Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule No 11 - Le neuvième rapport du comité
Le lundi 5 décembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de déposer son
NEUVIÈME RAPPORT
Votre comité, qui a été autorisé à étudier la teneur des éléments des sections 3, 4, 5, 6 et 7 de la partie 4 du projet de loi C-29, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2016 et mettant en œuvre d'autres mesures, a, conformément à la motion adoptée par le Sénat le 22 novembre 2016, examiné ladite teneur de ces éléments et en fait maintenant rapport comme il suit.
Le comité a tenu, les 30 novembre et 1er décembre 2016, des réunions au cours desquelles il a entendu les témoignages de neuf responsables de deux ministères fédéraux, ainsi que de représentants des milieux universitaire et financier.
SECTION 3 : MODIFICATIONS À LA LOI CANADIENNE SUR L'ÉPARGNE-ÉTUDES
La section 3 propose de modifier la Loi canadienne sur l'épargne-études de manière à rendre compte du remplacement de la prestation fiscale canadienne pour enfants par l'allocation canadienne pour enfants, et de leur emploi comme critère d'admissibilité au bon d'études canadien.
Un responsable d'Emploi et Développement social Canada a informé le comité que la section 3 modifierait les critères d'admissibilité au bon d'études canadien de manière à y inclure le revenu familial rajusté et le nombre d'enfants.
SECTION 4 : MODIFICATIONS À LA LOI CANADIENNE SUR L'ÉPARGNE-INVALIDITÉ
La section 4 propose de modifier la Loi canadienne sur l'épargne-invalidité en raison du remplacement du terme « prestation fiscale canadienne pour enfants » par le terme « allocation canadienne pour enfants ». Elle propose aussi de modifier le terme « revenu de transition », qui représente le seuil de revenu au-dessus duquel le montant du bon canadien pour l'épargne-invalidité commence à être réduit.
Un responsable d'Emploi et Développement social Canada a indiqué au comité que l'admissibilité au bon canadien pour l'épargne-invalidité, qui constitue une cotisation fédérale aux régimes enregistrés d'épargne-invalidité des Canadiens à faible revenu, a été établie en tenant compte de la prestation fiscale canadienne pour enfants. Le seuil de revenu actuel pour l'admissibilité au bon canadien pour l'épargne-invalidité est de 26 364 $. Le projet de loi C-29 harmoniserait ce seuil avec l'allocation canadienne pour enfants, qui est actuellement de 30 000 $.
SECTION 5 : MODIFICATIONS À LA LOI SUR LES BANQUES
La section 5 propose de modifier la Loi sur les banques afin de consolider les dispositions existantes sur la protection des consommateurs et de créer un nouveau régime de protection des consommateurs en matière financière applicable aux banques. Le régime existe déjà en grande partie dans la Loi et dans les dispositions réglementaires afférentes; la section 5 consoliderait ces dispositions dans la nouvelle partie XII.2.
L'objet de la partie XII.2 proposée serait d'établir un régime de protection des consommateurs en matière financière complet et exclusif pour encadrer les relations des banques avec leurs clients et le public relativement aux produits et services bancaires, et ce, afin? « de fournir aux clients et au public une protection uniforme à l'échelle nationale; de permettre aux [banques] d'exercer leurs opérations bancaires de façon cohérente et avec efficacité à cette échelle; et d'assurer l'uniformité dans la supervision des [banques] et le contrôle d'application des dispositions relatives à la protection des clients et du public ». Le régime fédéral proposé à la partie XII.2 aurait prépondérance sur les dispositions provinciales relatives tant à la protection des consommateurs qu'aux pratiques commerciales qu'exercent les banques à l'égard de leurs clients.
La partie XII.2 proposée serait fondée sur les principes ci-après :
Les services bancaires de base devraient être accessibles.
Les communications devraient permettre aux clients des banques et au public de prendre des décisions financières éclairées.
Les clients des banques et le public devraient être traités de façon juste.
Les processus visant les réclamations devraient être impartiaux, transparents et adaptables.
Les banques devraient agir de façon responsable, en tenant compte de leurs clients et du public ainsi que de l'efficacité de leurs opérations commerciales.
La section 5 exigerait en outre que les administrateurs de la banque désignent l'un des comités du conseil d'administration pour, entre autres choses, veiller à ce que la direction respecte le régime proposé. Les administrateurs de la banque seraient aussi tenus de rendre compte des activités du comité au commissaire de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC).
Les autres dispositions de la partie XII.2 proposée concernent l'accès aux services bancaires de base, les pratiques commerciales, la communication, les réclamations, la reddition de comptes et les règlements.
Un responsable du ministère des Finances a informé le comité que la consolidation des dispositions existantes sur la protection des consommateurs témoignerait de l'exhaustivité du régime, faciliterait la compréhension des dispositions pour les Canadiens et assurerait l'uniformité de l'ensemble des produits et services bancaires.
D'après l'Association des banquiers canadiens, la consolidation proposée améliorerait l'efficacité de la réglementation des services financiers, assurerait l'uniformité dans l'ensemble du pays, éviterait la confusion chez les consommateurs, optimiserait la disponibilité des produits et permettrait à l'ACFC de mieux s'acquitter de son mandat. Le Centre pour la défense de l'intérêt public a toutefois indiqué que la consolidation proposée donnerait lieu à un régime plus rigide.
Les responsables du ministère des Finances et de l'ACFC, ainsi que l'Ombudsman des services bancaires et d'investissement, ont fait valoir que les principes sur lesquels reposerait le régime préciseraient la façon dont les dispositions sur les consommateurs contenues dans le régime doivent être interprétées. L'Ombudsman des services bancaires et d'investissement a aussi indiqué que les principes proposés sont pertinents et bien fondés. De l'avis du Centre pour la défense de l'intérêt public, cependant, l'effet juridique des principes proposés est incertain.
En ce qui concerne les modifications qui confirmeraient la prépondérance du régime sur les dispositions provinciales en matière de protection des consommateurs, le Ministère a déclaré que l'idée est d'éviter les chevauchements entre les règles fédérales et provinciales et de faire en sorte que les dispositions sur la protection des consommateurs en matière bancaire soient claires, complètes et uniformes à l'échelle du pays. Quant à lui, le Centre pour la défense de l'intérêt public n'a pas appuyé les modifications relatives à la prépondérance du régime proposé. Selon lui, les règles sur la protection des consommateurs qui s'appliquent aux coopératives de crédit dans un certain nombre de provinces offriraient aux consommateurs une protection qui surpasse celle qui serait offerte en vertu du régime proposé; ainsi, pour les consommateurs, il pourrait être désavantageux de recourir aux banques pour leurs besoins en matière de services financiers. Le Centre a aussi indiqué que les règles du Québec en matière de protection des consommateurs pourraient devenir inopérantes à la suite de l'adoption des modifications proposées, ce qui pourrait donner lieu à des contestations constitutionnelles et à un flou juridique.
Le Ministère a mentionné que les modifications proposées entraîneraient des améliorations dans les domaines suivants : l'accès aux services bancaires de base, les règles sur les pratiques commerciales, la communication de l'information aux consommateurs par les banques, la présentation des rapports destinés au public relativement aux plaintes, et la reddition de comptes par les équipes de gestion des banques en ce qui concerne la protection des consommateurs. L'Ombudsman des services bancaires et d'investissement a appuyé ces modifications, indiquant qu'elles offriraient d'importantes précisions.
Selon le Centre pour la défense de l'intérêt public, le régime proposé ne réglerait pas les problèmes actuels relatifs aux pratiques commerciales des banques. Il a plus particulièrement indiqué que le régime proposé n'empêcherait pas les banques de modifier unilatéralement leurs conditions d'utilisation ou d'ajouter unilatéralement à ces conditions des dispositions les dégageant de toute responsabilité relativement à leurs erreurs ou leur négligence. Le Centre a cité l'exemple du Consumer Protection Code de l'Irlande, qui offre aux consommateurs une protection relativement meilleure, soulignant que le code irlandais assujettit les banques à une obligation de compétence, de prudence et de diligence raisonnables dans l'intérêt supérieur de leurs clients.
ADR Chambers — Bureau de l'Ombudsman des services bancaires a appuyé un certain nombre des modifications proposées relativement à la résolution des plaintes. L'organisme a insisté sur les dispositions qui feraient en sorte que les banques soient tenues de fournir aux organismes externes d'examen des plaintes tous les renseignements et toute la documentation nécessaires pour mener des enquêtes complètes et sérieuses sur les plaintes des consommateurs, et qui profiteraient aux consommateurs en faisant en sorte que l'information obtenue soit facile à comprendre. Toutefois, selon le Centre pour la défense de l'intérêt public, le régime proposé ne réglerait pas les problèmes actuels relatifs à la résolution des plaintes; par exemple, une banque pourrait encore recourir aux services de l'ombudsman externe de son choix.
Saul Schwartz, professeur à l'Université Carleton, qui a comparu à titre personnel, a appuyé l'inclusion du cadre proposé à la Loi, mais, étant donné la prépondérance envisagée, seulement dans la mesure où ses dispositions seraient au moins aussi rigoureuses que les dispositions provinciales en matière de protection des consommateurs.
En outre, M. Schwartz a indiqué que les banques traitent les consommateurs à faible revenu avec indifférence et mépris, ce qui est incompatible avec le principe proposé selon lequel les banques devraient traiter leurs clients équitablement. Pour illustrer ses propos sur la façon dont les banques traitent les clients à faible revenu, M. Schwartz a mentionné que les banques sont réticentes à aider ces clients à établir un régime enregistré d'épargne-études, ce qui pourrait expliquer pourquoi seulement le tiers des Canadiens admissibles reçoivent le bon d'études canadien. À son avis, le règlement qui sera pris après l'entrée en vigueur de la section 5 devrait exiger des banques qu'elles réalisent une enquête empirique sur la façon dont elles traitent les consommateurs à faible revenu; le susdit comité du conseil d'administration que l'on propose à la section 5 pourrait être chargé d'une telle enquête, et les administrateurs pourraient être tenus responsables de toute non-conformité éventuelle.
Le Centre pour la défense de l'intérêt public a prétendu que la section 5 devrait être retirée du projet de loi C-29. Selon le Centre, le Ministère devrait tenir des consultations publiques en vue d'élaborer un régime de protection des consommateurs en matière financière qui soit complet, plus efficace, applicable et conforme au régime constitutionnel du Canada. D'après l'organisme, un tel cadre pourrait établir des garanties minimales dans les provinces. Il a aussi indiqué que ce régime devrait être élaboré dans le cadre du prochain examen de la Loi.
Comme solution de rechange au régime proposé à la section 5, M. Schwartz a proposé la création d'un organisme qui serait semblable au Consumer Financial Protection Bureau des É.-U. Selon lui, une telle entité serait plus efficace que l'ACFC, dont la capacité à établir et faire appliquer des règles est limitée. Il a déclaré que, à tout le moins, un organisme du genre pourrait produire des données que les provinces pourraient utiliser pour mettre en œuvre de meilleures mesures de protection des consommateurs; il a notamment été question des fournisseurs de services financiers parallèles, tels que les entreprises de prêt sur salaire, les prêteurs sur gages et les services d'encaissement de chèques. Il a également indiqué qu'un tel organisme pourrait élaborer des règlements fédéraux pour améliorer la protection des consommateurs en matière financière.
L'ACFC a mentionné que, en vue du régime proposé à la section 5, elle a établi un nouveau cadre de supervision qui sera lancé au printemps 2017. L'Association des banquiers canadiens a appuyé l'idée que le régime proposé soit sous l'unique supervision de l'ACFC.
Compte tenu des divergences d'opinions entre les témoins au sujet du régime de protection des consommateurs en matière financière proposé à la section 5, le comité est d'avis que, si la section 5 est adoptée dans sa forme actuelle, le régime proposé devrait faire l'objet d'un examen exhaustif dans le cadre de l'examen de la Loi en 2019.
SECTION 6 : MODIFICATIONS À LA LOI SUR LA MONNAIE ROYALE CANADIENNE
La section 6 propose de modifier la Loi sur la Monnaie royale canadienne de manière à autoriser la Monnaie royale canadienne à réaliser des bénéfices dans ses activités avec le gouvernement du Canada ou ses mandataires. Les modifications confirmeraient aussi que certaines pièces de 350 $ hors circulation ont cours légal, et autoriseraient la nomination à la Monnaie royale d'administrateurs n'ayant pas d'expérience dans le domaine de la fabrication ou de la production des métaux, en relations industrielles, ou dans domaine connexe.
De plus, aux termes de la section 6, la Monnaie royale obtiendrait de nouveaux pouvoirs qui sont assujettis à l'approbation du ministre des Finances et qui sont conformes au dernier plan d'entreprise approuvée de la Monnaie royale canadienne. Cette dernière pourrait notamment émettre, promouvoir et échanger des produits financiers — et promouvoir et échanger des services financiers — relatifs à l'or, à l'argent et à d'autres métaux, et en faire le commerce.
Un responsable du ministère des Finances a indiqué au comité que la capacité de la Monnaie royale à réaliser des profits dans ses activités avec le gouvernement du Canada favoriserait l'innovation et entraînerait une réduction des coûts généraux pour le gouvernement.
Dans son mémoire au comité, la Monnaie royale a mentionné que les modifications proposées à la section 6 aideraient à préciser le mandat de la Monnaie royale et élargiraient considérablement le bassin des candidats potentiels à son conseil d'administration.
SECTION 7 : MODIFICATIONS À LA LOI SUR LA GESTION DES FINANCES PUBLIQUES, À LA LOI SUR LA BANQUE DU CANADA ET À LA LOI SUR LA SOCIÉTÉ CANADIENNE D'HYPOTHÈQUES ET DE LOGEMEMENT
La section 7 propose de modifier la Loi sur la gestion des finances publiques, la Loi sur la Banque du Canada et la Loi sur la Société canadienne d'hypothèques et de logement de manière à donner au ministre des Finances des pouvoirs explicites à l'égard d'activités ou d'opérations existantes, à offrir au ministère des Finances une plus grande souplesse opérationnelle relativement à sa gestion des fonds de l'État, et à offrir à certaines sociétés d'État de nouveaux outils pour protéger leurs actifs.
Un responsable du ministère des Finances a informé le comité que la section 7 autoriserait expressément la poursuite d'un certain nombre d'activités en cours, y compris le pouvoir du ministre des Finances de passer des marchés qui offrent une protection contre les risques de change ou de faire des paiements qui réduisent la dette publique, ainsi que le pouvoir de la Banque du Canada de gérer le Programme d'emprunt des sociétés d'État, qui facilite le prêt de fonds du gouvernement aux Sociétés d'État. Selon le responsable du Ministère, à l'heure actuelle, ces activités sont réputées relever de leurs pouvoirs respectifs; les modifications proposées préciseraient les choses à cet égard.
De plus, la Banque du Canada a mentionné que la section 7 lui permettrait d'offrir des services de dépositaire à la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) relativement à la gestion et la protection des actifs. Elle permettrait aussi à la Banque de verser des intérêts sur les dépôts de la SCHL.
ANNEXE — Liste de témoins
Réunion du 1 décembre 2016
Richard Bilodeau, directeur, Direction de la supervision et de la promotion (Agence de la consommation en matière financière du Canada)
Sarah Bradley, ombudsman et chef de la direction (Ombudsman des Services Bancaires et d'Investissement)
Thérèse Couture, directrice, Département de la Gestion financière et des Opérations bancaires (Banque du Canada)
Toni Gravelle, chef, Département des Marchés financiers (Banque du Canada)
Andrew Kidd, conseiller juridique principal, Département des Services à la Haute Direction et Services juridiques (Banque du Canada)
John Lawford, directeur exécutif et avocat général (Centre pour la défense de l'intérêt public)
Anthony Polci, vice-président, Relations gouvernementales (Association des banquiers canadiens)
Marshall Schnapp, ombudsman (Chambres ADR Bureau Bancaire Ombuds)
Saul Schwartz, professeur et coordonnateur du programme de doctorat, École d'administration et de politique publique, Université Carleton (À titre personnel)
Réunion du 30 novembre 2016
Glenn Campbell, directeur, Division des institutions financières, Direction de la politique du secteur financier (Ministère des Finances Canada)
Michelle Demery, directrice, Division des programmes, Bureau de la condition des personnes handicapées, Direction générale de la sécurité du revenu et du développement social (Emploi et Développement social Canada (EDSC))
Jean-François Girard, chef, Division des institutions financières, Direction de la politique du secteur financier (Ministère des Finances Canada)
Mark Joshua, économiste principal, Division de la gestion des fonds, Direction de la politique du secteur financier (Ministère des Finances Canada)
Jessica Kerr, directrice générale, Program canadien pour l'épargne-études (Emploi et Développement social Canada (EDSC))
Nicolas Moreau, directeur, Division de la gestion des fonds, Direction de la politique du secteur financier (Ministère des Finances Canada)
Christine Nagy, analyste, Politiques opérationnelles et législation, Division des opérations du programme (Emploi et Développement social Canada (EDSC))
Eleanor Ryan, chef principal, Division des institutions financières, Direction de la politique du secteur financier (Ministère des Finances Canada)
James Wu, chef, Division de la gestion des fonds, Direction de la politique du secteur financier (Ministère des Finances Canada)
Le vice-président,
JOSEPH A. DAY