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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule n° 18 - Témoignages du 6 avril 2017


OTTAWA, le jeudi 6 avril 2017

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 34, en séance publique, pour étudier et produire un rapport sur la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs, puis il passera ensuite à huis clos pour examiner une ébauche de rapport (travaux futurs).

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, et bienvenue aux sénateurs, ainsi qu'aux membres du public qui suivent aujourd'hui les travaux du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, que ce soit ici même ou sur le Web.

Je suis David Tkachuk, président du comité. Nous tenons aujourd'hui notre cinquième réunion dans le cadre de notre étude sur la création d'un corridor national afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges.

Nous devions entendre deux témoins, mais la greffière nous a avisés tard hier soir que, hélas, Stephen Laskowski, premier vice-président de l'Alliance canadienne du camionnage, avait été hospitalisé. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement.

Nous sommes toutefois en mesure d'entendre notre deuxième témoin, par vidéoconférence, d'Edmonton : Simon O'Byrne, vice-président de la planification à Stantec. Stantec est un fournisseur de services professionnels dans le domaine de l'infrastructure et des installations pour des clients du secteur public et du secteur privé. Les services de l'entreprise incluent la planification, l'ingénierie, l'architecture, l'architecture d'intérieur, l'architecture de paysage, l'arpentage et la géomatique, la gestion de projet, la science environnementale et l'économie de projets concernant l'infrastructure et les installations.

Monsieur O'Byrne, nous vous remercions d'avoir accepté de témoigner aujourd'hui, alors qu'il est très tôt à Edmonton. À vous la parole pour prononcer vos remarques d'ouverture. Après quoi, nous passerons à notre séance de questions et de réponses.

Simon O'Byrne, vice-président, Planification, Stantec : Bonjour, je suis heureux de pouvoir témoigner devant le comité. Êtes-vous en mesure de voir la présentation PowerPoint que j'ai envoyée hier?

Le président : Oui. Nous en avons des versions imprimées.

M. O'Byrne : Je ne savais pas bien comment je pourrais passer d'une diapo à l'autre, mais je vais commencer la présentation. Je vais parler brièvement de Stantec comme entreprise, de mon expérience personnelle, ainsi que de l'étude sur le corridor national. J'ai examiné une partie du travail déjà effectué et j'aurai quelques commentaires à formuler à ce sujet.

Stantec est une société qui a été établie ici, à Edmonton. L'entreprise cible la création de communautés et la conception sans perdre de vue les communautés. C'est ainsi que nous fonctionnons. Nous avons 22 000 employés dans le monde, 63 ans de profits ininterrompus, et nous sommes une assez grande société, dans la mesure où nous comptons parmi les 15 plus grosses sociétés de génie et d'architecture au monde. Nous comptons quelque 400 bureaux de par le monde.

Nous avons quatre valeurs clés qui définissent notre société. La première est de donner la priorité aux gens, c'est-à-dire de nous attacher à notre personnel. Nous ne sommes pas une affaire de gadgets, mais une affaire de personnes, l'idée étant d'avoir les meilleures personnes.

Une autre valeur à laquelle nous tenons est celle de faire mieux, ensemble, dans la mesure où nous nous attachons à ne pas travailler en silo, mais plutôt à beaucoup coopérer au sein de la société et à faire les choses comme il faut.

Nous tenons beaucoup aussi à une culture de sécurité et de respect de l'éthique. Tout notre personnel bénéficie de plusieurs heures de formation chaque année en matière de sécurité et de déontologie. C'est une partie essentielle de notre façon de faire des affaires.

Notre dernière valeur clé est notre détermination à réussir, dans la mesure où nous sommes résolus à exceller.

Stantec compte quelque 18 500 employés en Amérique du Nord; approximativement 2 000 en Europe et au Moyen-Orient; à peu près un millier en Asie, en Australie et en Nouvelle-Zélande; et environ 500 en Amérique du Sud. Nous travaillons dans quelque 14 secteurs différents. Si ce projet va de l'avant, Stantec a des connaissances approfondies et variées en la matière.

Je porte deux chapeaux : je suis chef de la planification à Stantec et chef du développement communautaire au Canada. Je travaille à Stantec depuis environ 16 ans, et je compte quelque 18 années dans le métier. J'ai travaillé à différents projets et j'ai assumé la gestion de grands projets multidisciplinaires similaires à celui que vous envisagez. Celui qui se rapprochait le plus de ce corridor national était le plan régional pour le cours inférieur de l'Athabasca dans le nord-est de l'Alberta. Il étudiait des corridors de sentiers polyvalents et la façon d'établir un équilibre approprié entre l'exploitation des sables pétrolifères et les considérations environnementales, sociales et économiques. Il s'agissait d'un plan à long terme pour tenir compte des multiples utilisations des terres, ainsi que des nombreuses décisions de compromis pour la gouvernance du nord-est de l'Alberta, région où se trouvent les sables pétrolifères, ainsi que d'autres communautés et infrastructures importantes.

J'ai aussi travaillé à d'autres plans régionaux importants avec des corridors similaires, autour de Winnipeg et d'Edmonton, par exemple, pour les plans de la région de la capitale des deux villes.

En ce qui concerne le corridor que vous étudiez, nous avons envisagé la question et constaté qu'il y avait énormément de considérations d'ordre géographique dont il faudrait tenir compte. Nous avons regardé le tracé prévu. À première vue, ce qui a été préparé dans l'étude de l'Université de Calgary semble logique et sensé. Je recommanderais toutefois que l'on étudie le projet par étapes.

Nous recommandons un soutien résolu pour un projet de ce type, qui est, à mon avis, vraiment dans l'intérêt de l'économie canadienne.

D'autre part, il faudrait, selon moi, adopter un modèle de prise de décisions axé sur la gestion des effets cumulatifs pour choisir le meilleur tracé afin de traverser le Nord rapproché et le Grand Nord.

Une des choses à garder à l'esprit est que l'on traverse essentiellement le Bouclier canadien et qu'il y a une bonne quantité de pergélisol. Cela entraîne toute une série de contraintes en matière de génie. Une bonne partie du temps, il faudrait faire éclater le Bouclier canadien pour créer l'agrégat de routes toutes saisons. C'est coûteux, parce qu'il faut énormément d'énergie pour ce faire. L'une des raisons pour lesquelles le tracé doit être mûrement réfléchi est qu'il coïncide essentiellement avec les richesses aquatiques du Canada, si bien que l'on traversera de nombreux lacs, ruisseaux et rivières et que l'on devra consacrer énormément de temps et d'efforts à atténuer les coûts environnementaux, sociaux et économiques et à réfléchir à la meilleure façon de les gérer.

Il faut examiner aussi les conséquences inattendues. Lorsqu'on développe un corridor comme celui-ci, l'une des choses que l'on fait c'est de créer un accès, et en créant et en ouvrant cet accès, on permet à un plus grand nombre de bandes défrichées d'être créées pour des essais sismiques et l'industrie forestière. Par conséquent, ces corridors permettent aux gens d'aller chasser, ce qui a une incidence sur différentes espèces, comme le caribou des bois, qui est une espèce menacée d'extinction dans la forêt boréale en plus d'être vulnérable à la prédation par les loups. Ces animaux sont protégés tant et aussi longtemps qu'ils peuvent se cacher dans des buissons denses, mais dès que l'on défriche, c'est comme si on ouvrait des autoroutes dans ces secteurs pour les loups. Voilà le genre de choses qui peuvent être atténuées, mais cela doit se faire de façon réfléchie au moment de la conception.

En raison de tous les cours d'eau qui seront traversés, il faut aussi songer aux pratiques exemplaires afin de ne pas mettre en danger les habitats du poisson; il faut donc éviter le genre de choses comme les ponceaux suspendus, qui peuvent empêcher la migration du poisson.

Il faut aussi réfléchir à ce qui se produit lorsqu'on a accès. Par exemple, parmi les éléments positifs, il y a l'augmentation des activités récréatives, qui se traduit également par une hausse des activités touristiques. Cela semble merveilleux et ce l'est, mais en contrepartie, si c'est mal fait, il peut y avoir érosion dans des zones où il faut éviter l'érosion. Il faut tenir compte de tout cela.

Il faut aussi réfléchir à la perturbation linéaire et à la sélection des corridors pour éviter ce type de perturbation et les conflits avec l'aménagement du territoire.

Bien sûr, il y a aussi les utilisations foncières traditionnelles. Par conséquent, on peut s'attendre à ce que le corridor évite de passer sur les territoires des Premières Nations. Toutefois, même si ces aménagements ne touchent pas les terres de réserve, cela ne veut pas dire qu'il ne touche pas les territoires à usage traditionnel. Il faut être très prudents et passer beaucoup de temps à examiner l'utilisation traditionnelle du territoire pour éviter les perturbations.

Nous sommes très en faveur d'un processus décisionnel axé sur une approche de gestion des effets cumulatifs. Nous avons beaucoup d'expérience à cet égard. Nous ne sommes pas la seule entreprise qui fonctionne ainsi, mais c'est un élément clé de la prise de décisions qui permet de réfléchir aux conséquences pour l'air, la terre, l'eau de surface et l'eau souterraine ainsi qu'à la façon de modéliser le tout dans une approche des effets cumulatifs.

Il faut aussi tenir compte de ce que cela représente en termes d'incendies. Quand on ajoute une population humaine accrue à l'environnement, on augmente les chances d'incendies dans la forêt boréale tout en augmentant également notre capacité de lutter contre ces incendies. Puisque le climat se réchauffe et que l'environnement deviendra plus variable à l'avenir, la forêt boréale sera plus vulnérable aux incendies que par le passé. Le fait d'avoir de tels corridors nous permettra de mieux lutter contre les incendies.

Comme vous le savez, il faut des années avant d'obtenir l'adhésion sociale. Il est donc essentiel de commencer tôt. Les entreprises en ont certainement besoin en vue de faire des investissements. Par conséquent, nous croyons fermement à la nécessité d'un corridor comme celui-ci, surtout pour permettre l'accès à un port de mer.

L'écart de prix à l'heure actuelle entre le Brent et le Western Canada Select se traduit par environ 21 milliards de dollars par année. Et il ne s'agit que de l'écart de prix direct. Si on songe à la quantité de production de pétrole au Canada et à l'écart actuel entre ces deux prix, cela signifie que si nous vendions notre pétrole au prix du Brent et non pas à celui du Western Canada Select, nous pourrions générer environ 21 milliards de dollars de plus annuellement. Si on pense à l'effet multiplicateur sur l'économie de vendre son produit à un prix plus élevé, cela se traduirait par une hausse considérable des recettes pour le gouvernement et les familles en tenant compte des emplois et des chiffres d'affaires. Cet écart est faramineux. L'accès à un port de mer ferait toute la différence du point de vue économique.

Cela signifie également que les Premières Nations bénéficieront aussi de bien plus de possibilités. On a qu'à penser à certaines Premières Nations dans la région des sables pétrolifères et aux alentours, qui comptent de nombreuses entreprises autochtones et de hauts niveaux d'emploi. Par exemple, le taux d'emploi à Fort McKay est inférieur à la pleine participation. De fait, ils emploient quelques centaines de personnes qui n'habitent même pas la réserve parce qu'il y a tellement d'emplois et d'entreprises liés au secteur des sables pétrolifères. Ce genre de choses ne peut être possible que par des investissements dans les grands corridors, comme l'a fait l'Alberta avec la mise à niveau de l'autoroute 63, laquelle a véritablement facilité le développement du secteur des sables pétrolifères.

Il faut aussi songer à la façon dont un corridor comme celui-là facilite l'accès des Premières Nations. L'un des grands problèmes qu'on a dans le Nord de l'Ontario, là où il y a la plus importante concentration d'avis d'ébullition de l'eau, ces régions sont difficilement accessibles, parfois elles ne le sont que par avion. Donc, le coût d'envoi d'équipement, de techniciens, et cetera, est prohibitif. C'est l'une des raisons qui contribuent au problème de salubrité de l'eau dans certaines Premières Nations. Il peut être réglé si l'accès est facilité. On peut aussi accroître leur possibilité de développement économique, et réduire le coût de la construction de logements et de la fourniture d'autres produits essentiels.

Pour ce qui est de la résilience, l'une des grandes questions à laquelle il faut réfléchir, c'est l'incidence qu'aura le changement climatique sur la forêt boréale que traversera ce corridor. Le dendroctone du pin élargit son rayon d'action au fur et à mesure du réchauffement, si bien que la santé de la forêt boréale pourrait être en péril. Cela signifie aussi que certaines parties de la forêt qui seraient exploitables pourraient ne plus l'être dans quelques décennies si ces arbres sont attaqués par le dendroctone du pin. Dans le Nord de la Colombie-Britannique, autour de Prince George, l'arrivée du dendroctone du pin a accéléré l'abattage des arbres. On les a abattus quand ils avaient encore une certaine valeur pour ne pas les laisser à la merci de ces ravageurs. Le même genre de réflexion s'impose au sujet du changement climatique et de la résilience. Il faut aussi songer à la résilience à l'égard de la dotation tout au long du corridor.

Le développement économique fait partie des plus importants catalyseurs. Je pense que cela va de soi, et vous avez eu beaucoup de temps pour le constater.

Pour ce qui est de la livraison et du financement du projet, nous recommanderions sans réserve un modèle PPP, pas nécessairement le PPP traditionnel, mais quelque chose du genre. Il faut une certaine mesure de partage des risques entre le secteur privé et le gouvernement, mais je pense qu'il serait bon de créer ce corridor par étapes, et de choisir les étapes qui sont le plus rentables économiquement, particulièrement de l'Alberta et de la Saskatchewan vers l'Ouest, vers l'océan, et ensuite vers Churchill, le Nord de l'Ontario et le Cercle de feu.

Nous nous intéresserions à ces corridors où les facteurs économiques d'un modèle PPP seraient immédiatement efficaces. Ce serait un objectif facile, pour lequel il serait plus aisé d'obtenir des fonds du secteur privé. Ensuite, on pourra s'intéresser aux différents modèles qui pourraient être appliqués au regard de la manière dont ils pourraient être conçus et financés. Je pourrai en parler plus longuement si vous avez des questions là-dessus.

La dernière diapositive, avec laquelle je voulais terminer, porte sur les prochaines étapes et les besoins en matière d'ingénierie et de planification. Bien évidemment, il s'agit là d'un exercice pluriannuel qui requiert une approche multidisciplinaire. Il faut penser à tout, du mode de consultation des Premières Nations et des Métis à la consultation environnementale sur le trajet de ce corridor. Je pense que si on pouvait faire tout cela et préparer la voie de sorte que, quand le moment sera venu de construire des oléoducs ou des lignes électriques de 500 kilovolts, nous puissions le faire rapidement et ainsi offrir des garanties aux entreprises tout en créant et exploitant les débouchés économiques du Nord canadien, entre nos secteurs minier, forestier, pétrolier, gazier et énergétique.

Sur ce je vais m'arrêter et passer aux questions.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Black : Je vous remercie monsieur pour votre exposé. À titre de sénateur de l'Alberta, j'aimerais souligner vos observations sur l'importance de Stantec dans le développement historique de l'Alberta. Cette société est très respectée, et nous sommes très heureux que vous puissiez nous présenter cet exposé ce matin.

D'après ce que vous avez dit, j'en conclus que vous appuyez le concept, mais que c'est complexe. Toutefois, du point de vue de l'ingénierie, estimez-vous que cela est faisable?

M. O'Byrne : Je crois fermement que cela peut se faire, mais il faut d'abord mener des analyses valables tout en tenant compte de l'approche des effets cumulatifs pour fonder les décisions, et c'est ce que nous faisons. L'emplacement du corridor sera fondé sur des données scientifiques et probantes, mais cela entraînera de nombreux compromis. Certains corridors peuvent poser de plus grands problèmes environnementaux, mais soulever moins de problèmes sociaux et vice-versa.

J'encourage fortement ce type d'initiative pour l'économie canadienne. Le problème, c'est que cela nécessite énormément d'efforts, de coordination et de champions à l'échelle politique. Je pense que le Sénat est un excellent point de départ.

Le sénateur Black : Quand vous soulevez cette question de processus de gestion des effets cumulatifs, est-ce un terme propre à Stantec ou bien un terme de l'industrie?

M. O'Byrne : C'est un terme de l'industrie. Par exemple, le secteur énergétique s'est réuni pour fonder la CEMA, la Cumulative Environmental Management Association, dans laquelle le gouvernement de l'Alberta a investi 10 p. 100 du financement et l'industrie, les 90 p. 100 restants. L'association a dépensé entre 5 et 10 millions de dollars pour mener des recherches scientifiques dans le domaine des sables pétrolifères afin d'avoir une approche d'ensemble plutôt que d'examiner les sables de façon isolée. On s'est dit : ayons une vue d'ensemble. Si on ajoute une nouvelle installation, quels seront les effets sur les eaux souterraines, le CO2 et le NO2, la perturbation de l'air et l'adhésion sociale? Nous avons pris une approche holistique. C'est un modèle qui tient compte d'une vue d'ensemble. Stantec se sert de cette terminologie puisque c'est le langage des experts, mais nous ne serions pas la seule grande firme d'ingénierie qui aurait de l'expérience concrète à cet égard.

Le sénateur Black : Alors, afin de simplifier vos propos pour ma gouverne et celle de nos téléspectateurs canadiens, vous êtes en train de nous dire que nous devons créer une longue liste de choses à faire et ensuite souligner les points que nous devrions mettre en œuvre et analyser les incidences des autres points qui se trouvent sur la liste.

M. O'Byrne : Oui. Étant donné qu'il s'agit d'un projet de taille qui coûtera des milliards de dollars pour ce qui est du capital qui sera investi dans les études et la construction physique du projet, je commencerais en disant qu'il s'agit d'un couloir général que nous souhaitons examiner. Ensuite, il faudra procéder de manière économiquement viable et élargir le tout graduellement une fois qu'on peut s'appuyer sur des réussites. Ainsi, les coûts initiaux seront de l'ordre de millions de dollars plutôt que de milliards de dollars. Je crois que cela susciterait beaucoup d'intérêt, tout comme c'était le cas pour l'exemple de la CEMA que je vous ai donné. En effet, le secteur y a participé. Dans l'exemple fourni, le secteur finançait 85 p. 100 ou 90 p. 100 du projet et le gouvernement contribuait à hauteur de 10 p. 100 à 15 p. 100. Le rendement du capital investi est excellent si l'on songe que le gouvernement dépense de 10 à 15 cents par dollar et que son investissement génère des retombées économiques considérables.

Le sénateur Black : Je vous remercie de votre superbe exposé.

Le sénateur Wetston : Merci de votre exposé. Je suis un sénateur ontarien, et j'aimerais vous poser quelques questions au sujet de votre perception de ce couloir national. Les gens ont tendance à mettre surtout l'accent sur le Nord — qui est, évidemment, important— et sur le couloir du Nord. Vous en avez parlé ce matin.

Le concept même du couloir interpelle presque tous les ordres de gouvernement, que ce soit à l'échelon fédéral, provincial, municipal ou, bien sûr, territorial, comme l'a indiqué le sénateur Patterson. Nous arrivons tout juste d'une présentation qui a été faite au comité sénatorial de l'énergie, à laquelle le sénateur Patterson était présent. Des fonctionnaires ont discuté du cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. J'imagine que vous connaissez plus ou moins ce cadre.

Je vous pose la question puisqu'il s'agit d'un énorme projet qui comprend des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le concept de corridor que vous décrivez reprend plusieurs des mêmes concepts que le cadre pancanadien, c'est-à-dire, une collaboration entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les administrations municipales et les territoires.

Avez-vous envisagé les liens entre ce corridor national, le corridor du Nord, et les efforts qui ont mené à la création du cadre pancanadien? Avez-vous réfléchi aux façons dont ces deux projets pourraient se complémenter pour atteindre les objectifs du gouvernement en matière de réchauffement climatique, de croissance économique et d'occasions pour le Canada?

M. O'Byrne : Oui, j'ai réfléchi à tout cela. Nous avons réfléchi à la complémentarité de ces deux projets. Plus tôt, j'ai donné l'exemple de l'énergie. Il s'agit d'un exemple évident, puisque nous devons vendre nos produits énergétiques aux prix du Western Canada Select plutôt qu'aux prix du Brent. Voilà un exemple clair d'une différence de prix qui nous fait perdre de l'argent.

Cependant, le corridor permettra de développer le Nord de différentes façons. Le projet de corridor vise également à ouvrir le Nord de façon à pouvoir y construire davantage de centrales électriques. Ainsi, nous pourrons réduire la consommation de charbon et exporter de l'électricité du nord vers le sud. Voilà le genre d'occasions que nous offre ce projet.

Il ne s'agit pas seulement d'un projet pour le secteur de l'énergie de la foresterie, du loisir ou du tourisme. Le projet aidera également le secteur minier et sa durabilité. Vous êtes un sénateur de l'Ontario. Vous êtes donc bien au courant de la quantité de minéraux qui se trouve dans le Cercle de feu; des minéraux dont le monde aura besoin pendant des centaines d'années. Le type de minéraux qui se trouve en abondance dans le Bouclier canadien et le Cercle de feu valent — bon, je n'ai pas les chiffres précis — des centaines de milliards de dollars. L'exploitation minière peut être faite de façon plus durable. Vous n'avez qu'à regarder les pratiques minières contemporaines par rapport aux pratiques d'hier pour voir tout le progrès que nous avons fait. Je pense que ces deux projets peuvent se complémenter et mener à bon nombre de pratiques exemplaires.

D'après mon expérience, en matière d'intendance environnementale, le secteur a souvent beaucoup d'avance par rapport au gouvernement. Souvent, le gouvernement hésite à agir de peur de nuire au secteur privé. Alors qu'en réalité, ce dernier accepte que les normes environnementales soient plus élevées. Le secteur privé veut simplement s'assurer que les normes environnementales soient les mêmes pour tous. Ainsi, toutes les entreprises investissent et prennent des décisions selon les mêmes conditions. Peu importe que vous soyez une petite ou une grande entreprise, tout le monde joue selon les mêmes règles. Si c'est le cas, il n'y a aucun problème à ce que les normes environnementales placent la barre haut en matière d'intendance environnementale.

Selon moi, le secteur privé obtient injustement une mauvaise réputation à certains égards. Il y a beaucoup plus d'intendance environnementale dans le secteur privé que les gens le pensent.

Le sénateur Wetston : Merci pour cette réponse. Vos commentaires me semblent d'une grande justesse.

Je demande au secteur privé et au gouvernement de collaborer à ces mégaprojets de façon à travailler dans l'intérêt du public et d'assurer le développement économique continu de notre pays. Je constate que le gouvernement fédéral travaille d'arrache-pied à la création du cadre pancanadien. Le corridor, s'il se concrétise, pourrait entraîner de grandes possibilités en matière de télécommunications, d'électricité et d'oléoducs et pourrait avoir de grandes répercussions sociales, environnementales et économiques. Si j'ai un message à vous faire, c'est le suivant : le secteur privé doit encourager le gouvernement fédéral à coopérer avec lui. Vous pouvez l'encourager à ne pas regarder ces questions de façon isolée et à travailler de près avec le secteur privé pour atteindre de grands résultats pour notre pays. Je pense que c'est ce dont nous avons besoin.

Avez-vous d'autres observations? Je n'ai pas l'intention de vous faire un discours, c'est tout simplement que je veux répéter ce que vous venez de dire.

M. O'Byrne : Je suis d'accord. Je pense que nous avons un problème de communication. Le secteur de l'industrie, par exemple, le comprend depuis plus de cinq ans. Voilà 15 ans, l'on présumait que les intérêts économiques étaient si évidents qu'il n'y avait nul besoin de gaspiller des ressources sur la communication des effets positifs de l'investissement dans l'énergie.

Mais tout a changé depuis. Il existe un problème de communication et un grand écart entre une partie du public, le secteur industriel et le commun des mortels. Je pense qu'il existe actuellement des niveaux de désinformation effarants.

Le problème, c'est que certains de ces dossiers sont complexes. Par exemple, lorsque l'on promet de régler un problème par la gestion des effets cumulatifs, lorsqu'on emploie ce genre de jargon, les gens cessent d'écouter et se désintéressent de la question.

Il faut donc trouver le langage que les gens comprennent, qui soit accessible, de façon à pouvoir communiquer les avantages de votre solution aux profanes et avoir des discussions beaucoup plus productives.

Je crois aussi que nous menons nos consultations avec le public de façon beaucoup plus informée qu'il y a à peine deux ans. En fait, nous sommes passés de consultations tout à fait symboliques à de réelles consultations, et à un réel engagement, aujourd'hui. Si vous regardez les consultations d'Enbridge concernant le projet Northern Gateway, vous verrez que la majorité des Premières Nations vivant dans ce corridor étaient en faveur, et non pas opposées, à ce projet, mais les promoteurs ne sont arrivés à ce résultat qu'après avoir déployé des efforts considérables de consultation et de mobilisation, et avoir promis de partager les richesses potentielles et les occasions économiques qui allaient être créées. Ils ont ensuite montré comment la technologie pouvait assurer la sécurité des pipelines, par exemple.

Je pense que nous nous améliorons à cet égard, mais je me demande si le message passe vraiment auprès du Canadien moyen, s'il est vraiment entendu par tout un chacun.

Le sénateur Day : Monsieur O'Byrne, puisque nous révélons tous notre province d'origine, j'admets que je viens du Nouveau-Brunswick, de la région où se terminerait l'oléoduc Énergie Est, dans les eaux à marée à la raffinerie la plus importante en Amérique du Nord.

J'aimerais que vous nous expliquiez, à nous et à ceux qui nous regardent, quel est votre concept d'un corridor. Parlons-nous d'un corridor de quelques centaines de mètres de largeur ou de plusieurs kilomètres de largeur? Quelle serait l'incidence de ce corridor sur la société? Car plus étroit est le corridor, moins cher et moins compliqué il sera. Pourriez-vous nous dire ce que vous entendez par un corridor septentrional?

M. O'Byrne : À mon avis, il faudrait demander une emprise qui, dans certaines régions, pourrait faire à peine 200 mètres, tandis que dans d'autres, elle pourrait atteindre un kilomètre ou plus. Il s'agit tout simplement d'une emprise protégée, dont une partie traverserait des terres de la Couronne et une autre, des terrains privés, mais quoi qu'il arrive, le corridor aurait le droit de passage.

Cela ne veut pas nécessairement dire qu'une route longera l'oléoduc ou le corridor sur l'ensemble de son parcours, ou que des lignes électriques de 500 kilovolts le surplomberont; il s'agit tout simplement d'un corridor protégé, qui contiendrait un oléoduc, une route, une ligne électrique, que ce serait le corridor de prédilection, et que nous le construirons à cet endroit plutôt qu'à un autre.

Quand nous observons les perturbations linéaires sur les terres, nous nous concentrons sur un secteur, mais nous avons également voulu miser sur lui afin de mieux protéger d'autres secteurs. De plus, nous allons aussi choisir un corridor qui aura la moindre incidence sociale et environnementale. À mon sens, cela ne veut pas dire que quelque chose sera construit dans ce corridor, mais plutôt qu'il sera protégé.

Si nous voulons investir dans une entreprise minière du Cercle de feu, par exemple, ou dans une société d'énergie proposant un oléoduc, le processus d'approbation prendrait des mois, pas une décennie. L'emprise serait protégée de façon à ce que nous puissions réaliser le projet sans avoir à faire la modélisation des retombées économiques à long terme pour déterminer s'il sera viable et faisable. Nous pouvons le lancer immédiatement.

L'une des difficultés, c'est que dans le cas de l'oléoduc d'Énergie Est qui se rendra jusqu'à la raffinerie Irving de St. John's, par exemple, on pourrait créer des milliers d'emplois sur-le-champ, mais avec le processus actuellement en place, ces emplois seront créés au plus tôt dans les années 2020. À mon sens, s'il existe une emprise protégée et si les travaux préliminaires, les études environnementales et les consultations auprès des populations le long du corridor ont été faits bien d'avance, les projets peuvent être réalisés sans attendre.

C'est ce que font les municipalités du pays, que ce soit à Toronto, avec la TTC, ou à Edmonton, avec son service de transport en commun. Bon nombre d'organisations s'assurent d'avoir des projets prêts à être lancés. Elles ont procédé aux travaux de génie, de planification et de consultation et, ainsi, dès qu'elles obtiennent le financement, elles peuvent démarrer le projet dans les 12 mois suivant l'annonce.

C'est la voie de l'avenir. Ce n'était pas nécessaire il y a une génération, mais, de nos jours, ce l'est. Voilà pourquoi j'estime que nous devons penser à protéger ces corridors bien à l'avance.

Nous ne faisons pas comme dans certains pays qui passent à la vitesse grand V lorsqu'il s'agit de ce genre d'infrastructure et d'investissement dans des corridors. Ils adoptent tout simplement un décret et tout est réglé. Nous vivons dans une démocratie où il faut mener des consultations valables et choisir les corridors en fonction de données scientifiques et d'une gestion tenant compte des effets cumulatifs. Je pense que nous pouvons le faire au Canada, mais qu'il nous faut agir aujourd'hui. Nous ne pouvons pas remettre cela à plus tard. On parle de ce genre d'initiative depuis les années 1950. Nous sommes maintenant en 2017 et nous continuons d'en parler. Il faut maintenant passer à l'action.

C'est une des raisons pour lesquelles j'estime que nous devons agir dès maintenant. Mais, encore une fois, cela ne veut pas dire qu'il faudra investir des milliards d'emblée. On peut commencer avec quelques millions de dollars pour mener le travail d'analyse relatif au corridor.

Le sénateur Day : Merci. Cela a été très utile.

Pour ce qui est probablement du financement et des investissements pour les étapes préliminaires à l'élaboration du droit de passage, qu'il y ait ou non à l'heure actuelle un impératif économique pour construire quoi que ce soit, vous voulez d'abord obtenir l'adhésion sociale et les autorisations légales de sorte que lorsqu'une société voudra construire quelque chose, elle pourra agir rapidement.

Ai-je raison de supposer que vous croyez que cette première initiative serait essentiellement financée par le gouvernement?

M. O'Byrne : Oui, financée par le gouvernement en sachant très bien qu'ultimement, c'est ce dernier qui profitera à la fois de l'élaboration du corridor et des revenus découlant des activités économiques liées à cette initiative. Qu'il s'agisse d'un oléoduc ou d'un projet forestier, minier, électrique ou récréotouristique, le tout est profitable au gouvernement. Il pourrait tout à fait mener les premières études sur le corridor. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il doit se mêler de tous les détails, mais plutôt des éléments généraux.

Il serait utile d'entamer la discussion, puis de déterminer où sont, pour ainsi dire, les points d'accrochage, car il y en aura assurément. Dans certains cas, on sera obligé de changer le tracé, mais il convient de commencer à travailler à un cadre juridique, à savoir un corridor protégé. Cela ne dispense pas de s'attarder aux détails par la suite. À titre d'exemple, si l'on souhaite construire une route praticable en toute saison, il faudra faire une étude globale, puis une étude d'ingénierie pour nous renseigner, entre autres choses, sur le drainage. Ces travaux ne seraient toutefois pas de notre ressort. Il incomberait à une société privée de les assumer. Les pouvoirs publics, quant à eux, élaboraient un cadre juridique pour définir le corridor protégé faisant consensus.

Il faudra aussi tenir compte des divers pouvoirs publics sur le tracé, qu'il s'agisse du gouvernement de la Colombie-Britannique, du gouvernement de l'Ontario ou de propriétaires privés. Il faudra déterminer leur rémunération dans l'éventualité où le corridor passerait sur leurs territoires. Si Enbridge ou TransCanada voulait construire un oléoduc, par exemple, il serait important qu'il se soit déjà entendu sur les taux de rémunération et le loyer annuel aux divers propriétaires terriens le long du tracé.

Le sénateur Day : Vous avez fait mention de l'étude qui a été menée à l'Université de Calgary. Cette étude vous est-elle familière?

M. O'Byrne : Oui, j'en ai pris connaissance. J'en ai une copie sous les yeux.

Le sénateur Day : Ces idées sont connues depuis maintenant 160 ans. Faut-il faire encore plus de recherches universitaires théoriques ou le moment est-il venu pour des sociétés d'ingénierie comme Stantec de commencer à y travailler et pour le gouvernement fédéral de promouvoir ce concept, étant donné les implications nationales et interprovinciales?

M. O'Byrne : Cette question a déjà fait l'objet de maintes études et discussions. Le moment est venu de passer à l'action. C'est nettement dans l'intérêt national de mener un tel projet, mais il faut en faire une étude concrète, mobilisant les experts de l'aménagement, de l'ingénierie et des sciences environnementales.

Il revient au gouvernement fédéral d'entamer le dialogue sur un corridor national et de le diviser en plusieurs étapes. On mènerait ce projet une étape à la fois. Les provinces auraient à en payer une partie, le gouvernement fédéral aussi.

Le secteur privé serait principalement responsable de la construction du corridor, mais les pouvoirs publics doivent prendre les mesures initiales pour que le projet se concrétise. Pour le choix du tracé, la population fera davantage confiance au pouvoir public qu'au secteur privé. Ce serait une façon de limiter le cynisme.

Le sénateur Tannas : Je voudrais d'abord dire que c'est un plaisir de vous accueillir. On a le sentiment qu'en Alberta rien n'est impossible.

Vous me faites penser à une plaisanterie que m'a racontée mon beau-père irlandais au sujet de deux types en Irlande du Nord. Un touriste baisse la vitre de sa voiture et leur demande comment se rendre à Galway Bay. Les deux Irlandais se consultent et lui répondent : « C'est impossible de s'y rendre à partir d'ici. » Étant donné l'ampleur du projet, beaucoup ont dit que ce serait impossible de le mener à bien; pour eux, ce projet n'est pas sensé du fait qu'ils ne peuvent le concevoir.

Je voudrais rebondir sur la dernière question du sénateur Day. Il voulait en savoir plus sur l'état d'avancement du projet et les diverses parties prenantes. Vous avez peut-être pris connaissance du témoignage des chefs des Premières Nations, et en particulier celui du responsable du Conseil de gestion financière des Premières Nations. Ce conseil a un rôle très important à jouer dans l'initiative des Premières Nations sur les grands projets. Selon leur témoignage, le conseil devrait avoir un rôle à jouer dans ce projet, voir même le démarrer. On ne s'y attendait pas. Nous savions que nous aurions besoin, entre autres, du secteur privé, des provinces et du capital privé. Peut-être que les Premières Nations seraient les mieux placées pour concevoir les toutes premières étapes de ce projet. C'est ce qu'elles nous ont dit.

Pensez-vous qu'on devrait suivre notre façon de faire habituelle sans se poser de questions ou devrions-nous adopter — je ne voudrais pas dire une approche théorique — une approche plus mesurée?

M. O'Byrne : Je crois qu'on devrait avancer. Des chercheurs universitaires pourraient participer à l'analyse du projet, mais je ne crois pas qu'il nous faille plus d'études universitaires sur le principe. Le projet repose sur des principes solides. Il est évident pour moi que ce projet est une bonne idée.

Au sujet des Premières Nations, je crois qu'elles vont tirer grand profit de ce projet, beaucoup plus que bien d'autres communautés. Je vous ai donné l'exemple du nombre de personnes employées à l'intérieur et à l'extérieur des réserves près de Fort McKay. Je pense que de 60 à 80 sociétés différentes y sont actives grâce à leur proximité des sables pétrolifères.

Les Premières Nations qui se trouvent près de ce corridor sont les plus touchées par la pauvreté, la pénurie de logements et le manque d'accès à l'eau potable. Dans le Nord de l'Ontario, par exemple, je crois que 290 Premières Nations doivent faire bouillir leur eau et environ la moitié d'entre elles, sinon plus, sont adjacentes à ce corridor.

Ces Premières Nations pourraient profiter de matériels beaucoup plus abordables pour le traitement des eaux usées et obtenir le nécessaire pour leurs logements à moindre coût. À franchement parler, les techniciens qui vont travailler à la construction et à l'entretien de ce corridor proviendront en grande partie des Premières Nations avoisinantes. Leurs entreprises pourraient participer à l'entretien du corridor et à sa construction. C'est une occasion à saisir.

Encore une fois, il reviendrait au pouvoir public de démarrer ce projet, mais les Premières Nations le long du corridor auront très rapidement un rôle à jouer. Pour moi, c'est très avantageux pour elles d'un point de vue social et économique.

À l'heure actuelle, les perspectives économiques pour les Premières Nations sont décourageantes, étant donné leur faible accès au marché et à l'investissement, mais un corridor comme celui-ci pourrait radicalement améliorer la santé publique et leur qualité de vie d'un point de vue économique et social.

Le sénateur Tannas : Serait-il indiqué de recommander que les Premières Nations aient un rôle à jouer dans l'ingénierie et les aspects techniques du projet? Que pensez-vous des aspects politiques, qui sont nombreux et variés et du potentiel de développement économique et politique en ce qui concerne les gouvernements autochtones?

M. O'Byrne : Oui, ce serait opportun. Stantec a établi des dizaines de co-entreprises avec les Premières Nations, et nous ne sommes pas les seuls. Nous travaillons avec elles et nous partageons les bénéfices des projets d'ingénierie et de sciences environnementales dans les environs, pas nécessairement dans les réserves, mais à l'extérieur de celles-ci, à proximité des lieux traditionnels d'une Première Nation en particulier. Nous avons établi des co-entreprises avec les Premières Nations pour mener des activités avec elles, en partager les bénéfices, mais également pour partager des connaissances. Nous employons des Premières Nations pour effectuer bien des travaux sur le terrain, collecter des données, mener des consultations et effectuer d'autres travaux liés à la construction et à l'ingénierie.

C'est le modèle qu'on devrait privilégier le plus possible le long de ce corridor. Ainsi, nous pourrons en partager les bénéfices, échanger des connaissances et acquérir des compétences techniques.

Le sénateur Patterson : Je suis ravi de constater la présence de Stantec, une grande société de génie canadienne très présente dans le Nord.

J'aimerais que vous m'aidiez, ou plutôt que vous nous aidiez, à comprendre l'occasion que nous avons de faire valoir ce grand concept de corridor national de transport auprès du gouvernement fédéral actuel.

Environ 186 milliards de dollars sont consacrés aux infrastructures; 10,1 milliards de dollars ont été annoncés pour la création de corridors commerciaux et de transport, que l'on décrit comme des corridors commerciaux vers les marchés mondiaux, afin de créer des corridors commerciaux plus nombreux et plus solides; et il y a la banque de l'infrastructure, financée à hauteur de 35 milliards de dollars sur 11 ans, destinés aux grands projets transformationnels.

Si nous souhaitons mettre à profit ces fonds d'infrastructure considérables, comment le corridor transnational peut-il être financé dans le cadre de cette structure de financement? Vous avez aussi mentionné les PPP. Êtes-vous parvenu à comprendre comment la banque de l'infrastructure et l'initiative du corridor commercial et de transport, qui semble être menée par le ministre des Transports, s'intègrent dans ce cadre de financement? Quelles sont les sources de financement pour créer un corridor national?

M. O'Byrne : Vous êtes déjà bien avancé dans le processus, et je pense que vous devez prendre un peu de recul. Avec tout le respect que je vous dois, il s'agit de millions de dollars. Il nous faut commencer par réaliser des études de faisabilité, sélectionner le bon corridor et déterminer le type et l'ampleur de l'emprise, car ils seront différents d'une province à l'autre. Dans certaines régions, le corridor devra être plus étroit afin de ne pas empiéter sur des terres sensibles qui sont utilisées pour des pratiques traditionnelles, ou pour des considérations écologiques, ou simplement des zones comme des tourbières, où il n'est pas économiquement viable de faire passer un corridor. Il nous faut réaliser ces études initiales.

Une fois que l'on aura effectué une étude sur le plan macro, il faudra définir les différentes étapes. Cela signifie établir une chronologie. Quelles zones peut-on mettre en valeur immédiatement? Et c'est là qu'il convient de se pencher sur les modèles de PPP auxquels il faudrait avoir recours.

Ce que vous proposez se situe un peu plus loin dans le processus. Tout d'abord, lorsque l'on se penche sur un corridor, par exemple celui qui est proposé dans l'étude de l'Université de Calgary, il faut déterminer s'il s'agit du meilleur corridor ou s'il devrait être modifié. Dans le cas de cette carte, la zone proposée est très large, ce qui n'est pas très précis. Il s'agit d'un emplacement approximatif. Il conviendrait d'être plus précis.

Une fois que les deux ou trois premières étapes auront été proposées, il conviendra d'étudier quels types de PPP on souhaite employer, en déterminant les partenaires qui bénéficieraient du projet et ceux qui y contribueraient. Dans certains cas, il pourrait aussi s'agir des provinces.

Bien que ces milliards de dollars aient été annoncés par différents ministères, cela vise le long terme. Il nous faut commencer par l'étape initiale du processus, qui consiste à effectuer la planification nécessaire, c'est-à-dire les études techniques et les consultations globales sur ce corridor, avant de déterminer la meilleure façon de le mettre en œuvre. En effet, les choses pourraient être différentes selon la région. Il se peut que l'on ne soit pas en mesure d'avoir recours à un PPP dans certaines régions, car les chiffres pourraient ne pas justifier une intervention plus importante du secteur privé. Par exemple, s'il s'agit davantage de foresterie, les chiffres ne seront pas probablement pas aussi intéressants que dans le cas d'un oléoduc. Dans ce genre de cas, il se pourrait qu'il faille mettre davantage l'accent sur le gouvernement, par rapport à un corridor pipelinier, dans lequel le secteur énergétique pourrait investir plus massivement; il n'existe pas de modèle unique.

La sénatrice Moncion : Merci de votre exposé. Je suis du Nord de l'Ontario. Je sais à quel point il s'agit d'un vaste territoire et je connais les défis que cela représente dans le Nord de l'Ontario. C'est un vaste territoire, mais peu peuplé. On envisage d'y bâtir un projet afin de favoriser les investissements dans le Cercle de feu de l'Ontario.

Je réfléchis parfois à l'ampleur de ce projet et à l'étude de faisabilité qui en découlera. Il y a des coûts et un rendement. Vous avez mentionné plus tôt que le Cercle de feu génère des milliards de dollars. Combien coûterait-il de construire ne serait-ce qu'un kilomètre d'autoroute? Il va falloir couvrir des distances très élevées dans le Nord de l'Ontario.

Vous avez parlé de construction d'infrastructures d'assainissement de l'eau. Vous avez indiqué que 180 à 200 Premières Nations n'ont pas accès à l'eau potable. Il s'agit là des infrastructures qui doivent être bâties. Vous avez aussi indiqué que nous allions devoir compter sur la main-d'œuvre autochtone pour y participer. J'entends par là leur expertise.

Je réfléchis aux coûts, à la taille ainsi qu'à la durée de ce projet. Je sais que vous n'avez pas les chiffres, mais pour moi, c'est une question de coût et de rendement. Êtes-vous absolument certain que ce projet sera rentable à long terme? Je suis un peu sceptique en raison de la taille du projet, des distances et des coûts.

M. O'Byrne : Tout d'abord, Rome ne s'est pas faite en un jour. Il s'agit d'un projet d'immense envergure dont la réalisation s'inscrit dans le temps, et c'est la raison pour laquelle il est important de le diviser en étapes et de viser en premier ce qui est le plus facile et le plus rentable. Cela n'est peut-être pas le cas de certaines régions du Cercle de feu.

Pour ce qui est de la mise en valeur du Cercle de feu, il s'agit d'un projet à beaucoup plus long terme. Il se pourrait qu'il faille plusieurs décennies avant que le projet soit rentable.

Le problème, comme nous le savons parfois, avec le gouvernement ou même les entreprises, c'est que les entreprises ont tendance à réfléchir à court terme et visent le meilleur rendement dans un délai précis. Les gouvernements ont tendance à réfléchir en fonction d'un cycle de quatre ans. Le défi, c'est donc de réaliser un projet qui pourrait ne pas être rentable avant 10 ou 15 ans. La planification et l'analyse à elles seules exigent énormément de temps.

Le coût de construction d'une autoroute peut être élevé, mais cela dépend aussi du type d'autoroute que l'on construit. À mes yeux, il s'agirait d'une route quatre saisons, c'est-à-dire une route en gravier équipée de fossés adaptés et d'autres éléments pour ne pas nuire à l'écoulement de l'eau. Cela ne signifie pas forcément qu'il faut construire une route goudronnée, car dans certaines régions, cela représente un coût prohibitif. Pour ce qui est du sol, il s'agit principalement du Bouclier canadien. Cela nécessite beaucoup de granulats, obtenus par concassage du Bouclier canadien pour la construction de routes en gravier, ce qui coûte moins cher.

Je ne sais pas à quel point vous connaissez le Grand Nord canadien, et peut-être que vous le connaissez très bien, mais Stantec a pratiquement fini son étude technique. L'autoroute Dempster, qui s'achevait auparavant à Inuvik, est en train d'être prolongée jusqu'à Tuktoyaktuk. J'ai survolé ce corridor dans un Cessna de 50 ans, et je peux vous dire que s'il y a bien une région au Canada où il est difficile de construire une route de gravier quatre saisons, c'est celle-ci. Et pourtant, cela a été fait. Stantec et son partenaire, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, ont prouvé que c'était réalisable et économiquement viable. C'est une région où il n'y a pas une grande abondance de main-d'œuvre et d'équipement. Le Canada a maintenant un accès direct à la mer de Beaufort. Auparavant, on avait accès au delta du Mackenzie, mais on a maintenant accès à la mer de Beaufort. Ce n'est pas un endroit où il est facile de concevoir une route. Mais cela a été fait, et cette route est en construction au moment où je vous parle.

La région du Cercle de feu du Nord de l'Ontario est en endroit où il est bien plus économiquement viable de construire une route quatre saisons.

La sénatrice Moncion : Combien de temps faudrait-il?

M. O'Byrne : Eh bien, cela dépend de l'importance de cette étape et du temps qu'il va falloir pour construire une route comme celle-ci.

Prenez l'autoroute 63, qui a été construite entre Edmonton et Fort McMurray, cette autoroute a été dédoublée. Il a fallu plus de cinq ans pour la dédoubler sur toute sa longueur. Et il ne s'agit pas que d'un simple dédoublement. En raison de la forte charge des véhicules qui y circulent, l'accotement de cette route est de la même taille que celui d'une autoroute normale. Cela revient pratiquement à construire une autoroute à huit voies jusqu'à Fort McMurray. Cela a été fait en un peu plus de cinq ans, et il s'agit d'un corridor de près de 600 kilomètres. Dans ce cas-là, il s'agit d'une route respectant des normes beaucoup plus élevées que ce qui serait nécessaire dans le cas qui nous intéresse.

Le président : Ce fut une excellente séance. Nous apprécions énormément votre participation. Merci d'avoir témoigné devant notre comité. Nous vous en savons gré.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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