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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule n° 10 - Témoignages du 24 novembre 2016


OTTAWA, le jeudi 24 novembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 35, pour étudier, en vue d'en faire rapport, la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue. Je m'appelle David Tkachuk et je suis le président du comité.

C'est aujourd'hui notre huitième séance consacrée à l'étude de la création d'un corridor national au Canada pour améliorer et faciliter le commerce et les échanges intérieurs.

Nous accueillons avec plaisir M. Ron Bonnett, président de la Fédération canadienne de l'agriculture; et John Masswohl, directeur des relations gouvernementales et internationales au sein de la Canadian Cattlemen's Association. Merci d'être des nôtres aujourd'hui.

Monsieur Bonnett, vous avez maintenant la parole pour votre déclaration préliminaire. Ce sera ensuite au tour de M. Masswohl, après quoi nous passerons à la période des questions et réponses.

Ron Bonnett, président, Fédération canadienne de l'agriculture : Merci de l'invitation. Je suis heureux d'avoir l'occasion de parler des moyens d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs dans le contexte des corridors nationaux d'infrastructure et de transport.

Lors de votre réunion du 27 octobre, vous avez parlé des nouveaux corridors, des autorités compétentes et des défis que le Canada doit relever pour acheminer certaines de ses ressources naturelles vers les marchés. J'aimerais, pour ma part, m'attarder davantage sur l'amélioration et le maintien des corridors déjà en place.

La valeur annuelle des exportations canadiennes de produits agricoles et agroalimentaires s'élève à 56 milliards de dollars. Nous exportons plus de 50 p. 100 de nos bovins de boucherie, 70 p. 100 de notre soja, 70 p. 100 de notre porc, 75 p. 100 de notre blé et 90 p. 100 de notre canola. L'économie agricole et agroalimentaire représente 8 p. 100 du PIB canadien. Le Canada est le cinquième pays exportateur en importance de blé, de porc et de bœuf. C'est donc dire que nous avons beaucoup d'exportations destinées à un certain nombre de pays, et nous avons besoin des systèmes de transport et d'infrastructure pour pouvoir les y acheminer.

Notre industrie examine avec intérêt les possibilités offertes par le nouvel Accord économique et commercial global, ou AECG — c'est là une autre source de ventes — et nous espérons toujours que le Partenariat transpacifique pourra être conclu.

Il est clair que la santé du secteur agricole et de l'économie canadienne dans son ensemble est tributaire des marchés d'exportation. Voilà qui rend nos corridors de transport plus importants que jamais, et j'entends par là aussi bien l'entretien des corridors actuels que la création de nouveaux systèmes et installations. D'où la très grande importance du cadre de politique national sur les portes et les corridors commerciaux stratégiques, que le gouvernement compte déposer en juillet 2017. La porte d'entrée de l'Asie-Pacifique, la porte continentale Ontario-Québec ainsi que la porte et le corridor de commerce de l'Atlantique sont tous essentiels pour garantir notre accès aux marchés.

Nous avons l'ALENA et l'AECG. Si nous parvenons à combler la demande au Japon, en Inde, en Chine et sur un certain nombre d'autres marchés, c'est parce que nous avons des corridors de transport qui fonctionnent bien.

Chaque année, entre 35 et 40 millions de tonnes de céréales de l'Ouest canadien doivent être transportées vers les ports. C'est à environ 1 000 kilomètres plus loin que dans la plupart de nos pays concurrents, ce qui crée un certain désavantage concurrentiel pour le Canada. Nous devons donc nous assurer que les systèmes ferroviaires fonctionnent adéquatement. Voici ce qu'on peut lire dans le rapport Emerson : « Les coûts de transport, par exemple, représentent souvent un obstacle plus important à la croissance du commerce que les coûts associés aux tarifs internationaux ou aux obstacles connexes. »

L'année 2013 nous a donné un bel exemple de l'importance des corridors et des systèmes de transport. Cette année- là, l'Ouest canadien avait connu une récolte exceptionnelle. En raison d'un hiver anormalement rigoureux, notre système de transport n'a pas pu livrer à temps les produits vers les ports afin que les céréales puissent être expédiées. Les terminaux portuaires n'avaient pas reçu les céréales qui étaient destinées à l'exportation et qui avaient déjà été commercialisées. Les navires devaient jeter l'ancre et attendre dans les ports. Les céréales avaient bloqué le système dans les Prairies, et le Canada risquait de perdre des marchés de premier ordre pour cause de non-livraison. L'échec du système de transport a coûté à l'industrie des millions de dollars supplémentaires à la suite des perturbations du marché.

Bien entendu, la conteneurisation a connu un essor fulgurant. Comme l'indique Transports Canada, depuis 1995, le transport par conteneur à l'échelle mondiale a plus que triplé, dépassant 500 millions d'unités équivalentes en 2009. Au cours de la même période, les échanges commerciaux du Canada avec le reste du monde ont augmenté de 65 p. 100. Par rapport à la décennie précédente, le volume de commerce international du Canada traité par les principaux ports canadiens s'est accru de presque 33 p. 100 et le nombre de conteneurs traités, de 65 p. 100. Cette hausse du commerce a aussi eu des répercussions sur les aéroports, les chemins de fer, les routes et les voies navigables intérieures du Canada.

Le commerce transfrontalier avec les États-Unis et le Mexique est tout aussi important. La livraison juste à temps des produits horticoles du Canada vers les États-Unis signifie que les grandes artères doivent être accessibles et dépourvues de tout obstacle bureaucratique, réglementaire et physique. Chaque jour, d'un bout à l'autre du pays, un volume élevé de marchandises est destiné à l'exportation, et c'est pourquoi il est essentiel d'assurer la mise à niveau, l'entretien et l'amélioration de notre infrastructure. Les services transfrontaliers, y compris le travail de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, doivent se dérouler avec une efficacité optimale.

J'ai beaucoup parlé de commerce, d'exportation, de transport et de facilitation, mais le commerce intérieur dans l'ensemble du Canada est également important. À mesure que les gouvernements provinciaux et fédéral poursuivent leurs discussions sur le commerce intérieur, notre infrastructure pancanadienne revêt, elle aussi, une importance de plus en plus grande.

Nous sommes tous conscients de notre vulnérabilité lorsqu'un pont sur la route transcanadienne se brise et bloque la circulation dans les deux sens. Une des choses que vous pourriez examiner, c'est la façon d'intégrer une redondance dans le système. Pour ce faire, il faut notamment assurer un accès à de multiples routes et envisager peut-être de conclure des accords avec des municipalités, dans les cas où l'on pourrait emprunter des routes parallèles pour acheminer les produits vers les marchés.

Notre production agricole continue de croître et de se diversifier. La qualité continue de s'améliorer aux yeux du monde, et le besoin de soutenir sans cesse la concurrence ne fait que grandir. Déjà, l'agriculture est à l'origine de plus de 12 p. 100 des emplois au Canada, et le secteur agricole et agroalimentaire représente, comme je l'ai dit tout à l'heure, 8 p. 100 du PIB canadien. De plus, près de 75 p. 100 de notre réussite économique dans le domaine agricole dépend de la présence d'un marché d'exportation solide. Tous ces faits ne font que souligner l'importance cruciale de nos efforts pour nous assurer que nos systèmes de transport, nos corridors et nos ressources peuvent toujours répondre aux besoins croissants.

Il n'est pas seulement question d'avions, de trains et d'automobiles. C'est tout le système d'infrastructure qui entre en ligne de compte : les gens, les règlements, les lois, les inspections et les investissements. Tous ces éléments forment la base sur laquelle l'agriculture canadienne doit se reposer pour devenir encore plus concurrentielle.

J'ajouterais à cette liste un autre important élément d'infrastructure qui permet de relier le tout, à savoir un service Internet à large bande très viable afin d'assurer une livraison efficace.

La réussite sur tous les marchés internationaux dépend de la livraison à temps de nos produits pour éviter de perdre des marchés en raison de retards, de perturbations et de coûts superflus. La Fédération canadienne de l'agriculture exhorte donc le gouvernement à poursuivre une stratégie dynamique d'investissements dans tous les composants du système de transport pour en assurer la vigueur et la réussite.

Je vous remercie.

John Masswohl, directeur, Relations gouvernementales et internationales, Canadian Cattlemen's Association : Merci, monsieur le président, de m'avoir invité à témoigner devant le comité ce matin afin d'expliquer comment l'infrastructure permet d'appuyer le commerce et la compétitivité dans le secteur canadien du bœuf. Je suis également heureux d'être ici avec Ron. J'en suis même soulagé. Même si nous n'avons pas coordonné nos témoignages, nos messages sont très complémentaires.

Comme Ron l'a souligné, la capacité d'acheminer les produits vers les marchés est une nécessité fondamentale de toute entreprise de production de biens, qu'il s'agisse de produits agricoles ou autres.

Dans l'industrie canadienne de l'élevage bovin, le transport peut s'avérer particulièrement difficile en raison de l'éloignement géographique des installations, d'où la nécessité de transporter le bétail sur de longues distances. Les exploitations canadiennes d'élevage de bovins de boucherie se trouvent habituellement sur des terres que nous qualifions de marginales. À l'époque où le secteur agricole canadien n'en était qu'à ses débuts, les champs cultivables étaient labourés et ensemencés, alors que les terres où l'on ne pouvait rien faire d'autre que de pousser de l'herbe servaient aux troupeaux de bovins.

Depuis maintenant des décennies, grâce aux progrès dans le domaine d'équipement agricole, conjugués à la biotechnologie et aux améliorations du rendement des récoltes, les terres qui étaient autrefois peu fertiles peuvent aujourd'hui être cultivées dans bien des cas. De plus, à mesure que les villes prennent de l'expansion et que les banlieues s'étalent sur d'anciennes terres agricoles, les exploitations agricoles se trouvent généralement dans des régions de plus en plus éloignées, mais la production bovine en particulier finit par être mise à l'écart.

Voilà pourquoi les producteurs de bœuf s'intéressent de plus en plus aux territoires nordiques. Dans le cas de l'Ontario, où le cheptel de vaches d'élevage de boucherie est passé de 421 000 en 2005 à 268 000 l'été dernier, l'association Beef Farmers of Ontario élabore actuellement une stratégie pour faire construire des fermes dans le nord de l'Ontario. On trouve là-bas environ 16 millions d'acres de terres sous-utilisées dans une région appelée la grande ceinture d'argile — non loin du Cercle de feu —, qui pourrait se prêter à l'élevage de vaches de boucherie.

Pour mettre les choses en perspective, les terres qui sont actuellement cultivées en Ontario représentent, en tout, un peu moins de 13 millions d'acres. Une des difficultés tient à l'infrastructure, ce qui comprend les routes, car il faut rendre les terres plus accessibles. D'après les estimations de mes collègues de Beef Farmers of Ontario, l'ajout de 30 nouvelles fermes par année au cours des 20 prochaines années permettra d'accueillir 100 000 vaches de boucherie supplémentaires en Ontario, en plus d'injecter plus de 6 milliards de dollars additionnels dans le PIB de l'Ontario durant la même période, et il se peut qu'au moins la moitié de ce montant soit consacré à la construction et aux travaux connexes pour mettre sur pied les exploitations fermières.

Qui plus est, si nous parvenons à stabiliser le déclin actuel des troupeaux de bovins de boucherie, voire à renverser la tendance en vue de favoriser leur accroissement, nous pourrons appuyer des milliers d'emplois dans les industries de l'engraissage des bovins et de la transformation du bœuf dans le sud de l'Ontario.

Les agriculteurs de l'Ouest canadien envisagent, eux aussi, de monter plus au Nord. D'ailleurs, il n'est pas rare que des producteurs possèdent des pâturages aussi bien dans le sud que dans le nord des Prairies; ainsi, ils déplacent leurs bêtes vers le Nord durant l'été pour les faire paître là-bas et, l'automne venu, ils les ramènent au Sud pour leur permettre d'hiverner.

Je sais que le comité examine plus particulièrement la proposition relative au corridor du Nord et qu'il cherche à obtenir des commentaires à ce sujet. Je dois admettre que je n'en avais pas vraiment entendu parler avant d'avoir des nouvelles du comité. Nous n'en avons pas discuté au sein de notre organisation, mais à la lumière du dossier dont vous êtes saisis et d'après ce que nous en savons, nous estimons qu'à ce stade-ci, il s'agit d'une simple aspiration. Le comité essaie de déterminer si cette idée mérite d'être poussée plus loin.

La proposition proprement dite est un peu vague, car elle ne précise pas l'emplacement géographique du corridor; il nous est donc difficile de dire dans quelle mesure ce projet serait utile pour nos plans de développement agricole dans le Nord.

Au risque de paraître partial, je crois que le développement d'infrastructure dans le Nord pourrait être avantageux pour l'agriculture et, en particulier, la production de bœuf. J'ajoute toutefois une mise en garde : ce sont toujours les détails qui posent problème quand vient le temps de déterminer à quoi cela pourrait ressembler.

Je regrette de ne pas avoir une opinion plus définitive sur le corridor du Nord en particulier, mais je tiens à souligner de nouveau que notre priorité absolue est d'avoir la capacité d'acheminer le bétail et, au bout du compte, les produits du bœuf vers les marchés.

Comme Ron l'a dit, au fil des ans, nous avons constaté les effets dévastateurs de l'incapacité de faire parvenir les produits aux marchés étrangers en raison d'obstacles politiques. Nous avons également vu comment des obstacles physiques peuvent nous empêcher de transporter le bétail de l'ouest vers l'est du Canada. Pour reprendre l'exemple cité par Ron, lorsque le pont de la rivière Nipigon — le seul pont qui relie l'Est à l'Ouest — s'est brisé, tout le monde a dû se débrouiller tant bien que mal.

L'infrastructure essentielle est impérative. Elle doit être bien entretenue. Nous devons construire des voies auxiliaires avant que les corridors actuels ne soient surchargés. Oui, il y a certes lieu d'examiner de nouvelles idées porteuses de changements. Le corridor du Nord offre peut-être une telle possibilité, mais cela ne devrait pas nous empêcher d'étudier d'autres idées.

Entre autres, nous recommandons aux représentants du gouvernement d'examiner la faisabilité de l'option de transiter par les États-Unis dans le cas des camions de transport d'animaux d'élevage afin de leur permettre d'éviter un trajet plus long uniquement à l'intérieur du Canada, comme c'est le cas au nord des Grands Lacs.

Pour terminer, comme il s'agit du Comité sénatorial du commerce international, si quelqu'un souhaite obtenir une mise à jour sur l'un des nombreux enjeux prioritaires en la matière, je pourrais en parler durant la période des questions.

Je vous remercie.

Le président : Merci beaucoup.

Monsieur Bonnett, vous avez parlé de l'utilisation accrue de conteneurs. Par rapport à il y a quelques années, y a-t-il aujourd'hui plus de ports intérieurs en vue d'accueillir des conteneurs, disons, à Edmonton ou ailleurs?

M. Bonnett : Il y a une certaine expansion. Cela dit, je crois que nous assistons à une très forte croissance de l'utilisation de conteneurs. Songeons à des récoltes comme les légumineuses et les grains spécialisés, qui représentent de petites commandes; ces produits sont emballés dans un conteneur. Il devient de plus en plus difficile de nous assurer d'avoir les moyens de répondre à la demande. C'est un aspect qui doit être renforcé.

Le président : On pourrait établir un terminal portuaire à conteneurs à Edmonton, à l'intention des producteurs de légumineuses. Bien entendu, tous ces conteneurs doivent ensuite être envoyés ailleurs. C'est, selon moi, la façon la plus efficace de les expédier. Je ne vois pas comment vous pourriez les acheminer autrement jusqu'aux ports de la côte Ouest.

M. Bonnett : La question n'est même pas tant de savoir si nous pouvons les y acheminer. Il est possible de les transporter jusqu'au port par camion, mais une fois que les frais de camionnage sont payés, il ne nous reste plus beaucoup de marges de profit. Le transport ferroviaire demeure donc le moyen le plus efficace, qu'il s'agisse d'une livraison par wagon à céréales en vrac ou par navire conteneurisé.

Il y a eu un virage radical en ce qui concerne les vraquiers, qui sont surtout utilisés pour le blé. À mesure que des marchés spécialisés se développent, surtout dans l'Ouest canadien, les grains sont expédiés par conteneurs parce qu'ils sont destinés à une clientèle très haut de gamme; la cargaison serait donc inférieure à la pleine charge d'un navire.

La sénatrice Ringuette : Je comprends très bien ce que vous dites au sujet des changements qui se sont opérés au cours de la dernière décennie, grâce aux portes d'entrée du Pacifique et de l'Atlantique qui, on l'espère, feront accroître la capacité portuaire. Pour revenir à la croissance que vous avez évoquée dans vos observations, êtes-vous en train de dire que la capacité actuelle des portes d'entrée de l'Asie-Pacifique et de l'Atlantique risque d'être inférieure à ce qu'elles peuvent vous offrir?

M. Bonnett : Le plus gros déficit de capacité serait dans le réseau ferroviaire. C'est là que le goulot d'étranglement semble se produire. Les autorités portuaires prennent des mesures pour améliorer la situation et élargir leurs installations. En l'occurrence, on parle surtout du transport du grain des provinces de l'Ouest jusqu'à la côte de la Colombie-Britannique ou jusqu'à Thunder Bay. C'est là qu'on fait face à des goulots d'étranglement. Il faut donc s'assurer de faire les investissements nécessaires dans le corridor ferroviaire parce que les coûts augmentent beaucoup lorsqu'on se met à recourir au transport par camion.

En ce qui concerne le bétail, par contre, le transport se fait surtout par camion, et non par train. C'est là une autre paire de manches.

La sénatrice Ringuette : Le goulot d'étranglement est-il attribuable au nombre insuffisant de trains qui exercent l'emprise nécessaire pour acheminer vos produits vers les ports? Ou l'engorgement tient-il toujours au nombre de wagons?

M. Bonnett : À mon avis, ce qui compte surtout, c'est l'existence de normes de service applicables aux sociétés ferroviaires. Dans l'état actuel des choses, ces dernières transportent le grain lorsqu'elles en ont l'occasion. Elles ne sont assujetties à aucun régime de sanctions si elles ne livrent pas ce produit à temps. Dans mon exposé, j'ai mentionné à quel point il est important d'assurer une livraison juste-à-temps de cette denrée.

Un certain nombre de ces questions ont été abordées dans le rapport Emerson sur le transport ferroviaire au Canada. En fait, nous avons fait valoir nos arguments au ministre des Transports. Il est essentiel de conclure des ententes de service qui précisent bien les responsabilités des sociétés ferroviaires.

Nous avons entendu parler de cas où des agriculteurs ont commandé une série de wagons en vue d'un chargement, mais ils ont parfois dû attendre quatre ou cinq jours avant que les wagons arrivent sur les lieux. Ensuite, une fois que les wagons sont chargés, il faut parfois attendre quatre ou cinq autres jours avant qu'ils se mettent en route, ce qui crée des goulots d'étranglement. C'est ce qui se produit dans certains cas. Les chemins de fer transportent quand même une grande quantité de grain, mais si vous cherchez à faire livrer le produit à temps vers un marché particulier, attendez- vous à faire face à un goulot d'étranglement.

Nous avons vu ce qui s'est passé en 2013 : il y avait tellement de retards dans le transport du grain que les navires étaient immobilisés dans les ports, en attente d'un chargement, faute d'avoir reçu la catégorie de grain voulue en une seule cargaison; ils devaient donc rester dans le port pendant un certain temps. Puis, tout à coup, les expéditeurs se faisaient imposer des frais en conséquence.

Il s'agit donc d'accroître l'efficacité du réseau.

La sénatrice Ringuette : L'efficacité du réseau de transport ferroviaire?

M. Bonnett : Nous préconisons une stratégie globale pour déterminer comment acheminer le grain vers les marchés. Cela comprend les chemins de fer, le réseau de silos à la ferme et les ports en vue de coordonner le tout.

J'ai mentionné le service Internet qui permet de relier bon nombre de ces éléments grâce à une connexion à large bande. À cela s'ajoute la mise en place d'un système de suivi, accompagné de toute la logistique nécessaire, ce qui comprend le service d'inspection.

Le Canada se démarque comme un pays en passe de devenir l'un des plus grands fournisseurs et exportateurs de produits alimentaires au monde. Selon la vision d'avenir pour 2050, nous atteindrons probablement cet objectif d'ici là, mais si nous tenons à saisir cette occasion, nous devons nous assurer que ces réseaux de transport fonctionnent avec une efficacité maximale.

La sénatrice Ringuette : Nous examinons la possibilité de créer un corridor ou une emprise dans le Nord. L'ajout d'une ligne ferroviaire commerciale à l'intérieur de ce corridor profiterait-il aux céréaliculteurs de l'Ouest canadien, ou l'emplacement dans le Nord serait-il trop loin par rapport aux ports?

M. Bonnett : Il faudrait que j'examine les cartes. Je ne prétends pas être un ingénieur. À mon avis, il serait plus sage d'essayer de dédoubler certaines des voies ferrées, là où il faut accroître la capacité, et de construire des embranchements. Il serait plus logique d'utiliser des voies ferrées secondaires pour monter au Nord que de construire une autre voie au grand complet, parce que le coût d'un tel projet serait assez extravagant. C'est là mon intuition.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Masswohl, pendant de nombreuses années, nous avons entendu dire qu'un très grand pourcentage de bovins de l'Ouest canadien étaient transformés dans l'État américain qui jouxte votre région. Est-ce toujours le cas?

M. Masswohl : Oui, nous exportons des bovins vivants aux États-Unis à des fins de transformation, en plus d'y exporter du bœuf. On veut que les conditions économiques soient favorables à la transformation du bœuf ici, au Canada, mais on veut également avoir l'option d'une frontière ouverte, car cela crée un arbitrage. C'est pour la même raison que les sociétés d'énergie veulent des pipelines secondaires : pour pouvoir traiter avec plus d'un acheteur. Oui, c'est assurément un facteur important.

La sénatrice Ringuette : Vous avez dit tout à l'heure qu'un corridor du Nord pourrait aider à accroître la production bovine de l'Ontario. En raison de l'engagement actuel d'assurer l'abattage et la transformation du bœuf de l'Ouest canadien aux États-Unis, techniquement, la capacité supplémentaire de production bovine dans le nord de l'Ontario pourrait être destinée à d'autres marchés, ce qui permettrait de diversifier les possibilités d'exportation pour l'industrie canadienne du bœuf, n'est-ce pas?

M. Masswohl : Oui. Si nous examinons le marché actuel, il existe une surcapacité d'abattage. Nous n'avons pas assez de bovins pour justifier la capacité d'abattage dont nous disposons actuellement. C'est l'une des grandes craintes plus particulièrement en Ontario, où l'on trouve l'installation de Cargill, à Guelph, qui a une capacité d'abattage de 2 000 têtes par année. On compte quelques autres petites installations dans la région de Toronto, mais il n'y a rien de plus pour tout l'est du pays. Par conséquent, ces installations accueillent les bovins du Québec, des provinces de l'Atlantique et de l'Ontario. L'Ontario administre également un programme très efficace de bovins nourris au maïs, mais il n'y a pas assez de bovins qui y participent. Ce qui nous préoccupe, c'est que si nous n'augmentons pas le nombre de vaches d'élevage de boucherie — c'est-à-dire le nombre de vaches qui donnent naissance à des veaux —, il y a un risque qu'une société comme Cargill se demande : « À quoi bon continuer d'exploiter l'installation à Guelph? »

La sénatrice Ringuette : Je comprends; merci.

Le sénateur Tannas : L'idée du corridor, selon moi, est de transporter toutes sortes de choses, notamment l'énergie, ou les pipelines, les télécommunications, l'électricité, l'autoroute et les voies ferrées. Je trouve que nous avons une bonne discussion avec vous sur le transport de marchandises, puisqu'il s'agit de votre intérêt premier. Je suis heureux que vous soyez ici.

Des représentants de Transports Canada sont venus nous raconter comment ils avaient réussi à améliorer le corridor existant. Notre travail, et la raison pour laquelle nous avons entrepris cette petite étude, c'est de nous projeter loin dans l'avenir, parce que les gens ont beau dire qu'il s'agit d'une bonne idée, elle ne se concrétisera que d'ici 50 ans. N'empêche que nous avons entamé une discussion afin d'obtenir des commentaires, conformément à notre travail de dirigeants chargés de préparer l'avenir.

J'ai trouvé intéressante votre observation sur le Nord et, en particulier, sur l'ouverture du Nord ontarien. Y a-t-il une sorte de corrélation avec l'Ouest canadien, d'après ce que vous pouvez voir ou d'après ce que vous entendez dire, à mesure que les effets du réchauffement climatique se manifestent dans le Nord? Y a-t-il de grosses parcelles de terres qui seront libérées pour la production céréalière ou bovine?

M. Masswohl : Je crois qu'il y a lieu de faire un parallèle avec l'Ouest canadien, et certains producteurs se tournent déjà vers le Nord. Comme je l'ai dit, beaucoup de producteurs essaient maintenant d'avoir des pâturages dans l'une ou l'autre des régions. On ne sait jamais quand il y aura une sécheresse, et c'est pourquoi on veut avoir une solution de rechange. S'il n'y a aucune herbe qui pousse dans le Sud, on pourrait peut-être avoir accès à un pâturage d'été dans le Nord afin d'atténuer les problèmes.

J'estime qu'un des gros problèmes en agriculture, c'est le coût des terres agricoles. Dans le sud de l'Alberta, les prix des terres ont augmenté. Nous avons commencé à observer un changement non seulement dans le sud et le nord de l'Alberta, mais aussi en Saskatchewan, où les gens changent parfois de zone administrative. La situation est donc en constante évolution.

Alors que je préparais mes observations pour aujourd'hui, je ne pensais pas nécessairement à ce dont nous avons besoin aujourd'hui, mais à ce dont nous pourrions avoir besoin d'ici 30, 50 ou 100 ans. Nous entendons beaucoup parler des changements climatiques et de l'état possible de l'environnement à l'avenir. Selon nous, si les prévisions en la matière s'avèrent justes, le Canada sera probablement très bien placé, grâce à son assise territoriale dans le Nord, pour fournir des denrées alimentaires au monde entier.

Le sénateur Tannas : Cela nous amène à la question que nous avons posée aux représentants du ministère des Transports et à laquelle ils n'ont d'ailleurs pas su répondre. Qu'arriverait-il si nous doublions la production dans tous nos secteurs d'activité? Nous parlons de doubler notre population. Selon toute vraisemblance, nous allons doubler la production de beaucoup de choses. Serait-il possible ou concevable de prévoir une telle augmentation de la production bovine et céréalière grâce à l'amélioration de l'efficacité et à l'utilisation d'équipements plus perfectionnés? Ces derniers temps, une foule de progrès ont été réalisés sur le plan du rendement, notamment parce que la technologie des semences s'est améliorée.

Est-il concevable que, d'ici 2050, nous puissions doubler la production agricole? Le cas échéant, sommes-nous toujours persuadés que le corridor du Sud, qui traverse des villes, des montagnes, et cetera, nous permettra de redoubler d'efforts?

M. Masswohl : J'ignore de quel ordre sera l'augmentation et je ne saurais dire si ce sera le double ou peu importe, mais il y a un énorme potentiel de croissance; cela ne fait aucun doute. La population canadienne va augmenter. Nous sommes en train d'ouvrir des routes commerciales. Le potentiel de croissance sur le marché chinois en particulier est absolument ahurissant. La Chine pourrait consommer chaque livre de bœuf que nous produisons au Canada. Les possibilités sont là.

Nous pensons que le Canada fait probablement partie de cette poignée de pays en voie de devenir des superpuissances agricoles dans le monde entier, à condition que nous ayons les bonnes politiques, les bonnes infrastructures et le bon environnement concurrentiel. Cela reposera, en bonne partie, sur la recherche parce que nous devrons probablement nous adapter à un climat différent dans le Nord en ce qui concerne les différentes variétés végétales.

Nous savons comment la biotechnologie a permis d'améliorer le rendement des cultures au cours des dernières décennies. Les terres qui étaient autrefois peu fertiles sont aujourd'hui de première qualité, et il pourrait en être ainsi pour d'autres terres qui sont actuellement sous-utilisées.

M. Bonnett : Sachez que j'étais un des éleveurs-naisseurs de la région de Sault Ste. Marie, dans le nord de l'Ontario, et j'ai participé à certaines des discussions sur l'ouverture de la région de la ceinture d'argile, à Cochrane. C'est une zone immense. Nous l'avons survolée à bord d'un petit avion. Il est difficile de saisir l'énormité de cette région qui couvre le nord de l'Ontario et le nord du Québec. Les deux provinces recèlent un immense potentiel. Une partie de ces terres ont été défrichées il y a des années pour la coupe d'arbres et la distribution de foin aux chevaux; c'est ce à quoi servaient les terres.

Vous avez parlé des changements qui s'opéreront dans un avenir prévisible. Deux choses : d'abord, je pense que la production bovine offre d'énormes possibilités d'expansion, surtout dans le Nord. Je pense qu'on pourra faire les calculs une fois que les prix augmenteront un peu.

Par ailleurs, nous observons un changement radical dans les types de cultures. Prenons l'exemple du Manitoba, où le maïs et le soja sont monnaie courante. À mesure que le climat se réchauffera, nous pourrons les cultiver de plus en plus dans le Nord.

Vous avez évoqué le potentiel de rendement. Pendant ma jeunesse dans le sud-ouest de l'Ontario, si nous pouvions récolter 100 boisseaux de maïs, nous estimions avoir eu de bons résultats. Aujourd'hui, les agriculteurs cherchent à produire 300 boisseaux de maïs. Cela vous donne une idée de l'augmentation du rendement.

Pour ce qui est de l'infrastructure de transport, je crois qu'à long terme — d'ici 40 ou 50 ans —, la baie d'Hudson pourra servir de point de sortie, et nous ne devons pas perdre cela de vue. Si nous assurons l'ouverture de cette voie de transport, où il y a déjà quelques déplacements, la distance par rapport à la ceinture d'argile ou à l'Ouest canadien sera beaucoup moins longue que certaines autres régions. Je crois que c'est l'une des pistes de réflexion, si nous tenons à adopter une vision à long terme, et tout porte à croire que les canaux de navigation seraient ouverts; du point de vue économique, il sera probablement beaucoup plus efficace de passer par là que d'essayer de construire une nouvelle ligne est-ouest dans le corridor du Nord. Voilà, selon moi, le genre de mesures que vous devriez envisager.

La sénatrice Wallin : Je vais essayer quelque chose de différent, parce que nous nous penchons sur cette question depuis un bon moment. Compte tenu de votre savoir-faire, et en votre qualité d'intervenants de l'industrie qui connaissent bien la géographie de la région, j'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée de ce droit de passage. Nous devons prendre en considération les projets, qu'il s'agisse de construire un pipeline, une voie ferrée, une autoroute, des lignes de fibres optiques ou peu importe, et déterminer si vos deux groupes devraient figurer sur la liste des gens qu'il faudra consulter à ce sujet.

Êtes-vous favorables à cette idée? Je sais que c'est relativement nouveau et que vous commencez à vous pencher sur la question. Si un tel projet était approuvé, quelles seraient vos principales inquiétudes en ce qui concerne l'accès aux pâturages et la façon dont nous investissons dans les infrastructures? Vous parlez d'améliorer ce que nous avons au lieu d'avoir quelque chose de nouveau. Si cela allait de l'avant, quels problèmes cela entraînerait-il, selon vous?

M. Masswohl : Eh bien, comme je l'ai dit, je serais porté à dire que c'est une bonne idée et qu'il faudrait l'évaluer davantage et peut-être en préciser certains détails. Un élément important que nous aimerions connaître, c'est l'endroit exact. Cela se trouvera-t-il à un endroit pratique et facile d'accès pour nous ou 300 miles trop au nord pour nous être d'une quelconque utilité? Cela nous préoccupe énormément.

Si vous avez l'occasion à un moment donné d'utiliser la vue par image satellite de Google Maps et de regarder du côté de la région de la ceinture d'argile, soit autour du lac Abitibi, dans le nord de l'Ontario et au sud de la baie James, vous verrez que le long de la frontière entre l'Ontario et le Québec il y a des terres agricoles à perte de vue au Québec. En Ontario, c'est de la forêt. Les routes sont l'une des grandes différences. Il y a réseau routier du côté du Québec. Les subventions gouvernementales peuvent également être un facteur, mais il y a des routes.

Comme nous l'avons mentionné, ce n'est pas seulement la capacité d'exporter le produit qui compte. Comment vous y avez fait allusion, il y a aussi ce qui est transporté dans le corridor et la capacité d'y acheminer des ressources et de permettre aux gens d'y aller et de revenir. Les personnes veulent avoir une vie et pouvoir y aller et revenir.

Un autre aspect que nous avons examiné dans le nord est la présence de beaucoup de terres de la Couronne. Ces terres pourraient-elles être mises à la disposition des agriculteurs? Si des terres de la Couronne sont mises à la disposition des gens le long de l'emprise où sera construit le corridor, cela me rappelle la construction du chemin de fer. Nous construisons un chemin de fer, et nous avons des exploitations agricoles le long du trajet. Une situation similaire pourrait se produire.

M. Bonnett : En ce qui concerne le projet de créer un nouveau corridor qui traverserait le nord, je crois qu'avant de nous consacrer entièrement à un tel projet j'examinerai les manières d'améliorer l'actuel corridor est-ouest. Je dis cela en partie, parce que j'ai mentionné que, dans le cas de certains marchés d'exportation, nous devons acheminer nos produits aux ports, mais nous ne pouvons pas oublier qu'une très grande partie de nos marchés d'exportation se trouvent directement au sud. Nous avons donc également besoin du corridor nord-sud. Environ 70 p. 100 de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis.

J'ai participé cette semaine à des rencontres du Partenariat Canada-Mexique, et il y a également un renforcement des échanges commerciaux avec le Mexique.

Le Canada est unique. Nous exportons nos produits dans plusieurs directions. Étant donné que 70 p. 100 de nos produits sont exportés au sud, je tiens à m'assurer que nous considérons également cela comme un corridor. Les points de passage frontalier, par exemple, peuvent vraiment être un problème, en particulier dans le cas des produits frais. Les gens n'en sont peut-être pas conscients, mais les serriculteurs canadiens exportent beaucoup de produits aux États- Unis. Tout retard au moment de traverser la frontière peut rendre invendable un produit périssable.

Je crois que l'examen de l'ensemble du réseau de transport doit être la priorité. Ce n'est pas un seul élément. Cela ne concerne pas seulement les chemins de fer. C'est le tout que forment les chemins de fer, les routes, les centres d'inspection, les points de passage frontalier et la réduction des temps d'attente, en particulier pour les camions qui traversent la frontière.

La sénatrice Wallin : C'est drôle, parce que tout le Canada est structuré selon l'axe est-ouest. Nous avons construit le grand chemin de fer pour relier toutes les régions, mais nos activités et même notre affinité sont souvent davantage selon l'axe nord-sud. En Saskatchewan ou en Alberta, nous avions l'habitude de traverser la frontière pour aller magasiner, comme nous le disions. C'était ainsi. L'idée de nous rendre à Toronto était bizarre. Nous allons donc un peu à l'encontre de la géographie et pratiquement de l'instinct naturel en discutant à certains égards de cette question.

M. Bonnett : Vous avez parlé des produits qui sont transportés au sud, et je crois que John serait d'accord. Beaucoup de bovins sont transformés dans l'Ouest canadien. Cette viande est transformée aux États-Unis et est ensuite expédiée dans l'Est canadien.

Je sais qu'il n'est pas question de cet aspect, mais voilà pourquoi il est important qu'un accord comme l'Accord de libre-échange nord-américain soit présenté comme une réussite non seulement pour le Canada, mais surtout pour les trois pays concernés. Nous avons mis en place des chaînes qui se veulent la manière la plus efficace de produire, de transporter et de livrer les produits aux détaillants. Je crois que c'est important.

Le sénateur Enverga : Merci de votre présence ici aujourd'hui. Vous avez déjà répondu à bon nombre de mes questions, mais j'ai entendu qu'il y avait une certaine augmentation et certaines possibilités dans le nord de l'Ontario et du Québec et peut-être aussi dans l'Ouest canadien.

Je comprends que parfois le réseau pancanadien et l'ensemble du Nord canadien ne sont peut-être pas viables pour l'instant. Dans un avenir proche, quelle région canadienne, selon vous, devons-nous impérativement inclure dans ce corridor nordique? Est-ce une partie du nord du Québec, du nord de l'Ontario ou peut-être certaines régions de l'Alberta? S'il y a une partie du pays où vous aimeriez vraiment que passe ce corridor nordique, où se trouve-t-elle?

M. Bonnett : J'aimerais faire un commentaire, et c'est probablement parce que je suis dans le nord de l'Ontario. Il y a des possibilités et du développement dans la région du Cercle de feu, et nous avons toutes les retombées possibles dans le secteur de l'énergie en Alberta.

En ce qui a trait au secteur primaire, nous avons l'énergie, les mines, les forêts et l'agriculture. Je crois qu'il serait intéressant qu'une personne indique sur une carte où se concentrent ces secteurs. Cela pourrait vous donner une idée de l'endroit où investir.

Si le Cercle de feu se développe, la région aura besoin d'infrastructure pour fonctionner, mais c'est également très près de la région dont vous parliez dans le nord du Québec et de l'Ontario.

Dans le même ordre d'idées, s'il y a d'autres projets de développement dans le secteur de l'énergie dans le nord de la Saskatchewan et de l'Alberta, cela cadre avec certains possibles projets d'agrandissement concernant diverses cultures et céréales.

Je sais que je ne vous réponds pas directement, mais ce sont deux régions où je crois qu'il serait intéressant de superposer des cartes des divers types de ressources à exploiter. Cela pourrait vous donner une idée de l'endroit où il y a un potentiel de croissance.

M. Masswohl : Je crois que les besoins sont différents d'une région à l'autre au pays. Si nous prenons l'Alberta ou l'Ouest canadien, les exploitants dans les régions au nord doivent trouver des endroits où faire paître leurs veaux, et le sud de l'Alberta en regorge. Il y a peut-être un besoin nord-sud à cet endroit, mais il faudra fort probablement transporter les veaux dans des parcs d'engraissement en Ontario.

L'élément à retenir, c'est que l'Ontario est actuellement la quatrième province en importance relativement aux vaches de boucherie et de reproduction, la troisième en importance pour ce qui est de l'engraissement des bovins et la deuxième en importance en ce qui concerne la production de bœuf. Comme les terres sont très chères en Ontario, elles se prêtent davantage à l'étape à plus forte valeur ajoutée où plus de main-d'œuvre est nécessaire, parce que le bassin de population est plus grand en Ontario. Bref, il faut actuellement transporter un plus grand nombre de veaux de l'Ouest en Ontario. C'est en partie la raison pour laquelle l'industrie essaie de produire davantage de vaches de boucherie en Ontario. Je peux voir un axe est-ouest se former dans le nord de l'Ouest canadien.

Du côté de l'Ontario, il faudra probablement ouvrir les régions au nord et mettre en place l'infrastructure pour relier le nord et le sud de l'Ontario.

Le sénateur Day : Vous avez mentionné que le long de la frontière entre le Québec et l'Ontario nous avions de la forêt d'un côté et des terres agricoles de l'autre. Vous avez expliqué que la différence était le réseau routier qui a été construit au Québec. C'est une belle image que nous devons garder en tête, en particulier lorsque nous commençons à parler du réchauffement climatique. L'industrie forestière n'est plus ce qu'elle était, et l'industrie de la traite des fourrures n'est plus ce qu'elle était il y a 200 ou 300 ans. Les industries évoluent. Le réchauffement climatique changera passablement la donne.

Je pense que l'industrie forestière se déplacera encore plus au nord pour les entreprises qui souhaitent demeurer dans cette industrie et que de plus en plus de terres agricoles seront disponibles dans les régions au nord.

Cela fait vraiment partie d'une stratégie à long terme qui devra être mûrement réfléchie. Cependant, pouvons-nous dépendre uniquement d'un corridor nord-sud à chaque endroit? Il faudra aussi certains corridors est-ouest dans les régions au nord pour relier les lignes secondaires.

Monsieur Bonnett, je crois que vous avez parlé de la coordination entre les propriétaires de chemins de fer et les propriétaires d'élévateurs à grains. Vous avez ensuite parlé d'inspection, et ce sont tous des intervenants distincts qui font leurs propres choses. Qui s'occupera de les regrouper? Considérez-vous que c'est le rôle premier du gouvernement de s'occuper de cette coordination et de cette planification stratégique?

M. Bonnett : Il y a encore une transformation. Je crois que le gouvernement peut avoir un rôle à jouer en vue de contribuer à coordonner le tout et à regrouper les intervenants pour qu'ils se parlent. Je crois que nous avons l'occasion de vraiment nous pencher sur la vision à long terme du fonctionnement du réseau de transport. Au final, cela prendra probablement la forme d'une combinaison de partenariats qui se formeront et de règlements qu'adoptera le gouvernement. Toutefois, je crois qu'il est évidemment important de regrouper autour d'une même table des personnes qui comprennent l'industrie pour mener à bien ce projet. Je sais que certaines organisations agricoles, notamment dans le secteur des grains, seraient aussi ravies de participer à une telle discussion.

C'est pratiquement un pas en arrière. Je crois que vous avez parlé d'examiner la manière dont nous traitions de ces questions il y a 50 ans.

Au sujet de votre premier commentaire concernant les corridors est-ouest et nord-sud, il n'est peut-être pas nécessaire d'en avoir un qui s'étend de Terre-Neuve à la côte de la Colombie-Britannique. Il y a peut-être des endroits où le corridor essaiera de passer par des régions peuplées.

Prenons les lignes de chemin de fer dans le sud de l'Ontario. Elles ne sont pas vraiment efficaces pour le transport de marchandises, parce qu'elles croisent trop de collectivités. Cependant, si nous prenons le chemin de fer qui se rend au nord jusqu'à Hearst et Kapuskasing, il est probablement suffisamment au nord pour que le corridor soit utilisé comme ligne principale. Vous devriez peut-être examiner certaines régions précises. Il serait plus logique de déterminer les endroits où il y a des lacunes dans le réseau que de passer en revue l'ensemble du réseau.

J'ai également entendu des gens me dire que la traversée des Rocheuses causait parfois des retards. Nous avons peut- être la capacité de transporter assez rapidement les grains, mais nous devons ensuite composer avec un effet d'entonnoir lorsque nous arrivons aux Rocheuses. Vous pourriez vous concentrer sur cet aspect, vous pencher, en particulier en ce qui concerne le transport ferroviaire, sur les endroits où il y a des goulots d'étranglement dans le réseau et y trouver des solutions.

Cela revient un peu aux commentaires de John au sujet du réseau routier lorsque le pont a été fermé à la circulation à Nipigon. Il n'y a en gros aucun moyen de l'éviter. Si nous tenons compte des pertes que pourrait entraîner un événement majeur, cela pourrait être logique de prévoir une route de rechange dans les environs dans le réseau routier pour nous assurer de prévenir un tel goulot d'étranglement. J'ai discuté avec certains bouviers qui m'ont dit que c'était un véritable casse-tête. Ferez-vous passer ces camions par les États-Unis? Nous ne pouvons pas décider à la dernière minute de tout bonnement faire passer un camion par les États-Unis sans d'abord obtenir une panoplie d'autorisations pour ce faire. Voici ce qu'il faut regarder à long terme si nous utilisons ce corridor. Nous devons déterminer le moyen de nous assurer que des écrous défectueux ne paralysent pas l'ensemble du réseau.

Le sénateur Day : Monsieur Masswohl, vous parliez du transport du bétail par camion d'est en ouest. Vous avez fait une observation que j'ai trouvée intéressante lorsque vous avez mentionné la possibilité de traverser la frontière américaine, d'emprunter les routes du côté des États-Unis puis de repasser au Canada. Quelles complications et quelles dépenses sont associées à ce scénario?

M. Masswohl : C'est assurément plus court de passer par les États-Unis et d'éviter ainsi d'avoir à contourner les Grands Lacs par le nord. Comme Ron l'a dit, il faut toutes sortes d'approbations pour le bétail qui est dans le camion et peut-être aussi des documents particuliers pour le conducteur, puisque certains conducteurs n'ont pas le droit de conduire aux États-Unis, seulement au Canada.

Le sénateur Day : Malgré le libre-échange nord-américain.

M. Masswohl : Je ne veux pas m'immiscer dans les antécédents personnels des gens.

Les conducteurs qui ne peuvent conduire qu'au Canada ont peut-être eu certains problèmes. Dans un des scénarios, on dit qu'il y a une belle route qui relie l'est du Canada à l'ouest du Canada, mais si le pont est brisé — et c'est ce qui est arrivé —, il n'y a pas de plan B. Il n'y avait aucune autre façon de faire le trajet d'ouest en est que de passer par les États-Unis. À moins que ce soit ce que vous avez planifié, vous ne pouvez pas acheminer de bétail par cet itinéraire.

Comme plan B, mais aussi par souci des conditions de transport pour les bêtes, ce serait une bonne chose de faire en sorte que le bétail reste moins longtemps dans les camions. Ce serait bien de consommer moins d'essence, de prendre moins de temps et de réduire les dépenses. Ce serait aussi une bonne chose d'avoir des solutions authentiquement canadiennes.

Le sénateur Day : Les péages routiers pour les camions sont-ils plus élevés si l'on passe par les États-Unis plutôt que par le Canada?

M. Masswohl : Ils le sont peut-être. Je n'ai pas examiné tous les aspects de ce scénario, mais j'aurais tendance à croire que ces inconvénients seront contrebalancés de quelque façon. Je crois que si le plan B est votre seule option, les péages sont un inconvénient mineur.

Le sénateur Day : Je pense en fonction de plans à long terme et de planification stratégique. Quelqu'un doit s'occuper de ce dossier, et il faudra du financement. La planification coûtera de l'argent. Croyez-vous que votre fédération et votre association voudraient y participer? S'il y a un groupe de chercheurs à l'Université de Calgary qui discute d'itinéraires et de plans de rechange et qui a besoin d'argent, aimeriez-vous faire partie du consortium qui pourrait financer leurs travaux et les aider à mener à bien la planification à long terme qui doit être faite?

M. Masswohl : Je ne crois pas que nous financerions des travaux de ce type, mais nous pourrions faire valoir notre point de vue par l'intermédiaire de quelqu'un qui serait prêt à assurer ce financement.

Le sénateur Day : Quelqu'un comme le gouvernement. C'est quelque chose que le gouvernement devrait faire.

M. Masswohl : Comme le gouvernement, oui. Un projet ambitieux pour soutenir les aspirations économiques du pays.

Le sénateur Day : Ce serait aussi un projet ambitieux pour votre fédération, non?

M. Masswohl : Nous n'avons pas d'argent. C'est la seule réponse qui convient.

M. Bonnett : John, j'attendais de voir ce que vous alliez répondre, parce que je me suis mis à penser à nos prélèvements.

Nous avons parlé du pont de Nipigon, mais nous devrions penser à la possibilité de créer des partenariats avec les municipalités qui jalonnent les principaux trajets. Notre ferme est située tout près de la route 17, un axe de communication important qui traverse tout le nord de l'Ontario, et il est arrivé qu'on ait à faire passer les camions par des routes municipales en raison d'un accident important ou d'un blocage. Le seul problème, c'est que ces routes municipales n'ont pas été construites selon les normes prescrites pour de si gros véhicules. Dans cette optique et en ce qui concerne la planification à long terme, si vous choisissez une route de rechange, il serait judicieux de s'assurer que tous les tronçons de cette route qui devront être refaits le seront selon une norme appropriée pour cette circulation d'évitement.

C'est pour cette raison que j'ai dit qu'il était important d'intégrer suffisamment de personnes à la discussion et d'envisager la chose comme s'il s'agissait d'un système. Pour aller dans l'Ouest, il y a la route 11, la route 17, ou peut- être la route no 1. Y a-t-il des municipalités qui ont ce qu'il faut pour servir de voie d'évitement, au besoin? Si elles pouvaient profiter d'investissements pour les aider à respecter des normes de construction de plus haut calibre, cela permettrait effectivement de diminuer le stress en cas d'événements fâcheux.

La sénatrice Ringuette : Avez-vous fait cette recommandation? Le gouvernement actuel contemple un programme d'infrastructure de grande envergure. Les municipalités y participeront, et certaines pourraient être mises à contribution pour les travaux routiers. Vous pourriez préciser la norme que vous recherchez.

M. Bonnett : Avons-nous fait cette demande? Je suis comme John. Mon organisme et moi n'avons pas réfléchi à tous les aspects de cette question avant de recevoir votre invitation.

J'ai déjà été un conseiller municipal et un maire. C'est pour cette raison que cet aspect des choses s'est retrouvé là- dedans.

La sénatrice Ringuette : Tout cela est très sensé.

M. Bonnett : C'est tout simple.

La sénatrice Ringuette : Ferez-vous cette recommandation?

M. Bonnett : Oui, nous allons y donner suite.

Le président : Il y a quelques années, des audiences du comité des transports nous ont permis de constater que Vancouver devenait un petit peu problématique puisque beaucoup de gens affirmaient : « Pas dans ma cour. » Ils ne voulaient pas voir certaines marchandises circuler près de chez eux.

Dans 20, 30 ans, la population de cette région aura beaucoup augmenté. Les gens s'opposeront au passage de marchandises dans leur voisinage, pas nécessairement pour des raisons environnementales, mais assurément pour des raisons sociales. En tant que fédération ou qu'association, est-ce le genre de choses dont vous discutez, ou est-ce une question qui n'a pas encore été soulevée?

M. Bonnett : Nous n'en avons pas encore parlé, du moins, pas à la fédération, mais si je me fie à mon expérience passée, je crois que cette question relève de la planification de l'utilisation du territoire par les municipalités. Je siégeais à une réunion du conseil lorsqu'un promoteur a réussi à convaincre tout le monde que nous n'avions pas besoin d'un couloir réservé.

Pour le bien du commerce et de l'économie, je pense que certains de ces corridors devraient être marqués en tant qu'espaces prioritaires protégés, parce que si vous permettez quelque empiétement, vous allez vous retrouver avec toutes sortes de problèmes.

C'est ce qui s'est produit au Québec avec les wagons qui transportent le pétrole. Je crois que c'est ce qui se passe dans les endroits où ce sont les compagnies de chemin de fer qui sont arrivées les premières. C'était la façon la plus facile de bâtir des collectivités, en bordure des lignes de chemin de fer. Maintenant, ce sont ces mêmes collectivités qui cherchent à empêcher les chemins de fer de passer près de chez elles.

Le président : Les gens aiment que les transports passent près de chez eux.

M. Bonnett : Ensuite, il faut s'investir auprès des autorités municipales et provinciales. S'il est établi que ces corridors doivent être considérés comme étant prioritaires pour acheminer les produits aux marchés et que cela est dans l'intérêt économique du pays, la décision doit être mise en œuvre par l'intermédiaire des processus de planification provinciaux et municipaux.

Le président : Je peux me tromper, mais je crois qu'en Californie, s'il y a un tremblement de terre — ce qui arrive de temps à autre —, l'État peut utiliser les ports de Seattle, de Portland et d'un certain nombre d'autres endroits. S'il y avait un tremblement de terre dans le sud de la Colombie-Britannique — ce que beaucoup de gens estiment possible —, quelles solutions de rechange aurions-nous?

M. Bonnett : Thunder Bay serait grandement sollicité, mais c'est une solution qui ne fonctionnerait pas bien en hiver.

Le sénateur Day : Le tremblement de terre toucherait-il aussi Prince Rupert?

Le président : Non, pas nécessairement. Prince Rupert est assez loin pour ne pas être touché. C'est l'itinéraire de rechange que nous aurions.

Le sénateur Massicotte : Il y a environ deux ans, nous avons eu un débat important au sujet du problème de la vache folle dans l'Ouest canadien. Ensuite, il y a eu un long débat, un débat à saveur presque nationaliste, sur le bien-fondé d'avoir des abattoirs dans l'Ouest canadien. Rafraîchissez-moi la mémoire : quels abattoirs y a-t-il dans cette région du pays?

Je me souviens aussi que l'on m'a dit qu'un veau doit traverser la frontière plusieurs fois durant son existence avant de finir à l'abattoir ou, peut-être, avant d'être finalement consommé. Qu'en est-il et pourquoi n'entendons-nous plus parler de ce débat?

M. Masswohl : Lorsqu'il y a eu l'ESB, en 2003, l'un des gros problèmes était que nous n'avions pas la capacité d'abattage suffisante au Canada pour prendre en charge le nombre de bêtes qui devaient être mises en marché chaque semaine. Un certain pourcentage du bétail devait être pris en charge par les États-Unis. Quand tout à coup ces bêtes ne peuvent plus être envoyées aux États-Unis, vous vous retrouvez avec trop de bêtes et les espaces pour les accueillir se font rares. Bien entendu, cela entraîne aussi une chute des prix.

Il y a eu une période, en 2004-2005, où nous avons effectivement augmenté la capacité d'abattage. Avant la crise de l'ESB, nous étions en mesure de passer 72 000 bêtes par semaine, et il aurait fallu que nous en passions environ 105 000, et nous avons atteint cette capacité. Or, lorsque la frontière s'est rouverte, certaines modifications en matière de politiques ont fait en sorte qu'il est devenu plus coûteux de traiter ce bétail au Canada. Du jour au lendemain, on a recommencé à envoyer les bêtes aux États-Unis, et le Canada s'est retrouvé avec une surcapacité d'abattage. Certains de ces abattoirs ont dû fermer leurs portes.

Présentement, les deux plus grands abattoirs au Canada sont tous les deux dans le sud de l'Alberta. Il y a Cargill, à High River, et JBS, à Brooks. Chacun d'eux peut passer 5 000 bêtes par jour. Vient ensuite l'abattoir Cargill, à Guelph, qui a une capacité de 2 000 bêtes par jour, puis deux autres dans la région de Toronto et un dernier à l'Île-du-Prince- Édouard. Voilà pour les abattoirs inspectés par le gouvernement fédéral. Il se peut qu'un nouvel abattoir axé davantage sur le marché européen ouvre ses portes au nord de Calgary, mais pour l'instant, la capacité dépasse la demande.

Le sénateur Massicotte : Pendant plusieurs années, je suis allé souvent à Washington pour parler de la mention du pays d'origine sur les étiquettes, ce qui, heureusement, a fini par se régler. Or, quelle était la raison de ces allers-retours Canada-États-Unis?

M. Masswohl : Nous voulons déplacer le bétail là où cela coûte le moins cher pour l'engraisser et le transformer. Nous ne voulons pas de barrières politiques artificielles, et, quelle que soit l'année, la question est principalement une affaire de météo. Certaines années, l'herbe est meilleure de ce côté-ci de la frontière, le grain est plus abondant d'un côté ou de l'autre. Si vous êtes éleveur-naisseur — c'est-à-dire que vous avez à la fois des vaches reproductrices et des taureaux —, votre produit est un veau de 500 livres que vous allez probablement vendre à un éleveur de bovins d'engrais ou à un parc d'engraissement. Si vous êtes dans le sud de l'Alberta, le meilleur client pour cet animal est peut- être quelqu'un de l'Alberta ou de l'État de Washington ou du Nebraska. Bref, vous allez le vendre au plus offrant. C'est pourquoi vous allez vouloir que la frontière soit ouverte.

Il arrive que les éleveurs-naisseurs des États-Unis vendent leurs veaux à un parc d'engraissement canadien. Il est important que ce flux économique puisse avoir lieu, peu importe où se trouve la rentabilité. Bien entendu, lorsque l'engraissement est terminé et que les bêtes doivent être envoyées à un conditionneur pour être abattues, cela peut aussi se faire d'un côté ou de l'autre de la frontière. Oui, il arrive que les bêtes traversent plusieurs fois la frontière.

Le sénateur Massicotte : Jusqu'à deux fois, semble-t-il. Qu'arrive-t-il ensuite? Est-ce que le produit est expédié aux consommateurs canadiens?

M. Masswohl : Oui. Je dirais qu'il est exceptionnel qu'une même bête fasse le trajet plus de deux fois.

Le sénateur Massicotte : Vous avez dit que les nouveaux règlements ont rendu les abattoirs canadiens non concurrentiels par rapport aux abattoirs américains. Qu'entendez-vous par là?

M. Masswohl : Il y a eu un exemple de cela en 2007. Pour contrôler l'ESB, le Canada a resserré son interdiction frappant les aliments du bétail, puis, environ un an plus tard, les États-Unis ont fait la même chose. Ce que le Canada a fait a été beaucoup plus onéreux. Avec les coûts supplémentaires qui devaient être engagés au Canada, le coût du bovin de réforme — c'est-à-dire, un animal de plus de 30 mois — a atteint un peu plus de 30 $, alors qu'aux États-Unis, c'était une question de quelques dollars de plus par bête. Si vous essayez de vendre ces bovins de plus de 30 mois et qu'une usine américaine peut en acheter plus parce que leurs coûts sont moindres, ce sont ces bovins que l'usine achètera.

Le sénateur Massicotte : En quoi ces coûts consistent-ils? Puisque vous en avez parlé, pourriez-vous nous dire à quoi ils correspondent?

M. Masswohl : La raison d'être du renforcement de l'interdiction frappant les aliments du bétail était de disposer des parties de l'animal où réside le prion, l'agent infecté par l'ESB. Ces parties sont le cerveau, la moelle épinière et certaines terminaisons nerveuses. L'une des choses qui étaient différentes dans la réglementation canadienne, c'est qu'elle disait que l'agent était dans le cerveau. Il fallait donc disposer du cerveau en entier et des terminaisons du nerf optique, mais ce n'était pas tout puisqu'ils ont ajouté : « Eh bien, étant donné qu'il pourrait y avoir encore des résidus dans le crâne, nous devons disposer du crâne au complet. » Aux États-Unis, ils ont établi qu'il était suffisant de passer un aspirateur dans le crâne. Nous avons donc été contraints de nous débarrasser de plusieurs livres de déchets par animal, alors qu'aux États-Unis, le poids des déchets par animal n'était que de quelques onces. Il y a aussi eu des coûts associés à la disposition de ces déchets, alors cela faisait une grosse différence par rapport aux coûts des producteurs américains.

Le président : Merci, messieurs. Cette réunion était très intéressante. Merci de vous être déplacés et de nous avoir fait part de vos réflexions sur la possibilité d'un corridor nord. Nous avons vraiment aimé la discussion.

Distingués collègues, nous avons discuté hier de la possibilité de demander un délai pour le rapport, et il a été question du mois de juin. J'aimerais que cela soit changé à la fin du mois de mai pour la simple raison que la sénatrice Cordy va bientôt se manifester et que nous allons parler des communications. Je veux éviter tout cela. Je crois que nous aurons terminé d'ici la fin du mois de mai, alors entendons-nous pour que ce soit à la fin de mai.

Enfin, à moins que le Sénat nous oblige à nous réunir pour une raison ou pour une autre, nous aurons terminé le 15. Si nous sommes de retour durant la semaine du 19, il n'y aura pas de réunion à moins que le Sénat ait une quelconque motion nous contraignant à examiner un projet de loi particulier ou quelque chose d'autre. Bien entendu, si c'est le cas, nous nous réunirons, mais autrement, il n'y aura pas de réunion cette semaine-là. Vous pouvez donc planifier votre emploi du temps en conséquence.

(La séance est levée.)

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