Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule n° 15 - Témoignages du 1er mars 2017
OTTAWA, le mercredi 1er mars 2017
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 20, pour étudier et produire un rapport sur la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Soyez les bienvenus, chers collègues et chers membres du public qui assistez ici aux travaux du Comité sénatorial permanent des banques ou qui nous écoutez sur le Web.
Je me nomme David Tkachuk et je suis le président du comité.
Nous consacrons aujourd'hui une 11e séance à la question de la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs.
Dans cette première partie de la séance, je suis heureux d'accueillir des représentants d'Infrastructure Canada : le sous-ministre adjoint aux opérations des programmes, M. Marc Fortin; le directeur exécutif du Bureau de transition pour la Banque de l'infrastructure du Canada, M. Glenn Campbell.
Messieurs, je vous remercie d'être ici. Après votre déclaration préliminaire, nous passerons aux questions. À la fin, nous suspendrons brièvement les travaux pour accueillir un deuxième groupe de témoins.
Marc Fortin, sous-ministre adjoint, Opérations des programmes, Infrastructure Canada : Je vous remercie de votre invitation. Vous m'avez demandé de comparaître devant vous pour vous parler de la façon dont Infrastructure Canada appuie les échanges et le commerce canadiens. Comme vous l'avez dit, je suis accompagné de mon collègue Glenn Campbell, directeur exécutif du Bureau de transition pour la Banque de l'infrastructure du Canada.
Les infrastructures constituent l'épine dorsale des collectivités du Canada, grandes et petites. Elles permettent de créer des liens entre les citoyens et entre les collectivités et de faciliter le transport des personnes et des biens à l'échelle nationale et internationale.
[Français]
Les infrastructures offrent aux entreprises l'occasion d'innover, de croître, d'avoir accès à de nouveaux marchés et de soutenir la concurrence internationale.
Infrastructure Canada entretient une relation de longue date avec les provinces, les territoires et les municipalités. Depuis plus d'une décennie, le ministère a travaillé en collaboration avec ses partenaires pour relever les défis uniques propres à chaque région, par exemple en investissant dans des projets d'atténuation des catastrophes afin de réduire la probabilité que des phénomènes météorologiques extrêmes aient des conséquences désastreuses sur nos collectivités.
[Traduction]
Ces mesures comprennent également des investissements considérables dans les infrastructures destinées à promouvoir les échanges commerciaux avec nos partenaires internationaux et entre nos provinces et nos territoires. Nos investissements dans les ports, les routes et les autres infrastructures de transport visent à réduire les obstacles et à appuyer les entreprises.
[Français]
Les objectifs du gouvernement du Canada sont les suivants : créer des emplois pour la classe moyenne et favoriser sa croissance, contribuer à l'atteinte des objectifs environnementaux et établir une économie à faibles émissions de carbone, et créer des collectivités offrant des possibilités pour tous.
[Traduction]
En travaillant avec ses partenaires provinciaux, territoriaux et municipaux, Infrastructure Canada souhaite établir des bases solides qui permettront à tous les Canadiens d'avoir accès à des possibilités.
Dans le cadre du plan d'infrastructure à long terme du gouvernement du Canada, on investira plus de 180 milliards de dollars en 12 ans pour appuyer cinq secteurs clés : les transports en commun; le commerce et les transports; les infrastructures vertes; les infrastructures sociales; les collectivités rurales et nordiques.
Le plan va déjà de l'avant, et les programmes de la phase 1 répondent aux besoins les plus fondamentaux des Canadiens en matière d'infrastructures locales, tout en appuyant la réalisation de projets transformateurs.
[Français]
Ces investissements contribueront à façonner les collectivités du Canada et à établir les bases de l'avenir économique du pays.
[Traduction]
Selon Statistique Canada, les Canadiens consacrent en moyenne l'équivalent de 32 jours de travail aux déplacements entre leur lieu de travail et leur domicile. L'Institut C.D. Howe a chiffré à 10 milliards de dollars par année les pertes de productivité attribuables à la congestion routière.
Dans le cadre du plan à long terme, le gouvernement du Canada investira 25,3 milliards de dollars dans des projets liés au transport en commun qui permettront de mettre en place le nouveau réseau de transport urbain. Ce réseau transformera le mode de vie des Canadiens, leurs déplacements et leur façon de travailler.
[Français]
De plus, le gouvernement du Canada investira plus de 10 milliards de dollars en faveur des infrastructures de commerce et de transport. On communiquera de plus amples renseignements à ce sujet au cours des semaines et des mois à venir, mais ce financement sera axé sur des projets qui permettront d'assurer le transport le plus efficace et le plus sécuritaire possible des personnes et des biens, que ce soit aux portes d'entrée du Canada, dans les corridors de transport ou dans l'ensemble du pays.
Ces investissements sont essentiels, puisque les relations commerciales croissantes du Canada entraînent des pressions accrues sur nos réseaux de transport actuels.
[Traduction]
Le Canada a besoin de corridors commerciaux fiables et solides pour permettre aux entreprises et aux entrepreneurs canadiens de soutenir la concurrence sur les principaux marchés internationaux, et pour assurer l'efficacité des échanges commerciaux avec nos partenaires essentiels, notamment les États-Unis.
Infrastructure Canada supervise deux projets importants qui sont étroitement liés à son plan à long terme : la construction du pont Champlain et du pont international Gordie-Howe, deux bons exemples des investissements stratégiques qui favorisent l'efficacité du transport des personnes et des biens dans une région, et qui facilitent le commerce.
[Français]
Le projet de corridor du nouveau pont Champlain à Montréal est l'un des plus importants projets en cours en Amérique du Nord. Le nouveau pont qui enjambe le fleuve Saint-Laurent comprendra un corridor intégré de deux voies pour le transport en commun.
On estime que de 40 à 50 millions de véhicules, 11 millions d'usagers du transport en commun et 20 milliards de dollars de marchandises passent chaque année sur le pont Champlain actuel. Le corridor du nouveau pont permettra donc d'assurer la sécurité continue des usagers qui empruntent quotidiennement le pont Champlain et le transport des biens sur cet important corridor de transport.
[Traduction]
Le pont international Gordie-Howe permettra de créer le premier lien entre deux autoroutes dans la région entre Windsor et Detroit, ce qui permettra de détourner une importante partie des véhicules commerciaux qui, pour sortir de l'Ontario, traversent le centre-ville de Windsor, et d'augmenter la capacité générale de circulation à la frontière. Le projet va de l'avant, et on s'occupe actuellement de l'approvisionnement et de la préparation du site, au Canada comme aux États-Unis.
Le corridor commercial Windsor-Detroit est le passage frontalier terrestre commercial le plus achalandé le long de la frontière canado-américaine et l'un des plus achalandés de toute l'Amérique du Nord. Plus du quart de tous les échanges commerciaux entre nos deux pays passe par ce corridor. Une fois terminé, le pont contribuera au transport efficace des biens et des personnes, en collaboration avec notre partenaire commercial le plus important, les États-Unis.
Infrastructure Canada reconnaît l'importance de ces projets pour leurs régions respectives comme pour l'ensemble du Canada.
[Français]
Tandis que les représentants d'Infrastructure Canada continuent de travailler avec les partenaires provinciaux et municipaux pour réaliser ces investissements stratégiques, le gouvernement du Canada a récemment annoncé la création d'un nouvel outil qui aidera à effectuer des investissements transformateurs partout au Canada : la Banque de l'infrastructure du Canada.
La banque est un nouvel outil qui proposera de nouvelles façons de financer les infrastructures et de mobiliser des capitaux privés. On créera ainsi de nouvelles options et de nouvelles possibilités pour les provinces, les territoires et les municipalités qui pourront entreprendre de vastes projets d'infrastructure transformateurs.
La banque investira 35 milliards de dollars en faveur de nouveaux projets partout au Canada, des projets tels que de grands réseaux de transport en commun dans les plus grandes villes du Canada, des ponts, des corridors de transport complexes et bien plus encore.
[Traduction]
Le Canada offre un marché bien établi en ce qui a trait aux projets d'infrastructures et aux partenariats entre les secteurs public et privé. De nombreuses infrastructures essentielles, comme le réseau de trains légers sur rail d'Edmonton et le projet d'amélioration de l'aéroport international d'Iqaluit, ont été financées en partie par le secteur privé.
Le gouvernement du Canada estime qu'il a la possibilité d'attirer des investissements du secteur privé dans les infrastructures grâce à des prêts, à des garanties de prêt et à la participation au capital.
Nous vivons dans un monde plus petit et plus connecté que jamais. Les villes canadiennes se font de plus en plus leur propre place comme chefs de file sur la scène internationale et, dans le même temps, les besoins régionaux sont pris en compte.
[Français]
Infrastructure Canada continuera de collaborer étroitement avec ses partenaires provinciaux, territoriaux et municipaux pour créer des programmes qui permettent de répondre aux besoins urgents de nos collectivités, de nos provinces et de notre pays.
Encore une fois, je vous remercie de nous avoir invités, mon collègue et moi, à témoigner devant votre comité.
[Traduction]
Nous sommes tous les deux heureux d'être ici et nous répondrons à vos questions au mieux de nos connaissances.
Le président : Monsieur Campbell, avez-vous des observations supplémentaires à formuler?
Glenn Campbell, directeur exécutif, Bureau de transition pour la Banque de l'infrastructure du Canada, Infrastructure Canada : Non, je n'ai rien à ajouter.
Le sénateur Tannas : Je vous remercie pour ce discours vibrant. Je vous remercie d'être ici et, particulièrement, de votre allocution sur Infrastructure Canada.
Veuillez excuser mon retard. J'ai essayé de vous rattraper le plus vite possible.
Nous sommes ici pour étudier l'idée d'un corridor national et, particulièrement, celle d'un nouveau corridor qui ne remplacerait pas l'ancien mais qui l'améliorerait et qui pourrait servir pendant 50 ans.
Est-ce que votre ministère étudie les besoins à venir de routes et de corridors de cette nature pour les 50 ans à venir? Sinon, est-ce que c'est parce que ça ne fait pas partie de son mandat? Est-ce que, par hasard, vous sauriez de qui ce serait le mandat?
M. Fortin : La recherche et les études de notre ministère tentent de nous projeter dans l'avenir et de prévoir les besoins en infrastructures. Nos collègues de Transports Canada répondront peut-être mieux à vos questions sur le corridor.
Le sénateur Tannas : Il peut arriver qu'un regard rétrospectif nous renseigne sur l'avenir. Votre propre expérience vous permet-elle de percevoir un éventuel besoin pour un corridor flambant neuf qui ne serait pas engorgé par les grandes villes et toutes leurs excroissances périphériques qui, visiblement, embouteillent souvent les corridors existants?
M. Fortin : Avez-vous un exemple précis? Comme vous le savez, dans beaucoup des projets auxquels nous participons, nos corridors existent déjà et ils ont été conçus, proposés et réalisés par nos partenaires, les provinces et les municipalités. Nos programmes sont ainsi conçus que les provinces et les territoires classent d'abord leurs besoins selon leurs priorités. C'est ensuite que nous nouons un partenariat avec eux.
Le sénateur Tannas : C'est intéressant. Le transport serait... Dans le cas particulier des routes, de toute façon... il faudrait chercher à s'entendre avec les provinces voisines, sinon les routes, qui commenceraient et s'arrêteraient aux limites de la province, se termineraient toutes en cul-de-sac.
M. Fortin : Oui, nous avons financé la route 1, en Colombie-Britannique, l'une de ces grandes routes provinciales et nationales. J'ai parlé de deux corridors importants pour nous, le pont international Gordie-Howe et le point Champlain, pièces maîtresses des infrastructures utiles au commerce.
Les corridors et les infrastructures qui conduisent aux frontières sont d'autres éléments qui auraient été financés. Nous sommes aussi partenaires dans le financement de certains grands ports canadiens comme ceux de Montréal et de Saint John, au Nouveau-Brunswick, importants aussi pour le commerce et avec lesquels nous avons noué des partenariats.
Le sénateur Tannas : Participez-vous à la planification ou à tout ce qui touche le Nord, par exemple la planification d'une route à construire?
M. Fortin : Oui. Vous parlez encore de planification. C'est fait après que les provinces et les territoires ont établi leurs priorités. Nous sommes partenaires dans la route de Tuktoyaktuk, en chantier.
Le sénateur Wetston : Je vous remercie de votre exposé.
J'ai besoin d'explications. Pouvez-vous éclairer le lien entre le ministère et la Banque de l'infrastructure? Vous avez parlé de 35 milliards de dollars. Je suppose que le montant auquel vous venez de faire allusion en fait partie.
M. Fortin : Effectivement.
Le sénateur Wetston : Ensuite, la stratégie concernant les infrastructures vise-t-elle la création d'emplois? Sinon, quoi d'autre? Pouvez-vous m'éclairer?
M. Campbell : Je vous remercie pour votre question. Je suis le directeur exécutif du nouveau bureau de transition chargé d'organiser la banque de l'infrastructure dont on a annoncé la création dans la mise à jour économique de l'automne. Le gouvernement a annoncé qu'il se présenterait bientôt au Parlement avec une proposition législative qui préciserait dans le détail la nature de l'entité, qui serait sans lien de dépendance, sa gouvernance, son monde de fonctionnement et ses responsabilités.
Entre-temps, Infrastructure Canada est le centre compétent, compte tenu de tout ce qui arrive, pour la coordination des efforts visant à établir cette nouvelle entité. J'ai passé beaucoup d'années à Finances Canada, où j'étais chargé des institutions bancaires et financières. Je me crois donc à la hauteur pour diriger ces efforts.
À propos des 35 milliards, le gouvernement a annoncé que 15 milliards pouvaient être passés en charges et, par conséquent, entrer dans le cadre financier correspondant aux 187 milliards de dollars du plan national de 11 ans. C'est la petite fraction, la part minoritaire, sur cette période.
Nous arrivons à 35 milliards parce que le gouvernement est conscient que cette entreprise commerciale aurait besoin d'un bilan supplémentaire pour participer à diverses structures. Les 20 milliards qui, en plus, sont en liquidités égaliseraient, nous supposons, le passif et l'actif. C'est la responsabilité qui existe à cette étape.
Quand le gouvernement viendra préciser ses intentions, il en dira davantage sur la gouvernance et la place de l'entité dans le contexte général. C'est un outil de plus à sa disposition pour un nouveau mode de financement. Une fois la planification faite et les priorités établies, il devient une option pour les promoteurs, particulièrement les provinces et les municipalités qui possèdent la plus grande partie des infrastructures au Canada. À l'échelle fédérale, c'est un instrument supplémentaire pour aider à faire démarrer certains projets transformateurs et améliorer la planification.
Peut-être que M. Fortin peut répondre à la deuxième partie de la question.
M. Fortin : Nous voulons nous servir des projets d'infrastructures pour qu'ils créent eux-mêmes des emplois et nous faisons appel aux compétences canadiennes. La conception de nos programmes prévoit des examens à travers différents prismes. J'ai parlé de la phase 1 annoncée dans le dernier budget, mais, dans la phase 2, il y aura un programme d'infrastructures à plus long terme dont la conception comportera un examen à travers différents prismes : social, environnemental et celui des transports en commun.
Le sénateur Wetston : On discute toujours beaucoup au Canada de la force de nos régimes de retraite. Ce sont des fonds de retraite d'envergure internationale, pour des raisons évidentes, et leurs investissements sont nombreux. Ils ont beaucoup investi, à l'échelle mondiale, dans les capitaux propres privés et dans beaucoup de projets réglementés.
Je fais peut-être erreur et je suis persuadé que certains voudront obtenir ma tête pour ce que vais dire, mais ils ne me semblent pas investir beaucoup au Canada. Peut-être le font-ils? Vous savez de qui je parle.
Que pourriez-vous faire pour attirer les investissements des fonds de retraite au Canada?
Je suis conscient des obstacles éventuels comme les restrictions visant les investissements, l'importance et la constance des retours sur l'investissement, qui, je pense, expliquent en partie pourquoi des actifs réglementés sont souhaitables dans de nombreux cas. Pouvez-vous dire ce que vous en pensez?
M. Campbell : J'en serai ravi. Ces derniers mois, j'ai personnellement consulté beaucoup de ces divers investisseurs institutionnels, pas seulement les gros fonds de retraite, mais beaucoup d'autres gestionnaires d'actifs et de fonds propres.
Le président : Est-ce que ça comprend le Régime de pensions du Canada?
M. Campbell : Oui, tout le monde. Tout investisseur institutionnel pourrait interagir avec la banque, en principe.
Ce qu'ils recherchent surtout, c'est des occasions de se diversifier et d'investir au Canada. Ils investissent beaucoup dans les infrastructures dans le reste du monde et ils cherchent des occasions à saisir au Canada.
Il a été reconnu que, au Canada, le financement par emprunt n'est pas anémique. Beaucoup de fonds de retraite et de gestionnaires d'actifs sont prêteurs pour beaucoup de ces projets mais, au fil du temps, même dans une longue période de bas taux d'intérêt qui exercent des contraintes sur les bilans publics. Les municipalités, le gouvernement fédéral et les provinces empruntent tous et ils prêtent à bas taux, mais, dans les faits, tout le risque est supporté par le contribuable. Il faut trouver un autre moyen.
Beaucoup d'investisseurs institutionnels, y compris les fonds de retraite, gèrent des portefeuilles à long terme quand ils ont besoin de faire correspondre leurs actifs à un passif à long terme. Ils veulent investir dans des projets et prendre plus de risques grâce à la participation au capital ou autrement, pour obtenir un meilleur rendement que celui d'un simple prêt d'argent.
Par contre, ils apporteraient à un projet la discipline et l'expertise du secteur privé et, aussi, la gestion du projet pendant son cycle de vie. Peut-être seraient-ils présents plus longtemps.
Dans notre pays, les partenariats public-privé ont eu beaucoup de succès et ils continueront d'en avoir. Nous sommes vraiment rendus dans la prochaine génération où nous pourrions monter un concept qui comprendrait des fonds propres ou d'autres formes de participation. Il attirerait les investisseurs qui voudraient être présents ici à long terme et il leur ferait nouer un contact durable avec un promoteur, disons une municipalité ou une province. Les investisseurs seraient là pour absorber les risques, ce qui, en retour, débloquerait en partie les ressources limitées du promoteur ou du contribuable, qui pourraient les consacrer à autre chose. Voilà à quoi servirait ce concept.
Le président : Est-ce que la Banque d'infrastructure serait un partenaire dans les projets par l'apport de capitaux ou serait-elle une institution prêteuse ou une institution subventionnaire en partenariat?
M. Campbell : C'est une excellente question, sénateur. J'aurais imaginé qu'une banque de l'infrastructure soit davantage une banque marchande car elle a la capacité d'élaborer un accord où l'actionnaire ou le financier et le promoteur interviennent et utilisent divers outils et instruments fédéraux. Ce pourrait être des capitaux. Ce pourrait être des emprunts. Ce pourrait être d'autres formes de dettes ou de capitaux subordonnés ou une combinaison des deux pour gérer une partie des risques qui sont transférés entre le promoteur et l'investisseur privé.
En principe, le gouvernement recherche la flexibilité. Il y a un éventail d'outils. Il y aura certains paramètres. Au final, il essaie de s'assurer que la structure fonctionne là où il y a suffisamment de risques qui sont transférés du promoteur au secteur privé pour cadrer avec les facteurs économiques d'un projet et pour rendre le projet viable.
Le président : Où trouverez-vous les fonds nécessaires? Recevrez-vous un chèque du gouvernement fédéral, ou emprunterez-vous de l'argent que le gouvernement du Canada garantira?
M. Campbell : Il n'est pas prévu que la banque émette des titres de créance ou emprunte de l'argent. Le programme fédéral d'emprunt consolidé amassera les fonds, puis les versera par l'entremise de la banque de l'infrastructure. Aucun emprunt ne sera effectué en dehors du programme d'emprunt du gouvernement du Canada. Ensuite, en tant qu'entité qui prend ces engagements, des fonds seront distribués à cette entité pour financer diverses ententes.
Le président : Est-ce que ce sera dans le fonds consolidé? Est-ce que ce sera dans le cadre du déficit, ou ailleurs? Supposons que vous empruntez un demi-milliard de dollars, 500 millions de dollars. Où figureront ces fonds en tant que dépenses? Seront-ils dans un bilan consolidé ou dans les emprunts? Comment savons-nous où l'argent est dépensé?
M. Campbell : C'est une excellente question, sénateur. Je suis ravi d'être de retour ici. Je peux clairement dire que l'intention ici est d'intégrer ces montants dans les bilans consolidés du gouvernement du Canada. Il a déjà annoncé à l'automne que 15 milliards de dollars du portrait financier sur 11 ans seront dépensés, puis consignés.
Dans une année, dans la mesure où la banque fait des transactions, les montants que le gouvernement fédéral garantit, les actifs nets, seraient imputés à ce budget de 15 milliards de dollars. Par conséquent, ces fonds seraient tirés des excédents du gouvernement du Canada et seraient consignés dans les bilans. Ce n'est pas un engagement hors bilan. C'est une transaction financière qui figure au bilan.
Le sénateur Day : Monsieur le président, ce sont là toutes d'excellentes questions que vous avez posées. Les réponses m'ont plu. Elles ont couvert un certain nombre de questions que je voulais poser.
Messieurs, nous nous sommes réunis à plusieurs occasions. Le sénateur Smith et moi-même avons eu l'occasion de discuter avec vous avant votre comparution devant le Comité des finances. Vous savez que la source de frustration du Comité des finances était les délais entre le moment où le gouvernement a annoncé tous ces investissements dans l'infrastructure et l'exécution des projets sur le terrain.
C'était toujours une question d'entente entre le gouvernement fédéral et les provinces. Avez-vous pris des mesures pour réduire ces délais pour aller de l'avant avec ce qui a été annoncé, à savoir les investissements dans l'infrastructure au Canada?
M. Fortin : C'est une remarque qu'on nous a faite très souvent. Je comprends votre argument, sénateur, lorsque vous avez parlé du délai entre l'annonce et le moment où les fonds ont été débloqués et le commencement des travaux. Comme je l'ai déjà mentionné, les travaux commencent parfois avant que le bulldozer soit sur le terrain. Des processus de planification et d'appel d'offres sont en cours.
Pour revenir à votre question visant à savoir si nous prenons des mesures pour simplifier ce processus, à court terme, nous avons essayé à la première étape du dernier budget de mettre en place une plus grande transparence à l'égard des projets qui ont été approuvés et des allocations publiques par les provinces. Les accords bilatéraux que nous signons avec les provinces et les territoires sont publics, alors on peut suivre les progrès qu'ils font dans les projets qu'ils mènent.
Nous examinons des idées novatrices à plus long terme, car la durée de la première phase était de deux ans. Nous nous lançons maintenant dans quelque chose à un peu plus long terme. Nous ferons participer les provinces et les territoires pour voir comment nous pouvons relever ce défi particulier.
Le sénateur Day : J'ai trouvé intéressante, monsieur Fortin, votre observation sur Infrastructure Canada et sur le financement annoncé. Vous avez également indiqué que cela inclut des investissements importants dans des infrastructures qui encouragent le commerce entre les provinces et les territoires. Nous avons fait du travail en matière de commerce interprovincial.
Qui fournit la vision en ce qui concerne le commerce interprovincial et un corridor? Par exemple, pensons à un pipeline qui part de l'Alberta pour se rendre à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Il faudra faire beaucoup de travail pour obtenir des droits de passage et réaliser des études environnementales. Qui fait ce travail de réflexion pour un projet d'infrastructure interprovincial de la sorte?
M. Fortin : À l'heure actuelle, nos accords et nos partenariats avec les divers territoires, provinces et municipalités sont conclus par projet. Ils proposent les projets. Nous examinons s'il est possible de les mener à bien.
Ce dont vous parlez est probablement une question d'ordre politique plus globale, mais du point de vue des infrastructures, les programmes sont conçus pour régler divers points et sujets. Je fais allusion aux défis associés au transport et aux grandes communautés et à la façon dont nous pouvons assurer une plus grande accessibilité.
Ce sont là les facteurs que nous examinons. Les provinces et les territoires proposent les projets. Notre travail consiste à nous assurer qu'ils sont admissibles et répondent à nos modalités et conditions.
Le sénateur Day : Ce peut être que les investissements dans certains travaux préliminaires ne créent pas beaucoup d'emplois immédiatement. Nous essayons d'envisager un corridor — nous en ignorons la largeur — qui traverserait le Canada d'Ouest en Est et d'Est en Ouest pour les lignes de transmission, la fibre optique et bien d'autres choses.
Des études environnementales seront effectuées. Des droits de passage devront être obtenus. Ce n'est peut-être pas pour un projet qui sera exécuté demain. Ce peut être 10 ou 20 plus tard, mais le corridor sera établi.
Vous n'arriverez pas à convaincre certaines provinces si elles veulent construire une infrastructure immédiatement sur leur territoire, mais y a-t-il une vision? S'il y a une vision au niveau fédéral pour aller de l'avant, où est-elle? Est-ce dans le secteur des infrastructures ou ailleurs au Cabinet du premier ministre?
M. Fortin : C'est à plusieurs endroits, je dirais. En tant que ministère, notre travail consiste à mettre en œuvre les priorités établies par nos divers partenaires. Ils présentent des propositions. Nous essayons de nous assurer qu'elles cadrent avec la conception de notre programme.
Il peut y avoir d'autres programmes dans d'autres ministères qui sont plus particulièrement conçus pour tenir compte d'aspects plus vastes ou du type de questions que vous soulevez.
Le sénateur Day : Vous n'avez rien à voir là-dedans.
M. Fortin : Nous suivons les priorités établies avec nos partenaires.
Le sénateur Day : Il s'agit de projets à court terme qui se limitent à ce que chaque province veut et qui permettront d'obtenir le meilleur rendement sur des investissements rapides.
M. Fortin : Nous nous livrerons à des projets à plus long terme plus tard.
Le sénateur Day : Je l'espère.
M. Fortin : Eh bien, nous verrons bien le type de projets qu'on nous proposera. J'ai fait référence plus tôt à deux gros actifs comme les ports de Montréal et du Nouveau-Brunswick et les ponts entre Detroit et Windsor. Ces infrastructures règlent les problèmes de vision auxquels le Canada doit s'attaquer.
[Français]
La sénatrice Moncion : En ce qui concerne les projets d'infrastructure du gouvernement fédéral, certains points qui ont été soulevés avaient trait à l'augmentation de la productivité et aux revenus générés par les différents projets d'infrastructure. À l'instar du pont Champlain, du pont de Windsor et des différents corridors, le projet de l'autoroute 407 à Toronto est générateur de revenus, ce qui en fait un projet très intéressant pour les investisseurs.
Quels critères utilisez-vous, par exemple, pour rendre le pont Champlain générateur de revenus et de productivité? Cette même question s'applique au pont de Windsor, au système léger sur rail de Montréal et au projet de train léger sur le pont Champlain. Quel genre de planification faites-vous en fonction de la productivité et de la génération de revenus?
M. Fortin : Quant à l'exemple du pont Champlain, je pense que votre question porte sur la valeur nette de ces projets et sur les revenus qu'ils vont générer. Peut-être que mon collègue pourra vous répondre en ce qui concerne les objectifs de la banque.
Quant à votre question au sujet du pont Champlain, dans le concept de base, on avait prévu de consacrer un corridor pour le transport en commun. Nous sommes actuellement en pourparlers avec la Caisse de dépôt et placement et la province de Québec pour voir comment répondre à cette demande.
La sénatrice Moncion : C'est générateur de revenus.
M. Fortin : Oui.
La sénatrice Moncion : Pour tous ceux qui l'utiliseront, est-ce le pont en tant que tel qui sera générateur de revenus? On sait que le pont Champlain a déjà été un pont à péage et qu'il ne l'est plus.
Je crois que l'incitatif à rendre le pont Champlain payant, c'est d'amener les gens à utiliser le train léger, ce qui crée un double incitatif, car les gens se diront : « Si ça me coûte quelque chose pour passer par le pont, je vais prendre le train ». Donc, ils seront prêts à payer leur place sur le train, mais ils ne paieront pas le pont. Il y a toute la question de la génération de revenus et, ensuite, ça devient un actif qui a une valeur monnayable qui peut devenir très intéressante pour les caisses de retraite.
Est-ce que les projets sont examinés dans cette optique?
[Traduction]
M. Campbell : Merci de la question, sénateur. Je ne veux pas me prononcer sur des projets précis, mais je peux vous démontrer que nous mettons sur pied un instrument. À mesure que des projets sont conçus pour le pipeline par l'entremise d'un processus de planification quelconque au niveau municipal, provincial ou fédéral, selon l'actif, nous disposerions désormais d'un outil additionnel pour favoriser la planification du projet.
Dans certains cas, de nombreux promoteurs pensent déjà à des modèles générateurs de revenus de différents actifs pour assumer les coûts, recouvrer des coûts, assurer la gestion de la demande et créer d'autres incitatifs.
Sans porter de jugement de valeur sur aucune de ces options, la génération de revenus serait l'indicateur clé pour attirer des investissements du secteur privé car on garantirait ces revenus.
Si on utilisait les prix pour utilisateurs pour attirer des investissements privés, on pourrait améliorer la productivité à partir de la gestion de la demande, de la discipline du secteur privé et de la planification du cycle de vie. À l'avenir peut-être, si l'on fait intervenir ces partenaires qui veulent une vision à long terme, on songerait également à la planification intégrée : Que se passe-t-il avec l'actif, peu importe ce qu'il a tendance à être?
Tout ce processus peut entraîner des répercussions externes positives. Ce n'est pas la panacée; ce n'est qu'une option à laquelle réfléchir lorsque nous créons un bien. L'idée est de déterminer comment faire plus ou apporter une transformation qui n'aurait autrement jamais été apportée.
Nous créons un autre instrument. Si l'on peut attirer des capitaux privés pour le faire, c'est une solution gagnante pour tout le monde, et il y a plus de recettes disponibles pour construire des infrastructures publiques.
La sénatrice Moncion : Je veux ajouter ceci : qu'arrive-t-il si le gouvernement n'a aucun critère? Je suis certain qu'il en a, mais si les critères ne sont pas intégrés aux projets qui sont présentés, il faudra beaucoup de temps avant que des recettes soient générées. C'est plus une question de coût. Le coût est associé à la construction des ponts.
Je sais que les échanges commerciaux augmenteront, mais il faut une meilleure production de recettes et des critères entourant ces projets d'infrastructure pour qu'ils demeurent intéressants pour toujours.
L'autoroute 407 était le meilleur exemple. Lorsque M. Sabia a témoigné il y a quelques semaines, il voulait investir dans ce projet. Il aimerait faire l'acquisition d'un tronçon de l'autoroute 407. Lorsqu'il a été construit, les promoteurs ont dit que personne ne l'utiliserait. Que s'est-il passé?
M. Campbell : Merci de cette précision, sénateur. Pour ce qui est des projets futurs où la banque participerait, par définition, elle ne serait pas seulement responsable de financer la construction. Elle financerait le cycle de vie du projet et le bien à long terme. Les investisseurs institutionnels, que ce soit des caisses de retraite ou autres, veulent des actifs à long terme qui produisent des recettes à long terme. C'est dans l'intérêt public.
Tous les gouvernements tirent des leçons de leurs expériences passées. Qu'on les considère comme étant positives ou négatives, elles sont toutes utiles pour l'avenir. L'idée est d'offrir plus d'options aux urbanistes, aux investisseurs et aux gardiens du bien pour pouvoir dire, dans certaines circonstances, « Nous aurions peut-être pu faire les choses différemment ».
Dans une situation, un modèle traditionnel de conception, de construction, d'exécution, de financement et d'entretien peut être approprié. Dans une autre, vous pourriez générer des revenus qui permettraient la conclusion d'une entente à long terme avec le secteur privé et le promoteur public. Là encore, c'est une situation où tout le monde y gagne.
L'objectif est de créer un instrument, peut-être qui vise un créneau au départ, et de le mettre progressivement en œuvre pour voir si nous pouvons mener un plus grand nombre de ces projets au Canada.
La sénatrice Wallin : Merci à vous deux. La somme de 35 milliards de dollars peut sembler être beaucoup d'argent, mais dans le cadre de ces projets, ce pourrait être insuffisant.
Corrigez-moi si je me trompe, mais j'ai l'impression qu'en mettant l'accent sur les transports en commun et vos ponts Champlain et Gordie Howe, vous avez là des projets importants mais de plus petite taille qui semblent être plus centralisés dans les 100 milles au nord de la frontière américaine où la majorité des gens vivent. Dans un premier temps, est-ce le cas? Puis nous passerons à la seconde étape, qui est plus au nord des 100 milles où la population est concentrée.
M. Fortin : Dites-vous que c'est pour la banque?
La sénatrice Wallin : Oui.
M. Campbell : Vous avez mentionné les 35 milliards de dollars au début et les 15 milliards de dollars. C'est 187 milliards de dollars sur 11 ans, si bien qu'il y a beaucoup de financement public.
Compte tenu de l'intention, de l'esprit et de la prémisse de la banque, le gouvernement fera bien entendu sa part. Ce serait un vecteur éventuel pour mener à bien un projet n'importe où au Canada. Cela dépend vraiment de la nature du projet qu'il appuierait, que ce soit un projet municipal, provincial ou fédéral. Est-ce dans le Nord? De quel type de projet s'agit-il?
Les priorités sont déjà établies dans la planification des projets du gouvernement en lien au pipeline. Nous espérons qu'il y aura une bonne planification et des bons mécanismes d'établissement des priorités concernant les volets des projets où la banque pourrait s'associer avec les responsables.
À long terme, on aurait un vecteur qui examinera des projets d'envergure, qui sont également de petite taille et dans lesquels on pourrait éventuellement investir. À l'avenir, nous pourrions envisager de regrouper des projets de plus petite taille. C'est exigeant, mais c'est clairement pour apporter des changements novateurs et transformateurs. Ce pourrait être fait n'importe où au Canada.
La sénatrice Wallin : Je suis consciente que le bilan a été rédigé, mais si je me fie à ce que vous dites, ce type de projet de corridor que nous avons examiné — et je dis que c'est un projet du Nord parce qu'il est situé à l'extérieur de la région où la population est concentrée — serait-il comptabilisé, figurerait-il dans les livres comptables, ou auriez-vous tendance à le considérer comme faisant partie des projets de plus petite taille?
Feriez-vous quelque chose qui couvrirait une partie d'un pipeline et peut-être certains équipements de communications, pour ensuite regrouper différents projets après coup plutôt que d'accepter d'exécuter ce nouveau projet national de grande envergure? On ne semble pas vouloir ce type d'approche. On veut plutôt mener plusieurs projets de petite taille et les regrouper par la suite.
M. Campbell : Je dirais, à tout le moins dans le cadre du concept initial où la banque est un instrument, que nous ne voulons pas l'inonder d'attentes exagérées. Nous laisserons les promoteurs décider car c'est une option qui s'offre à eux, et plus particulièrement les provinces et les municipalités. Nous laisserons le marché décider, c'est-à-dire que les investisseurs décideront.
Tous les projets d'infrastructure d'envergure, que ce soit des projets nationaux ou des projets menés par de grandes municipalités, sont toujours intégrés à quelque chose. Les urbanistes et le secteur privé examineront comment nous pouvons rassembler une partie suffisamment importante du projet pour qu'il soit possible de le gérer et d'investir afin de faire preuve de diligence raisonnable et d'établir les facteurs économiques entourant une partie précise du projet.
Que ce soit l'un parmi tant d'autres ou un projet individuel, il faut qu'il y ait un certain niveau d'esprit pratique entourant les contrats et les investissements.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Monsieur Fortin, vous parlez de vos partenaires provinciaux, territoriaux et municipaux. Toutefois, vous ne parlez pas, dans votre présentation, de partenariat avec les communautés autochtones. Comment se font les demandes de projets en infrastructure pour les communautés autochtones?
M. Fortin : Dans ces cas, les juridictions territoriales et provinciales doivent tenir des consultations et engager ces communautés. Lorsque les projets nous sont présentés, nous attestons que les consultations ont eu lieu au moment où les projets sont soumis.
De la même façon, si je puis me permettre, nos ententes sont signées avec les territoires et les provinces, comme je le mentionnais un peu plus tôt. Ces entités doivent mener leur processus de consultation pour établir l'ordre de priorité des projets.
La sénatrice Ringuette : Même si, légalement, le territoire est administré par le gouvernement fédéral et que les communautés sont sous sa responsabilité, en grande partie, pour ce qui est du développement économique, par l'intermédiaire du ministère, ce sont les provinces qui doivent mener les consultations et non le ministère.
M. Fortin : Nous nous assurons que les conditions sont respectées. Les mêmes lois et juridictions s'appliquent à ce moment-là. Nous avons un processus à suivre pour nous en assurer.
La sénatrice Ringuette : Qui s'assure que le financement nécessaire a été prévu pour les demandes en infrastructure? Supposons que l'on suive le processus naturel. Vous demandez aux provinces de dresser une liste, de consulter les entités et les municipalités sur leur territoire, puis les communautés autochtones. Vous leur demandez de faire une liste des projets en infrastructure qui sont prioritaires. Cette liste d'infrastructures prioritaires, aux niveaux provincial et municipal, a une composante financière. Une obligation financière doit être démontrée.
Alors, qui aura la responsabilité financière en ce qui concerne la participation des communautés autochtones aux projets d'infrastructure?
M. Fortin : Pouvez-vous être plus spécifique? Vous parlez de la part financière?
La sénatrice Ringuette : Ma question est très simple. Dans un programme d'infrastructure, il y a une participation financière du gouvernement fédéral, une participation financière du gouvernement provincial et, la plupart du temps, une participation financière du gouvernement municipal, s'il s'agit d'une infrastructure municipale.
M. Fortin : Cela dépend du programme. Vous parlez d'un tiers, un tiers et un tiers. Ce peut être le Fonds des petites collectivités. Par contre, il peut y avoir d'autres programmes dont la proportion n'est pas d'un tiers, un tiers, un tiers, mais qui sont du ressort de la province et du gouvernement fédéral.
La sénatrice Ringuette : Je comprends que vous avez quelque 30 programmes d'infrastructure et que vous pouvez probablement mettre du brouillard partout où c'est possible.
M. Fortin : Je ne les connais pas tous par cœur, sénatrice.
La sénatrice Ringuette : Une fois le processus de consultation complété entre les partenaires — selon ce que vous dites, ce sont les provinces qui sont responsables de la consultation auprès des communautés autochtones —, qui est responsable, pour un projet d'infrastructure réalisé dans une communauté autochtone, du financement de cette partie?
M. Fortin : Pour un projet qui serait réalisé sur un territoire autochtone?
La sénatrice Ringuette : Oui.
M. Fortin : À ce moment-ci, une consultation est menée avec la communauté. Puis, nous vérifierons si le montage financier est adéquat de la part de la province.
La sénatrice Ringuette : Donc, vous dites que le gouvernement fédéral n'a aucune implication financière dans les demandes de projets d'infrastructure qui sont réalisés au sein des communautés autochtones.
M. Fortin : Oui, mais dans ce cas, on parle peut-être d'autres programmes qui ne relèvent pas d'Infrastructure Canada. On parle peut-être d'autres ministères. Ce sont peut-être les programmes auxquels vous faites référence. Nous fonctionnons en fonction des priorités établies par les provinces et les territoires dans ces territoires et ces provinces.
La sénatrice Ringuette : On peut comprendre pourquoi les communautés autochtones nous parlent de leurs besoins en infrastructure, que ce soit pour le développement économique dans le corridor du Nord ou ailleurs. En réalité, il y a un genre de dévolution de la responsabilité en ce qui a trait aux besoins en infrastructure liés au développement économique de ces communautés autochtones. J'essaie d'avoir une réponse, et vous me parlez de vos quelque 30 programmes. Peu importe le programme. Vous dites que vous avez un partenariat fédéral-provincial-municipal. Ce genre de partenariat, pour les 30 différents programmes, devrait aussi inclure un partenariat avec les communautés autochtones, peu importe où elles se trouvent sur le territoire canadien.
M. Fortin : Je comprends, sénatrice. En même temps, il ne peut pas y avoir de chevauchement des programmes. Les besoins de ces communautés peuvent être traités par l'intermédiaire d'autres programmes qui ne relèvent pas d'Infrastructure Canada. Notre rôle est de nous assurer que nous répondons à ces besoins grâce à d'autres programmes qui existent peut-être au sein d'autres ministères. Lorsque les projets nous sont soumis par les provinces et les territoires comme étant prioritaires, il y a un processus de consultation. Quand on arrive au financement, on parle de projets qui sont réalisés sur le territoire de provinces, de municipalités ou des territoires du Nord canadien.
La sénatrice Ringuette : Travaillez-vous en partenariat avec le ministère des Affaires autochtones et du Nord?
M. Fortin : Nous sommes en consultation avec les autres ministères, y compris celui-là, oui.
[Traduction]
Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. J'ai déjà obtenu de nombreuses réponses de votre part, mais y a-t-il des projets à l'heure actuelle que vous avez créés ou planifiés que vous considérez comme faisant partie du corridor national? Y a-t-il des projets comme ceux-là à l'heure actuelle? Y a-t-il un projet pour construire un corridor d'un point A à un point B qui achèvera les travaux?
M. Fortin : J'aurais besoin de plus de détails sur le corridor. Parlez-vous du corridor de commerce entre le Canada et les États-Unis? À quoi faites-vous allusion?
Le sénateur Enverga : Je parle du corridor nordique que nous sommes en train d'étudier.
M. Fortin : Il y a tellement de projets en cours que je vais devoir vérifier s'ils correspondent au corridor que vous mentionnez.
Le sénateur Enverga : Vous n'en êtes donc pas certains.
Qu'en est-il de la Banque de l'infrastructure? Vous avez dit que vous faites cela, et que les gens devront prendre des risques. Nous demandons donc à des entités privées de se joindre au projet, mais quels risques ces investisseurs privés courent-ils? Peuvent-ils perdre la totalité de leur investissement parce qu'un projet a échoué? Serait-ce possible?
M. Campbell : Sénateur, tout projet d'infrastructure dont le modèle de gestion est fondé sur l'économie consiste surtout à gérer le risque, que le projet relève exclusivement du public, d'un partenariat public-privé, ou PPP, ou d'un autre arrangement.
L'objectif serait donc de prévoir des clauses restrictives et des dispositions juridiques solides afin d'assurer la viabilité du projet, c'est-à-dire que le projet pourra aller de l'avant, être achevé et poursuivre ses activités.
Il peut y avoir des défauts de paiement dans de nombreuses transactions. Toutes sortes de dispositions juridiques peuvent être mises en place pour veiller à ce que l'actif continue son chemin. Elles ressemblent plutôt à une structure hiérarchique entourant la valorisation et l'échange de biens.
L'entité qui achète un risque peut devoir assumer celui-ci, ce qui entraîne habituellement des coûts si une organisation privée est disposée à investir autant dans un projet. Les modalités de l'entente définissent ce qui se passe dans certaines conditions. Si l'entité ne répond pas aux attentes, elle devra absorber les pertes. C'est ce qui va se passer. Les pertes seront donc transférées proportionnellement au niveau de risque réparti dans le contrat.
Le sénateur Smith : Monsieur Campbell, le représentant de la Caisse de dépôt, Michael Sabia, a comparu devant notre comité. Son organisation a discuté avec la province de Québec du projet de réseau ferroviaire de 67 kilomètres qui vise à régler les problèmes de congestion au moyen du transport collectif. Il a très clairement rapporté la réponse de la province : « C'est une idée formidable, mais nous n'allons pas en payer la note. »
M. Sabia a rétorqué à la province que son organisation allait payer, mais qu'elle assumerait alors le plein contrôle de la planification, de l'exécution, de l'ingénierie, de la prestation du service et de la gestion des activités pendant toute la durée de vie du programme. Son objectif est d'obtenir un rendement pour les retraités du Québec, qui sont les actionnaires de la Caisse de dépôt.
Pour ce qui est de la Banque de l'infrastructure, cela veut-il dire que les principaux fonds de pension qui souhaitent participer ne le feront qu'à la condition de pouvoir obtenir un rendement? S'ils participent à des projets fédéraux qui leur permettent d'obtenir un rendement grâce à la Banque de l'infrastructure, qu'est-ce que cela signifie pour les fonds fédéraux destinés à l'infrastructure et pour les ministères, qui représentent l'autre partie des 186 milliards de dollars?
Qu'est-ce que cela signifie pour les projets de logements sociaux qui n'affichent pas le même rendement que celui auquel on s'attend pour le réseau de train électrique de Montréal? Cela veut-il dire que le gouvernement se servira essentiellement de dettes à très faibles taux de rendement, et qu'il aura du mal à justifier le rendement des fonds d'infrastructure investis dans ce secteur? Est-ce que les responsables des caisses de retraite ne choisiront peut-être pas seulement ce qui leur plaît, qu'ils seront plutôt bien mieux placés pour influencer et contrôler la banque?
M. Campbell : Vous me demandez de répondre à une question fort complexe.
Je ne veux pas commenter des projets précis, y compris le projet du Réseau électrique métropolitain, ou REM, à Montréal, qui est actuellement étudié par le gouvernement et les différentes instances touchées. Je peux toutefois vous illustrer mes propos.
Dans un premier temps, disons qu'un fonds de pension ou un autre joueur privé disait à un promoteur qu'il est prêt à assumer tous les risques et qu'il n'a besoin d'aucun denier public. Dans ce cas, la banque ne serait pas nécessaire. C'est justement le travail de nos institutions financières normales.
Dans certains cas, il faudrait établir des priorités publiques de sorte que tout ce qu'une personne propose aurait probablement été financé en partie ou en totalité par d'autres accords ou programmes bilatéraux, ou par une province.
Si tout est bien structuré et que le transfert du risque est approprié — par « risque », j'entends que l'investisseur institutionnel pourrait ne pas obtenir le rendement souhaité, ou que le projet pourrait ne pas aller de l'avant suivant la façon dont les choses se déroulent —, cela permettrait de dégager les maigres ressources de la province, de la municipalité ou du gouvernement fédéral, puis d'investir ailleurs.
Quel que soit le projet d'infrastructure publique, on part du principe qu'il aurait encore besoin d'un soutien public pour être viable. Le rôle de la banque serait donc de trouver comment tirer le meilleur du soutien fédéral et l'utiliser le moins possible afin que l'entente soit viable sur le plan économique pour les deux parties, sans sous-évaluer les prix ni subventionner le projet plus qu'il n'en faut pour qu'il fonctionne.
C'est une question complexe; je m'excuse si ma réponse l'est tout autant.
Vous avez parlé d'autres priorités gouvernementales. L'objectif ici, c'est que le gouvernement double son financement des infrastructures. D'ailleurs, beaucoup de provinces font de même. Il s'agit d'un des outils de la trousse qui permet de réaliser un certain type de projet transformateur. Le principe, c'est que plus nous pourrons attirer des investissements privés dans certaines infrastructures, plus nous libérerons des ressources qui pourront servir à la mise en place d'autres infrastructures sociales ou économiques.
Le sénateur Smith : Voici ce qui m'interpelle. Si l'on pense au premier chemin de fer à voir le jour, qui était derrière le projet? C'était le gouvernement fédéral, si ma mémoire est bonne, en collaboration avec de grands joueurs canadiens comme la famille Ogilvie et Les Minoteries Ogilvie Ltée, ainsi que d'autres personnes de partout au pays. C'était un programme national.
Le réseau routier qui relie la Voie maritime du Saint-Laurent a donné lieu au corridor sud, qui nous donne accès à notre plus grand partenaire commercial, les États-Unis. Il s'agit encore une fois d'un programme visionnaire auquel le gouvernement a participé.
Lorsque vous entendez le sénateur Tannas, le sénateur Wetston et le sénateur Day poser des questions à M. Fortin, ce n'est pas une critique, mais M. Fortin dit précisément que les provinces viennent lui parler de leurs projets.
Nous discutons d'un projet transformateur et essayons d'étudier un concept de corridor qui traverserait les régions nordiques de notre pays. Qui sera à la tête du projet? Les provinces interviendront seulement lorsqu'une personne prendra l'initiative et leur dira que nous avons besoin de leur collaboration.
Je ne vois rien de tel dans la réponse. Si cela ne fait pas partie de votre mandat, il n'y a aucun problème, monsieur Fortin. Ce n'est pas une critique, mais le gouvernement fédéral devrait-il saisir cette occasion si nous réalisons un projet transformateur d'envergure? Le port de Vancouver était un excellent projet, tout comme celui de Prince Rupert. Nous avons obtenu notre récolte de blé la plus abondante en 2014, avec 77 millions de tonnes métriques, mais nous ne pouvions pas l'acheminer au port parce qu'il nous manquait de wagons et de voies ferrées. Nous étions coincés.
Il faut avoir une compréhension conceptuelle du rôle que le gouvernement fédéral va assumer. C'est une question que je vous pose afin que vous la transmettiez aux gens de vos domaines de compétence. À qui devons-nous nous adresser pour que le message soit clair, à savoir que le gouvernement fédéral devra intervenir pour qu'il y ait un projet transformateur?
M. Fortin : Sénateur Smith, puis-je ajouter quelque chose à propos de votre question? Nous allons réfléchir à ces sages paroles.
[Français]
On entend souvent parler des projets transformateurs, mais, en même temps, on entend aussi parler des besoins des petites collectivités. Les entités qui peuvent répondre aux besoins de ces collectivités sont les municipalités, les provinces et les territoires. C'est ce qui fait la beauté du Canada. On essaie de produire une série de programmes afin de nous pencher sur les besoins plus stratégiques, plus globaux et plus internationaux dans le but de rendre le Canada compétitif. Il y a des besoins dans nos collectivités, et on essaie d'y remédier en même temps.
Le sénateur Smith : Nous sommes d'accord avec cela. Ce que nous essayons de dire, c'est que vous êtes des porte-parole pour transmettre aux autres ordres de gouvernement le message qu'ils doivent examiner d'autres éléments. Votre vision est parfaite; par contre, nous parlons d'une autre vision pour la prochaine étape dans le développement de l'économie canadienne.
[Traduction]
M. Campbell : En ce qui a trait à la banque, sénateur, sachez que celle-ci sera justement destinée à promouvoir les projets transformateurs.
J'aimerais préciser que M. Fortin a parlé de bon nombre de nos ententes bilatérales, qui reposent essentiellement sur nos partenariats avec les provinces. La banque est censée être un instrument complémentaire à la disposition des provinces, des territoires, des communautés autochtones et des ministères fédéraux qui participent à des exercices de visualisation. Il se pourrait qu'Affaires indiennes, Ressources naturelles ou Environnement Canada nous dise avoir un projet faisant suite à une vision, puis nous demande si c'est négociable en banque. Nous espérons que la banque devienne l'entité qui les aidera à concrétiser leur projet.
En ce sens, nous prévoyons que la banque, du moins dans ce cas-là, devienne la ressource à consulter pour savoir si un financement privé pourrait accompagner le financement public de certaines de ces idées, notamment dans le milieu autochtone.
Le sénateur Campbell : Mes propos font suite à la question de la sénatrice Ringuette. Je constate que vous avez une relation de longue date avec les provinces, les territoires et les municipalités. Étant donné l'importance que le gouvernement accorde aux relations avec les Premières Nations, je dois vous dire que je suis étonné que ces communautés ne soient pas incluses ici.
Ma première question est la suivante : pourquoi ne le sont-elles pas?
M. Fortin : L'idée dont j'ai parlé plus tôt ne visait pas à exclure ces communautés. La forme des programmes ne dédouble pas les programmes en place au sein d'Affaires autochtones et du Nord Canada et d'autres ministères. C'est ma référence à ce chapitre.
Le sénateur Campbell : Infrastructure Canada ressemble à un parapluie qui englobe tous ces volets. Nous savons que les Premières Nations ont le droit d'être consultées. C'est la Cour suprême du Canada qui nous l'a dit. Si vous n'avez ni une petite idée de la question ni une relation à long terme, vous rencontrerez des difficultés chaque fois que vous réaliserez un projet. Il est donc logique d'établir une relation avec les Premières Nations.
M. Fortin : Je comprends votre remarque, et je vous en remercie. Mes propos portaient surtout sur la conception des programmes. Cela ne veut pas dire que nous écartons toute relation, mais plutôt que nous nous attardons à ce qui est admissible dans ces programmes, à la façon dont les choses sont conçues, et à l'identité des promoteurs qui nous présentent ces projets.
Le sénateur Campbell : Nous parlons d'un corridor qui traverse le Canada en passant par Dieu sait combien de Premières Nations. Nous parlons de pipelines, de télécommunications sans fil et de tout l'arsenal.
On nous a dit à maintes reprises qu'il faut être visionnaire. Nous devons regarder très loin dans le futur afin de déterminer la direction à prendre. Comment pouvez-vous regarder aussi loin quand vous avez une population substantielle de Canadiens qui ne sont pas inclus même s'ils se trouvent au beau milieu du projet? Chaque projet que vous envisagez devra à un moment donné être examiné sous la perspective des Premières Nations. Je n'ai pas l'impression que quiconque est particulièrement emballé à cette idée.
[Français]
M. Fortin : Je comprends votre point, sénateur. C'est simplement que, en même temps, nous livrons des programmes spécifiques qui répondent à des priorités établies par les territoires et les provinces. Nous nous assurons qu'ils ont consulté leurs communautés, et nous appliquons les critères liés à ces programmes. Je ne veux pas ignorer le fait qu'il y a des programmes ailleurs qu'à Infrastructure Canada qui prennent en considération les besoins de ces communautés. Voilà pourquoi j'ai parlé de projets innovateurs dans mes remarques d'ouverture. Par exemple, j'ai évoqué l'autoroute de Tuktoyaktuk.
[Traduction]
Le sénateur Campbell : Je devrais peut-être vous suggérer de consulter plutôt les collectivités et les municipalités qui connaissent bien mieux ce qui se passe que toute autre instance provinciale ou fédérale.
Voilà une des difficultés que nous rencontrons en matière d'infrastructure. Les projets sont imposés au bas de l'échelle et aux villes, et on s'attend à ce que ces gens ramassent tous les morceaux pour les assembler.
J'aime l'idée de M. Sabia. J'aimerais que plus d'entreprises se disent prêtes à construire l'ensemble du projet. Les gouvernements devraient apporter une aide plutôt que de nuire aux projets. Veuillez m'excuser, mais je ne trouve pas que les choses bougent dans ce que nous faisons ici.
Le président : Il reste environ cinq minutes, et deux autres sénateurs souhaitent intervenir.
La sénatrice Ringuette : J'ai une chose à dire à M. Fortin : si les programmes sont conçus ainsi, vous n'avez qu'à les modifier.
J'ai une question à l'intention de M. Campbell. Je ne vous ai pas vu depuis le comité des finances, et je vous félicite de votre défi.
Les communautés autochtones du Nord canadien qui étaient devant nous sont très dynamiques. Elles ont vu toutes sortes de débouchés économiques dans leurs régions, de même qu'un besoin en infrastructures. Elles nous ont demandé au moins une garantie d'emprunt, et même pas de capitaux fondés sur le risque ou d'autres mécanismes qui se rapportent à un merveilleux régime de retraite. Elles voulaient une garantie d'emprunt afin de combler leurs besoins en infrastructures dans le but de bénéficier d'un développement économique.
Monsieur Campbell, la Banque de l'infrastructure va-t-elle fournir la garantie d'emprunt du gouvernement fédéral dont les Premières Nations ont besoin pour aller de l'avant? Vous pouvez simplement répondre par oui ou par non.
Le président : Ce n'est jamais aussi simple.
M. Campbell : J'aimerais préciser que l'objectif de la banque est de financer un projet, peu importe où celui-ci sera réalisé. Dans les collectivités autochtones ou rurales, petites ou grandes, il faut laisser le projet trancher. Tout le monde est admissible. La banque aura également pour rôle de fournir des conseils. Les gardiens de cet actif au sein des collectivités autochtones et des petites municipalités seront ceux qui échangent avec la banque. Qu'il s'agisse d'une garantie d'emprunt ou d'un prêt, tout doit être comptabilisé d'une manière ou d'une autre dans les livres d'une instance gouvernementale. Ce sont là différents outils qui dépendront de la structure financière du projet.
La sénatrice Ringuette : Votre réponse est-elle oui?
M. Campbell : Tout est possible. Il faut toutefois s'en remettre au projet. Par exemple, l'outil ne permet pas de s'ingérer dans le fédéralisme fiscal ou dans les instances gouvernementales. Il vise plutôt à financer un projet. L'objectif n'est pas d'accorder un prêt à une autre instance. Tout le monde peut emprunter. La question des collectivités autochtones est distincte. En fait, il s'agit bel et bien d'un outil pour financer les projets.
Le sénateur Tannas : Mon intervention fait suite à la question de la sénatrice Ringuette. Qu'est-ce que l'infrastructure? Il s'agit évidemment des routes, des ponts et ainsi de suite. Les centrales électriques en font-elles partie? Qu'en est-il des pipelines, et plus particulièrement des pipelines commerciaux? Y a-t-il des projets qui outrepassent la portée de la définition?
Des Premières Nations sont venues nous dire : « Écoutez, nous avons l'occasion de participer, et nous savons que ces projets vont accroître notre assiette fiscale. C'est l'histoire de la poule et de l'œuf. Nous avons un partenaire privé, mais nous n'avons pas d'argent. Et nous n'en aurons pas avant que le projet ne soit terminé. » Il était question d'un gazoduc. Est-ce que ce genre de projet serait couvert?
M. Campbell : C'est une bonne question. C'est une décision stratégique que le gouvernement prendra lorsque nous irons de l'avant, je crois.
Le sénateur Tannas : D'accord, la décision n'a donc pas encore été prise.
M. Campbell : Non, pas encore. Par contre, c'est moi qui ai mené cette consultation. Nous partons du principe qu'il s'agit d'infrastructures publiques. Même s'il peut y avoir un financement privé, les infrastructures demeurent publiques. Il s'agit de les rénover et d'en construire de nouvelles. Il va probablement falloir décider ce qui distingue un promoteur commercial par rapport à un promoteur public.
Je dirais que la banque et l'entité doivent être ouvertes sur la définition d'un projet d'infrastructure, parce que celle-ci ne se limite pas aux routes et aux ponts physiques, mais elle englobe plutôt la large bande et l'énergie. Nous devons donc être ouverts d'esprit, mais la décision incombera au gouvernement.
Le président : Nous poursuivons notre étude sur la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs.
Je suis ravi d'accueillir Ryan Greer, directeur des Politiques du transport et de l'infrastructure à la Chambre de commerce du Canada; ainsi que les représentantes de l'Association des administrations portuaires canadiennes. Wendy Zatylny en est la présidente, et Mike Ircha, le conseiller principal.
Wendy Zatylny, présidente, Association des administrations portuaires canadiennes : Bonjour, sénateurs, ou peut-être devrais-je vous dire bonsoir. Au nom de l'Association des administrations portuaires canadiennes, ou AAPC, je vous remercie de m'avoir invitée à discuter de la façon dont les 18 administrations portuaires canadiennes font partie intégrante des échanges commerciaux et de la chaîne d'approvisionnement du Canada. Je vous présenterai aussi notre vision de l'avenir des ports au sein des infrastructures habilitantes pour le commerce du Canada.
Comme vous l'avez mentionné, monsieur, je suis accompagnée de M. Mike Ircha, notre conseiller principal en politiques. Il est également un spécialiste de longue date de la politique de transport maritime et l'auteur d'un chapitre sur les portes d'entrée et les corridors commerciaux dans le cadre d'un plan national évolutif en matière de transport, paru dans un livre sur l'intégration des ports maritimes et des corridors commerciaux. Nous vous en avons d'ailleurs remis un exemplaire. Par conséquent, si vous avez des questions à ce sujet, vous pourrez les poser à l'homme à ma droite.
Pour vous mettre un peu en contexte, sachez que l'Association des administrations portuaires canadiennes représente les 18 administrations portuaires canadiennes qui constituent le réseau portuaire national. Nous sommes partout au Canada, sur les côtes Est et Ouest, ainsi que sur la Voie maritime du Saint-Laurent et dans les Grands Lacs. Nos membres manutentionnent un grand volume de marchandises chaque année dont la valeur s'élève à plus de 400 milliards de dollars. Nous avons des partenaires commerciaux dans plus de 160 pays partout dans le monde. Nous contribuons largement à la croissance économique du Canada. Nous créons des dizaines de milliers d'emplois directs et indirects dont le salaire est supérieur à la moyenne au Canada.
Nous nous soucions de l'environnement et nous sommes également très engagés au sein de nos collectivités, ayant remis plus de 22 millions de dollars à nos collectivités, villes et villages ces cinq dernières années, dans le cadre de programmes d'investissements communautaires qui permettent d'offrir des petits déjeuners dans les écoles. Nous appuyons la culture et les arts locaux, fournissons des installations récréatives et protégeons l'environnement.
Enfin, j'aimerais souligner, surtout dans le contexte de la conversation de tout à l'heure, que nous remplissons un mandat double. En vertu de la loi qui nous régit, nous avons le mandat d'être financièrement autonomes et bien ancrées dans nos collectivités. Les administrations portuaires ont donc passé les quelque 30 dernières années à essayer de s'acquitter de ce mandat en prenant des mesures concrètes.
De plus, il est important de savoir que nous sommes aussi des innovateurs. L'histoire des ports a évolué au fil des années. Il y a à peine quelques années, les ports étaient considérés comme des lieux physiques où s'arrêtaient les navires pour charger et décharger les marchandises. C'est encore vrai, mais avec le temps, les administrations portuaires canadiennes sont devenues beaucoup plus que de simples manutentionnaires. Au cœur des chaînes d'approvisionnement canadiennes, les APC sont devenues des catalyseurs intellectuels qui relient le commerce, l'innovation et le développement industriels ainsi que la protection du milieu marin. La grappe de logistique intégrée CargoM du port de Montréal est un bon exemple des synergies novatrices qui sont créées par les ports d'aujourd'hui.
Cette évolution a été reconnue par la Banque mondiale dans son indice de performance logistique. Tous les deux ans, elle évalue l'efficacité logistique des économies mondiales. En 2014, le Canada était classé au 12e rang, selon cet indice, pour l'efficacité du commerce. Il avait gagné deux places par rapport à l'évaluation précédente.
Ce résultat semble très bien, mais comme la Banque mondiale l'a elle-même fait remarquer, ce n'est pas tant le classement qui importe, mais plutôt le percentile dans lequel on se trouve. En tant que grand pays commerçant, le Canada se doit d'être parmi les 10 premiers. En fait, selon cette mesure, nous traînons un peu de la patte.
Nous pouvons tirer parti de notre capacité et de notre expertise. Les ports du Canada, comme je l'ai dit, ont évolué pour devenir des experts de la logistique et de l'efficacité, des gestionnaires de données et des participants actifs à l'économie du savoir. Cela est pertinent dans le cadre de notre discussion d'aujourd'hui sur les corridors commerciaux, étant donné que le comité s'intéresse à la création d'un corridor physique. Nous estimons qu'il y a également beaucoup à gagner en ayant une perspective virtuelle.
Et si, au lieu de développer un corridor physique, on développait une idée? L'idée serait de travailler ensemble et de réunir les partenaires de la chaîne d'approvisionnement et le financement des infrastructures afin que le Canada se retrouve parmi les 10 premiers selon l'indice de performance logistique de la Banque mondiale.
Permettez-moi d'illustrer mes propos. L'acheminement des produits vers les marchés mondiaux s'appuie sur des chaînes d'approvisionnement nationales et internationales efficaces. Comme je l'ai dit, physiquement, ces chaînes d'approvisionnement prennent la forme de navires, de quais, de terminaux, de raccordements routiers et ferroviaires, et virtuellement, de transferts de données, d'indicateurs clés de rendement et de capital intellectuel, qui assurent tous la fluidité des marchandises.
Au cours des dernières décennies, dans le contexte de la mondialisation de l'économie, les principaux ports canadiens ont servi de portes d'entrée clés pour relier les corridors commerciaux aux marchés mondiaux. Ce rôle a été renforcé par la mise en place de plusieurs initiatives en matière de portes et de corridors, notamment l'Initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique, la Porte de l'Atlantique et la Porte continentale. Ces stratégies, axées sur le transport multimodal, ont contribué à la commercialisation internationale et à la promotion du rendement de la logistique et des avantages géographiques et se sont révélées efficaces. Évidemment, la Porte d'entrée de l'Asie-Pacifique demeure la plus grande réussite, mais toutes ces initiatives sont des exemples de réussite.
En effet, beaucoup de gens de l'extérieur du pays perçoivent notre approche en matière de portes d'entrée et de corridors comme une pratique exemplaire dont ils pourraient s'inspirer. L'idée est de canaliser les ressources financières, politiques et intellectuelles pour aplanir les difficultés de la chaîne d'approvisionnement du transport. Lorsqu'on parle de gains d'efficience, on constate que les chaînes d'approvisionnement s'étendent maintenant des ports canadiens jusque dans le cœur des États-Unis ainsi que dans les centres de distribution des Prairies et du centre du Canada.
Appliquons maintenant cette notion à la question à l'étude. L'optimisation du réseau commercial du Canada nécessite l'intégration des politiques et des programmes nationaux de transport et de commerce. Il faut définir un mandat clair pour aider les administrations portuaires à devenir des moteurs commerciaux, et un cadre afin d'élaborer une seule vision pour les politiques et les règlements, et y rallier tous les intervenants; autrement dit, un corridor commercial virtuel.
Dans ce contexte, l'AAPC appuie une stratégie nationale globale des transports qui accorde la priorité à l'amélioration des infrastructures et des services clés en vue d'assurer le déplacement efficace des marchandises canadiennes à l'échelle nationale et internationale. Cette recommandation figurait à la fois dans le rapport du comité d'examen de la Loi sur les transports au Canada et dans la Vision des transports pour 2030 du ministre Garneau. Tous deux ont indiqué dans quelle mesure les transports contribuaient à favoriser le commerce et la croissance économique. Par ailleurs, le comité d'examen préconisait l'adoption d'une stratégie nationale unificatrice fondée sur de solides partenariats publics-privés.
De plus, sachez que tous les cadres stratégiques bénéficient d'un peu de financement de démarrage. Afin de pouvoir s'acquitter de leur mandat, dans le cadre d'une stratégie nationale de transport visant à faciliter le commerce, les APC doivent également investir aujourd'hui pour mettre en place les postes d'amarrage et les infrastructures de manutention nécessaires pour traiter le commerce de demain.
Les administrations portuaires canadiennes ont actuellement besoin de 1,9 milliard de dollars pour remplacer les infrastructures existantes. De façon générale, les besoins en infrastructures s'élèvent au minimum à 5,8 milliards de dollars. Les deux tiers de ce montant sont consacrés au développement et le tiers sert à la remise en état.
C'était avant la conclusion de l'AECG; les chiffres ont donc augmenté depuis. Chose certaine, les administrations portuaires ont fait savoir à maintes reprises à Transports Canada le niveau de financement qui était requis. Encore une fois, on parle d'environ 5,8 milliards de dollars.
Il ne s'agit pas d'une « demande » au gouvernement à proprement parler. Il s'agit plutôt de définir le type de financement qui pourrait être réuni dans le cadre de ce qui, pour les administrations portuaires, équivaut à des P6, et non pas à des P3. Le financement d'un programme portuaire est habituellement une combinaison de fonds fédéraux, provinciaux, municipaux, privés et portuaires.
Toutefois, le financement fédéral est extrêmement important ici. Les administrations portuaires canadiennes devraient avoir accès à la Banque de l'infrastructure du Canada proposée afin de pouvoir obtenir des subventions ponctuelles pour leurs projets d'infrastructures existants ainsi que pour leurs besoins en matière de développement.
C'était intéressant d'entendre les témoins précédents parler des plans concernant la Banque de l'infrastructure du Canada. Malheureusement, le secteur maritime n'a pas été mentionné très souvent, si ce n'est que pour les deux grands projets de développement à Montréal et à Saint John. La réalité est que les 18 administrations portuaires au Canada ont un rôle intégral à jouer et elles ont toutes des projets de développement en branle.
En outre, les ports peuvent encore être d'importants vecteurs de commerce au Canada, mais ils doivent être souples et en mesure de s'adapter aux forces changeantes du marché. Des mesures telles que l'élimination des obstacles fédéraux à la souplesse financière donneraient aux administrations portuaires le pouvoir de tirer profit des possibilités commerciales et de diminuer les restrictions actuelles qui peuvent nuire à l'obtention du financement des projets nécessaires à la croissance.
Nous recommandons que le gouvernement fédéral élimine les restrictions sur les limites d'emprunt des APC et permette aux institutions financières commerciales de déterminer la capacité d'emprunt de chacun des ports.
Avant de terminer, j'aimerais parler d'un corridor physique qui existe déjà au Canada et qui possède un énorme potentiel. Nous avons un corridor commercial maritime binational unique qui s'étend sur plus de 3 800 kilomètres au cœur du continent; il comprend les cinq Grands Lacs, leurs voies interlacustres, et le fleuve Saint-Laurent. Ce corridor maritime est une route qui dessert deux provinces et huit États américains et relie le noyau commercial de l'Amérique du Nord au reste du monde. Chaque année, la voie maritime permet le transport de plus de 160 millions de tonnes de matières premières, de produits agricoles et de produits manufacturés. Le corridor lui-même est le fondement d'une économie binationale de 5 billions de dollars dont dépend tout le continent.
Malgré son importance, le corridor des Grands Lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent est sous-utilisé et sous-estimé, mais son potentiel de croissance future commence à être exploité. L'importance économique du corridor a amené le Conseil des gouverneurs des Grands Lacs et les premiers ministres à adopter une stratégie à l'égard de la Voie maritime du Saint-Laurent et des Grands Lacs. Chose certaine, le Québec a adopté une stratégie qui vise à faire croître l'économie maritime, à créer des emplois et à protéger l'intégrité des rivières et des systèmes maritimes de la province.
Pour réaliser le plein potentiel de ce corridor qui dessert le poumon industriel du continent, il faut mener un examen approfondi des mesures à prendre pour réduire les coûts et accroître le commerce. Nous recommandons que le gouvernement fédéral, de concert avec d'autres gouvernements, entreprenne un examen exhaustif des coûts et du fardeau administratif que représente la navigation à l'intérieur du réseau des Grands Lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent en vue d'améliorer le commerce.
Cet examen pourrait nous aider à trouver des façons d'intégrer le corridor plus efficacement aux chaînes d'approvisionnement nationales et internationales et à envisager des améliorations qui pourraient être apportées pour maximiser l'utilisation de la voie maritime, y compris prolonger la saison de navigation.
En conclusion, j'espère que je vous ai donné un bon aperçu de la façon dont les ports peuvent faciliter le commerce, à l'échelle nationale et internationale. Une bonne façon de réaliser cette vision serait d'appuyer un réseau de transport national efficace et axé sur les données qui mise sur des ports souples et écologiques à titre de plaques tournantes du transport intermodal.
Merci. Je répondrai volontiers à vos questions.
Ryan Greer, directeur, Politiques du transport et de l'infrastructure, Chambre de commerce du Canada : Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie d'avoir invité la Chambre de commerce du Canada à participer à votre étude sur la création d'un corridor national.
J'ai lu une partie des témoignages des témoins précédents avec beaucoup d'intérêt. Le concept du corridor national découle d'un réel défi économique au Canada, et ce défi est la construction d'infrastructures linéaires. Nous sommes toujours très heureux de participer à des discussions comme celle-ci, car nos membres ont à cœur l'acheminement des biens et des services aux consommateurs. Il a une incidence directe sur leur compétitivité et sur la richesse globale des Canadiens.
De façon générale, le Canada jouit de solides chaînes d'approvisionnement. N'empêche que, comme Wendy l'a dit, nous ne nous surpassons pas nécessairement par rapport à certains de nos concurrents. Mais surtout, comme il s'agit d'un paysage dynamique et changeant, ce n'est pas parce que nous étions concurrentiels hier que nous le serons aujourd'hui ou demain, car d'autres investissent également dans ces secteurs.
Le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer pour aider les entreprises canadiennes à acheminer leurs produits et services vers les marchés. Le commerce international est un enjeu national à l'égard duquel Ottawa a un mandat clair. C'est particulièrement pertinent aujourd'hui. À mesure que les chaînes d'approvisionnement mondiales continuent de dominer le commerce international, le mouvement des biens et des services dans certaines provinces du Canada est de plus en plus touché par des intérêts politiques qui n'ont rien à voir avec le développement économique national.
L'idée d'aménager un corridor, d'un océan à l'autre, qui accorderait une emprise aux réseaux de transport routier, ferroviaire, pipelinier et autres infrastructures linéaires est intéressante.
Nos membres sont d'avis que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle de leadership en collaborant avec d'autres ordres de gouvernement à l'établissement d'un réseau de corridors de transport et de services publics qui permettrait de mieux intégrer tous les centres urbains et les régions au Canada.
L'idée d'un seul corridor national plus nordique n'a pas encore été présentée à nos membres. Il y a certains avantages à miser sur un réseau plutôt que sur un seul corridor national. Je vais les énumérer rapidement.
Si on se concentre sur les corridors existants, on pourra accroître la capacité là où on en a le plus besoin. Comme Wendy l'a dit plus tôt au sujet de l'Initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique, les politiques et le financement des gouvernements fédéral et provinciaux ont contribué en grande partie à ce qui a été reconnu comme une pratique exemplaire canadienne pour déplacer des biens et des services là où des expéditeurs et des destinataires le font déjà.
Une approche de réseau pourrait évidemment inclure ces corridors et ajouter une capacité additionnelle au sein du corridor nordique national que vous envisagez, mais sans nécessairement s'y limiter.
De plus, il serait extrêmement difficile d'obtenir un consensus auprès de tous les gouvernements provinciaux pour la création d'un seul corridor national. Comme le comité l'a vu dans son étude sur les obstacles au commerce intérieur, il est très rare et même peu probable qu'on parvienne à un consensus sur des questions de moindre importance. Il a fallu des décennies, et les provinces ne se sont toujours pas entendues concernant la réglementation du camionnage, alors imaginez la difficulté que nous aurions à harmoniser les projets d'infrastructures linéaires en fonction d'un corridor unique. La négociation d'un grand compromis sur ces enjeux serait certainement bien accueillie, mais je ne me fais pas trop d'illusions.
Se concentrer sur les emprises des corridors existants donnerait probablement de meilleurs résultats. Le fait de ne pas avoir à obtenir un vaste consensus permettrait au gouvernement fédéral de miser sur ses partenaires provinciaux et municipaux les plus disposés à participer. Comme nous le savons tous, la volonté des autres partenaires provinciaux et municipaux change parfois en même temps que leur leadership. Cela permettrait donc au gouvernement fédéral de collaborer avec les partenaires les plus intéressés. Cette approche n'est certainement pas aussi ambitieuse qu'un corridor nordique national, mais elle est probablement plus pratique.
Chose certaine, la nécessité d'avoir un plus grand nombre de corridors de transport et de services publics concorde avec les constatations du comité d'examen de la Loi sur les transports au Canada présidé par David Emerson. Dans son rapport, le comité d'examen recommandait la mise sur pied d'un programme national de protection des corridors en vue de protéger les corridors de commerce et de transport et de protéger les terrains industriels essentiels pour l'agrandissement des installations des portes, ce dont nos ports ont grandement besoin.
J'ajouterais brièvement que la Chambre a également formulé une série de recommandations à l'intention du gouvernement fédéral sur la façon d'améliorer les corridors et les portes d'entrée existants du Canada. Nous avons publié un rapport en juin dernier intitulé Les infrastructures les plus importantes, dans lequel nous avons fait valoir qu'il fallait mettre l'accent sur le commerce et le transport dans le cadre du programme d'infrastructure à long terme du gouvernement. Premièrement, nous avons recommandé qu'une plus grande part du financement fédéral alloué aux infrastructures soit consacrée au commerce et au transport; deuxièmement, que ces investissements soient fondés sur le mérite plutôt que selon le principe de la juste part; troisièmement, que les programmes fédéraux sur les portes d'entrée et les corridors, tels que l'Initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique, soient reconduits; quatrièmement, que des améliorations soient apportées aux cadres réglementaires complexes et opaques qui nuisent aux projets d'investissement du secteur privé le long des corridors; et cinquièmement, que le gouvernement fédéral dirige un effort de collaboration public-privé dans le cadre d'une approche de planification stratégique des infrastructures nationales à long terme.
Nous avons également transmis ces recommandations au Comité des finances nationales et nous sommes ravis de voir que certaines d'entre elles figurent dans le rapport qui a été publié par le comité mardi dernier.
Je pense que cette dernière recommandation est particulièrement pertinente dans le contexte actuel. Comme l'ont dit les représentants d'Infrastructure Canada, le gouvernement fédéral ne mène actuellement aucune évaluation des besoins à long terme au Canada. Il laisse en grande partie ce travail aux provinces, qui soumettent ensuite des projets à son approbation, mais pour l'instant, il n'y a pas de planification stratégique à long terme.
Ce fait est également reconnu dans le rapport Emerson, dans lequel on souligne que d'autres pays, l'Australie étant un bon pays de comparaison pour le Canada, planifient beaucoup mieux leurs besoins à long terme en matière d'infrastructure.
Au moyen de son étude, le comité pourrait encourager le gouvernement fédéral à mener un exercice de planification à long terme pour les secteurs public et privé afin de donner suite aux recommandations contenues dans le rapport Emerson. Ce travail pourrait alors être fondé sur une analyse approfondie des corridors de transport et de service actuels et du besoin de créer des corridors additionnels, et on pourrait faire des projections à court, à moyen et à long terme pour déterminer s'il faut commencer à réserver de plus grands terrains dans les espaces verts du pays.
Je vais conclure sur ceci : la connectivité est un élément moteur de la compétitivité canadienne, et le gouvernement fédéral a un rôle essentiel à jouer pour aider à surmonter les obstacles posés par la géographie naturelle et politique du Canada. Bien qu'il soit difficile à ce point-ci de faire des observations détaillées sur le concept d'un corridor nordique puisque c'est justement cela, un concept, la chambre est tout à fait d'accord en ce qui concerne les problèmes que l'idée tente de régler.
Merci. Je serai ravi de répondre à vos questions.
Le sénateur Wetston : Merci pour vos exposés. Ils étaient tous les deux très riches. Nous nous concentrons peut-être sur les corridors, mais d'après moi, la question est plus vaste.
J'aimerais vous poser une question sur le classement des ports canadiens. Vous avez parlé de la Banque mondiale. Elle fait beaucoup d'évaluations. Elle accomplit un montant extraordinaire de travail dans de nombreux domaines. Je pense que vous avez dit que nous étions en 12e place. Disons que nous étions en première place; c'est bien de viser la première place. Qu'est-ce que cela signifierait pour les ports, pour le Canada et pour l'économie du pays?
Mme Zatylny : La vision me plaît. Donnez-moi un instant. Il y aurait certainement une augmentation importante de la création d'emplois et du développement économique. Une chose qui me frappe dans le travail des administrations portuaires, c'est qu'elles sont de grandes génératrices.
Investir dans un port a un effet double, un effet multiplicateur, sur le plan du travail accordé au port. Le port se dote d'une plus grande infrastructure. Il y a le travail créé pour faire la conception et la construction mêmes, mais il y a aussi l'augmentation de l'activité économique qui passe par le port.
Il y a quelques années, l'OCDE a fait une très bonne étude sur la compétitivité des villes portuaires. Elle a constaté, notamment, pour appuyer mes observations sur des données, que pour chaque million de tonnes additionnelles qui passent par un port, 300 emplois sont créés dans l'arrière-pays. Ce n'est pas seulement le port ou la collectivité portuaire qui en profite, mais aussi l'ensemble de l'arrière-pays.
Elle a également constaté que chaque tonne additionnelle qui passe par le port génère une augmentation de l'activité économique équivalant à 100 $US. Ce sont des multiplicateurs puissants.
Les villes portuaires sont intéressantes parce qu'elles sont innovatrices. L'étude montre que la majorité des brevets délivrés dans le secteur des transports et d'autres secteurs viennent des villes portuaires. Pour répondre à votre question, la croissance économique et la création d'emplois se multipliant au-delà de l'activité du port, ainsi qu'un esprit d'innovation, sont certains avantages que nous verrions au Canada.
Le sénateur Wetston : Le sénateur Campbell a abordé ce sujet avec les témoins précédents, mais pas moi. Je crois que les villes sont importantes. On parle beaucoup du gouvernement fédéral et des provinces, mais tout finit par retomber sur les villes ou les collectivités, qui n'ont pas le pouvoir constitutionnel ou la capacité de faire bien des choses que le gouvernement fédéral et la province peuvent faire.
Vous venez de toucher à une question très importante : qu'est-ce que les villes peuvent faire pour renforcer et accroître leurs capacités relativement aux ports et à d'autres infrastructures pour veiller à ce que ce soit elles qui profitent des avantages économiques produits? C'est là que cela se passe. Ce n'est pas à l'échelle des groupes d'élaboration de politiques d'Ottawa ou des provinces, mais à l'échelle des citoyens canadiens, qu'ils vivent dans le Nord ou à 100 milles de la frontière américaine. Pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet?
J'aimerais que M. Greer réponde à la question et j'en ai une autre pour lui.
Mme Zatylny : J'adore la question. Merci.
Vous avez parlé des villes, mais nous envisageons la question du point de vue de l'arrière-pays, en tenant compte d'exemples comme le port de Thunder Bay, qui transporte des céréales de la Saskatchewan. En réalité, les activités d'un port rayonnent bien au-delà des limites municipales de la ville dans laquelle il est situé.
La chose la plus importante que les villes peuvent faire, c'est reconnaître la valeur apportée par les ports et s'associer à eux pour maximiser les bienfaits. Montréal a très bien réussi sur ce plan. La ville a été très accueillante et elle s'est montrée ouverte à travailler avec le port. Il y a des points de contact entre les deux, sur les plans de la réglementation municipale, de l'acceptabilité sociale, de l'engagement communautaire et de la collaboration visant à cerner des projets pour divers programmes de financement.
La chose la plus importante que la ville et la collectivité environnante peuvent faire pour appuyer le port, c'est probablement de travailler en collaboration avec lui pour lui permettre de croître tout en respectant les citoyens.
M. Greer : J'ajouterais à la réponse de Wendy. Vous avez raison lorsque vous dites que les ordres de gouvernement inférieurs connaissent évidemment mieux leurs besoins économiques et les besoins de leurs citoyens. C'est pourquoi les programmes fédéraux d'infrastructure ont été conçus en grande partie pour refléter cette réalité. Les villes envoient des listes aux provinces, qui marchandent avec elles. Les provinces marchandent ensuite avec le gouvernement fédéral, et tout le monde consulte les listes communes pour voir quels projets vont ensemble. Puis, enfin, nous parvenons à des ententes de financement.
La difficulté que les villes et le gouvernement fédéral doivent surmonter, c'est de trouver des façons de concilier les projets d'envergure nationale ou les projets ayant des avantages économiques nationaux avec les besoins et les intérêts des villes pour lesquelles les avantages ne sont peut-être pas évidents à l'heure actuelle.
Je connais des municipalités du Lower Mainland qui ne veulent pas que le nombre de voies ferrées dans leurs collectivités augmente. Beaucoup des résidents de la région sont du même avis. Toutefois, les fabricants et les exportateurs de produits de base de tout l'Ouest canadien dépendent de l'augmentation du nombre de voies ferrées dans la région pour acheminer leurs produits vers les marchés de manière concurrentielle. La façon dont nous pouvons concilier les projets d'envergure nationale — les pipelines en font évidemment partie — avec les besoins des villes est un problème majeur auquel nous devons trouver une solution.
Le sénateur Wetston : Vous avez mentionné l'Australie. Le Canada ne peut pas s'empêcher de se comparer à l'Australie à de nombreux égards. L'Australie est une fédération; le Canada aussi. Certains diraient que l'Australie obtient de meilleurs résultats que nous dans certains domaines, tandis que nous réussissons mieux qu'elle dans d'autres. C'est un pays formidable et une grande fédération, mais des obstacles l'empêchent d'atteindre certains objectifs nationaux.
Vous avez parlé d'une stratégie nationale en matière de transport. Nous pourrions probablement tirer avantage d'autres stratégies nationales. La banque de l'infrastructure est peut-être un exemple de stratégie nationale.
Du point de vue de la Chambre de commerce du Canada, qu'est-ce qui empêche le Canada de mettre en place les programmes nationaux qui sont dans l'intérêt économique du pays?
M. Greer : C'est une très bonne question. Le premier aspect touche la façon dont la fédération et la compétence des provinces sont amplifiées et renforcées. Il y a une résistance évidente à l'intrusion du gouvernement fédéral dans les questions d'infrastructure et de commerce intérieur. Aussi, il y a le pouvoir fédéral de réglementation des échanges et du commerce qu'aucun gouvernement, toutes allégeances politiques confondues, n'a voulu invoquer pour faire avancer l'intérêt économique national. Je ne sais pas si cela arrivera bientôt; je pense qu'il faudrait une crise quelconque pour qu'on en vienne à cela.
Le sénateur Wetston : Je peux vous aider à répondre à cela. On a tenté de créer une commission nationale des valeurs mobilières avec la Cour suprême du Canada, et le projet a échoué.
M. Greer : C'est exactement cela.
Comme vous l'avez dit, c'est utile de nous comparer à l'Australie, et nous le faisons. Personnellement, je pense que le Canada se laisse parfois emporter et qu'il tente d'élaborer trop de stratégies nationales. Certains domaines relèvent clairement de la compétence fédérale, y compris l'intérêt économique national, et il serait préférable de déployer des efforts dans ces domaines que dans des stratégies nationales qui relient des questions sociales de compétence provinciale.
Si le gouvernement se concentrait davantage sur ses propres affaires et sur l'intérêt économique national, cela permettrait peut-être d'accomplir de plus grandes choses.
Le sénateur Enverga : Merci pour vos exposés.
Monsieur Greer, je crois comprendre que vous avez souligné l'initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique. Est-ce que l'approche adoptée par le gouvernement fédéral à l'égard de l'initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique, ainsi que des portes d'entrée et des passages frontaliers pourrait favoriser le développement et l'expansion éventuelle d'un corridor national? Serait-ce possible? Qu'en pensez-vous?
M. Greer : Ce serait certainement possible. Les fonds affectés à la Porte de l'Asie-Pacifique ont presque tous été versés; il y a donc un vide en ce moment. Le Fonds pour les portes d'entrée et les passages frontaliers et l'initiative Asie-Pacifique ont été créés au milieu des années 2000.
Lorsque le gouvernement précédent a renouvelé ses programmes de financement des infrastructures il y a quelques années, il a déplacé les fonds affectés au programme Asie-Pacifique vers les projets d'importance nationale. Le gouvernement actuel a mis de côté 10 milliards de dollars de son fonds de 180 milliards de dollars pour le commerce et les transports. Nous attendons de voir comment il dépensera cet argent et quels seront les critères.
Y aura-t-il des critères de commerce précis, comme le programme Asie-Pacifique? Se servira-t-on des leçons tirées de ces programmes ou s'agira-t-il d'un autre programme où tous auront droit à une part équitable? Nous ne le savons pas encore.
Quand les détails seront dévoilés, c'est certainement possible que les fonds puissent servir à financer des projets d'expansion des corridors en plus de projets visant à améliorer les corridors actuels. D'après moi, 10 milliards de dollars pour le commerce et les transports tirés du fonds pour l'infrastructure de 180 milliards de dollars, ce n'est pas une somme suffisante pour procéder à l'expansion des portes d'entrée et des corridors actuels. Toutefois, nous avons espoir qu'une nouvelle version des programmes axés sur le commerce, les portes d'entrée et les corridors fera partie du plan d'infrastructure du gouvernement.
Le sénateur Enverga : Je devrais en parler avec votre chambre de commerce.
Selon vous, quand le besoin se fera-t-il sentir? Quel est l'écart? Agissons-nous assez rapidement ou développons-nous nos infrastructures trop lentement pour suivre l'expansion des entreprises? Quel est l'écart entre les deux? Avons-nous vraiment besoin de ces infrastructures maintenant?
M. Greer : Pour les portes d'entrée et les corridors, tout est relatif. La rapidité et la fiabilité de nos portes d'entrée et de nos corridors ne se mesurent pas objectivement. Il faut les comparer à des entreprises et à des pays concurrents qui expédient des biens à travers leurs portes d'entrée et leurs corridors dans une géographie différente de celle du Canada.
Nos membres du Lower Mainland qui dépendent de la porte d'entrée et du corridor nous ont dit que le programme précédent avait utilisé des investissements publics qui ont aidé à attirer des investissements privés, et que certains investissements publics n'ont pas été versés et que des entreprises privées attendent de savoir si une voie ferrée ou un pont quelconque sera construit. On retient l'investissement privé en attendant l'investissement public.
Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle important en réunissant les ordres de gouvernement inférieurs et le secteur privé. Les investissements allaient bon train, mais il y a eu un certain ralentissement. Il y a beaucoup d'intérêt parmi ceux qui font partie du corridor. Même si les volumes ont diminué en raison du ralentissement économique actuel, toutes les projections pour les 15, 20 et 30 prochaines années dans tous nos ports et tous nos corridors montrent qu'il y aura une augmentation considérable qui exigera une capacité accrue, si nous pouvons acheminer les biens jusque-là.
Le sénateur Enverga : Et les administrations portuaires? Avez-vous des observations à ce sujet?
Mike Ircha, conseiller principal, Association des administrations portuaires canadiennes : Par rapport à la question que vous avez soulevée concernant le fait d'inclure les corridors de transport dans une stratégie nationale, le chapitre que vous avez reçu porte là-dessus, mais il présente un point de vue qui date d'il y a huit ans puisque c'est à ce moment-là que nous examinions la question. À l'époque, je pensais que c'était le début d'une stratégie nationale en matière de transport. L'initiative venait de la base.
Comme les représentants d'Infrastructure l'ont dit, le travail a commencé à la base. La stratégie de la porte d'entrée et du corridor a rassemblé toutes sortes d'intervenants qui se sont réunis pour cerner les goulets d'étranglement principaux et trouver des fonds — qui sont venus des gouvernements fédéral et provinciaux et du secteur privé — pour les éliminer afin de faciliter le transport.
Je pensais qu'il serait possible de partir de là pour créer une stratégie nationale parce que c'était centré sur les corridors. Ce n'était pas le monde entier. La stratégie portait simplement sur les facteurs les plus importants pour le déplacement des biens et des personnes au Canada et sur les moyens d'améliorer l'efficacité. Il me semblait que la stratégie du commerce et des corridors pourrait mener à une stratégie nationale en matière de transport.
Le président : Madame Zatylny, pouvez-vous me dire si l'association représente les ports intérieurs?
Mme Zatylny : Nous sommes l'administration portuaire; nous représentons donc les ports intérieurs, les ports en eau douce des Grands Lacs, mais pas les ports strictement intérieurs comme celui de Winnipeg.
Le président : Pas ceux d'Edmonton ou de Winnipeg.
Mme Zatylny : Non.
Le président : Y a-t-il d'autres questions? Non. Merci beaucoup pour vos témoignages.
Chers collègues, j'aimerais que nous poursuivions à huis clos pendant environ cinq minutes. Nous allons donc dire au revoir à nos témoins, leur permettre de sortir, puis continuer.
(La séance se poursuit à huis clos.)