Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule n° 22 - Témoignages du 14 juin mai 2017
OTTAWA, le mercredi 14 juin 2017
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 19, pour étudier la situation actuelle du régime financier canadien et international (sujet : questions relatives aux barrières au commerce intérieur); ainsi que pour étudier, à huis clos et dans le but de produire un rapport, la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs (étude d'une ébauche de rapport).
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite la bienvenue à mes collègues, à nos invités ainsi qu'aux membres du grand public. Je m'appelle David Tkachuk, et je préside le comité des banques et du commerce. Je suis très heureux de souhaiter de nouveau la bienvenue à l'honorable Navdeep Bains, député de Mississauga—Malton, qui a été nommé ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique le 4 novembre 2015.
Monsieur le ministre, mesdames et messieurs les sénateurs, nous devons d'abord nous occuper d'une petite question d'ordre administratif. Nous avons besoin d'un motionnaire. J'aimerais qu'un député propose d'autoriser cet après-midi la prise de photos, en causant le moins de perturbations possible, pendant nos délibérations publiques.
Sénateur Black; sénateur Massicotte. Est-ce que tout le monde est d'accord? La motion est adoptée.
Chers sénateurs, vous vous rappellerez qu'en juin 2016, après plusieurs mois d'étude, notre comité a publié le rapport intitulé Des murs à démolir : démantèlement des barrières au commerce intérieur au Canada, dans lequel nous avons affirmé qu'un nouvel accord sur le commerce intérieur devrait comprendre six caractéristiques : la méthode de la liste négative; la reconnaissance réciproque; un mécanisme officiel facilitant l'harmonisation de la réglementation; un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États dont les décisions sont contraignantes et assorties de voies de recours prescrites exécutoires; la prise en compte adéquate du commerce de services; et une coprésidence permanente au Comité du commerce intérieur occupée par le gouvernement fédéral.
Le 7 avril, des ministres représentant le gouvernement fédéral ainsi que les gouvernements provinciaux et territoriaux ont annoncé la conclusion des négociations sur un nouvel accord de libre-échange canadien, l'ALEC, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2017 pour remplacer l'ACI qui est en vigueur depuis 1995.
Monsieur le ministre, merci de vous joindre à nous aujourd'hui pour faire une mise à jour sur l'ALEC. Nous sommes également heureux d'accueillir votre sous-ministre, M. John Knubley.
Monsieur le ministre, juste avant de commencer, je voulais dire aux membres du comité que nous avons reçu un gentil message des gens de la Commission du droit d'auteur, qui étaient préoccupés par les activités de la commission. Si vous vous rappelez, nous avons tenu quelques séances à ce sujet. Nous avons publié un rapport, et ils m'ont dit qu'ils ont eu la semaine dernière une très bonne rencontre avec le ministre Bains à propos de la réforme de la commission, que le ministre veut mener une réforme distincte de l'examen de 2017 — comme nous l'avons recommandé — et qu'il est déterminé à aller de l'avant. Ils croient que c'est la meilleure occasion de procéder à une réforme depuis le milieu des années 1990. Je vous remercie donc beaucoup, chers collègues, d'avoir participé aux séances que nous avons tenues à ce sujet; et je vous remercie, monsieur Bains, d'avoir donné suite à leurs préoccupations. Les efforts en ce sens contribueront beaucoup à l'amélioration de l'activité économique dans ce domaine.
Sur ce, monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que vous aviez préparé une déclaration liminaire. Vous avez la parole.
L'honorable Navdeep Bains, C.P., député, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique : Merci beaucoup, monsieur le président. Comme c'est la semaine de la fonction publique, je veux commencer par remercier mon négociateur en chef, Nipun Vats, qui a grandement contribué à l'élaboration de cet accord. Il est également parmi nous aujourd'hui.
Je tiens à tous vous remercier et à dire que je suis ravi d'être ici pour m'adresser aux membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. J'aimerais remercier sincèrement les membres du comité du travail qu'ils accomplissent. De toute évidence, vous avez parlé dans vos observations liminaires du travail accompli en matière de droit d'auteur et dans de nombreux autres domaines d'une importance capitale pour notre économie.
Les efforts que vous avez déployés en vue de faire aplanir les obstacles au commerce au Canada ont finalement permis de solidifier davantage notre union économique.
Un grand nombre des recommandations que le comité a formulées dans le rapport de juin 2016 ont été intégrées à l'accord de libre-échange canadien, dont, bien entendu, un élément très important, à savoir le recours à la liste négative. C'est vraiment une chose que nous avons déployée dans notre accord commercial international avec l'Europe, et c'est un processus très similaire que nous avons suivi avec les provinces et les territoires.
Ce processus de conciliation est très important et essentiel dans notre accord de libre-échange. Il permettra vraiment de mettre en branle l'harmonisation de la réglementation qui existe entre les différentes administrations ainsi qu'un processus plus rigoureux de règlement des différends, c'est-à-dire un véritable processus prévu à cette fin.
[Français]
Monsieur le président, l'Accord de libre-échange canadien entre dans l'histoire pour plusieurs raisons. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux l'ont tous signé.
[Traduction]
Une autre primeur est que l'accord facilitera le commerce dans pratiquement tous les secteurs de l'économie au pays, ce qui signifie que le recours à la liste négative va vraiment dans le sens de cette vaste approche globale qui porte sur l'ensemble de l'économie. C'est la raison pour laquelle l'accord est considéré comme le plus ambitieux pour ce qui est de tenir compte de notre marché intérieur.
Cet accord permettra aux Canadiens d'acheter et de vendre des produits plus librement au sein du pays. C'est vraiment de cela qu'il est question. Cela signifie qu'il créera davantage de possibilités commerciales et d'emploi pour les Canadiens. Qui plus est, l'accord comprend des dispositions fortes pour permettre aux Canadiens de travailler n'importe où au pays. Je parle des menuisiers, des experts en sinistre, des soudeurs, des plombiers et même des comptables comme moi. Je pense donc que c'est très important.
[Français]
Monsieur le président, l'Accord de libre-échange canadien donnera davantage de choix aux consommateurs, surtout s'ils veulent acheter des biens et des services offerts ailleurs au Canada. Il nous sera donc plus facile de profiter de tout ce que le pays a de mieux à nous offrir.
[Traduction]
Il nous sera donc plus facile de profiter de tout ce que le pays a de mieux à nous offrir. Il sera également plus facile et moins coûteux pour les entreprises de vendre leurs produits et d'offrir leurs services d'un océan à l'autre. C'est ce que j'explique à mes voisins et à mes concitoyens, à savoir que les Canadiens peuvent s'attendre à payer moins cher pour les produits qu'ils achètent.
L'accord permettra aussi à un plus grand nombre d'entreprises d'offrir leurs produits et services aux administrations publiques de partout au pays. Comme vous le savez, les marchés publics sont importants. L'administration fédérale est un client de renom, à l'instar de nos autres administrations publiques. Donc, par exemple, il sera plus facile pour une petite entreprise à Moncton ou à Saskatoon de conclure des marchés avec tous les ordres de gouvernement. En fait, pour la première fois de l'histoire, les sociétés canadiennes qui exercent des activités dans certains secteurs d'emploi réglementés, comme le génie et l'architecture, pourront répondre à des appels d'offres d'administrations de partout au pays. Une fois de plus, c'est bon pour les affaires, et c'est très bon pour les travailleurs. Et chose plus importante, c'est bon pour les contribuables qui s'attendent à en avoir plus pour leur argent grâce à une concurrence accrue.
Une autre primeur : les sociétés qui fournissent de l'électricité à la plupart des services publics pourront répondre à différents appels d'offres du gouvernement dans de nombreuses régions du pays. Donc, à propos des marchés publics, il y aura beaucoup de nouveaux débouchés dans le secteur de l'énergie. On estime que la valeur des contrats ainsi octroyés s'élèvera à plus de 4,7 milliards de dollars par année. Il s'agit d'une toute nouvelle occasion d'affaires pour les petites et les grandes entreprises de partout au Canada.
[Français]
L'Accord de libre-échange canadien aura certainement des répercussions sur les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Nous devrons tous collaborer à l'élimination des différences inutiles entre les règlements.
[Traduction]
En effet, les différences régionales entre les règles et les règlements peuvent nuire à la croissance économique et vraiment ralentir la croissance des entreprises au Canada. Elles peuvent également faire augmenter les prix et réduire la variété pour les consommateurs. C'est pourquoi cet accord aidera également les entreprises canadiennes à croître et à se tailler une place dans les marchés mondiaux. Entre autres choses, le gouvernement est déterminé à vraiment s'attaquer au problème de la croissance et à être un client de renom, et les mesures visant les marchés publics contribueront à la validation d'un grand nombre de nos entreprises en leur permettant de dire à l'étranger qu'elles font affaire avec le gouvernement du Canada, ce qui les aidera grandement à réussir à l'échelle internationale. Grâce à cette mesure, les entreprises canadiennes auront le même accès — voire un meilleur accès — que les entreprises de nos partenaires commerciaux étrangers aux marchés du Canada.
On a dit que si la ratification de l'AECG se faisait avant la ratification de l'ALEC, il est possible que les entreprises européennes aient un meilleur accès aux marchés publics que les entreprises canadiennes. L'objectif consiste vraiment à nous assurer que nos accords commerciaux nationaux sont invariablement en phase avec nos accords commerciaux internationaux.
Enfin, monsieur le président, cet accord est axé sur l'avenir. Il établit un processus et un échéancier pour l'amélioration du commerce dans les secteurs de l'économie qui ne sont pas encore intégrés, dont celui des boissons alcoolisées. Donc, comme vous l'avez entendu, la campagne « Libérez la bière! » est une chose dont il a très souvent été question à la Chambre des communes, et beaucoup de Canadiens s'intéressent à la question. Ils nous demandent d'ailleurs depuis un certain temps de passer à l'action dans ce secteur.
Tous les gouvernements se sont engagés, dans un délai précis, à améliorer le commerce de la bière, du vin et des spiritueux, et c'est très important. C'est un autre domaine dans lequel le gouvernement fédéral a fait preuve de leadership et a dit que cela doit faire partie de l'accord.
[Français]
Enfin, cet accord s'appliquera automatiquement aux secteurs nouveaux et émergents, y compris les technologies propres et les technologies de l'information. C'est de cette façon que le libre-échange au Canada favorise l'innovation. Cet aspect de l'accord est aussi une primeur historique.
[Traduction]
Je sais que je peux compter sur votre comité pour surveiller les efforts déployés par le gouvernement en vue de libéraliser davantage le commerce au Canada, et je salue votre engagement en la matière.
Comme dans toutes les négociations, il a fallu faire des compromis pour conclure cet accord. Une coopération sans précédent entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux a également été nécessaire, y compris entre néo-démocrates, libéraux et conservateurs. Il était formidable de voir cette question devenir non partisane, et je suis fier du rôle que le gouvernement du Canada a joué dans les négociations qui ont mené à cet accord.
Grâce au leadership du fédéral, cet accord contient des mécanismes qui responsabilisent tous les gouvernements en matière de respect de ses dispositions.
Monsieur le président, l'accord de libre-échange canadien renforce les avantages découlant du commerce intérieur. Il montre aux entreprises de partout au pays que le Canada est prêt à faire des affaires, et le moment choisi ne pourrait pas être meilleur.
Il entrera en vigueur le 1er juillet, soit le jour de la fête du Canada, qui est également le 150e anniversaire de notre merveilleux pays. Merci beaucoup.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Bains.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d'être parmi nous en ce bel après-midi, monsieur le ministre. Premièrement, je tiens à vous féliciter, vous et votre équipe, pour avoir atteint l'objectif visé. C'est un progrès important et je sais que vous et votre prédécesseur y avez consacré plusieurs années de travail. Félicitations au nom de tous les Canadiens!
Cependant, il y a eu quelques commentaires positifs dans la presse, et d'autres espéraient avoir des mesures plus agressives et plus optimistes. Évidemment, il est plus facile pour un journaliste d'exprimer des attentes que d'arriver à la réalité. L'un des commentaires positifs portait sur le fait qu'il y ait un processus de règlement des différends. Comment voyez-vous, d'ici deux ou trois ans, l'évolution de cette entente afin qu'elle puisse jouer un rôle plus important au sein de l'économie pancanadienne?
M. Bains : Je vous remercie de votre question. Je suis d'accord. Vous avez raison.
[Traduction]
Il ne fait aucun doute qu'il y avait de grandes attentes, et je pense que nous y avons répondu. J'aimerais plus précisément souligner le travail accompli par le ministre Moore, mon prédécesseur, qui est vraiment à l'origine d'une grande partie des discussions. Comme je l'ai indiqué plus tôt, c'était un réel travail non partisan, non seulement de notre part, mais aussi de la part du gouvernement précédent, ainsi que des provinces et des territoires.
Vous avez également tout à fait raison de dire que les discussions ont officiellement commencé en 2014, et nous avons conclu une entente et fait une annonce en avril 2017. C'était donc un long processus qui a nécessité de nombreuses séries de discussions, plus de 20.
À propos du nouveau processus de conciliation en matière de réglementation, et je crois que c'est le point que vous avez soulevé, l'échéancier est plutôt serré. Nous avons créé des groupes de travail pour commencer à examiner certaines des principales questions. Nous avons dressé une liste exhaustive que nous pouvons distribuer au comité, et nous serions heureux de connaître le point de vue du comité à mesure que nous progressons dans les discussions des groupes de travail avec les provinces et les territoires et à mesure que nous tirons des conclusions concernant l'harmonisation de la réglementation.
À titre d'exemple, l'une des premières discussions porterait plus particulièrement sur le camionnage et le transport. L'aéroport international Pearson, le plus grand aéroport international au pays, se trouve dans ma circonscription, Mississauga—Malton. C'est une plaque tournante logistique. Il y a de nombreuses compagnies de transport, et nous voulons nous pencher sur les difficultés liées aux différents poids et charges, aux différentes exigences auxquelles doivent répondre les conducteurs, surtout les chauffeurs de camion, qui passent d'une province ou d'un territoire à l'autre. C'est une des premières questions sur lesquelles nous allons nous pencher, et nous avons ce genre de calendrier en place.
Nous avons aussi, comme je l'ai mentionné à propos de la libéralisation du commerce des alcools, un groupe de travail qui se consacre à la question de la bière, du vin et des spiritueux. Nous serions donc ravis de vous faire part de notre échéancier. Il y aurait également ainsi une certaine reddition de comptes, et nous voyons d'un bon œil la possibilité de tenir au courant le comité à l'avenir.
Le sénateur Massicotte : Dans toutes les négociations, comme vous le savez bien, il est toujours question de ce qu'on a à perdre et à gagner, et tout le monde défend ses propres intérêts. Comment maintenez-vous les provinces sur la sellette pour qu'elles demeurent motivées à obtenir des résultats concrets?
En ce qui a trait à l'alcool, les non-producteurs sont évidemment plus protectionnistes. Comment faites-vous pour susciter leur intérêt et les disposer à faire certaines concessions?
M. Bains : L'un des aspects uniques du présent accord, c'est le recours à la méthode de la liste négative, ce qui attire vraiment l'attention sur les exemptions. Si vous vous rappelez, lorsque nous avons discuté du dévoilement du présent accord de libre-échange canadien, on a également beaucoup parlé des exemptions, ce qui se traduit par de fortes pressions, car c'est maintenant à l'avant-scène. Auparavant, pour l'accord sur le commerce intérieur initial qui a été négocié par le ministre Manley après l'adoption de l'ALENA, on procédait vraiment juste secteur par secteur. On ne voyait pas du tout les exemptions. Dans le présent accord de libre-échange canadien, c'est un mécanisme et une caractéristique d'une grande importance.
Il y a également l'index. Nous travaillons avec Ernst & Young, et cet index sert de référence pour prendre connaissance des irritants, des difficultés. La publication de cet index permet alors de montrer que nous nous dirigeons dans la bonne direction, que nous éliminons ces irritants. Il y a quelques mécanismes clés en place qui, comme vous l'avez dit, permettent de maintenir sur la sellette la majeure partie des provinces et des territoires.
Le sénateur Black : Merci beaucoup. Comme mon collègue, le sénateur Massicotte, j'aimerais vous féliciter ainsi que vos collaborateurs. Ce n'est pas parfait, mais c'est un sacré bon début, et j'aimerais également féliciter mes collègues du comité de faire avancer autant ce dossier, comme nous continuons de le faire aujourd'hui.
M. Bains : Oui.
Le sénateur Black : Monsieur le ministre, vous avez fait part de vos réflexions concernant le processus, plus particulièrement en ce qui a trait au transport et aux boissons alcoolisées. Existe-t-il un processus dans le cadre duquel les ministres ou les négociateurs concernés se rencontreront tous les ans pour maintenir la pression en vue de la libéralisation du commerce?
M. Bains : Tout à fait. Les rencontres auraient lieu assez fréquemment. Comme vous le savez, ce n'est que le début, pas la fin, et nous devons maintenant déployer beaucoup d'efforts afin de mettre le processus en place pour nous attaquer aux irritants, harmoniser les règlements et éliminer les barrières existantes.
Le sénateur Black : Mais vous diriez qu'il y a un processus, et un délai, n'est-ce pas?
M. Bains : Oui, tout à fait.
Le sénateur Black : Si vous deviez situer l'économie canadienne dans un diagramme circulaire, en fonction du travail que vous avez fait pour élaborer l'accord de libre-échange canadien, à votre avis, dans quelle proportion l'économie est-elle maintenant libéralisée?
M. Bains : C'est une bonne question. Peu importe ce que je dis, je vais me faire réprimander par mes collaborateurs parce qu'ils ne sont jamais très à l'aise avec un chiffre précis. Je me rappelle que la dernière fois que j'étais ici, vous étiez assis juste un peu plus près de moi et vous avez posé la même question.
Si je devais effectuer une estimation raisonnable en fonction de la taille de l'économie et des différents secteurs, en tenant compte de certaines des exemptions — par exemple, dans le libellé, nous avons exclu différents aspects des questions de sécurité nationale pour toutes sortes de raisons —, je dirais que le chiffre de 70 p. 100 est raisonnable, monsieur.
Le sénateur Black : Ah, vraiment? Merci, monsieur le ministre.
Le président : Qu'est-ce qui, dans cet accord, vous déçoit le plus?
M. Bains : C'est une excellente question. Après coup, on se demande toujours si on avait pu faire les choses différemment et, comme je l'ai dit, je ne tiens pas à ce que le mieux devienne l'ennemi du bien. Notre concordance avec les provinces a été suivie, comme vous le savez, par les récentes élections en Colombie-Britannique. Allez donc savoir ce que le nouveau gouvernement pourra imposer.
Pour moi, cela a vraiment été le dossier difficile des boissons alcoolisées. Je dois l'avouer, j'ai eu l'impression que nous aurions pu faire plus. J'ai cru que le groupe de travail avait abattu un travail important. Nous aurions pu déployer plus d'énergie dans ce dossier. Franchement, l'affaire Comeau, dont la Cour suprême est maintenant saisie, les plans d'intervention du gouvernement, en amont, à l'échelle fédérale, tout cela pourrait nous procurer un autre mécanisme dans le dossier de la libéralisation du commerce des boissons alcoolisées. Ce dossier s'est démarqué. Malgré nos progrès importants, nous pouvons faire mieux.
Personnellement, je suis abstinent, mais, pour beaucoup de mes électeurs, c'est un enjeu.
Le président : Je ne bois pas non plus, mais eux oui.
M. Bains : Oh! Il y en a trois autres ici. D'accord. J'ignore pourquoi on fait tout un plat de la libéralisation si personne, ici, ne boit.
Le président : Ce n'est pas que nous ne l'ayons pas fait dans le passé.
La sénatrice Wallin : N'y revenons pas.
Le président : Surtout pas.
La sénatrice Wallin : Monsieur le ministre, deux ou trois précisions seulement sur le règlement des différends. Pouvez-vous seulement expliquer pourquoi un gouvernement, et non un particulier ni une personne morale, doit introduire une plainte, si j'ai bien compris?
Si une amende est imposée, où se retrouve l'argent et à quoi sert-il?
M. Bains : Je m'en remets à mon sous-ministre qui revoit ses notes, mais nous avons renforcé le mécanisme de règlement des différends. Les amendes peuvent désormais atteindre 10 millions de dollars. D'après nous, c'est salé, très dissuasif, et cela nous permet de faire passer notre message et d'obtenir des redditions des comptes pour certaines situations.
Pour l'argent, bonne question, mais je n'ai pas la réponse. J'allais demander à mon sous-ministre d'y répondre, s'il peut.
John Knubley, sous-ministre, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Cela a été assez longuement discuté, la possibilité, pour des particuliers, d'intervenir et de pousser l'affaire plus loin. Nous avons essentiellement créé un fonds commun pour financer leurs premières interventions et la résolution des différends. C'est donc oui; ce dossier, celui des plaintes introduites par des particuliers, évolue.
La sénatrice Wallin : Si une amende de 10 millions, peu importe, est imposée, l'argent retourne-t-il dans le fonds? Est-ce, comme vous semblez le dire, pour aider les plaignants? L'argent reste donc dans le système.
M. Knubley : Eh oui.
La sénatrice Wallin : Et tous étaient d'accord pour que seul le gouvernement puisse introduire une plainte?
M. Knubley : Les particuliers aussi peuvent maintenant le faire.
La sénatrice Wallin : Tel que c'était exprimé, cela semblait dire autre chose. Merci.
Le sénateur Wetston : Merci à vous, monsieur le ministre et à vos adjoints aussi, et toutes mes félicitations.
Permettez que je vous questionne sur l'harmonisation de la réglementation. Je n'insisterai pas sur le fait que vous n'avez pas fait progresser le dossier d'une commission nationale des valeurs mobilières, mais je ne peux pas m'empêcher de le mentionner. J'ai consacré de nombreuses années de ma vie à essayer de le faire. Quoi qu'il en soit, j'en viens à la question en bonne et due forme.
Vous avez parlé de groupes de travail et des défis énormes de l'harmonisation. Je pense que les mécanismes réglementaires pour y parvenir poseront manifestement des difficultés, et vous en avez parlé dans une certaine mesure.
Pouvez-vous nous éclairer un peu plus sur vos attentes relativement à la mise en œuvre de ces efforts particuliers dans l'harmonisation de la réglementation?
M. Bains : Absolument. Pour l'exécution et la mise en œuvre de l'accord, je peux vous parler de deux mesures particulières. Des modifications réglementaires entreront en vigueur d'ici le 1er juillet, puis les projets de loi seront déposés à l'automne, également. Voilà deux mesures particulières reliées à l'accord négocié de libre-échange canadien. De plus, les groupes de travail sont établis pour poursuivre le travail sur certaines questions de réglementation en suspens, par exemple les boissons alcoolisées.
Le sénateur Wetston : Monsieur le ministre, permettez-moi une question plus générale. L'Accord de libre-échange canadien est visiblement un élément très important de la stratégie économique globale du gouvernement.
M. Bains : C'est exact.
Le sénateur Wetston : C'est ce que je pense et je savais que vous seriez d'accord.
Comment entrevoyez-vous l'avenir de la croissance économique canadienne du fait de vos réalisations ici, dans le dossier de l'accord?
M. Bains : Cela témoigne de la stratégie limpide de notre gouvernement et de la nécessité, pour nous, de nous ouvrir. Notre gouvernement n'a pas caché que, pour que notre marché de 35 millions de personnes prospère, croisse et maintienne sa qualité de vie, nous devions nous ouvrir au commerce, raison pour laquelle nous avons renforcé notre situation prépondérante dans notre propre pays en faisant une place à l'Accord de libre-échange canadien et avons cherché à conclure des accords ambitieux de libre-échange tels que l'Accord économique et commercial global et d'autres initiatives bilatérales et que nous examinons actuellement l'ALENA.
Nous reconnaissons la nécessité de nous ouvrir véritablement au commerce. C'est vrai aussi des investissements, raison pour laquelle nous avons modifié le montant seuil des investissements visés par le critère de l'avantage net de la Loi sur Investissement Canada, pour l'élever à 8 milliards. Et nous sommes aussi accueillants pour les personnes, d'où une stratégie en matière de compétences mondiales permettant à une entreprise désireuse de faire venir dans notre pays quelqu'un dont les compétences spécialisées font l'objet d'une forte demande de le faire en moins de 10 jours, le délai de traitement de son dossier.
Ce virage, d'après nous, caractérise notre façon générale de faire. Notre ouverture aux marchés, à l'investissement et aux compétences nous permettra d'affronter la concurrence. Il ne s'agit pas vraiment de productivité seulement, laquelle est importante, mais aussi de pouvoir affronter la concurrence. À cette fin, nous devons avoir accès aux ressources, à l'argent, aux talents et aux marchés de partout dans le monde. Voilà où cela intervient. Cela témoigne de l'ouverture de notre gouvernement.
La sénatrice Ringuette : Merci. Puis-je à mon tour vous féliciter à ce sujet?
Vous avez dit que cet accord débloquera les échanges commerciaux à l'intérieur de notre pays dans presque tous les secteurs de l'économie. Quels seront les secteurs oubliés?
M. Bains : Comme je l'ai dit, des exceptions étaient prévues. Par exemple, nous avons accompli beaucoup dans le secteur des approvisionnements. Nous avons été en mesure de changer les critères.
À propos, parmi les recommandations de votre comité, toutes ont été adoptées, excepté la recommandation 1, article 6, sur un poste permanent de coprésident, et la recommandation 5, sur l'augmentation du financement du secrétariat. Nous avons eu le sentiment de nous conformer aux témoignages que vous et nous avons entendus.
Voilà les exceptions. Par exemple, dans le secteur des acquisitions, nos agences nationales de sécurité — Service canadien du renseignement de sécurité, Gendarmerie royale du Canada, et cetera — peuvent s'en réserver une partie, pour des motifs de sécurité nationale. Voilà pourquoi je dirais que c'est presque toute l'économie. Il y a les exceptions dans une gamme de domaines qui s'ordonnent, à notre niveau, en fonction de critères linguistiques, par exemple. Nous avons distingué une exception dans ces domaines pour montrer que nous y voyons la nécessité. Voilà pourquoi cela ne touche pas à toute l'économie. Nous ne voulions pas faire croire le contraire au public canadien, aux entreprises ou aux investisseurs.
Le sénateur Enverga : Je vous félicite, moi aussi, pour ce progrès.
Vous avez dit, dans votre déclaration préliminaire, que le gouvernement s'était engagé à pouvoir annoncer l'avènement, dans un délai précis, d'échanges commerciaux de bières, de vins et de spiritueux. Pouvez-vous nous renseigner à ce sujet? Quel est l'échéancier, actuellement?
M. Bains : Absolument. L'échéancier commence le 1er juillet, avec l'entrée en vigueur de l'accord. Un an plus tard, le groupe de travail aura mis en place un plan pour la libéralisation du commerce des boissons alcoolisées. Pendant l'année, nous voulons collaborer avec les provinces et les territoires à l'élaboration d'un plan pour cette libéralisation. Comme je l'ai dit, c'était un enjeu important que nous voulions régler dans le cadre de l'Accord de libre-échange canadien.
De plus, comme je l'ai dit, au sujet de l'affaire Comeau, dont est maintenant saisie la Cour Suprême, nous interviendrons et exposerons notre position sur cette libéralisation.
Je pense que les deux processus sont très limpides. Dans celui de la Cour suprême, nous n'avons aucune influence sur l'échéancier, qui relève entièrement d'elle. Mais, pour notre accord particulier de libre-échange canadien, nous aurons un an après son entrée en vigueur, le 1er juillet, un plan prêt à appliquer.
Le sénateur Enverga : Les accords lient-ils les parties?
M. Bains : Absolument. C'est pourquoi, d'ailleurs, nous les avons signés. L'accord global a été ratifié par tous les ministres, et ils étaient présents. Tout comme nous, alors que nous entreprenons de modifier nos règlements et d'adopter des lois, ils feront de même. Ils s'y sont engagés. Nous avons un accord détaillé, que nous avons tous signé et que nous avons publié en avril, ce qui le rendrait contraignant.
[Français]
Le sénateur Maltais : Monsieur le ministre, cela fait 18 ans que je siège à différents parlements dans mon pays, et j'ai toujours trouvé aberrant que le Canada signe des ententes de libre-échange avec d'autres pays, alors que dans notre propre pays, il était très difficile de faire des affaires. Je vais revenir là-dessus. Il y a eu une tentative vers 1987 entre le Québec et l'Ontario qui est tombée à l'eau en raison de la mobilité de la main-d'œuvre.
Quelles garanties les provinces vous ont-elles données en ce qui concerne la mobilité de la main-d'œuvre? Au Québec, la main-d'œuvre est très sectorisée par les syndicats. Il y a des syndicats très puissants d'une région à l'autre, et il est très difficile pour un travailleur de partir de Montréal pour aller travailler sur la Côte-Nord, et vice versa. Comment un travailleur de Vancouver pourra-t-il venir travailler à Québec?
[Traduction]
M. Bains : Je vous remercie pour la question. Les questions de main-d'œuvre et les clauses sur la main-d'œuvre faisaient l'objet, avant, de l'Accord sur le commerce intérieur.
Comme vous le savez, de nombreuses modifications ont été apportées à l'accord originel de 1995 et il s'y est ajouté de nombreuses actualisations et clauses.
Dans ce cas particulier, nous n'avons pas, dans l'Accord de libre-échange canadien, apporté de modifications supplémentaires aux règlements sur la main-d'œuvre et sa mobilité. J'ai, sous les yeux, le chapitre 7, sur les obligations en matière de mobilité de la main-d'œuvre. Il coïncide avec l'accord en vigueur sur le commerce intérieur. Essentiellement, les clauses permettent bien aux particuliers, comme je l'ai dit, des soudeurs aux comptables comme moi-même, d'être plus mobiles pour travailler dans notre pays.
La question de la reconnaissance des titres de compétence nous semble aussi poser une difficulté. À cette fin, nous collaborons avec les provinces. Ça reste le point épineux.
La sénatrice Unger : Merci, monsieur le ministre, pour votre exposé. Ma question ne concerne pas l'alcool. Je viens de l'Alberta, d'Edmonton. Elle porte sur les pipelines. Comme vous le savez, l'Alberta voulait exporter plus de pétrole, et ses projets ont été contrariés. Je vous serais reconnaissante d'entendre votre opinion là-dessus.
M. Baines : Merci. De manière générale, notre gouvernement a été clair quand notre premier ministre était chef du parti d'opposition, il a appuyé le projet de pipeline Keystone, par exemple, et cette initiative particulière. Arrivés au pouvoir, nous avons approuvé trois pipelines, ce qui, d'après nous, prouve notre capacité de conclure le contrat social nécessaire pour procéder à leur construction.
De manière plus générale, nous avons été très clairs sur la nécessité de concilier nos objectifs de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, qui découlent de l'accord de Paris. Nous avons aussi affirmé très clairement qu'il fallait aussi stimuler l'économie. Nous avons pu trouver le juste milieu. Dans un contexte plus large, c'est notre manière de faire pour les pipelines, et nous avons exprimé cette position.
Dans cet accord de libre-échange, des mesures particulières favorisant l'efficacité énergétique profiteront aussi aux fabricants et aux producteurs d'énergie — normes de conformité, certification —, et elles feront aussi toutes l'objet d'une harmonisation.
Dans un contexte plus large, nous avons explicité notre position sur la capacité de l'Alberta et d'autres provinces ou territoires d'exporter plus facilement leurs produits et de les mettre sur le marché, y compris les marchés internationaux.
En ce qui concerne cet accord particulier de libre-échange, nous avons sensiblement réglé des problèmes touchant l'efficacité énergétique par la certification, la conformité et la normalisation prochaine de toutes les normes qui étaient en vigueur.
La sénatrice Unger : Je veux dire la construction effective de ces pipelines, parce qu'il subsiste de nombreuses causes de friction ou de nombreux obstacles.
M. Bains : Comme vous le savez, nous avons donné suite très clairement à notre désir d'entreprendre les projets. Visiblement, nous y travaillons très sérieusement. Le ministre Carr, chargé des ressources naturelles, est en relation constante avec le milieu des affaires, les provinces et les joueurs du secteur pour trouver une façon d'accélérer le processus.
Nous reconnaissons aussi le caractère vraiment essentiel de ces pipelines pour notre économie. Les trois dont nous avons autorisé les projets, par exemple, créeront près de 27 000 emplois. Nous reconnaissons donc l'importance d'agir rapidement. Nous voulons aussi nous assurer de satisfaire aux conditions fixées pour le processus d'approbation.
Le président : Monsieur le ministre, subsiste-t-il des questions encore non résolues mais qui, d'après vous, ont bien des chances de l'être dans un proche avenir?
M. Bains : Il y en a toujours. C'est de leur détermination que sont chargés les groupes de travail. Les règles sur l'innocuité des aliments, les règlements sur le camionnage, comme je l'ai dit, et l'efficacité énergétique nous causent des problèmes. Ce sont le genre de dossiers que nous voulons classer rapidement.
J'ai dit que notre processus et son cadre étaient clairs. Ils appliquent une méthode de la liste négative : tout est compris, et il faut justifier les exceptions. C'est l'obligation à respecter. Je tiens à mettre en évidence une page édifiante de votre rapport, celle qui est intitulée « Les 10 barrières au commerce intérieur les plus absurdes ». Ainsi, certains types de camions ne peuvent être conduits que la nuit en Colombie-Britannique, par exemple, ou — cette barrière m'irrite vraiment —, les normes provinciales, territoriales et fédérales sur les catégories de sirop d'érable sont différentes.
L'essentiel est que les groupes de travail seront saisis de ces obstacles que vous avez particulièrement dénoncés, dont je reconnais aussi l'existence, et je vous appuie là-dessus. Ils s'en occuperont rapidement.
Le président : Je vous ai posé la question, parce que ce pourrait être pour nous l'occasion, en automne, d'organiser des séances pour en dénoncer d'autres.
M. Bains : Je salue l'occasion, parce qu'elle me permet, quand je rencontre mes homologues, de mettre en évidence le travail du Sénat en plus de celui que vous avez accompli, c'est-à-dire mettre en œuvre et exécuter. Vous avez entendu les témoignages de groupes de consommateurs et d'entreprises. Ce serait très utile.
Le sénateur Black : Si vous permettez, vu que le ministre est ici, je veux abuser un peu plus de sa présence.
Le président : S'il y consent, cela me va.
M. Bains : Je n'y vois pas d'objection. Comme je l'ai dit, mon sous-ministre est ici pour répondre à toutes les questions difficiles.
Le sénateur Black : Je ne crois pas qu'elles le soient.
Parlons des supergrappes. J'ai trois questions sur cette initiative. Tout d'abord, toutes mes félicitations. Un milliard de dollars pour stimuler l'innovation, c'est très bon pour le Canada. Je me demande, monsieur le ministre, si vous et vos collègues, quand vous prendrez les décisions, vous envisagez d'en faire profiter des industries que vous aurez privilégiées?
M. Bains : Oui. Nous n'avons pas mis en avant une industrie précise, mais nous avons examiné des secteurs ou domaines à forte croissance et nous les avons nommés dans le budget. Par exemple, nous avons parlé de notre engagement à l'égard des énergies propres. C'est un des secteurs ciblés dans le budget. Les ressources propres, la fabrication de pointe, l'agroalimentaire — Dominic Barton a fait beaucoup de travail avec le Conseil consultatif en matière de croissance économique. Il y a d'autres exemples. Nous en avons nommé environ six dans le budget.
Le sénateur Black : Merci. J'ai vu les domaines nommés dans le budget et je me demandais si la réflexion s'était précisée depuis que le processus a été amorcé.
M. Bains : Je le répète, nous ne voulons pas être restrictifs. La santé et les sciences biologiques sont très importantes dans ma circonscription; il y a tellement de dispositifs médicaux, d'entreprises pharmaceutiques, et cetera. C'est aussi un des domaines. L'exemple que je donne souvent est celui de CAE. Cette entreprise offre beaucoup de services de simulation et de formation dans le domaine de l'aviation. Or, aujourd'hui, ses solutions technologiques sont utilisées non seulement pour faire de la simulation dans le domaine de l'aviation, mais aussi dans le secteur des soins de santé.
Les entreprises hybrides de ce genre sont nombreuses; nous devons donc veiller à ne pas être restrictifs. Nous avons lancé un processus concurrentiel très ouvert pour les supergrappes et nous avons établi des critères. Les réactions sont largement positives, mais nous voulons seulement subventionner trois à cinq projets. Ainsi, le milliard de dollars dont vous avez parlé, les 950 millions de dollars...
Le sénateur Black : C'était ma prochaine question. C'est donc la décision que vous avez prise?
M. Bains : Oui. Nous ne voulons absolument pas adopter une approche uniforme. Nous voulons affecter nos ressources limitées aux meilleures propositions au moyen d'un processus concurrentiel très ouvert. Nous ne savons pas ce qui sera proposé. C'est incroyable de voir ce qui arrive lorsqu'on réunit des gens du milieu universitaire, de différents ordres du gouvernement et de secteurs divers. Certaines propositions dépasseront peut-être nos attentes; en fait, je suis certain que ce sera le cas.
Nous souhaitons investir nos fonds de manière très judicieuse. C'est pour cette raison que nous avons décidé de financer de trois à cinq propositions, et non un nombre supérieur à cela.
Le sénateur Black : C'est très bien.
Enfin, y a-t-il des restrictions régionales? Autrement dit, des trois à cinq projets, doit-il y en avoir un dans le Canada atlantique, un dans la région du Pacifique, un dans les Prairies et deux à Toronto?
M. Bains : Non. Nous reconnaissons que toutes les régions ont des forces et des faiblesses. Je suis convaincu que toutes les régions pourront participer au processus. Elles font concurrence à armes égales. Chacune des régions du pays a ses forces. Il ne faut pas sous-estimer les secteurs agricole, forestier ou minier, par exemple. Les gens les considèrent comme des secteurs traditionnels, mais je dirais que l'intelligence artificielle, une plateforme horizontale cruciale, peut être un grand catalyseur pour le secteur des finances, de l'agriculture, de l'exploitation minière, et cetera. L'alliance de ces secteurs pourrait donner des résultats intéressants. Nous acceptons donc des propositions de partout au pays.
Le sénateur Black : Très bien. Merci beaucoup.
Le sénateur Wetston : Une des conditions économiques qui m'a toujours troublé, c'est la fragmentation excessive au Canada. C'est notre force; parfois, nous la voyons comme une force et parfois comme une faiblesse. Nous avons constaté ce fait dans certains secteurs.
La convergence est plus difficile à atteindre aujourd'hui, dans le contexte d'une économie mondiale à plusieurs vitesses qui comporte des conditions économiques diverses devant être gérées.
Dans toute discussion sur le commerce, on finit toujours par opposer la concurrence et les échanges. Je considère les obstacles au commerce comme quelque chose qui inhibe la concurrence et les forces du marché.
Croyez-vous qu'en supprimant les obstacles au commerce, nous permettrons aux forces du marché de régler les prix à l'échelle du pays et d'accroître ou d'améliorer l'efficacité économique?
M. Bains : C'est précisément le but. Nous voulons intensifier la concurrence. Pour y arriver, nous devons uniformiser les règles du jeu et supprimer les obstacles ou tout mécanisme qui favorise un secteur, une région ou une entreprise au détriment des autres. C'est l'objectif réel : l'intensification de la concurrence.
Vous avez tout à fait raison : la fragmentation ne fait que renforcer le statu quo. Pour que nos entreprises continuent à prospérer, elles doivent non seulement réussir au Canada, mais aussi se tourner vers le marché mondial. En continuant à créer des conditions qui les protègent de la sorte, à long terme, nous leur nuisons. Nous croyons donc qu'en uniformisant les règles du jeu, en supprimant les obstacles et en créant des conditions qui favorisent la concurrence, nous leur ouvrons les portes de la réussite à long terme.
Je suis tout à fait d'accord avec vous que la fragmentation comporte des avantages. Nous ne sommes pas parfaits. Par exemple, le Canada applique des mesures de gestion de l'offre, entre autres.
Avec cet accord de libre-échange, nos objectifs étaient d'uniformiser les règles du jeu et d'accroître la concurrence, afin de donner plus de choix aux consommateurs et d'améliorer les prix.
Pour ce qui concerne la fragmentation, nous travaillons à un projet sur les données; ce n'est pas relié, mais je pense que cela témoigne de l'engagement de notre gouvernement. Il y a aussi beaucoup de fragmentation des données. La nouvelle économie numérique offre d'énormes possibilités dans ce domaine également, et nous avons hâte de vous présenter nos plans à cet égard.
Le sénateur Wetston : Merci.
[Français]
Le sénateur Maltais : Monsieur le ministre, le Canada s'apprête à entrer dans le marché européen. De plus en plus, il s'ouvre aux marchés asiatiques. L'agriculture canadienne est très reconnue dans le monde pour la qualité de sa traçabilité et la sécurité de ses produits. Je siège au Comité sénatorial de l'agriculture et des forêts, et tous les gens que nous avons interrogés nous disent que l'agriculture doit évoluer vers une meilleure technologie que celle que nous avons présentement, que ce soit au chapitre de la machinerie, de l'analyse et de l'entretien des sols. Elle fait également face à des contraintes environnementales. L'agriculture est-elle un secteur que vous allez privilégier au cours des prochaines années?
[Traduction]
M. Bains : Merci pour la question. Je suis totalement d'accord avec vous pour ce qui touche le potentiel de l'agriculture. C'est un des secteurs clés que nous avons nommés dans le budget : l'agroalimentaire. Comme je l'ai déjà dit, mon sous-ministre ici présent a déjà été sous-ministre de l'Agriculture; il croit donc fermement au potentiel du secteur canadien de l'agriculture.
Nous sommes d'avis qu'il s'agit pour nous d'une occasion stratégique. Comme vous l'avez dit, nous avons une très bonne réputation et la qualité de nos produits alimentaires est grande. La demande croît dans nombre de marchés importants, surtout les marchés émergents, comme la Chine et l'Inde, où la classe moyenne est très dynamique. Et devinez quoi? Ces gens veulent manger les mêmes aliments que nous, et nous les produisons ici, au Canada. Nous pouvons également mettre l'accent sur les produits à valeur ajoutée. Mon collègue, le ministre de l'Agriculture, se concentre sur la valeur ajoutée.
Pour que ce secteur prospère, comme vous l'avez dit, il faut absolument se tourner vers les nouvelles technologies. Il faut trouver comment tirer parti de nos forces. Il faut également stimuler l'innovation et verser des investissements dans l'agriculture afin de tirer avantage des possibilités offertes sur le marché mondial et d'axer davantage nos entreprises sur l'exportation. C'est pour cette raison que nous avons créé un nouveau fonds d'investissement stratégique, qui a été annoncé dans le budget.
Auparavant, ce fonds ciblait des secteurs précis, principalement ceux de l'aérospatiale et de l'automobile, et quelques autres. Nous l'avons ouvert à d'autres domaines en éliminant les contraintes relatives aux secteurs. Nous sommes d'avis que cela favorisera les propositions issues du secteur de l'agriculture.
En gros, ce fonds vise à trouver des moyens de débloquer des fonds afin de les verser dans la recherche et le développement, ainsi que de soutenir les investissements et la technologie. Nous sommes convaincus que cette initiative profitera aussi au secteur de l'agriculture. Nous avons mis d'autres mesures en place, mais d'après nous, cette nouvelle proposition contenue dans le budget aidera grandement le secteur agricole.
M. Knubley : J'aimerais ajouter deux choses, à titre d'ancien sous-ministre de l'Agriculture.
Le président : Allez-y.
M. Knubley : Nous avons collaboré de très près avec Dominic Barton et le Conseil consultatif en matière de croissance économique pour cerner les possibilités — exactement comme vous l'avez dit — liées au secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire, surtout pour ce qui touche la classe moyenne en Asie, mais aussi en Amérique du Sud.
Le Canada est très fort dans l'aspect R-D de l'agriculture. Bien sûr, nous pouvons en faire beaucoup plus. Prenons l'exemple du canola : nos découvertes ont mené à la création d'une industrie de 1 milliard de dollars. Le CNRC et Agriculture Canada ont contribué à ces découvertes. De plus, l'agriculture de précision et les souches de blé que nous avons créées au fil des années sont de très bons exemples de travaux de recherche et de développement qui ont été réalisés dans le domaine de l'agriculture.
Il ne faut plus voir l'agriculture comme une vieille industrie représentée par un tracteur Massey Ferguson dans un champ en 1949. Nous devons modifier cette image.
M. Bains : Si vous me le permettez, monsieur le président, j'ajouterais que nous allons former des groupes de travail pour chacun des secteurs : la fabrication de pointe, les ressources propres, les technologies propres et l'agroalimentaire.
Si ce dossier vous intéresse, monsieur le sénateur, nous serions ravis de vous inclure dans le processus. Le but des groupes de travail est de réunir l'ensemble des intervenants clés d'un secteur donné pour trouver des façons de renforcer les chaînes d'approvisionnement et d'atteindre nos objectifs ambitieux de croissance et d'exportation. Nous emploierons notre pouvoir rassembleur pour mobiliser tous les acteurs principaux du secteur agroalimentaire, par exemple. Nous ferons de même pour les secteurs des technologies propres, des ressources propres, de la fabrication de pointe, de l'économie numérique, et cetera.
Si cela vous intéresse, nous serions ravis de vous inclure dans le groupe du secteur agroalimentaire, car, comme je l'ai déjà dit, mon sous-ministre sera la personne-ressource qui s'occupera de ces groupes et qui coordonnera les travaux futurs.
[Français]
Le sénateur Maltais : Merci infiniment.
[Traduction]
Le président : Nous vous remercions tous les deux, monsieur le ministre et monsieur Knubley, d'avoir fait le point sur les questions relatives au commerce. Merci beaucoup.
J'aimerais aussi mentionner que votre témoignage d'aujourd'hui montre que vous reconnaissez l'importance de la propriété intellectuelle, des technologies numériques et du développement artistique. J'espère — et je crois parler au nom de tous les membres du comité — que tout se passera bien pour vous par rapport à la Commission du droit d'auteur.
M. Bains : Nous sommes ambitieux.
Le président : Nous vous souhaitons beaucoup de succès. Chaque fois que vous vous découragez, dites-vous que c'est important pour le Canada et rappelez-vous que nous sommes avec vous.
M. Bains : Merci beaucoup. Nous allons élaborer une stratégie en matière de propriété intellectuelle. Nous sommes chargés, évidemment, de l'examen du droit d'auteur, mais aussi des examens de la Loi sur les télécommunications et de la Loi sur la radiodiffusion; il y a donc beaucoup de projets intéressants à venir. Nous sommes toujours ravis de collaborer avec vous, monsieur le président.
Le président : Merci beaucoup. Nous communiquerons avec vous. Sur ce, je conclus cette partie de la séance.
(La séance se poursuit à huis clos.)