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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule n° 14 - Témoignages du 15 février 2017


OTTAWA, le mercredi 15 février 2017

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi S-224, Loi sur les paiements effectués dans le cadre de contrats de construction, se réunit aujourd'hui, à 16 h 18, pour procéder à l'étude du projet de loi.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Bienvenue, chers collègues, invités et membres du grand public qui suivent la séance d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, ici présents dans la salle ou à l'écoute sur le Web.

Je m'appelle David Tkachuk, et je suis président du comité. Il s'agit aujourd'hui de notre quatrième séance sur le projet de loi S-224, Loi sur les paiements effectués dans le cadre de contrats de construction. Le projet de loi a été lu pour la première fois au Sénat le 13 avril 2016 et a été renvoyé à notre comité le 28 novembre.

Pour la première partie de notre séance, je suis heureux d'accueillir Me Louis Davis, avocat-conseil, Section du droit international, administratif et constitutionnel, ministère de la Justice du Canada, et Christopher Meszaros, avocat, Services juridiques, Services publics et Approvisionnement Canada et, après eux, Gerald Chipeur, de Miller Thomson S.E.N.C.R.L., S.R.L., à titre personnel.

Merci d'être des nôtres aujourd'hui.

Maître Davis, veuillez prononcer votre déclaration préliminaire, qui sera suivie d'une période de questions et de réponses.

Louis Davis, avocat-conseil, Section du droit international, administratif et constitutionnel, ministère de la Justice Canada : Je suis avocat à la Direction du droit public du ministère de la Justice, et mon collègue est avocat aux Services juridiques de Services publics et Approvisionnement Canada. Nous avons tous deux vu la webémission de la séance tenue par le comité la semaine dernière. Des questions ont été posées au sujet de la Constitution, et on a insisté sur la nécessité qu'un avocat du ministère de la Justice comparaisse en tant que témoin devant le comité afin d'expliquer la situation constitutionnelle.

Je veux ajouter que nous regrettons qu'il semble y avoir eu une certaine confusion qui a amené le comité à penser que l'avocat du ministère de la Justice comparaîtrait la semaine dernière, mais nous sommes heureux d'être là aujourd'hui afin d'aider le comité relativement à ces questions, dans les limites que j'aborderai sous peu.

Permettez-moi de commencer en disant que, dans mes 39 années au poste d'avocat-conseil en matière constitutionnelle au ministère de la Justice, je ne me souviens d'aucune fois où ma comparution où que ce soit ait été attendue avec autant d'impatience.

Laissez-moi entrer directement dans le vif du sujet en disant que le gouvernement est d'avis que la constitutionnalité du projet de loi S-224 est discutable, puisque la réglementation des contrats de construction est généralement une affaire de compétence provinciale.

La question dans cette affaire concerne les sous-traitants et les paiements qui leur sont versés en retard par les entrepreneurs principaux. Le gouvernement du Canada n'entretient aucune relation avec les sous-traitants, alors la constitutionnalité du projet de loi S-224 est discutable, surtout en ce qui concerne les sous-traitants.

Le comité se posait également des questions au sujet du fondement de l'avis du gouvernement, alors, dans un instant, je vais renvoyer le comité à une décision de la Cour suprême du Canada intitulée Québec (Commission du salaire minimum) c. Construction Montcalm Inc., qui est publiée au [1979] 1 Recueil des arrêts de la Cour suprême 754.

Avant de poursuivre, je dois mettre l'accent sur des éléments importants de ma déclaration préliminaire, et je vais le faire le plus brièvement et rapidement possible.

En tant qu'avocat du gouvernement, je n'ai pas la permission d'aborder des conseils internes. Je ne suis également pas en position de donner d'avis juridiques au comité qui, bien entendu, a accès à son propre conseiller juridique et à des témoins indépendants.

Comme je l'ai indiqué dans la partie de ma déclaration préliminaire portant sur la position du gouvernement, j'affirme cela non pas dans le but d'éviter de fournir l'aide que je peux offrir, mais afin de souligner qu'il y a des limites à la mesure dans laquelle je suis en position d'aider le comité.

Mon rôle se limite essentiellement au fait d'aider le comité en ce qui concerne les questions constitutionnelles en mentionnant des principes constitutionnels fondamentaux qui sont bien établis — le paysage constitutionnel, pour ainsi dire — et à ne pas entrer dans une discussion portant sur leur application d'une manière précise.

Je peux renvoyer le comité à l'affaire que j'ai mentionnée parce qu'elle est généralement considérée comme l'arrêt de principe faisant autorité qui porte sur les vastes enjeux constitutionnels pertinents par rapport à la constitutionnalité du projet de loi S-224.

L'affaire porte sur la question de l'application de la compétence provinciale et sur la constitutionnalité des lois fédérales dans le contexte des contrats de construction passés par le gouvernement fédéral.

Même si — bien entendu — je serai fidèle à l'avis de la cour, les sénateurs comprendront que, dans l'ensemble, je ne citerai pas d'extraits de la décision en tant que telle, mais je résumerai et paraphraserai les positions de la majorité des juges et des juges dissidents. Je simplifierai un peu exagérément par souci de clarté et de brièveté, mais sans sacrifier quoi que ce soit de pertinent par rapport à l'étude des éléments constitutionnels.

Les faits pertinents sont que les employés d'une entreprise de la construction du Québec procédaient à l'exécution d'un contrat passé avec le gouvernement fédéral, sur des terres publiques fédérales, pour la construction de pistes au nouvel aéroport de Mirabel — à l'époque — qu'on construisait au Québec. Ils étaient payés conformément au salaire minimum établi par la loi fédérale applicable au travail effectué au titre de contrats passés avec la Couronne fédérale.

Les travailleurs voulaient obtenir le salaire minimum plus élevé prévu dans la loi québécoise sur le salaire minimum. La question consistait à déterminer si l'entrepreneur était assujetti aux lois salariales de la province dans le cadre de l'exécution du contrat passé avec la Couronne fédérale. La Cour a tranché la question à sept contre deux.

La majorité des juges ont déclaré que les lois provinciales s'appliquaient parce qu'elles ne portent pas sur la propriété fédérale ou sur l'aéronautique, mais qu'elles régissent les droits civils de l'entreprise de construction et de ses employés sur des terres publiques fédérales, et ces terres ne constituent pas une enclave extraterritoriale à l'intérieur des limites provinciales.

Alors, je pense qu'il ne fait aucun doute qu'une province peut adopter une loi relative au paiement rapide et la faire appliquer à une entreprise de la construction, même dans le contexte d'un contrat passé avec la Couronne fédérale. Je parle de façon générale.

Le contrat entre la Couronne et Montcalm était également régi par une loi fédérale appelée la Loi sur les justes salaires et les heures de travail. Cette loi, qui, depuis, a été abrogée, s'appliquait à toutes les personnes employées par l'entrepreneur, par un sous-traitant ou par toute autre personne travaillant au titre d'un contrat de construction conclu avec le gouvernement du Canada.

La cour a étudié la constitutionnalité de cette loi fédérale, et je pense que c'est là qu'on arrive à ce qui intéresse le plus le comité. Selon moi, il vaudrait mieux que je commence par résumer l'avis des juges dissidents à ce sujet.

Le juge en chef Laskin — en son propre nom et au nom du juge Spence — a clairement confirmé la loi fédérale. Ces juges s'appuyaient sur le fait que la Cour se penchait sur un contrat conclu avec la Couronne fédérale pour l'exécution de travaux sur des terres publiques fédérales et ont souligné que la propriété fédérale est une affaire de compétence fédérale exclusive, en application du paragraphe 91(1A) de la Loi constitutionnelle de 1867. Ils ont aussi invoqué le pouvoir fédéral en matière d'aéronautique.

Le jugement rendu à la majorité au nom des sept autres juges a été prononcé par le juge Beetz. La majorité a souligné que l'affaire présentait de nombreuses similitudes avec une cause jugée cinq ans plus tôt, au Manitoba. Dans cette affaire, un juge de la cour provinciale avait confirmé que les lois provinciales s'appliquaient, et il avait poursuivi en affirmant que la Loi sur les justes salaires et les heures de travail était inconstitutionnelle.

La majorité a mentionné que l'affaire s'était rendue devant la Cour d'appel du Manitoba, où le procureur général du Canada avait soutenu le procureur général du Manitoba en plaidant en faveur de l'applicabilité de la loi provinciale. Les deux procureurs généraux ont fait valoir que la loi fédérale n'avait pas pour but d'entrer en conflit avec la loi provinciale, et la Cour d'appel du Manitoba a souscrit à cette opinion et a adopté le point de vue selon lequel il n'était pas nécessaire de trancher à l'égard de la constitutionnalité de la loi fédérale.

Autrement dit, la cour a confirmé que la loi provinciale régit les employés travaillant pour un entrepreneur au titre d'un contrat passé avec la Couronne fédérale pour les travaux à exécuter sur des terres fédérales.

La Cour d'appel du Manitoba a déclaré que l'argument contraire était « fondé sur une division artificielle des compétences législatives ».

La majorité de la Cour suprême du Canada a tranché l'affaire Montcalm à la lumière du fait qu'elle était « essentiellement d'accord avec la Cour d'appel du Manitoba ».

Alors, pour conclure, je veux souligner que, dans l'arrêt Montcalm, la majorité de la Cour suprême du Canada a dû trancher la question de la constitutionnalité de la loi fédérale réglementant les contrats de construction passés avec le gouvernement fédéral. La majorité était pleinement consciente du fait que les deux juges dissidents étaient d'avis que la loi fédérale était constitutionnelle, alors qu'un juge d'une instance inférieure avait considéré cette loi comme étant inconstitutionnelle.

Sans vouloir franchir la ligne qui sépare le fait de résumer le jugement et celui de donner une opinion, je pense qu'il est manifestement implicite que la majorité a reconnu que des arguments pouvaient être formulés dans les deux sens et qu'elle a donc choisi de laisser ouverte la question de la constitutionnalité de la loi fédérale.

Une question a également été soulevée au sein du comité, la semaine dernière — par le sénateur Wetston, je crois —, au sujet du pouvoir résiduel. Il suffira peut-être que je souligne qu'aucune mention de ce pouvoir n'a été faite dans l'arrêt Montcalm, et je ne pense pas m'aventurer au-delà du droit constitutionnel de base en affirmant qu'en réalité le pouvoir résiduel est plus pertinent par rapport aux affaires qui allaient au-delà de l'étude des auteurs de la constitution, en 1867, comme l'aéronautique.

Enfin, avant de conclure, je voudrais communiquer au comité une citation de l'un des constitutionnalistes les plus respectés au Canada, le distingué professeur émérite Dale Gibson. Dans un article publié il y a 50 ans, portant sur la division des pouvoirs relativement aux enjeux touchant l'eau, il a affirmé ce qui suit : « La majeure partie du droit, ce sont des opinions, et c'est particulièrement le cas du droit constitutionnel. »

Ma déclaration est axée sur le droit constitutionnel. S'il y a des questions au sujet de la constitutionnalité ou d'autres aspects juridiques du projet de loi, nous allons faire de notre mieux pour y répondre dans les limites que j'ai mentionnées. Merci, monsieur le président.

Le président : Merci. Avez-vous quoi que ce soit à ajouter, maître Meszaros? D'accord, alors nous allons céder la parole au sénateur Plett.

Le sénateur Plett : Je poserai une question très brève.

Si la compétence fédérale pouvait être évitée grâce à la sous-traitance, un entrepreneur pourrait éviter entièrement d'être assujetti aux exigences du projet de loi S-224, simplement en confiant toutes les tâches à un sous-traitant et en n'exécutant aucune partie du contrat directement. À mon avis, monsieur, ce serait se moquer complètement de la Constitution. Avez-vous quelque chose à répondre à cela?

M. Davis : Je vais essayer, monsieur le sénateur. Je ne comprends peut-être pas bien le sens de votre question. Si c'est le cas, veuillez poser une question complémentaire. À des fins de clarification, ce n'est pas que la relation entre le gouvernement et le sous-traitant qui est discutable, d'un point de vue constitutionnel. La relation principale entre le gouvernement et l'entrepreneur lui-même est discutable parce que, comme l'a déclaré la majorité dans l'arrêt Montcalm, cette relation concerne des affaires civiles qui font partie des droits à la propriété et des droits civils, même si elles ont lieu sur des terres publiques fédérales.

Le sénateur Plett : Alors, à votre avis, c'est discutable, mais cela ne veut pas nécessairement dire que le gouvernement fédéral n'aurait pas compétence pour faire cela?

M. Davis : C'est exact, monsieur le sénateur.

La sénatrice Ringuette : C'est très intrigant, car nous avons une loi sur les relations de travail applicable aux établissements constitués en sociétés à l'échelon fédéral, et il est probable qu'au cours des cinq dernières années, votre ministère a rédigé de nombreuses fois des dispositions législatives de retour au travail dans des situations où une entente contractuelle a été établie entre l'employeur et les employés.

Donc, ce que vous dites, c'est que vous remettez en question la validité de cette loi fédérale, lorsque vous dites que la loi applicable au contrat est sous l'égide unique des provinces. Je comprends que nous sommes une fédération et qu'il s'agit d'une situation complexe. Par conséquent, je suis totalement d'accord avec la loi sur les relations de travail que nous avons établie à l'échelon fédéral, qui comble le vide qui existe du côté provincial.

Deuxièmement, à l'échelon fédéral, il y a une sphère de compétence dans laquelle des entités se déplacent d'une province à une autre, comme les employés de VIA Rail, ceux d'Air Canada et ainsi de suite. Je crois qu'il s'agit aussi probablement de la même situation et que, au bout du compte, c'est encore plus le cas, car les entrepreneurs généraux sont des entreprises qui deviennent de plus en plus grandes. Nous regardons certains noms. Ils ne sont pas limités à une seule province.

Je pense vraiment que le domaine des contrats entre entités constituées à l'échelon fédéral demeure — surtout dans le cas qui nous occupe — de compétence fédérale.

M. Davis : Merci, d'avoir posé la question, madame la sénatrice. Il n'y a absolument aucun conflit entre l'avis dont je vous ai fait part et les lois fédérales en vigueur régissant le travail. En tant qu'avocat spécialisé en droit constitutionnel, je peux vous dire que c'est très simple...

La sénatrice Ringuette : Contractuel.

M. Davis : Oui. En tant qu'avocat en droit constitutionnel, je peux vous dire que c'est très simple à expliquer. J'espère pouvoir le faire en 30 secondes; je vais essayer.

Le pouvoir en manière de relations de travail qu'exerce le Parlement sur les entités fédérales découle du pouvoir fédéral sur ces activités... comme vous l'avez mentionné, l'aéronautique, les chemins de fer interprovinciaux... personne ne remet cela en question.

Ici, la compétence fédérale est fondée sur le pouvoir qu'exerce le gouvernement fédéral sur les biens publics. Ainsi, si je puis simplement vous donner un exemple de cas, de biens publics, les réserves indiennes... même chose. Les deux relèvent de la compétence fédérale. J'utilise le terme « indiennes » parce que c'est le terme constitutionnel. Autrement, je dirais « les Autochtones ». Mais, dans cette affaire, des Autochtones fabriquaient des chaussures sur une réserve indienne. L'affaire a été envoyée devant la Cour suprême du Canada; on affirmait que c'était de ressort fédéral parce qu'ils se trouvaient sur des terres qui relèvent de la compétence fédérale. La cour a dit : « Non, non, non. On ne regarde pas sur quelles terres ils se trouvent; on regarde ce qu'ils font. » S'ils avaient mené une activité fédérale, comme les services bancaires, le gouvernement fédéral aurait autorité sur eux, mais, s'ils menaient des activités normales qui relèvent de la compétence provinciale, comme des travaux de construction, ces activités relèvent encore de la compétence provinciale, même si elles sont menées sur des terres fédérales ou dans une réserve fédérale. Alors, il n'y a aucune contradiction entre ce que nous affirmons et le fait de reconnaître que le gouvernement fédéral a compétence en matière de travail sur les relations de travail dans d'autres domaines qui relèvent de sa compétence.

La sénatrice Ringuette : C'est simplement contractuel, la base.

Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup d'être des nôtres cet après-midi.

En réponse à une question posée par le sénateur Plett, vous nous avez fait part de votre opinion en disant qu'il y a une probabilité, mais que nous n'en avons pas la certitude. Ce n'est pas très utile. J'ai été en affaires pendant la majeure partie de ma vie, et j'ai entendu cela un millier de fois. Toutefois, dans la vraie vie, on doit prendre des décisions en se fondant sur des probabilités. On n'est jamais sûr à 100 p. 100, mais on ne l'est jamais à zéro pour cent. On se dit : « Il pourrait pleuvoir, mais je doute qu'il pleuve samedi. Il pourrait neiger. » Donnez-moi une idée de cette réponse. Quand vous dites qu'il présente probablement un problème constitutionnel, êtes-vous sûr à 100 p. 100? Êtes-vous sûr à 97 p. 100? Ne l'êtes-vous qu'à 40 p. 100?

M. Davis : Merci de poser la question, monsieur le sénateur. Tout d'abord, je ne peux pas vous présenter ce genre d'analyse, car cela s'apparente à un avis juridique, mais je peux vous aider du point de vue de ce que vous mentionnez...

Le sénateur Massicotte : Parlez pour qu'on vous comprenne. Hautement probable?

M. Davis : Je n'ai pas le droit de faire cela, monsieur le sénateur, mais je peux aider en expliquant pourquoi il est tout de même utile de simplement savoir qu'il s'agit d'une zone grise. Les avis constitutionnels et clairs éclairent les choix en matière de politique. Très souvent, nous pouvons dire au gouvernement fédéral : « Cela ne relève pas de votre compétence; vous ne pouvez pas le faire. Ceci relève de votre compétence; vous pouvez le faire. » Lorsque nous affirmons qu'il s'agit d'une zone grise et que c'est contestable et discutable, le gouvernement fédéral peut dire : « Très bien, voulons-nous être » — comme il en a été question la dernière fois — « un chef de file dans ce domaine? Voulons-nous travailler avec les provinces? Voulons-nous les appuyer? Voulons-nous les suivre? Voulons-nous jouer un rôle de premier plan? Du point de vue des politiques, y a-t-il lieu de craindre que, si nous prenons les devants, il y aura un litige? Est-ce qu'une province — jalouse de sa compétence — va nous attaquer? »

L'incertitude constitutionnelle éclaire les choix en matière de politique, même si nous ne le disons pas. Et je n'ai pas le droit de dire si la probabilité est élevée, faible ou moyenne, mais cette probabilité éclaire les décisions en matière de politiques. Alors, si je puis mettre la situation dans un contexte d'affaires, c'est pertinent par rapport aux activités du gouvernement.

Le sénateur Massicotte : Je comprends que c'est pertinent, mais, d'après ce que j'entends, votre certitude quant à la présence d'un problème se situe entre 20 et 80 p. 100.

M. Davis : Je ne vous donne pas de chiffre, monsieur le sénateur, car je n'en ai pas le droit.

Le sénateur Massicotte : Dans la vraie vie, il faut interpréter le fait de traverser la rue. Il y a un risque de se faire frapper. Je vais marcher rapidement, alors. On interprète en quelque sorte tous ces risques. Je comprends ce que vous dites, mais, lorsque nous examinons des projets de loi, nous entendons souvent des gens dire : « Il n'est pas constitutionnel », et tout le monde veut que nous interrompions nos travaux pour nous sauver en courant. Non. C'est notre travail. Nous disons que ces choses présentent un risque; nous ne pouvons pas nous sauver parce que quelqu'un affirme que le projet de loi pourrait être inconstitutionnel. Alors, vous ne nous aidez pas. Votre commentaire ne me fait pas peur. Le projet de loi pourrait être constitutionnel; il ne l'est peut-être pas.

M. Davis : Je pense que je vous aide, monsieur le sénateur, si je puis l'affirmer, parce que...

Le sénateur Massicotte : Répétez-le lentement. Je vais essayer encore.

M. Davis : ... je vous présente la position du gouvernement concernant la constitutionnalité du projet de loi S-224. J'affirme clairement que le gouvernement est d'avis que la constitutionnalité du projet de loi S-224 est discutable. Non seulement je vous présente la position du gouvernement, mais je vous donne aussi le fondement de sa position. Je vous renvoie à une affaire où le juge a parlé des contrats avec le gouvernement fédéral, et je vous explique pourquoi il s'agit de la position du gouvernement. En raison du poste que j'occupe — je ne suis pas un témoin indépendant —, je n'ai pas le droit d'aller plus loin en vous disant que la probabilité est de 50 p. 100 ou en précisant son importance, mais je vous ai donné autant d'information que je le peux.

Le président : C'est comme le météorologue, Paul. Cinquante pour cent de probabilités d'averse, mais, vous savez quoi? Je réserverais quand même l'heure de départ au terrain de golf.

Le sénateur Massicotte : Mais, s'il tombe une goutte de pluie, vous dites : « Pour une fois, ils ont raison. Cela a gâché ma journée. »

Le sénateur Wetston : Je vais sortir mon imperméable, monsieur le président.

Maître Davis, merci de votre présence. Nous ne nous étions pas vus depuis longtemps.

M. Davis : Je suis ravi de vous revoir, monsieur le sénateur.

Le sénateur Wetston : Heureux de vous voir. Merci.

J'ai seulement une question à poser : le projet de loi S-224, pensez-vous que c'est du droit privé?

M. Davis : Eh bien, les contrats de construction sont une affaire de droit privé. Une fois que la Couronne est liée à quelque chose, il est toujours possible d'avoir des problèmes particuliers qui s'y rattachent, mais la Couronne est assujettie à la common law. Lorsqu'elle passe des contrats, même si elle présente des caractéristiques spéciales, on a généralement affaire à du droit privé, du droit provincial et du droit contractuel.

Le sénateur Wetston : Bien sûr, et je sais que les caractéristiques particulières soulèvent la question de l'immunité de la Couronne, et il est évident que vous connaissez bien ce sujet, tout comme moi.

Je vous pose la question parce que vous vous rappelez peut-être qu'en Ontario, il y a des années, un effort avait été déployé relativement au projet de loi 69. Je ne sais pas vraiment si vous connaissez ce projet de loi, mais il s'agit d'une loi sur les paiements rapides qui a été adoptée. C'était un projet de loi d'initiative parlementaire.

Compte tenu de votre opinion sur la constitutionnalité — et je comprends que vous ne formulez pas un avis à ce sujet —, selon laquelle le projet de loi pourrait être valide, d'un point de vue constitutionnel, parce que ce sont des biens et des droits civils dans la province, et sa constitutionnalité pourrait être remise en question.

M. Davis : Monsieur le sénateur, je vous suis reconnaissant de respecter mes limites, mais je suis libre d'aborder le paysage constitutionnel. En ce qui me concerne, et je parle au nom du ministre de la Justice — cette question a été réglée —, la capacité provinciale d'adopter une loi sur les paiements rapides n'est pas un problème. Je vous rappelle qu'il y a de nombreuses occasions, comme l'affaire du Manitoba que j'ai mentionnée, où le gouvernement fédéral appuie les provinces.

Le sénateur Wetston : Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur le président, j'aimerais poser une question de suivi.

Le président : Il me reste un autre intervenant, puis je veux passer à l'autre témoin.

Le sénateur Wetston : Puis-je poser cette dernière question? Elle prendra une seconde.

Le président : Bien sûr. Aucun problème.

Le sénateur Wetston : Je comprends qu'il s'agit de votre opinion et qu'elle est discutable en ce qui concerne la constitutionnalité du projet de loi S-224, et j'ai entendu ce que vous avez affirmé en réponse à la question que vous a posée le sénateur Massicotte. Toutefois, si j'ai laissé entendre que je croyais qu'il était probable que le projet de loi soit constitutionnel — c'est seulement mon opinion —, l'affirmation d'une disposition relative à la primauté serait-elle quelque chose qui pourrait être envisagé comme moyen de fournir une réponse nationale à une lacune qui existe au chapitre de la passation de contrats dans ce domaine particulier, advenant que ce soit le cas? Seriez-vous en mesure de formuler un commentaire à ce sujet?

M. Davis : La prémisse constitutionnelle de base, avant qu'on puisse arriver à la disposition relative à la primauté, c'est toujours que la loi fédérale, en soi, doit être constitutionnelle. Voilà la première question : le projet de loi fédéral est-il constitutionnel?

En supposant qu'il le soit, alors, oui, selon le droit constitutionnel de base, une fois qu'il y a un conflit avec une loi provinciale, la loi fédérale a préséance. Mais, la première question essentielle est la suivante : il faut deux lois valides — une loi fédérale valide et une loi provinciale valide — qui entrent en conflit.

Le sénateur Black : Je veux revenir sur trois réflexions que je vous ai entendus formuler, et vous pourrez confirmer ou nier que je vous ai bien entendu.

Concernant la question récemment posée par le sénateur Wetston au sujet du projet de loi 69 de l'Ontario, je vous ai entendu dire qu'il serait constitutionnel, à votre avis.

M. Davis : Pas exactement. Je n'ai jamais vu le projet de loi, et je ne peux pas formuler de commentaires sur un texte de loi précis. Toutefois, au titre de contrats de construction et en tant que notion, un projet de loi sur les paiements rapides constituerait généralement une loi provinciale valide.

Le sénateur Black : Et c'est là-dessus que portait le projet de loi 69.

M. Davis : Je ne connais pas ce projet de loi.

Le sénateur Black : Mais, si je vous disais que le projet de loi 69...

M. Davis : Alors, je répondrais « oui, monsieur le sénateur ». Je serais d'accord.

Le sénateur Black : Merci.

Mon deuxième élément : vous affirmez que la constitutionnalité du projet de loi S-224 est discutable.

M. Davis : C'est l'avis du procureur général du Canada, oui.

Le sénateur Black : La semaine dernière, nous avons accueilli le sous-ministre ou le secrétaire parlementaire, qui a indiqué que le gouvernement — à l'échelon de la Chambre des communes — n'est pas prêt à faire adopter le projet de loi S-224 à la Chambre des communes. J'en déduis que vous devez clairement être d'avis qu'il n'est pas constitutionnel. Pour quelle autre raison refuserait-il de le faire adopter?

M. Davis : Monsieur le sénateur, je n'ai pas le droit de parler des avis internes, mais je dirai ceci : je ne fais qu'être aussi clair, honnête et franc que je le peux auprès du Sénat.

Je répète : la constitutionnalité du projet de loi est discutable. Je ne dis pas qu'il est inconstitutionnel. Je veux le préciser clairement.

Le président : Ce que le gouvernement a dit, c'est qu'il n'appuyait pas le projet de loi; il ne l'appuyait pas, mais le projet de loi va tout de même aller de l'avant. Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire, alors quelqu'un va le faire adopter à la chambre s'il est adopté au Sénat.

M. Davis : Je ne sais pas s'il est convenable pour moi de l'affirmer, mais, ayant entendu les témoins de la semaine dernière...

Le président : Dites ce qui vous plaît.

M. Davis : Je suis préoccupé par mes autres limites, monsieur le sénateur.

Le président : Mais nous ne nous inquiétons pas de ces contraintes.

M. Davis : Pour être juste — parce que j'ai regardé la diffusion sur le Web —, les témoins disaient que le problème de la constitutionnalité est une considération de politique générale. Lorsqu'on se demande si nous allons de l'avant, y aura-t-il probablement un litige? Cela créera-t-il plus de problèmes qu'il en résoudra? C'est une considération de politique générale valable.

Même si, selon l'avis juridique, ce n'est pas clairement inconstitutionnel, le caractère constitutionnel est une considération de politique générale dont le gouvernement et le client doivent tenir compte. C'est le point important que les témoins ont soulevé.

Le président : Y a-t-il d'autres questions?

Le sénateur Day : Juste pour préciser aux fins du compte rendu, j'ai entendu la mention de « 244 ». Nous parlons du projet de loi S-224, simplement pour que ce soit clair dans le compte rendu.

La sénatrice Ringuette : Au ministère de la Justice, je suis certaine que vous avez une grande bibliothèque et une base de données sur des précédents jurisprudentiels concernant probablement chaque question.

M. Davis : Nous avons Google.

La sénatrice Ringuette : Nous avons le sénateur Baker qui peut nous fournir de l'information sur les précédents jurisprudentiels et tout le reste.

Vous fondez tous vos commentaires sur une affaire qui s'est produite pendant la construction de l'aéroport de Mirabel, dans les années 1960 et 1970. Cela remonte à plus de 45 ans. Avez-vous trouvé, même avec Google, un autre cas qui serait semblable au problème que nous examinons?

M. Davis : J'espère que je n'aurai pas l'air de me vanter, mais je suis au ministère de la Justice depuis 39 ans dans la même direction du droit public et la même section de droit constitutionnel et je travaille dans le domaine du droit constitutionnel. Je fais cela tous les jours. Je suis tous les jugements et toutes les affaires et je suis entouré de collègues qui font la même chose. J'ai des livres modernes et à jour et je me tiens au courant des faits nouveaux.

Une des choses merveilleuses à propos du droit constitutionnel, c'est que, contrairement au droit fiscal, il ne change pas très rapidement. Oui, il y a des changements, mais c'est le domaine du droit dans lequel les principes et les précédents remontent à 1979. En fait, ils peuvent remonter jusqu'en 1879. C'est un des merveilleux aspects de ce domaine.

Pour répondre à votre question, cette affaire est toujours la décision de principe, et chaque fois que vous examinez des jugements récents, on parle de cette affaire.

La sénatrice Ringuette : Alors c'est le point de repère.

Le sénateur Wetston : J'ai posé cette question la semaine dernière. Vous y avez peut-être déjà répondu, maître Davis. Je voulais en revenir à l'Ontario, en tant que sénateur de cette province. Si l'Ontario adopte cette loi, lie-t-elle la Couronne fédérale?

M. Davis : La position fédérale, et nous croyons qu'il y a un pouvoir à cet égard, c'est que les lois provinciales ne lient pas la Couronne fédérale. Cela dit, ça se complique. La Couronne fédérale peut lever cette immunité dans certaines circonstances. La Couronne fédérale, très souvent quand il s'agit de propriété fédérale, applique ce qu'on appelle la « politique de bon voisinage », et nous faisons volontairement des choses comme payer des impôts à la province, même si, lorsque nous les payons, nous le faisons non pas parce que nous sommes tenus par la loi de le faire, mais parce que nous voulons payer des impôts comme tout le monde. C'est ce qui explique la « politique de bon voisinage ».

Alors la réponse simple à votre question est que non, elle ne lie pas la Couronne fédérale, mais il existe des exceptions. Dans l'affaire que j'ai mentionnée, on parle d'un paiement versé en remplacement d'impôts, et je crois qu'il y a une loi qui s'appelle comme ça.

Le sénateur Black : Maître Davis, nous avons un document de M. Chipeur, notre avocat de Calgary. Avez-vous eu la possibilité de l'examiner?

M. Davis : Je crois que mon ministère en a demandé une copie, mais nous n'en avons pas reçu une...

Le sénateur Black : Je vois. Nous pouvons certainement vous en donner une copie. Je vais lire la première ligne de la section « Conclusion ». M. Chipeur est d'avis que le Parlement a le pouvoir d'adopter le projet de loi S-224 au titre du paragraphe 91(1A) de la Loi constitutionnelle.

M. Davis : Est-ce le paragraphe 92(1) ou 91(1)?

Le sénateur Plett : J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'ai demandé à lire quelque chose de M. Chipeur afin que ce soit consigné au compte rendu au cours de la dernière séance, et on m'a répondu qu'il serait ici, alors on m'a dit de ne pas le lire. Je demanderais encore la même chose. M. Chipeur est ici et témoignera dans quelques minutes.

Le président : Sénateur Black, veuillez poser votre question. Ensuite, M. Chipeur sera ici et pourra le lire lui-même. Alors veuillez poser votre question.

Le sénateur Black : Mais je désirais le préciser. Je veux obtenir l'opinion d'experts constitutionnels à propos de ce qu'affirme M. Chipeur. Je n'ai pas besoin de demander à M. Chipeur la teneur de son propos. Je peux lire ce qu'il a dit. Je veux entendre ce que ces personnes pensent du propos de M. Chipeur.

Le président : Allez-y, sénateur Black

Le sénateur Black : Encore une fois, M. Chipeur affirme que le Parlement a la compétence voulue pour adopter le projet de loi S-224 au titre du paragraphe 91(1A) de la Loi constitutionnelle de 1867. Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez, s'il vous plaît?

M. Davis : Je vais répondre à la question, mais je veux d'abord dire que je réagis à une phrase prise hors contexte tirée d'une conclusion. Dans un sens, cela n'est vraiment pas juste pour moi de commenter une opinion que je n'ai pas lue. Je ne connais pas le fondement de cette conclusion.

En réalité, à bien y penser, je crois vraiment que je ne peux pas répondre de cette manière. Je suis désolé, mais je ne crois pas que c'est approprié.

Le sénateur Black : Nous allons vous donner une copie, et vous pourrez peut-être ensuite l'examiner.

M. Davis : Encore une fois, je ne crois pas qu'il est approprié pour moi de le faire. Je ne suis pas ici en tant que témoin indépendant. Ce que je pense n'est pas ce qui est important. Je suis ici pour représenter le procureur général du Canada. Je devrais consulter.

Je suis désolé, mais je ne peux pas répondre à la question. J'aimerais bien le faire, mais je ne le peux pas.

Le président : Merci, maître Davis, de votre témoignage aujourd'hui.

Dans la poursuite de nos travaux, pour notre prochain groupe de témoins, j'aimerais souhaiter la bienvenue à Gerald D. Chipeur, associé, Miller Thomson S.E.N.C.R.L., S.R.L.

Gerald D. Chipeur, associé, Miller Thomson S.E.N.C.R.L., S.R.L., à titre personnel : Merci. Je crois qu'il serait très bon pour nous d'en venir à l'essentiel. Comme le sénateur Wetston l'a dit, la question concerne clairement la primauté. Il n'y a aucun doute. Si vous lisez l'affaire que mes savants collègues ont portée à votre attention, vous trouverez que, à la page 780, la Cour suprême cite un passage de la loi. La cour dit qu'il y a une disposition législative provinciale et une disposition législative fédérale valides et que les deux s'appliquent aux lois sur le salaire minimum dans le contexte d'ouvrages assujettis aux lois fédérales et provinciales dans la province de Québec. La cour a déclaré que la raison pour laquelle Montcalm a perdu et qu'elle devait payer le salaire minimum plus élevé du Québec était pour la raison suivante :

Montcalm devait prouver, aux fins de cette affaire, que les lois fédérale et provinciale étaient véritablement en conflit [...]

Dans cette affaire, il s'agit du droit du travail — et c'est une autre distinction —, mais nous avions affaire au droit du travail. En fait, il était possible pour ce contrat ou ce sous-traitant, Montcalm en tant qu'entrepreneur, d'être en conformité avec les lois fédérales et provinciales. Aucune question de primauté n'a donc été soulevée.

En raison de cette distinction, cette décision n'est pas utile lorsqu'on aborde une question très précise, soit le fait de savoir si cette loi fédérale est valide. Si tel est le cas, alors dans la mesure où elle impose des devoirs que la common law ou une loi provinciale n'impose pas, il s'agit d'un conflit avec la loi provinciale ou la common law provinciale, et elle aurait suprématie.

Je crois, mes amis, que la personne que vous venez d'entendre serait d'accord avec le fait que si nous avons une loi fédérale qui est valide, alors elle a préséance. Malheureusement, cette affaire ne nous aide pas parce qu'il ne s'agissait pas d'une question de primauté.

Ce que j'aimerais faire, c'est attirer votre attention sur plusieurs autres affaires qui, je crois, seront utiles à votre comité pendant que vous examinez la question de savoir si le gouvernement fédéral a compétence.

N'oubliez pas, nous parlons du paragraphe 91(1A); nous parlons de la propriété fédérale. Personne n'a jamais dit que le gouvernement fédéral n'a pas le droit d'adopter une loi concernant sa propre propriété. Encore une fois, si nous allons droit au but sans vous faire perdre votre temps avec 100 pages de jurisprudence, il suffit de poser une simple question : le sous-contrat fait-il partie intégrante du contrat principal? Pouvez-vous vous acquitter du contrat principal sans vous acquitter du sous-contrat? Si vous le pouvez, alors je crois que l'on pourrait invoquer l'argument selon lequel nous pouvons séparer les « sous-contrats » mineurs.

La décision devrait être rendue par un juge, et si le juge est d'avis que, dans un cas précis, un sous-contrat particulier concernait une propriété fédérale — et qu'est-ce qui serait plus important à une propriété fédérale que la construction d'une propriété fédérale? Chaque sous-traitant construit une propriété —, que ce soit un immeuble, un trottoir ou même une route. Les actions visées par le sous-contrat concernent une propriété fédérale et font partie intégrante du contrat principal pour la construction de l'immeuble.

Si on pouvait dire qu'il s'agissait d'une question de compétence provinciale et que le gouvernement fédéral n'a pas compétence, il serait possible — même en étant de bonne foi — pour un gouvernement provincial de prendre des mesures afin de bloquer la construction d'un immeuble fédéral sur un territoire fédéral en créant un ensemble de circonstances qui peuvent s'appliquer à tous. Mais dans ce cas, cela ferait en sorte qu'il serait impossible pour le gouvernement fédéral d'aller de l'avant.

Laissez-moi vous parler de trois affaires qui, selon moi, sont importantes. La première porte sur la question de faire partie « intégrante » de quelque chose. C'est une décision de la Cour suprême du Canada en 2007. C'est l'arrêt Burrardview Neighbourhood Association. Dans cette décision, nous avions la question de savoir si, dans le port de Vancouver, la loi fédérale allait être appliquée à chaque aspect de ce projet. C'est ce que la cour a déclaré aux paragraphes 72 et 78 :

Autoriser la construction d'une centrale à béton sur ces terrains portuaires [...] s'inscrit [...] dans une entreprise accessoire de développement portuaire qui, du fait de son intégration au transport maritime, l'assujettit à la compétence fédérale [...]

Voici la partie importante :

Nous sommes d'accord [...] pour conclure que [...] l'ensemble du projet Lafarge [...] est suffisamment « intégré » [...]

Et c'est entre guillemets. La Cour suprême cite « le critère ». Le « critère » est l'intégration.

[...] pour que la réglementation fédérale s'applique à tous ses aspects.

C'est au cœur de la question que vous devez poser : est-ce que tous les articles de la loi sont importants afin que l'on puisse s'assurer que toutes les activités font partie intégrante de la construction d'immeubles fédéraux, de tout type d'infrastructure fédérale ou de tout type de propriété fédérale que le gouvernement fédéral possède? Je crois qu'ils le sont; je pense que nous parlions de propriétés que le gouvernement fédéral possède. Nous ne parlons pas d'ouvrages qui relèvent de compétence fédérale; nous parlons d'une véritable propriété que le gouvernement possède et d'une nouvelle propriété qui est construite par ces gens de métier.

C'est là toute la question de la partie intégrante et, par conséquent, à mon avis, cela relève de la compétence du Parlement du Canada. Ça n'a rien à voir, en passant, avec le fait que les lois provinciales d'application générale, tant la common law que les autres lois ne s'appliqueraient pas à moins et avant que ne soit adoptée une loi fédérale qui a préséance, qui est valide, mais qui ne correspond pas au cadre mis en place par la common law ou le droit civil provinciaux.

Revenons donc à une autre affaire... en réalité, je vous en avais promis deux, alors je vais vous en donner deux. L'autre cas qui est important est la décision de la Cour fédérale Canada (Attorney General) v. Gottfriedson de 2013. Dans cette décision, la question à trancher était de savoir si le demandeur pouvait invoquer ou non le droit général d'un contrat applicable à toutes les personnes ou s'il y avait compétence fédérale. Voici ce que la Cour fédérale a dit au paragraphe 22 :

Le Parlement aurait [...] pu adopter une loi spéciale se rattachant à un domaine fédéral, qui aurait prévalu sur la loi provinciale et l'aurait rendue inopérante, mais il ne l'avait pas fait.

Alors, dans cette affaire, il n'y avait aucune compétence fédérale parce qu'on n'avait pas adopté cette loi spéciale. Je suis d'avis que le projet de loi S-224 est le type de loi spéciale dont la Cour fédérale parlait dans ce cas particulier.

La dernière affaire qui portait sur la question d'intégration, pour vous donner une idée de la façon dont la cour examine les choses, est Murphy c. CPR, une affaire qui remonte à 1958, Recueils des arrêts de la Cour suprême, 626. Je crois qu'on vous a tous remis ces citations.

Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a confirmé le pouvoir du Parlement de réglementer la Commission canadienne du blé et ses sous-traitants — des chemins de fer jusqu'au plus petit sous-traitant — en raison de la question d'intégration.

Sur ce, je suis heureux de répondre à toutes vos questions, monsieur le président.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Massicotte : Laissez-moi essayer de comprendre ce que j'ai entendu. Je pourrais vraiment me tromper. Si vous commencez avec l'opinion, qui est la question que vous avez posée, selon laquelle les sous-traitants sont fondamentaux à la construction de cet immeuble — en d'autres mots, le gouvernement du Canada n'est pas habituellement outillé ou ne possède pas l'expertise pour faire le travail d'un sous-traitant —, c'est donc un effort d'équipe. Cela dit, quelle est votre conclusion?

M. Chipeur : La conclusion est que le mot « intégré » s'applique, et la Cour suprême du Canada a affirmé que, si le contrat et l'entrepreneur font partie intégrante de la compétence visant la propriété que le gouvernement du Canada possède ou de la construction de la propriété que le gouvernement possédera, alors il s'agit nécessairement de la compétence fédérale au titre du paragraphe 91(1A), et elle aura préséance en cas d'incohérence avec une loi provinciale.

Les lois provinciales seront donc toujours valides, mais dans le cas d'une incohérence, toutes exigences supplémentaires qui sont imposées par ce projet de loi seront constitutionnelles.

Le sénateur Massicotte : D'accord. Maintenant, dites-le en termes clairs. Quel est le problème avec cela?

M. Chipeur : Je ne crois pas qu'il y a un problème avec cela.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi cela est-il offensant en ce qui concerne le projet de loi qui est proposé?

M. Chipeur : Ça ne l'est pas. Je dis que le projet de loi est constitutionnel. Le sénateur Black m'a cité et a dit que le paragraphe 91(1A) reconnaît la compétence de ce projet de loi. Je suis en désaccord avec l'idée qu'il existe une zone grise. Ce n'est pas le cas. La Cour suprême du Canada est claire en disant que le Parlement a compétence sur toute propriété fédérale et que tout ce qui fait partie intégrante de la propriété ou de la construction de cette propriété relève de la compétence fédérale et a préséance sur la common law ou la loi provinciales.

Le sénateur Massicotte : Je comprends. Merci.

La sénatrice Moncion : Parlez-vous français?

M. Chipeur : Non, mais je peux mettre mes écouteurs.

La sénatrice Moncion : Je crois qu'il serait plus facile pour moi de le dire en français.

Le président : Bien sûr. Vous avez le droit de faire cela.

[Français]

La sénatrice Moncion : Le projet de loi S-224 veut permettre le paiement rapide des factures. On se tourne vers la Loi constitutionnelle du Canada pour déterminer si le projet de loi S-224 est constitutionnel. Je me demande si le problème qu'on tente de régler se situe au niveau du gouvernement fédéral ou si 99 p. 100 des cas de paiement ne sont pas plutôt liés à des problèmes au sein des provinces. À mon avis, il y a une énorme différence entre ce qu'on veut accomplir avec le projet de loi S-224 et l'aspect constitutionnel. On confond un problème qui existe à l'intérieur de chacune des provinces, dans l'industrie de la construction, et on essaie de l'amener au niveau fédéral pour tenter de le régler avec ce projet de loi. Nous croyons ainsi pouvoir régler tous les problèmes liés à l'industrie de la construction et au paiement rapide dans les provinces. Pour moi, il y a comme un « Y » énorme entre les deux positions. En tout cas, je semble voir un mélange entre ce qui est fédéral, ce qui est provincial et le problème qu'on essaie de régler. J'aimerais entendre votre opinion sur ce point.

[Traduction]

M. Chipeur : À mon avis, vous créez un petit panier de pommes à l'intérieur d'un grand panier de pommes. Le petit panier comporte tous les contrats fédéraux et le grand, tous les contrats du pays. Ce que je comprends de ce projet de loi, c'est qu'il crée un ensemble spécial de lois pour résoudre rapidement des différends et assurer le paiement rapide de tous les paiements contractuels en souffrance; il retire un processus qui, nous devons l'admettre en tant qu'avocats, prendrait des années pour n'importe quelle affaire si vous deviez suivre les processus normaux de résolution de différends au civil. En fait, nombre de poursuites dans le domaine de la construction sont réglées bien longtemps après l'achèvement de l'immeuble.

Je ne dis pas que ce problème ne survient pas à l'échelle nationale, mais ce que je comprends, c'est que le projet de loi porte sur des pommes que le gouvernement fédéral possède.

Le sénateur Black : Je vous remercie de votre présence et de votre analyse approfondie de la question. Ce n'est pas un sujet facile; nous pouvons en convenir.

Je présume, de ce que vous avez dit, maître, que si cette loi était une loi provinciale, il n'y aurait aucun doute dans votre esprit qu'une province pourrait l'adopter sans soulever le caractère constitutionnel.

M. Chipeur : À mon avis, la province ne pourrait pas adopter ce projet de loi. Elle pourrait adopter un projet de loi d'application générale qui s'applique à tous les biens, ce qui comprendrait les biens fédéraux. Mais si la province disait seulement qu'elle allait adopter une loi qui porte uniquement sur les biens de propriété fédérale, selon moi, elle ne serait pas visée par l'article 92.

Le sénateur Black : D'accord. Mais l'essence de cette loi est d'obtenir un paiement rapide.

M. Chipeur : Il s'agit de droits de propriété et de droits civils. Alors en l'absence d'une loi fédérale, les droits de propriété et les droits civils s'appliquent, si on les décrit correctement.

Le sénateur Black : Alors, la province de l'Alberta pourrait adopter une loi sur les paiements rapides, et il n'y aurait aucune question constitutionnelle dans votre esprit?

M. Chipeur : Absolument aucune. Elle s'appliquerait dans la mesure où elle est appliquée à tous, sans exception.

Le sénateur Black : Nous sommes d'accord à ce sujet.

Nous venons d'entendre le témoignage de personnes du ministère de la Justice. Elles nous ont dit que la constitutionnalité est contestable. Vous avez entendu toute la conversation. Je vous ai entendu dire que, selon vous, ce n'est pas le cas, et il est clair que cela relève de la compétence du gouvernement du Canada.

M. Chipeur : Oui. J'ai dit ça. Je dirais ce qui suit : il est possible d'évoquer un ensemble de circonstances entourant chaque contrat où la question de savoir s'il est visé ou non par une loi se pose. Mais je ne pense pas que cela fait en sorte qu'il y a des zones grises dans la loi. Cela signifie seulement que cette situation de fait comporte des zones grises, et nous devons maintenant appliquer une loi qui est claire à cet égard, et il s'agira d'une loi fédérale ou provinciale. C'est le rôle des juges de le déterminer, ou, dans le cas de cette loi, ce pourrait être le rôle du comité.

Le sénateur Black : Alors, vu qu'il y a un honnête désaccord chez des avocats très intelligents concernant la constitutionnalité, pourquoi l'adoption de paiements rapides n'est-elle pas réglée à l'échelon provincial, où la question ne se poserait même pas?

M. Chipeur : D'après ce que je sais, c'est le cas. Je crois comprendre qu'on désire régler cette question aux deux échelons.

Mais voici le hic de cette loi qui, selon moi, la rend très différente. Selon mon expérience d'avocat plaidant, je peux vous dire que, même maintenant, notre cabinet représente des entrepreneurs qui ont un contrat avec les gouvernements provinciaux et fédéral. La dernière chose qu'ils veulent est de poursuivre l'entrepreneur qui, dans le cas présent, est le gouvernement.

Alors, c'est, à mon avis, un type de loi salutaire. Il serait très généreux de la part du gouvernement fédéral de dire : « Nous comprenons que nous avons l'argent et que vous hésitez à avoir une dispute avec nous, alors nous établissons un processus afin d'éviter les disputes, et s'il y en a une entre des personnes — comme nous sommes des êtres humains, nous sommes tous différents; nous voyons parfois les choses différemment —, nous n'allons pas déclencher une guerre nucléaire chaque fois qu'il y a une petite dispute. »

Selon moi, c'est ce dont on parle. Je ne dis pas que le gouvernement provincial ne pourrait pas aller aussi loin, mais je ne vois même pas une loi sur les paiements rapides dans la sphère provinciale qui soit assez générale pour être appliquée au gouvernement fédéral. Voilà le problème : même la loi provinciale que je connais ne semble pas porter sur le gouvernement. Donc, à mon avis, il ne serait pas constitutionnel pour un gouvernement provincial de dire : « Cette loi s'applique aux organismes contractants et aux ministères provinciaux et aux organismes contractants et aux ministères fédéraux. »

Pour que la loi soit constitutionnelle, le gouvernement devrait vraiment la retravailler et nommer tellement de juges qu'elle serait, je crois, inapplicable, de son point de vue. Je suppose que c'est la raison pour laquelle le gouvernement n'a pas réformé son système de contrats pour mettre en place quelque chose comme ce que le projet de loi S-224 met en place.

Le sénateur Black : C'est très utile. Merci beaucoup.

Le sénateur Plett : Je désire poser cette question essentiellement afin qu'elle soit consignée au compte rendu. Vous y avez déjà répondu, et le sénateur Black vient tout juste de la soulever, concernant, à mon avis, une réponse quelque peu évasive que nous avons reçue de la part de Me Davis il y a quelques minutes; le sénateur Massicotte a beaucoup insisté lorsqu'il a dit qu'elle soulevait une question constitutionnelle. Je lui ai posé la question, et il a bien sûr convenu que c'était le cas, et le sénateur Massicotte voulait connaître les pourcentages.

Laissez-moi vous poser une question, monsieur, sur les pourcentages. Croyez-vous qu'elle est constitutionnelle à 100 p. 100 ou à 90 p. 100?

Le sénateur Day : C'est discutable.

La sénatrice Ringuette : Allez-vous vous mouiller ou non?

M. Chipeur : Laissez-moi vous raconter une histoire. Un jour, un client du célèbre avocat J.J. Robinette lui a demandé : « Quelles sont mes chances? » Il a répondu : « Vous allez gagner. Je suis certain que vous allez gagner. » Le client a ensuite dit : « Donnez-moi un pourcentage. » Il a répondu : « 51-49 ». Alors le problème se pose lorsque, au tribunal, le juge tranche en votre faveur selon la prépondérance des probabilités.

Le sénateur Plett : Ce n'est pas la question que je vous ai posée, monsieur.

M. Chipeur : Je vous comprends.

Le sénateur Plett : Répondez à ma question. Je veux savoir ce que vous pensez, non pas ce que pense la Cour suprême.

M. Chipeur : Eh bien, le problème, c'est que nous avons des juges qui sont des êtres humains, et je ne vais pas prêter des intentions à la Cour suprême du Canada. Il y a là neuf personnes qui ont beaucoup de pouvoir, et je n'en ai aucun. Mais je suis convaincu que si la Cour suprême du Canada s'inspire des précédents qui sont en place, il n'y a aucun risque qu'elle puisse conclure que ce projet de loi est inconstitutionnel. Il n'existe aucune circonstance dans laquelle je crois qu'elle pourrait conclure qu'il est inconstitutionnel.

Le sénateur Massicotte : Je n'aime pas la condition qui faisait partie de votre réponse : « si elle s'inspire des précédents ». Laissez-moi vous poser une autre question : quelle est la probabilité qu'elle ne s'en inspire?

M. Chipeur : Lorsque j'ai obtenu mon diplôme de droit en 1984, j'aurais dit qu'il n'y a aucun risque qu'elle ne suive pas ses propres précédents. Mais j'ai participé à une affaire entendue par la Cour suprême du Canada que nous avons gagnée et dans laquelle elle a infirmé sa propre décision cinq ans plus tard. Le fait est que la Cour suprême du Canada avait l'habitude de se fonder sur une règle selon laquelle elle n'annulerait pas une de ses décisions à moins de circonstances spéciales.

Le sénateur Massicotte : Alors, quelle est la réponse?

M. Chipeur : La réponse aujourd'hui est que...

Le sénateur Massicotte : Vous le savez, vous ne le savez pas? Peut-être, peut-être que oui?

M. Chipeur : J'ai dit que je vous donnerais une opinion, ce que j'ai fait en disant que je suis certain que le projet de loi S-224 est constitutionnel. C'est mon opinion. Mais si vous me demandez, en tant que client, ce que je pense ce que la Cour suprême du Canada fera, je crois que je sais ce qu'elle devrait faire, mais je peux vous dire que je ne devinerai pas, en effet, ce que la Cour suprême du Canada fera, de fait, parce que nous sommes à une époque différente.

De nos jours, la Cour suprême a abandonné, lorsqu'elle croyait que c'était dans l'intérêt public et qu'il y avait de bons motifs d'ordre public, son ancien précédent.

Donc, je crois que ce que vous voulez vraiment savoir, c'est s'il y a des raisons d'ordre public de conclure que ce texte législatif est inconstitutionnel? La réponse est non. J'ajouterais aussi que de conclure à l'inconstitutionnalité de ce projet de loi entraînerait de graves problèmes d'ordre public. Comme la sénatrice Ringuette l'a dit, dans une situation de conflit de travail ou même, disons, de désobéissance civile ou quelque chose du genre, qu'arriverait-il si le Parlement ne pouvait pas intervenir afin de protéger ses propriétés et superviser tous les aspects de la construction de ces propriétés? Je ne crois pas qu'un tribunal conclurait, peu importe les circonstances, que le Parlement devrait être impuissant face à ce genre de crise.

La sénatrice Ringuette : J'aimerais prendre la question dans l'autre sens. Peut-être que cela aidera à clarifier les choses.

Disons qu'il n'y a aucune loi fédérale sur les paiements rapides, mais que toutes les provinces adoptent des lois similaires visant le secteur de la construction sur leur territoire, puis qu'un contrat est conclu pour la construction d'un immeuble du gouvernement fédéral. Ce genre de chose se produit partout à Ottawa, sur le territoire de la CCN, la Commission de la capitale nationale. Que se passerait-il? Le sous-traitant pourrait-il se prévaloir de la loi provinciale de l'Ontario sur les paiements rapides si l'immeuble fédéral va être construit sur un territoire de la CNN?

M. Chipeur : Si la loi provinciale est constitutionnelle — en d'autres mots, si elle s'applique à tous les projets de construction et à toutes les entités privées, publiques, provinciales ou fédérales —, alors oui.

La sénatrice Ringuette : Donc, c'est à l'échelon gouvernemental que le bât blesse.

M. Chipeur : La plupart des lois sur les paiements rapides s'appliquent uniquement pour faire en sorte qu'une province paie rapidement ses dettes. C'est pourquoi, à mon avis, les lois provinciales sur les paiements rapides ne concernent que les contrats gouvernementaux; c'est la limite de ces lois. Puisqu'elles sont axées précisément sur les provinces, les immeubles fédéraux ne sont pas concernés.

C'est la raison pour laquelle vous avez besoin de cela, afin de pouvoir mettre en place des dispositions visant l'ensemble des gouvernements — si c'est votre intention — sans intervenir dans le secteur privé. Le secteur privé peut avoir recours aux tribunaux, et, d'après ce que je vois, c'est ce qui se passe sous le régime des lois provinciales.

Mais vous avez raison, s'il y avait une loi qui s'appliquait à tout le monde — au-delà des gouvernements provinciaux —, alors cela comprendrait le gouvernement fédéral, mais celui-ci pourrait légiférer à ce chapitre.

Disons que le projet de loi était adopté. Disons que le projet de loi S-224 devenait une loi fédérale et que les provinces, ensuite, adoptaient une loi d'application générale s'appliquant à tous. Dans ce cas, pourvu qu'il n'y ait pas d'incohérences, les deux textes législatifs pourraient coexister sans problème. Donc, à mon avis, cette loi n'empêche aucunement une province de prendre les mesures qu'elle juge appropriées afin d'améliorer le fonctionnement de l'industrie de la construction au sein de son territoire.

Le sénateur Wetston : Je crois que vous avez répondu à ma question, puisque j'allais demander quelle forme prendrait une loi d'application générale.

M. Chipeur : J'y ai répondu, effectivement.

Le sénateur Wetston : J'ai compris ce que vous avez dit.

Le sénateur Day : J'ai deux questions. D'abord, ce que vous faites chez Miller Thomson concerne-t-il davantage la construction ou les contrats?

M. Chipeur : Je m'occupe des cas de litige, et il y en a eu qui étaient liés à ce genre de contrats. Je ne peux pas vous parler d'affaires en particulier, pas plus que je ne peux vous parler de l'affaire nous concernant que j'ai mentionnée plus tôt. Je ne vais pas vous révéler de quelle province ou de quel gouvernement il s'agissait, mais je peux vous dire qu'il y a des cas où certains de nos clients ont eu l'impression que les sous-ministres ont refusé de leur accorder des contrats lorsqu'un contrat avec un ministère avait nécessité l'intervention d'un tribunal dans le passé.

C'est leur opinion. Je ne peux pas vous en parler à cause du secret professionnel de l'avocat, mais je peux vous assurer que ce genre de chose existe. C'est une crainte véritable. À dire vrai, il est déjà arrivé que des gens soient désavantagés parce qu'ils ont contesté la décision d'un sous-ministre ou de son mandataire à propos d'une clause contractuelle qui n'avait, selon eux, pas été respectée.

Le sénateur Day : Pour résumer, vous êtes d'avis que ce projet de loi serait utile, en tout ou en partie.

M. Chipeur : Le gouvernement y trouverait une utilité, et — disons les choses de cette façon — je crois que ce serait avantageux pour les citoyens du Canada, car elle ferait en sorte que les propriétés publiques seront construites avec plus d'efficience. Ce serait également avantageux pour l'industrie. À dire vrai, on verrait probablement les recettes fiscales augmenter, puisque moins d'argent serait consacré aux frais d'avocats.

Le sénateur Day : J'ai une deuxième question : je veux comprendre pourquoi vous avez insisté sur le terme « intégré ». J'imagine que vous avez mis l'accent là-dessus parce que la Cour suprême du Canada l'a aussi fait.

Il y a un port qui relève du gouvernement fédéral, mais une entreprise accessoire, Canada Cement Lafarge, dans ce cas, paie des frais de location afin de pouvoir mener des activités de construction. Comment peut-on dire que cette entreprise indépendante relevant du secteur privé est « intégrée » au port de Vancouver?

M. Chipeur : Dans cette affaire, le tribunal avait conclu à son intégration parce qu'il s'agissait d'un élément essentiel du port. Il faut garder à l'esprit qu'il s'agissait d'une question axée sur la compétence, et non sur la propriété. C'est pourquoi on a mentionné le paragraphe 91(1A), à propos de la compétence en matière de propriété privée. Donc, il y a une différence, mais on poserait dans les deux cas la même question par rapport à l'intégration.

Laissez-moi pousser les choses à l'extrême. Dans l'affaire Lafarge, on pourrait se demander : « Est-ce que le jugement s'applique aussi à la mine où on extrait le béton? » La réponse serait : « Non, ce n'est pas intégré. » Vous pouvez vous procurer du béton n'importe où.

Cependant, il ne fait aucun doute que cela se rend jusqu'aux limites du port, et puisque le port en entier est la propriété du gouvernement du Canada, alors le port en entier relève de la compétence fédérale. La question qu'on s'est posée, avant, était la suivante : « Est-ce une composante intégrale de ce port? Si oui, alors elle relève de la compétence fédérale dans ce cas. » Le tribunal a tranché ainsi.

À mon avis, cette affaire n'est importante que pour une seule raison : le fait qu'on y a utilisé le terme « intégré ». C'est une question qu'on va tout le temps se poser. Disons qu'on se demande : « Les clous qui ont été utilisés pour fabriquer l'armoire là-bas relèvent-ils de la compétence fédérale si on les a achetés à la quincaillerie? » Bien sûr que non. Mais dès que ces clous se trouvent sur une propriété fédérale et y sont cloués, alors le gouvernement fédéral peut régir ce processus comme bon lui semble. Il n'a pas à le faire, mais il peut administrer le processus dans la mesure qu'il juge appropriée. Vous pouvez dire : « Trois coups maximum. »

Le sénateur Day : Je vais citer votre résumé et votre lettre d'opinion : « Autoriser la construction d'une centrale à béton sur ces terrains portuaires [...] s'inscrit plutôt dans une entreprise accessoire de développement portuaire [...] »

Donc, Lafarge, une entreprise indépendante, aménage une centrale, probablement pour qu'elle puisse faire entrer des navires, charger le béton et l'expédier à un endroit ou à un autre, mais la centrale n'est pas intégrée au port puisqu'elle ne fait pas partie de son exploitation, elle n'est qu'accessoire.

M. Chipeur : C'est exact, mais le tribunal a conclu qu'accessoire voulait dire nécessaire. C'est ce qu'elle voulait dire en utilisant le terme accessoire. En droit, l'indissociabilité est un concept qui renvoie à l'intégration. Lorsque la cour utilise ce mot, elle se demande : « Qu'entend-on par accessoire? » Accessoire veut dire que l'intégration est assez forte pour que la composante soit essentielle, essentielle aux activités. Dans cette affaire, c'est ce que le tribunal a conclu. Dans une autre affaire, le tribunal pourrait se poser la même question, mais en venir à une conclusion différente s'il était question de l'eau, par exemple, ou de quelque chose qui est utilisé sur les lieux.

Donc, la question n'est pas de déterminer si quelque chose est accessoire ou non. L'important, c'est le fait que la Cour interprète le concept d'« accessoire » comme étant assimilable à l'intégration. Donc, si quelque chose est accessoire, alors cela veut dire que c'est intégré.

La sénatrice Wallin : À nouveau, je veux essayer de revenir sur le point abordé par le sénateur Massicotte. Nous avons déjà entendu le témoignage des représentants du ministère de la Justice. Vraisemblablement, ce sont eux qui conseillent le gouvernement fédéral ou, du moins, le gouvernement fédéral leur demande conseil. Selon eux, ce projet de loi pourrait être déclaré — sera certainement ou possiblement déclaré — inconstitutionnel. C'est une considération d'ordre politique qui est valable. En règle générale, le gouvernement ne cherche pas à adopter des lois qui seront peut-être déclarées inconstitutionnelles.

Donc, à la lumière de ce qu'ils ont dit, croyez-vous, nonobstant ce que vous avez dit à propos de la constitutionnalité, que ce texte législatif pourrait être contesté?

M. Chipeur : D'après ce que je sais, ils n'ont pas donné leur avis à ce sujet. Ils ont été très clairs là-dessus. C'est révélateur, d'abord.

La sénatrice Wallin : Ils se sont justifiés.

M. Chipeur : Oui, mais je crois que si vous prenez en considération toutes les séances passées du comité, le gouvernement a toujours affiché très ouvertement ses opinions. Le fait qu'ils ont décidé de ne pas vous donner la leur est très révélateur.

Ensuite, ce projet de loi n'a pas plus de zones grises que n'importe quelle autre loi fédérale choisie au hasard. Oui, n'importe quel texte législatif pourrait être déclaré inconstitutionnel, et je ne crois pas qu'ils soient allés plus loin. Dans l'incertitude, ils ont choisi de ne pas prendre de position tranchée. Ils ont seulement pris un cas où il est clair que le principe de la primauté n'a même pas été pris en considération.

Ils ont convenu que les principes de la primauté s'appliquent, et la seule question qu'ils se sont posée était de savoir « s'il était possible qu'il soit conclu que la loi ne s'applique pas aux propriétés fédérales. » Voilà la question, et c'est possible que la Cour décide de faire fi de 150 ans de jurisprudence, mais je ne le crois pas.

Le sénateur Greene : À propos du critère d'intégration, l'avocat du ministère de la Justice a dit que le critère reposait essentiellement sur le fait que l'activité se déroule ou ne se déroule pas sur un territoire relevant du fédéral. Je voulais savoir si l'intégration l'emportait sur les autres critères, ou si l'intégration elle-même était un nouveau critère.

M. Chipeur : Je crois que ce qu'il a dit à propos des activités était lié au contexte de l'affaire Montcalm.

Le sénateur Greene : Oui.

M. Chipeur : Dans cette affaire, la question était de savoir si la loi s'appliquait aux activités. Le tribunal n'a pas conclu que les activités ne relevaient pas de la compétence fédérale. Ce n'est pas ce qu'on a dit. On a dit que la loi fédérale était valide, que la loi du salaire minimum était valide. La question était de savoir si la loi provinciale était valide.

Cette question à propos des activités a dû être posée parce qu'il ne s'agissait pas d'un bien foncier appartenant au provincial. L'accent était mis sur les activités mises en œuvre par la province, et ces activités étaient assujetties aux dispositions relatives à la propriété et aux droits civils sous sa responsabilité. C'est une tout autre réalité lorsqu'il est question des propriétés du gouvernement fédéral. C'est une distinction importante. La seule raison pour laquelle ce projet de loi est inattaquable, à mon avis, est qu'il se limite aux propriétés du gouvernement fédéral. Pourvu que vous vous en teniez aux propriétés du gouvernement fédéral, le Parlement est habilité, à mon avis, à faire à peu près n'importe quoi. Ses pouvoirs sont seulement limités par une disposition éventuelle dans ce texte législatif qui régirait une composante non intégrée aux activités fédérales, mais qui se trouve sur une propriété fédérale. Voilà donc pourquoi la question de l'intégration est importante.

Le sénateur Massicotte : J'ai une autre question, rapidement. Il est clair que vous donnez votre opinion à propos d'affaires constitutionnelles. Pour donner suite aux propos du sénateur Day, qui a posé une question concernant votre rôle d'avocat plaidant qui a dû se pencher sur des contrats de construction, je voulais savoir si vous aviez contesté beaucoup d'affaires de droit constitutionnel.

M. Chipeur : Oui. J'ai plaidé des causes devant la Cour suprême une vingtaine de fois. La moitié de mes affaires — une centaine en tout — touchent le droit constitutionnel. Ça ne fait pas exactement 39 ans, mais disons que j'en ai passé 32 à livrer ce genre de batailles constitutionnelles.

Le président : Merci beaucoup, maître Chipeur. Nous vous remercions.

Nous sommes heureux d'accueillir, par vidéoconférence depuis Toronto, nos prochains témoins. Il s'agit, à titre personnel, des avocats qui ont mené l'examen d'expert concernant la Loi sur le privilège dans l'industrie de la construction et qui ont produit le rapport de 2016 intitulé Striking the Balance : Expert Review of Ontario's Construction Lien Act.

Nous accueillons Me Bruce Reynolds, président, Groupe des projets internationaux, Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L.; et Sharon C. Vogel, chef nationale, Droit de la construction, Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L. Merci de prendre le temps de témoigner aujourd'hui.

Maître Reynolds, maître Vogel, vous pouvez commencer vos déclarations préliminaires, puis nous allons passer à la période de questions. Mesdames, messieurs, essayons de finir à temps. Nous quittons les lieux à 16 h 15. Je vous demande donc d'agir en conséquence. Vous pouvez commencer.

R. Bruce Reynolds, président, Groupe des projets internationaux, Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L., à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président. Nous avons choisi de présenter de brèves déclarations préliminaires afin de vous laisser un maximum de temps pour vos questions.

Avant tout, nous avons cru bon d'expliquer sommairement au comité le contexte entourant notre processus. J'ai participé, à titre d'avocat, à l'examen d'experts de la Loi sur le privilège dans l'industrie de la construction. Ma collègue, Me Vogel, était avocate associée. Ce mandat nous a été confié en février 2015. Les instructions de notre client, la province de l'Ontario, étaient de remplir notre mandat de manière ouverte, transparente et collaborative. Dans le cadre de notre mandat, nous avons entrepris non seulement d'examiner la Loi sur le privilège dans l'industrie de la construction d'un point de vue juridique, mais également, conformément aux instructions explicites que nous avons reçues, de consulter l'ensemble du secteur ontarien de la construction. Pour mener à bien ce processus de consultation, nous avons participé à des réunions en personne avec 60 groupes d'intervenants. Nous avons reçu environ 72 mémoires, dont certains nous ont été envoyés par des intervenants rencontrés, parfois avant et parfois après la rencontre en personne. Ces rencontres avec les intervenants se sont avérées extrêmement productives et ont donné de très bons résultats. Dans presque tous les cas, les rencontres avec un intervenant nous ont permis de cibler de nouveaux problèmes, ce qui a rendu possible, après une première ronde de consultations en personne avec les intervenants, la publication, d'abord, d'une liste des problèmes cernés pendant ces rencontres et, ensuite, des mémoires qui nous ont été envoyés.

Dans la deuxième étape du processus de consultation, un groupe consultatif a été mis sur pied. Ce groupe consultatif était composé de Me Vogel, de 13 experts en la matière et de moi-même. Certains étaient avocats, d'autres non. Les membres de ce groupe consultatif avaient été choisis par Me Vogel et moi-même en fonction de leur appartenance respective à différents secteurs de l'industrie. Ils n'étaient pas membres du groupe consultatif en tant que représentants particuliers ni en tant que personnes nommées par l'industrie à laquelle ils appartenaient, mais ils avaient des connaissances relatives à ces secteurs de l'industrie.

Cinq réunions de ce groupe consultatif ont été tenues chez Borden Ladner Gervais, de cinq heures chacune environ. Les séances étaient tenues conformément aux règles de Chatham House. Il y a vraiment eu un échange d'idées dynamique et vigoureux. Nous avons relevé nos manches. Ensemble, nous avons étalé les problèmes sur un tableau blanc et avons essayé de trouver des solutions.

Autant pendant les réunions de consultation avec les intervenants que pendant les séances du groupe consultatif, on pouvait vraiment répartir les principales questions soulevées en trois catégories. La première catégorie concernait la modernisation de la Loi sur le privilège dans l'industrie de la construction. La deuxième catégorie concernait la rapidité des paiements, et la troisième catégorie concernait le règlement efficient des différends.

Une fois le travail du groupe consultatif terminé, nous avons terminé nos recherches sur l'aspect juridique et avons préparé notre rapport, lequel compte environ 300 pages, puis nous l'avons remis à notre client vers la fin du mois d'avril.

Donc, voilà pour notre processus. Nous avons veillé à ce qu'il soit aussi inclusif que possible. Tous ceux qui ont dit être un intervenant sont devenus un intervenant. Nous avons pris en note tous les problèmes qui nous ont été signalés afin de remplir notre mandat dans cet esprit d'inclusivité, d'ouverture et, nous l'espérons, de transparence, conformément aux instructions qui nous avaient été données.

Au chapitre de la transparence, non seulement avons-nous produit un rapport rédigé en termes clairs, mais nous avons également lancé un site Internet. Sur notre site web, nous avons publié non seulement le rapport en question, mais aussi une trousse d'information élaborée tôt dans le processus afin de présenter le contexte aux intervenants avant de les rencontrer. Nous avons publié tous les mémoires que nous avons reçus des intervenants et avons aussi publié des résumés de toutes nos réunions de consultation avec les intervenants. Il était important pour nous que cela soit fait afin de veiller à ce que tout membre de l'industrie puisse avoir accès facilement à l'ensemble des documents écrits que nous avons reçus ou produits.

J'ai terminé ma partie de la déclaration préliminaire, et vous pouvez nous poser n'importe quelle question à ce chapitre. Maître Vogel va maintenant aborder la question de la rapidité des paiements, puisque nous savons que la modernisation de la Loi sur le privilège dans l'industrie de la construction de l'Ontario ne fait pas partie de votre mandat.

Sharon C. Vogel, chef nationale, Droit de la construction, Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L., à titre personnel : À propos des consultations avec les intervenants que M. Reynolds a mentionnées, je dois dire qu'elles ont été un élément clé de notre processus. Nous avons consulté les intervenants de l'industrie de la construction afin de prendre connaissance des problèmes qu'ils jugent importants, et chacun d'entre eux, pendant les rencontres que nous avons eues, nous a parlé de la rapidité des paiements. Les intervenants de l'industrie nous ont dit qu'entre 2002 et 2013 seulement, le délai moyen de règlement des comptes clients dans le secteur de la construction est passé de 57,3 jours à 71,1 jours, comparativement à 47 jours en moyenne dans les autres secteurs. Nous savons que certains de ces intervenants ont déjà témoigné devant vous.

Pendant la rédaction de notre rapport — et c'est un ouvrage assez gros, plus de 300 pages, que vous pouvez consulter sur le site web que nous avons créé sur l'examen de la Loi sur le privilège dans l'industrie de la construction —, nous avons étudié les causes de cet allongement des cycles de paiement. Nous avons conclu, comme vous pourrez le voir en faisant l'examen du rapport, que les cycles de paiement s'étirent pour un certain nombre de raisons, y compris, d'une part, en raison de l'augmentation de la taille et de la complexité des projets, par exemple, dans le cadre de partenariats public-privé, et, d'autre part, à cause de la complexification des processus liés aux contrats et aux paiements.

En plus du processus de paiements, il y a de plus en plus de freins et contrepoids qui sont nécessaires afin d'endiguer la corruption et d'autres préoccupations. Ces freins et contrepoids sont devenus nécessaires, mais ils allongent les cycles de paiement.

Nous avons donc décidé d'étudier ce que les autres administrations dans le monde faisaient en matière de loi sur la rapidité des paiements. Nous avons d'abord regardé du côté des États-Unis. Nous avons étudié la loi fédérale sur la rapidité des paiements en vigueur aux États-Unis ainsi que toutes les lois adoptées dans les États — tous sauf un — concernant la rapidité des paiements.

Cependant, les lois varient d'un État à l'autre. Dans certains États, la loi sur la rapidité des paiements ne s'applique qu'aux projets publics; dans d'autres, elle s'applique autant aux projets publics qu'aux projets privés.

Aux États-Unis, il y a des privilèges dans l'industrie de la construction ainsi que des fiducies d'origine législative à l'échelon de l'État. Également aux États-Unis, on exige un cautionnement obligatoire pour les projets publics, autant à l'échelon fédéral qu'à l'échelon provincial, afin d'aider à protéger les entrepreneurs.

Ensuite, nous nous sommes intéressés à ce qui se passe au Royaume-Uni avec les mesures législatives sur la garantie de paiement. Il n'y a aucune loi sur le privilège dans l'industrie de la construction au Royaume-Uni, mais il y a une loi sur la rapidité des paiements ainsi qu'une loi sur le règlement judiciaire de différends. Au Royaume-Uni, il y a des projets pilotes mis en œuvre pour garantir l'établissement de comptes bancaires liés à un projet donné; le but est de faire en sorte que les fonds provenant du haut de la pyramide dans le cadre d'un projet de construction soient distribués de façon adéquate vers le bas.

L'approche britannique quant à la rapidité des paiements et au règlement des différends a aussi été importée par un certain nombre d'autres administrations. Nous avons ensuite étudié ces administrations également, comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, Singapour, entre autres. Nous avons ensuite entrepris de produire nos recommandations, et si vous consultez notre rapport, vous verrez qu'il y en a plus d'une centaine. Dans l'élaboration de nos recommandations, nous avons essayé d'atteindre un équilibre. L'un des principaux équilibres que nous avons essayé d'atteindre était entre la liberté contractuelle, d'une part, et les interventions réglementaires prévues par la loi, d'autre part. Nous voulions également trouver un équilibre entre les pressions relatives à l'acheminement de fonds pour un projet de construction et la constitution d'une garantie. Nous avons aussi cherché à ce que toutes les recommandations du rapport soient efficientes et rigoureuses.

Relativement à la rapidité des paiements, beaucoup d'intervenants que nous avons rencontrés ont dit que, selon eux, la loi sur le privilège dans l'industrie de la construction en vigueur en Ontario ne les protège pas suffisamment contre les retards de paiements et qu'il est trop long et trop onéreux de porter leur litige devant les tribunaux, c'est-à-dire d'aller devant la cour pour obtenir leur paiement.

Parmi les intervenants que nous avons rencontrés, un grand nombre nous ont dit qu'ils ont besoin d'une solution plus pratique. En conséquence, nous avons recommandé qu'un régime sur la rapidité des paiements soit adopté autant pour le secteur public que pour le secteur privé. Nous avons recommandé que les parties contractantes puissent librement fournir des déclarations dans leurs contrats afin de combler des besoins précis, pourvu que ces clauses respectent les normes minimales prévues par la loi. Nos recommandations sur la rapidité des paiements s'appliquent autant au niveau général, entre le propriétaire et l'entrepreneur, qu'au niveau subalterne, entre l'entrepreneur et le sous-traitant, et ainsi de suite jusqu'en bas de la pyramide.

Nous avons recommandé de prévoir un mécanisme général pour les entrepreneurs afin d'avertir les sous-traitants en cas de non-paiement par les propriétaires et d'amorcer ou de poursuivre la prise de mesures appropriées afin de veiller à ce que les paiements soient faits en amont.

Nous avons recommandé que le déclencheur pour le processus de paiement soit l'envoi d'une facture en bonne et due forme, pourvu que la certification du processus de paiement — si cela fait partie du contrat — suive l'envoi de la facture.

Comme je l'ai dit plus tôt, les parties contractantes seraient libres de déterminer le moment de l'envoi de la facture en bonne et due forme ainsi que son contenu, mais une fois que cette facture est envoyée, un paiement doit être fait dans les 28 jours suivants, du propriétaire à l'entrepreneur général, puis de l'entrepreneur général aux sous-traitants dans les 7 jours suivants.

Les parties payantes, dans nos recommandations, peuvent envoyer un avis d'intention de retenir les paiements — c'est-à-dire, affirmer leur droit de compensation —, mais ces droits de compensation ne devraient pas s'appliquer aux dettes, aux réclamations ni aux dommages liés à d'autres contrats qui ne font pas partie du projet. Nous recommandons également d'imposer des charges relatives aux intérêts obligatoires et non renonçables. Nous recommandons en outre de prévoir un droit de suspension en cas de non-paiement, mais celui-ci ne pourrait être utilisé que dans les cas où les parties ne se conforment pas à l'issue d'un processus de règlement de différend.

Le président : Maître Vogel, avez-vous bientôt terminé? Avons-nous le temps pour des questions?

Mme Vogel : Vous aurez le temps de poser des questions. J'avais presque terminé, puis je vais céder la parole à M. Reynolds.

Le président : Continuez. Merci beaucoup.

Mme Vogel : M. Reynolds va vous parler du processus de règlement des différends pendant quelques minutes.

La dernière recommandation qui nous a été faite était de rendre obligatoire la divulgation des renseignements financiers, mais ce n'est pas quelque chose que nous avons recommandé, parce que, selon nous, cette question relevait davantage de l'approvisionnement et que les autres protections que nous avions recommandées à propos de la rapidité des paiements servaient déjà à régler ce problème.

Je cède la parole à M. Reynolds, qui va vous parler du processus de règlement des différends.

M. Reynolds : Je vais vous parler brièvement du processus de règlement des différends.

C'est grâce au processus de règlement des différends que les mesures relatives à la rapidité des paiements fonctionnent. Les experts que nous avons consultés aux États-Unis — les auteurs de la loi originale sur la rapidité des paiements, comme je suis sûr que vous le savez — ont dit que dans les cas où une partie décidait simplement de ne pas payer, on signalait le différend, l'affaire allait devant les tribunaux, et le processus de rapidité des paiements s'enrayait.

Donc, la rapidité des paiements aux États-Unis a eu un effet favorable sur le processus habituel de l'entrepreneuriat, mais lorsqu'une partie décide de ne pas payer, le processus peut s'étirer sur des années.

Donc, lorsque nous avons étudié la loi en vigueur au Royaume-Uni, où le processus de règlement des différends a été élaboré il y a une vingtaine d'années, il est devenu évident — en passant, le Royaume-Uni a adopté certaines dispositions relatives à la rapidité des paiements — que c'est l'accessibilité au processus de règlement des différends qui fait que l'approche fonctionne au Royaume-Uni, parce que — et je suis sûr que certains autres témoins que vous avez reçus vous en ont parlé —, au Royaume-Uni, il suffit de 28 à 42 jours pour obtenir provisoirement une décision contraignante. Si on compare avec la situation au Canada, le même genre de processus s'étire sur des années.

Nous avons donc recommandé dans notre rapport l'adoption d'un régime de règlement des différends dans la province de l'Ontario. Nous sommes heureux d'aborder la question en détail, mais je crois que je vais terminer mes observations préliminaires sur le règlement des différends ici.

Le sénateur Massicotte : J'ai examiné votre rapport il y a quelques jours et je dois vous féliciter. J'adore votre processus. Je pense qu'il est très inclusif et qu'il doit certainement s'agir de l'une des questions les plus étudiées au Canada. Votre contribution à l'industrie est très bonne et très raisonnable. Je vous remercie au nom de tous ceux qui tireront profit de votre rapport.

Cela dit, je pense que votre sommaire, du moins selon ce que j'ai compris de votre rapport, est la preuve que le processus ne doit pas interférer avec les négociations contractuelles habituelles; il devrait plutôt les englober. Il faut insister sur le règlement des différends; autrement, comme vous l'avez dit, cela perd de l'importance.

Avez-vous lu le projet de loi S-224 que nous sommes en train d'examiner?

Mme Vogel : Oui, nous l'avons lu.

M. Reynolds : Oui.

Le sénateur Massicotte : Comment cela s'inscrit-il dans vos conclusions?

Mme Vogel : Nous croyons que, à l'égard du projet de loi S-224, il y a certaines différences entre nos recommandations et ce que propose le projet de loi en matière d'imposition d'une structure de paiement obligatoire plus solide. Les recommandations formulées dans notre rapport accordent une plus grande liberté contractuelle, si nous pouvons dire ainsi. Notre recommandation insiste sur la soumission d'une facture adéquate. Donc, jusqu'au moment de la soumission d'une facture adéquate, les parties sont libres d'accepter les modalités du contrat qu'elles veulent, mais ensuite, après la soumission d'une facture adéquate, le paiement devrait se faire dans les 28 jours suivants.

En ce qui a trait à l'objectif global visant à écourter la durée des cycles de paiement que connaît l'industrie de la construction, je pense que nos recommandations et le projet de loi permettront d'atteindre ce même objectif.

Le sénateur Massicotte : Je le reconnais. Vouliez-vous ajouter quelque chose, maître Reynolds?

M. Reynolds : Eh bien, j'allais dire qu'à la lumière de nos réunions de consultation auxquelles prenaient part 60 intervenants, je pense qu'il est juste de dire que l'allongement de la durée du cycle de paiement semble être exacerbé dans certains secteurs de l'industrie. Permettez-moi d'être plus clair à cet égard.

Cette question semble grandement préoccuper les entrepreneurs et les sous-traitants, selon les différentes classes de propriétaires dont il s'agit, dans une mesure plus ou moins grande. Je ne pense pas avoir entendu les intervenants parler de façon critique de la gestion des paiements par le gouvernement fédéral, donc, je pense qu'il est important que j'attire votre attention sur le point qu'a souligné M. Vogel, soit l'équilibre qu'il faut atteindre, dans ce type de loi, entre la liberté contractuelle et l'intervention réglementaire.

Le sénateur Massicotte : Quelle est la prochaine étape du processus décrit dans votre rapport? Est-ce que la province de l'Ontario va bientôt proposer un autre projet de loi pour appliquer vos recommandations?

M. Reynolds : On nous a récemment confirmé que nos services avaient été retenus pour travailler sous la responsabilité du ministère du Procureur général à l'élaboration d'un projet de loi. Le procureur général de l'Ontario, le ministre Yasir Naqvi, a déclaré publiquement qu'il avait l'intention d'essayer de faire progresser le projet de loi et de le faire adopter d'ici la fin de l'année civile. Je pense qu'il est juste de dire que c'est l'objectif du ministère du Procureur général.

Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup.

Le sénateur Plett : Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui. Je suis le parrain du projet de loi et j'ai beaucoup travaillé avec les entrepreneurs spécialisés à l'échelle nationale au moment de rédiger le projet de loi.

Certes, nous avons lu le rapport Reynolds également, et nous présenterons certains amendements mineurs qui, je crois, permettraient au projet de loi de se rapprocher encore plus du rapport Reynolds que ce que vous croyez, maître Vogel, simplement parce que les amendements proposés sont dans une enveloppe ici et ils n'ont pas été distribués. Donc vous n'auriez pas la possibilité d'y jeter un coup d'œil.

Néanmoins, nous croyons que nombre de ces amendements nous rapprochent du rapport Reynolds. L'un de ceux dont vous avez précisément parlé et qui en fait, figure dans votre rapport — vous avez mentionné le Royaume-Uni à cet égard — a trait à la question du règlement des différends. Il s'agit d'un amendement, donc je ne vais parler que de celui-là et vous poser une question à son sujet. Manifestement, je ne peux pas aborder les sept ou huit autres amendements qui concernent aussi les échéanciers auxquels vous avez déjà fait allusion.

L'un porte expressément sur l'échéancier du processus de règlement des différends qui reflète largement, selon nous, les suggestions que vous avez formulées dans le rapport Reynolds de même que la loi du Royaume-Uni. Cette nouvelle clause prévoit que l'arbitre doit rendre une décision dans les 28 jours, ou toute autre période plus longue convenue par les parties, quant à l'expiration de la période dont il est question au paragraphe 4(1). Je pose la question suivante à chacun d'entre vous : croyez-vous qu'il s'agit d'un délai suffisant pour le règlement des différends?

Mme Vogel : C'est un délai serré, mais lorsque des parties sont engagées dans un litige en matière de paiement, il est logique de procéder à un règlement rapide. Selon ce qui se fait dans d'autres pays, même s'ils ne sont pas en mesure de bénéficier de toutes les protections accordées dans le cadre d'un processus judiciaire, de façon générale, les gens sont plus heureux lorsqu'ils obtiennent un résultat rapide.

Si on regarde d'autres pays, le délai varie entre 28 et 42 jours; je ne suis donc pas certaine des amendements que vous souhaitez apporter en matière de délai. Mais l'avantage du processus de règlement des différends tient au fait qu'il est rapide et souple. Il n'est donc pas trop lourd et il peut être réalisé en 28 à 42 jours.

Il est intéressant d'entendre que l'un des amendements que vous proposez prévoit l'allongement possible du délai si les parties sont d'accord, car il faut parfois plus de temps lorsque le litige est complexe, que le montant en cause est important ou que le litige concerne un certain nombre d'éléments liés au paiement.

Le sénateur Plett : C'est évidemment pourquoi nous ajoutons dans la clause « si les parties sont d'accord ». Je présume que, s'il y avait un arbitre qui déclarait catégoriquement : « Il nous faudra 35 jours pour régler la question », les parties seraient d'accord.

Mme Vogel : Ce serait logique dans les circonstances. L'autre élément qui permet d'accélérer le processus est la nomination rapide d'un arbitre. Ainsi, la partie, selon vos recommandations, qui émet un avis de différend propose un arbitre dans cet avis. Les parties disposent alors de quelques jours pour dire si elles sont d'accord ou non avec le choix de l'arbitre, et, si elles ne sont pas d'accord, on affectera un arbitre à leur différend à partir d'une liste d'arbitres dans les cinq jours suivants.

M. Reynolds : Je vais m'attarder un peu sur ce point, sénateur Plett. Cette nomination, je suis certain que vous le savez, se ferait par une entité appelée un organisme de nomination d'arbitres, dont on a recommandé l'établissement dans la province de l'Ontario.

C'est extrêmement important car, comme nombre d'entre vous l'ont vécu, j'en suis certain, si vous arbitrez un litige lié à un contrat et qu'une partie souhaite retarder le processus — et il y a toujours une partie qui veut retarder le processus — elle peut le faire de façon très efficace en tergiversant au sujet de la nomination des arbitres. Cela ne peut pas se produire...

Le sénateur Plett : De façon générale, ce serait la partie qui doit de l'argent.

M. Reynolds : Oui, ce serait généralement le cas, sénateur Plett.

Le sénateur Black : Monsieur le président, on a répondu à mes questions.

Le sénateur Day : Au lieu d'un organisme de nomination d'arbitres, que diriez-vous, par exemple, d'un processus où, si ce n'est pas prévu dans le contrat de construction et que les parties n'arrivent pas à s'entendre, la partie qui demande le règlement doit se présenter devant les tribunaux pour qu'un arbitre soit nommé? Est-ce que ce serait une tactique dilatoire?

M. Reynolds : C'est une très bonne question, parce que nous avons une grande confiance en nos tribunaux en tant que Canadiens. Mais en réalité, il faudrait présenter une requête, rédiger un ensemble d'affidavits contradictoires, procéder à un contre-interrogatoire au sujet de ces affidavits, présenter la requête de nomination d'un arbitre à un juge, puis obtenir la décision du juge — sans parler de la possibilité d'appel —, et cela allongerait le processus de plusieurs semaines. C'est pourquoi l'approche du Royaume-Uni qui consiste à mettre en place un organisme de nomination d'arbitres est une solution astucieuse, parce qu'il n'y a pas moyen de la contourner et qu'il n'est pas possible de tergiverser.

Le sénateur Day : Je remarque que selon la mesure législative particulière que nous examinons, c'est le recours aux tribunaux qui servirait de position de repli. Mais peut-être que ceux qui présentent le projet de loi souhaiteraient envisager l'établissement d'un organisme de nomination d'arbitres comme une approche plus rationalisée.

En outre, je n'ai pas entendu ce que vous aviez à dire quant au droit des sous-traitants mécontents de cesser les travaux. Avez-vous formulé des commentaires à cet égard?

Mme Vogel : En ce qui a trait au droit d'une partie de suspendre les travaux, j'ai mentionné brièvement que ce droit ne peut être invoqué que si la partie mauvaise payeuse ne se conforme pas à la décision prononcée.

Le sénateur Day : Après le règlement.

Mme Vogel : Après le règlement. Oui, c'est ce qui est différent.

Le sénateur Day : Donc il n'y aurait pas...

M. Reynolds : C'est la distinction entre nos recommandations et l'approche du Royaume-Uni.

Le sénateur Day : Que fait le Royaume-Uni? Vous disiez qu'il disposait d'un processus bien établi. Expliquez-nous brièvement en quoi il consiste.

M. Reynolds : Le processus de règlement des différends au Royaume-Uni est très semblable à celui que nous avons recommandé. Il a été mis à l'essai pas seulement au Royaume-Uni, mais aussi dans un certain nombre de pays de common law au cours des 20 dernières années. Il a donné d'assez bons résultats.

Pour la question du droit de suspension, ce que je veux dire, c'est que je ne pense pas que la loi du Royaume-Uni crée le même lien que notre recommandation. De nombreux propriétaires et entrepreneurs généraux — des intervenants aux échelons municipal et gouvernemental, par exemple — avaient l'impression que l'exercice du droit de suspension était une solution très puissante et très draconienne et ils voulaient qu'on introduise un élément de contrôle de ce droit dans le processus recommandé. Ainsi, une partie indépendante examinerait le litige entre les deux parties avant que ce droit très puissant puisse être invoqué. C'est pourquoi nous avons créé le lien entre le processus de règlement et le droit de suspension.

Le sénateur Day : Je ne vois pas cela dans la mesure législative. Il semble qu'il peut y avoir une suspension sans règlement des différends.

Le président : Sénateur Wetston, vous avez une question supplémentaire?

Mme Vogel : Selon l'ébauche que nous avons examinée, c'était le cas.

Le sénateur Day : Article 19. Excusez-moi, vous pouvez continuer.

M. Reynolds : C'est aussi ce que nous avons compris du projet de loi.

Le sénateur Day : Oui. Merci.

Le sénateur Wetston : Je reviens sur la question. Selon ma lecture du projet de loi, le paragraphe 17(2) autorise la suspension des activités après réception d'un avis de défaut de paiement. Il s'agit peut-être de l'un des amendements dans l'enveloppe brune.

Le sénateur Plett : Laissez-moi répondre en posant une question à M. Reynolds ou à Mme Vogel. Oui, selon l'un des amendements, le droit de suspension ne pourrait être invoqué qu'en cas de non-respect de la décision de l'arbitre.

Mme Vogel : C'est ce que nous avons recommandé dans notre rapport.

Le sénateur Plett : Et c'est ce que nous mettons en place dans le projet de loi.

Le président : Je suis heureux de l'entendre.

M. Reynolds : Ce serait cohérent. Je pense que c'était un facteur important de l'atteinte d'un consensus au sein de la province de l'Ontario.

Le président : Merci, sénateur Day.

J'aimerais remercier les deux témoins de nous avoir aidés au sujet du projet de loi et de nous avoir fourni un large ensemble de données et de connaissances pour nous aider à prendre une décision. J'ai bien aimé votre témoignage et les réponses que vous avez fournies à nos questions.

Chers collègues, demain nous procéderons à l'examen article par article du projet de loi. Nous nous rencontrerons à 10 h 30.

(La séance est levée.)

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