Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule n° 19 - Témoignages du 13 avril 2017
OTTAWA, le jeudi 13 avril 2017
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 31, afin d'étudier la situation actuelle du régime financier canadien et international.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Mon nom est David Tkachuk et je suis le président du comité.
Nous sommes heureux d'accueillir de nouveau le gouverneur Poloz et la première sous-gouverneure, Carolyn Wilkins. Leur dernier témoignage remonte à octobre et concernait leur Rapport sur la politique monétaire automnal.
Merci d'avoir accepté de venir nous présenter votre Rapport sur la politique monétaire, avril 2017, publié hier.
Sénateurs, un lien vers le rapport a été envoyé à vos bureaux, mais nous avons des copies dans la pièce. Si vous avez besoin que quelque chose, veuillez le signaler à la greffière.
Gouverneur, vous avez la parole.
Stephen S. Poloz, gouverneur, Banque du Canada : Bonjour à tous. La première sous-gouverneure Wilkins et moi sommes heureux d'être de retour au comité pour présenter le Rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada publié hier.
Lors de notre dernier témoignage, en octobre, j'ai traité des facteurs qui nous avaient amenés à revoir à la baisse nos perspectives pour l'économie canadienne. Six mois plus tard, je suis heureux de dire que je peux traiter des facteurs qui nous ont amenés à revoir nos prévisions à la hausse.
Depuis un certain temps, nous parlons de la façon dont le choc des prix du pétrole qui s'est amorcé en 2014 a déclenché une série d'ajustements complexes dans l'économie, dont une restructuration importante du secteur pétrolier et gazier. À présent, nous constatons que l'activité liée au secteur de l'énergie a cessé de reculer et qu'elle effectue une transition vers un nouveau niveau qui cadre avec le niveau actuel des prix du pétrole.
Puisque cette importante force négative est maintenant essentiellement chose du passé, elle ne masque plus les sources de vigueur à l'œuvre depuis un certain temps, en particulier la croissance de la production et de l'emploi alimentée par le secteur des services. L'expansion au cours des six derniers mois a dépassé nos prévisions antérieures, et nous avons revu à la hausse nos perspectives concernant la croissance annuelle moyenne en 2017 pour les établir à un peu plus de 2,5 p. 100, ce qui représente un demi-point de pourcentage de plus qu'en janvier. La croissance devrait se situer à un peu moins de 2 p. 100 en 2018 et en 2019.
Une question cruciale pour la Banque actuellement est de savoir si les données économiques plus vigoureuses que nous observons indiquent une accélération de l'expansion. Cette vigueur découle en partie de facteurs qui ne continueront probablement pas à évoluer au même rythme. Par exemple, la très nette progression de la consommation au premier trimestre a été alimentée par l'impulsion passagère donnée par l'Allocation canadienne pour enfants.
L'activité dans le secteur du logement a aussi été plus vigoureuse qu'escomptée. Bien que nous ayons incorporé une partie de cette vigueur dans un profil plus élevé de l'investissement résidentiel, nous anticipons encore un ralentissement pendant la période de projection.
Le rythme actuel de l'activité dans le Grand Toronto et certaines parties de la région du Golden Horseshoe a peu de chances de se maintenir étant donné les facteurs fondamentaux. L'augmentation des prix des logements dans la région du Grand Toronto s'est vivement accélérée ces derniers mois, ce qui donne à penser que des forces spéculatives sont à l'œuvre.
En ce qui a trait au marché du travail, les données récentes sont contrastées. Alors que la croissance de l'emploi a certainement été solide, les salaires et les coûts unitaires de main-d'œuvre n'ont progressé que lentement. Les données portent à croire qu'une marge notable de ressources inutilisées subsiste sur le marché canadien du travail, contrairement au marché américain qui est proche du plein emploi.
Parallèlement, les exportations et les dépenses des entreprises au Canada demeurent plus faibles que ce à quoi on pourrait s'attendre à ce stade du cycle économique. Dans nos discussions avec elles, les entreprises nous disent qu'elles comptent accroître leurs dépenses, mais les hausses envisagées sont modestes ou elles visent l'entretien du matériel plutôt que des projets d'expansion. Bref, l'économie ne tourne pas encore à plein régime.
En outre, les entreprises canadiennes sont confrontées à des niveaux accrus d'incertitude relativement à la politique fiscale et de commerce extérieur des États-Unis. Nous ne savons toujours pas quelles modifications fiscales seront apportées, ni quand. Et l'éventail de mesures commerciales envisagées est encore plus vaste maintenant qu'il ne l'était en janvier. Il comprend une taxe d'ajustement aux frontières, des droits tarifaires plus élevés visant certains produits ou pays, des barrières non tarifaires et des mesures commerciales multilatérales encore plus étendues.
[Français]
Nous ne savons pas laquelle de ces mesures sera mise en œuvre ni à quel moment elle le sera. Chacune aura des répercussions sur les économies mondiales et canadiennes par la voie d'une série de canaux différents et complexes. Face à toute cette incertitude, nous ne pouvons pas modéliser de manière fiable l'incidence des changements à la politique de commerce extérieur des États-Unis. Nous avons plutôt incorporé un degré supplémentaire de prudence dans nos prévisions liées aux exportations et aux investissements par rapport à celles de janvier. L'inflation globale a avoisiné 2 p. 100 et devrait fléchir pour s'établir à quelque 1,7 p. 100 au milieu de l'année, avant de se rapprocher à nouveau de sa cible.
Toutefois, toutes nos mesures d'inflation fondamentales se situent dans la moitié inférieure de la fourchette cible et se sont inscrites en baisse. Cette évolution corrobore le point de vue selon lequel il subsiste une marge considérable de capacité excédentaire au sein de l'économie. Selon notre scénario de référence, la capacité excédentaire devrait se résorber dans l'économie canadienne au cours du premier semestre de 2018, soit un peu plus tôt que prévu il y a trois mois.
[Traduction]
Nous voyons clairement d'un bon œil la robustesse récente des données économiques et souhaitons la voir se maintenir avant de pouvoir considérer avec assurance que la croissance repose sur des bases solides. Nous estimons que l'économie dispose encore d'une marge notable pour croître et nous tenons compte du fait qu'une incertitude considérable pèse encore sur les perspectives. Dans ce contexte, nous avons estimé que la politique monétaire actuelle est encore appropriée et nous avons maintenu le taux cible du financement à un jour à 0,5 p. 100.
Sur ce, monsieur le président, la première sous-gouverneure Wilkins et moi nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup.
Collègues, nous comptons plus de membres au comité maintenant. Nous sommes 13 aujourd'hui, dont moi. Je vais donc tenter de limiter mes commentaires et vous laisser poser vos questions au gouverneur. Gardez vos préambules courts et vos questions concises et tous les membres qui souhaitent intervenir en auront l'occasion. Je ferai de mon mieux pour guider la discussion, car nous voulons avoir terminé pour 12 h 15.
Le sénateur Black : Monsieur le gouverneur et madame la sous-gouverneure, je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes heureux de vous accueillir. Merci pour le travail continu que vous faites en notre nom.
Je suis de l'Alberta. Donc, tout comme vous, je m'inquiète du marché immobilier de Toronto, surtout des conséquences si cette bulle éclate, si bulle il y a. Nous avons déjà vu ce qui se passe lorsque de telles bulles éclatent.
J'ai lu un point de vue intéressant hier dans un éditorial du Financial Post. Vous l'avez peut-être lu, vous aussi. J'aimerais vous en citer un extrait, gouverneur, et recueillir vos commentaires. Il y est question de la bulle immobilière et de ce que l'on devrait faire. J'aimerais vous souligner le point de vue en question. On peut lire :
Ce conflit entre taux d'intérêt et bulle immobilière repose sur des désaccords fondamentaux concernant le fonctionnement de la banque centrale. L'indépendance presque exclusive dont jouit la banque centrale pour fixer les taux d'intérêt afin de contrôler la politique, au Canada et ailleurs, pourrait encore une fois entraîner la création de bulles et des crises financières subséquentes.
Pourrais-je vous entendre à ce sujet?
M. Poloz : Certainement. J'ai déjà entendu cet argument et j'en reconnais la valeur.
Revenons à la crise financière de 2007-2008. On peut soutenir qu'avant cette crise la politique monétaire était sur la bonne voie. L'inflation était maîtrisée. Théoriquement, tout aurait dû bien se passer, mais il y avait des risques grandissants en arrière-plan en ce qui a trait au système financier et à la stabilité financière.
Évidemment, la période de calme avant cette tempête n'était pas la seule source de la crise. Habituellement, une longue période de calme accompagnée d'une croissance constante, sans récession, donc rien pour nous rendre nerveux, crée une aversion au risque chez les investisseurs et leurs intermédiaires financiers. Jumelez à cela les innovations en ingénierie financière, et nous connaissons tous la suite de l'histoire.
Le sénateur Black : Mais, l'histoire va-t-elle se répéter?
M. Poloz : Depuis cette crise, les autorités ont beaucoup investi dans la résilience du système financier, adopté une nouvelle architecture complète de règlements, imposé des exigences plus rigoureuses en matière de capital et mis en place un système mondial beaucoup plus résilient. On pourrait parler, dans une certaine mesure, d'une « canadianisation » modeste du système, puisque le Canada avait, à l'époque, un système déjà très résilient. Nous avons tout de même apporté des changements à notre propre système. La plupart d'entre nous sont plus confiants aujourd'hui en la résilience du système financier à résister à des secousses financières semblables.
Cela ne veut pas dire que nous sommes à l'abri du genre de dangers que vous soulevez. Mais, au cours de la dernière décennie, la considération du risque à la stabilité financière est devenue une partie intégrale du processus de formulation de politiques.
À l'époque de la dernière crise, la banque centrale n'avait pas de Département de la Stabilité financière. Nous n'avions pas de Revue du système financier, une revue maintenant publiée deux fois l'an qui offre une analyse approfondie du genre de risques dont vous parlez. La prochaine devrait être publiée en juin.
Il y a tout un monde, disons, autour de ces risques. Chacune de nos décisions stratégiques tient compte de ces risques, mais il ne faut pas oublier, comme tente de le faire valoir l'article, que la plupart des dirigeants de banque centrale n'ont recours qu'à un seul outil et n'ont donc qu'un objectif. Notre meilleure contribution au système est de continuer d'offrir un taux d'intérêt bas et prévisible afin de faciliter la prise de bonnes décisions. La réglementation du système se fait en collaboration avec d'autres. Le modèle canadien à cet égard est très collaboratif. Nous partageons cette évaluation du risque avec un comité qui conseille le ministère des Finances lorsque nous croyons qu'il est nécessaire de se pencher sur certains risques financiers.
Le sénateur Tannas : Pourriez-vous nous expliquer, à moi et au public qui nous regarde, la différence entre l'inflation et l'inflation fondamentale? Quelles sont les données retirées pour calculer l'inflation fondamentale et pourquoi l'inflation fondamentale est-elle si importante?
M. Poloz : Je vais vous fournir une réponse de haut niveau et je laisserai ensuite Mme Wilkins vous donner plus de détails.
L'inflation, c'est essentiellement une série de données plutôt chaotique. Presque tous les pays utilisent habituellement une version quelconque de l'Index des prix à la consommation d'une année à l'autre pour donner un contexte de 12 mois. Malgré tout ce lissage, ces séries de données varient beaucoup.
Pour comprendre les tendances sous-jacentes de l'inflation, ce à quoi nous voulons réagir, nous retirons certaines des données les plus changeantes. Il nous reste ce que nous appelons les données « fondamentales ». D'ailleurs, nous avons plusieurs définitions de « fondamentale » pour nous aider à bien faire notre travail.
Carolyn A. Wilkins, première sous-gouverneure, Banque du Canada : Nous avons trois mesures de ce qui est fondamental et chacune fait appel à une méthode pour retirer les données les plus changeantes. C'est important, car 75 p. 100 des variations à l'inflation mesurée par l'IPC proviennent des prix de l'énergie qui fluctuent beaucoup. Si vous faites le plein d'essence, vous le savez.
Il s'agit donc d'un processus très important. Nous avons choisi ces trois mesures pour nous donner un point de vue objectif de ce qui pourrait influencer l'inflation mesurée par l'IPC, soit l'inflation sous-jacente. Nous cherchons quelque chose de très corrélatif aux éléments fondamentaux qui influencent l'inflation à long terme, comme l'écart de production.
Les mesures relatives à l'inflation fondamentale qui sont sous le niveau de l'inflation mesurée par l'IPC, et qui sont à la baisse, témoignent de la capacité excédentaire que nous avons connue au cours de la dernière année. Sans aller trop dans les détails, une des mesures est très cohérente avec la marge qui, selon nous, existe encore dans le marché du travail et qui se manifeste par des gains très modestes en matière de salaires et de coût unitaire de la main-d'œuvre.
Le sénateur Tannas : Il serait juste de dire que vous n'avez aucun contrôle sur la montée du prix de l'essence, évidemment. Ce n'est pas une chose dont vous vous inquiétez ou que vous pouvez corriger avec les outils à votre disposition. C'est donc le genre de donnée que vous retirez. Si un consommateur prétend que les coûts vont augmenter de 4 p. 100 en raison des taxes sur le carbone ou sur l'essence, par exemple, vous devez ignorer ces informations dans vos calculs pour fixer un taux d'intérêt, n'est-ce pas?
M. Poloz : Vous avez raison.
On peut dire, essentiellement, qu'il faut environ six trimestres avant d'avoir un impact sur l'inflation. Il serait impossible pour nous de cibler tous les soubresauts. Nous devons adopter une version plus douce et comprendre où nous en serons dans 18 mois afin de réagir en conséquence à la tendance. Pour cela, nous devons retirer certaines données.
Évidemment, nous avons tous un taux d'intérêt personnalisé différent et celui-ci est souvent renforcé par les médias. Vous vous souviendrez que l'an dernier, il était beaucoup question dans les médias des choux-fleurs à 9 $, mais cette année, on ne trouve aucun article sur les choux-fleurs à 0,69 $. C'est comme ça. Ces derniers temps, on trouve des articles sur le prix élevé de l'essence, mais il y a deux mois, il n'y avait aucun article sur l'essence bon marché. C'est la vie. Nous tentons d'éliminer ces données et ces mesures nous aident à cet égard.
Ces mesures sont différentes, en ce sens qu'elles ont des forces et faiblesses différentes. C'est la raison pour laquelle nous en avons trois; il n'existe aucune mesure unique idéale pour toutes les saisons.
La sénatrice Wallin : En faisant des lectures sur le sujet, deux choses m'ont sauté aux yeux. La quantité de devises étrangères dans les dépôts de monnaie des banques canadiennes a connu une augmentation soudaine passant de 2,5 p. 100 à 7 p. 100 des avoirs financiers totaux. Aussi, les avoirs financiers des actifs financiers canadiens qui s'élevaient à plus de 200 p. 100 du PIB à la fin de l'an dernier s'élèvent maintenant à 140 p. 100. J'imagine que cela explique en partie les investissements dans le marché résidentiel dont fait état le Globe and Mail sur sa page frontispice. Outre le marché de résidentiel, où va cet argent?
M. Poloz : Généralement, l'argent sert à réduire la dette du gouvernement fédéral. Il est également investi dans le marché boursier ou directement dans le secteur pétrolier. En fait, nous avons connu quelques renversements au cours des derniers mois, mais le bilan demeure positif.
Au cours des derniers mois, nous avons remarqué un intérêt manifeste pour le papier canadien. En raison d'événements géopolitiques, le Canada est vu un peu comme un refuge. C'est souvent le cas, mais ces derniers temps, il est considéré comme un refuge particulier.
Des banques centrales étrangères et autres fonds d'investissement, notamment, possèdent de plus en plus de devises canadiennes. Il est clair que cela est en partie responsable de la force accrue du dollar, non seulement par rapport au dollar américain, mais aussi par rapport à d'autres devises.
La sénatrice Wallin : Donc, selon vous, c'est positif?
M. Poloz : En fait, je ne suis pas agnostique, en ce sens qu'une réaction positive aux éléments fondamentaux sous- jacents est un signe positif. C'est ainsi. Cela fluctue.
La sénatrice Wallin : À la page 15 du RPM, vous dites que malgré les fortes créations d'emplois, il y a une faible progression du nombre total d'heures travaillées depuis 2016. On pourrait croire d'abord que c'est parce qu'il y a plus d'emplois à temps partiel, mais vous dites que cela s'observe tant pour les emplois à temps plein que pour les emplois à temps partiel. Quelle est la raison?
M. Poloz : Nous avons une étude hors RPM que vous pourriez examiner. Elle est accompagnée d'une note analytique du personnel.
Vous avez tout à fait raison : on constate une augmentation du nombre d'emplois à temps partiel et une transition vers le secteur des services, qui est associé à moins d'heures de travail. En fait, c'est assez général. Nous ne pouvons pas donner de réponse claire, mais nous croyons que la situation actuelle est un indice du ralentissement économique continu. En fait, nous nous attendons à ce qu'au fil de la croissance économique et de l'amélioration du marché du travail, ce nombre d'heures augmente. Il ne s'agit pas d'un changement dans la structure du travail hebdomadaire. Toutefois, nous devrons suivre la situation de près parce que le nombre d'heures travaillées est étroitement lié au revenu.
La sénatrice Wallin : Oui, tout à fait.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Merci de votre présence et de l'intérêt que vous portez aux travaux de notre comité. J'aimerais aborder la question de nos relations avec les États-Unis qui pourraient représenter une menace potentielle pour l'économie canadienne. On parle de l'ALENA et de la Buy America Act, de toutes sortes d'obstacles au libre- échange. Cependant, votre rapport n'y accorde pas beaucoup d'importance. On dit que cela peut présenter une menace. Est-il possible de savoir quel impact cela aura sur notre économie? Lorsqu'on entend parler d'une croissance de 2 p. 100 est-ce en réalité 1,5 ou 1,7 p. 100? Ainsi, les Canadiens pourraient en évaluer les risques.
M. Poloz : C'est une excellente question, mais la réponse est plus complexe que cela.
Mme Wilkins : De toute évidence, nous avons constaté l'incertitude liée à la politique commerciale au sud de la frontière. Il est impossible en ce moment de fournir des chiffres, mais nous pouvons examiner les divers aspects où des changements pourraient avoir un impact sur le Canada et l'économie globale. Il y a plusieurs options, notamment les droits tarifaires, les barrières non tarifaires, la possibilité de subventions, mais aussi une taxe d'ajustement aux frontières. Nous ne savons pas encore quelles options seront retenues, ni l'ampleur ni l'échéancier. Toutefois, nous savons que ce sera négatif pour l'économie canadienne, parce que cela englobe plusieurs aspects. Nous pouvons supposer qu'il y aura une baisse d'activité dans des secteurs directement concernés, notamment sur la main-d'œuvre. Par exemple, si je perds mon emploi dans le secteur forestier, je devrai me trouver un emploi ailleurs.
Le sénateur Massicotte : Si on assume une taxe de 10 p. 100 sur toute importation en provenance des États-Unis, s'agirait-il d'un impact majeur ou d'une transition à laquelle on pourrait s'adapter facilement?
Mme Wilkins : Cela dépend des circonstances.
Le sénateur Massicotte : Disons 10 p. 100 sur toutes les importations.
Mme Wilkins : Je ne peux pas vous donner de chiffres, mais ce n'est pas une bonne nouvelle ni pour nous ni pour les États-Unis. J'aimerais souligner que, de toute évidence, il y aura un impact sur la demande, mais aussi sur l'offre. La croissance potentielle du Canada est aussi relativement importante. Nous avons fait une simulation dans notre mise à jour. En fait, vous pouvez consulter la note de nos chercheurs. S'il y a des changements qui défont les chaînes de valeur mondiales ou du Canada qui ont été bâties au fil des ans pour augmenter la productivité, on peut s'attendre à voir de nouvelles chaînes de valeur qui seront moins productives. Cela portera un coup à notre taux de productivité, qui n'est pas très élevé.
Le sénateur Massicotte : Un coup sévère, très important au Canada?
Mme Wilkins : Ce sera un coup très important si les chaînes de valeur sont bousillées par le changement. Il est impossible d'établir des prévisions, parce qu'on ne connaît pas le changement de comportement que cela pourrait entraîner sur le secteur manufacturier ou les entreprises au Canada, étant donné qu'ils pourraient trouver d'autres marchés, d'autres chaînes de valeur ailleurs dans le monde qui n'impliquent pas les États-Unis. Tout n'est pas noir. Il y a des façons à l'avenir de rétablir notre taux de productivité, mais il faut examiner la situation en temps réel. Il n'est pas facile d'établir des prévisions précises quant à l'impact. Certains scénarios sont relativement négatifs pour le Canada, mais on ne les a pas encore vus. Il n'est pas dit non plus que ces scénarios se réaliseront.
Le sénateur Carignan : On discute beaucoup des pronostics à court terme. Les prévisions à court terme sont parfois plus difficiles à établir qu'à long terme, étant donné la présence de certains éléments de structure. Dans votre écran radar, quelles sont les deux ou trois grandes menaces auxquelles sera confrontée l'économie canadienne à moyen terme, soit cinq ans? Est-ce le vieillissement de la population, l'endettement des ménages, les bulles immobilières? On prend des mesures à Vancouver pour réduire la bulle immobilière, puis elle se transpose à Toronto. On a constaté une hausse des prix à Montréal au cours des derniers mois. À moyen terme, quelles sont les deux ou trois plus grandes menaces?
M. Poloz : Le protectionnisme aux États-Unis serait la première menace importante pour le Canada. Comme l'a expliqué Mme Wilkins, il est très difficile de faire des prévisions, parce que cela pourrait prendre diverses formes. Cela aura certainement un impact négatif. Cette menace pourrait sans doute porter un coup sévère au Canada. Nous avons mis ce dossier en suspens pour le moment, étant donné que ce n'est pas encore concret.
Pour ce qui est des menaces, ce n'est pas la même chose que les risques négatifs. L'investissement au Canada est relativement bas par rapport aux fondamentaux en ce moment. C'est une question qui nous préoccupe.
Nous aimerions avancer d'autres explications qui ne seraient pas entièrement négatives, entre autres, la croissance du secteur des services qui demande moins d'investissements pour le même niveau de croissance potentielle. C'est une possibilité. Mais je pense que cette incertitude provient de l'investissement et qu'il s'agit d'un problème à long terme, parce qu'en fait, notre capital diminue et déprécie constamment.
L'autre chose, c'est le déséquilibre financier des ménages relié aux prix du logement. Il est possible qu'il y ait un boum du logement prolongé qui, s'il est jumelé à de l'endettement, crée une vulnérabilité susceptible de présenter des risques financiers. Si un choc financier se produit au même moment, cela peut exacerber les effets sur l'économie. Pour le moment, c'est caractérisé comme étant une vulnérabilité, mais chaque période qui s'allonge accentue cette vulnérabilité. Ce sont les deux choses vraiment qui, à part le protectionnisme, constituent la plus grande menace.
[Traduction]
Le sénateur Wetston : Je vous remercie de votre présence ici aujourd'hui. J'aimerais d'abord féliciter le gouverneur et la première sous-gouverneure de l'important travail qu'ils font à l'échelle internationale. On ne voit pas cela souvent. Ils font un travail exhaustif, qui est très bien reçu, et ce travail a une incidence importante sur les marchés financiers internationaux et les services bancaires de la Suisse et du Conseil de stabilité financière. Je tiens à vous féliciter tous les deux pour cet important travail, qui passe parfois inaperçu.
À cet égard, je comprends que nous étudions le Rapport sur la politique monétaire, mais pouvez-vous nous donner votre avis sur l'incidence des marchés internationaux sur le Canada? Je pense à Larry Summers, qui parle de stagnation séculaire, par exemple. Je pense à l'augmentation des taux qui est étroitement liée aux mesures prises par le gouvernement fédéral, et qui peut avoir une incidence sur le dollar canadien.
Monsieur le gouverneur, vous avez parlé de l'investissement et de son incidence sur la productivité. Pourriez-vous nous donner votre opinion au sujet du contexte mondial et de son incidence sur le Canada et les enjeux dont je viens de parler?
M. Poloz : Je vous remercie pour vos bons mots. Comme d'autres le savent peut-être, le sénateur et moi avons travaillé ensemble à d'autres dossiers par le passé.
Vous avez parlé de stagnation séculaire. C'était un sujet plus chaud il y a 12 ou 18 mois, mais comme de nombreux sujets chauds, ils se refroidissent lorsqu'on publie les données économiques. Ainsi, très peu de gens considèrent aujourd'hui la situation économique des États-Unis comme étant un cas de stagnation séculaire.
Certains éléments associés à cet épisode de stagnation séculaire sont toutefois vrais. Par exemple, la croissance de la population mondiale est au ralenti. Cela signifie qu'il y a moins de main-d'œuvre disponible pour le travail et que la production ralentit. Ce ralentissement est fondamental à de nombreux égards. Il faut tenir compte d'une période de 50 à 60 ans. En gros, le baby-boom, après la guerre, a donné lieu à une importante croissance économique, contrairement à la situation que je viens de décrire. Nous arrivons à la fin de cette période de 50 ans. Il y a donc moins d'investissement, ce qui ralentit la croissance économique. Ces facteurs sont identifiables. Ils auront une incidence sur la situation à long terme, cela ne fait aucun doute.
On constate aussi un ralentissement de la productivité, qui semble ne pas cadrer avec les nouvelles technologies mises en place.
Il y a donc toujours ce casse-tête qui pourrait être associé à une stagnation séculaire.
En même temps, nous savons que plusieurs facteurs ont contribué au ralentissement économique. Ces facteurs sont temporaires, mais ont duré plus longtemps que la normale. Ce sont des vents de face entraînés par la crise financière, les taux d'endettement et d'autres facteurs qui ralentissent l'économie. Au cours de l'histoire, chaque récession qui a suivi une crise économique a donné lieu à une récupération plus longue que celle associée à un cycle économique habituel.
Tout cela pour dire que les États-Unis et le Royaume-Uni sont à l'avant-plan à cet égard. Le reste du monde continue de garder une certaine distance derrière. L'Europe montre des signes de rétablissement et réagit aux taux d'intérêt négatifs, ce qui est positif. Le Japon connaît une longue période de ralentissement de la croissance, qui nous a quelque peu menés dans cette direction.
Or, nous croyons qu'aux États-Unis et au Canada, les choses se passent comme à l'habitude, à l'exception des effets hérités dont j'ai parlé plus tôt. Ce qui nous distingue des États-Unis, c'est le choc pétrolier. S'il ne s'était pas produit, nous serions à peu près dans la même situation qu'eux.
Ces derniers temps, notre taux de croissance semble être un peu plus élevé que celui des États-Unis. La raison sous- jacente à cela, c'est que le travail à temps plein est de retour aux États-Unis, tandis que le Canada accuse un certain retard à cet égard.
Cela signifie donc que les deux économies ne présentent pas la même situation. C'est ce qu'on appelle la divergence. Cette divergence est une conséquence naturelle du choc pétrolier, qui nuit au Canada, mais qui est bon pour l'économie américaine. Le taux de change permet de faire des ajustements. Il s'est passé tout cela. Nous croyons qu'au cours de la prochaine année, tous les éléments se mettront en place. Nous réintégrerons donc le contexte international rapidement.
Le président : Monsieur le gouverneur, vous parlez de l'économie à long terme. Les taux d'intérêt ont été très bas en raison de la récession de 2008. Est-il possible que les entreprises n'investissent pas parce qu'elles ne savent pas ce qui arrivera avec les taux d'intérêt? Si les taux sont plus bas que la norme, les gens hésiteront à investir parce que la situation ne risque pas de s'améliorer. Autrement dit, les taux d'intérêt vont augmenter. Jusqu'à quel point? Ils n'en ont aucune idée. La stabilité est importante. Si vous ne leur dites pas que les taux d'intérêt resteront bas, les gens vont se demander si le taux d'intérêt associé à investissement de 40 ans ne passera pas à 8, 9 ou 10 p. 100.
M. Poloz : Nous tentons de fournir plus d'information sur ce qui se passera à long terme. La modération de la croissance à l'échelle mondiale, attribuable aux données démographiques dont je vous ai parlé, entraînera une diminution du taux d'équilibre. Par exemple, au Canada et aux États-Unis, on croit que le taux d'équilibre dans ces conditions est de l'ordre de 3 p. 100 — de 2,5 à 3,5 p. 100 —, ce qui est beaucoup plus bas qu'un taux d'intérêt normal et stable. Nous l'expliquons aux gens.
Cela signifie — si tout se passe comme prévu — que les États-Unis, qui sont adeptes de la normalisation des taux d'intérêt, seront une destination beaucoup moins forte qu'avant. Cela ne signifie pas que les taux d'intérêt ne fluctueront pas au fil des cycles économiques, mais bien que la moyenne des États-Unis sera plus faible qu'à l'habitude.
Il y a donc des éléments de votre évaluation avec lesquels je suis en accord. Les entreprises vivent une incertitude, qui est en partie attribuable à ce qu'elles ont vécu. Aujourd'hui, les entreprises sont heureuses d'être en vie. Elles ont survécu. Bon nombre de leurs voisins n'ont pas réussi. Nous avons perdu de 8 000 à 10 000 entreprises canadiennes avec la hausse du dollar et la récession, surtout des entreprises du secteur manufacturier et du secteur de l'exportation. Celles qui ont survécu ont fait quelque chose de bien. Mais est-ce qu'elles peuvent parier que la croissance actuelle sera durable et accroîtra la capacité de leur entreprise? C'est là qu'on sent une réticence. L'âme de ces entreprises est brisée. Elles ont vécu une période difficile et il leur faudra du temps pour s'en remettre. Il est difficile de convaincre les gens de dire oui et même pour les chefs d'entreprises de convaincre les membres de leur propre conseil. Le PDG sera peut-être prêt, mais pas les membres du conseil, d'où cette réticence dont j'ai parlé.
C'est de cela que nous parlent les entreprises aujourd'hui. Elles parlent surtout de ce qui pourrait venir des États- Unis. Quel est l'avenir de l'ALENA? Si vous misez sur l'ALENA pour faire des affaires, vous voudrez savoir à quoi il va ressembler.
On sent les choses bouger aux États-Unis, ce qui aura probablement une incidence sur le Canada. Lorsque l'avenir de l'ALENA sera plus certain, je crois que nous verrons un changement. Nous avons fait preuve de prudence dans nos prévisions en matière d'investissement à cet égard. Si tout s'éclaircit, la hausse pourrait être plus importante que prévu.
Le sénateur Enverga : Merci, monsieur le gouverneur, de votre présence ici aujourd'hui.
Vous avez dit qu'au cours des six derniers mois, vous avez révisé vos prévisions à la hausse, ce qui est très bien. Est- ce que cette hausse est attribuable aux récentes dépenses budgétaires? Est-ce que l'augmentation des dépenses en infrastructures y est pour quelque chose?
M. Poloz : Nous avons intégré ce plan financier à nos prévisions il y a un an, au moment de la première annonce à cet égard. Il fait partie de nos prévisions depuis ce temps. Pour mettre les choses en perspective, l'économie d'aujourd'hui présente une capacité excédentaire substantielle, qui diminuera au cours des prochains trimestres, soit au cours de la première moitié de 2018.
La contribution du plan financier est suffisante pour réduire l'écart. Sans ce plan, il faudra beaucoup plus de temps pour réduire cet écart relatif à la capacité excédentaire. Cela fait partie de nos prévisions de référence. C'est donc très important.
La tendance du marché immobilier est l'une des principales raisons de ce rajustement. Au début de l'année dernière, le gouvernement a mis en place de nouvelles règles hypothécaires et nous avions prévu qu'elles entraîneraient un certain ralentissement du marché immobilier. C'est ce qui s'est produit, mais on ne sait pas ce qui serait arrivé sans ces changements. Nous avons été surpris.
On a révisé les prévisions relatives à la croissance, qui passent de 2,1 à 2,6 p. 100. Une importante partie de cette augmentation de 0,5 p. 100, soit les quatre dixièmes, est attribuable à la croissance du marché immobilier. C'est donc plus élevé que prévu et le ralentissement se fera plus tard, mais tout de même au cours des prochaines années. C'est le principal changement dans les prévisions pour le moment.
Le sénateur Enverga : Lorsque vous parlez du secteur des services, s'agit-il du secteur public ou du secteur privé?
M. Poloz : Les deux. Les domaines des soins de santé et de l'éducation sont mixtes, mais l'exportation des services de TI connaît une croissance très importante. C'est un secteur très prometteur. Le tourisme connaît aussi une croissance importante; c'est donc plutôt privé. C'est un mélange des deux, mais c'est très prometteur.
Les emplois dans le domaine des TI sont payants. Il y a des gens qui travaillent à chaque application que l'on utilise au quotidien, qui trouvent de nouvelles idées et qui améliorent de jour en jour vos interactions avec les entreprises. Ces emplois connaissent une croissance importante.
La sénatrice Marshall : Ma question a trait au marché immobilier de Toronto, qui est très important. On en a beaucoup parlé et on a pu lire de nombreux articles dans les journaux à ce sujet. On se pose des questions sur les risques connexes; on se demande s'il s'agit d'une bulle immobilière et si elle va éclater. Le ministre Morneau a témoigné devant le Sénat il y a quelques jours. Nous avons parlé de cet enjeu et il nous a donné son opinion. Il a dit qu'il discutait de la question avec ses homologues provinciaux, surtout en Ontario.
Est-ce que le marché immobilier de Toronto est un enjeu? Y a-t-il un risque connexe ou croyez-vous qu'il s'agisse seulement d'une vulnérabilité? Est-ce que le risque est réel?
Aussi, la SCHL est une société d'État dans laquelle le gouvernement fédéral injecte beaucoup d'argent. Un événement négatif dans le marché immobilier aurait une incidence sur la SCHL, ce qui aura une incidence sur le gouvernement fédéral.
Dans quelle mesure le marché immobilier de Toronto représente-t-il un risque? Est-ce que la banque a un rôle à jouer à cet égard ou est-ce que vous ne faites qu'observer la situation et peut-être donner quelques conseils au ministre des Finances?
Mme Wilkins : Votre question comporte deux volets.
De toute évidence, il est difficile de justifier une augmentation de 30 p. 100 du prix des maisons, même si l'on tient compte des éléments sous-jacents. C'est pourquoi nous croyons que certains facteurs spéculatifs entrent en jeu. Je ne dis pas que les éléments sous-jacents du marché immobilier de Toronto ne justifient pas l'augmentation des prix. Les enjeux associés à l'offre sont bien connus. L'économie se porte très bien. Il faut aussi tenir compte de l'immigration. De nombreuses raisons permettent d'expliquer cette augmentation. On peut toutefois se questionner sur la viabilité de cette tendance, étant donné la vitesse de l'augmentation et le contexte actuel. C'est pourquoi hier, le gouverneur a rappelé aux gens que les prix pouvaient aussi diminuer.
Lorsqu'on pense aux mesures que l'on pourrait prendre, il est important de se rappeler que la politique monétaire ne représente pas la seule solution. En fait, de nombreuses autres politiques permettraient peut-être de mieux régler certains problèmes dans certaines régions, et nous les connaissons bien. La ville de Vancouver a mis en œuvre certaines de ces politiques l'année dernière. C'est très important pour la suite des choses.
En ce qui a trait à la deuxième partie de votre question, pour savoir si le prix très élevé des maisons et les prêts hypothécaires à très long terme cristalliseront le risque, il faudra voir si la croissance des prix ralentira ou si les prix chuteront. S'ils chutent, il faudra voir dans quelle mesure ils chuteront. Il est donc impossible de le savoir à l'avance ou de prédire ces scénarios.
Nous avons établi cela clairement dans la Revue du système financier. Bien sûr, plus l'ajustement de prix sera important, plus l'incidence sera grande non seulement sur le marché de Toronto, mais aussi sur les autres marchés. Si l'on ajoute à cela un autre événement qui entraîne des pertes d'emplois importantes sur une longue période, les effets seront amplifiés.
La concrétisation de ce risque et son importance pour la macroéconomie et le système financier dépendront de l'ampleur de l'événement. C'est impossible à prédire. De nombreuses personnes tentent de faire des prédictions, mais je ne suis pas prête à le faire aujourd'hui.
La sénatrice Marshall : La banque a-t-elle un rôle à jouer? Le ministre fédéral des Finances juge manifestement qu'il a un rôle à jouer, car il rencontre ses homologues provinciaux. Je sais que le ministre provincial des Finances de l'Ontario considère qu'il a un rôle à jouer. Tout le monde en parle et un segment de la population se prépare, car ces gens pensent que quelque chose se produira et que cela aura des répercussions sur l'ensemble de l'économie. La Banque du Canada a-t-elle un rôle à jouer à cet égard? Si oui, quel est ce rôle? L'observez-vous, comme nous le faisons?
M. Poloz : Je ne ferai aucun commentaire sur la dernière partie de la question. Nous l'observons certainement.
Au bout du compte, il est manifestement juste de dire que la Banque du Canada joue un rôle dans la création de cette situation. Toutefois, cela ne signifie pas que nous sommes responsables de la spéculation.
La sénatrice Marshall : Je comprends.
M. Poloz : Mais le fait est que l'économie a subi une période très difficile et nous avons perdu 40 p. 100 de nos exportations, et cetera. Les taux d'intérêt peu élevés représentent le moyen que nous avons à notre disposition pour relancer l'économie.
Lorsque le choc des prix du pétrole nous a atteints, nous avons pu nous adapter rapidement, car nous avons notamment réduit considérablement les taux d'intérêt pour amortir le coup, et le taux de change a suffisamment été modifié pour nous permettre de nous ajuster plus rapidement que nous aurions pu le faire autrement. Ce sont toutes de bonnes choses, mais lorsqu'on baisse les taux d'intérêt, les gens empruntent et dépensent plus d'argent. C'est le but. Lorsque ces taux demeurent bas pendant longtemps, de plus en plus de gens empruntent de l'argent.
La sénatrice Marshall : Ils deviennent plus confiants.
M. Poloz : Et la dette s'accumule.
Oui, il y a un effet dans ce cas. Nous pouvons le mesurer. Cela ne cause pas une hausse de 30 p. 100 dans l'immobilier à Toronto.
En effet, si un spéculateur achète un second ou un troisième logement en vue de le rénover et de le revendre à profit, si le taux hypothécaire est de 4 p. 100 au lieu de 3 p. 100, cela fera-t-il réellement une différence lorsqu'il s'attend à obtenir un rendement de 20 p. 100 sur son investissement? Non, cela ne fera aucune différence.
La politique en matière de taux d'intérêt de la Banque du Canada s'applique à l'ensemble du pays; elle ne peut pas cibler un marché en particulier. On ne ferait que ralentir l'ensemble de l'économie pour potentiellement ralentir une entreprise de spéculation à Toronto.
Ce n'est pas l'outil approprié pour ce travail. Notre travail consiste à nous concentrer sur l'inflation et à créer le type de macro-environnement dans lequel les gens peuvent prendre de bonnes décisions. À mon avis, certaines des décisions prises en ce moment ne sont pas durables ou appropriées. Comme je l'ai dit, je tiens à rappeler aux gens que le prix des maisons ne fait pas qu'augmenter; il peut également descendre.
Je suis désolé pour les gens ordinaires qui achètent une maison dans un quartier qu'ils adorent et dans lequel ils souhaitent demeurer longtemps lorsque cette maison est dispendieuse, car cette situation est attribuable à des facteurs économiques. Mais si le prix de leur maison baisse de 10 p. 100, ils continueront tout simplement de rembourser le prêt hypothécaire et un jour, le prix remontera.
Toutefois, le spéculateur qui possède trois maisons et qui espère les rénover pour les revendre à profit fait face à un réel problème. Cela a-t-il des répercussions? C'est la question qu'il faut se poser. Quel type de répercussions? Se produiront-elles d'elles-mêmes ou auront-elles besoin d'un déclencheur?
Le problème avec l'immobilier, c'est qu'il faut acheter la maison, alors que sur le marché financier, on peut spéculer en achetant des valeurs futures et en améliorant sa position. Au bout du compte, si vous devez acheter la maison et que la banque ne la finance pas pour vous, vous ne l'achèterez pas. Je crois que c'est ce qui s'est produit à Vancouver dans les mois précédant la mise en œuvre des nouvelles mesures. Les choses ont commencé à ralentir d'elles-mêmes; il y a donc une limite naturelle. Le système renferme des freins et contrepoids.
C'est une réponse plus élaborée que ce que vous aviez demandé, mais il n'y a pas de réponse définitive.
La sénatrice Marshall : Merci.
Le président : Dans ce cas, dans quelle mesure exerce-t-on une surveillance? Je ne sais pas si vous connaissez la réponse à cette question. Nous devrions peut-être poser cette question aux représentants du BSIF ou à quelqu'un d'autre. Si un spéculateur perd de l'argent, c'est dommage. Si les banques augmentent trop les limites de crédit et qu'un pauvre type obtient un prêt hypothécaire à 90 ou 95 p. 100, et que le marché connaît une baisse soudaine de 20 p. 100 et qu'il doit renouveler ce prêt hypothécaire, il est cuit. Croyez-vous que les banques font attention à la façon dont elles... si elles reçoivent une mise de fonds suffisante, cela ne fait pas vraiment de différence.
M. Poloz : C'est exact. Nous avons une plus grande visibilité dans le milieu des prêts assurés, à savoir les prêts hypothécaires qui ont une mise de fonds de moins de 20 p. 100. Il faut que ce type de prêt hypothécaire soit assuré, et c'est dans ces cas que les règlements s'appliquent.
Dans cet environnement, nous savons que les règlements signifient qu'il faut répondre à des critères plus élevés pour obtenir un prêt hypothécaire qu'avant la mise en œuvre de ces règlements, ce qui crée une zone tampon qui permet de tolérer un taux d'intérêt plus élevé, car on a mené une simulation.
D'un autre côté, si vous vous trouvez dans l'environnement non assuré, vous avez une mise de fonds de plus de 20 p. 100. Cela signifie une zone tampon plus importante dans la perspective que vous décrivez. De toute façon, cela s'applique seulement si vous devez vendre la maison. Vous pouvez renouveler votre prêt hypothécaire et demeurer dans cette situation pour toujours, et il importe peu que le prix monte ou descende. Vous en parlerez dans une discussion mondaine, mais ce n'est pas une question de vie ou de mort. Toutefois, de nombreuses personnes doivent déménager, et elles sont prises dans cette situation.
Le président : Exactement.
Le sénateur Smith : Je regardais la chaîne CNN hier soir, et on énumérait toutes les promesses faites par M. Trump au cours de sa campagne électorale et pour lesquelles il avait maintenant changé d'idée. Dans une perspective économique, si on tient compte de la situation aux États-Unis et de vos discussions avec d'autres intervenants du milieu des affaires et du gouvernement, on peut se demander s'il aboie plus qu'il ne mord. Avez-vous prévu deux scénarios différents pour les Américains? Selon vous, quelles mesures mettront-ils en œuvre?
M. Poloz : Je ne connais pas la réponse à cette question.
Le président : CNN ne nous donnera pas la réponse.
M. Poloz : Non.
Selon moi, l'élément important, c'est l'incertitude. Même si les Américains ne font rien, les entreprises sont inquiètes et n'investissent pas aujourd'hui, ce qui a des effets à long terme sur l'économie. En effet, cela ralentit la croissance de l'emploi dans les nouveaux secteurs qui devraient être en croissance. Cela prolonge tous les effets précédents avec lesquels nous sommes toujours aux prises. Si la situation se résolvait d'une façon ou d'une autre, les investissements pourraient considérablement augmenter. C'est le premier point.
Deuxièmement, je ne juge jamais la morsure d'un chien par ses aboiements, car même les petits chiens peuvent mordre avec appétit. Je pense que nous ne savons pas ce qui se passera; nous devrons donc attendre de voir comment la situation évoluera.
À mon avis, s'il y a une tendance, c'est dans le dialogue, et je dirais que c'est lié à un processus de sensibilisation. En effet, lorsqu'on discute avec les représentants des entreprises et qu'on tente de mieux comprendre les choses, cela semble avoir des effets positifs. À mesure que l'on comprend mieux, on peut nuancer sa position, et c'est une bonne chose.
J'espère que lorsque nous aborderons l'ALENA, les gens d'affaires s'exprimeront des deux côtés de la frontière et que cela aidera tout le monde à mieux comprendre le fonctionnement de ce processus et les répercussions qu'il aura sur tout le monde. Il faudra un certain temps. Je ne dis pas que vous devriez être pessimistes, mais je pense que vous devriez rester vigilants.
La sénatrice Ringuette : Je suis de plus en plus perplexe, car depuis des années, nous entendons parler des milliards en réserve dans la principale industrie du Canada. Au début, les intervenants n'investissaient pas en raison de la crise financière, et ensuite, parce que les marchés n'existaient pas. Pendant tout ce temps, en raison des taux d'intérêt peu élevés, ils ne songeaient certainement pas à investir leur argent.
Cela fait maintenant presque 10 ans, et ils ne font toujours rien avec ces réserves d'argent. Nous avons entendu toutes sortes de raisons différentes. Au cours des derniers mois, on nous a dit que c'était en raison de l'incertitude aux États-Unis. Mais je pense que c'est plus que cela. Comment pouvons-nous découvrir la vraie raison et débloquer ces réserves, afin de faire croître l'économie et de favoriser la certitude sur notre propre marché?
Nous venons de signer un tout nouvel accord commercial avec les pays d'Europe. Cela devrait nous donner un élan positif, pourtant, chaque année, on nous donne une nouvelle raison pour laquelle on n'investit pas dans du nouvel équipement, une nouvelle technologie, de nouveaux marchés, et cetera. On ne fait toujours rien avec cet argent.
M. Poloz : Oui. Fondamentalement, on voit la macro-économie comme une entreprise unique. Par exemple, on peut se demander quel type de rendement on obtiendrait en investissant dans cette entreprise. On observe une croissance de 1 ou 2 p. 100 par année. On pourrait conclure que ce n'est pas un rendement intéressant et qu'il y a également un certain risque. On peut donc décider d'attendre qu'il y ait une plus grande certitude et ne rien faire avec les fonds, étant donné qu'on pense qu'il ne coûte pas grand-chose de ne pas investir. On se dit qu'on n'obtient pas grand-chose en gardant l'argent, mais que c'est plus sûr de le garder que de le risquer dans un investissement et de se retrouver face à un changement dans l'ALENA qui affecte l'entreprise, et cetera.
Je vois les choses simplement. Lorsqu'on dépasse le secteur des services, on constate que certains secteurs font de gros investissements. D'autres secteurs subissent peut-être un ralentissement à long terme, et ils n'investissent donc pas. Prenez l'exemple du secteur automobile. Le Mexique et le sud des États-Unis ont attiré la plus grosse partie des nouveaux investissements dans le montage d'automobiles, mais pas le Canada. En fait, au Canada, on ferme des usines d'automobiles. Il s'agit d'un changement presque radical, car c'est un secteur traditionnel et très important dans notre pays. Le secteur des pièces se porte très bien, mais le nombre de chaînes de montage est à la baisse. Traditionnellement, il s'agissait d'un secteur important pour les investissements normaux, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.
On peut en quelque sorte faire une liste de ces choses dont vous avez entendu parler. Cela signifie moins d'investissements, et il faut donc trouver de nouveaux débouchés. La réalité, c'est que nous n'avons pas atteint cette étape de croissance presque magique pendant laquelle nous mettons sur pied de nouvelles entreprises qui créent de nouveaux produits, de nouvelles exportations et de nouveaux emplois. Ce mouvement de croissance perpétuel n'a pas encore été amorcé.
L'économie du Royaume-Uni et celle des États-Unis ont relancé ce type de processus de croissance naturelle. Je crois que nous ne sommes pas loin derrière, mais nous devrons attendre et voir ce qui se passera.
[Français]
La sénatrice Moncion : Ma question porte sur le programme de titrisation qui existe présentement. Les taux d'intérêt sur les hypothèques sont bas. Les institutions financières utilisent beaucoup le marché de la titrisation pour aller chercher les marges financières dont elles ont besoin pour pouvoir offrir des hypothèques à taux bas. Avez-vous une idée de l'ordre de grandeur du lien entre la titrisation et la spéculation sur le marché immobilier qui contribue à l'augmentation du prix des résidences et aux sommes astronomiques dans la titrisation à l'heure actuelle? Quel est le lien de cause à effet entre les deux?
M. Poloz : C'est une question compliquée.
Mme Wilkins : Le programme de titrisation sert justement à améliorer les sources de liquidité pour ce marché. C'est la raison pour laquelle on a un tel programme. C'est orienté vers les familles qui veulent s'acheter une maison. Évidemment, il faut avoir des contrôles sur la qualité des hypothèques qui entrent dans ces sécurités-là. Il y a des normes assez strictes que le BSIF impose aux banques et que la SCHL impose aux institutions qui ne sont pas réglementées par le gouvernement fédéral. Les lignes directrices B-20 et B-21 permettent d'assurer la qualité des hypothèques afin d'éviter les problèmes qu'on a vus aux États-Unis. Dans la mesure où ce programme donne du financement aux gens qui achètent à des fins d'investissement, il pourrait alimenter cela. Il ne faut pas oublier qu'il y a beaucoup d'investisseurs qui n'ont pas besoin de financement ni que l'assurance pour les hypothèques s'arrête à 1 million de dollars. Cela limite l'impact direct ou indirect sur la spéculation.
La sénatrice Moncion : Mais nous avons vu au cours des dernières années que les institutions financières ont fait beaucoup de prêts assurés par la SCHL pour pouvoir les titriser afin d'aller chercher les marges qui se dégagent entre les taux offerts par la SCHL et ceux qui sont chargés aux gens, ce qui permet aux gens d'acheter des maisons, mais...
Mme Wilkins : Il est impossible de faire la différence entre la demande de gens qui veulent vivre dans leur maison et cette autre partie. Tout ce que je peux souligner, c'est que la partie qui pourrait être spéculative n'est pas toujours financée de cette façon-là. Souvent, on entend dire qu'il n'y a aucune hypothèque, et que c'est payé comptant.
[Traduction]
La sénatrice Wallin : Il y a quelques minutes, vous avez mentionné les nouveaux emplois liés à la technologie, particulièrement dans le secteur des services, mais nous observons également le contraire, c'est-à-dire que de nombreux emplois disparaissent lorsqu'ils sont remplacés par des moyens technologiques.
Je sais que vous avez déjà réfléchi — nous en avons parlé ici — aux bitcoins, aux chaînes de blocs, et cetera. Vous êtes-vous penché sur la proposition de M. Gates selon laquelle nous devrions taxer ces nouveaux emplois « sans humains »?
M. Poloz : Eh bien, non.
La sénatrice Wallin : À votre avis, cette proposition mérite-t-elle qu'on l'examine?
M. Poloz : Il sera important de comprendre ces éléments, surtout dans le contexte de l'évolution de l'économie. C'est lié à l'une des questions dont nous parlions plus tôt, c'est-à-dire comment mesurons-nous l'investissement et y a-t-il réellement un faible niveau d'investissement?
Je vais faire un peu de publicité, car Mme Wilkins fera un discours à Toronto, la semaine prochaine — mardi, je pense —, sur la technologie et le déplacement des emplois.
Sans tout divulguer, pouvez-vous nous donner une petite idée des éléments qui seront abordés?
Mme Wilkins : Certainement
Nous nous intéressons visiblement à la productivité. Nous avons mentionné aujourd'hui à quel point c'est important — et à quel point ça l'était autrefois — pour améliorer le niveau de vie. Ces innovations technologiques représentent une occasion d'y arriver, mais il s'agit également d'une occasion qui amène des conséquences qui doivent être judicieusement gérées par les responsables des politiques et par les intervenants du gouvernement comme vous, car vous devez vous pencher sur la façon de gérer la période de transition que vivront les gens dont l'emploi sera déplacé. De plus, la polarisation des revenus pourrait entraîner des effets que nous avons déjà observés.
Je crois que les suggestions sur la façon de modifier le système fiscal, comme celle de M. Gates, découlent de cette préoccupation. Même si je ne suis pas fiscaliste et que ce n'est certainement pas le travail de la Banque centrale de donner des conseils en planification fiscale, ce que nous pouvons affirmer, c'est que si les gains produits par cette productivité sont remis aux propriétaires de capitaux plutôt qu'aux travailleurs, cela soulève la question de l'imposition relative de ces deux sources.
Il existe des compromis. Si vous envisagez d'effectuer de gros investissements dans la recherche et développement et que vous devez mettre au point un produit en vue de le lancer sur le marché, vous voulez connaître le taux de rendement de cet investissement, ou vous ne le ferez pas. Par contre, si vous ne répartissez pas ces gains parmi les travailleurs, vous faites face à un problème lié à la répartition des revenus. Ce sont les types de choix difficiles auxquels les gens comme vous sont déjà confrontés — et vous continuerez d'être confrontés à ces choix.
Le président : Ne serait-il pas préférable de laisser le marché s'autodiriger? Je me demande comment Bill Gates aurait réagi si nous lui avions dit qu'il faudrait taxer les systèmes d'exploitation qu'il vendait parce que les téléphones et les employés des postes seront remplacés. Cela se produit constamment. Cela a eu d'énormes répercussions sur notre économie. En effet, plus personne n'envoie de lettres. Ces pauvres employés des postes perdront tous leur emploi.
Mme Wilkins : C'est une bonne question, car on veut continuer d'innover. On ne veut pas bloquer l'innovation.
Le président : Exactement.
Mme Wilkins : Nous observons cela dans le secteur des technologies financières. C'est exactement la question posée par tout le monde.
En même temps, nous savons que certaines de ces technologies et structures du marché contiennent des forces qui pourraient créer un pouvoir sur le marché ou un monopole. Lorsque cela se produit, les gouvernements et les autorités en matière de concurrence ont tendance à penser qu'il faudrait peut-être prendre des mesures pour gérer la situation.
Encore une fois, ces types de problèmes sont souvent liés à la technologie, car il y a de nombreux obstacles à l'acquisition de ce type de technologies. En effet, ce sont des technologies dispendieuses et elles ne sont pas faciles à maîtriser. Comme dans le cas de Facebook, une fois que quelqu'un réussit, tous les autres se lancent sur ses traces. Nous appelons cela l'effet de réseau. Naturellement, on se retrouve avec une énorme concentration des pouvoirs et un monopole, et les gouvernements doivent décider s'ils sont à l'aise avec ces résultats ou non. Encore une fois, il s'agit d'une décision sociale.
M. Poloz : Permettez-moi d'ajouter une chose. Je suis un mordu de l'histoire, et je suis d'avis que l'amélioration technologique ne s'est jamais arrêtée tout au long de l'histoire.
Le président : Exactement.
M. Poloz : Toutes les améliorations technologiques ont créé plus d'emplois qu'elles n'en ont supplantés. Je suis plutôt optimiste à ce chapitre. Je ne vois pas pourquoi la révolution technologique que nous traversons nous ferait tous perdre notre emploi. À vrai dire, elle créera plutôt de nombreux emplois.
J'ai donné des exemples tout à l'heure. Une compagnie d'assurance qui crée des applications, afin d'améliorer votre productivité lorsque vous traitez différents dossiers, possède toute une équipe de techniciens qui veillent au bon fonctionnement de ce petit bouton sur votre iPhone. Ce sont d'excellents emplois qui n'existaient pas avant l'arrivée de cette technologie. Eh bien, la technologie réduit la productivité, ce qui diminue le coût de tout, et permet en retour d'augmenter le pouvoir d'achat de chacun. Ainsi, cet argent est investi sur des choses desquelles vous n'auriez jamais cru avoir besoin, ce qui crée d'autres emplois.
Les emplois ne seront peut-être pas les mêmes, et il se peut que nos enfants ne travaillent pas aux mêmes endroits que nous, mais c'est pour cette raison que la transition est aussi importante. Vous ne vous attendez pas à ce qu'un travailleur licencié de l'industrie pétrolière se mette à créer des applications sur iPhone, mais puisque la quantité d'habitations continue d'augmenter, les emplois du secteur de la rénovation font encore la force de notre économie. Pour ce qui est de la formation requise pour changer de domaine, le pas à franchir n'est pas vraiment énorme, n'est-ce pas?
Il est possible de se sentir un peu dépassé par le changement, et de penser que les robots feront tout, mais je pense souvent à long terme compte tenu de mon âge.
Le président : Je vous comprends, et je suis même plus âgé que vous.
[Français]
Le sénateur Massicotte : J'aimerais parler de démographie. On sait que la population canadienne vieillit, ce qui fait en sorte que les besoins en matière de santé augmentent et que de plus en plus de coûts sont imposés à la société dans son ensemble. Le pays va souffrir de cette situation d'ici 15 à 20 ans.
Statistique Canada rapporte qu'à l'exception de trois villes canadiennes, pratiquement toutes les régions vont souffrir de la diminution du nombre de travailleurs, puisqu'il y aura moins de personnes disponibles pour contribuer aux nombreux besoins de la société. À l'avenir, ce problème deviendra encore plus important.
C'est un constat qui est assez alarmant. On parle toujours de la productivité comme étant la solution. Il y a aussi celle de l'augmentation du nombre de travailleurs. Statistique Canada est catégorique quant au taux d'immigration. Le constat est tel que le nombre de travailleurs, à l'exception de trois villes canadiennes, est en constante diminution.
Depuis quelques années, on entend dire que la solution, c'est d'encourager les gens à travailler plus longtemps. À part les personnes aux prises avec des limitations physiques ou qui ont des problèmes d'apprentissage, une bonne partie de la population peut se permettre de travailler plus longtemps. De nos jours, la santé est meilleure. Depuis 50 ans, l'espérance de vie a augmenté de 10 ans, et la solution, je crois, passe par une population active et productive. Cependant, comme vous savez, en 2016 le gouvernement fédéral a ramené l'âge de la retraite à 65 ans. Cela affecte non seulement ceux qui reçoivent les prestations de retraite, mais aussi les Canadiens qui perçoivent l'âge de 65 ou 67 ans comme étant l'âge normal de la retraite. Cela a un impact majeur sur la planification financière des gens. Comment réconcilier les deux visions?
Honnêtement, j'étais heureux lorsque le gouvernement a augmenté l'âge de la retraite à 67 ans. Maintenant, nous allons à reculons pendant que le reste du monde fait des efforts pour travailler plus longtemps et pour encourager la population à travailler plus longtemps. Quel est l'impact monétaire de cette mesure?
M. Poloz : Comme je l'ai mentionné, il y a évidemment un impact démographique sur la tendance du potentiel économique qui croît en fonction de la participation prolongée au marché du travail. D'un autre côté, il y a le taux d'immigration qui nourrit le processus. Actuellement, presque la moitié de la croissance du marché du travail est attribuable à l'immigration et, d'ici environ 10 ans, il y aura presque zéro croissance domestique. Toute la croissance du marché du travail sera attribuable à l'immigration.
L'âge est important et peut influencer cette tendance. La seule chose qui est importante, c'est d'avoir la flexibilité. Si les gens veulent prendre leur retraite à l'âge de 60 ou 65 ans, c'est leur choix, mais ils ont aussi le choix de travailler jusqu'à 70 ou 75 ans. Ce qui compte, c'est la flexibilité et l'habileté d'apprendre de nouvelles choses ou peut-être d'occuper un poste à temps partiel. Ce sont des choses qui améliorent notre productivité. À mon avis, les programmes gouvernementaux doivent mettre l'accent sur cette notion de flexibilité.
Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Poloz.
[Traduction]
Le sénateur Wetston : J'ai deux petites questions.
Monsieur le gouverneur, je pense à certaines de vos remarques concernant la spéculation qui touche le marché immobilier de Toronto. Bien sûr, j'habite là-bas, et je la ressens chaque jour lorsque des agents viennent frapper à ma porte. Vous et votre distinguée sous-gouverneure avez connu la crise financière qui a touché le secteur immobilier ces dernières années. En ce qui a trait aux banques centrales et aux politiques monétaires, vous avez dit dans votre exposé que tout semblait bien aller en 2008 et en 2009, mais que nous sommes passés à côté de quelque chose. En fait, nous n'avons pas examiné les mauvaises herbes du secteur financier pour comprendre ce qui se passait. Je n'ai besoin de rappeler à aucun d'entre vous les produits dérivés de crédit et les titres adossés à des créances hypothécaires, ni la situation au Canada du papier commercial adossé à des créances, et ainsi de suite.
Vous avez parlé de l'instinct animal, un concept que je vous ai déjà entendu mentionner auparavant. J'adhère moi aussi à cette idée au sens de marché financier étant donné que les bulles sont souvent attribuables à l'exubérance, à l'optimisme et à ce genre d'attitudes. Avons-nous besoin de nous pencher sur les mauvaises herbes du secteur financier pour obtenir des réponses au problème de spéculation des marchés immobiliers? J'ignore s'il faut le faire ou non, car il serait encourageant de freiner les ardeurs par rapport à ce qui se passe.
Ma deuxième question s'adresse probablement plus à la première sous-gouverneure. Elle a déjà parlé de ce sujet. Si vous me le permettez, j'aimerais mieux comprendre ce qu'elle fait dans le secteur de la technologie financière à l'échelle internationale. Je sais que ma question est générale, mais le sujet m'intéresse vraiment.
M. Poloz : J'ai juste quelques remarques à propos des mauvaises herbes : nous nous penchons bel et bien sur la question. Notre Revue du système financier, dont j'ai parlé, est en préparation, et elle sera publiée en juin. Elle va plus loin que ce que vous appelez le cœur du système financier dans le but de déterrer les mauvaises herbes.
Il y a des éléments, surtout dans le secteur de l'immobilier, que nous comprenons moins bien parce que nous n'avons pas facilement accès à ces données. Il faut plutôt faire des visites et poser les bonnes questions. Bien sûr, le Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF, s'intéresse beaucoup à ces questions, tout comme nos confrères de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, ou SCHL. Voilà le groupe qui se réunit pour discuter de ces enjeux.
Vous pourriez vous demander si tout semble être maîtrisé dans le milieu assuré, mais c'est pourtant le milieu non assuré qui a connu l'année dernière la croissance la plus importante du marché hypothécaire. Vous pourriez donc vous demander comment c'est possible. Cela signifie que l'acheteur doit avoir une mise de fonds d'au moins 20 p. 100 alors que les maisons sont plus chères. Comment est-ce possible, exactement? Nous travaillons d'arrache-pied pour comprendre ces choses de notre mieux.
En passant, l'argent de la famille semble jouer un certain rôle. Les transferts au décès ou les prêts...
La sénatrice Ringuette : L'héritage?
M. Poloz : Il peut aussi s'agir d'un héritage. On omet souvent d'en parler, mais un énorme parc immobilier sera hérité à un moment donné.
Toutes ces choses comptent, et nous faisons notre possible pour vous présenter un portrait complet. Je n'ai pas l'ensemble des données aujourd'hui, mais ce sera prêt d'ici huit semaines.
En ce qui concerne les technologies financières... Bonté divine, combien de temps nous reste-t-il, monsieur le président? Bien. Madame Wilkins, je vous invite à parler quelques minutes des technologies financières.
Mme Wilkins : Je vous remercie de votre question. Je suis toujours ravie d'en parler.
Je fais deux choses à l'échelle internationale. La première est probablement la plus importante, c'est-à-dire que je préside un groupe du Conseil de stabilité financière, ou CSF, qui se penche sur les technologies financières pour voir quel genre d'enjeux les organismes de réglementation et les superviseurs rencontreront à l'avenir sur le plan de la stabilité financière. Cela faisait partie des demandes des chefs d'État du G20, qui voulaient se pencher sur la numérisation de l'économie et sur ce que cela signifie pour la croissance, l'inclusion financière et la stabilité du système financier, bien sûr. Le rapport sera publié en juin, après quoi nous pourrons le distribuer.
À l'heure actuelle, il y a un imposant battage médiatique à propos des technologies financières. C'est vrai. On dit qu'elles vont changer le monde, ou encore qu'elles ne vont rien y changer. Elles s'appliquent à tout volet du système financier auquel vous pouvez penser, de l'assurance aux paiements, en passant par les conseils, et plus précisément des robots-conseillers. Cette technologie est omniprésente. À vrai dire, notre objectif est de faire une distinction entre ce battage médiatique et ce qui pourrait raisonnablement et logiquement poser problème aux superviseurs.
Nous essayons vraiment de ne pas penser à tous les risques, à toutes les choses négatives qui pourraient se produire. En réponse à votre question, monsieur le président, nous devrions aussi penser aux bonnes choses qui peuvent découler de cette technologie, et à la façon dont nous pourrions en tirer parti. Si la technologie permet aux banques d'avoir des ressources financières hors du secteur financier, ainsi que de réaliser des gains en efficacité à l'aide de systèmes plus sécuritaires, alors c'est une bonne chose. S'il est possible de mettre à contribution plus de petites entreprises et de leur offrir de nouvelles sources de financement, de même que de faire participer plus de gens au système financier, c'est tant mieux. Nous devons toutefois le faire de façon sécuritaire. Il y a des secteurs auxquels nous devrions penser à l'avance pour éviter de nous réveiller un jour avec un système en place, sans possibilité de faire marche arrière.
Par ailleurs, Christine Lagarde, du Fonds monétaire international, ou FMI, a formé un groupe de spécialistes des technologies financières qui peuvent lui donner des conseils sur son programme de travail, et j'en fais partie. Nous sommes tous conscients que la technologie évolue. Nous en sommes aux premières étapes, et nous devons réaliser des recherches fondamentales pour comprendre l'incidence qu'aura cette technologie sur l'organisation du système financier, sur les modèles d'affaires de nos grandes institutions financières, comme les banques et les compagnies d'assurances, et sur la stabilité du système, qui sera renforcée ou non. Il s'agit d'un grand programme de recherche auquel nous participons et nous contribuons du point de vue de la Banque du Canada.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question porte sur le sujet de l'heure : la légalisation de la marijuana. Est-ce que la Banque du Canada a commencé à mesurer l'impact économique de la légalisation de la marijuana et son effet sur le produit intérieur brut au cours des prochaines années?
M. Poloz : Je dois admettre que je n'ai aucune analyse concernant ce sujet très intéressant. Je ne sais pas s'il y aura un effet sur la productivité.
Le sénateur Carignan : La CIBC a fait une étude l'année passée selon laquelle on parle de 3 à 10 milliards de dollars de production.
M. Poloz : En effet, c'est une nouvelle entreprise qui pourrait créer des emplois. C'est quelque chose, mais, je m'excuse, je n'ai aucune information à ce sujet.
Le sénateur Carignan : C'est aussi une économie souterraine qui va devenir...
M. Poloz : C'est possible. C'est intéressant.
Le sénateur Carignan : Vous ne l'avez pas calculé?
M. Poloz : Non, je m'excuse.
[Traduction]
Nous allons placer le sujet sur la liste, puis nous allons l'examiner.
Le sénateur Smith : Dans son budget, le gouvernement a prévu d'accroître l'innovation et de mettre l'accent sur ce volet. À ce chapitre, le gouvernement souhaite cibler cinq ou six grappes. Qui seront les intervenants? S'agira-t-il de grandes entreprises ou d'entrepreneurs? Pour revenir à la question de la sénatrice Ringuette, les grandes entreprises vont-elles débloquer des fonds qu'elles ont mis de côté plutôt que de dépenser pour saisir ces occasions?
Qu'adviendra-t-il des entrepreneurs? Nous avons déjà soulevé la question du capital de risque et de notre résistance, au fil du temps et de l'histoire, à vraiment bâtir un capital de risque au Canada.
Qu'en pensez-vous? Qui va gagner, et qu'adviendra-t-il des grands et des petits joueurs? Qu'en est-il du capital de risque? Où la question se situe-t-elle dans toute cette équation?
M. Poloz : C'est une question intéressante. Je n'ai probablement pas grand-chose à dire là-dessus, en ce qui a trait au territoire et au budget pour aider la création de grappes et de supergrappes. En revanche, les grappes actuelles comprennent une grande variété d'entreprises à la fois très petites et très grandes. Par exemple, de nouvelles technologies proviennent de BlackBerry et aboutissent dans toutes les voitures, de sorte qu'il y a un partenariat entre une très grande entreprise comme Ford et cette technologie émergente. Il y a donc ici des petits joueurs et des plus grands. Voilà en quoi consiste le modèle, en quelque sorte.
Une bonne partie de la véritable innovation équivaut presque à un travail de plomberie pour d'autres entreprises. C'est un modèle de commerce entre entreprises.
Même les produits des différentes entreprises fondées par Terry Matthews représentent tous une partie infime des opérations de quelqu'un d'autre. Ils changent vraiment la donne, puis ils deviennent une entreprise qui peut ensuite utiliser l'application. Puisque le produit a réussi pour l'organisation mère, il peut être repris par de nombreuses autres organisations, petites ou grandes, étant donné que l'échelle s'ajuste automatiquement si l'application peut s'intégrer quelque part dans la machinerie d'une grande société.
À mes yeux, une grappe est réussie lorsqu'elle comprend de l'innovation, des petits joueurs, et la possibilité d'ajuster l'échelle, étant donné que les partenaires sont présents. Cela signifie peut-être d'attirer de l'argent, mais tout peut varier d'un modèle à l'autre.
Au milieu, là où les petites entreprises peuvent connaître une hausse marquée et grandir, je suis très emballée par la création du fonds pour l'expansion des entreprises, qui est en fait une initiative du secteur privé, mais qui comporte des règles facilitant les choses. Ce sont les banques qui gèrent le fonds. L'objectif est de créer une entité qui cible les capitaux patients en matière de croissance, et qui va un peu plus loin que le capital de risque. D'ailleurs, le fonds ne recoupe vraiment pas ce capital.
Le milieu du capital de risque me semble se porter assez bien. Il est en santé et se porte mieux qu'il y a 10 ans. À cette époque, il était difficile d'avoir la preuve du rendement comparativement à celui du capital de risque américain. Nous semblons peut-être souffrir d'un manque de capacité de gestion financière. Nous avons d'excellentes innovations, mais pas le sens des affaires pour les porter jusqu'à la ligne d'arrivée.
Je n'ai pas de données, mais j'ai l'impression que les choses sont désormais plus stables, et que le milieu du capital de risque est assez flexible, en fait. C'est une observation assez imprécise, mais positive.
Lorsqu'on passe de 5 à 10 millions, c'est la prochaine étape de la croissance. C'est ici que le fonds pour l'expansion des entreprises prend le relais. Ce n'est pas qu'une question d'argent, mais aussi de mentorat dans le but de bâtir un réseau. Ce modèle fonctionne très bien au Royaume-Uni. Il crée un réseau de mentors qui peuvent embarquer dans le projet. L'entreprise bénéficie d'un investissement, en plus de l'aide d'un membre du conseil d'administration qui joue le rôle d'orienteur et de réseauteur, ce qui contribue d'autant plus à la réussite du modèle.
Le sénateur Enverga : J'ai une question à propos des changements climatiques. Le réchauffement de notre pays facilitera l'accès aux touristes et prolongera l'accès à certaines ressources. Croyez-vous que la situation aura des répercussions économiques? Les changements climatiques contribueront-ils à notre croissance à long terme?
M. Poloz : J'ignore si Carolyn a quelque chose à dire là-dessus. Je peux commencer, après quoi vous pourrez prendre la parole.
La situation a des avantages et des inconvénients. C'est une question fort complexe étant donné que certaines entreprises canadiennes pourraient être désavantagées, alors que le phénomène pourrait être avantageux pour d'autres. Vous avez d'ailleurs mentionné quelques-uns des aspects positifs.
Certes, les technologies basées sur le climat ou vertes sont positives. Nous avons un secteur émergent solide à ce chapitre. Il existe une grappe des technologies de l'eau, une autre sur la récupération de l'énergie, et ainsi de suite.
Nous avons bel et bien des entreprises qui tireront parti des politiques ou de la réponse du secteur privé aux changements climatiques. Il y a des possibilités de croissance, mais en même temps, il ne faut pas oublier le côté négatif de la médaille.
De notre point de vue, au sein du secteur financier, dans quelle mesure les changements climatiques posent-ils des risques nouveaux ou différents pour le système financier? Partons de l'évidence, comme le concept des droits d'actifs délaissés, qui sont prêtés contre ces choses. Il y aura une vulnérabilité collatérale, mais en plus, les changements climatiques influenceront les conditions météorologiques, et exposeront par conséquent les compagnies d'assurance à une hausse des désastres et de ce genre de choses. C'est à ce chapitre que la plupart des banques centrales consacrent plus d'énergie. Combien de nouveaux points faibles apparaîtront en raison des changements climatiques?
Du point de vue de la croissance de l'entreprise, nous devrons attendre pour voir comment l'économie s'y adaptera.
Souhaitez-vous ajouter quoi que ce soit?
Mme Wilkins : Je pense que vous avez bien répondu. L'autre aspect est le financement écologique. Il y a un tout nouveau marché que nous voulons comprendre, en tant que représentants de la banque centrale.
Il s'agit d'un marché mondial, qui est très différent selon le pays dans lequel vous vous trouvez. Nous souhaitons ardemment comprendre les différents types de marchés des divers pays, et savoir si des principes ou une coordination à l'échelle internationale peuvent être utiles, afin que le marché continue de très bien fonctionner.
Mis à part cela, je pense que vous avez tout dit.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le gouverneur Poloz, et madame la sous-gouverneure Wilkins. Nous attendons toujours ces visites avec impatience, et vos idées nous aident dans l'ensemble de nos délibérations.
(La séance est levée.)