
Merci à tous d'être ici. Je crois comprendre, d'après l'ensemble de vos témoignages, si vous me permettez de résumer ce que j'ai entendu, que la commission fait office d'arbitre si les parties ne peuvent en arriver à une entente. Est-ce exact? Donc, vous ne faites appel à la commission que si vous ne pouvez en arriver à une entente.
Deuxièmement, il y a un large consensus selon lequel la commission est devenue inefficace, principalement parce qu'elle tarde trop à prendre des décisions tandis que le marché évolue. Sommes-nous d'accord sur ce point? Très bien.
Je crois aussi comprendre que le problème, c'est que la lenteur de la commission découle d'un manque de ressources. Est-ce une observation juste?
M. Kee : Oui.
Le sénateur Black : D'accord, très bien. C'est très utile, car il convient d'établir le contexte.
Quelles sont les conséquences de tout cela? J'ai entendu vos témoignages et j'y souscris entièrement, mais voyons cela dans une perspective plus large. J'aimerais savoir, à l'instar des gens qui écoutent nos délibérations, quelles seront les conséquences pour l'économie canadienne. Cela a-t-il vraiment de l'importance pour d'autres personnes que vous?
M. Kee : Je vais commencer parce qu'en théorie, j'aborde la question du point de vue de l'utilisateur, en ce sens que nous sommes titulaires de licences. Nous octroyons des licences pour les œuvres. De notre point de vue et de celui des autres services, encore une fois, cela a effectivement eu un effet négatif, parce que les délais et les autres problèmes dont nous avons parlé entraînent une incertitude. Cette incertitude limite l'émergence de nouvelles utilisations et de nouvelles entreprises qui en dépendent.
Ce que nous voulons, à mon avis, du moins, c'est établir un contexte dynamique favorisant ces utilisations, ce qui est avantageux pour les créateurs. En effet, cela favorise la mise en place d'un marché dynamique qui leur permet de tirer parti du marché et d'accroître leurs revenus. C'est également avantageux pour les utilisateurs — essentiellement des consommateurs —, car cela signifie qu'ils ont accès à des services concurrents qui offrent des caractéristiques supplémentaires et entraînent une baisse des prix. L'incertitude découlant des délais nuit au développement de ces services.
Le sénateur Black : D'accord. Dans cette veine, y aurait-il un risque, si j'étais un créateur confronté à ce genre de problèmes au Canada, que je décide de créer mes œuvres aux États-Unis, au Japon ou en Allemagne et que les questions de droit d'auteur relèvent alors de ces pays? Est-ce une hypothèse réaliste?
M. Kee : L'enjeu est davantage lié au marché; ce n'est pas nécessairement une question liée aux créateurs canadiens. Encore une fois, les sociétés de gestion auront certainement des commentaires à cet égard, car elles représentent diverses catégories des créateurs. Elles les représentent et administrent leurs droits au Canada.
Le sénateur Black : Je m'inquiète qu'on perde des créateurs.
M. Kee : Ce qui se produirait, dans un tel cas, c'est que le créateur devrait composer avec une structure différente, mais peut-être semblable, dans chacun des pays où il commercialiserait son œuvre. Le créateur qui souhaite commercialiser son œuvre à l'extérieur du pays peut toujours aller aux États-Unis, en Europe ou ailleurs, mais il sera alors assujetti au régime de ces pays. Précisons simplement que les règles auxquelles les créateurs seraient assujettis ici seraient limitatives, à mon avis.
[Français]
M. Lavallée : Par rapport à votre question concernant l'économie canadienne, tout est dans la valeur qui revient à cette partie de l'économie, soit la création. Si la commission n'est pas là pour fixer une valeur juste et raisonnable, il y aurait une pression à la baisse de la valeur d'un droit. Pour répondre à votre question, si c'est mauvais pour l'économie, c'est simplement mauvais quant à la valeur globale, qui est versée aux ayants droit, et ce n'est pas nécessairement parce qu'on cherche à maximiser le rendement. On cherche à avoir une valeur équitable et une solution canadienne. Sinon, on risque d'obtenir la valeur qui est imposée dans d'autres pays et qui n'est pas nécessairement la même.
[Traduction]
Mme Rioux : J'aimerais ajouter que ce que nous avons constaté, c'est que d'importants services de musique en ligne, comme Spotify, ont fait leur entrée sur le marché canadien, mais seulement après de nombreuses années. Il y a aussi Pandora, un énorme joueur dans le marché américain et ailleurs, qui ne s'est pas lancé sur le marché canadien en raison de l'incertitude qui règne au pays, et ce n'est pas le seul. Amazon offre aussi un service de musique qui n'est pas offert au Canada. Toutes ces choses représentent une perte de valeur économique.
En réponse à votre deuxième point, si j'ai bien compris la question, je dirais que les créateurs canadiens souhaitent d'abord se lancer et s'établir au pays avant de se lancer sur le marché international et d'y prospérer. C'est du moins ainsi que cela fonctionne, selon mon expérience, ou à ma connaissance. Il est très difficile de passer à la deuxième étape et de se lancer sur les marchés étrangers lorsque la valeur économique n'est pas au rendez-vous en raison de l'absence de mécanismes de perception des droits d'auteur ou de possibilités de générer des redevances.
Le sénateur Black : Tout cela est très utile.
Le président : Lorsque vous parlez de « service de musique », parlez-vous de la vente de musique, du paiement des frais pour écouter de la musique, ou d'une combinaison des deux?
Mme Rioux : Les deux, essentiellement.
Le président : La part des services de musique offrent-ils les deux, ou offre-t-on surtout l'un ou l'autre?
Mme Rioux : Je dirais qu'il y a eu un changement au cours de la dernière décennie. À titre d'exemple, la plateforme iTunes store a été plutôt active pendant un certain nombre d'années. On a observé au cours des dernières années une baisse des ventes par téléchargement sur cette plateforme et sur d'autres services de téléchargement.
Nous avons vu une augmentation graduelle des services de diffusion en continu. Ils ont connu beaucoup de succès ces deux ou trois dernières années parce que nous avons réussi, à certains égards, à conclure directement des ententes de licence, malgré les délais à la Commission du droit d'auteur. Ces services connaissent beaucoup de succès, mais je dirais que cette augmentation n'a pas encore atteint son plein potentiel. De plus, il a fallu beaucoup trop de temps pour que ces services soient offerts sur le marché en raison de l'incertitude que nous avons vue.
Le président : Qu'est-ce qui est plus avantageux pour les artistes? Un service d'écoute de la musique ou un service de vente? Les artistes voient-ils d'un bon œil l'accès à peu de frais à des milliers ou à des centaines de milliers de morceaux?
Mme Rioux : Le secteur de la diffusion de musique a toujours été fondé sur un modèle où tout se calculait en cents plutôt qu'en dollars; c'est la somme de tout cela et la multiplicité et l'éventail des usages qui permettent à quelqu'un d'en tirer des revenus et de gagner sa vie. Les auteurs-compositeurs, les artistes et les éditeurs de musique — l'ensemble du secteur, en fait — accueillent favorablement l'arrivée de ces services au Canada.
Le président : C'est comme les importantes stations de radio qui paient une redevance de quelques cents chaque fois qu'ils diffusent un morceau de musique.
Mme Rioux : Oui.
Le président : Madame Finlay, souhaitiez-vous faire un commentaire par rapport à la question du sénateur Black?
Mme Finlay : Je voulais simplement ajouter que cela ne concerne pas uniquement les créateurs canadiens. Nous représentons tous également des titulaires de droits d'auteurs étrangers. C'est donc aussi lié à l'utilisation du contenu au Canada. Lorsque nos sociétés de gestion reçoivent des redevances, nous payons également les titulaires de droits d'auteurs étrangers, par l'intermédiaire de sociétés de gestion établies dans d'autres pays. C'est le seul point que je tenais à préciser.
Le sénateur Enverga : Je vous remercie de vos exposés. Vous nous avez beaucoup appris. De façon générale, on estime que le principal problème par rapport à la Commission du droit d'auteur, c'est que tout semble retardé ou trop long. Selon vous, quelle serait une période raisonnable pour satisfaire aux besoins des créateurs de contenu et des sociétés de gestion de droits d'auteur? Est-ce une journée, deux ou trois journées? Quels sont les délais auxquels vous êtes aux prises, en moyenne? Quelles sont vos observations à ce sujet?
Mme Finlay : Je ne saurais dire quelle est la moyenne, mais je peux vous dire qu'en ce qui concerne nos tarifs, les plus récents tarifs que nous avons tenté d'établir remontent à six ans, et nous attendons toujours une décision. Ce retard a de nombreuses causes, et c'est pourquoi j'ai un peu de difficulté à répondre à votre question.
Je ne saurais dire ce qui est raisonnable et je ne connais pas l'ensemble des enjeux. Il s'agit dans certains cas de questions extrêmement complexes, tant sur le plan juridique que sur le plan de l'établissement de la valeur. En ce qui concerne le tarif dont j'ai parlé, je crois qu'il y avait 101 opposants — 101 participants — au début de l'audience relative à la fixation des tarifs, ce qui crée, en soi, une foule de complications qu'il faut examiner une à une.
Quant à savoir ce qui serait raisonnable, le plus avantageux serait qu'une décision soit prise au début ou durant la période couverte par le tarif, car la commission établit un tarif pour une certaine période, de 2010 à 2015, mais que les décisions sont rendues après 2015, voire une, deux ou trois années plus tard. Nous nous retrouvons donc à essayer de régler des choses qui se sont produites il y a cinq ou six ans, à percevoir des sommes à cet égard et à essayer de déterminer quelles étaient les utilisations autorisées par licence ou non. Il s'agit là de la conséquence avec laquelle il est le plus difficile de composer, en fait.
Donc, en ce qui a trait au moment choisi et à la situation idéale, cet idéal serait que la décision soit prise au début de la période couverte par le tarif, de façon à ce que les parties puissent aller de l'avant en connaissant les modalités précises : ce qui fait l'objet d'une tarification, le montant et les utilisations permises.
[Français]
M. Lavallée : J'aimerais préciser que les tarifs sont déposés le 30 mars d'une année et entrent en vigueur le 1er janvier de l'année suivante. C'est ce qui est prévu dans la loi. Cela suppose que, théoriquement, une décision devrait être rendue dans les neuf mois qui suivent afin que le dépôt du tarif coïncide avec sa mise en vigueur.
Lorsqu'on appelle d'une décision, par exemple, à la Cour d'appel fédérale, évidemment, ce n'est que pour des questions juridiques, et certaines décisions sont rendues dans un délai de quatre à six mois. Il faut garder en tête qu'un tribunal devrait toujours disposer de suffisamment de temps pour rendre la meilleure décision possible.
La raison pour laquelle il était question de ressources pour étudier les différents tarifs, c'est qu'il y a multiplicité des tarifs. Pendant qu'ils analysent et qu'ils s'entendent sur un tarif A, les tarifs B et C sont en attente. Du moins, c'est l'impression que ça donne. Je sais qu'ils travaillent sur la prise de différentes décisions, mais à un moment donné, ils doivent établir les priorités. Ils ont plusieurs tarifs simultanés, mais s'ils avaient davantage de ressources, d'une part, ils travailleraient plus rapidement à examiner chacun de ces tarifs. D'autre part, si on veut vraiment parler de durée, je proposerais une durée d'un an à un an et demi, mais tout cela dépend de la complexité du dossier.
[Traduction]
Mme Rioux : Mes observations vont entièrement dans le sens de celles de mes collègues.
J'aimerais pour ma part que cela soit divisé en deux périodes, soit la période précédant la tenue d'une audience sur les tarifs, et la période qui suit. Le calendrier pourrait être différent, pour des raisons valables, selon la complexité du dossier et le nombre d'intervenants au processus d'établissement des tarifs. J'aimerais qu'une décision soit rendue beaucoup plus rapidement après la tenue de l'audience sur les tarifs proposés.
Plus tôt, j'ai indiqué que dans le dossier des premiers tarifs de CSI, nos premiers tarifs pour la radio commerciale, la décision a été rendue 11 mois après l'audience. Fait étonnant, la décision relative aux services de musique en ligne a été rendue après six mois. J'aimerais à tout le moins que les tarifs soient confirmés dans l'année qui suit la tenue d'une audience.
M. Kee : Je dirais aussi que cela varie; il sera donc difficile d'établir des délais uniformes, car cela dépend beaucoup de la complexité du dossier dont la commission pourrait être saisie.
Outre l'enjeu des ressources, qui a été soulevé, il convient de trouver des façons de simplifier le processus pour qu'il soit plus rapide. Dans certains cas, la commission n'est pas responsable des retards. Cela découle simplement des parties en cause et de la nature très complexe des enjeux. Même à cela, s'il était possible de trouver une façon d'en faire abstraction, pour ainsi dire, afin de trouver une solution pendant que les choses sont en suspens, il pourrait être pertinent de le faire.
Dans cette veine, ce serait donc quelque chose comme neuf mois à un an, ou moins. Aucun fournisseur ne peut offrir son service tant que les résultats ne sont pas connus; ils doivent attendre que la commission rende une décision pour aller de l'avant.
Le sénateur Enverga : Puis-je poser une autre petite question?
Le président : J'aimerais d'abord que nous complétions un tour de table. Nous y reviendrons, si nous en avons le temps.
Le sénateur Greene : La question s'adresse principalement à M. Kee, peut-être. Pourriez-vous établir une comparaison entre l'expérience de votre société aux États-Unis et son expérience au Canada?
M. Kee : Eh bien, je dirais qu'en général, c'est certainement plus rapide.
Le sénateur Greene : Comment et pourquoi?
M. Kee : Essentiellement, on utilise un processus simplifié, ce qui accélère considérablement les choses.
De plus, ce qui nous ramène encore une fois au point soulevé plus tôt par le sénateur Black, la Commission du droit d'auteur du Canada n'est pas uniquement un organisme de dernier recours. On propose évidemment divers tarifs de façon anticipée, mais dont les détails restent à préciser. La Commission d'appel du droit d'auteur des États-Unis ressemble davantage à un processus d'appel. De plus, elle doit respecter des délais très fermes, délais qui lui sont dictés, de sorte qu'elle est essentiellement tenue de rendre une décision dans un délai précis. Cela a donc pour effet d'accélérer les choses considérablement.
Le sénateur Greene : Préféreriez-vous que le Canada adopte un régime similaire?
M. Kee : Oui, en général. J'aimerais sans doute faire une comparaison plus détaillée pour savoir quels éléments du système américain pourraient fonctionner ici et pourraient être intégrés au régime canadien. Nous trouvons en effet que les Américains parviennent à faire des choses plus efficacement. Ils semblent parvenir à établir des tarifs rapidement, avec des ressources comparables à celles de la Commission du droit d'auteur du Canada, ce qui démontre que son processus a tendance à être plus efficace.
Le sénateur Greene : Sont-ils 50 p. 100 plus rapides?
M. Kee : De mémoire, je ne saurais vous dire quels sont leurs délais précis. Je dirais que c'est au moins de cet ordre, étant donné qu'on n'y voit pas des retards comme ceux que nous constatons tous au Canada.
Le sénateur Greene : Aimeriez-vous faire un commentaire, madame Finlay?
Mme Finlay : Je crois comprendre que les décisions sont rendues dans les six mois, environ. Nous n'avons pas d'activités de ce genre aux États-Unis; je ne peux donc commenter davantage.
Le sénateur Greene : Merci.
Le président : Le sénateur Campbell m'avise qu'il croit être en conflit d'intérêts. Je ne suis pas de cet avis, mais quoi qu'il en soit, il aimerait en parler brièvement, avant de poser une question. Allez-y, sénateur Campbell.
Le sénateur Campbell : Chers collègues, j'aimerais simplement préciser, aux fins du compte rendu, que je crois avoir des intérêts d'ordre privé qui pourraient être touchés par la question dont nous sommes saisis. La nature générale de ces intérêts est que je reçois, à titre d'auteur, des redevances de droits d'auteur. On parle d'un montant de 400 $ par année. Je suis donc manifestement un auteur en difficulté, mais j'aimerais poser des questions. Lorsque j'étais scénariste, j'ai aussi été représenté par la Writers Guild. Je tenais simplement à le préciser. À mon avis, ce dont nous discutons aujourd'hui n'aura aucune incidence sur les droits d'auteur que j'obtiendrai de la vente de mon livre. Merci.
La technologie a-t-elle envahi l'industrie du droit d'auteur? Les choses évoluent si rapidement, maintenant. Qui aurait pu imaginer une plateforme comme Spotify, par exemple? Les définitions de la technologie dans nos lois sur les droits d'auteur suivent-elles cette évolution? Est-ce un des problèmes?
[Français]
M. Lavallée : Je vous dirais que non. Il est sûr qu'on est passé d'un mode analogue à un mode technologique, mais ce qui rend la situation difficile, ce sont les exceptions à la Loi sur le droit d'auteur. La Loi sur le droit d'auteur a été conçue pour être neutre au chapitre de la technologie. Quand on utilise cette expression, cela veut dire beaucoup de choses. Donc, de façon très précise, lorsqu'on copie pour produire un disque ou un fichier électronique, c'est le même acte de reproduction. C'est ce que j'entends par « neutralité », soit la neutralité du support et la neutralité de la technologie utilisée.
La complexité du droit d'auteur vient de la rédaction de la loi. Je ne veux pas faire déborder le débat, mais, quelque part, lorsqu'on s'interroge sur les délais de la commission et sur la complexité des questions auxquelles elle doit répondre, tout part de l'interprétation de la Loi sur le droit d'auteur. Il y a une blague selon laquelle quatre articles définissent les droits et 150 articles définissent les exceptions.
De plus, en novembre 2012 — c'est intéressant de vous voir rire en différé par rapport à la farce —, de nouvelles exceptions ont été introduites qui font en sorte que la complexité augmente. Vous connaissez la vitesse des tribunaux en général, pas seulement de la Commission du droit d'auteur. C'est seulement maintenant que l'on voit les conséquences de l'interprétation des articles et des exceptions introduits en novembre 2012. N'allez pas croire que c'est de la vieille histoire. C'est très courant et actuel.
Donc, je ne crois pas que la technologie soit venue compliquer les choses. Ce sont plutôt les exceptions à la loi qui ont contribué à compliquer ce qu'est une reproduction dans le cas du droit de reproduction, et ce que sont une communication publique et une mise à la disposition dans un contexte des exceptions à la loi.
[Traduction]
Mme Rioux : Je suis tout à fait d'accord avec Martin, et j'aimerais donner deux exemples qui expliquent pourquoi. Cela me ramène à mon exposé, dans lequel j'ai indiqué que la décision relative aux premiers tarifs de CSI pour la radio commerciale a été rendue après 11 mois, tandis que la décision pour les tarifs des services de musique en ligne a été rendue après six mois. C'était avant l'entrée en vigueur des exceptions à la Loi sur le droit d'auteur, en 2012.
Ces tarifs se voulaient également une réponse à l'évolution des technologies. À l'époque, les stations de radio venaient d'entreprendre une transition, pour la diffusion de la musique. Il s'agissait de passer des CD à des serveurs, et on avait de plus en plus recours à la copie d'œuvres musicales pour faciliter les activités de diffusion. C'était un virage technologique, mais le tarif a été approuvé assez rapidement.
En ce qui concerne le marché de la musique en ligne, notre première audience à cet égard a eu lieu en 2006, je crois. J'ai le tableau ici, je pense. La décision a été rendue six mois plus tard, en 2007. À cette époque, iTunes était devenu un acteur dominant dans le marché de la vente de musique en ligne. C'était une véritable transition de la vente de produits physiques, les disques compacts, à la vente de produits numériques. C'était un changement technologique majeur, mais nous avons tout de même réussi à obtenir ces décisions relativement rapidement.
M. Kee : Je suis persuadé que les technologies en évolution représenteront un défi, et même si le régime évolue au fil du temps pour répondre à ce défi, il a tendance à accuser un retard. Je pense que les droits musicaux sont un bon exemple, en ce sens qu'ils ont considérablement évolué sur des centaines d'années, au fil de l'évolution des technologies. À une certaine époque, il s'agissait d'un droit d'exécution en public qui était accordé aux personnes qui donnaient des spectacles. Ensuite, à mesure que la technologie évoluait, un droit de communication a été inclus dans le droit d'exécution en public. On peut argumenter sur la façon dont cela est interprété. Il y a aussi une évolution, essentiellement, en ce qui concerne les notions liées aux enregistrements sonores et aux gens qui font ces enregistrements.
Je pense donc qu'essayer de suivre l'évolution de la technologie sera un défi. C'est parfois une autre conséquence des délais à la commission, car elle tente aussi de suivre l'évolution. À cela s'ajoutent les changements législatifs qui visent également à tenir compte des technologies.
Je pense qu'il y aura des tensions continues. À mon avis, les principes fondamentaux sont solides; la question devient donc de savoir comment les appliquer.
Le président : Merci.
[Français]
La sénatrice Ringuette : J'ai une première question pour M. Lavallée. Restons dans le domaine musical. Combien y a-t-il de tarifs dans le secteur musical?
M. Lavallée : Laissez-moi les compter. Les tarifs fonctionnent par marché. Il y a le marché de la radio, donc la radio commerciale. Il y a le marché en ligne, qui ne couvre pas nécessairement toutes les activités en ligne. Il y a aussi de la musique dans les œuvres audiovisuelles. Il y a des tarifs télévisuels, des tarifs pour les films en ligne, parce que, évidemment, on vit une période de changement...
La sénatrice Ringuette : On parle d'environ une dizaine ou une douzaine de tarifs?
M. Lavallée : On parle d'une dizaine de tarifs. Il faut aussi ajouter un autre critère pour des périodes spécifiques, et c'est lorsqu'il y a des modifications apportées à la loi... En ce qui concerne la radio commerciale, une fois que la commission a établi le tarif, les parties sont arrivées à une paix industrielle. Donc, ils n'avaient pas pu s'entendre au départ, ils se sont adressés à la commission, ils sont parvenus à une paix industrielle pendant une dizaine d'années, et soudainement, il y a une exception à la loi. Ils doivent donc retourner devant les tribunaux, et là, on ne s'entend pas sur l'interprétation. Prenez une dizaine de tarifs et multipliez-les par le facteur que s'il y a un changement législatif, le tarif sera le même, mais pendant la période qui suit le changement à la loi.
La sénatrice Ringuette : Je comprends tout cela, mais vous, monsieur Lavallée, négociez-vous avec vos clients, les auteurs, sur une base annuelle, aux trois ans ou aux cinq ans?
M. Lavallée : Vous parlez de nos membres et de la durée du contrat d'adhésion? Deux ans.
La sénatrice Ringuette : Accordez-vous un permis d'utilisation pour une période de deux ans aussi?
M. Lavallée : Pas nécessairement, non. La période de deux ans est automatiquement renouvelable en fonction du répertoire. Ce qui est intéressant, c'est que nos tarifs sont habituellement prévus pour la durée la plus longue possible. Nous tenons compte des changements qui pourraient être apportés aux services qui seront offerts, donc en ce qui concerne la valeur de ces services, et non des changements au niveau technologique. Par exemple, on pourrait décider aujourd'hui d'offrir le service X, mais aussi les services Y et Z. Ce service était gratuit auparavant, mais il deviendra payant, ce qu'on n'avait pas prévu. On établira alors des tarifs de plus courte durée. Il n'y a pas de lien direct avec nos contrats d'adhésion. Il y a plutôt un lien direct avec le marché. Lorsque je dis que c'est pertinent, c'est parce que la commission prend du temps à prendre des décisions, ce qui nous force à prendre des tarifs de courte durée. On n'a aucune idée de la décision qui sera prise.
Je ne sais pas si vous me suivez. Par exemple, nous attendons actuellement une décision sur les services de musique en ligne de 2011-2013. On est en 2016. Donc, en 2014, 2015 et 2016, on a déposé des tarifs pour qu'il n'y ait pas de vide. Ces tarifs sont établis pour une période d'un an seulement.
La sénatrice Ringuette : En vertu du règlement, devez-vous les faire pour une durée d'un an seulement? Que la musique en ligne soit offerte par le serveur de Google ou par celui d'Amazon, cela demeure un service en ligne. Donc, le tarif devrait être constant et de longue durée, ce qui rendrait le système plus efficace.
M. Lavallée : C'est notre souhait. En ce qui concerne les tarifs de musique en ligne de 2011-2013, un nouveau produit s'est ajouté. Dans l'exemple que je vous ai donné, il n'y avait pas de transmission en continu, de webdiffusion. Ce n'était pas prévu, puisque le premier joueur au Canada en matière de musique en ligne, c'est Apple, qui offrait seulement du téléchargement permanent. Par la suite est arrivé le streaming, la transmission sur demande, ce qu'on avait déjà prévu. Ensuite, se sont ajoutés les Pandora de ce monde, qui offrent de la transmission en continu. Cela n'était pas prévu. Maintenant, on attend de connaître les règles du jeu, soit la décision de la commission, autant en ce qui a trait aux modalités qu'à la valeur, avant de proposer des tarifs de longue haleine. Sachez que c'est notre volonté que ce soit d'une durée commercialement acceptable, soit de trois à cinq ans.
La sénatrice Ringuette : Je vous remercie.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence. Tout cela est assez compliqué. On essaie de comprendre. Évidemment, comme le sénateur Black l'a dit, la plainte qui revient souvent vise les délais, les retards, qui entraînent une incertitude et qui compliquent les transactions et le marché.
Vos commentaires sont clairs en ce qui concerne les États-Unis et le conseil. Je comprends qu'en 2014, le conseil a fait une révision de son processus. Quelles conclusions en a-t-il tirées? Le conseil voit bien qu'il y a des retards assez importants. Ce sont certainement des gens engagés et professionnels. Ils ont dû faire des efforts pour améliorer le processus. Serait-il possible d'obtenir un compte rendu du rapport de 2014, de connaître les conséquences qui en ont découlé et de déterminer où nous en sommes rendus aujourd'hui? Je ne sais pas si quelqu'un serait en mesure de me répondre.
[Traduction]
Mme Rioux : Je vais tenter de donner une réponse courte. Si j'ai bien compris, le processus a été suspendu. La Commission du droit d'auteur considérait qu'étant donné l'examen quinquennal imminent de la Loi sur le droit d'auteur et le fait que la commission serait visée par cet examen, il valait mieux suspendre le processus d'examen interne et de consultation. Je ne sais pas si cette évaluation a mené à des conclusions.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je comprends qu'ils ont mené des consultations et qu'ils en ont discuté avec vous. Est-ce dire que vous n'avez jamais vu le rapport final de cette étude?
[Traduction]
Mme Finlay : Je tiens à préciser que je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fait que le personnel de la commission et les membres du groupe d'experts sont des gens incroyablement compétents et dévoués. Personne ne dit le contraire.
Je ne sais pas si la commission a tenu des consultations aussi exhaustives que nous l'aurions souhaité. Un groupe de travail a été créé et, à ma connaissance, il était surtout formé d'experts-conseils externes qui représentent souvent des sociétés de gestion comme la nôtre et des utilisateurs devant la commission. C'est ce groupe de travail qui a examiné le fonctionnement de la commission.
Les dernières informations que j'ai obtenues sur le travail de la commission à cet égard sont celles contenues dans le rapport du groupe de travail de février 2015. Il a été présenté à divers intervenants, mais à ma connaissance, peu de choses ont été faites depuis. Je suis certaine que la commission mène une multitude d'activités et de discussions internes. Nous n'y avons tout simplement pas participé et nous n'avons pas été consultés.
Le sénateur Massicotte : Qui faisait partie du groupe de travail dont vous avez parlé?
Mme Finlay : D'après ce que je comprends, c'était ce groupe de travail. Les consultations ont principalement été menées auprès d'un groupe d'experts-conseils externes qui représentent diverses parties devant la commission. Ce groupe de travail a été créé pour mener ces études. D'autres projets de recherche ont également eu lieu.
Le sénateur Massicotte : Mais cela n'a donné aucun résultat concret et précis?
Mme Finlay : Des recommandations ont été présentées aux plus hautes instances, mais nous ne savons pas ce qui s'est passé depuis.
[Français]
M. Lavallée : Si vous me le permettez, je confirme que ce sont des procureurs externes des sociétés et des utilisateurs. L'une des raisons pour lesquelles tout a été mis sur la glace, c'est qu'au moment où les recommandations ont été mises de l'avant et qu'elles ont été communiquées à toutes les parties impliquées pour qu'elles transmettent leurs commentaires, celles-ci n'ont pas réussi à s'entendre. C'est tout à fait normal, parce que ce sont des intérêts très divergents qui représentent la partie défenderesse, d'une certaine manière, qui est souvent l'utilisateur, et la partie demanderesse, qui est souvent l'ayant droit.
J'aimerais parler de la partie défenderesse, soit les utilisateurs, et revenir à votre question, sénateur Campbell, à savoir si les technologies ont changé des choses. Les joueurs qui utilisent nos œuvres sont Apple, Spotify, Amazon, Pandora, Google et Netflix. Ce sont les joueurs dont on parle actuellement. Pour la musique francophone ou mondiale que SODRAC représente, pour la musique des majors qui sont fortement représentés par l'Agence canadienne des droits de reproduction musicaux (CMRRA), les nouveaux joueurs avec lesquels nous faisons affaire sont des gens très bien équipés, très complexes, qui ont des intérêts à défendre. De notre côté, nous avons aussi des intérêts à défendre. Souvent, il est difficile d'obtenir des règles du jeu équitables, et la commission nous aide dans ce processus.
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Merci d'être ici.
À écouter cela, on constate évidemment que c'est complexe. Cela me rappelle un dicton que j'ai souvent entendu : la devise du gouvernement, c'est qu'il n'y a rien qu'on ne peut rendre plus complexe. Au risque de trop verser dans les clichés, j'ajouterais le dicton suivant : la perfection est l'ennemi du bien.
Ma question porte sur les délais fixés aux États-Unis. Je suppose que leurs lois sur le droit d'auteur sont aussi complexes que les nôtres. Vous avez mentionné que la commission américaine a des ressources comparables à notre commission, mais qu'elle se conforme aux délais qu'elle est absolument tenue de respecter pour la prise des décisions. Cela peut être réconfortant, souvent, parce que dans le cas des dossiers complexes, il arrive qu'on présente des arguments contraires, ce qui entraîne une analyse exhaustive qui peut mener à la paralysie.
Premièrement, ai-je raison de dire que le problème est peut-être attribuable à l'absence d'une échéance et à la complexité accrue des processus? La commission a besoin de plus de données, car elle veut rendre une décision parfaite. Aux États-Unis, on cherche plutôt à rendre une décision acceptable, car il y a des échéances à respecter. Seriez-vous prêts à vivre avec une décision acceptable si de telles échéances étaient fixées au Canada?
Mme Finlay : À mon avis, vous visez juste. Vraisemblablement, c'est la façon de faire aux États-Unis : rendre une décision acceptable. Un des problèmes avec lesquels nous devons composer et que nous avons remarqués récemment, comme l'a souligné Mme Rioux, concerne les décisions rendues après les audiences. D'innombrables questions sont posées après les audiences dans le but, justement, de trouver la réponse parfaite. Ce n'est peut-être pas possible ou même idéal.
Je suis d'accord avec vous : nous devons faire en sorte que des décisions acceptables soient rendues pour que le marché puisse redémarrer. Nous trouverons une solution. Une fois que la commission aura rendu des décisions importantes, nous négocierons des licences et nous y arriverons. Le marché reprendra. Mais, je suis tout à fait d'accord avec vous.
J'aimerais prendre un instant pour préciser une chose, car je ne voudrais pas être mal citée dans le compte rendu. La commission à consulter tous les intervenants concernant le document et avant de formuler sa recommandation. Je ne voudrais pas que vous ayez l'impression qu'elle ne nous a pas consultés. Elle l'a fait.
Le sénateur Tannas : Je m'adresse aux autres témoins : seriez-vous satisfaits d'une décision acceptable? Accepteriez- vous que des décisions soient rendues en l'espace de six mois plutôt que d'avoir à composer avec un processus sans échéance qui peut s'étirer sur des années? Seriez-vous prêts à accepter le modèle américain pour ces décisions qui sont toutes aussi complexes et qui soulèvent les mêmes questions qu'ici?
Mme Rioux : Je ne partage pas tout à fait votre avis. Chaque audience peut être unique et traiter de questions différentes, certaines plus complexes que d'autres. À mon avis, les joueurs doivent trouver un consensus sur la question d'une échéance pour rendre une décision. Pour l'heure, nous ignorons combien de temps il faudra attendre avant qu'une décision soit rendue. Comme nous l'avons souligné, en novembre, cela fera trois ans que nous attendons une décision, soit depuis l'audience sur notre dernier tarif en ligne. Il aurait été agréable de convenir d'une échéance de 12 à 18 mois, par exemple, pour une décision dans ce dossier, mais nous n'avons aucune idée de l'échéance, donc nous ignorons quand une décision sera rendue.
Plutôt que de dire que toute décision doit être rendue avant une date donnée, je crois qu'il faudrait discuter et convenir que certaines décisions relatives aux tarifs seront rendues...
Le sénateur Tannas : Le problème existe déjà, puisque vous n'arrivez pas à dégager un consensus, n'est-ce pas? Serait-il possible de dire que l'échéance est X, à moins que les parties n'en conviennent autrement?
Mme Rioux : Concernant les échéances? Oui.
Le sénateur Tannas : L'échéance est X, à moins que les parties conviennent de le prolonger.
Mme Rioux : Ou de le raccourcir.
Le sénateur Tannas : Vous avez probablement raison.
Le président : Je crois qu'il faut fixer un délai. Un exemple : « Quand aurez-vous terminé ma maison? Oh, je ne sais quand. » Je suis désolé, mais cela ne convient pas.
Le sénateur Tannas : C'est complexe.
Le président : Effectivement, non? Nous avons des échéances pour tout, sinon, rien ne se ferait. Il faut fixer des échéances dans ce cas-ci. Nous avons même des échéances ici. Il nous reste trois minutes, donc vous disposerez chacun d'une minute et demie. J'aimerais que seulement l'un d'entre vous réponde, à moins que vous n'ayez quelque chose de monumental à ajouter. Dans ce cas, vous pourrez intervenir.
Le sénateur Black : J'aimerais vous poser une question sur le processus, dans le même ordre d'idée que mon collègue, le sénateur Tannas. J'aimerais parler de la simplification du processus. Serait-il possible de simplifier le processus de façon à ce qu'au lieu de participer à une audience complète, les sociétés puissent rencontrer un responsable ou un arbitre lors de la phase initiale et qu'à l'intérieur d'un court délai, celui-ci soit tenu de résoudre la question ou de demander la tenue d'une audience? Ainsi, comme le soulignait le sénateur Tannas, la question est résolue en l'espace de 12 mois, sauf si les parties conviennent d'une autre échéance. C'est logique?
Mme Finlay : Absolument. Je crois qu'il est logique de faire de la gestion de dossier, mais il faudrait peut-être également un médiateur.
Le sénateur Black : Il n'y en a pas en ce moment?
Mme Finlay : Non.
Le sénateur Black : A-t-on recours à des médiateurs dans le processus aux États-Unis?
M. Kee : Parfois. Cela dépend. Encore une fois, je conviens que la perfection peut être l'ennemie du bien, mais il est important de comprendre que les utilisateurs et les sociétés de gestion collective représentent des intérêts différents. Il y aura toujours des différends concernant les droits.
Le sénateur Black : Le temps file et nous devons poursuivre. La médiation ou l'arbitrage exécutoire?
Mme Finlay : L'arbitrage exécutoire est essentiel, la gestion de cas.
Le sénateur Black : Très bien. Vous avez abordé l'élimination de la rétroactivité. Cela me paraît raisonnable. Y a-t-il un consensus à ce sujet?
Mme Finlay : Pourvu que les tarifs soient homologués dans un délai raisonnable, sinon on y perd beaucoup.
Le sénateur Black : Supposons que des échéances sont établies et qu'il y a une certaine discipline quant à leur respect, l'imposition de taux rétroactifs serait punitive, non?
M. Lavallée : C'est punitif pour les détenteurs des droits, car ils perdent leurs droits.
Le sénateur Black : D'accord. C'est l'envers de la médaille.
M. Lavallée : Je m'opposais totalement l'idée en raison de l'utilisation des droits. La Loi sur le droit d'auteur est claire : personne ne peut utiliser les droits sans en avoir obtenu l'autorisation.
Le sénateur Black : Ce n'est pas une bonne idée.
M. Lavallée : Non, ce n'est pas une bonne idée. Soit dit en passant, c'est la raison pour laquelle la commission rend des décisions intérimaires.
Le sénateur Enverga : Nous parlons, notamment, d'échéances. J'aimerais savoir combien d'intervenants sont touchés. Il me semble que ce sont davantage les artistes qui peinent à joindre les deux bouts, comme le sénateur Campbell, qui sont touchés. Combien de personnes sont concernées? Y a-t-il des arriérés? Savez-vous quelle est la taille de l'arriéré concernant l'homologation des tarifs?
Mme Rioux : Des arriérés? En fait, oui, il y en a. Comme nous l'avons souligné plus tôt, notre tarif relatif à la musique en ligne pour la période allant de 2011 à 2013 n'a pas encore été homologué.
Le sénateur Enverga : Combien y a-t-il d'arriérés?
Mme Rioux : Je dirais que ce tarif s'applique à environ 25 services de musique différents et touche un très grand nombre de détenteurs de droits. On parle de centaines de milliers d'auteurs-compositeurs et d'éditeurs de musique.
Le président : Je tiens à remercier les témoins d'avoir accepté notre invitation. Vous nous avez offert d'excellents exposés et je crois que nous en savons un peu plus maintenant sur la question.
Chers collègues, je tiens à vous rappeler que le comité de direction se réunira après la présente séance. Deux d'entre vous devront rester.
Nous sommes heureux d'accueillir plusieurs organismes d'attribution de permis et représentants des créateurs de contenu. Plus précisément, nous accueillons M. Graham Henderson, président et chef de la direction, Music Canada; M. Gilles Daigle, chef du contentieux et chef du service des Affaires juridiques, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique; Mme Margaret McGuffin, directrice générale, Association canadienne des éditeurs de musique; et Ian MacKay, président, Re:Sound Music Licensing Company.
Monsieur Henderson, vous avez la parole.
Graham Henderson, président et chef de la direction, Music Canada : Merci. Je m'appelle Graham Henderson et je suis le président de Music Canada. Contrairement à certains des autres témoins entendus précédemment, je représente les grandes sociétés discographiques, celles qui, en collaboration avec les artistes, font, créent, promeuvent et mettent en marché la musique. Nous avons conclu des partenariats économiques et de création avec nos artistes et des ententes de distribution, entre autres, avec de nombreux distributeurs indépendants étrangers.
Nous employons des centaines de Canadiens. Donc, la discussion d'aujourd'hui et les activités de la Commission du droit d'auteur auront un impact direct sur le gagne-pain de bon nombre de Canadiens. C'est important.
Évidemment, le droit d'auteur est le moteur économique du secteur de la musique. Sans droits d'auteur, nos membres et artistes ne pourraient pas monnayer leurs œuvres et gagner leur vie. Dans ce contexte, la Commission du droit d'auteur est une institution clé et, comme vous le savez pour l'avoir entendu aujourd'hui, la commission fixe les taux. Nous pouvons facturer pour tout, des nouveaux services novateurs en ligne à la diffusion de musique en ligne ou par satellite. Tout.
J'ai écouté le groupe de témoins précédent. Je vais donc éviter de reprendre ce que vous avez déjà entendu. On vous a répété que le processus est lent, et c'est vrai. C'est atroce. Des questions ont été soulevées sur les conséquences de cette lenteur et ce que cela signifie. Pour nous, cela rend très difficile l'élaboration de prévisions.
Vous avez entendu parler de l'étude qui conclut à une échéance de trois ans et demi. Ce chiffre peut être légèrement trompeur. C'est une moyenne. Pour les tarifs plus importants sur le plan économique, on parle d'une échéance de quatre à six ans. Alors, ne vous fiez pas à la moyenne. Regardez plutôt les tarifs importants. Quelles sont les échéances pour ces tarifs?
Vous avez entendu parler brièvement de la rétroactivité. Ce n'est pas vraiment un problème sur le plan financier. Si vous et moi, dans le cadre de négociations, convenons, dès le début, que je dois vous verser une somme X et que nous ne trouvons une solution qu'au 200e jour, je sais quel sera le montant final. Toute entreprise peut réserver des fonds en prévision d'un résultat.
Toutefois, la rétroactivité a des conséquences et, si la situation s'étire, elle peut semer le chaos sur le marché. De plus, les détenteurs de droits veulent se faire payer dès le début, dès que leurs œuvres sont utilisées. Ils ne veulent pas attendre des années.
Oui, nous souhaitons que des échéances soient fixées. C'est en grande partie une question de pratiques exemplaires, à mon avis. Je crois que le comité devrait se préoccuper de la situation à la Commission du droit d'auteur. Travaillons- nous tous à trouver les meilleures pratiques exemplaires dans le monde? En fait, dans ce cas-ci, il existe de très bonnes pratiques exemplaires aux États-Unis. Dans le cadre d'une conférence, l'an dernier, nous avons demandé à un juge de nous parler des échéances. Il a dit : « Les échéances permettent de garder l'esprit éveillé. » C'est un peu ce que je retiens jusqu'à maintenant de cette étude. D'ailleurs, aux États-Unis, c'est plutôt une échéance de 11 mois, et non de 6 mois, du début des audiences à la décision, soit tout le processus. Donc, c'est possible.
Certains avancent qu'il y a un manque de ressources. Je suis convaincu que nous avons tous besoin de plus de ressources, mais n'est-ce pas là une façon de grossir l'organisation? Ne faudrait-il pas nous pencher sur ce que nous faisons, la façon dont nous procédons et pourquoi nous procédons ainsi? Peut-être que si nous continuons de procéder de la même façon, nous aurons effectivement besoin de plus d'avocats et d'économistes. Peut-être y a-t-il une façon de simplifier le tout.
Donc, si tout ce que nous faisons, c'est de modifier un peu le processus, on risque de faire grossir l'organisation plutôt que — peut-être que l'organisation devrait être plus petite. Peut-être...
Le président : N'oubliez pas que vous parlez d'une organisation gouvernementale.
M. Henderson : Quoi? Pardon? Où suis-je? Bon, d'accord. Je vais passer à autre chose.
L'autre point que j'aimerais soulever avec le temps qu'il reste à mon intervention, c'est que le problème n'est pas seulement la lenteur du processus. La commission elle-même est imprévisible. Outre cette exigence générale qu'elle a en matière d'établissement des taux, elle n'est tenue de respecter aucun critère précis quant à l'établissement des taux de redevance.
Par exemple, elle n'est pas tenue de s'appuyer sur les taux du marché. Souvent, elle rejette des taux déjà négociés entre les mêmes parties ou des parties similaires pour la même utilisation d'œuvres protégées.
Les juges et décideurs sont rarement des spécialistes du domaine concerné. C'est la raison pour laquelle ils s'appuient sur les témoignages d'experts. D'ailleurs, une des principales responsabilités des juges et décideurs est d'analyser les témoignages d'experts et d'en tenir compte lors de leur analyse des faits du dossier à l'étude. Dans le cadre d'audiences relatives aux tarifs, la commission a souvent rejeté les témoignages d'experts des deux parties pour ne tenir compte que des précédents qu'elle a elle-même établis ou des analyses économiques de son personnel.
Pour moi et les entreprises et artistes que je représente, il s'agit d'une tendance très troublante et c'est injuste sur le plan procédural. La commission devrait tenir compte des meilleurs témoignages fournis. C'est ce que font les juges à l'échelle du pays. Il faut mettre un terme à ce genre de processus décisionnel.
J'ai dépassé les cinq minutes qui m'étaient allouées. Je vais donc m'arrêter ici en attente des questions des membres, s'il y a lieu.
Gilles Daigle, chef du contentieux et chef du service des Affaires juridiques, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique : Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier le comité d'avoir invité la SOCAN à témoigner et de lui donner l'occasion de participer à cette discussion. Cette question revêt une grande importance pour nous et nos membres.
J'aimerais d'abord préciser qu'en tant que société de perception, la SOCAN administre les droits d'exécution liés aux œuvres musicales. Cette responsabilité diffère légèrement de celle des témoins entendus plus tôt qui eux administrent les droits de reproduction, soit la fabrication de copies. Pour la SOCAN, il s'agit davantage de concerts, de performances musicales et de reproduction, mais aussi de stations radiophoniques et de chaînes de télévision. Il ne fait aucun doute que nos tarifs de diffusion constituent notre plus grande source de revenus, mais nous travaillons également avec une panoplie de petits utilisateurs, comme des bars, restaurants, arénas et établissements de karaoké.
Pour répondre à une question soulevée plus tôt, la SOCAN administre 25 tarifs. Donc, pour avoir une idée d'ensemble des activités associées à l'écoute de la musique au pays, et c'est sensiblement la même chose partout ailleurs, il faut regarder les différentes utilisations que l'on fait des œuvres et ce que font les sociétés de gestion.
La SOCAN compte 130 000 membres. Un peu plus tôt, quelqu'un a soulevé la question des membres. De façon similaire, nous servons environ 120 000 utilisateurs, des petits établissements et petites salles de concert au Centre national des arts et aux diffuseurs au pays.
Je suis ici pour vous parler, essentiellement, de ce qui constitue, selon moi, le plus grand problème — et c'est peut- être quelque chose qui se précise pour vous au fur et à mesure des séances que vous menez —, soit le temps que met la commission à rendre des décisions après les audiences. Le processus est lent, voire extrêmement lent, mais cela n'a pas toujours été ainsi.
J'ai eu le plaisir, et cela a vraiment été un plaisir, de participer activement pendant 26 ans aux audiences de la Commission du droit d'auteur en tant qu'avocat pour la SOCAN. Cela explique en grande partie mes cheveux gris. Lors de mes débuts dans cette industrie, en 1990, la Commission du droit d'auteur n'avait que deux responsabilités : approuver les tarifs de la SOCAN, comme le faisait son prédécesseur — à temps partiel, dois-je le souligner —, et administrer un nouveau régime de redevances pour la retransmission. Les audiences étaient très remplies, mais elles n'avaient lieu que tous les cinq ans.
À l'époque, la commission prenait habituellement de 6 à 12 mois avant de rendre une décision, mais elle a changé depuis. Comme l'ont souligné certains de mes collègues, son mandat n'est plus le même; il a considérablement changé. De nouveaux droits ont été créés et enchâssés dans la Loi sur le droit d'auteur, en 1997. Mon collègue vous en parlera certainement. Ces droits ont obligé la SOCAN à déposer ses tarifs auprès de la commission. Elle n'a pas le choix; elle doit déposer ses tarifs auprès de la Commission du droit d'auteur.
L'arrivée de nouveaux joueurs devant la commission et les modifications apportées à la Loi sur le droit d'auteur signifient que la SOCAN n'est plus seule. D'autres parties, comme les sociétés de gestion des droits de reproduction, l'ACDRM, par exemple — d'ailleurs, l'agence est venue témoigner — ont maintenant le droit de déposer des tarifs et se prévalent de ce droit.
En raison de ces nouveaux droits et avec l'arrivée de ces nouvelles sociétés de gestion, nous devons maintenant composer avec de nouveaux opposants et de nouveaux utilisateurs, ce qui signifie que les audiences sont plus fréquentes et plus longues. À cela s'ajoute la complexité des nouvelles technologies, notamment Internet qui crée des situations très complexes. Depuis ce temps, nous sommes devant les tribunaux pour régler ces situations.
La Commission du droit d'auteur admet qu'il y a un problème. Les dirigeants de la commission souhaitent que celle- ci puisse rendre ses décisions plus rapidement, mais prétendent qu'elle n'a plus les ressources nécessaires pour le faire. À mon avis, après avoir participé aux activités de la commission au cours des 26 dernières années, je crois qu'ils ont raison de dire cela. Si l'on arrive à résoudre ce problème, bon nombre des autres problèmes se résoudront d'eux- mêmes. C'est le message que j'aimerais vous livrer.
Merci.
Margaret McGuffin, directrice générale, Association canadienne des éditeurs de musique : Je vous remercie de me donner l'occasion de faire cette présentation. Je voudrais commencer par vous parler brièvement de l'Association canadienne des éditeurs de musique, de nos membres et du rôle que joue la Commission du droit d'auteur Canada dans leurs activités.
L'Association canadienne des éditeurs de musique représente plus de 40 éditeurs de musique, des sociétés multinationales aux grands éditeurs canadiens et aux petits entrepreneurs qui ne comptent qu'un ou deux employés. Ces sociétés représentent toutes des milliers de chansons et d'auteurs-compositeurs canadiens et investissent dans ces gens. Ces chansons sont entendues chaque jour à la radio et à la télévision, dans des productions cinématographiques et dans les jeux vidéo auxquels jouent vos enfants.
Les créateurs ont besoin d'un marché qui fonctionne afin d'innover et de rehausser la compétitivité du Canada à l'échelle mondiale. Dans le monde de l'édition musicale, nos membres sont confrontés à un modèle qui évolue rapidement et dans lequel les redevances pour les téléchargements et les produits physiques diminuent plus rapidement que nous n'arrivons à récupérer les redevances associées à la diffusion en continu. Tout change rapidement.
Malheureusement, cette position sur le marché souffre encore plus lorsque nous n'avons pas accès à une Commission du droit d'auteur possédant les ressources nécessaires pour approuver rapidement et efficacement nos tarifs. Ce délai dans l'établissement des tarifs a créé beaucoup d'incertitude, non seulement pour les entreprises canadiennes, mais aussi pour les services de musique en ligne qui voient le jour, tant au Canada qu'à l'étranger. Ceci nuit aussi bien aux détenteurs de droits qu'aux services eux-mêmes.
Laissez-moi d'abord prendre un peu de recul et vous parler de l'industrie canadienne de l'édition musicale, un monde que peu de gens connaissent. Bien que certains musiciens enregistrent leurs propres chansons, d'autres rédigent leurs pistes en collaboration avec d'autres artistes. Certains chantent les chansons d'autres auteurs-compositeurs. Les auteurs-compositeurs ne sont pas nécessairement des gens célèbres — vous n'avez peut-être jamais entendu parler d'eux —, mais vous entendez leurs chansons dans tous les endroits dont nous avons parlé. Ils jouent un rôle très important dans l'économie créatrice du Canada.
L'éditeur de musique est le partenaire d'affaires de l'auteur-compositeur. Il investit dans l'auteur-compositeur, l'appuie dans son développement créatif et utilise ses connaissances spécialisées et ses contacts pour faire connaître l'auteur-compositeur et ses chansons.
L'ACEM et notre partenaire au Québec ont mené récemment un sondage auprès de nos membres pour examiner l'industrie. Les résultats du sondage montrent que nos membres — seulement nos membres, et non tous les intervenants de l'industrie de l'édition musicale — forment une industrie de 200 millions de dollars au pays. Les droits d'interprétation, perçus par la SOCAN, représentent 56 p. 100 de cette somme, tandis que les droits de reproduction représentent 22 p. 100. D'autres droits sont également perçus, comme les frais de licence de synchronisation, soit l'introduction d'une chanson dans un film, un jeu ou un long métrage.
Les droits d'interprétation sont perçus par la SOCAN, les droits de reproduction par la CMRRA et la SODRAC et, dans certains cas, la CMRRA et la SODRAC perçoivent des redevances par l'entremise de CSI. Ces quatre sociétés de gestion collective accèdent au cadre législatif de la Commission du droit d'auteur et s'appuient de différentes façons sur ce cadre.
La Commission du droit d'auteur joue un rôle essentiel en établissant la valeur inhérente de la musique et est vitale pour la survie de l'industrie de l'édition musicale au Canada. Nos membres souhaitent que la Commission du droit d'auteur soit indépendante et qu'elle dispose des ressources nécessaires afin de pouvoir réagir rapidement aux changements qui surviennent constamment dans notre paysage technologique. Ce n'est pas le cas en ce moment. Comme vous l'avez déjà entendu, nos membres attendent encore des tarifs de CSI. De plus, nous attendons toujours une évaluation du droit de mise à disposition adopté dans l'amendement de 2012 de la Loi sur le droit d'auteur.
Notre organisation ne se présente pas avec une recommandation parfaite, mais nous croyons que le type de ressources dont a besoin la Commission du droit d'auteur doit faire l'objet d'un examen approfondi et, selon nous, il n'est pas nécessaire que cet examen soit lié à l'examen de la Loi sur le droit d'auteur prévu pour 2017.
Les éditeurs de musique canadiens accueillent favorablement la croissance des nouveaux services de musique en ligne et l'arrivée des nouvelles technologies qui rapprochent les amateurs de musique de la musique qu'ils aiment. La croissance du marché de la musique en ligne représente une occasion essentielle pour les auteurs-compositeurs et éditeurs de musique canadiens. Toutefois, ces titulaires de droits méritent de recevoir une juste contrepartie pour ce que leur musique apporte à ces services de musique.
Je tiens à vous remercier de nous avoir invités aujourd'hui et je serai heureuse de répondre à vos questions.
Ian MacKay, président, Re:Sound Music Licensing Company : Merci de nous avoir offert cette occasion de témoigner au comité sur cette question.
J'aimerais d'abord vous parler brièvement de mon organisation, Re:Sound. Il s'agit d'une organisation sans but lucratif ayant comme mandat d'obtenir une indemnité équitable pour les artistes et maisons de disques relativement à leurs droits d'interprétation et de communication. Ce que fait la SOCAN pour les auteurs-compositeurs et éditeurs de musique, nous le faisons pour les interprètes et les producteurs des enregistrements sonores.
Nous protégeons les droits de redevance de milliers de musiciens de scène et de séance, ainsi que ceux de maisons de disques importantes et indépendantes, lorsque la musique est jouée à la radio populaire, par radio satellite, sur des services payants et des services de musique en continu et dans des entreprises, comme les boîtes de nuit, les magasins et les centres de conditionnement physique. Les sommes perçues sont divisées à parts égales entre les interprètes et maisons de disques, et ce, à la source.
Je suis d'accord avec ceux qui disent que la Commission du droit d'auteur joue un rôle primordial dans l'écosystème musical canadien. Cela ne fait aucun doute. La commission estime que les tarifs qu'elle homologue génèrent annuellement 434 millions de dollars en redevances, et celles-ci représentent une partie extrêmement importante du gagne-pain des créateurs.
Au-delà de tout cela, la commission a un impact sur l'économie générale du Canada et un grand nombre de Canadiens. En 2014, le Comité permanent du patrimoine canadien a souligné qu'à lui seul le secteur canadien de la musique contribue près de 3 milliards de dollars à l'économie canadienne, y compris plus de 10 000 emplois dans les secteurs de l'enregistrement sonore et des concerts et plus de 30 000 auteurs-compositeurs professionnels.
Tout comme la SOCAN qui doit déposer ses tarifs à la Commission du droit d'auteur — comme Gilles l'a souligné plus tôt —, Re:Sound doit faire homologuer les droits des gens qu'elle représente par la commission. Contrairement aux droits exclusifs dont vous avez entendu parler, comme les droits de reproduction, nous n'avons pas le choix. Même si nous concluons un accord avec les utilisateurs de musique, nous devons tout de même présenter cet accord à la Commission du droit d'auteur pour qu'il soit homologué.
Il y a plusieurs points dont le comité devrait tenir compte.
D'abord, comme d'autres vous l'ont dit, dans cette ère du numérique, les choses évoluent si rapidement en matière de modèles d'affaires et de consommation musicale, que le processus d'homologation ne suit plus. D'autres témoins vous ont déjà beaucoup parlé de la lenteur du processus relativement aux tarifs, alors je n'en parlerai pas. Mais, pour nous, un autre élément s'ajoute. Même si nous convenons d'un tarif et que nous déposons notre accord à la commission, l'homologation de l'accord peut prendre de deux à trois ans. Nous avons conclu un accord, mais nous devons tout de même attendre de deux à trois ans avant qu'il soit officiel.
En raison de la rapidité avec laquelle les choses évoluent, s'il faut attendre deux ans ou plus entre l'audience et la décision, il y a des chances que le modèle d'affaires et les données ne soient plus valides. C'est le cas, notamment, comme d'autres vous l'ont dit, en ce qui concerne la musique en continu. La consommation de musique en continu a explosé au cours des cinq dernières années. Donc, si vous devez attendre deux ans avant que vos tarifs soient homologués, le monde a le temps de beaucoup changer. Le monde de la consommation musicale n'est plus le même.
Qui plus est, la consommation musicale est de moins en moins limitée par les frontières internationales et soulève des questions relativement aux juridictions. À mon avis, il est important que le régime canadien ne soit pas entièrement isolé. En raison de la mondialisation qui s'accentue, nous ne pouvons pas nous le permettre. Si notre approche est contraire à ce qui se fait ailleurs, les créateurs et industries de création canadiens risquent d'être désavantagés.
Évidemment, le Canada n'est pas le seul à devoir composer avec les défis liés au numérique. De nombreux tribunaux ont eu à se pencher sur la question. Vous l'avez entendu plus tôt : de nombreux tribunaux doivent respecter des échéances fixes pour rendre leurs décisions. Des questions ont été posées concernant le tribunal américain et, effectivement, celui-ci doit rendre ses décisions dans un délai établi. De plus, dès le début du processus, le tribunal doit organiser une conférence de règlement. Ensuite, comme l'a souligné Graham, tout le processus, soit de l'audience à la décision, prend environ 11 mois.
La commission des États-Unis se différencie aussi en ceci qu'elle est composée de trois juges à temps plein : un juge en chef possédant de l'expertise en matière de droit d'auteur, un autre juge, également doté d'expertise sur le plan du droit d'auteur, et un troisième juge expert des questions économiques. Cette commission a établi des critères obligatoires qu'elle doit utiliser pour appliquer ses décisions, et ce, dans un délai prescrit.
À l'échelle internationale, quantité de pays imposent également des critères et des délais obligatoires. De nombreux pays veulent que les créateurs et les utilisateurs de musique s'entendent et ne s'adressent à la commission qu'en cas de besoin.
Lorsque les créateurs et les utilisateurs de musique peuvent s'entendre sur les conditions d'un tarif et évitent ainsi une audience complète, l'établissement des tarifs devrait s'effectuer rapidement. S'il faut faire appel à la commission, le processus devrait être plus rapide. Cette approche devrait inciter les parties comme nous et les utilisateurs de musique à négocier ensemble des conditions et à éviter des audiences longues et très onéreuses pour tous les intéressés. Voilà qui libérerait des ressources de la commission, qu'elle pourrait affecter à d'autres tâches.
Le délai nécessaire pour en arriver à des décisions constitue assurément le point le plus problématique pour la commission. Selon nous, il vaudrait vraiment la peine d'examiner ce qu'il se fait dans d'autres pays. Diverses personnes ont donné certains exemples. En prenant ces exemples avec celui du système judiciaire, où les tribunaux prennent rapidement des décisions, et en nous demandant comment nous pouvons appliquer ces façons de faire à la situation de la Commission du droit d'auteur, nous pouvons permettre au marché d'être florissant dans le monde d'aujourd'hui, qui évolue rapidement.
Merci de m'avoir accordé votre attention.
Le sénateur Tannas : Vous étiez ici plus tôt, et vous avez, je crois, fait écho à bien des propos que nous avons entendus. Je veux m'assurer que nous sommes tous au diapason.
En ce qui concerne l'affectation de ressources supplémentaires à la commission, certains sont pour, alors que d'autres jugent que ce n'est pas nécessaire. Considérons que c'est un « peut-être », et nous entendrons ce que la commission elle-même a à dire à ce sujet.
Est-ce que tout le monde partage le même avis au sujet des délais et de la gestion de dossier à partir de l'accueil?
Mme McGuffin : Oui.
M. Daigle : Si je peux me permettre une remarque, monsieur, cela dépendrait du financement adéquat, selon moi.
Le sénateur Tannas : C'est juste. Nous voulons de bonnes décisions, mais prises dans un certain délai, n'est-ce pas?
M. Daigle : Exactement.
Le sénateur Tannas : Je pense que c'est bon.
Monsieur MacKay, vous avez indiqué que l'on devrait toujours chercher à s'entendre sans devoir s'adresser au gouvernement pour lui demander de fixer un chiffre artificiel et arbitraire.
Dans les tribunaux, j'ai malheureusement appris une chose intéressante au cours des expériences que j'y ai vécues : chacune des parties peut proposer une offre. En fait, les deux peuvent le faire. Si le tribunal juge que votre chiffre est juste et que le mien ne convient pas, mes frais de cours sont deux fois plus élevés, car je dois payer vos frais de cour parce que ma proposition n'était pas raisonnable aux yeux du tribunal.
Je ne préconise pas nécessairement cette méthode, bien que je la considère comme étant potentiellement intéressante. Il existe toutefois, outre la gestion de dossier à partir de l'accueil, d'autres outils qui pourraient s'avérer très efficaces. Par exemple, la personne qui a raison pourrait dire : « Regardez, voici ce que pourrait être le résultat; vous pourriez revoir votre position. » Est-ce ainsi que les choses se passent? Pourrions-nous recommander une sanction à imposer si une partie entraîne un partenaire déraisonnable dans le processus d'établissement de tarif et qu'elle l'emporte?
M. Daigle : Je peux répondre à cette question au nom de la SOCAN. Cette dernière doit soumettre les tarifs à l'approbation de la Commission du droit d'auteur. Nous sommes là parce que nos droits ont été violés. Il n'est pas du tout raisonnable que nous nous voyions ensuite imposer des frais ou des coûts d'utilisateur en pareil cas.
Le sénateur Tannas : Vous voudriez que cette sanction ne s'applique pas. Fort bien. Merci.
M. MacKay : Je considère en outre qu'un régime incitatif qui encouragerait les parties à s'entendre fonctionnerait mieux qu'un régime punitif. Si elles étaient encouragées à en arriver à un accord et savaient que la commission examinerait le dossier rapidement pour que l'affaire se règle plus vite que si l'on procédait à une audience complète, cela inciterait les gens à s'entendre entre eux.
Le sénateur Tannas : La gestion de dossier constitue donc en soi un incitatif?
M. MacKay : Oui. Je pense qu'il faudrait aussi prévoir un processus accéléré lorsque la commission avalise les ententes dans le cas d'organisations comme la SOCAN et nous, qui devons nous adresser à elle même si nous en arrivons à une entente.
Le sénateur Tannas : Merci.
Le sénateur Massicotte : J'essaie de comprendre, car vous tenez des propos différents. Les gens s'adressent à une collectivité ou à des organisations. Ils peuvent s'entendre entre eux, mais je présume que rares sont ceux qui le font, car cela prend du temps et ils ne possèdent pas l'expertise nécessaire. Ils confient donc le dossier à quelqu'un d'autre pour que ce dernier le gère. Appelez cela comme vous le voulez. On ne paiera pas plus que ce qui semble être le prix du marché pour un type de produit. Si les deux parties, l'utilisateur et le producteur, en arrivent à une entente mutuelle, pourquoi faut-il s'adresser à la commission pour qu'elle ratifie et applique l'entente? Quelque chose m'échappe.
M. Daigle : Dans le cas de la SOCAN — et je pense que Ian conviendrait que son organisation est assujettie aux mêmes exigences en vertu de la Loi sur le droit d'auteur —, le tarif doit être soumis à l'approbation de la commission.
D'après l'expérience de la SOCAN, toutefois, je peux dire que nous négocions et discutons souvent avec les utilisateurs avant de faire appel à la Commission du droit d'auteur. Parfois, nous parvenons à un accord, mais ce n'est pas toujours le cas. Toujours selon l'expérience de la SOCAN, lorsque nous en arrivons à une entente, la commission approuve habituellement cette dernière. L'ennui, c'est qu'en attendant qu'elle le fasse, si cela prend bien du temps, l'incertitude demeure entre les parties. La commission approuvera-t-elle ou non l'entente?
Le sénateur Massicotte : Pourquoi les législateurs obligent-ils la commission à approuver une entente mutuelle conclue entre deux parties? Il doit y avoir là un intérêt public, mais quel est-il?
M. Daigle : Je pense que vous avez mis le doigt sur le problème. Le Parlement a décidé qu'il y a un intérêt de politique publique qui va au-delà du rôle de simple arbitre de la commission dans ces dossiers.
Le sénateur Massicotte : Le Parlement craignait-il que le pouvoir de négociation ne soit pas le même?
Mme McGuffin : Nos membres, à titre d'éditeurs, obtiennent des fonds de la SOCAN, à laquelle ils doivent s'adresser pour tous les tarifs à présenter à la commission. Ils reçoivent aussi de l'argent pour les droits de reproduction de la part de l'Agence canadienne des droits de reproduction musicaux et la SODRAC. Ces dernières ne font appel à la commission que si c'est nécessaire. Dans le cas des services de diffusion et de téléchargement en ligne, il y a déjà eu un tarif pour la production initiale. Il est très rare que les utilisateurs ne viennent pas négocier, et ils ne s'adressent jamais à la Commission du droit d'auteur en pareil cas. Aucun tarif n'a jamais été fixé pour la diffusion web; le pays ne compte donc que deux ou trois diffuseurs web autorisés à reproduire de la musique.
Le sénateur Massicotte : Selon la compréhension — très préliminaire — que j'ai de l'industrie, vous faites souvent appel à la commission pour avaliser vos ententes. Dans le secteur privé, ce n'est probablement qu'un contrat sur un million qui est soumis à un tribunal. Dans votre cas, pourtant, ce pourcentage semble très élevé.
Mme McGuffin : L'Agence canadienne des droits de reproduction musicaux et la SODRAC préfèrent ne pas s'adresser à la commission. Au cours de ses 40 années d'existence, l'agence n'a jamais dû faire appel à elle pour ses maisons de disques. Elle a toujours négocié en privé.
Le sénateur Massicotte : Pourquoi la charge de travail de la commission est-elle si imposante?
M. Henderson : Il existe deux sortes de droits dans notre monde. Il y a les droits à rémunération, qui relèvent de la Commission du droit d'auteur, et les droits d'exclusivité. Ces derniers s'appliquent dans le monde moderne en ce qui concerne le service de diffusion continu sur demande. Ces droits sont négociés directement avec Spotify de la même manière que la vente de disques, un produit physique. Quelqu'un veut ce produit, qui se négocie sur le marché.
Il existe toutefois un autre ensemble de droits, qui gagne en importance dans l'environnement numérique. Toute une gamme de services de diffusion continue sont proposés, allant des services sur demande, comme Spotify, jusqu'aux services s'apparentant davantage à la radio, dans le cadre desquels l'utilisateur a moins l'occasion de choisir ce qu'il écoute ou non. À cela s'ajoutent les tarifs de services radio. Il existe tout un éventail de ce qui s'appelle des tarifs à rémunération. Nous sommes assujettis à la Loi sur le droit d'auteur et à la Commission du droit d'auteur. Nous n'avons pas le choix.
Je pense que ce à quoi vous voulez en venir, c'est au fait que les deux parties, comme Gilles et les autres témoins ont souligné, se parlent et s'entendent sur un tarif qui nous semble juste. Je ne pense pas qu'il y ait de problème d'égalité du pouvoir de négociation. Nous convenons donc que le tarif est juste et nous signons une entente que nous soumettons à l'approbation de la Commission du droit d'auteur. Elle pourrait l'approuver, oui, mais cela pourrait prendre des années.
Permettez-moi de vous donner un exemple pour vous expliquer pourquoi c'est important. Nous pouvons recevoir l'argent du tarif pendant peut-être deux ou trois ans. Où se trouve cet argent? À la banque. Or, ce n'est pas sa place. Nous voulons l'utiliser afin de l'investir dans des carrières d'artistes, nous voulons engager des gens, nous voulons faire rouler notre marché. Il n'est donc pas bon que l'argent stagne à la banque.
Le sénateur Massicotte : Je pense qu'un pourcentage élevé de transactions sont soumises à la commission dans votre industrie. Est-ce juste? Cela fait en sorte qu'une bonne partie de sa charge de travail ne concerne pas des contrats immobiliers ou d'autres formes de contrats.
M. Daigle : Je pense qu'il est juste de dire que la SOCAN et Re :Sound sont, ensemble, responsables du plus grand nombre de tarifs de l'industrie. Comme nous sommes tenus de les soumettre à l'approbation de la Commission du droit d'auteur, je pense que la réponse à votre question est : oui.
Le sénateur Massicotte : Merci.
Le sénateur Enverga : Nous en apprenons beaucoup sur le processus d'établissement de tarif. Il y aura une audience, puis vous nous avez indiqué, monsieur Henderson, que vous voulez chambouler la commission et modifier de nouveau le processus. Serait-il possible d'automatiser entièrement ce dernier? Y a-t-il moyen de le faire pour certains processus d'établissement de tarif?
M. Henderson : Je ne dis pas qu'il faudrait nécessairement chambouler la commission, pas plus que je ne dis, soit dit en passant, qu'elle ne devrait pas recevoir de ressources supplémentaires. Ce que je dis, c'est que nous devons déterminer son rôle, puis la doter de ressources à l'avenant.
La question de la technologie est, bien entendu, très importante dans notre monde. L'un des organismes que je représente, la société de gestion CONNECT, vient de passer par tout un processus. Je sais qu'Ian a fait de même. Nous l'avons tous fait. Nous employons la technologie pour rendre nos organisations plus efficaces. J'ignore si la technologie nécessaire est à la disposition de la commission, mais si vous considérez que c'est une bonne idée, vous devriez la lui proposer. Elle devrait alors vous expliquer pourquoi c'est une bonne idée ou non.
Le sénateur Enverga : Vous pensez toutefois que c'est possible?
M. Daigle : Je pense, monsieur, qu'il convient de faire une distinction à propos de l'automatisation...
Le sénateur Enverga : En effet.
M. Daigle : ... en ce qui concerne le processus de délivrance de permis. Les affaires dont la Commission du droit d'auteur s'occupe concernent l'établissement de la valeur des droits, un processus au cours duquel les parties se réunissent dans l'espoir de s'entendre sur la valeur, à défaut de quoi elles devront se présenter devant la Commission du droit d'auteur. Je ne vois pas comment il serait possible d'automatiser le processus dans ce dernier cas.
En ce qui concerne la délivrance de permis proprement dit, je pense que toutes les sociétés de gestion collective ont adopté des mécanismes qui facilitent le processus en leur permettant de demander et d'obtenir des permis par l'entremise de notre site web, par exemple, ou d'effectuer des paiements en ligne. Nous avons travaillé très fort avec nos utilisateurs afin de concevoir ces systèmes, qui fonctionnent d'ailleurs fort bien, selon moi.
Le président : Monsieur Daigle, lorsque vous négociez avec les utilisateurs, qu'il s'agisse d'arénas, de bars ou d'autres installations qui utilisent de la musique, transigez-vous avez des organisations ou vous arrive-t-il de faire affaire avec des particuliers? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Daigle : C'est une excellente question, sénateur. Dans la plupart des cas, nous négocions avec des organisations et, habituellement, des associations qui représentent des groupes d'utilisateurs, comme l'Association des hôtels du Canada ou l'Association canadienne des radiodiffuseurs. Ces associations sont légion, et cela facilite énormément le processus lorsque nous négocions avec ce que nous appelons des « petits utilisateurs », sans que ce soit péjoratif.
Dans le nouveau monde en ligne, comme on l'a indiqué précédemment, nous négocions avec des géants de l'industrie qui offrent des services individuels. Nous discutons directement avec Apple, Spotify et Google. Je suis certain que cela viendra un jour, mais il n'existe pas encore d'association centrale pour ce nouveau type d'utilisateurs de musique, qui sont des géants de l'industrie qui gèrent fort bien leurs affaires.
Le sénateur Black : J'aimerais tout d'abord savoir si les commissaires travaillent à temps plein.
Mme McGuffin : Non. La commission est composée d'un vice-président à temps plein et de deux commissaires à temps partiel, alors qu'aux États-Unis — pas que vous vouliez imiter ce pays —, la commission comprend trois juges à temps plein, comme Ian l'a fait remarquer.
M. Daigle : Il y a aussi deux postes vacants.
Mme McGuffin : La commission pourrait comprendre cinq membres.
Le président : La commission témoignera demain; vous pourrez l'interroger à ce sujet.
Le sénateur Black : Excellent.
Il semble que nous pouvons retenir de nos échanges que la commission joue sans contredit un rôle important. Nous retenons aussi que les délais constituent certainement un problème, et que les États-Unis et peut-être le Royaume-Uni pourraient être un modèle à cet égard. Nous retenons enfin que la commission éprouve un problème de ressources, qu'il serait peut-être possible de résoudre non seulement en lui accordant des ressources supplémentaires, mais aussi en modifiant le processus, en tenant des conférences de règlement et en s'inspirant d'autres modèles. Ces problèmes peuvent être réglés afin de rationaliser l'organisation, en théorie.
Il y a toutefois quelque chose que j'ai de la difficulté à comprendre, et il en a été question dans les témoignages. Vous êtes le seul, monsieur Henderson, à avoir abordé le sujet aujourd'hui. Il s'agit de ce que vous appelez l'imprévisibilité. À titre d'avocat, je présume que la commission ne suit pas ses propres décisions. Elle ne suit pas les principes auxquels un tribunal adhérerait normalement. Voilà qui m'étonne beaucoup de la part d'un organisme quasi judiciaire. Je me demande donc pourquoi une de vos organisations n'a pas saisi un tribunal de la question pour qu'il puisse établir les lignes directrices qu'une commission devrait suivre.
M. Henderson : Ian, vous avez bel et bien laissé entendre que les États-Unis ont des critères qu'ils doivent appliquer, n'est-ce pas? Il y a une sorte de cadre qui limite leurs...
Le sénateur Black : Un cadre qui est établi par la cour.
M. Henderson : Oui, un cadre qui pourrait mettre des limites. Je ne suis pas certain de bien comprendre la question.
Le président : Le sénateur Black est un avocat, alors il...
Le sénateur Black : Non, non, ne compliquons pas les choses. Si mes clients se présentaient devant un jury et que ce jury était imprévisible, inconstant, ou qu'il n'observait pas les lois de la justice naturelle, je m'adresserais à la Cour fédérale.
M. Henderson : Cela aboutit effectivement à la Cour fédérale.
Le sénateur Black : C'est ce que je cherche à comprendre. Pourquoi est-ce imprévisible?
M. Henderson : Les choses sont constamment portées en appel. Je ne sais pas si le nombre des appels émanant de la Commission du droit d'auteur est supérieur au nombre d'appels émanant d'autres commissions, mais je sais que beaucoup de ces appels ont trait à son mandat. L'exigence globale est de fixer des taux équitables. C'est une catégorie plutôt vaste. Par conséquent, la Commission n'est pas tenue d'utiliser les taux du marché comme référence. Si c'est l'équité qui pose problème...
Le sénateur Black : J'ai compris ce que vous essayez de me dire. D'accord.
M. Henderson : Pour en revenir à votre point, si c'était la façon de procéder des autres cours, cela compliquerait beaucoup le règlement des différends et tout le reste.
Le sénateur Black : Je vois où vous voulez en venir. Vous laissez entendre que quelqu'un — le gouvernement — devrait imposer des lignes directrices.
M. Henderson : Oui.
La sénatrice Ringuette : Je vais essayer d'être brève. Nous ne parlons essentiellement que des États-Unis, et j'imagine qu'ils doivent avoir un organisme similaire au vôtre. J'aimerais savoir si vous avez des réunions avec cette entité américaine.
Mme McGuffin : Oui, nous en avons.
La sénatrice Ringuette : Vous rencontrez-vous également dans le cadre d'événements internationaux en tant que groupe de...
M. Daigle : Oui.
La sénatrice Ringuette : Très bien. Je présume aussi que, lors de ces rencontres internationales, vous cernez une nouvelle gamme de produits pour laquelle il faudra un nouveau tarif et que vous vous entendez tous sur ce qu'est cette nouvelle gamme de produits et sur ce qui la définit. Est-ce exact?
M. Henderson : Non. Je dirais « non ». Nous n'inventerions pas de nouvelles gammes de produits lors de ces...
La sénatrice Ringuette : Non. Je ne devrais pas parler de gammes de produits, mais bien « d'utilisateurs ».
M. Henderson : Oui.
La sénatrice Ringuette : Des utilisateurs en ligne, de nouveaux utilisateurs en lignes, l'évolution de l'utilisation des produits pour lesquels vous avez des droits.
À l'international, cherchez-vous à définir ces nouveaux groupes d'utilisateurs pour votre produit? Essayez-vous de donner un nom à ce regroupement? Discutez-vous de ces questions à l'international, avec vos collègues de l'étranger?
M. Daigle : Pour ce qui est de la SOCAN et des réunions auxquelles j'assiste sur une base annuelle — lesquelles, comme vous pouvez vous en douter, concernent davantage les questions juridiques qu'autre chose —, nous discutons un peu de ce que vous parlez, mais pas beaucoup, et je vais vous dire pourquoi. Bien simplement, il faut savoir que toutes ces discussions que nous pourrions avoir sur la scène nationale avec les utilisateurs ou les groupes d'utilisateurs sont habituellement assujetties à des ententes de non-divulgation. Dans des forums comme ceux-là, nous ne sommes pas vraiment en mesure de parler ouvertement et en détail de questions comme les taux liés à l'octroi de licences. Au Canada, pour la SOCAN, c'est beaucoup plus simple puisque les décisions de la Commission du droit d'auteur sont mises à la disposition du public. Lors de ces réunions, les discussions portent davantage sur l'objet de nos travaux respectifs, mais je ne pense pas que les choses aillent aussi loin que ce que vous laissez entendre dans votre question.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Monsieur Daigle, vous avez mentionné qu'il y avait 25 différents tarifs dans vos organisations. Est-ce que vos contreparties à l'échelle internationale ont à peu près le même nombre de tarifs?
Dans chacun des regroupements, il y a des similarités au niveau international. Quoi qu'il en soit, j'en parlerai à la commission demain, mais ce ne serait pas contraire à d'autres types d'organisation qui établissent des tarifs, des définitions ou un code pour un produit spécifique.
Cela faciliterait beaucoup la tâche. Qu'on soit au Canada ou en France, si une chanson passe sur une station FM ou sur un iPhone, elle fera nécessairement partie d'un groupe et d'un tarif. Si, au niveau international, on s'entend sur un regroupement, cela devient beaucoup plus facile, parce que c'est quelque chose qui est entendu. Il serait beaucoup plus facile ensuite de déterminer le tarif pour ce produit.
[Traduction]
Mme McGuffin : Avant d'accepter mon poste à l'Association canadienne des éditeurs de musique, j'ai travaillé sur 15 tarifs différents. J'étais une experte-conseil et la commission m'utilisait comme témoin expert. Dans presque tous ces cas, nous avons examiné les taux internationaux et les précédents internationaux, et la commission évaluait quand ces taux étaient pertinents et quand ils ne l'étaient pas. Dans certains cas, le marché est très différent.
En ce qui concerne la SOCAN, aux États-Unis, les taux du droit d'exécution sont fixés par des juges qui, dans le cadre d'une affaire collective, sont dictés par jugement convenu, ce qui réduit considérablement les options disponibles à cet égard. Le processus utilisé pour fixer le taux pour la SOCAN est très différent de celui dont se servent les Américains.
La sénatrice Ringuette : Par souci de clarté, je vous signale que je ne laissais pas entendre que les taux sont les mêmes. Je parlais des regroupements d'utilisateurs finals.
Mme McGuffin : Je crois que cela se fait déjà. Je crois que nous échangeons avec nos collègues internationaux sur une base régulière, et nombre des entreprises avec lesquelles je traite ont des bureaux dans tous ces pays.
M. Henderson : Nous mettons tous en commun nos pratiques exemplaires.
Mme McGuffin : Nous échangeons nos pratiques exemplaires.
La sénatrice Ringuette : Je n'ai pas l'impression que tout le monde de la commission est nécessairement d'accord avec cela. Cela éliminerait une bonne partie de la négociation.
Mme McGuffin : Selon mon expérience, lorsque nous sommes arrivés avec des précédents internationaux qui étaient comparables, ou pas, ils y ont jeté un coup d'œil. Je ne crois pas que ce soit un problème.
M. Henderson : Non, ce que vous dites n'est pas tout à fait vrai.
Mme McGuffin : C'est un problème pour ce qui est de se rassembler et d'écouter la preuve.
Le sénateur Day : Nous avons presque réussi à avoir un débat, ce qui aurait été intéressant. Toute la soirée, nous avons parlé de musique, d'enregistrements sonores, et cetera. La commission a-t-elle certains pouvoirs en ce qui a trait à l'imprimé ou à la vidéo?
M. Henderson : Nous avons entendu le témoignage d'Erin Finlay, d'Access Copyright, qui représente des auteurs et les éditeurs dans le domaine du livre.
Le sénateur Day : Alors, lorsqu'une partition de musique est publiée, qui s'en occupe? Cela fait-il partie de vos fonctions?
Mme McGuffin : La SOCAN a aussi des tarifs dans le domaine de l'audiovisuel, comme c'est le cas pour l'Agence canadienne des droits de reproduction musicaux et de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada.
Le sénateur Day : Et c'est la commission qui s'occupe de cela? D'accord.
Monsieur Daigle, vous avez parlé de 1997 et de la création d'une foule de nouveaux droits. La commission a-t-elle été transformée en profondeur afin de faire face à tous ces nouveaux tarifs et à tous ces nouveaux droits?
M. Daigle : J'aurais tendance à répondre par la négative. En fait, je pense que c'est là le nœud du problème. Sans nécessairement parler de dollars et de cents, les ressources de la commission n'ont pas été augmentées suffisamment pour faire face à tous ces changements et, selon mon expérience, c'est à partir de ce moment-là que la commission a commencé à prendre du retard.
Le sénateur Day : Voilà qui est intéressant.
M. Henderson : L'arrivée de nouveaux tarifs s'accompagne de l'arrivée de nouveaux utilisateurs. L'une des questions que j'aimerais poser — je ne connais pas la réponse, mais je crois qu'elle a été posée —, c'est celle-ci : en font-ils trop? Par exemple, lorsqu'il s'agit de certifier les tarifs sur lesquels on s'est déjà entendus, combien de ressources, d'heures et de jours consacre-t-on à cela? Que fait-on à cet égard que l'on ne devrait peut-être pas faire? D'après ce que je comprends — et corrigez-moi si je me trompe —, le personnel est moins nombreux aux États-Unis.
Mme McGuffin : Le nombre de tarifs dont ils doivent s'occuper est aussi moins élevé. Ils n'ont pas à tenir compte de toutes les utilisations dont la Commission du droit d'auteur doit tenir compte. Ils ne s'occupent que des droits de reproduction des éditeurs et des droits connexes concernant les maisons de disques et les artistes.
M. Daigle : C'est une question qui est très difficile à évaluer. Je vais vous donner un exemple. En 2010, si je ne m'abuse, une décision de la commission concernant les stations de radio commerciales a été portée en appel par les diffuseurs. Après examen, la Cour d'appel fédérale a renvoyé la décision à la commission aux fins de révision parce que, selon elle, les raisons données étaient insuffisantes. Eh bien, si vous êtes la Commission du droit d'auteur et qu'une chose pareille se produit, que faites-vous la fois suivante? Il est à présumer que vous allez prendre le temps et les ressources nécessaires pour vous assurer d'avoir suffisamment de raisons. La commission se retrouve parfois coincée entre l'arbre et l'écorce.
Le sénateur Day : En quelle année la Commission d'appel du droit d'auteur est-elle devenue la Commission du droit d'auteur?
M. Daigle : En 1990.
Le sénateur Day : D'où vient ce changement de nom? Que faisait la commission avant ce changement?
M. Daigle : Avant, elle ne s'occupait que de mon organisation telle qu'elle était à l'époque, et c'était comme cela depuis 1936.
Le grand changement s'est produit à cause de l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, en 1988, et je crois que les lois ont été modifiées en 1989. Il y a eu création d'un régime de redevances sur les retransmissions, ce qui pourrait être appelé une audience spéciale pour traiter de façon particulière des droits d'auteur dans le domaine de la musique, mais aussi des redevances qui doivent être payées à tous les fournisseurs de contenu retransmis de loin par les câblodistributeurs et les autres déclinaisons en matière de diffusion. C'était un nouveau régime.
Voilà pour le premier grand changement. C'est à ce moment que la Commission du droit d'auteur est devenue une commission permanente. À l'époque, elle comptait quatre membres. Comme j'étais là, je peux dire que, de mon point de vue, les choses fonctionnaient comme sur des roulettes, du moins, jusqu'à ce que les deux choses suivantes se produisent : l'arrivée de l'Internet, en 1995, et les modifications législatives, en 1997.
Le sénateur Day : Madame McGuffin, vous avez souligné qu'une partie du problème est que la commission n'arrive pas à composer avec ces nouveaux droits. Certains des anciens droits, comme ceux qui concernent l'impression, sont en train de disparaître à cause du téléchargement et d'autres facteurs. Les gens n'achètent plus de disques et cette source de recettes a disparu. Or, les nouvelles sources de recettes sur lesquelles la commission exerce son autorité exigent dans certains cas le dépôt de tarifs; dans d'autres cas, c'est une option qui peut être envisagée. Cela fait partie du problème auquel vous devez tous faire face. Ai-je bien compris de quoi il retourne?
Mme McGuffin : Exactement.
Le sénateur Day : Monsieur Henderson, vous avez parlé de l'argent retenu à la banque. Vous avez parlé de certains des droits. Est-ce que votre entreprise est un flux de redevances dont vous retenez un certain pourcentage à partir duquel vous payez l'auteur du travail? Est-ce bien là son fonctionnement?
M. Daigle : Souvent, oui, c'est ce qui se passe à la SOCAN, mais pas toujours, notamment lorsqu'il s'agit des plus petites utilisations, pour lesquelles les frais ne dépassent pas beaucoup les 100 $ par année. Lorsqu'il s'agit d'activités d'envergure, comme la diffusion, il s'agit habituellement d'un pourcentage des recettes.
M. Henderson : C'est quelque chose qui prend de plus en plus de place dans le monde des grandes compagnies de disques. Pour les gens qui faisaient des enregistrements originaux au début des années 1990, le pourcentage des recettes versé pour des utilisations administrées par la Commission du droit d'auteur aurait été dérisoire, mais maintenant, cela peut être de l'ordre de 25 p. 100 du résultat net, voire plus, ce qui est énorme. Ces 430 millions de dollars représentent une part du gâteau extrêmement importante.
Le sénateur Day : Vous avez conclu un arrangement avec votre client en fonction des relations d'affaires que vous avez avec lui. Vous dites : « Je serai en mesure de vous donner un certain pourcentage de ce travail quand nous aurons récupéré ce qu'il génèrera », mais le tarif que vous avez fixé en fonction de cela n'a pas encore été approuvé. Alors, un peu plus tard, disons deux ans plus tard, vous vous apercevez que, pour une raison lambda, le tarif ne tient pas la route et qu'il doit être réévalué. S'agit-il de l'argent que vous devez garder à la banque pour l'artiste ou le propriétaire?
M. Henderson : Dans certains cas, les droits nous sont payés par l'utilisateur, mais nous ne pouvons pas relayer l'argent parce que le tarif définitif n'a pas été fixé. Lorsque c'est le cas, nous gardons l'argent qu'on nous verse jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise et qu'on se soit entendus sur un chiffre. Une fois ce chiffre convenu, il se peut que nous ayons à en remettre une partie. Ensuite, nous payons le reste à qui de droit.
Le sénateur Day : Par conséquent, vous pourriez vous retrouver à garder pendant deux ans de l'argent qu'un artiste en difficulté pourrait...
M. Henderson : Je devrais ajouter une chose en ce qui concerne la possibilité que la commission se remette sur pied d'elle-même. Ce n'est pas que je n'ai pas confiance qu'elle sera en mesure de le faire. Je crois simplement que, dans le contexte actuel, nous devrions nous montrer plus dynamiques dans la recherche des pratiques exemplaires. Ce groupe de travail n'a pas commencé en 2014, mais bien en 2012. Or, nous voilà et où sont les résultats?
Le président : Sont-ils rémunérés à la journée?
Le sénateur Black : Ce sont des avocats.
Le président : Cette audience a été formidable. Vous nous en avez appris beaucoup. Merci de votre professionnalisme et de votre dévouement envers les entrepreneurs, la propriété intellectuelle et les artistes créateurs. Notre pays a besoin de ces gens, et nous devons les soutenir et les protéger. Nous sommes tous d'accord là-dessus. Ce domaine occupe une place importante dans le milieu des affaires au Canada. Sachez que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce est heureux de représenter l'ensemble de vos intérêts.
(La séance est levée.)